Acrostiches

La communauté => Acros => Discussion démarrée par: bunni le 18 Septembre 2012 à 00:22:36

Titre: Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Septembre 2012 à 00:22:36
Le cerf au sabot d'argent (conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=sPyGRFE1GSk#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Septembre 2012 à 23:09:24
Le briquet magique (http://www.youtube.com/watch?v=pTC3DJu3GYM#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Septembre 2012 à 23:38:32
la petite soeur du soleil (Conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=OKcyq8EjxUU#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Septembre 2012 à 00:20:50
Vassilissa la belle (conte pour enfant) (http://www.youtube.com/watch?v=E24focUjMx8#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Septembre 2012 à 00:23:40
Le papillon (conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=CvHI_Soe488#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Septembre 2012 à 00:29:26
Savitri (conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=8_T58qS_xz0#ws)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Septembre 2012 à 00:49:20
Kuz'ma et la renarde (conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=MKKs3tOpfMs#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Septembre 2012 à 01:12:00
L'aube de la naissance du monde (conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=EMDJAtqjnV0#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Septembre 2012 à 01:20:34
Fiancée de l'hiver (Conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=x0XzI02Kg0o#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Septembre 2012 à 01:47:47
Histoires pour enfants : Le secret de l'empreinte (http://www.youtube.com/watch?v=Er9SD4svUbU#ws)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Septembre 2012 à 02:01:43
Les oiseaux de feu (conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=p9nfD1wAwK8#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Septembre 2012 à 02:07:49
Alice au pays des merveilles (conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=67fVODcHGUo#)



mdrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr ;D
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Septembre 2012 à 02:25:02
Le Petit Prince : L'intégrale (http://www.youtube.com/watch?v=FOFWrtdvnKI#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: eileen le 19 Septembre 2012 à 07:12:21
Bunni, je trouve ton idée excellente.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Septembre 2012 à 14:59:10
Le jardin sur l'océan (http://www.youtube.com/watch?v=6Nt3LD2VCj4#ws)



Merci Eileen , mais à vous d'en mettre aussi  :P
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: eileen le 20 Septembre 2012 à 08:17:46
Je suis évidemment tentée car le sujet me passionne depuis toujours.

Il y a dans les contes du 2ème (voire du 3ème) degré qui mérite vraiment le détour.

Le souci est que ça ne serait plus un post,  mais une thèse que je soumettrais   :)

Le  "lynchage sur place publique" dont j'ai eu un avant-goût m'ayant suffit, je préfère demeurer lectrice  ;)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Septembre 2012 à 19:14:15
La forêt des lilas (Conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=H4rxL2-S5Nw#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Septembre 2012 à 19:16:14
La légende du roi du lac (conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=BGCtlFR0ETA#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Septembre 2012 à 19:19:26
Histoire pour enfants : Les Piafs (http://www.youtube.com/watch?v=sZ18nMAbrO0#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 21 Septembre 2012 à 11:07:53
Le trésor enterré

IL ETAIT UNE FOIS, dans la ville de Cracovie, un vieillard pieux et généreux qui s'appelait Izy. Plusieurs nuits de suite, il rêva qu'il allait à Prague et arrivait sur un pont au-dessus d'une rivière. Il rêva que sur l'une des berges de la rivière, sous le pont, se trouvait un bel arbre feuillu. Il rêva que lui-même creusait un puits à côté de l'arbre et que, de ce puits, il sortait un trésor qui lui apportait bien-être et tranquillité pour le restant de ses jours.

Au début, Izy ne lui accorda que peu d'importance. Mais, comme ce rêve se répéta pendant plusieurs semaines, il l'interpréta comme un message et décida qu'il ne pouvait ignorer ce renseignement qui lui venait de Dieu - ou allez savoir d'où - pendant son sommeil.

C'est ainsi que, se fiant à son intuition, il chargea sa mule en vue d'un long voyage et se mit en route pour Prague.

Au bout de six jours de marche, le vieillard arriva à Prague et se mit en quête du pont qui enjambait une rivière aux abords de la ville.

Il n'y avait pas trente-six rivières, ni trente-six ponts, aussi découvrit-il rapidement l'endroit qu'il cherchait. Tout était exactement comme dans son rêve : la rivière, le pont et, sur l'une des berges, l'arbre sous lequel il devait creuser.

Un seul détail ne figurait pas dans le rêve : jour et nuit, le pont était gardé par un soldat de la garde impériale.
Izy n'osait pas creuser tant que le soldat était là; il campa donc près du pont et attendit. La deuxième nuit, le soldat commença à suspecter cet homme qui campait près du pont, aussi s'approcha-t-il pour l'interroger.

Le vieil homme, ne trouvant aucune raison de lui mentir, lui raconta qu'il était venu d'une ville très lointaine parce qu'il avait rêvé qu'à Prague, sous un pont comme celui-ci, était enfoui un trésor.
Le garde se mit à rire aux éclats.

« Tu as voyagé longtemps pour une chose stupide, lui dit-il. Depuis trois ans, je rêve toutes les nuits que dans la ville de Cracovie, sous la cuisine d'un vieux fou nommé Izy, est enterré un trésor. Ah, ah, ah Crois-tu que je devrais aller à Cracovie chercher cet Izy et creuser dans sa cuisine ? Ah, ah, ah! »

Izy remercia aimablement le garde et s'en retourna chez lui.
En arrivant, il creusa un trou dans sa cuisine et découvrit le trésor qui avait toujours été enterré là.

( Jorge Bucay)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Septembre 2012 à 22:41:38
Tu seras pirate mon fils (Conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=urnQtcxDQew#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Septembre 2012 à 22:50:46
Les sept questions (http://www.youtube.com/watch?v=uaiEK78r_ak#ws)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 21 Septembre 2012 à 23:05:25
Une petite visite des petits châteaux en miniatures de nos contes de fées !! trop mignon, j'y suis allée avec petits-enfants, j'habite à 5mn de disneyland lol



http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=8vw5O3Vg_nc#t=255s (http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=8vw5O3Vg_nc#t=255s)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 21 Septembre 2012 à 23:11:03
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=57IkddAIf84#t=53s (http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=57IkddAIf84#t=53s)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Septembre 2012 à 23:42:27
Le chasseur d'aurore (http://www.youtube.com/watch?v=DmCeizlmTyg#ws)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Septembre 2012 à 00:02:53
Le grain de Maïs, Mémoire de toutes les histoires... (http://www.youtube.com/watch?v=nAxV_fUJ3hI#ws)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Septembre 2012 à 01:10:16
Monstres & Merveilles, contes de légendes : la quête de la peur (http://www.youtube.com/watch?v=z0XnJpzViLE#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 22 Septembre 2012 à 09:45:24
L'histoire des trois sourds

C'est l'histoire d'une femme. Elle était sourde, tellement sourde qu'elle n'entendait rien. Tous les matins elle portait son enfant sur son dos et elle se rendait à son champ. Elle avait un immense champ d'arachides. Et un matin qu'elle était là, tranquillement à travailler dans son champ, arrive un monsieur. Un monsieur tellement sourd qu'il n'entendait rien. Et ce monsieur cherchait ses moutons. Ecoutez-bien ! Il s'adressa à la dame :
-  « Madame, je cherche mes moutons, leurs traces m'ont conduit jusqu'à votre champ. Est-ce que vous ne pourriez pas m'aider à les retrouver ? D'ailleurs, on les reconnaît bien mes moutons, parmi eux, il y a un mouton blessé. Madame si vous m'aidez à retrouver mes moutons, je vous donnerez ce mouton blessé vous pourrez toujours vous en servir. »

"Mon champ s'arrête la bas !"

Mais elle, n'ayant rien entendu, rien compris, elle a pensé que ce monsieur lui demandait juste jusqu'où son champ s'arrêtait. Elle se retourna pour lui dire :
-  « Mon champ s'arrête là-bas. » Le monsieur a suivi la direction indiquée par la dame et par un curieux hasard il trouva ses moutons en train de brouter tranquillement derrière un buisson. Tout content il les rassembla et est venu remettre à la dame le mouton blessé. Mais celle-ci, n'ayant rien entendu, rien compris, elle a pensé que ce monsieur l'accusait d'avoir blessé son mouton. Alors elle s'est fâchée :
-  « Monsieur, je n'ai pas blessé votre mouton. Allez accuser qui vous voulez mais pas moi. D'ailleurs des moutons, je n'en ai jamais vus. » Le monsieur quand il a vu que la femme se fâchait, il a pensé que cette femme ne voulait pas de ce mouton mais qu'elle voulait d'un mouton plus gros. Et à son tour, il se fâcha :
-  « Madame, c'est ce mouton que je vous ai promis. Il n'est pas du tout question que je vous donne le plus gros de mes moutons. » Tous les deux il se fâchèrent, ils se fâchèrent à un tel point qu'ils finirent par arriver au tribunal. Et le tribunal dans cette Afrique d'il y a longtemps, cela se passait sur la place du village, à l'ombre d'un grand arbre, l'arbre à palabres le plus souvent un baobab. Et le juge, lui qui était en même temps le chef du village il était là entouré de tout ces gens qu'on appelle les notables. La dame et le monsieur sont arrivés tout en continuant leur querelle. Et après les salutations c'est elle qui parla la première :
-  « Ce monsieur m'a trouvé dans mon champ, il m'a demandé jusqu'où mon champ s'arrêtait. Je lui ai montré et j'ai repris mon travail. Ce monsieur est parti et quelques instants après il est revenu avec un mouton blessé m'accusant de l'avoir blessé. Or moi je jure que des moutons j'en ai jamais vus. Voilà pourquoi on est ici monsieur le juge. » C'était au tour du monsieur :
-  « Je cherchais mes moutons, dit-il, et leurs traces m'ont conduit jusqu'au champ de cette dame. A cette dame j'ai dit que si elle m'aidait à retrouver mes moutons je lui donnerais un d'entre eux mais j'ai bien précisé le mouton blessé. Elle m'a montré mes moutons, c'est ce mouton blessé que je lui ai donné. Elle veut un mouton plus gros. Pensez-vous que je vais lui donner le plus gros de mes moutons à deux pas de la fête des moutons ? » Le juge se leva. Il était aussi sourd qu'un pot. Et quand il a vu l'enfant sur le dos de sa mère il a pensé qu'il ne s'agissait là que d'une petite querelle de ménage. Alors il s'adressa au monsieur :
-  « Monsieur. Cet enfant est votre enfant. Regardez d'ailleurs comment il vous ressemble. A ce qu'il me semble vous êtes un mauvais mari. Et vous madame, des petits problèmes comme cela. Ce n'est pas la peine de venir jusqu'ici étaler ça devant tout le monde. Rentrez chez vous ! Je souhaite que vous vous réconciliez. » Ayant entendu ce jugement, tout le monde éclata de rire. Et le rire contamine le juge, la dame et le monsieur. Que firent-ils ? Ils éclatèrent de rire bien que n'ayant rien compris. Et c'est à partir de là que le conte pose sa question : Le conte voudrait savoir, lequel de ces trois est le plus sourd ?

La Leçon
Il vaut mieux ne pas se dépêcher de donner une réponse. On conseille quelque part en Afrique, d'avoir le cou aussi long que celui du chameau, afin que la parole avant de jaillir puisse prendre tout son temps.

Source : http://www.bonaberi.com (http://www.bonaberi.com)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 22 Septembre 2012 à 12:42:14
LES TROIS FILS ET LA VERITE,

Le Royaume de Sabou avait un puissant chef du nom de Moro. Non seulement Moro était puissant mais en plus il était détenteur du sceptre de Viziok, un bâton magique permettant de diriger la foudre.

Un jour, Moro sentit la fin de sa vie arriver. Il fit venir ses enfants afin de leur parler :

- Mes fils, écoutez-moi ! Je suis devenu faible, il faut que le plus courageux d'entre vous me remplace. Pour que je choisisse mon successeur, il faut que chacun me conte son œuvre la plus fantastique.

Le premier de ses fils pris alors la parole :
- Père, tu te souviens lorsque les envahisseurs ont attaqué notre Royaume. Moi seul les ai combattus et les ai mis en déroute avec pour seule arme mes mains alors qu'ils étaient fortement armés et nombreux.

Le deuxième fils parla à son tour :
- Père, tu te souviens lorsque les lions de la grande forêt ont attaqué notre peuple. Moi seul ai osé les combattre et les ai mis à mort avec comme seul arme mes poings.

Ce fut alors au tour du troisième enfant de Moro : - Il est vrai que nous avons été attaqués par des envahisseurs et par des lions. Moi, je ne les ai pas combattus seul et ni avec mes mains. J'ai pris mes meilleures armes et appelé l'armée ce qui a permis de vaincre les lions et de repousser nos agresseurs. Le vieux chef, après l'audition de ses trois enfants réfléchit pendant longtemps et déduit que l'enfant le plus courageux était celui qui avait dit la vérité c'était à dire son troisième fils. Moro l'appela et lui dit :
- Puisque tu as dit la vérité, tu es le plus courageux. Je te remets le sceptre de Viziok qui te permettra de diriger le royaume de Sabou une fois ma fin venue.

Ses deux autres enfants apprirent alors à leurs dépens que dire la vérité est souvent l'acte le plus courageux qui existe en ce monde.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Septembre 2012 à 16:34:21
Légendes de l'Attrapeur de rêves (http://www.youtube.com/watch?v=N8XkpzOQdo0#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Septembre 2012 à 18:50:08
"J'ai vu un vide dans l'Homme" - Histoire Maya (http://www.youtube.com/watch?v=z4dWaEM4voI#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Septembre 2012 à 20:26:02
la légende de femme bison blanc.wmv (http://www.youtube.com/watch?v=u_QfyOokpdA#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Septembre 2012 à 20:56:15
Monstres & Merveilles, Contes de légendes : La promise (http://www.youtube.com/watch?v=DS2IXYds97g#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 23 Septembre 2012 à 00:45:51
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=ddJwBmJDrQU#t=39s (http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=ddJwBmJDrQU#t=39s)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 23 Septembre 2012 à 11:46:59
L'homme et les éléphants

Conte burkinabé


Jadis un homme fit un champ dans la brousse. Quand le mil fut mûr, tous les jours les éléphants venaient le manger et l'abîmer. L'homme ne sachant pas qui faisait cela résolut d'attendre un jour avec son sabre et de tuer qui viendrait. Il alla dans son champ et monta sur un arbre. Vers minuit deux éléphants survinrent. L'un dit : " Je sens quelque chose ici. " L'autre répondit : " Tu es un menteur, il n'y a rien. " Un moment après il sentit quelque chose et dit : " Ah oui ! C'est vrai ! Tu avais raison. " Ils regardèrent dans l'arbre et y virent l'homme. Ils l'attrapèrent donc avec leurs trompes et le descendirent. " Qu'est-ce que tu fais ici ?
-  Tous les jours, on venait abîmer mon mil. Je me suis mis là pour savoir qui c'était, mais si j'avais su que c'était vous, les éléphants, je ne serais certainement pas venus. " Les éléphant, flattés, lui dirent : " Ta réponse nous plaît. Demande-nous ce que tu veux. Nous te le donnerons. " Alors l'homme dit : " Je n'ai besoin de rien pour moi, mais ma femme, chaque fois qu'elle a un enfant, le voit mourir. Je voudrais bien que cela n'arrive plus.
-  Très bie, dit l'éléphant,je vais te donner un remède pour cela ? " Il lui donna une chaîne en fer et lui dit : " Quand tu iras chez toi, frappe la tête de ta femme avec cette chaîne. La chaîne disparaîtra alors. Et, si ta femme a un enfant ensuite, il ne mourra plus. " L'homme revint chez lui, frappa la tête de sa femme avec la chaîne et la chaîne disparut. La femme eut ensuite un enfant. Le jour où elle accoucha, on trouva la chaîne en fer au cou de l'enfant. Clui-ci survécut. Depuis cette époque, les femmes cherchent les remèdes pour mettre au cou de leurs enfants pour qu'ils ne meurent pas.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Septembre 2012 à 16:34:39
forêt de Brocéliande : Terre de légendes (http://www.youtube.com/watch?v=_GO-Tme4oSo#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 23 Septembre 2012 à 16:40:01

LES CONTES DE LOKMAN
LA GAZELLE ET LES CHASSEURS
EN ARABE DIALECTAL ALGÉRIE
N

http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=U47b4ePjmWU#t=73s (http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=U47b4ePjmWU#t=73s)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: magnolia le 24 Septembre 2012 à 16:13:35
Boucle d'Or et les trois ours. Histoire pour enfants (http://www.youtube.com/watch?v=Ct7wWRJHPE0#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Septembre 2012 à 17:37:26
La legende de la pierre qui tourne (http://www.youtube.com/watch?v=dOSRBHmKx7Y#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Septembre 2012 à 18:42:31
Monstres et merveille - les 3 corbeaux (http://www.youtube.com/watch?v=k3e8bRWD2mU#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Septembre 2012 à 20:57:14
Hugh (http://www.youtube.com/watch?v=nj9uV0FESlw#ws)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Septembre 2012 à 23:33:49
Ka Be Mub Be (conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=493HARe0crI#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Septembre 2012 à 23:44:59
Le loup et le raton laveur (conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=pIEmuVo10Ig#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Septembre 2012 à 23:50:01
Les 2 filles et le mauvais esprit (conte pour les enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=LVwJgKo8qkI#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Septembre 2012 à 00:07:38
Monstres et merveille - belle chagrin 1/2 (http://www.youtube.com/watch?v=qlePvQHKBE8#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Septembre 2012 à 00:23:40
Monstres et merveille - belle chagrin 2/2 (http://www.youtube.com/watch?v=H_dwcDWFmGc#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 25 Septembre 2012 à 14:57:00
L'arbre aux fourmis

Aux temps des origines, le jour éclatant ne cédait jamais place à la nuit.
Jamais on ne voyait monter la lune dans le ciel sombre. Où peut-être décrivait-elle sa course en secret, masquée par la lumière éblouissante ?

Seul, bien vivant, dressé dans l'immensité, sans souci du temps, se déployait l'arbre du monde. Il se
nourrissait des vents changeants de l'atmosphère : le vent de soleil faisait miroiter ses feuilles,
celui de pluie y laissait tambouriner ses gouttes et le désaltérait.
Une colonie de fourmis avait élu domicile sur l'arbre. C'étaient les seuls animaux vivant en ces temps
anciens. Elles se suivaient en procession sur le tronc, continuaient jusqu'au bout des branches et se
régalaient des feuilles.
Le vent de soleil, le vent de pluie, l'arbre du monde et les fourmis, tous étaient issus du Verbe du Créateur.

Un jour, le vent de tempête décida de lutter avec l'arbre, pour voir qui serait le plus fort. Il déchaîna ses bourrasques et les enroula avec fureur autour de lui.
Le tronc se mit à tanguer, à craquer. L'arbre frémissait de toutes ses branches, s'arc-boutait sur ses
racines. Il semblait entraîné dans une danse endiablée.
Mais le vent se lassa brusquement de ce jeu et, le calme revenu, les fourmis se remirent à dévorer mécaniquement les feuilles, comme si rien ne s'était passé. Elles en dévorèrent tant et tant qu'à la
fin il n'en resta plus une.

Qu'allaient-elles manger à présent, sinon leurs propres excréments ?
Elles se mirent à les mastiquer avec ardeur, à les digérer de nouveau si bien qu'ils formèrent une
montagne aussi haute que l'arbre. C'était la terre.
Le vent de tempête souffla le froid sur la montagne et les excréments se transformèrent en pierres.
Il creusa des vallées et sculpta des crêtes. La glace et la gelée blanche firent leur apparition.
Pour s'amuser, le vent se mit alors à souffler le chaud : les glaces fondirent, les eaux déferlèrent
de la montagne, noyant toutes les fourmis sur leur passage. Puis grâce au vent d'humidité, les
racines de l'arbre se déployèrent dans le sol et des pousses tendres jaillirent de l'humus.

Le Verbe créateur fit naître les animaux à sang froid et à sang chaud, puis les hommes et les femmes.
Il donna à chaque oiseau son cri, au renard, son glapissement, et à l'Homme, la parole.

Extrait de Aux commencements du monde, Martine Corde-Cortez, Editions du Seuil, 2001
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Septembre 2012 à 18:13:50
Le fantôme de l'arbre.

" Texte de Douglas Hyde puis traduit du Gaelique en Français par Georges Dottin"


Dans l'ancien temps, il y avait un homme qui s'appelait Pâdîn Ruadh 0'CeaIlaigh et qui demeurait au pied de la colline du Petit-Nêifin. Il était marié, mais il n'avait pas d'autre enfant qu'une fille, qui était aveugle de naissance. Voici le nom que lui donnaient les voisins: Nora Dall (Nora l'aveugle), et ils avaient l'idée qu'elle avait des rapports avec les bonnes gens. Pâidîn n'avait dans sa ferme que deux acres de terre, et pour cette raison, il était très pauvre; il était dehors chaque nuit, qu'il fît humide ou sec, froid ou chaud, il ne savait pas ce qui l'attirait dehors, mais il était d'une nature remuante et il ne pouvait pas rester chez lui.Dans l'ancien temps, les gens croyaient que tous les pûca et les fantômes de la terre sortaient la nuit de Samhain  pour détruire les mûres, et les gens n'auraient pas mis la moindre mûre dans leur bouche après cette nuit-là. Mais Pâidîn n'avait peur de rien au monde.
Une nuit de Samhain, Pâidîn sortit, comme il en avait l'habitude, et il marcha jusqu'à ce qu'il arrive à la hauteur d'une vieille cill (nom de l'enclos qui contient l'église et le cimetierre). Il y avait un arbre élevé dans la cill. La lune était dans son plein et elle donnait une belle lumière; Pâidîn regarda en l'air et il vit un homme grand qui sautait d'arbre en arbre. Tous les cheveux qu'il avait sur la tête se dressèrent et une sueur froide commença à couler sur son corps; il ne pouvait pas mettre un pied devant l'autre. Le fantôme sauta à terre, s'arrêta devant Pâidîn et lui dit:-       N'aie pas peur de moi, je ne te ferai aucun mal ; tu as bon courage et je vais te montrer la troupe des fées de Connacht (Connaught) et de Mûmhan (Munster) en train de jouer à la balle sur le sommet de la colline du Grand-Nêifin.
II saisit Pâidîn par les deux mains, le jeta sur son dos comme une femme jette un enfant d'un an, sauta sur l'arbre et, en route, d'arbre en arbre, jusqu'à ce qu'il arrive au sommet du Grand Nêifin et qu'il dépose Pâidîn doucement et mollement au sommet de la colline. La troupe des fées de Connacht et celle de Mûmhan ne furent pas longues à arriver; elles se mirent à jouer à la balle en présence de Padraic et du fantôme, et jamais homme vivant n'avait vu une chose aussi amusante: Pâidîn riait tant qu'il pensa éclater. À la fin, le roi de la troupe des fées de Connacht s'écria:
-       Hé ! fantôme des arbres, quelle est la troupe qui a gagné  la partie?

-       La troupe de Connacht, dit le fantôme.

-       Tu es en train de dire un mensonge, dit le roi de la troupe des fées de Mûmhan, et nous allons combattre avant d'abandonner la partie aux gens de Connacht.

Ils commencèrent à combattre et ce n'était pas un combat pour rire qu'ils livrèrent, on brisa des crânes, des mains et des pieds et la colline fut rouge de sang. Le roi des fées de Mûmhan jeta un cri à la fin, et dit:

-       Paix, je vous cède la victoire cette fois-ci, mais nous combattrons de nouveau la nuit de Bealtaine.

Alors le fantôme des arbres dit aux deux rois:

-       Payez cet homme en vie que j'ai amené ici, vous n'auriez pas pu jouer à la balle sans lui.
-       Tu dis vrai, dit le roi de la troupe des fées de Connacht, et il tendit une bourse d'or à Pâidîn.

-       Je ne serai pas moins généreux que lui, dit le roi de la troupe des fées de Mûmhan, et il lui tendit une autre bourse, et en un tour de main, les deux troupes disparurent.

Alors le fantôme lui dit :

-       Tu as pas mal d'argent maintenant, y a-t-il quelqu'autre chose que tu désirerais?

-       Oui, en vérité, il y en a, dit Pâidîn : j'ai une fille qui est aveugle de naissance, et je voudrais bien qu'elle vît clair.

- Elle verra clair avant que le soleil ne se couche, demain soir, dit le fantôme, si tu suis mon conseil. Il y a un petit buisson qui croît sur la tombe de ta mère; prends-en une épine et enfonce-la dans la pustule qui est derrière la tête de ta fille, et elle verra aussi bien que toi; mais si tu racontes ton secret à n'importe quel homme vivant, elle deviendra aveugle de nouveau. Il est temps pour nous maintenant de nous en aller, car j'ai à te montrer ma demeure avant que tu ne retournes chez toi.

Alors, il prit Pâidîn des deux mains, il le jeta sur son dos et, en route, il ne s'arrêta pas jusqu'à ce qu' il le dépose sous le grand arbre, dans la cill, doucement et mollement. Puis il saisit l'arbre, le souleva et dit :

-       Suis-moi.

Pâidîn entra et le fantôme tira l'arbre après lui; ils descendirent un bel escalier et arrivèrent à une grande porte; il ouvrit la porte et ils entrèrent. Quand Pâidîn regarda autour de lui, il vit bon nombre de gens qui étaient morts dans son voisinage, des années auparavant; quelques-uns souhaitèrent la bienvenue à Pâidîn et ils lui demandèrent quand il était mort :
       Je ne suis pas mort encore, dit Pâidîn.

-       Tu plaisantes, dirent-ils, et s'il n'était pas vrai que tu es mort, tu ne serais pas ici au milieu de la troupe des trépassés.

Le fantôme s'approcha, et dit:

-       Ne crois pas ces gens-là; tu as une longue vie heureuse devant toi; viens avec moi maintenant; il sera temps pour toi de retourner à la maison. Voici pour toi un petit pot, et n'importe quand tu auras besoin de nourriture, frappe trois coups sur la pierre et dis : « Nourriture et boisson, et gens de service », et tu auras tout ce que tu désires, mais si tu t'en sépares, tu t'en repentiras. Voici aussi pour toi un petit sifflet, et, n'importe quand tu seras en détresse, souffle dedans, et tu seras secouru, mais, sur ton âme, ne t'en sépare pas.

Là-dessus, il enleva Pâidîn ; il le laissa sur la route et lui dit:

-       Sur ton âme, ne raconte à nulle personne vivante aucune des choses que tu as vues cette nuit.

Pâidîn alla chez lui, à la pointe du jour, et sa femme lui demanda où il avait passé la nuit.

-       Je n'ai pas flâné, dit-il.

Il déposa le petit pot et il dit :

- « nourriture et boisson »,

mais il avait oublié de frapper les trois. coups sur la pierre et il ne vint rien du tout; il se rappela alors, il frappa les trois coups et deux jeunes femmes sautèrent hors du pot, mirent la table, et dessus toutes sortes de choses à manger et à boire aussi bonnes que celles qui étaient sur la table du roi. Pâidîn et sa femme et Nôirîn Dall mangèrent et burent bien leur content et quand ils eurent fini, les jeunes femmes entrèrent dans le pot et Pâidîn mit la pierre dessus. Alors il dit à sa femme:

-       Nôirîn ne sera pas longtemps aveugle, je vais la guérir sans retard, mais ne me demande pas de renseignements à ce sujet, car je ne puis pas t'en donner.

-       Tu es en train de te moquer de moi, dit la femme, elle est aveugle de naissance.

-       Attends à voir, dit Pâidîn.

Et le voilà sorti, et il ne s'arrêta pas qu'il ne fût arrivé au buisson qui croissait sur la tombe de sa mère; il trouva l'épine et vint à la maison; il saisit Nôirîn, il enfonça l'épine dans la pustule et elle s'écria:

-       Je vois tout!

La mère se frotta les mains de joie et dit à Pâidîn :

-       L'amour et la veine de mon cœur, c'est toi; tu es l'homme le meilleur qu'il y ait au monde.

Ensuite, il frappa trois coups sur la pierre du petit pot et dit:

- «Nourriture et service ».

Ces mots n'étaient pas plus tôt hors de sa bouche que les deux femmes sortirent du pot; mirent la table devant Pâidîn, et dessus, toutes sortes de choses meilleures que celles qui étaient sur la table du roi ; ils mangèrent et burent, lui, sa femme et Nôirîn, tout leur content, et, quand ils eurent fini, les jeunes femmes mirent tout dans le pot, elles y entrèrent elles mêmes et Pâidîn mit la pierre sur le pot.

Le bruit se répandit que Pâidîn avait beaucoup de richesses, et tout ce qu'il désirait. Les gens furent remplis d'envie, et se dirent les uns aux autres qu'il n'était pas juste qu'il fût en vie, et ils formèrent un complot pour le tuer; mais il y avait parmi eux un ami; c'était le frère de la femme de Pâidîn, et celui-ci le prévint. Pâidîn mit le sifflet dans la bouche; il souffla dedans et peu de temps après, il entendit murmurer à son oreille: -       Sors, et prends les herbes qui sont dans ton jardin, au pied du mur ; manges-en et donne le reste à ta femme et à ta fille, et chacun de vous aura autant de fois la force d'un homme qu'il y a de cheveux sur vos têtes. Avec le maillet qui est sur le mur de ta maison, tu peux battre tout ce qu'il y a d'hommes dans la paroisse.

Au matin, le lendemain, les hommes et les femmes du village vinrent pour tuer Pâidîn ; ils l'appelaient Lorgadân  et Fearsidh (homme-fée) et dirent que s'il ne sortait pas, ils brûleraient la maison par-dessus sa tête. Pâidîn vint à la porte, leur dit de s'en retourner chez eux, qu'il n'avait fait de tort à aucun d'entre eux; mais rien ne pouvait les satisfaire, sinon le meurtre de Pâidîn. Pâidîn saisit le maillet et.la femme un manche de bêche et la fille un ribot de baratte et les voilà sortis; les gens qui étaient dehors autour de la. maison les attaquèrent, mais Pâidîn ne fut pas long à les mettre en déroute; il en laissa la moitié étendus par terre, et il ne lui causèrent pas d'autre désagrément à partir de ce jour.Il est vrai, le dicton, qu'une femme ne peut pas garder un secret, et ce même dicton devint vrai alors; la femme de Pâidîn parla du petit pot à une autre femme; celle-ci le raconta à une autre, en sorte que l'histoire passa de bouche en bouche jusqu'à ce qu'elle arrive aux oreilles du seigneur de la terre: celui-ci vint trouver Pâidîn et dit:

-       J'ai entendu dire que tu avais un pot merveilleux; montre le-moi.

Pâidîn lui montra le petit pot et alors le seigneur lui dit :

-       Montre-moi la vertu qui est en lui.

Pâidîn frappa trois coups sur la pierre du pot et dit:

- «Nourriture et service. »

Il n'avait pas plus tôt dit ces mots que les deux jeunes femmes sautèrent hors du pot et mirent la table avec de la nourriture et de la boisson dessus, devant Pâidîn et le seigneur.

- Par ma main, dit celui-ci, voilà un bon pot; il serait juste que tu me le prêtes un jour, car il y a des gentilshommes qui iront me rendre visite, un jour de la semaine qui vient.

Pâidîn réfléchit à ce qu'il ferait, et enfin il dit:

-       Le pot n'aurait aucune vertu si je n'étais pas présent.

       Tu peux venir, et tu seras le bienvenu, dit le seigneur de la terre, mais sois bien habillé.

-       Je le serai, dit Pâidîn, car il était fier d'être parmi les gentilshommes.

-       Lundi matin sois à ma maison, et sur ton âme ne me manque pas de parole, dit le seigneur.

Le lendemain, Pâidîn acheta un nouveau vêtement complet et quand il l'eut mis, il avait si bon air qu'il s'en fallut de peu que sa femme et sa fille ne le reconnussent pas. Le lundi matin, il prit avec lui le petit pot et il alla à la maison du seigneur. Il y avait là une grande réunion de gentilshommes; le seigneur fit entrer Pâidîn et le petit pot dans le salon, et dit:

-       Fais préparer de la nourriture et de la boisson que je voie s'il y en aura assez pour rassasier ces gentilshommes.

Pâidîn frappa trois coups sur la pierre du pot et dit:

- «Nourriture, boisson et gens de service.»

Sur-le-champ, six jeunes femmes sautèrent ensemble hors du pot, elles dressèrent une belle table, et dessus il y avait à boire et à manger toutes sortes de choses meilleures les unes que les autres.
Le seigneur invita alors les gentilshommes; ils entrèrent et ils furent pleins d'admiration quand ils virent la belle table et tout ce qui était dessus; ils mangèrent et burent leur content, mais bientôt, un sommeil lourd s'empara d'eux tous et quand ils s'éveillèrent, le toit de la maison avait disparu sans qu'on sût ce qu'il était devenu. Le petit pot, le sifflet et les deux bourses d'or de Pâidîn avaient disparu, et il était aussi pauvre qu'il avait jamais été.

Pendant qu'il était plongé dans le sommeil de l'ivresse, un lorgadân était venu qui avait emporté le tout, et le malheur tomba sur Pâidîn parce qu'il n'avait pas gardé le secret de son ami, le fantôme des arbres.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Septembre 2012 à 18:38:09
Monstres et merveilles.le geant sans coeur 1/2 (http://www.youtube.com/watch?v=XS7vxUojVVM#)


monstres et merveilles.le geant sans coeur 2/2 (http://www.youtube.com/watch?v=Ok3BBJu0cdQ#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Septembre 2012 à 17:16:14
Monstres & Merveilles, Contes de légendes : L'enfant de la chance (http://www.youtube.com/watch?v=1c1qalOW96k#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Septembre 2012 à 00:52:21
Monstres & Merveilles, Contes de légendes : La mort emprisonnée (http://www.youtube.com/watch?v=zzzhNz1FLrc#)



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: uncafenoir le 29 Septembre 2012 à 14:18:45
Julos Beaucarne Le professeur et le sage (http://www.youtube.com/watch?v=ky3T7DoJC8A#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 29 Septembre 2012 à 20:07:56
Raconte Moi une Histoire. Ep.02. Hans et Gretel - Partie I (http://www.youtube.com/watch?v=u0K_YNRRBFg#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 30 Septembre 2012 à 10:20:10
Conte pour enfants : Le petit poucet (http://www.youtube.com/watch?v=U97KUKM9Nuc#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 30 Septembre 2012 à 18:44:53
Monstres et Merveilles - Une Histoire En Moins (1ere Partie) (http://www.youtube.com/watch?v=Js7h5q7stSY#)



Monstres et Merveilles - Une Histoire En Moins (2e Partie) (http://www.youtube.com/watch?v=5LucYmPkAIw#)



Monstres et Merveilles - Une Histoire En Moins (3e Partie) (http://www.youtube.com/watch?v=PlUpNgOt5qo#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 02 Octobre 2012 à 16:37:44
La légende des Auvergnatus (http://www.youtube.com/watch?v=8ssQrceNYno#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 03 Octobre 2012 à 17:36:56
Fables et contes traduits de la littérature arabe ancienne. par Fahd TOUMA   Professeur Enseignant de langue et civilisation arabes.
Les fables Orientales :
Si Jean de La Fontaine reconnait s'être inspiré largement d' Esope et de Phèdre, le professeur Fahd Touma dans son execellent recueil nous apporte la preuve que: La Fontaine , Florian et bien d'autres, ont eu recours aussi aux fables et contes arabes.
Et Fahd Touma nous donne beaucoup d'exemples tels que :


- la souris du logis et le rat du désert écrite par Al-Ibsihi s'est tranformée Le Rat des villes et le rat des champs par La Fontaine.


La souris du logis et la souris du désert.   


On raconte que la souris du logis vit la souris du désert dans la gêne et la peine ; elle lui dit :
-« Que fais-tu ici ? viens avec moi au logis car il y a toutes sortes d'opulence et d'abondance ». Alors la souris du désert
vint avec elle.
Mais voici que le propriétaire du logis qu'elle habitait lui tendit un piège, constitué par une brique au-dessous de laquelle il avait placé un bout de graisse. Elle se précipita pour prendre le gras, la brique lui tomba dessus et l'écrasa. La souris des champs s'enfuit, hochant la tête et, étonnée, elle dit :
-« Certes, je vois une grande abondance, mais aussi une grande affliction ; par conséquent, la santé avec la pauvreté me sont plus douces que la richesse qui conduit à ma perte. » Puis elle s'enfuit vers le désert
.









Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Octobre 2012 à 21:34:31
4 petits contes chinois (http://www.youtube.com/watch?v=ca6pe1SNuoM#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Octobre 2012 à 22:13:34
Contes pour enfants : Le petit désordonné (http://www.youtube.com/watch?v=GjUm7dADPXg#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Octobre 2012 à 22:29:21
contes pour enfants: "le petit orgueilleux" (http://www.youtube.com/watch?v=d5G0SpZT6fI#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Octobre 2012 à 22:31:55
Conte pour enfants: "Robeen le petit migrateur" (http://www.youtube.com/watch?v=zPk4BQcKzo4#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Octobre 2012 à 21:31:27
le gardien des paroles (http://www.youtube.com/watch?v=5baHVhqL2-I#ws)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 05 Octobre 2012 à 17:07:40
Le chasseur d'aurore (http://www.youtube.com/watch?v=DmCeizlmTyg#ws)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Octobre 2012 à 01:50:34
Trois Noisettes pour Cendrillon FR - Film entier (http://www.youtube.com/watch?v=6UGQ-5vb8_Y#ws)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Octobre 2012 à 01:08:02
Les lapins de flopsaut - Dessin animé (http://www.youtube.com/watch?v=YqBcBU6vhzI#)


Arggggggggggggggg ,je n'arrive pas a tout mettre en français.




Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Octobre 2012 à 02:32:30
La légende de Lobo (Walt disney) Partie 1.avi (http://www.youtube.com/watch?v=pzr9J1byeMg#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Octobre 2012 à 02:47:50
La légende de Lobo (Walt disney) Partie 2.avi (http://www.youtube.com/watch?v=i1XtkCgGoe0#)



mdrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr, le narrateur est excellent !!
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Octobre 2012 à 03:07:15
La légende de Lobo (Walt disney) Partie 3.avi (http://www.youtube.com/watch?v=8Gwt0p5AftE#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Octobre 2012 à 03:30:36
La légende de Lobo (Walt disney) Partie 4.avi (http://www.youtube.com/watch?v=_xov8Y7F7r4#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Octobre 2012 à 03:34:12
La légende de Lobo (Walt disney) Partie 5.avi (http://www.youtube.com/watch?v=oDIV-ivNm4w#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Octobre 2012 à 19:34:58
La légende du Niagara (conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=_kvgvTXmyQk#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: verdun le 08 Octobre 2012 à 10:41:07
Jéha et le palmier

Jéha plantait un palmier dans son jardin. Le sultan vint à passer ;
il s'arrêta et dit à Jéha d'un ton moqueur :
-"Voyons, Jéha ! Pourquoi te donnes-tu tant de peine ? Tu ne mangeras jamais les fruits de ce palmier. Tu sais bien que tu mourras avant qu'il ne commence à produire des dattes".

Au lieu de se fâcher, Jéha répondit tranquillement :
-"Oh ! Sultan, nous mangeons les fruits des palmiers plantés par nos pères, et nos enfants mangeront les fruits des palmiers plantés par nous".

Cette réponse sage plut au sultan qui, en récompense, donna une pièce d'or à Jéha.
-"Oh ! Sultan, lui dit Jéha, voyez comme ce palmier a donné rapidement des fruits".

La remarque de Jéha fit rire le sultan, qui lui donna une autre pièce d'or.
-"C'est de plus en plus extraordinaire, s'écria Jéha. Voilà un palmier qui donne deux récoltes par an".
Le sultan se mit à rire aux éclats. Il donna une troisième pièce d'or à Jéha, puis il reprit son chemin.


_________________
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: verdun le 08 Octobre 2012 à 11:22:33
Histoire pour enfant - Le Monde d'Hugo - Conte de Provence - La pelle à four - Miwiboo (http://www.youtube.com/watch?v=bARznnMN4Mg#ws)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 08 Octobre 2012 à 16:58:56
http://www.youtube.com/watch?v=57IkddAIf84
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Octobre 2012 à 14:36:48
Contes et légende - La belle Madeleine - Miwiboo (http://www.youtube.com/watch?v=3MqUDY6o1y4#ws)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Octobre 2012 à 21:05:06
Conte d'Andersen - Le bonhomme de neige (http://www.youtube.com/watch?v=lZQLHUBYghs#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Octobre 2012 à 21:08:30
Guy de Maupassant - La peur - Contes de la bécasse (http://www.youtube.com/watch?v=Ak00zSO25ro#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Octobre 2012 à 19:27:43
Histoires et Légendes du Mont Saint Michel.mov (http://www.youtube.com/watch?v=EfJWBXwS5X4#ws)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 13 Octobre 2012 à 18:12:25
http://www.youtube.com/watch?v=_VBFxFxB-Mw&feature=related
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Octobre 2012 à 18:48:17
Papotages d'enfants (Conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=lnVz-4wNNEA#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Octobre 2012 à 19:02:12
Le papillon (conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=CvHI_Soe488#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 17 Octobre 2012 à 15:24:28
http://www.youtube.com/watch?v=DS2IXYds97g
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Octobre 2012 à 15:30:50
L'étrange aventure de Thomas le Rimeur

         (http://img15.hostingpics.net/pics/890516contes01.jpg)

                            Les contes de Magic Scotland


(http://img15.hostingpics.net/pics/96236561A.gif)u Sud de l'antique Abbaye de Melrose, ou du moins de ses ruines, non loin d'Abbotsford, l'habitation de Walter Scott, se dressent trois sommets importants, : les collines d'Eildon. Ces trois pics, dont le plus haut mesure environ quatorze cents pieds, ne formaient jadis, si l'on en croit la légende, qu'une seule éminence. Le diable, travaillant aux ordres du sorcier Mickael Scott, les partagea un beau jour. Ce coin fut, de tout temps, le domaine favori des fées. On peut encore les voir, affirment les gens du pays, à certains soirs d'été, quand la lune est dans son plein, folâtrant dans les prairies, dansant des rondes autour de leur reine Titania. Elles ont pour compagnons de joyeux elfes que guide Oberon, leur chef. Lorsque l'aube se lève, les fées et les elfes s'évanouissent, et il ne reste dans la prairieque les traces de leur pas légers sous la forme de grands cercles très apparents au milieu de la rosée.

Vers la fin du XIIIème siècle vivait, dans levillage qui se serrait autour des murs du monastère, en un gentil cottage, un poète. Il se nommait Thomas of Ercildoun, mais on l'appelait plus communément Thomas le Rimeur. Thomas était un être exquis, tout de douceur et de charme. On le recherchait chez les moines de l'abbaye comme dans les châteaux des seigneurs des environs. Mais lui préférait, aux doctes entretiens desreligieux ou aux longues beuveries des Lords, la rêverie solitaire.

Parmi tous les endroits où l'on peut muser etsonger, Thomas avait choisi un chêne sur le versant d'une des collines d'Eildon. Il y composait, bercé par le bourdonnement des mouches, par le tintement des clochettes des moutons qui paissaient au loin, charmé par les jeux de la lumière, des poèmes ou il chantait les fées, les elfes et les lutins, dont c'était le domaine.

"Vous n'êtes pas équitables envers moi, petits génies des prairies, soupirait-il parfois,. Je viens en votre fief. Je loue votre grâce et vos ébats aériens, et vous, vous ne vous montrez jamais à moi, alors que vous apparaissez à des villageois qui vous détestent ou à des voyageurs qui vous redoutent." Comme justement le Rimeur venait d'exprimer de nouveau cette plainte, il entendit monter de la vallée le son assourdi d'un cor. Le bruit s'approcha et Thomas aperçut, chevauchant vers lui, une femme d'une grande beauté, qui soufflait dans une trompe d'ivoire. Ses cheveux d'or étaient épars sus ses épaules; des fleurs couronnaient sa tête; une robe blanche d'une étoffe impalpable flottait autour de ses formes parfaites. Elle montait un coursier blanc, et ce cheval avait cette particularité que ses sabots ne faisaient aucun bruit en se posant sur le sol.

(http://img15.hostingpics.net/pics/84358815D.gif)evant cette apparition, le poète fut saisi d'un trouble profond. Il se leva. Déjà la cavalière avait sauté à terre et se tenait à ses côtés; elle posait sur lui le regard de ses grands yeux aux prunelles pailletées d'or. -Que crains-tu Thomas? Pourquoi cette méfiance? Vingt fois tu m'as appelée. Lorsque je me montre enfin à toi, tu t'apprêtes à t'éloigner. La voix était si harmonieuse, le ton si affable, que Thomas se sentit complètement rassuré. Il ôta sa toque et répliqua : - Je ne comprends pas bien vos paroles Madame. Ce n'est pas d'ailleurs de la crainte que j'ai éprouvée, mais de la surprise. Il passe peu de monde par ici, car les gens ne se soucient pas de rencontrer les fées, qui, dit-on, s'y donnent rendez-vous. La dame en blanc éclata de rire, d'un rire perlé qui faisait penser au bruit d'une cascade dans la montagne.

- C'est moi précisément, prononça-t-elle, qui suis la reine des fées.
Thomas s'apprêtait à faire un compliment galamment tourné à la belle écuyère; elle lui coupa la parole :
- Il ne m'est pas permi de m'attarder longtemps sur terre en plein jour et de converser avec les mortels. Si tu veux me connaître mieux, viens avec moi dans mon royaume. Le Rimeur n'hésita pas :
- Je vous suivrai, proclama-t-il, jusqu'au bout du monde. Un nouvel éclat de rire salua cette réponse :
- L'endroit où je te mènerai est plus loin que le bout du monde. Tu seras heureux de le visiter; seulement, je te préviens que seuls peuvent l'atteindre ceux qui ignorent la peur.
- Je ne sais, madame, riposta Thomas avec feu, si je suis brave ou poltron, n'étant pas homme de guerre et n'ayant fait autre chose toute ma vie que rimer et que chanter. Je suis certain pourtant que rien ne m'effraiera tant que je serai avec vous. La reine des fées rit pour la troisième fois.
- Dans ce cas, dit-elle, enfourche ce cheval. Moi, je m'assiérai en croupe derrière toi. Tu n'as qu'à te laisser emporter. Une recommandation pourtant : quoi que tu voies, quoi qu'il arrive en route, ne me pose pas de questions, je serais forcée de t'abandonner.
- Je saurai me taire.
- Alors viens !

Le poète obéit. Il monta sur le beau destrier blanc. La fée, assise derrière lui, se retint à son manteau. Elle était si légère qu'il ne s'apercevait même pas de son contact. Le cheval partit au galop. A mesure qu'il progressait, son allure devenait plus rapide. Les près, les montagnes, les forêts, les vallons défilaient sous les yeux de Thomas en une course vertigineuse. L'animal parcourut des plaines immenses. Soudain, il s'immobilisa.

(http://img15.hostingpics.net/pics/18375115T.gif)homas vit devant lui une large rivière noire qui coulait comme des flots d'encre. Il se retourna vers la fée, voulant lui demander ce que cela signifiait. Horreur ! Au lieu du doux visage encadré de cheveux d'or, il ne vit qu'une face grimaçante et flétrie, aux rides profondément creusées et à la courte chevelure grise. Il se souvint des sévères instructions reçues avant le départ et il se tut. Le cheval plongea dans la rivière. Quand il ressortit de l'autre côté, sa robe était noire. Thomas s'abandonna à nouveau au galop du destrier. Encore une fois celui-ci s'arrêté. Une immense nappe de feu barrait la route. Par dessus son épaule, Thomas jeta un regard. A la place de l'affreuse mégère chevauchait un jeune démon. Dans sa figure écarlate s'ouvraient des yeux brillants comme des escarboucles. Difficilement le poète refréna la question qui montait à ses lèvres.

Le coursier s'était élancé au milieu des flammes. Lorsqu'il les eut traversées, sa robe était d'un rouge ardent. Le paysage maintenant était tumultueux, les rocs s'entassaient sur les rocs. On n'apercevait pas la moindre trace de végétation. Une lumière glauque dont on ne voyait pas la source éclairait ce chaos. Brusquement, le coursier se raidit sur ses membres. A ses pieds s'ouvrait un précipice sans fond, une crevasse géante de laquelle sortaient des hurlements de désespoir. Le Rimeur était étreint pas l'angoisse. Il regarda en arrière. Un squelette qui ricanait de toutes ses dents occupait la place du démon. Par un effort désespéré, Thomas contint l'exclamation qui allait lui échapper.

D'un bond prodigieux, le cheval avait franchi le précipice. Il galopait parmi les prairies riantes dont la verdure était tachetée de mille petites fleurs multicolores comme l'est un ciel d'été de myriades d'astres scintillants. Des sources d'eau claire coulaient le long des coteaux boisés d'où provenaient des senteurs enivrantes. Au milieu de la vaste étendue se dressait un arbre géant. Thomas ne pouvait discerner l'espèce à laquelle il appartenait; ses feuilles étaient autant d'émeraudes, ses fleurs, des rubis, et ses fruits, des pommes d'or. Sous la ramure brillante et épanouie, le destrier fit halte.
- Mets pied à terre, glissa dans l'oreille du poète une voix harmonieuse qu'il reconnut pour être celle de la reine des fées.

(http://img15.hostingpics.net/pics/35335627I.gif)l éxécuta l'ordre, et toucha le sol juste à temps pour recevoir dans ses bras l'adorable créature à la chevelure blonde et à la couronne fleurie. Emerveillé par tout ce qu'il voyait, tenté par la nouveauté des choses, grisé par l'air subtil et embaumé qu'il respirait, le Rimeur posait à sa compagne mille questions auxquelles elle ne répondait que par des rires. Juste au dessus de la tête de Thomas pendait une pomme d'or. L'envie lui vint d'y goûter. Il tendit la main. D'un geste brusque la fée lui saisit le bras.
- Imprudent ! s'écria-t-elle. Qu'allais tu faire ? Cet arbre qui nous abrite est l'arbre de la science du bien et du mal, celui dont Dieu a défendu le fruit au premier homme. Voudrais tu recommencer le péché d'Adam ?
- Sommes nous donc, s'informa le poète, au Paradis Terrestre ?
- Tu ne t'abuses pas.
- Allons nous demeurer ici ?
-Non pas. C'est un lieu interdit à tout mortel.
La fée, de son doigt, désigna trois routes que Thomas n'avait pas remarquées et qui prenaient leur point de départ près de l'arbre mystique.
- Vois-tu le premier chemin ? C'est un sentier étroit, encombré d'épines et de ronces, il conduit au royaume de Dieu. Le second , large et commode, et bordé de roses et de lys, about it au royaume de Satan. Ton heure n'est pas venue d'emprunter l'un ou l'autre de ces chemins. En voici un troisième. Cette allée ombragée qui serpente dans la campagne mène à mon royaume.

A côté de la fée, le Rimeur s'engagea dans cette voie. Il marcha longtemps sans éprouver de fatigue tellement il était charmé par le spectacle toujours renouvelé de la nature, par le gazouillement varié à l'infini des oiseaux.
Enfin il parvint à une demeure où tout était enchanté, où l'on n'avait pas besoin de formuler un désir pour qu'il fût exaucé.
- Tu es chez moi, déclara la fée.
Le Rimeur se plongea dansdes délices insoupçonnées. Ses journées, il les passait en promenades dans des parcs ombreux.Le soir, les elfes, les lutins, les enfants-fées exécutaient à son intention des ballets, auxsons d'une musique invisible. Sa nourriture était le suc des fleurs et son breuvage une roséeparfumée.
Un matin, Thomas venait de s'éveiller dans son lit aux lambrequins de drap d'or,quand la reine des fées pénétra dans sa chambre.

(http://img15.hostingpics.net/pics/71781723O.gif)h ! mon ami, mon cher poète, prononça cette gracieuse souveraine, ily a sept ans aujourd'hui que je t'ai accueilli dans mon royaume. Il m'est, hélas, interdit de conserver plus longtemps un mortel. Si je le faisais, il perdrait sa nature humaine et il ne pourrait jamais plus retourner sur la terre. Le rimeur était sur le point de répondre qu'il ne tenait pas à revenir parmi ses semblables, qu'il avait rencontré le bonheur, celui que d'ordinaire on n'atteint qu'en rêve, et qu'il désirait passionnément s'y tenir. Il n'eut pas le tempsd'exprimer sa pensée. La reine avait étendu sur lui sa baguette. Il sentit comme un grand souffle de vent qui s'engouffrait dans la chambre. Un tourbillon l'emporta. Il eut l'impression defranchir l'espace à une vitesse prodigieuse, et il se retrouva étendu sous le chêne de la colline d'Eildon.

Tout était comme le jour où il était parti. Au loin paissaient les mêmes troupeaux de moutons. Il entendait le son grêle de leurs clochettes. Il crut un moment que ce qu'il avait vécu n'avait été qu'un songe. Le poète se leva. Il descendit vers le village qui entourait l'abbaye et se dirigea vers sa demeure. En l'apercevant, les hommes et les femmes béaient d'étonnement. Thomas reconnut que leurs silhouettes s'étaientalourdies. Une jeune fille, dont les dix huit printemps rayonnaient de santé, lui dit en le croisant après une petite hésitation :
- Salut, maître Thomas
- Qui êtes vous ? demanda-t-il.
- Je suis Betsy, la fille du meunier, bien heureuse que vous soyez enfin de retour.

Betsy ! Le poète revoyait une enfant turbulente qui jouait auprès du moulin, et il comprit qu'il n'avait pas rêvé. Dans la soirée, un serviteur du monastère vint trouver le Rimeur, le priant, de la part de l'abbé, de lui rendre visite. L'abbé n'était plus le père Ezéchiel, le vénérable moine que Thomas avait toujours connu. Celui-ci était jeune et, lorsque le poète s'informa de son prédécesseur, il répliqua :
- Le saint Abbé n'est plus de ce monde. Il s'est éteint peu de temps après votre départ en voyage. A ce propos, on s'est étonné de votre brusque disparition. Chacun sait que les poètes sont fantasques, pas au point cependant de quitter leur demeure, leurs amis et leur pays sans prendre congé. Où donc avez-vous porté vos pas ?
Le Rimeur se mit à raconter tout ce qui lui était arrivé. A mesure qu'il parlait, il voyait un sourire d'incrédulité crisper les lèvres du moine.
- Quel dommage, murmura l'abbé lorsque Thomas eut achevé son récit, que vous n'ayez rien rapporté de votre expédition. Votre belle aventure paraîtrait plus vraisemblable.

(http://img15.hostingpics.net/pics/97369926E.gif)n quittant le monastère, le poète se jura de ne plus confier à quiconque ce qu'il avait vu. Cependant il ne put tenir sa parole, car, le lendemain, il fut convié à un grand repas chez le laird de Galashiels. Ce seigneur, qui avait toujours été de ses amis,lui parut envahi par l'obésité. Il avait renoncé à la chasse et ne se plaisait plus que le verre en main, parmi de gais compagnons. - Hullo! maître Thomas! éclata le laird en voyant entrerle poète, le bruit court que vous avez fait un surprenant voyage. J'espère que vous ne nous en épargnerez pas les détails. Le Rimeur, à contre-coeur, s'exécuta. Petit à petit il se laissa entraîner par son sujet. Il ne remarquait pas qu'autour de lui l'assistance pouffait discrètement, et ,lorsque, enfin, il le constata, toute la table se pamaît de rire. Dès lors Thomas refusa toute nouvelle invitation. Il restait obstinément enfermé chez lui ou, quand le temps le permettait, il allait s'asseoir sous le chêne de la colline d'Eildon. Il devenait mélancolique.

Ses beaux souvenirs, loin de l'égayer, l'attristaient. Il en avait fait un poème qu'il se récitait à lui seul et qu'il terminait dans les larmes.
- Oh! reine des fées, murmurait-il, pourquoi m'avoir fait goûter l'enchantement de votre royaume pour me rejeter ainsi parmi la laide et plate humanité ?
Il croyait s'être séparé de ses anciens amis, mais c'étaient eux, au contraire, qui se retiraient de lui. Il surprenait, lorsqu'il passait, des sourires moqueurs, des hochements de tête ironiques, des confidences murmurées à voix basse. L'abbé avait dit à quelques-uns de ses moines:
- Le pauvre garçon a perdu l'esprit.
Le laird de Galashiels s'esclaffait entre deux lampées d'ale :
- C'est un satané fou que notre Rimeur.

Et tout le village, depuis les vieillards jusqu'aux enfants, répétait : "Thomas l'insensé". Beaucoup avait peur de lui. A son approche les mères rappelaient les petits. Les galopins qui polissonnaient dans les fossés le montraient du doigt :
- Thomas l'insensé !
Un soir qu'il revenait vers son cottage plus morose que de coutume, il traversa un petit bois, en longeant un ruisseau. Devant lui une biche blanche s'abreuvait dans l'onde limpide. Il s'arrêta pour la considérer.

La jolie bête tourna vers lui ses yeux. Il reconnut les prunelles aux paillettes d'or de la reine des fées.
-Oh! ma reine, s'écria-t-il, emmenez moi dans votre royaume, je ne puis vivre parmi les hommes ! La biche secoua joyeusement la tête. D'un bond, elle se précipita dans le ruisseau et disparut. Sans hésiter, le poète se jeta dans l'eau à son tour. Jamais on ne le revit. Jamais on n'en entendit plus parler.

Thomas le Rimeur était retourné au pays des fées.


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 23 Octobre 2012 à 11:58:24
L'Esprit dans la bouteille

Il était une fois un pauvre bûcheron qui travaillait du matin au soir. S'étant finalement mis quelque argent de côté, il dit à son fils :
- Tu es mon unique enfant. Je veux consacrer à ton instruction ce que j'ai durement gagné à la sueur de mon front. Apprends un métier honnête et tu pourras subvenir à mes besoins quand je serai vieux, que mes membres seront devenus raides et qu'il me faudra rester à la maison.
Le jeune homme fréquenta une haute école et apprit avec zèle. Ses maîtres le louaient fort et il y resta tout un temps. Après qu'il fut passé par plusieurs classes - mais il ne savait pas encore tout - le peu d'argent que son père avait économisé avait fondu et il lui fallut retourner chez lui.
- Ah ! dit le père, je ne puis plus rien te donner et, par ce temps de vie chère, je n'arrive pas à gagner un denier de plus qu'il n'en faut pour le pain quotidien.
- Cher père, répondit le fils, ne vous en faites pas ! Si telle est la volonté de Dieu, ce sera pour mon bien. Je m'en tirerai.
Quand le père partit pour la forêt avec l'intention d'y abattre du bois, pour en tirer un peu d'argent, le jeune homme lui dit :
- J'y vais avec vous. Je vous aiderai.
- Ce sera bien trop dur pour toi, répondit le père. Tu n'es pas habitué à ce genre de travail. Tu ne le supporterais pas. D'ailleurs, je n'ai qu'une seule hache et pas d'argent pour en acheter une seconde.
- Vous n'avez qu'à aller chez le voisin, rétorqua le garçon. Il vous en prêtera une jusqu'à ce que j'ai gagné assez d'argent moi-même pour en acheter une neuve.
Le père emprunta une hache au voisin et, le lendemain matin, au lever du jour, ils s'en furent ensemble dans la forêt. Le jeune homme aida son père. Il se sentait frais et dispos. Quand le soleil fut au zénith, le vieux dit :
- Nous allons nous reposer et manger un morceau. Ça ira encore mieux après.
Le fils prit son pain et répondit :
- Reposez-vous, père. Moi, je ne suis pas fatigué ; je vais aller me promener dans la forêt pour y chercher des nids.
- Petit vaniteux ! rétorqua le père ; pourquoi veux-tu te promener ? Tu vas te fatiguer et, après, tu ne pourras plus remuer les bras. Reste ici et assieds-toi près de moi.
Le fils, cependant, partit par la forêt, mangea son pain et, tout joyeux, il regardait à travers les branches pour voir s'il ne découvrirait pas un nid. Il alla ainsi, de-ci, de-là, jusqu'à ce qu'il arrivât à un grand chêne, vieux de plusieurs centaines d'années, et que cinq hommes se tenant par les bras n'auraient certainement pas pu enlacer. Il s'arrêta, regarda le géant et songea : « Il y a certainement plus d'un oiseau qui y a fait son nid. » Tout à coup, il lui sembla entendre une voix. Il écouta et comprit : « Fais-moi sortir de là ! Fais-moi sortir de là ! » Il regarda autour de lui, mais ne vit rien. Il lui parut que la voix sortait de terre. Il s'écria :
- Où es-tu ?
La voix répondit :
- Je suis là, en bas, près des racines du chêne. Fais-moi sortir ! Fais-moi sortir !
L'écolier commença par nettoyer le sol, au pied du chêne, et à chercher du côté des racines. Brusquement, il aperçut une bouteille de verre enfoncée dans une petite excavation. Il la saisit et la tint à la lumière. Il y vit alors une chose qui ressemblait à une grenouille ; elle sautait dans la bouteille.
- Fais-moi sortir ! Fais-moi sortir ! ne cessait-elle de crier.
Sans songer à mal, l'écolier enleva le bouchon. Aussitôt, un esprit sortit de la bouteille, et commença à grandir, à grandir tant et si vite qu'en un instant un personnage horrible, grand comme la moitié de l'arbre se dressa devant le garçon.
- Sais-tu quel sera ton salaire pour m'avoir libéré ? lui demanda-t-il d'une épouvantable voix.
- Non, répondit l'écolier qui ne ressentait aucune crainte. Comment le saurais-je ?
- Je vais te tuer ! hurla l'esprit. Je vais te casser la tête !
- Tu aurais dû me le dire plus tôt, dit le garçon. Je t'aurais laissé où tu étais. Mais tu ne me casseras pas la tête. Tu n'es pas seul à décider !
- Pas seul à décider ! Pas seul à décider ! cria l'esprit. Tu crois ça ! T'imaginerais-tu que c'est pour ma bonté qu'on m'a tenu enfermé si longtemps ? Non ! c'est pour me punir ! je suis le puissant Mercure. Je dois rompre le col à qui me laisse échapper.
- Parbleu ! répondit l'écolier. Pas si vite ! Il faudrait d'abord que je sache si c'était bien toi qui étais dans la petite bouteille et si tu es le véritable esprit. Si tu peux y entrer à nouveau, je te croirai. Après, tu feras ce que tu veux.
Plein de vanité, l'esprit déclara :
- C'est la moindre des chose .
Il se retira en lui-même et se fit aussi mince et petit qu'il l'était au début. De sorte qu'il put passer par l'étroit orifice de la bouteille et s'y faufiler à nouveau.
À peine y fut-il entré que l'écolier remettait le bouchon et lançait la bouteille sous les racines du chêne, là où il l'avait trouvée. L'esprit avait été pris.
Le garçon s'apprêta à rejoindre son père. Mais l'esprit lui cria d'une voix plaintive :
- Fais-moi sortir ! Fais-moi sortir !
- Non ! répondit l'écolier. Pas une deuxième fois ! Quand on a menacé ma vie une fois, je ne libère pas mon ennemi après avoir réussi à le mettre hors d'état de nuire.
- Si tu me rends la liberté, dit l'esprit, je te donnerai tant de richesses que tu en auras assez pour toute ta vie.
- Non ! reprit le garçon. Tu me tromperais comme la première fois.
- Par légèreté, tu vas manquer ta chance, dit l'esprit. Je ne te ferai aucun mal et je te récompenserai richement.
L'écolier pensa : « Je vais essayer. Peut-être tiendra-t-il parole. » Il enleva le bouchon et, comme la fois précédente, l'esprit sortit de la bouteille, grandit et devint gigantesque.
- Je vais te donner ton salaire, dit-il. Il tendit au jeune homme un petit chiffon qui ressemblait à un pansement et dit :
- Si tu en frottes une blessure par un bout, elle guérira. Si, par l'autre bout, tu en frottes de l'acier ou du fer, ils se transformeront en argent.
- Il faut d'abord que j'essaie, dit l'écolier.
Il s'approcha d'un arbre, en fendit l'écorce avec sa hache et toucha la blessure avec un bout du chiffon. Elle se referma aussitôt.
- C'était donc bien vrai, dit-il à l'esprit. Nous pouvons nous séparer.
L'esprit le remercia de l'avoir libéré ; l'écolier le remercia pour son cadeau et partit rejoindre son père.
- Où étais-tu donc ? lui demanda celui-ci. Pourquoi as-tu oublié ton travail ? Je te l'avais bien dit que tu ne t' y ferais pas !
- Soyez tranquille, père, je vais me rattraper.
- Oui, te rattraper ! dit le père avec colère. Ce n'est pas une méthode !
- Regardez, père, je vais frapper cet arbre si fort qu'il en tombera.
Il prit son chiffon, en frotta sa hache et assena un coup formidable. Mais, comme le fer était devenu de l'argent, le fil de la hache s'écrasa.
- Eh ! père, regardez la mauvaise hache que vous m'avez donnée ! La voilà toute tordue.
Le père en fut bouleversé et dit :
- Qu'as-tu fait ! Il va me falloir payer cette hache. Et avec quoi ? Voilà ce que me rapporte ton travail !
- Ne vous fâchez pas, dit le fils ; je paierai la hache moi-même.
- Imbécile, cria le vieux, avec quoi la paieras-tu ? Tu ne possèdes rien d'autre que ce que je t'ai donné. Tu n'as en tête que des bêtises d'étudiant et tu ne comprends rien au travail du bois.
Un moment après, l'écolier dit :
- Père, puisque je ne puis plus travailler, arrêtons-nous.
- Quoi ! dit le vieux. T'imagines-tu que je vais me croiser les bras comme toi ? Il faut que je travaille. Toi, tu peux rentrer.
- Père, je suis ici pour la première fois. Je ne retrouverai jamais le chemin tout seul. Venez avec moi.
Le père, dont la colère s'était calmée, se laissa convaincre et partit avec son fils. il lui dit :
- Va et vends la hache endommagée. On verra bien ce que tu en tireras. Il faudra que je gagne la différence pour payer le voisin.
Le fils prit la hache et la porta à un bijoutier de la ville. Celui-ci la mit sur la balance et dit .
- Elle vaut quatre cents deniers. Mais je n'ai pas autant d'argent liquide ici.
- Donnez- moi ce que vous avez ; vous me devrez le reste, répondit le garçon.
Le bijoutier lui donna trois cents deniers et reconnut lui en devoir encore cent autres. L'écolier rentra à la maison et dit :
- Père, j'ai l'argent. Allez demander au voisin ce qu'il veut pour sa hache.
- Je le sais déjà, répondit le vieux : un denier et six sols.
- Eh bien ! donnez lui deux deniers et douze sols. Ça fait le double et c'est bien suffisant. Regardez, j'ai de l'argent de reste.
Il donna cent deniers à son père et reprit :
- Il ne vous en manquera jamais. Vivez à votre guise.
- Seigneur Dieu ! s'écria le vieux , comment as-tu acquis une telle richesse ?
L'écolier lui raconta ce qui s'était passé et comment, en comptant sur sa chance, il avait fait si bonne fortune. Avec l'argent qu'il avait en surplus, il repartit vers les hautes écoles et reprit ses études. Et comme, avec son chiffon, il pouvait guérir toutes les blessures, il devint le médecin le plus célèbre du monde entier.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Octobre 2012 à 15:35:32
La boule de cristal (conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=eUv2sWwoUSI#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 28 Octobre 2012 à 14:53:04
http://www.youtube.com/watch?v=WVZaRlFvKV0
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 30 Octobre 2012 à 18:26:54
conte d'halloween de citrouilles et de sorcières http://nounoudunord.centerblog.net/ (http://www.youtube.com/watch?v=r_a5woO5UtM#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 01 Novembre 2012 à 19:23:27
http://www.youtube.com/watch?v=CH_kJe6SJlY
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 05 Novembre 2012 à 10:33:44
la petite soeur du soleil (Conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=OKcyq8EjxUU#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 06 Novembre 2012 à 19:38:51
http://www.youtube.com/watch?v=-iFNe2IeLrE
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Novembre 2012 à 19:55:29
Histoire pour enfant - Le Monde d'Hugo - Conte de Bretagne - La légende du dragon - Miwiboo (http://www.youtube.com/watch?v=6Z5k0Ylf7MM#ws)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Novembre 2012 à 19:16:15
la légende d'ELZIAH (http://www.youtube.com/watch?v=SZEju_nsZ7c#ws)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Novembre 2012 à 02:12:29
Le petit prince - La planète du géant 1ère partie (http://www.youtube.com/watch?v=MbuAw1sdzys#noexternalembed-ws)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Novembre 2012 à 02:16:57
Le petit prince - La planète du géant 2ème partie (http://www.youtube.com/watch?v=ykGtq4Y1VFY#noexternalembed-ws)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 19 Novembre 2012 à 15:07:58
hhttp://ttp://www.youtube.com/watch?v=3MqUDY6o1y4
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Décembre 2012 à 16:59:33
Alain Delorme - Venez venez Saint Nicolas (http://www.youtube.com/watch?v=d9fFAQJAqnQ#)


Ici en Belgique , les petits enfants le chante jusqu'au 6 décembre où il apparaît.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 06 Décembre 2012 à 22:16:48


Le papillon (conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=CvHI_Soe488#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Décembre 2012 à 15:28:28
[/email]]http://www.dailymotion.com/video/xnus2b_tout-conte-fait_shortfilms[email][/email] (http://www.dailymotion.com/video/xnus2b_tout-conte-fait_shortfilms%5Bemail)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Décembre 2012 à 19:58:43
                                     (http://img15.hostingpics.net/pics/229161santas4.gif)


                                     Légende de  Noël


Il était une fois, une pauvre veuve qui avait trois petits garçons. On était à la veille de Noël et les enfants demandèrent à leur mère:

Est-ce qu'on aura un arbre de Noël, maman, cette année?

Hélas, non, mes chers petits, nous sommes trop pauvres.

Mais nos petits amis étaient très débrouillards. Ils décidèrent d'aller dans la forêt pour chercher un petit sapin. Hélas, malgré toutes leurs recherches, les petits garçons ne trouvèrent aucun sapin. Ils allaient revenir à la maison, lorsqu'ils aperçurent une brebis qui avait une patte prise dans un tronc d'arbre creux.

Après bien des efforts, les enfants réussirent à libérer la brebis. Juste à ce moment-là, un berger apparut sur les lieux.

Dites-moi, mes enfants, que faites-vous dans cette grande forêt?

Nous cherchons un petit sapin, monsieur, mais nous n'en avons pas trouvé!

Eh bien, puisque vous avez secouru ma brebis, je vais vous aider.

Le berger, qui connaissait bien la forêt eut tôt fait de découvrir le plus beau petit sapin qui soit et le remit aux enfants

Oh merci monsieur ! Grâce à vous, nous aurons un bel arbre de Noël

Puis, nos trois petits garçons retournèrent à la maison avec leur sapin en chantant. Le soir, avant de se mettre au lit, ils placèrent le petit sapin près de la cheminée et s'endormirent en pensant au Père Noël.

Le lendemain matin, quand les enfants se réveillèrent, ils trouvèrent leur sapin rempli de cadeaux merveilleux.

Oh voici des patins pour moi! s'écria l'aîné. Que je suis content!

Et moi, j'ai un baton de hockey! ajouta le cadet en sautant de joie.

Quant à moi, le plus petit, j'ai un avion! Puis un gros livre de contes. Que je suis content!

La maman ne comprenait rien à tout cela et murmura:

Mais qui a bien pu donner tous ces beaux cadeaux à mes enfants!

Juste à ce moment-là, le Père NOËL apparut dans la maison et s'adressant à la maman, il lui dit:

Mais c'est moi, Madame, qui ai apporté ces étrennes à vos petits, parce que je sais qu'ils sont charitables envers les bêtes.

Puis, le PÈRE NOËL raconta à la maman comment ses enfants avaient secouru la brebis de son vieil ami, le berger de la forêt. Ceci dit, le PÈRE NOËL embrassa les enfants, sans oublier la maman et s'en alla en disant: JOYEUX NOËL Â TOUS!
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Décembre 2012 à 17:25:24
                                                    (http://img15.hostingpics.net/pics/458439tcwdc09.gif)

                                                  Le petit Renne au Nez Rouge

Il était une fois, au pôle Nord, un vieux bonhomme très gai qu'on appelait le Père Noël. On était au mois de décembre et notre ami était très occupé. Tous les jours il se rendait dans son grand atelier où des lutins fabriquaient des jouets très modernes pour les enfants.

Il y avait aussi les rennes que le Père Noël visitait tous les matins, mais celui qu'il préférait s'appelait RODOLPHE il flattait l'animal en disant.

Tu es le plus petit de mes rennes, RODOLPHE, mais tu es le plus beau ! Or, une nuit que le Père Noël dormait et ronflait, le lutin PATAPOUF qui prenait soin des rennes, dit à ses compagnons:

Si on allait se promener dans la forêt, cette nuit, qu'est-ce que vous en pensez, les amis ?

Excellente idée! Youpee!

En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, PATAPOUF attela les rennes au traîneau du Père Noël, y compris RODOLPHE, et les lutins partirent en criant:

Quel beau voyage nous allons faire au clair de
lune!

Les rennes couraient si vite que RODOLPHE
tomba dans un banc de neige et ne put se relever. Il
eut beau crier:

Attendez-moi! Attendez-moi!

Hélas les lutins poursuivirent leur course, sans entendre le pauvre RODOLPHE et se promenèrent dans la forêt pendant une heure, puis ils revinrent chez le Père Noël, se couchèrent et s'endormirent.

Le lendemain matin, quand le Père Noël apprît
que son renne RODOLPHE était disparu, il s'écria:

Quel malheur! Quand je pense que mon plus beau renne est perdu! Mais c'est épouvantable!

Notre vieil ami allait désespérer lorsque la Fée des Etoiles arriva sur les lieux en disant:

Ne vous en faites pas, Père Noël, on a retrouvé votre renne, il était gelé, mais je l'ai soigné, dorloté, maintenant il est mieux, seulement il a le nez tout rouge.

Le Père Noël se rendit aussitôt dans le domaine des rennes et RODOLPHE pleurait, il disait dans son langage:

Que je suis malheureux, mon nez est rouge, maintenant, Père Noël, je suis laid et tous mes amis se moquent de moi, on m'appelle le renne au nez rouge.

Ne pleure pas, RODOLPHE, car cette nuit, c'est toi qui éclaireras ma route dans ma grande tournée sur la terre.

Puis, lorsque minuit sonna, mes enfants, le Père Noël se mit en route pour son grand voyage avec notre ami, RODOLPHE, et joyeux notre vieil ami chantait:
                                                              ON L'APPELAIT NEZ ROUGE
                                                               AH COMME IL ÉTAIT MIGNON
                                                               LE PETIT RENNE AU NEZ ROUGE
                                                               ROUGE COMME UN LUMIGNON.



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 29 Décembre 2012 à 12:51:28
http://www.youtube.com/watch?v=Q-VNTqvB6V4
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 31 Décembre 2012 à 16:28:07
(http://img15.hostingpics.net/pics/230166grdperegrdmere1ss.jpg)Conte japonais
La veille du Nouvel An, Grand Père et Grand Mère étaient si pauvres, qu'ils n'avaient même pas assez d'argent pour acheter les traditionnels gâteaux de riz... En route, c'est alors qu'il aperçut des jizos, des statues de pierre représentant des divinités japonaises ...

Il était une fois un grand-père et une grand-mère à la veille du Nouvel an...

Grand-père gagnait sa vie en confectionnant des chapeaux de paille. Ils vivaient pauvrement, et une année, à la veille du jour de l'an, ils n'eurent même pas assez d'argent pour acheter les traditionnels gâteaux de riz.
Grand-père décida donc d'aller à la ville vendre quelques chapeaux de paille. Il prit cinq chapeaux, et les portant sur son dos, se mit en route. La ville était loin et après avoir longtemps marché à travers les champs, Grand-père arriva enfin à destination.

Il déambula dans toute la ville, criant : "Chapeaux de paille, chapeaux de paille; qui veut des chapeaux!" Il y avait beaucoup de monde en ville; tous les gens s'affairaient à préparer le jour de l'an, achetant du poisson, des alcools, des gâteaux de riz, puis ils rentraient chez eux.

Personne n'achetait de chapeaux au Grand-père. C'est que le jour de l'an, tout le monde reste chez soi, un chapeau de paille n'est alors pas très utile. Grand-père marcha toute la journée, sillonnant la ville et vantant ses chapeaux, mais il n'en vendit pas un seul. A la fin de l'après-midi, il décida de rentrer, sans avoir pu acheter le moindre gâteau de riz.

Quand Grand-père sortit de la ville, il commença à neiger. Il était bien fatigué, et transi de froid. Il marchait à travers champs quand il aperçut des Jizos, statues de pierre représentant des divinités japonaises. Il y avait six statues, et sur leur tête la neige s'était amoncelée, des stalactites leur tombaient même du visage.
Grand-père, qui avait bon coeur, pensa que les pauvres Jizos devaient avoir bien froid. Il leur essuya donc la tête, enlevant la neige qui les recouvrait, et les coiffa des chapeaux qu'il n'avait pas réussi à vendre, en murmurant : "Ce sont de simples chapeaux de paille, mais acceptez-les, je vous prie..." Mais il n'avait que cinq chapeaux, et il y avait six Jizos; Grand-père coiffa la dernière statue de son propre chapeau, en lui disant :
"C'est un chapeau bien vieux et usé, mais il vous protègera un peu."

Après avoir ainsi donné ses chapeaux aux statues, Grand-père reprit son chemin dans la neige. Quand il arriva à la maison, Grand-père était recouvert de neige. Grand-mère, le voyant sans chapeau, lui demanda ce qu'il s'était passé, et Grand-père lui raconta l'histoire des Jizos :
"A vrai dire, je n'ai pas réussi à vendre le moindre chapeau en ville. Sur le chemin du retour, j'ai vu des Jizos, leur tête était recouverte de neige, j'ai pensé qu'elles devaient avoir froid. Alors je les ai coiffées des chapeaux que j'avais emportés, et comme il en manquait un, je leur ai aussi donné le mien."

Grand-mère fut touchée en entendant ce récit, et se réjouit de la bonté de son mari : "Tu as fait une bonne action. Même si nous sommes pauvres, nous avons la chance d'avoir un toit et du feu."

Grand-père, qui était transi de froid, s'assit au coin du feu et Grand-mère prépara le repas. Comme les chapeaux ne s´étaient pas vendus, il n'y avait pas de gâteaux de riz; aussi mangèrent-ils simplement du riz avec quelques légumes et allèrent vite se coucher. En pleine nuit, Grand-père et Grand-mère furent réveillés par un bruit dehors; quelqu'un chantait. Les voix étaient d'abord assez lointaines, mais elles se rapprochaient de la maison, et elles chantaient ceci : "Grand-père a donné ses chapeaux Il les a donnés aux Jizos Allons chez lui, allons-y!" Grand-père et grand-mère étaient bien étonnés d'entendre une telle chanson; ensuite, ils entendirent un grand bruit, "Boum!"

Ils allèrent voir ce que c'était, et quelle ne fut pas leur surprise en ouvrant la porte! Sur le seuil étaient disposés plein de paquets : il y avait du riz, du poisson, des alcools, des gâteaux de riz, des décorations du Nouvel An, des couvertures et des kimonos bien chauds, et bien d'autres choses encore. Grand-père et Grand-mère regardèrent autour d'eux, cherchant qui avait pu leur apporter tant de choses, et ils virent au loin les six Jizos qui s'éloignaient, coiffées des chapeaux du Grand père.

Les Jizos, reconnaissantes de la bonté de grand-père, lui avaient apporté tout ce qu'il faut pour passer un Nouvel An agréable.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Janvier 2013 à 18:12:32
(http://img11.hostingpics.net/pics/509949nq83nvlw.jpg)

La légende de la galette des rois

Qui ne connaît l'histoire des rois mages qui, guidés par une étoile, se rendirent à Bethléem rendre hommage à l'enfant Jésus ?

Le premier s'appelait Gaspard. Il avait le teint clair des Européens, et apportait de l'or. Le second, Melchior, avait la peau brune des gens de Palestine et d'Arabie. Celui-là était porteur d'encens. Le troisième, Balthazar, était couleur de nuit sans lune et ses dents brillaient comme brillent les dents des Africains. Ce dernier offrit à l'enfant Jésus de la myrrhe.

On sait moins ce qui leur advint sur le chemin du retour.

Ils étaient savants en beaucoup de choses, certes, mais cela n'empêcha point qu'ils se perdirent bel et bien, n'ayant plus le secours de l'étoile pour les aider. Après avoir erré plusieurs jours dans le désert, à bout de nourriture et sans eau, ils aperçurent enfin une misérable cahute devant laquelle se tenaient un couple et deux enfants.

Les joues décharnées, les yeux brillants de faim, ils firent pourtant bon accueil aux mages, les invitèrent à entrer, et leur offrirent un peu du peu qu'ils avaient : de l'eau pour se rafraîchir.

- C'est que nous avons faim aussi, dit Melchior. Un peu de pain, même rassis, ferait l'affaire.

- Hélas, soupira la femme, nous n'avons plus qu'un peu de farine, de lait, d'huile d'olive, une noisette de beurre ; juste de quoi faire une galette que nous partagerons entre les enfants. Ensuite, il ne nous restera plus qu'à nous jeter dans le puits ou à mourir de faim.

Les mages se regardèrent.

- Faites la galette ma brave femme, dit Gaspard.

La femme obéit. La galette était tout juste suffisante pour une personne.

Gaspard, qui avait le teint clair des Européens, plia la pâte en deux, et la galette doubla en volume. Melchior, le mage à la peau brune des gens de Palestine et d'Arabie, plia de nouveau la pâte en deux, et il y en eu pour quatre. Balthazar, le roi Nègre couleur de nuit sans lune, plia encore la pâte en deux, et il y en eut pour huit.

Le couple remercia chaleureusement les mages. La femme étala la pâte et mit la galette à cuire. Elle était dorée à point.

L'homme se gratta la tête, le couteau à la main.

- C'est que cette galette est une galette pour huit, et nous sommes sept. Le partage sera difficile.

- La huitième part est celle du mendiant, dit Balthazar.

- Quel mendiant, dit homme ?

- Celui qui vient et que vous ne voyez pas encore.

À ce moment-là le plus jeune des enfants, un garçon, recracha quelque chose. C'était une bague que Melchior avait glissée – volontairement ou non, l'histoire ne le dit pas - dans la pâte.

L'enfant voulut rendre le bijou. Le mage sourit, ôta la couronne de sa tête et en coiffa l'enfant.


- Tout enfant est roi, dit-il. Tel est le message que délivrera un autre enfant, né il y a peu non loin d'ici. Pour commémorer ce jour, je veux que chaque année on fasse une galette, qu'on n'oublie pas la part du pauvre, qu'on y glisse une fève pour désigner un roi ou une reine, ne serait-ce que pour une journée.

Les pauvres gens promirent de respecter la volonté des mages.

C'est ainsi que naquit la tradition de la galette des rois, qu'elle se répandit, et qu'on se la transmit jusqu'à nos jours.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 06 Janvier 2013 à 16:42:30


Princesse Bonbon (conte pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=xBkKw32bMvE#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 07 Janvier 2013 à 21:06:17

La fête du ciel (histoire pour enfants) (http://www.youtube.com/watch?v=A7hCTYLuE3o#)

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 07 Janvier 2013 à 21:06:39


Boucle d'or et les trois ours (http://www.youtube.com/watch?v=cCToObX18PA#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 17 Janvier 2013 à 12:15:26
Voilà Bunni, l'interprétation de l'histoire de la Gazelle et les chasseurs..



Ḥejaya't el ġzala w ṣiyadiin (conte) (http://www.youtube.com/watch?v=U47b4ePjmWU#ws)


LA GAZELLE ET LES CHASSEURS :

Un jour, la gazelle avait soif et s'en est allée boire à la fontaine...  lorsqu'elle a vu son reflet, elle n'était pas contente de la nature de ses pattes mais elle était fière de la longueur de ses cornes,
soudain, elle voit surgir des chasseurs, elle s'enfuit sur la piste mais les chasseurs n'arrivaient pas à l'atteindre,
à l'embouchure  de la forêt, ses cornes se sont emmélées dans les branches et la pauvre gazelle n'a pas pu se libérer,
les chasseurs l'ont rejointe et l'ont vu coincée dans les branchages et elle s'est dit "Ah pauvre de moi!, je n'aimais pas mes pattes qui m'ont sauvé et c'est mes belles cornes qui m'ont achevées...




Voilà Bunni la traduction de cette histoire, cela veut dire que dans la vie il faut s'accepter tel qu'on est....




Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Janvier 2013 à 19:54:23
Les souhaits ridicules


Si vous étiez moins raisonnable.
Je me garderais bien de venir vous conter
La folle et peu galante fable
Que je m'en vais vous débiter.
Une aune de boudin en fournit la matière.
"Une aune de boudin, ma chère !
Quelle pitié ! C'est une horreur !»
S'écriait une précieuse,
Qui, toujours tendre et sérieuse,
Ne veut ouïr parler que d'affaires de coeur.
Mais vous qui mieux qu'âme qui vive
Savez charmer en racontant,
Et dont l'expression est toujours si naïve,
Que l'on croit voir ce qu'on entend;
Qui savez que c'est la manière
Dont quelque chose est inventé,
Qui beaucoup plus que la matière
De tout récit fait la beauté.
Vous aimerez ma fable et sa moralité;
J'en ai, j'ose le dire, une assurance entière.

Il était une fois un pauvre bûcheron
Qui las de sa pénible vie,
Avait, disait-il, grande envie
De s'aller reposer aux bords de l'Achéron;
Représentant, dans sa douleur profonde,
Que depuis qu'il était au monde,
Le Ciel cruel n'avait jamais
Voulu remplir un seul de ses souhaits.

Un jour que, dans le bois, il se mit à se plaindre,
A lui, la foudre en main, Jupiter s'apparut.
On aurait peine à bien dépeindre
La peur que le bonhomme en eut :
"Je ne veux rien, dit-il, en se jetant par terre,
Point de souhaits, point de Tonnerre,
Seigneur, demeurons but à but.

-- Cesse d'avoir aucune crainte :
Je viens, dit Jupiter, touché de ta complainte,
Te faire voir le tort que tu me fais.
Ecoute donc : je te promets,
Moi qui du monde entier suis le souverain maître,
D'exaucer pleinement les trois premiers souhaits
Que tu voudras former sur quoi que ce puisse être.
Vois ce qui peut te rendre heureux.
Vois ce qui peut te satisfaire;
Et comme ton bonheur dépend tout de tes voeux,
Songes-y bien avant que de les faire."
A ces mots Jupiter dans les cieux remonta,
Et le gai bûcheron, embrassant sa falourde,
Pour retourner chez lui sur son dos la jeta.
Cette charge jamais ne lui parut moins lourde.
"Il ne faut pas, disait-il en trottant,
Dans tout ceci, rien faire à la légère;
Il faut, le cas est important,
En prendre avis de notre ménagère.
Çà dit-il, en entrant sous son toit de fougère,
Faisons, Fanchon, grand feu, grande chère,
Nous sommes riches à jamais,
Et nous n'avons qu'à faire des souhaits."
Là-dessus tout au long le fait il lui raconte.
A ce récit, l'épouse vive et prompte
Forma dans son esprit mille vastes projets;
Mais considérant l'importance
De s'y conduire avec prudence :
"Blaise, mon cher ami, dit-elle à son époux,
Ne gâtons rien par notre impatience;
Examinons bien entre nous
Ce qu'il faut faire en pareille occurrence;
Remettons à demain notre premier souhait
Et consultons notre chevet.

-- Je l'entends bien ainsi, dit le bonhomme Blaise.
Mais va tirer du vin derrière ces fagots."
A son retour il but, et goûtant à son aise
Près d'un grand feu la douceur du repos,
Il dit, en s'appuyant sur le dos de sa chaise :
"Pendant que nous avons une si bonne braise,
Qu'une aune de boudin viendrait bien à propos !"
A peine acheva-t-il de prononcer ces mots,
Que sa femme aperçut, grandement étonnée,
Un boudin fort long, qui partant
D'un des coins de la cheminée,
S'approchait d'elle en serpentant.
Elle fit un cri dans l'instant;
Mais jugeant que cette aventure
Avait pour cause le souhait
Que par bêtise toute pure
Son homme imprudent avait fait,
Il n'est point de pouille et d'injure
Que de dépit et de courroux
Elle ne dit au pauvre époux.
"Quand on peut, disait-elle, obtenir un empire,
De l'or, des perles, des rubis,
Des diamants, de beaux habits,
Est-ce alors du boudin qu'il faut que l'on désire ?
-- Hé bien, j'ai tort, dit-il, j'ai mal placé mon choix,
J'ai commis une faute énorme,
Je ferai mieux une autre fois.
-- Bon, bon, dit-elle, attendez-moi sous l'orme,
Pour faire un tel souhait, il faut être bien boeuf !"
L'époux plus d'une fois, emporté de colère,
Pensa faire tout bas le souhait d'être veuf,
Et peut-être, entre nous, ne pouvait-il mieux faire :
"Les hommes, disait-il, pour souffrir sont bien nés !
Peste soit du boudin et du boudin encore;
Plût à Dieu, maudite pécore,
Qu'il te pendît au bout du nez !"
La prière aussitôt du Ciel fut écoutée,
Et dès que le mari la parole lâcha,
Au nez de l'épouse irritée
L'aune de boudin s'attacha.
Ce prodige imprévu grandement le fâcha.
Fanchon était jolie, elle avait bonne grâce,
Et pour dire sans fard la vérité du fait,
Cet ornement en cette place
Ne faisait pas un bon effet;
Si ce n'est qu'en pendant sur le bas du visage,
Il l'empêchait de parler aisément.
Pour un époux merveilleux avantage,
Et si grand qu'il pensa dans cet heureux moment
Ne souhaiter rien davantage.
"Je pourrais bien, disait-il à part soi,
Après un malheur si funeste,
Avec le souhait qui me reste,
Tout d'un plein saut me faire roi.
Rien n'égale, il est vrai, la grandeur souveraine;
Mais encore faut-il songer
Comment serait faite la reine,
Et dans quelle douleur ce serait la plonger
De l'aller placer sur un trône
Avec un nez plus long qu'une aune.
Il faut l'écouter sur cela,
Et qu'elle-même elle soit la maîtresse
De devenir une grande Princesse
En conservant l'horrible nez qu'elle a,
Ou de demeurer Bûcheronne
Avec un nez comme une autre personne,
Et tel qu'elle l'avait avant ce malheur-là."

La chose bien examinée,
Quoiqu'elle sût d'un sceptre et la force et l'effet,
Et que, quand on est couronnée,
On a toujours le nez bien fait;
Comme au désir de plaire il n'est rien qui ne cède,
Elle aima mieux garder son bavolet
Que d'être reine et d'être laide.

Ainsi le bûcheron ne changea point d'état,
Ne devint point grand potentat,
D'écus ne remplit point sa bourse :
Trop heureux d'employer le souhait qui restait,
Faible bonheur, pauvre ressource,
A remettre sa femme en l'état qu'elle était.

Bien est donc vrai qu'aux hommes misérables,
Aveugles, imprudents, inquiets, variables,
Pas n'appartient de faire des souhaits,
Et que peu d'entre eux sont capables
De bien user des dons que le Ciel leur a faits.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Janvier 2013 à 15:49:06
La princesse des bambous

                        (http://img15.hostingpics.net/pics/9143586e87fe96.gif)


Il était une fois un grand-père et une grand-mère. Tous les jours le grand-père allait couper des bambous et fabriquait toutes sortes d'objets avec; il gagnait ainsi sa vie. Un jour, travaillant dans un fourré de bambous, il en trouva un étrange, dont le tronc brillait, comme éclairé de l'intérieur. Le grand-père était bien étonné, et se demandait pourquoi cet arbre brillait ainsi; lorsqu'il coupa le tronc, il fut encore plus surpris : une jolie petite fille, minuscule, était assise dans le tronc, et c'était d'elle que venait cette lueur étrange. Le vieil homme posa la petite fille sur sa main, et rentra bien vite à la maison.

"Grand-mère, regarde! Je l'ai trouvée dans un bambou!" dit-il à sa femme, en lui montrant la charmante petite fille.

Grand-mère pensa que les dieux leur envoyaient cette enfant; ils l'appelèrent "la princesse des bambous", et la chérirent et l'élevèrent comme leur propre fille.

La petite princesse grandit très vite et devint une ravissante jeune fille. Quand Grand-père ou Grand-mère étaient fatigués ou bien tristes, il leur suffisait de la regarder, et ils se sentaient mieux. Après avoir trouvé la petite fille dans un bambou, quand Grand-père allait couper des arbres, il trouvait très souvent de l'or dans le tronc, aussi devint-il riche et pût-il construire une belle et grande maison. Tous trois vivaient très heureux ensemble; la princesse des bambous ne sortait jamais de la maison, mais sa beauté était réputée dans tout le Japon.

Beaucoup de jeunes gens qui en avaient entendu parler vinrent de tout le pays pour voir la princesse, mais Grand-père ne les laissait pas rencontrer son enfant bien-aimée. Un grand nombre d'entre eux étaient fort déçus de ne pas pouvoir voir cette beauté, et rentraient chez eux au bout de quelques jours. Quelques-uns seulement désiraient ardemment rencontrer la jeune fille et l'épouser; ils étaient cinq, à venir tous les jours devant la maison du vieil homme, faisant fi des intempéries.

Un jour, la princesse des bambous dit à Grand-père :

"Je vais demander à chacun de ces cinq jeunes gens de me rapporter l'objet que je désire; j'épouserai celui qui réalisera mon souhait."

Mais le jeune fille n'avait aucune envie d'épouser qui que ce soit, aussi demanda-t-elle des objets extrêmement difficiles à trouver. Au premier des jeunes gens elle demanda la coupe en pierre du bouddha, qui se trouve en Inde; au deuxième, l'arbre dont le tronc est en or et les fruits des perles; au suivant, la peau de la souris du soleil, dont on dit qu'elle se trouve en Chine; au quatrième, le joyau aux cinq couleurs que le dragon porte autour du cou; et au dernier, le cauris, un coquillage qu'on trouve parfois dans le nid des hirondelles, et qui porte bonheur aux femmes enceintes. La princesse des bambous demandait des choses dont on ne sait même si elles existent réellement, et les jeunes gens en furent très surpris et un peu découragés.

Les jeunes gens partirent donc à la recherche des objets demandés pas la princesse des bambous, et ne vinrent pas chez le vieil homme pendant quelques temps. Un jour, le premier d'entre eux revint et apporta la coupe de pierre du bouddha qui lui avait été demandée. Mais il n'était pas allé la chercher en Inde, il avait en fait ramené une vieille coupe qui se trouvait dans un temple près de Kyoto. Quand la princesse vit la coupe, elle comprit immédiatement que ce n'était pas la coupe de bouddha, car même si celle-ci est très ancienne et faite en pierre, elle brille comme aucune autre.

Le deuxième jeune homme, quant à lui, ne savait pas où trouver l'arbre au tronc d'or et aux fruits de perles. Comme il était très riche, il demanda à des artisans d'en fabriquer un. Il l'apporta alors à la princesse; l'arbre était vraiment magnifique, à tel point que la jeune femme crut que c'était réellement l'arbre qu'elle avait demandé. Elle était au désespoir, se disant qu'elle allait devoir épouser ce jeune homme, lorsque les artisans vinrent réclamer leur dû; elle comprit alors qu'elle avait été trompée et que cet arbre était un faux.

Le suivant, qui devait ramener la peau de la souris du soleil, donna une paya grassement des marchands qui se rendaient en Chine pour qu'ils lui ramènent cette fourrure. A leur retour, ils lui donnèrent une magnifique fourrure, l'assurant que c´était celle de la souris du soleil. Il se rendit alors chez la princesse, qui lui dit :

"C'est une très jolie fourrure; Mais on dit de la peau de la souris du soleil qu'elle ne brûle pas, même si on la jette au feu. Voyons cela.", et la princesse présenta la fourrure aux flammes. Celle-ci s'enflamma immédiatement et se consuma. Le jeune homme, couvert de honte, s'en alla précipitamment.

Le quatrième d'entre eux était très courageux, et décida de trouver lui-même le dragon qui porte un joyau de cinq couleurs au cou. Il partit donc en mer et navigua très longtemps, sillonnant les mers au hasard, étant donné que personne en sait où se trouve le dragon, ni même s'il existe. Mais durant son périple, il fut pris dans une tempête effroyable, et manqua de mourir. Il renonça à continuer ses recherches et rentra chez lui, mais il était encore gravement malade et ne pût rencontrer de nouveau la princesse des bambous.

Le cinquième et dernier des jeunes gens, auquel la princesse avait demandé le cauris, un coquillage porte-bonheur qu'on trouve parfois dans le nid des hirondelles, entreprit de fouiller les nids d'hirondelles. Un jour, il crut avoir trouvé le coquillage, et le serrant fermement dans sa main, il descendit précipitamment de l'échelle sur laquelle il se trouvait, tomba et se blessa gravement. De plus, ce qu'il tenait si précieusement à la main n'était pas du tout le fameux coquillage, mais une crotte d'hirondelle, toute dure et racornie. Voilà comment lui aussi échoua et personne ne pût ramener à la princesse les objets demandés.

La réputation de grande beauté de la princesse des bambous arriva jusqu'aux oreilles de l'empereur, qui désira la rencontrer. Un jour, il se rendit chez le vieil homme, et rencontra la princesse des bambous. Il en tomba immédiatement amoureux, et voulut l'emmener dans son palais. Mais la princesse refusa, lui disant :

"Je ne suis pas née sur cette planète, je ne peux pas aller avec vous."

Néanmoins, l'empereur ne pouvait oublier la ravissante jeune femme.

Un été, la princesse des bambous, regardant la lune, se mit à pleurer. Grand-père lui demanda ce qu'elle avait, mais elle ne lui répondit pas, restant silencieuse. La jeune femme était plus triste de jour en jour, et elle pleurait tous les soirs en regardant la lune. Grand-père et Grand-mère se faisaient bien du souci, mais la princesse gardait le silence et ils ne pouvaient en rien l'aider. A la mi-août, la veille de la pleine lune, la princesse des bambous parla enfin :

"Je ne suis pas née sur cette planète, je viens de la lune. Il avait été décidé que je vivrais quelques années sur la terre, mais aujourd'hui l'heure du retour approche. Demain, à la pleine lune, mes compagnons viendront me chercher et je devrai rentrer. J'ai été très heureuse avec vous, je vous remercie du fond du coeur."

Grand-père et Grand-mère étaient abasourdis, et très tristes. Ils ne voulaient pas quitter leur princesse bien-aimée, mais celle-ci leur dit :

"Je n'ai pas le droit de rester avec vous. Il faut que je retourne d'où je viens. J'en suis très triste aussi, mais je n'ai pas le droit de rester ici."

Grand-père décida alors d'aller demander de l'aide à l'empereur, pour empêcher que la jeune femme ne parte. Il raconta toute l'histoire de la princesse des bambous à l'empereur et celui-ci envoya deux mille soldats à la maison du vieil homme.

La nuit de la pleine lune de la mi-août, la maison du vieil homme était cernée par les soldats de l'empereur. La moitié d'entre eux étaient postés sur le toit, et les autres se massaient autour de la maison, tentant de protéger la princesse des bambous. A l'intérieur, Grand-père et Grand-mère entouraient leur enfant bien-aimée, attendant l'escorte venant de la lune. Dehors, les soldats tenant bien en main leurs arcs et leurs flèches observaient la lune. A l'instant où la lune fut vraiment pleine, toute ronde, l'escorte des gens de la lune descendit du ciel. Les nymphes de la lune brillaient d'une lumière irréelle, qui aveuglait les soldats, les empêchant de tirer.

Le plus étrange était que les soldats avaient également perdu toute volonté de combattre, ils ne pouvaient rien faire. Les soldats, Grand-père et Grand-mère, impuissants, regardèrent la princesse des bambous s'avancer vers l'escorte venue de la lune.

"Je suis très triste de vous quitter, mais je n'ai pas le droit de rester avec vous, je dois retourner d'où je viens. Je vous en prie, pensez à moi de temps à autre." Elle s'adressa ainsi une dernière fois à Grand-père et Grand-mère, puis écrivit une lettre à l'empereur. Les nymphes venues de la lune la revêtirent alors d'un manteau, une superbe étoffe de la lune, et la princesse des bambous oublia sa vie sur terre et repartit avec ses compagnons.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 19 Janvier 2013 à 18:13:32
//La petite poule rousse.wmv (http://www.youtube.com/watch?v=7yo3nkCpFfA#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Janvier 2013 à 19:55:21
(http://img11.hostingpics.net/pics/487051fleur26348.gif)Légende du perce neige : le cheval enchanté.



Le cheval enchanté

"Par une nuit d'orage, une vieille femme vint au château d'un prince demander abri. Le prince la vit et lui demanda de partir. Si elle voulait travailler elle pourrait avoir un abri... La vieille femme se changea alors en princesse-fée et lui dit "Vous n'avez pas de pitié ni de cœur. Vous serez transformé en cheval. Le sortilège sera rompu seulement si une jeune fille sincère vous fait un cadeau." Les années passèrent, le prince était malheureux et était désolé de ce qu'il avait fait. Toutes ces années de nombreuses princesses vinrent lui faire des cadeaux en vain. Un jour une jeune bergère nommée Giralda, qui aimait le prince, cueillit un perce-neige et l'emballa dans un papier blanc. Au dos elle écrivit avec des lettres blanches et rouges 'Martisor'. Quant elle vint vers le prince il se demanda s'il avait jamais vu si clairs et honnêtes yeux. Elle lui dit que son cadeau était un symbole de son amour. Elle lui donna le Martisor. Quand le prince toucha le cadeau il redevint humain. Ils se marièrent et vécurent ensuite toujours heureux.
Le prince décida que le 1er mars de chaque année, en souvenir, les hommes offriraient un martisor aux femmes qui leur sont proches, en signe de gratitude et d'amour."
(http://img11.hostingpics.net/pics/439975dyn004original600399pjpeg2604260b166d39dff5bc4caf4c3f508faad2c08.jpg)
Le perce-neige est étroitement lié à Martisor, la fête du printemps qui se célèbre le 1er mars en Roumanie, Moldavie et Bulgarie (Marteniza). Martisor [Mar-tsi-chor] dérive de martie, mars. Cette fête évoque également notre Saint-Valentin: Les hommes offrent aux femmes des martisors, porte-bonheur en forme de broche ou de pendentif comprenant notamment deux fils torsadés, rouge et blanc. Martisor verrait ses origines remonter à de plus de 2000 ans. D'innombrables légendes et traditions s'y rattachent.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 30 Janvier 2013 à 19:31:36
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La princesse et la licorne

Il était une fois, il y a très longtemps, dans un lointain pays, un roi ténébreux qui vivait dans un château sombre et silencieux.
Ce roi avait vécu tant de souffrances qu'il s'était réfugié dans cette forteresse pleine de fantômes d'où personne ne pouvait le déloger..
Il avait une fille.Elle grandissait dans cet environnement austère, sans contacts extérieurs,élevée par sa maman, une reine douce et timide.La princesse avait appris à raser les murs quand les colères du roi, en proie aux démons que lui seul voyait, faisaient trembler jusqu'aux fondations du château.Elle parlait peu, souriait toujours, pour ne pas briser le silence pesant qu'exigeait la maladie du roi.
Mais elle écoutait beaucoup, de tous ses sens. Le jour de ses seize ans, elle pris son courage à deux mains, et demanda la permission de sortir du château.La reine se figea sur son ouvrage; le roi fit mine de n'avoir rien entendu. « Papa, je voudrais sortir du château, s'il te plait ».
« Va, ma fille, si c'est ce que tu veux,mais dehors tu n'auras que des ennemis».La reine tourna la tête pour cacher ses larmes. La princesse tremblante mais déterminée, pris pour la première fois la direction du pont levis.
Le coeur gros, elle commença son voyage.Elle s'engagea sur la seule route qu'elle avait pu apercevoir d'une des meurtrières du château.Elle traversa des lieues de désert gris en évitant les rencontres.Un jour, elle décida de changer de direction ;son intuition lui susurrait qu'il devait y avoir autre chose, ailleurs.
Rapidement, le paysage changea curieusement.L'herbe et la végétation se permirent des audaces de formes et de couleurs,les oiseaux s'échangeaient gaiement leurs plus belles trilles, l'eau claire des ruisseaux sautait de rochers en rochers.Son cœur battait fort.Malgré la beauté des lieux elle se sentait anxieuse, elle n'avait peut-être pas le droit d'être là ? Alors, au détour d'un sentier étroit, alors qu'elle allait rebrousser chemin, elle s'arrêta net. Une créature magnifique se tenait devant elle, grande,blanche, irréelle, comme elle n'en avait vue que dans ses livres : une licorne...Avec un regard infiniment doux, l'animal s'avança vers la jeune fille.
« Bonjour, lui dit la licorne
- Bonjour. Comme vous êtes belle !
- Toi aussi .Qu'est ce qui t'amène par ici ?
- Je ne sais pas au juste, je suis désolée.J'avance depuis de longs jours sans savoir ce que je cherche.
- Je vois.Tu n'as pas à être désolée.Puis je t'accompagner ? Je pourrais te présenter mes amis ?»
Elles cheminèrent ensemble, le jeune fille aux pas mal assurés racontant son enfance, la licorne légère posant ses sabots à ses côtés.En chemin, elles rencontrèrent l'escargot, qui raconta le plaisir de sa vie lente et sa façon de profiter de la moindre goutte d'eau de pluie pour savourer le bonheur d'être en vie. Puis le papillon éblouissant qui savait ce qu'était une métamorphose; un majestueux cygne blanc lui conta une drôle d'histoire de vilain petit canard; une grenouille,qui avait longtemps vécu dans un puits,lui narra les difficultés de croire aux étangs, aux lacs, à la mer...
La princesse eut très souvent peur de ces créatures inconnues, douta parfois de ces histoires extraordinaires.Elle avait entendu tant de mises en garde pendant son enfance. Alors quand elle était trop fatiguée , la licorne la prenait sur son dos .Au bout de quelques jours, le jeune fille lui fit suffisamment confiance pour s'y endormir et se laisser guider. Finalement, il faisait bon dans cet étrange pays.Elle traversa de nouveaux paysages, fit d'autres rencontres, toutes plus étonnantes les unes que les autres. Elle fut souvent maladroite, ses erreurs lui donnèrent parfois envie de se cacher comme le bernard l'hermite. Mais la licorne était là, qui acceuillait ses faux pas d'une grande sollicitude, lui expliquait ce monde sans la brusquer. Elle lui apprit aussi à se défendre ou à dire non,car c'était parfois nécessaire. En échange, la princesse grimpait dans les arbres pour cueillir des fruits ou les fleurs qui agrémentaient les repas de la licorne. Celle ci semblait toujours savoir quand la princesse avait besoin d'assistance. Petit à petit la princesse pris confiance en elle en intégrant les conseils de sa nouvelle amie. L'aide de l'animal se fit plus discrète.
Elle compris aussi qu'elle ne pourrait redonner de couleurs aux joues de ses parents si ceux ci s'entêtaient à rester cloitrés.Elle chargeait des colombes de leur envoyer des herbiers, des dessins d'oiseaux...
Alors sa vie devint gaie, colorée, riche d'expériences et d'êtres très différents, passionnants.
Et ce ne fut là que le début, d'une très, très longue et très belle histoire.....
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 01 Février 2013 à 19:46:01
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L'arbre qui chantait

Il y a très, très longtemps, un vieux sorcier entreprit un long voyage.
Un jour qu'il avait tant et tant marché qu'il ne sentait plus ses pieds, il décida de chercher un endroit pour se reposer.
C'est alors qu'il entendit soudain chanter. Ce n'était pas un chant comme celui des oiseaux, ni comme celui du vent à travers les feuilles, mais une voix claire, qui prononçait des mots qu'il ne comprenait point.
Poursuivant son chemin, il arriva dans une clairière. Juste au centre, se dressait un arbre majestueux, dont les feuilles brillaient au soleil. On eût dit qu'il était en or!
Alors, le sorcier entendit à nouveau le chant, mais, cette fois, plus fort que précédemment. Regardant tout autour de lui, il ne vit personne. Il n'y avait là que les branches dorées de l'arbre, plus quelques souris grises qui couraient dans l'herbe.
Le sorcier s'assit contre l'arbre pour souffler un peu. Il songea qu'il serait sage de piquer un petit somme avant de continuer sa route.
Mais le chant le tenait éveillé! Enervé, il regarda encore autour de lui, sans rien remarquer d'anormal.
"Il faut que je trouve ce chanteur! ", se dit-il. "J'aimerais bien qu'il se taise, pour que je puisse me reposer. "
Le vieux sorcier se leva et observa les alentours à travers le feuillage de l'arbre. Ce faisant, il posa ses mains sur le tronc et sentit l'écorce vibrer. Il comprit alors que le chant provenait de l'arbre lui-même!
-"Tiens ! Cela fait bien longtemps que je n'avais plus, entendu un arbre chanter!", grommela-t-il. "Mais, par chance, je connais encore le moyen de le faire cesser! "
Il sortit de la poche de son manteau long morceau de corde et le lança en l'air tout en marmonnant une formule. La corde se tortilla quelque peu, puis s'enroula deux fois autour du tronc. Le sorcier prononça ensuite d'autres mots magiques, puis il termina en faisant un gros nœud dans la corde. Aussitôt, le l'arbre d'or cessa de chanter.
-"Je vais enfin pouvoir me reposer", soupira le sorcier avant de s'allonger dans l'herbe.
Mais il découvrit alors des rubans de fumée, qui se dégageaient des racines de l'arbre. Peu à peu, la fumée s'épaissit, jusqu'à former un gros nuage gris, qui changea progressivement de couleur. Il devint d'abord gris foncé, et puis noir.
Tout à coup... il se mit à tournoyer sur lui-même et se transforma en un hideux génie aux longues oreilles, avec un gros nez bourgeonnant de verrues, des bras démesurés et des mains larges des pelles!
-"Hahaha! Hihihi! ", ricana le génie. "Quel stupide sorcier tu es! Il y a des années, un de tes confrères m'a enfermé dans cet arbre. Mais maintenant que tu lui as cloué le bec, je suis libre! Et j'ai fort envie de te dévorer! "
Ce disant, le génie saisit le vieux sorcier par la barbe.
Heureusement, ce dernier savait que les esprits des bois sont toujours idiots! Et celui-là semblait encore plus bête que les autres...
-"Vas-tu me faire mijoter ou rôtir?", demanda-t-il au génie. "Tu sais que les vieux sorciers ne se mangent pas crus. Tu aurais des crampes d'estomac! "
L'affreux génie réfléchit quelques instants.
"Je vais faire un grand feu et t'attacher à une branche. Ensuite, je te ferai rôtir au-dessus des flammes", déclara-t-il, tout content.
-"Mais je vais m'enfuir pendant que tu allumeras le feu", insinua le sorcier.
-"C'est vrai ... ", admit le génie. "Je vais... euh ... je vais ... "
-"Pourquoi ne me ligotes-tu pas? ", suggéra le sorcier. "Ainsi, je serai incapable de fuir. "
-"Très bonne idée! ", s'exclama le génie. "Mais à quoi donc vais-je t'attacher? "
-"A cet arbre, bien sûr! ", répondit le sorcier. "Utilise donc la corde que j'avais enroulée autour du tronc pour le faire taire! "
Convaincu, l'esprit des bois alla détacher la corde.
Il commença par défaire le nœud... tout comme le sorcier l'avait espéré. En effet, dès que la corde eut été dénouée, l'enchantement se trouva rompu!
L'arbre se remit à chanter et le génie, de violet qu'il était, vira au mauve foncé. Puis, très lentement, il se transforma en fumée noire, puis en fumée grise, pour disparaître enfin en minces rubans de vapeur blanche.
Le sorcier remit alors la corde dans la poche de son large manteau. Avant de se remettre en route, il prononça quelques mots magiques et ni bête ni homme -pas même un sorcier - ne revit jamais le génie des bois.



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Février 2013 à 00:05:52
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Le retour des fleurs

Conte australien


Comme il ne pouvait plus supporter les hommes et leur méchanceté, le plus puissant de tous les sorciers avait décidé de quitter son pays et de se réfugier tout au sommet de la plus haute des hautes montagnes. Aussitôt dit, aussitôt fait... Il s'en alla.

Un grand malheur s'abattit sur la nature ; toutes les fleurs, celles des bois, celles des prairies, celles des collines, celles des bords de mer, celles du long des rivières et celles de lacs moururent instantanément. Il n'y en eu pas une seule qui survécut. Le pays, jadis si beau et si fleuri devint rapidement un désert. Tous les animaux, les oiseaux, les papillons, les insectes s'enfuirent après la mort des fleurs. Pour voir les fleurs, les habitants ne pouvaient user que de leur imagination. Mais les enfants, qui n'avaient jamais connu ces merveilles, ne voulaient pas croire les anciens.

- Vous ne racontez que des histoires, leur disaient-ils et ils s'en allaient tristes dans le décor triste d'un pays sans fleurs.
Parmi tous ces enfants, il en était un qui ne pouvait imaginer que tout eut disparu pour toujours. Lorsque sa mère, lassée de raconter l'ancien temps, se taisait, il réclamait encore et encore d'autres histoires car il aimait entendre parler de la beauté des fleurs.
Il pensait que lorsqu'il serait un homme, il partirait à la recherche du grand sorcier et lui demanderait de redonner de la couleur au pays. 

Les années passèrent.   

Un jour, il fut grand. Son amour des fleurs avait grandi avec lui. Il s'en alla donc trouver sa mère et lui dit :
- Mère, je vais m'en aller à la recherche du grand sorcier et lui demander de nous rendre les fleurs.
Sa mère le regarda avec des yeux remplis d'effroi.
- Mais fils ! s'écria-t-elle, tout ce que je t'ai raconté n'était que des histoires. Il ne faut jamais croire aux histoires. Je te disais ce que ma mère me racontait parce qu'elle l'avait entendu raconter par sa mère qui le tenait de sa mère. Malheur à toi ! Les fleurs n'ont probablement jamais existé. Tu aurais beau marcher mille ans, jamais tu ne trouverais le sorcier qui vit tout en haut de la plus haute montagne.
Mais le fils ne l'écouta même pas, il prit son baluchon et s'en alla. Les gens du pays qui le voyaient passer se moquaient de lui :
- Ce garçon est fou ! disaient-ils. Il n'y a que les fous qui croient aux histoires.

Le jeune homme se dirigea vers le nord. Il marcha longtemps, longtemps, longtemps et arriva au pied d'une montagne, si haute, si haute que son sommet était invisible.
Il tourna autour de la montagne, mais ne vit aucun sentier, seulement de la roche et des cailloux. Il tourna encore et encore. Las de tourner, il se dit :
- « Il faudra bien que je découvre un chemin. Le sorcier a dû le prendre pour atteindre le sommet. »
Il inspecta avec attention les rochers et finit par découvrir une petite marche. En regardant de plus près, il aperçut une autre petite marche et puis encore une autre. Lorsqu'il leva les yeux vers le sommet de la montagne, il aperçut un escalier et il se mit à grimper sans jamais regarder en bas pour ne pas avoir le vertige

A la fin du premier jour, il s'arrêta sur une terrasse. Le sommet de la montagne n'était pas visible. Il en fit de même le deuxième, puis le troisième, puis le quatrième puis le cinquième puis le sixième jour.  Il commençait à se décourager quand, au soir du septième jour, il aperçut enfin le sommet. A force de courage et malgré la fatigue accumulée depuis 7 jours, il parvient à l'atteindre juste au moment où le soleil avait complètement disparu et que la nuit avait recouvert le monstre de pierre. Arrivé tout en haut, il aperçut une source. Il se pencha pour y boire un peu d'eau. Au premier contact de l'eau sur ses lèvres, toute sa fatigue s'évapora. Il se sentit fort et heureux comme jamais dans sa vie. Tout à coup, derrière lui, il entendit une voix qui lui demanda ce qu'il était venu chercher sur la plus haute des hautes montagnes.
- Je suis venu, dit-il, pour rencontrer le grand sorcier et lui demander de nous rendre des fleurs et des insectes. Un pays sans fleurs, sans oiseaux et sans abeilles, est triste à mourir. Seule le beauté peut rendre les gens bons et je suis certain que les gens de mon pays cesseraient d'être méchants, si le sorcier leur redonnait les fleurs.

Alors, le jeune homme se sentit soulevé par des mains invisibles. Il fut transporté délicatement vers le pays des fleurs éternelles. Les mains invisibles le déposèrent sur le sol au milieu d'un tapis de fleurs multicolores. Le jeune homme ne pouvait en croire ses yeux. Il y en avait tant et jamais il n'avait imaginé que les fleurs puissent être aussi belles ! Dans l'air, un délicieux parfum flottait et les rayons du soleil dansaient sur le sol multicolore comme des milliers et des milliers d'arcs-­en-ciel. La joie du jeune homme fut si grande, qu'il se mit à pleurer.

La voix lui dit de cueillir les fleurs qu'il préférait. Il s'exécuta et en cueillit de toutes les couleurs. Quand il en eut plein les chargés, les mains invisibles le reconduisirent doucement au sommet de la montagne.
Alors, la voix lui dit :
- Rapporte ces fleurs dans ton pays. Désor­mais, grâce à ta foi et à ton courage, ton pays ne sera plus jamais sans fleurs. Il y en aura pour toutes les régions. Les vents du nord, de l'est, du sud et de l'ouest leur apporteront la pluie qui sera leur nourriture, et les abeilles vous donneront le miel qu'elles cherchent dans les fleurs.

Le jeune homme remercia et commença aussitôt la descente de la montagne qui, malgré la quantité de fleurs qu'il portait, lui parut bien plus facile que la montée.

Quand il revint dans son pays, les habitants, en apercevant les fleurs et en respirant leur parfum, ne voulurent pas croire à leur bonheur. Puis, quand ils surent qu'ils ne rêvaient pas, ils dirent :
- Ah ! nous savions bien que les fleurs existaient et que ce n'étaient pas des histoires inventées par nos ancêtres.

Et leur pays redevint un grand jardin. Sur les col­lines, dans les vallées, près des rivières, des lacs et de la mer, dans les bois, dans les champs et dans toutes les prairies, les fleurs crûrent et se multiplièrent. Tantôt c'était le vent du nord qui amenait la pluie, tantôt le vent du sud, de l'est ou de l'ouest. Les oiseaux revinrent, ainsi que les papillons et tous les insectes, et surtout les abeilles. Désormais, les gens purent man­ger du miel, et la joie revint sur la terre.

Quand les hommes virent leur terre transformée grâce au jeune homme qui avait osé ce que personne n'avait cru possible, ils lui demandèrent d'être leur roi. II accepta et il devint un roi bon, courageux et intelligent.
-Rappelons-nous, disait-il, que c'était la méchan­ceté des hommes qui avait entraîné la disparition des fleurs de notre pays.

Et, comme personne ne voulait recommencer à habiter un désert et à être privé de miel, chacun s'efforça désormais d'être aussi bon que possible pour ne pas fâcher le grand sorcier. 
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 03 Février 2013 à 00:31:36
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La rose bleue


Une jeune princesse possédait toutes les qualités que l'on pût désirer. Ses yeux d'un bleu profond illuminaient un visage ravissant, et tout le monde admirait la façon qu'elle avait de raconter des histoires.


Sa mère était morte à sa naissance, et son père l'adorait et ne lui refusait rien.
La princesse cependant avait un défaut : se considérant comme une personne parfaite, elle exigeait que tout autour d'elle le fût également. Elle n'hésitait pas à jeter un gâteau si les fraises qui l'ornaient n'étaient pas toutes exactement de la même taille et de la même couleur ! Évidemment, aucun prétendant ne trouvait grâce à ses yeux. Son père insistait pour qu'elle se mariât, mais elle refusait tous les jeunes gens qu'il lui présentait. Un jour qu'il la suppliait de nouveau, elle lui promit qu'elle épouserait celui qui lui apporterait une rose bleue.


Le père ne se réjouit pas de cette décision, car il savait bien que les roses bleues n'existent pas. Les roses sont blanches, rouges, roses ou jaunes, mais jamais bleues !


Cédant à l'exigence de sa fille, il fit annoncer dans tout le pays que le premier qui apporterait à la princesse une rose bleue, de la couleur de ses yeux, l'épouserait le jour même. Nombreux furent ceux qui partirent à la recherche de cette rose dans l'espoir de devenir le gendre de l'empereur ! Beaucoup abandonnèrent leur recherche.


Seuls trois prétendants continuèrent leur quête. L'un d'eux était un riche marchand. Il alla voir un fleuriste et lui demanda de lui trouver une rose bleue, sinon il le tuerait. Le fleuriste désespéré utilisa un subterfuge pour sauver sa vie. Il trempa une rose blanche dans un liquide bleu, et la rose se teinta de la couleur désirée ! Quand le marchand revint voir le fleuriste, il le remercia et lui donna beaucoup d'argent. Il se précipita alors au palais pour montrer la rose bleue à la princesse et l'épouser. Le roi se réjouit à la vue de la fleur et dit à sa fille : « Tu dois tenir ta promesse ! Tu as la rose bleue que tu souhaitais, nous allons préparer le mariage. » Sa fille cependant avait deviné la ruse et répondit à son père : « Comment avez-vous pu vous laisser aussi facilement tromper ?

« Cette rose n'est bleue que parce qu'elle a été teintée ! Ce n'est pas sa couleur d'origine. » Elle demanda qu'on apporte un oiseau. Lorsque celui-ci se posa sur la rose, il mourut instantanément, tué par le poison qui avait servi à colorer la fleur.

Le deuxième prétendant était un militaire qui se rendit dans la région des cinq fleuves, célèbre pour ses diamants. Il examina de nombreuses pierres précieuses et finit par trouver un très gros saphir bleu. Il l'acheta et le porta à un joaillier pour le faire tailler en forme de rose. Quand l'empereur vit le bijou, il le trouva magnifique et fut persuadé que sa fille accepterait de se marier avec ce militaire.

Son père alla la chercher et lui dit : « Tu dois tenir ta promesse ! Tu as la rose bleue que tu souhaitais, nous allons préparer le mariage. » Quand elle vit la rose, la jeune femme s'écria : « Mais ce n'est pas une fleur ! Mon père, vous voyez bien que ce n'est qu'un saphir taillé en forme de fleur ! J'ai de bien plus beaux bijoux et j'attends toujours qu'on m'apporte une vraie rose bleue. »

Le troisième prétendant était un jeune noble de bonne famille. Il convoqua le plus réputé des peintres du pays et lui demanda de lui peindre la plus belle rose bleue qu'on pût imaginer. Quand le tableau fut achevé, il le porta à l'empereur, qui fut persuadé que, cette fois-ci, sa fille serait satisfaite, et qu'elle aurait enfin trouvé un mari.

Son père alla la chercher et lui dit : « Tu dois tenir ta promesse ! Tu as la rose bleue que tu souhaitais, nous allons préparer le mariage. » La princesse répondit qu'elle voulait une rose vivante et non une image, aussi belle soit-elle. Le dernier prétendant fut donc refusé comme tous les autres.

Un soir d'été qu'elle admirait le coucher du soleil, elle entendit un poète chanter. C'était un beau jeune homme à la voix douce et harmonieuse. Elle descendit à sa rencontre. Elle s'éprit de lui, mais quand il lui dit qu'il souhaitait l'épouser, elle lui répondit : « Hélas, j'ai juré que je n'épouserais que celui qui serait capable de me rapporter une rose bleue. Jusqu'à présent, personne n'y est parvenu.
— Moi j'y parviendrai. Ce n'est pas difficile, il y a partout des roses bleues. »

Le lendemain, il arriva au palais avec une rose de couleur crème. Il la présenta à l'empereur, qui se moqua de lui. Il fit néanmoins appeler sa fille et lui dit : « Voilà ma fille un poète qui prétend avoir trouvé une rose bleue ! » À sa grande surprise, il entendit sa fille répondre : « Mais oui, mon père, elle est bleue, c'est la plus belle rose que j'ai jamais vue et elle est bien bleue. » Tout le monde à la cour partagea la stupéfaction de l'empereur. Tout le monde voyait une rose crème et non bleue ! Partout la princesse disait : « Je vous assure qu'elle est bleue. C'est vous qui ne voyez pas ! Elle est d'un bleu merveilleux, et je suis heureuse car je vais épouser celui qui me l'a rapportée. » Et ainsi fut fait. La princesse fut très heureuse et perdit l'habitude de rechercher en permanence la perfection.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Février 2013 à 03:24:47
CONTE POUR LES PETITS HISTOIRE MAGIQUE 1/2.avi (http://www.youtube.com/watch?v=uOjwuzZJ4xI#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Février 2013 à 22:49:02
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La princesse de pierre

Deux princes partirent un jour à l'aventure vers de lointaines contrées. Mais comme ils s'amusaient beaucoup à faire les quatre cents coups, ils décidèrent de ne plus revenir au château.

Leur petit frère, qui se faisait du souci, décida de partir à leur recherche. Lorsqu'il les trouva enfin, ils se moquèrent de lui: "Oh! Une chance que tu sois venu, petit frère. Car nous n'aurions jamais pu nous débrouiller seuls; tu es tellement plus intelligent que nous." Mais ils acceptèrent quand même de l'emmener avec eux.

Ils reprirent donc la route tous ensembles et un jour, au détour d'un sentier, ils aperçurent une fourmilière. Le plus vieux voulu la fouiller et voir comment les petites fourmis apeurées se précipiteraient au-dehors, transportant leurs oeufs pour les mettre en sûreté. Mais le plus jeune dit: "Laisse donc ces animaux en paix, je ne peux pas supporter qu'on les dérange!"

Ils continuèrent et arrivèrent au bord d'un lac sur lequel barbotaient un très grand nombre de canards. Les deux plus vieux voulurent en attraper quelques-uns et les faire cuire, mais le plus jeune ne les laissa pas faire et leur dit: "Laissez donc les animaux en paix, je ne peux pas supporter qu'on les tue!"

Plus tard, ils trouvèrent une ruche d'abeilles qui était tellement remplie de miel, qu'elle en débordait. Les deux frères voulurent faire un feu sous la ruche, afin d'enfumer les abeilles et leur voler leur miel. Mais le plus jeune les en empêcha encore et leur dit: "Laissez donc les animaux en paix, je ne peux pas supporter qu'on les brûle!"

Finalement, les trois frères arrivèrent à un château ensorcelé. Une méchante sorcière avait transformé en pierre toutes les plantes, tous les animaux et tous les gens de ce château, à l'exception du roi. Elle avait épargné le roi car elle voulait qu'il souffre de voir ses trois filles dormir d'un sommeil de pierre.

Les trois princes se dirigèrent vers la porte du château et regardèrent à l'intérieur par un petit trou. Là, ils virent un homme gris et triste comme la pierre assis à une table: c'était le roi. Ils l'appelèrent une fois, puis une seconde fois, mais le roi ne les entendit pas. Ils l'appelèrent de nouveau. Là, il se leva, ouvrit la porte et, sans prononcer un seul mot, les conduisit à une table couverte de victuailles. Lorsque les trois princes eurent mangé et bu, qu'ils furent rassasiés et repus, le roi leur montra leur chambre et ils allèrent dormir.

Le lendemain matin, le roi vint auprès du plus vieux des princes, lui fit signe de le suivre et le conduisit à une tablette de pierre. Sur cette tablette se trouvaient trois inscriptions, chacune décrivant une épreuve qui devait être accomplie pour que le château soit délivré de son mauvais sort.

La première disait: "Dans la forêt, sous la mousse, gisent les mille perles des princesses. Elles doivent toutes être retrouvées avant le coucher du soleil. S'il en manque ne serait-ce qu'une seule, celui qui les aura cherché sera changé en pierre." Le prince partit donc dans la forêt et chercha durant toute la journée. Mais lorsque la nuit tomba, il en avait seulement trouvé une centaine. Il arriva ce qui était écrit sur la tablette: il fut changé en pierre.

e jour suivant, le second prince entreprit à son tour de retrouver les perles. Mais il ne fit pas beaucoup mieux que son frère aîné: il ne trouva que deux cents perles et fut lui aussi changé en pierre.

Puis, ce fut au tour du plus jeune de chercher les perles. Mais c'était tellement difficile et cela prenait tellement de temps, qu'il se découragea. Il s'assoya sur une roche et se mit à pleurer. À ce moment, la reine des fourmis, à qui il avait un jour porté secours, surgit avec cinq mille autres fourmis. Les petites bêtes cherchèrent les perles et cela ne leur pris guère de temps pour qu'elles les retrouvent toutes et qu'elles les rassemblent en un petit tas.

Fort de son succès, le jeune prince s'attaqua à la seconde épreuve: "La clef de la chambre des princesses gît au fond du lac. Elle doit être retrouvée avant le coucher du soleil. Si ce n'est pas le cas, celui qui l'aura cherché sera changé en pierre." Lorsqu'il arriva au bord du lac, les canards, qu'il avait un jour sauvés, barbotaient encore. Ceux-ci plongèrent dans les profondeurs du lac et rapportèrent la clef au prince.

La dernière épreuve était la plus difficile de toutes: "Parmi les trois filles du roi, il en est une qui est plus jeune et plus gentille que les autres. Elle doit être reconnue avant le coucher du soleil. Celui qui se trompera, celui-là sera changé en pierre." Mais les trois princesses se ressemblaient toutes comme des gouttes d'eau. La seule chose qui permettait de les distinguer était qu'avant d'être changées en pierre elles avaient mangé chacune une sucrerie différente: l'aînée avait mangé un morceau de sucre; la deuxième, un peu de sirop; la plus jeune, une cuillerée de miel.

C'est alors qu'arriva la reine des abeilles dont la ruche avait un jour été sauvée par le jeune prince. Elle se posa sur les lèvres de chacune des princesses pour y goûter les cristaux de sucre qui s'y trouvaient collés. Finalement, elle s'arrêta sur les lèvres de la troisième, car elles avaient le goût du miel.

C'est ainsi que le jeune prince pu reconnaître la plus jeune des princesses. À ce moment, le sort fut levé: toutes les plantes, tous les animaux et tous ceux qui avaient été changé en pierre reprirent vie, et les trois princesses se réveillèrent.

Le jeune prince épousa la plus jeune et devint le roi après la mort de son père, tandis que ses frères marièrent chacun une des deux autres princesses.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Février 2013 à 19:23:35
Contes et légendes,la fée des fleurs.
                                                                                      (http://img15.hostingpics.net/pics/9614727n4f7csu.gif)
Une vieille légende roumaine dit que lorsque tout ce qui vit prit sa forme et sa dénomination définitive, seul l'homme fut mécontent car la terre lui semblait toute noire et déserte. Il sentait que quelque chose manquait pour que sa vie devînt belle et heureuse. La fée aux fleurs apparut et, en entendant ses lamentations, lui dit : - Je vais couvrir la terre d'une parure originale qui serait à jamais ta consolation. A un signe de sa baguette magique, des fleurs en grand nombre sortirent soudain de terre et vinrent se ranger les unes auprès des autres. La fée trempa alors sa plume magique dans les couleurs de l'arc-en-ciel et donna à chacune une coloration différente. Sa plume fit merveille et bientôt toute la terre se trouva couverte d'une multitude de fleurs de toutes sortes. Les fiers chrysanthèmes purent s'enorgueillir de leurs robes éclatantes et multicolores, les roses de leurs pétales semblables à du velours, les œillets, les jasmins, les lilas, les giroflées de leurs tons chauds et leur suave parfum. Ce fut ensuite le tour des craintives pensées, des timides violettes, si timides qu'elles se cachent derrière leurs feuilles, des campanules et de leurs sœurs les humbles fleurs des champs. En même temps, la fée donnait à chacune d'elles un nom et lui fixait le lieu de résidence qui serait désormais le sien. S'alignant sagement, toutes ces fleurs attendaient le moment de gagner leur nouvelle destination. Toujours peignant fleur après fleur, la fée se trouva nez à nez avec un rayon de soleil qui l'observait depuis longtemps et l'avait suivie tout au long de ses pérégrinations. -Mon bon père Soleil, aimerait, lui dit-il, faire quelque chose pour l'humanité. Il souhaitait qu'une fleur à sa ressemblance soit comme lui revêtue d'or pour apporter sa lumière aux humains durant les journées grises où, caché par les nuages, il demeure invisible.La fée, trempant aussitôt sa plume dans la poudre d'or en recouvrit le tournesol qu'on appela désormais le « grand soleil ». Un enfant lui demanda ensuite d'inventer une fleur particulièrement belle, pour l'offrir à sa maman. Après avoir réfléchi, la fée choisit le blanc qui est la couleur des candides pensées de l'enfance et , voulant dépeindre la douceur d'un sourire maternel, créa le lys qui est et restera à jamais le symbole de l'innocence. Lorsque toutes ces fleurs furent prêtes pour réconforter les pauvres humains, on entendit, venant de très loin, de sous un amas de neige, comme un soupir d'enfant abandonnée : -Je suis la seule à avoir été oubliée, bonne fée, disait une petite voie plaintive, et je suis restée sans couleur et sans nom. Lorsque mes sœurs se disperseront sur la terre pour accomplir leur mission et que leur beauté réjouira les regards, moi je resterai ici et personne ne le saura. Tout émue, la fée répondit : - Ne sois pas malheureuse, petite fleur. Toi, qui es la dernière, tu sera la première. Parce que tu as été oublié, petit perce-neige, c'est toi qui, avec tes clochettes toutes blanches, seras chargé d'annoncer la venue du Printemps. A ta vue, tous se réjouiront. Et c'est depuis ce temps-là que ces fleurs poussent aux quatre coins de la terre et qu'elles emplissent de joie le cœur de tous les hommes épris de beauté.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Février 2013 à 21:42:12
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La fin du royaume des fées
Il y avait une fois un prince d'Andalousie, très jeune et très beau nommé Guzman. Il devait épouser sa cousine, la princesse Zangora, que la fée Gnomis, sa marraine, avait dotée de dons précieux : beauté, esprit, bonté, richesse.
A ce mariage, qui devait réunir deux grandes maisons, on avait convié une foule considérable de princes, de seigneurs et, pour complaire à la fée marraine, toutes les fées du globe.
Toutes s'en réjouissaient fort et faisaient déjà des projets sur leur apparat, sur les présents à faire aux mariés, voulant s'éclipser les unes les autres, et surtout éblouir les simples mortels.
Mais voilà qu'au dernier moment, on apprit une nouvelle fort contrariante. Un vieil officier du palais avait rappelé au roi régnant la tradition établie de tous temps dans la famille, et qui voulait que chaque prince de la dynastie se mariât dans le mausolée élevé sur la sépulture du premier roi de la race.
Le roi, s'étant en effet rappelé cette coutume, avait, par respect pour les usages établis, décidé que le mariage se ferait dans la chapelle. Mais cela modifiait toutes les dispositions prises. A cause de l'exiguïté du sanctuaire, il était impossible d'essayer de placer les inviter selon les lois de la préséance. Le roi décida que chacun se caserait comme il pourrait, tant qu'il y aurait de la place.
Le surcroît resterait à la porte, les fées comme les autres.
Vous pensez bien qu'une telle mesure n'était pas faite pour flatter l'orgueil des fées, qui s'attendaient à trôner aux premiers rangs.
Il faut dire aussi, qu'étant fort curieuses de leur naturel, elles auraient bien voulu jouir du spectacle charmant de l'union des deux princes.
Elles se récrièrent, se montrèrent lésées dans leur amour-propre ; bref, ce contre-temps fut l'occasion d'une grande réunion qu'on fixa à la nuit qui devait précéder le mariage, dans une immense forêt.
A l'heure indiquée, l'assemblée jugée complète, la présidente ouvrit la séance, et chacun prit la parole à son gré. Je n'affirme pas que si le roi eût pu entendre ce concert de récriminations, il n'eût pas regretté sa détermination.
«Ces orgueilleux, ne savent-ils donc pas, disait la Fée des Airs, que, à l'instant même, assemblant mes nues, je puis faire s'écrouler sur eux ce fétu de temple.
- Et moi, ajoutait la Fée des Eaux, ne puis-je, si je le veux, déchaîner un torrent qui fera vaciller sur sa base ce joujou de chapelle, et entraîner comme des atomes ces soi-disant grands princes.»
Ainsi chaque fée, chaque génie, vantait un moyen de destruction.
Le Génie du Tonnerre voulait, à l'instant où le prince passerait l'anneau au doigt de sa fiancée, faire éclater sur eux sa foudre, tandis que le Génie du Feu assurait que ce serait d'un bon exemple d'allumer, à la place même de la chapelle, un incendie qui, brûlant à perpétuité, rappellerait l'offense faite aux fées toutes-puissantes. »
«Sans compter, reprit soudain une voix douce, que vous serez bien avancés quand vous aurez fait le malheur de ces pauvres enfants. Est-ce leur faute, après tout, si les lois d'une sotte coutume nous privent d'un plaisir espéré. Je puis vous affirmer, au contraire, que la princesse, ma filleule, en est fort désolée.
- La fée Gnomis a raison, cria une petite voix pointue, celle de la Fée Curieuse. Tandis que vous vous laissez aller à la colère, moi j'ai trouvé, je crois, le moyen de voir quand même.
- Voyons, voyons ?
- Rien de plus simple, reprit Curieuse. Pour rien au monde, nous ne voudrions nous exposer à être bousculées, entassées comme de simples créatures, et nous sommes justement irritées d'être traitées en cette occurrence, nous, toutes-puissantes, comme le dernier des petits barons. Mais qui nous empêche de nous distinguer, de nous trier en changeant de forme ? Voici donc ce que j'ai pensé : nous, les fées, nous nous transformerions en fourmis, mouches, chenilles, tandis que les génies prendraient la forme de papillons et de hannetons. Est-ce bien trouvé ? Ajouta-t-elle avec un sourire triomphant.
- Parfaitement, parfaitement, clama l'assemblée.
- Cela est très beau, reprit la fée Prévoyante, quand le silence se fut rétabli, mais vous savez, mes sœurs, que lorsque, de notre chef, nous prenons une forme quelconque, une autre fée seulement peut nous tirer de la métamorphose. Eh bien ! Comment ferons-nous, si personne ne consent à se priver de la fête ? »
Il y eut un moment de consternation.
Tous voulaient voir. Mais, tout à coup, le gros Génie Sans-Souci, qui s'était tenu à l'écart de toute cette discussion, prit la parole.
«Je me soucie fort peu, dit-il, de voir le prince Guzman épouser sa cousine Zangora. Allez donc au mariage, je me tiendrai près de la porte pour vous toucher de ma baguette, dès que vous le désirerez.
- Vive Sans-Souci ! « cria le chœur.
Le son des cloches et des fanfares joyeuses, montant de la ville, annonça l'heure de la cérémonie nuptiale. Il était temps d'arriver.
En un clin d'œil, les fées se trouvèrent à l'entrée de la chapelle, où déjà s'entassait une foule compacte.
Entre une double haie de demoiselles d'honneur et de cavaliers richement parés, les deux époux s'avançaient, resplendissants de beauté, de jeunesse, dans leurs riches vêtements, tout brodés d'or et de pierreries.
Derrière eux, venaient les parents et les quelques dignitaires choisis pour assister au mariage.
Comme le cortège passait sous la grande porte d'or massif, on entendit un bourdonnement inusité de mouches, de hannetons qui se heurtaient aux vitres, cherchant un passage, tandis qu'une nuée de papillons aux ailes diaprées, voltigeant autour du jeune couple, leur faisaient une auréole radieuse, et qu'une multitude de soyeuses chenilles se glissaient furtivement en faisant onduler leur traîne entre les rangs des invités. Puis les lourds battants se refermèrent et chacun prit place.
Papillons, mouches, hannetons se placèrent comme ils purent, qui sur le diadème d'une grande dame, qui sur le nez d'un vieux chambellan, ou sur les têtes des sphinx sculptés...
A la porte, Sans-Souci veillait - veiller est une façon de parler, car le gros génie, mollement appuyé sur une canne de maître des cérémonies, ronflait doucement - quand il se sentit touché à l'épaule, par une main légère. Il ouvrit à moitié ses pesantes paupières et reconnut près de lui la gracieuse Fée Mélusine.
La Fée des Forêts arrivait d'un voyage lointain et, n'ayant pas assisté à la réunion, elle était absolument ignorante de ce qui s'était passé.
«Je suis un peu en retard, Sans-Souci, dit-elle, vite, laissez-moi passer. »
Mais le génie, fort contrarié d'être ainsi brusquement arraché au sommeil, lui barra brutalement le passage :
«Défense d'entrer,» fit-il d'un ton bourru.
La patience n'était pas la vertu dominante des fées. Mélusine entra aussitôt dans une violente colère et, sans plus d'explications, d'un coup de baguette, elle changea Sans-Souci en un immonde crapaud.
Puis, entrebâillant la porte, elle glissa un regard dans la chapelle. Mais, à la vue de tous ces personnages enfermés dans cet étroit espace, à la vue des figures rouges de chaleur, des postures incommodes, Mélusine renonça aussitôt à son projet et, s'enveloppant d'un tourbillon, elle se laissa emporter par la brise, abandonnant à sa douleur l'infortuné génie qui, pour la première fois de sa vie, sanglotait à fendre l'âme...
La cérémonie était achevée.
De nouveau les mariés franchirent la lourde porte et, comme il s'éloignaient, suivis des acclamations de leur peuple, un fourmillement d'insectes se répandit sur le parvis.
«Mais où est donc Sans-Souci ?» s'écrie chaque fée, chaque génie.
On cherche... peu de temps, d'ailleurs !... Eh quoi ! Cet affreux crapaud vautré sous une pierre... ? Hélas ! Oui, voilà Sans-Souci.
Le résultat de cette découverte fut une scène de rage, de désespoir indescriptibles.
Les chenilles se tordaient de douleur ; les papillons s'arrachaient les ailes, les mouches, les hannetons ronflaient comme des bourdons.
Une grêle d'injures assaillit le génie. Mais après des efforts désespérés, le malheureux put enfin se faire entendre et raconter son aventure.
Vous pensez bien qu'on n'attendit pas plus longtemps pour se mettre à la poursuite de Mélusine.
Hélas ! Une fatalité inexplicable poursuivait les malheureuses fées.
Mélusine, qui ne se doutait de rien, était arrivée à un fourré qu'elle affectionnait beaucoup. Au-dessus d'elle, de grands arbres formaient une voûte fraîche, impénétrable aux rayons du soleil et pleine de chants d'oiseaux ; dans l'herbe, une source coulait discrètement entre deux haies d'iris bleus.
«Comme il ferait bon s'y baigner, vraiment, pensa la Fée. Comme un cygne au col blanc ferait bien parmi ces nénuphars !»
Décidément Mélusine est tentée... Un coup de baguette ! Et elle a pris la forme convoitée, se promettant de demander à la première fée qui passera de la tirer de là. Mais Mélusine attend toujours !
Elle attend, comme les mouches et les hannetons qui, depuis ce temps, errent à la recherche d'une fée échappée au sort commun.
Elle attendra éternellement, car les papillons aux ailes d'or, les petites mouches qui tournoient dans un rayon de soleil, et les hannetons qui font bourdonner leurs élytres, sont tout ce qui reste maintenant de la brillante légion des Fées.

J. PERINAUX
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 11 Février 2013 à 18:35:54
Chang E s'envole vers la Lune

Le quinze de chaque mois du calendrier lunaire, lorsque la nuit est belle, le disque de la Lune suspendu au milieu du ciel, est plus rond et plus blanc que jamais. Il enveloppe la Terre d'une douce clarté. On dit que dans la Lune habite la Déesse Chang E, l'épouse de l'Archer Céleste Yi. Pourquoi Chang E habite-t-elle solitaire dans la Lune?
Voici son histoire:

PARTIE I

Sur la demande de l'Empereur Céleste, Yi abattit les neuf soleils, châtia le démon des eaux Hebo et tua nombre de monstres et d'animaux féroces. Le peuple l'aimait et le vénérait. Yi voyageait beaucoup, se liait d'amitié avec la population et menait une vie paisible.

Un jour, alors qu'il chassait dans les bois, Yi traversa un ruisseau et aperçut sur l'autre rive une jeune fille puiser de l'eau avec un tube de bambou. Sa longue course l'avait assoiffé. Il s'approcha de la jeune fille et lui demanda à boire. En voyant cet homme au visage plein de bonté, un arc rouge et un carquois de flèches blanches au dos, la jeune fille devina qu'il était le héros Yi. Elle l'accueillit aimablement, lui offrit à boire et lui cueillit une belle fleur en témoignage de son respect. Yi choisit alors dans ses trophées une magnifique peau de renard et lui en fit cadeau.

En bavardant avec elle, il apprit qu'elle s'appelait Chang E. Ses parents avaient été tués par des animaux sauvages. Depuis, elle vivait seule et, toute l'année en signe de deuil, portait une robe blanche à la mémoire de ses parents.

Yi se prit de pitié pour elle et Chang E le respectait beaucoup. les deux jeunes gens tombèrent amoureux l'un de l'autre. Peu de temps après, Yi et Chang E se marièrent et devinrent inséparables.

Yi et Chang E étaient très attachés l'un à l'autre. Ils ne se quittaient jamais, voyageant et chassant ensemble. Ils menaient une vie heureuse, et Yi oublia complètement de retourner au ciel.

PARTIE II

Le temps passa très vite. Trois années plus tard, l'Empereur Céleste ordonna à Yi de retourner au ciel. En apprenant cette nouvelle, Chang E pleura de douleur et Yi ne put retenir ses larmes lui aussi.

Lorsque l'Empereur Céleste apprit que Yi s'était marié sur Terre et ne voulait pas revenir au ciel, il se mit dans une grande colère. Dès lors, il fut interdit à Yi de remonter au ciel, mais il se consola en trouvant qu'il était plus heureux sur terre. Il aimait les montagnes, les forêts, le peuple et sa jolie femme...
Ainsi continua-t-il à vivre sur la Terre.

Mais Yi savait que la vie des êtres humains a ses limites. Un jour, il dit à sa femme:
- Quand j'étais au ciel, j'ai entendu dire que dans les monts Kunlun, à l'Ouest, habite la Reine-mère d'Occident. Elle possède une pilule d'immortalité. Je vais aller la chercher.

Ravie de cette initiative, Chang E prépara rapidement des provisions de route pour son mari, lui prodigua maints conseils de prudence et lui demanda de revenir au plus vite. Ils étaient très tristes de cette première séparation mais, pour vivre éternellement tous les deux, ils étaient prêts à affronter le danger et la mort. Yi prit son arc et ses flèches, enfourcha un bon cheval et se dirigea vers l'Ouest.

PARTIE III

La demeure de la Reine-mère d'Occident se trouvait loin, très loin de là. Il fallait traverser un grand nombre de montagnes escarpées, de forêts profondes s'étendant à perte de vue et de déserts sauvages. Non loin des monts Kunlun, il fallait traverser deux grands obstacles: le Fleuve aux eaux limpides et la Montagne de Feu. L'eau de ce fleuve était si légère que même une plume d'oie était tout de suite immergée. Quant à la Montagne de Feu, elle était inapprochable. Ses flammes d'une dizaine de mètres de haut, ses tourbillons de fumée rendaient impossible sa traversée.

Après avoir franchi de nombreux cols et chevauché longtemps, Yi arriva enfin au bord du Fleuve aux Eaux limpides. Comment faire? Yi se rappela qu'un jour, en chassant dans le Sud, il avait vu un bois insubmersible qui provenait d'un grand arbre croissant dans de hautes montagnes. C'était un bois à la fois très dur et très léger. Avec ce bois, Yi pourrait certainement traverser le fleuve.

Il remonta sur son cheval, se dirigea vers le Sud et trouva enfin l'arbre qu'il cherchait. En évidant le tronc, il fit une embarcation qu'il ramena au fleuve. Il la mit à l'eau et après s'être assuré qu'elle flottait, monta avec son cheval et se dirigea à la rame vers la rive opposée. Le fleuve était très large, mais l'embarcation arriva en moins de temps qu'il n'en faut pour avaler un repas.

Après avoir traversé le fleuve, Yi arriva au pied de la Montagne de Feu. Mais notre héros était sûr de lui. Jadis, quand il avait tué le monstre Jiuying sur les rives du fleuve Xiongshui, il avait gardé sa peau très dure et la portait parfois pour se défendre. Avec la peau, il se fit une armure pour lui-même et pour son cheval.

Une fois prêt, il sauta sur son cheval et, d'un coup de cravache, lança sa monture au grand galop. Les flammes et la fumée l'étouffèrent bientôt. Heureusement, son cheval était un coursier rapide qui pouvait couvrir mille li en une seule journée et il traversa la Montagne de Feu d'une seule traite. Hors de portée des flammes, il descendit de son cheval et en l'examinant constata que seuls les crins de sa queue avaient été roussis par le feu.

PARTIE IV

Après avoir surmonté d'innombrables difficultés, Yi arriva enfin au pied des monts Kunlun.

La Reine-mère d'Occident habitait la Montagne de Jade située au centre des monts Kunlun. Lorsque Yi arriva au pied de la montagne l'Oiseau vert, le messager de la Reine, avait déjà informé celle-ci de l'arrivée de l'archer céleste. La Reine savait que Yi était un héros céleste qui avait délivré le peuple de nombreux fléaux. Aussi l'accueillit-elle avec beaucoup de respect.

Ayant appris le but de sa visite, la Reine ordonna à l'Oiseau à trois pattes, gardien des pêches d'immortalité, d'apporter une calebasse contenant une pilule d'immortalité fabriquée à partir d'un des fruits de l'arbre d'immortalité. Cet arbre ne donnait des fruits qu'une fois tous les trois mille ans; c'est pourquoi ces pilules étaient très rares et extrêmement précieuses.

- Emporte cette pilule, dit la Reine, c'est la seule qui me reste. Néanmoins, c'est largement suffisant pour ton épouse et toi : Prenez-en chacun la moitié, et vous deviendrez immortels. Mais attention, si l'un de vous deux l'avale entière, il s'envolera au ciel et ne pourra jamais plus redescendre sur Terre.

Je ne suis venu chercher la pilule d'immortalité que pour vivre éternellement avec Chang E, répondit l'Archer céleste. Puis il prit la calebasse, remercia la Reine et s'apprêta à partir...

PARTIE V

Au moment où Yi allait monter sur son cheval pour repartir, la Reine ordonna à l'Oiseau à trois pattes d'aller cueillir de l'herbe Yao près de l'Etang de jade et la confia à Yi pour l'offrir à Chang E. C'était une plante très rare, issue d'une métamorphose de Yao Ji, fille aînée de Yandi, dieu du Soleil.

Yao Ji était une jolie et charmante jeune fille. A dix sept ans, elle s'éprit de Chi Songzi, le maître de la pluie de Shen Nong. Au début, ils s'aimèrent passionnément. Néanmoins, Chi Songzi n'était pas fidèle à Yao Ji. Quelques temps après, il l'abandonna et partit.

Espérant jour et nuit le revoir, Yao Ji le chercha partout. C'est en arrivant au centre des monts Kunlun qu'elle apprit que Chi Songzi était tombé amoureux d'une autre fée. Elle mourut alors de chagrin et de regret.

A sa mort, Yao Ji se métamorphosa en herbette qui prit racine au bord de l'Etang de Jade. Quelques temps après, les alentours de l'étang furent recouverts de cette herbe. On l'appela l'herbe Yao. On raconte que les gouttes de rosée qui, en toutes saisons, perlaient sur les feuilles de cette herbe étaient les larmes intarissables de la jeune fille.

L'herbe Yao avait une particularité. Si une jeune fille humait son parfum, elle devenait belle et douce. C'est pourquoi on l'appelait aussi l'herbe charmeuse. Après avoir pris la pilule d'immortalité et l'herbe Yao, Yi s'en retourna en hâte. Cela faisait six mois déjà qu'il avait quitté sa femme.

PARTIE VI

Lorsque Yi retrouva Chang E, il lui raconta tout ce qui s'était passé et lui confia la pilule d'immortalité.
- Je suis passé par mille épreuves pour aller la chercher. Si nous la partageons, nous deviendrons immortels tous les deux. Mais si l'un de nous l'avale entière, il ira au ciel sans espoir de retour. Garde-la précieusement, nous la partagerons un jour faste prochain et nous vivrons ensemble éternellement heureux.

Chang E mit la calebasse dans sa poche avec précaution. Puis, Yi lui donna l'herbe Yao et dit :
- Regarde, c'est la Reine Mère d'Occident qui te l'offre.

Chang E, très touchée, admira l'herbe Yao un long moment.
- Comme elle est belle! Je n'en ai jamais vu de semblable.

Et lorsque Chang E huma le parfum de l'herbe Yao, elle devint encore plus belle et plus douce qu'auparavant.

Yi habitait sur la Terre depuis longtemps déjà et un grand nombre de jeunes gens venaient le voir pour apprendre le tir à l'arc. Yi leur enseignait consciencieusement son art. Lorsque le maître est compétent, ses disciples sont brillants, dit le proverbe. De fait, la plupart de ses élèves devinrent de célèbres archers.

L'un d'entre eux s'appelait Feng Meng. C'était un bon archer, mais un homme ambitieux et jaloux. Il caressait l'espoir que son maître mourût avant lui, afin de devenir le meilleur archer du monde.

PARTIE VII

Quand il apprit que Yi avait obtenu une pilule d'immortalité de la Reine Mère d'occident, Feng Meng en fut très contrarié. Il conçut alors un plan perfide.

Un jour que Yi était allé chasser, Feng Meng en profita pour pénétrer chez lui et menaça Chang E de son arc.
- Donne-moi vite la pilule d'immortalité, lui ordonna-t-il, sinon je te tuerai.

Surprise, Chang E lui demanda :
- Feng Meng, tu es le disciple de Yi; pourquoi...?

- Je ne considère plus Yi comme mon maître. Devrais-je toujours rester un archer de second ordre toute ma vie? Non, car il mourra avant moi! rétorqua Feng Meng en riant sarcastiquement.

Chang E était rouge d'émotion et de colère.
- Allons, dépêche-toi de me donner cette pilule! Cria Feng Meng en brandissant son arc d'un air menaçant.

Chang E pensa à toutes les épreuves que son mari avait dû traverser pour aller chercher la pilule d'immortalité. Elle ne devait pas laisser Feng Meng s'en emparer. Alors Chang E sortit de sa poche la pilule et, au moment où Feng Meng tendait la main, la porta rapidement à la bouche. Elle l'avala et s'élança vers la porte.

Chang E avait déjà franchi le seuil lorsqu'elle se sentit toute légère et s'envola vers le ciel. En pensant à son mari resté sur terre, elle décida de se réfugier sur l'astre le plus proche, la Lune. Dès lors, le Palais lunaire, dans lequel vivait désormais Chang E, brilla d'un éclat nouveau.

PARTIE VIII

Lorsqu'à son retour de la chasse, Yi apprit ce qui s'était passé, une immense tristesse l'envahit. Il regarda la Lune et pensa à sa femme Chang E; des larmes inondaient ses joues.

Devant l'ingratitude que Feng Meng lui avait témoigné, Yi fut rempli de colère. Il prit son arc et ses flèches et sortit à la recherche de son disciple.

Feng Meng s'était caché dans un bois derrière la maison de Yi. Lorsque celui-ci passa à la hâte devant lui sans le voir, il lui assena un violent coup de bâton sur la tête. Yi s'affaissa, mortellement blessé.

Lorsque les disciples de Yi découvrirent le crime de Feng Meng, ils arrêtèrent ce dernier immédiatement, l'attachèrent à un grand arbre et le transpercèrent chacun d'une flèche. Son ambition démesurée l'avait mené à sa perte.

EPILOGUE

En souvenir de Yi, chaque famille accrocha son portrait dans la maison, éleva l'archer divin au rang de dieu tutélaire et le prit pour modèle dans la conduite du monde et la vertu. Après sa mort, le peuple continua à lui témoigner une grande vénération et à l'invoquer lors de calamités naturelles comme les sécheresses ou les inondations.

Quant à Chang E, elle vivait dans le Palais lunaire. Cependant, malgré le luxe du Palais et la vie immortelle à laquelle elle avait droit, Chang E menait une vie solitaire et triste depuis qu'elle avait perdu son mari.

Dans le Palais lunaire vivait aussi un lièvre condamné à broyer des plantes médicinales toute l'année. Il avait ainsi été châtié par l'Empereur Céleste pour avoir volé l'herbe des immortels.

Un autre condamné à perpétuité, Wu Gang, habitait le Palais. L'Empereur Céleste l'avait envoyé couper le laurier lunaire pour avoir fait des erreurs dans l'apprentissage de l'immortalité. Son travail achevé, il pourrait revenir sur Terre. Mais dès que Wu Gang faisait une entaile dans l'arbre, celle-ci se refermait au moment où il levait sa hache pour frapper à nouveau. Aussi Wu Gang, voulant expier sa faute, taillait le laurier lunaire d'un bout de l'année à l'autre, espérant toujours achever son travail et quitter la Lune.

Parceque le lièvre et Wu Gang menaient une vie expiatoire sur la Lune, on crut logtemps que Chang E avait volé la pilule d'immortalité et s'était réfugiée dans la Lune après son forfait. Li Shangyin, célèbre poète de la dynastie des Tang, a même écrit:

Se repentant d'avoir volé la pilule d'immortalité
Chang E rêve chaque nuit à la mer émeraude
Sous un ciel bleu

Quelle qu'en soit la version, les amours contrariés de l'archer céleste Yi et de la belle Chang E font encore de nos jours pleurer bien des coeurs.

Fin de cette Histoire.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Février 2013 à 00:16:16
(http://img15.hostingpics.net/pics/758770Feuillesdarbreausoleil.jpg)
"Oyez, Oyez bonnes gens, venez tous écouter l'étrange et extraordinaire histoire du pêcheur de feuilles..."

Le métier de pêcheur n'est pas toujours facile et, sans un peu de chance, il arrive que ces travailleurs de la mer ne soient guère payés de leur peine. Ainsi, un brave père de famille de la côte Adriatique, proche de la pointe de Samana, avait-il bien du mal à nourrir ses cinq enfants. Jamais la pêche n'était vraiment abondante, et il arriva même un moment où il resta dix jours sans prendre le moindre poisson.
"Tout cela est très injuste, disaient les gens de son village, car il est le plus travailleur et il connaît son métier mieux que personne."
On le plaignait beaucoup, mais, comme tout le monde était pauvre, personne ne se trouvait en mesure de lui venir en aide. Ses enfants avaient faim, et sa femme qui n'était pas très solide ne pouvait que laver un peu de linge pour gagner de quoi acheter du pain.
Le brave homme eût bien fait un autre métier, mais il ne trouvait pas d'embauche. Et puis, parce qu'il aimait la mer, il espérait toujours qu'elle finirait par se montrer généreuse avec lui.
Un jour que le Roi passait par là, il entendit les enfants qui criaient famine. Il se renseigna, on lui dit combien ce pêcheur fort méritant jouait de malchance, et ce roi riche et bon décida de l'aider.
"Je veux faire quelque chose pour toi, lui dit-il, mais je tiens absolument à ce que tu restes pêcheur. Tu vas continuer ton métier et, chaque fois que tu apporteras quelque chose dans ton filet, tu viendras l'apporter sur le plateau de ma balance. Dans l'autre plateau, je mettrai le même poids en sequins d'or, et cet or sera pour toi."
De nouveau plein de courage et d'espérance, le pêcheur reprit la mer. Trois jours passèrent, trois jours et trois nuits sans une minute de repos. Trois jours et trois nuits à ramer, à lancer son filet, à le ramener sans qu'il vît l'ombre d'un poisson.
"Je suis maudit ! se lamentait-il. Nous mourrons tous de faim."
Le pêcheur épuisé rentra au port, mais avant d'amarrer sa barque, il lança son filet une dernière fois. Lorsqu'il le retira, il n'y trouva qu'une feuille de chêne déjà bien abîmée par l'eau salée. Il allait la jeter lorsqu'un camarade lui dit :
"Que risques-tu à la porter au Roi ? il n'a pas parlé de poisson, il t'a dit de lui porter tout ce que te ramènera ton filet.
- Il va croire que je me moque de lui, et peut-être même me fera-t-il jeter en prison ?
- Non, il ne le fera pas. C'est un bon roi. Et je suis tout disposé à témoigner que tu as bien pêché cette feuille."
Le pêcheur était tellement désespéré qu'il mit la feuille dans sa poche et prit le chemin du palais royal.
Lorsque le roi le vit arriver avec sa prise, il se mit à rire.
"Mon pauvre ami, fit-il, cette feuille est si légère qu'elle ne fera même pas bouger d'un cheveu le fléau de ma balance. Mais enfin, puisque tu es venu jusque-là, tentons tout de même l'expérience."
Le pêcheur posa sa feuille sur le plateau qui tomba comme si on l'eût chargé de plomb. Et le trésorier du roi commença de poser des sequins sur l'autre plateau. A haute voix, un secrétaire comptait.
"Un sequin, deux sequins, trois sequins..."
La balance ne bougeait toujours pas. Et il fallut soixante sequins pour faire monter enfin le plateau où se trouvait la feuille.
Le pêcheur s'en alla avec les pièces et le roi, qui n'en revenait pas, garda la feuille. Tous les savants du royaume furent invités au palais où ils demeurèrent longtemps à examiner cette feuille de chêne si étrange. Ils se livrèrent à toutes les analyses que la science pouvait permettre et, en fin de compte, ils furent bien obligés de reconnaître que cette feuille n'avait d'autre particularité que son poids.
Bien entendu, le pêcheur que l'on soupçonnait de magie fut interrogé, mais les enquêteurs, qui étaient des juges honnêtes, déclarèrent qu'il était beaucoup trop naïf pour être magicien.
Lui-même ne savait rien. Il ne pouvait rien savoir, car il n'avait pas assez de mémoire pour se souvenir des moindres détails de sa vie d'enfant.
C'était pourtant dans sa plus tendre enfance que dormait le secret de cette feuille. Car le pêcheur n'avait guère que trois ou quatre ans lorsqu'un laboureur, voisin de son père, avait déraciné et jeté sur le chemin un jeune chêne né en bordure de son champ. L'enfant l'avait ramassé ce tout petit arbre et l'avait planté en un endroit où personne ne cultivait le sol. Reconnaissant, le chêne, qui avait grandi en toute liberté, avait saisi cette occasion de remercier celui à qui il devait la vie.
Et sans doute parce qu'il détenait le pouvoir de conjurer le mauvais sort, il s'arrangea pour que le pêcheur ne retire plus jamais de l'eau un filet vide.




Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Février 2013 à 19:53:13
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Le miroir des fées célestes
conte de Chine


Avez-vous déjà entendu parler du palais de Brocart ? Mais si, bien sûr, c'est le palais des deux fées célestes qui tissent tout le long du jour, les nuages, pour l'empereur du Ciel. Vous vous tromperiez bien si vous les croyiez heureuses de leur sort car les deux fées s'ennuient à mourir dans leur palais. Un jour d'ailleurs, elles se sont sauvées. Écoutez plutôt...

Ce jour-là, c'était l'anniversaire de l'empereur du Ciel et tous ses serviteurs étaient occupés aux préparatifs d'un grand festin. Les employés célestes s'amusaient dans les salles impériales et la garde de la porte du Sud, celle par laquelle on descend sur la terre, buvait joyeusement à la santé de l'empereur et sombrait peu à peu dans une somnolence béate. Les deux fées célestes étaient restées seules.

Dans leur merveilleux palais, elles s'ennuyaient de vivre constamment dans la béatitude, de boire tous les jours du nectar et de tisser tous les jours un nuage en forme d'enclume et sept nuages blancs moutonneux. Leurs jours se ressemblaient comme un neuf ressemble à un autre neuf et nos deux fées s'ennuyaient, s'ennuyaient à mourir.

« Tu sais, petite sœur, » soupirait la plus jeune, « je préférerais m'en aller et descendre sur la terre plutôt que de continuer à m'ennuyer ici. Les hommes ne connaissent pas leur bonheur ! Tant de travail, et toujours du nouveau, ça me plairait tellement ! »

« A moi aussi, » continua l'aînée, « et si tu voyais leurs montagnes et leurs rivières qui serpentent ! Que c'est beau ! Rien de pareil dans ce palais ennuyeux. Et si nous nous sauvions ? »

Le chemin n'est pas long de la pensée à l'acte. Les deux fées célestes se mirent en route et, sur la pointe des pieds, tout doux, tout doux, elles se faufilèrent jusqu'à la porte du Sud qui conduisait à la terre. Les gardes dormaient profondément. Les deux jeunes filles se glissèrent dehors furtivement.

« Maintenant, petite sœur, » proposa la cadette, « nous allons nous séparer. Tu iras vers le Sud, et moi vers le Nord. Et lorsque nous aurons trouvé un être en détresse, nous resterons pour l'aider. »

Ainsi se séparèrent les deux fées. Et tout se passa comme l'avait dit la plus jeune. Toutes deux rencontrèrent deux vieilles femmes solitaires et usées et restèrent à les aider. Bientôt, elles perdirent leur teint transparent et devinrent toutes roses. Elles se plaisaient beaucoup sur la terre. Jamais plus elles ne pensaient au ciel.

Mais rien n'est éternel, hélas. Cent ans avaient passé sur la terre, cent ans, ce qui fait exactement sept jours au ciel. Les festivités avaient pris fin et l'empereur Céleste commença à chercher les deux jeunes filles. Mais en vain, elles étaient introuvables. « Où sont-elles donc passées, » gronda l'empereur. «Voilà un moment qu'il n'a pas plu et j'aurais besoin qu'on me tisse au plus vite un nuage d'orage. » Et l'empereur fit chercher les deux fées. Les serviteurs revinrent bientôt pour lui apprendre que la porte du Sud était ouverte et que les deux jeunes filles s'étaient probablement sauvées.
C'est un comble ! » s'écria l'empereur. «Qu'on me les ramène au plus vite ! Sinon, j'enverrai sur la terre une sécheresse abominable ! »

Alors les messagers célestes descendirent sur la terre à la recherche des deux fées. Ils les trouvèrent enfin. Mais les jeunes filles ne voulaient pas rentrer. Pourtant, il fallut bien se rendre ! Pouvait-on désobéir à un ordre de l'empereur du Ciel ? Tête baissée, les yeux pleins de larmes, les deux fées reprirent le chemin du ciel.

En arrivant devant la porte du Sud, la plus jeune dit :
«Petite sœur, je crois que je mourrai de regret si je ne peux plus regarder le monde en bas ! »


L'aînée hocha la tête en soupirant, puis elle dit :
«J'ai une idée. Jetons nos miroirs. Ainsi, quand nous regarderons en bas, nous y verrons se refléter le monde entier. »

Alors les deux jeunes filles sortirent leurs miroirs de leurs larges manches et les jetèrent en bas. Les miroirs descendirent en scintillant, ils tournoyèrent un instant avec de petits sifflements et tombèrent sur la terre où ils se transformèrent en deux lacs enchantés dont les eaux limpides reflétaient les montagnes, les forêts, les collines et les hommes. Et savez-vous où sont ces deux lacs ? L'un est en Chine, c'est le Grand Lac Occidental, et l'autre au Vietnam, à Hanoi.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Février 2013 à 18:07:23
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Le dragon et le phénix .Conte chinois

Il y a des siècles et des siècles, dans la grotte sur la rive est du fleuve céleste habitait un dragon blanc comme la neige ; et dans la forêt de la rive opposée habitait un phénix coloré.

Dragon et phénix étaient voisins. Le matin, l'un sortait de la grotte et l'autre s'envolait de la forêt en se saluant, puis ils se séparaient pour aller à leurs occupations. Un jour, ils s'amusèrent ensemble : l'un nageait dans le fleuve céleste, l'autre s'envolait dans le ciel. Tout en nageant et volant, ils arrivèrent sans s'en apercevoir à l'île féerique ; là ils aperçurent une pierre étincelante. Phénix, très content, dit à Dragon :

- Dragon, Dragon, tu vois cette belle pierre !

Dragon, plein de joie lui aussi, dit à Phénix :

- Phénix, Phénix, nous allons la tailler et la polir en une perle, d'accord ?

Phénix fit un signe d'assentiment et ils se mirent immédiatement au travail. Dragon ameublissait la pierre avec ses pattes et Phénix la picotait avec son bec ; des jours s'écoulèrent, des années passèrent ; finalement il faut dire qu'ils avaient réussi à façonner une perle ronde. Phénix s'envolait dans la Montagne féerique, il recueillait dans son bec de la rosée pour la verser goutte à goutte sur la perle ; Dragon nageait dans le Fleuve céleste, il y aspirait de l'eau pure qu'il pulvérisait sur la perle ; sous les gouttes et la pulvérisation incessantes, la perle petit à petit commença à émettre des rayons.

Dès lors, Dragon se prit d'affection pour Phénix et celui-ci adorait Dragon ; leur perle faisait leur bonheur. Dragon ne voulait plus rentrer dans sa grotte, ni Phénix revenir dans sa forêt ; ils vivaient donc ensemble dans l'île féerique située au milieu du Fleuve céleste pour veiller jour et nuit sur la perle.

C'était vraiment un perle sans prix. Là où parvenaient ses rayons, s'élevaient des bois verdoyants, s'épanouissaient des myriades de fleurs de toute beauté ; on voyait des pays aux montagnes ensoleillées et aux eaux limpides qui se couvraient de riches récoltes.

Un jour la Reine Mère de l'Ouest sortit du Palais céleste, et aperçut tout à coup la parle dardant ses rayons ; aussitôt son coeur avide brûla du désir de la posséder. À minuit, elle envoya un soldat céleste pour la voler alors que Dragon et Phénix s'étaient endormis. Elle était si contente de sa prise qu'elle ne voulut pas que d'autres puissent y jeter un coup d'oeil. Elle se hâta de rentrer dans son Palais et fit verrouller neuf portes derrière elle.

Dès qu'ils se réveillèrent, Dragon et Phénix s'aperçurent que leur perle avait disparu. Fous d'inquiétude, ils la cherchaient partout. Dragon fouilla toutes les grottes du lit du Fleuve céleste, il ne trouva rien ; Phénix explora chaque coin de l'île Féerique sans plus de résultat. Très tristes, ils continuèrent quand même leurs recherches jour et nuit. Ils n'avaient qu'un espoir ; retrouver cette perle à laquelle ils s'étaient tant attachés.

À l'occasion de l'anniversaire de la Reine Mère de l'Ouest, les Immortels s'empressèrent d'arriver de toutes parts au Palais impérial pour assister au Banquet de Pêches qui avaient lieu en l'honneur de la douarière. Celle-ci avait fait apporter des pêches en abondance pour les Immortels qui buvaient du bon vin et prenaient les fruits tout en adressant leurs souhaits d'anniversaire : "Vous le bonheur de la Mer de l'Est, la longévité de la Montagne du Sud !" Très satisfaite de ces félicitations des assistants, la douairière se prit à dire :

- Mes vénérables, je vais vous montrer une perle sans prix comme on n'en trouve ni au Ciel, ni sur terre !

À ces mots, elle détacha de sa ceinture neuf clés qui ouvrirent neuf verrous, passa neuf portes, puis sortit sa perle qu'elle présenta dans une assiette d'or et plaça au milieu de la salle. Naturellement, les Immortels s'extasièrent sur la perle qui diffusait une brillante lumière.

À ce moment même, Dragon et Phénix continuaient partout leurs recherches. Phénix remarqua tout à coup le rayonnement de leur perle et dit aussitôt à Dragon :

- Dragon, Dragon, dépêche-toi, dépêche-toi, vois, ce sont bien les rayons de notre perle !

Dragon sortit sa tête du Fleuve céleste, regarda un moment et dit :

- Oui, c'est certaienement notre perle, allons vite la reprendre !

Et Dragon et Phénix de s'élancer aussitôt, guidés par les rayons. Arrivés au Palais impériel, ils trouvèrent les Immortels tendant le cou vers la perle, en train de clamer leur enthousiasme. Dragon s'écria en approchant :

Cette perle est à nous !

Phénix, à son tour, affirma :

Oui, elle est à nous, cette perle !

La douairière fut très fâchée de leur intervention ; elle s'approcha d'eux en vociférant :

Qu'osez-vous dire ? Moi, je suis la Reine Mère de l'Ouest, tous les trésors du Ciel m'appartiennent !

En entendant ces paroles, Dragon et Phénix, très fâchés eux aussi, dirent d'une même voix :

- Cette perle n'est née ni du Ciel ni de la Terre, mais c'est bien de nous qui l'avons taillée et polie jour après jour, d'année en année, au prix d'un dur travail.

à ces paroles, la douairière se sentit envahie à la fois par la haine et la honte ; elle prit l'assiette d'or et ordonna à ses soldats et généraux célestes de chasser tout de suite les intrus. Phénix, voyant que la Reine Mère n'entendait pas raison, s'élança pour se saissir de la perle ; Dragon en fit autant. Trois paires de mains s'agrippaient à l'assiette, personne ne voulant lâcher. Secouée par ces trois forces, l'assiette oscilla et la perle roula en bas des marches, vers la terre.

Dragon et Phénix, voyant que la perle risquait de s'écraser sur le sol, la suivaient en descendant, se précipitant d'avant en arrière, de gauche à droite, pour la protéger alors qu'elle tombait lentement. Quand elle toucha le sol, la perle se métamorphosa soudain en lac, le lac de l'Ouest. Comme Dragon ne voulait pas la quitter, il devint la magnifique colline du Dragon qui monte la garde sur ses rives. Phénix ne voulait pas quitter non plus sa perle, il devint la Colline du Phénix qui la garde, elle aussi.

Dorénavant, la Colline du Phénix et celle du Dragon sont couchées silencieusement aux côtés du Lac de l'Ouest.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Février 2013 à 18:40:36
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Le rêve vendu (conte japonais)

Youkitchi et Mosouké étaient d'excellents amis. Youkitchi était un garçon joyeux, presque frivole, Mosouké par contre était sérieux et fort prudent. Tout différents qu'ils étaient, ils s'aimaient tant que si l'un devait entreprendre un voyage d'affaires -en effet, ils étaient marchands- il attendait toujours que l'autre puisse se joindre à lui.

Ainsi, une fois de plus, ils faisaient route ensemble. La journée avait été chaude et ils furent heureux d'arriver au bord d'une forêt et de pouvoir s'étendre à l'ombre d'un pin. Au bout d'un moment, Youkitchi était profondément endormi.
Mosouké regardait le dormeur et, en soupirant, se disait :
"Il dort tranquillement ici, dans la nature, comme s'il était dans la maison. Je ne le pourrais pas, moi, j'aurais peur de me faire voler. Et pourtant, un petit somme serait le bienvenu. Mais malheureusement, je ne peux pas m'endormir dehors."
Pendant que Mosouké faisait ces réflexions, il vit tout à coup une guêpe sortir de la narine gauche de son ami. Il la regarda avec étonnement. Elle s'envola vers un haut pin solitaire campé sur un rocher, tourna trois fois autour de l'arbre, puis revint vers Youkitchi et disparut dans sa narine droite. Mosouké n'avait jamais vu chose aussi étrange.

A cet instant, Youkitchi s'éveilla, s'assit en riant et dit : "Mosouké, je viens de faire un rêve merveilleux. Il faut que je te le raconte. Figure-toi qu'il y avait un haut pin campé sur un rocher élevé, oui, exactement comme celui que tu vois là-bas ; un guêpe tournait autour du tronc en bourdonnant : -tu dois creuser à cet endroit, tu dois creuser à cet endroit ! Et effectivement je me suis mis à creuser et j'ai trouvé un grand pot plein de pièces d'or. De ma vie je n'ai vu tant d'argent, sauf dans mes rêves !"
"Vraiment c'est un rêve étrange" répondit Mosouké, "A ta place j'irais creuser autour de ce pin là-haut."
"Mais qu'est-ce qui te prends, je ne vais pas aller me fatiguer par une telle chaleur simplement à cause d'un rêve stupide. Continuons plutôt notre route pour arriver à temps en ville."
Mais Mosouké ne voulait rien entendre : "un tel rêve a sûrement un sens. Si tu ne veux pas creuser, moi je veux bien essayer. Sais-tu ce que je te propose : vends-moi ton rêve."
Youkitchi éclata de rire : "Voilà une bonne affaire pour moi qui n'ai jamais vendu de rêve. Que m'offres-tu ?"
"Tu as dit qu'il y avait là un grand tas de pièces d'or. Je ne sais pas vraiment ; je suis ton ami et je ne veux pas te léser. Dis-moi toi-même à combien tu estimes ton rêve."
Après une courte discussion, ils se mirent d'accord sur la somme. Et Mosouké acheta le rêve pour trois cent pièces d'argent.
"Jamais je n'ai fait une telle affaire. Tant d'argent pour un simple rêve," dit Youkitchi en riant. "Mais maintenant, dépêchons-nous, sans quoi nous serons en retard pour le marché".

Les amis avaient parlé à haute voix car ils se croyaient seuls. Ils ne pouvaient pas deviner que l'avare Katchiémon avait surpris leur conversation. Lui aussi faisait route vers la ville et s'était reposé à la lisière de la forêt. Il s'était endormi mais les voix des deux marchands l'avaient réveillé. Maintenant il eut un rire mauvais : "Que voilà d'honnêtes gens, acheter un rêve. Heureusement qu'ils ont parlé fort. Grâce à eux, je sais où est enterré le trésor et je l'aurai pour rien."
Katchiémon renonça à aller au marché et grimpa rapidement sur le rocher. Il creusa entre les racines du pin jusqu'à ce qu'il trouvât quelque chose de dur. Il continua à creuser avec précaution et finit par sortir de terre un grand pot ventru rempli de pièces d'or. Katchiémon brisa le pot et mit les pièces d'or dans le grand sac qui ne le quittait jamais. Arrivé à la ville, il acheta pour tout cet argent une auberge et il devint un homme riche. Mais cet or ne lui porta pas bonheur. Au bout de quelque temps, il perdit non seulement l'or qu'il avait trouvé mais également tout ce qu'il avait possédé auparavant. Bientôt il fut mendiant.

Lorsque, à la ville, Mosouké eut terminé ses affaires, il quitta Youkitchi et s'en retourna à l'endroit où il avait acheté le rêve. Quelle ne fut pas sa déception lorsqu'il vit que les racines du pin étaient dénudées et que les tessons du pot gisaient tout autour.
"Quelqu'un a pris les devants et a déterré le trésor," se dit-il avec tristesse. Et il regarda les tessons. Tout à coup il tomba en arrêt car sur l'un d'eux il avait découvert une inscription. Il la déchiffra à haute voix : "Le premier des septs."
"Le premier des septs, cela veut dire qu'il doit y avoir encore six autres pots sous terre," se dit-il et il commença à creuser avec énergie. Et en effet il trouva, l'un après l'autre, six pots de terre, chacun rempli de pièces d'or jusqu'à ras bord.

Mosouké se fit construire en ville une grande auberge qu'il appela "Au pot ventru". Il y vécut riche et satisfait jusqu'au jour de sa mort.
Youkitchi venait souvent lui rendre visite et il saluait son ami par ces mots : "Alors Mosouké, comment vas-tu ? Je suis venu voir ce que devient mon rêve."
Et les deux compères se tapaient dans le dos en riant et à chaque fois Mosouké servait à son ami le meilleur des sakés dans le plus ventru de ses pots.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Février 2013 à 14:35:39
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Les Oiseaux-de-Feu et le Monstre-des-Eaux

En un lieu agréable, entre le Fleuve-Hurleur et l'endroit où la grue se tient entre les roseaux, vivait autrefois un Brave doté de dons surnaturels. Un bon génie lui avait donné quatre flèches magiques : une noire, une rouge, une jaune et une blanche.

Quelle que soit la distance, ces flèches-médecines atteignaient toujours leur cible.

Ce bon chasseur, qui était aussi un vaillant guerrier, n'utilisait dans la vie courante que la flèche blanche et la jaune. Un jour, il tua un cerf. Il alluma un feu et fit cuire une cuisse de l'animal. Après avoir mangé, il s'allongea pour dormir un peu.

Durant son sommeil, deux Oiseaux-de-Feu sortirent des nuages et l'emportèrent loin vers l'ouest. Ils le déposèrent au sommet d'une haute montagne.

Quand le Brave se réveilla, il se dit qu'il n'était jamais venu dans ce pays. Il voulut descendre dans la vallée, mais il ne rencontra que précipices et parois abruptes.

Soudain, il y eut un bruit d'ouragan, la montagne trembla... C'était le chef des Oiseaux-de-Feu qui volait vers lui. Il vint se poser à son côté et lui dit :

- N'aie crainte. Je ne te veux aucun mal. Accepte de rester avec nous et je serai ton grand-père. Tu es un courageux chasseur et, à ce qu'il paraît, tu possèdes de très bonnes flèches. Je dois prochainement livrer un dur combat et tu m'aideras !

Le Brave, enchanté et honoré, demanda ce qu'il aurait à faire. L'oiseau expliqua :

- Tu sais qu'il incombe aux Oiseaux-de-Feu de lutter contre les Esprits-des-Ténèbres, eh bien tu combattras avec nous. Ma famille et moi, nous vivons depuis toujours au sommet de cette montagne, mais il nous est impossible d'élever nos petits. Chaque année, un monstre sort des profondeurs du lac et vient les dévorer. Le Monstre-des-Eaux a deux têtes et d'épaisses écailles de silex recouvrent tout son corps, de sorte que nos dards-éclairs n'ont aucun effet sur lui. Aide-nous à tuer ce monstre, alors tu seras le frère de tous les oiseaux de la Terre et ils te protégeront !

L'Oiseau-de-Feu mena le Brave vers son nid et lui montra ses six oisillons qui criaient leur faim.

- Vois, ils sont encore petits, mais aussitôt qu'ils auront des plumes, 1e monstre viendra les manger.

Le Brave prit dans sa ceinture une poignée de grains de mais et l'offrit aux affamés.

Dès lors, il apporta aux petits Oiseaux-de-Feu tout le gibier qu'il tuait.

Un jour, le père et la mère des oisillons lui dirent :

- Tu es bien aimable pour tes jeunes parents. Le temps approche où le Monstre-des-Eaux va venir. Allons nous poster sur cette montagne ; de là-bas, nous pourrons mieux le surveiller.

Au lever du soleil du deuxième jour, une terrible tempête annonça l'arrivée du monstre. Les eaux du lac se mirent à bouillir, de gros nuages de vapeur les recouvrirent.

Puis, deux énormes gueules, écailleuses et horribles, apparurent. C'étaient les deux têtes du monstre !

Lorsque les têtes commencèrent à escalader le flanc de la montagne, les Oiseaux-de-Feu piquèrent vers elles dans un bruit étourdissant. Des éclairs jaillirent des yeux des Oiseaux-de-Feu. Ils frappèrent le monstre en faisant crépiter des milliers d'étincelles.

Hélas, aucun n'arriva seulement à entamer la cuirasse du Monstre-des-Eaux qui continua à ramper et arriva au bord du nid.

Alarmés, les Oiseaux-de-Feu crièrent au Brave :

- Tire maintenant, si tu veux nous aider !

Le Peau-Rouge prit sa flèche noire dans son carquois et la posa sur son arc. Il attendit qu'une gueule rouge s'ouvrit et au moment où elle allait croquer un oisillon, il tira dans la gorge.

- Tiens, hurla-t-il. Avale donc cette médecine !

On entendit un terrible craquement. La tête hideuse vola en éclats, car la flèche noire était en réalité un érable de la forêt.

Mais déjà, la deuxième tête approchait du nid. Le Brave décocha sa flèche rouge en rugissant :

- Voici une autre médecine que tu apprécieras !

La seconde tête explosa comme la première, car la flèche rouge était un grand pin de la montagne.

Le corps du Monstre-des-Eaux dégringola le long de la paroi rocheuse dans un bruit de tonnerre et disparut dans le lac.

Alors, des milliers d'oiseaux arrivèrent des quatre coins du monde. Ils voltigèrent en manifestant leur joie. Le chef des Oiseaux-de-Feu dit :

- Tu as sauvé nos petits. Tu es maintenant le frère des oiseaux. Dorénavant, tous ceux qui sont ici te protégeront du danger. Veux-tu que nous te ramenions dans ton pays ?

Le Peau-Rouge réfléchit un instant et déclara :

- Non ! je préfère continuer à tuer des monstres.

Depuis ce jour, le Brave passe son temps à parcourir la Terre. Avec ses quatre flèches magiques, il combat les Esprits-des-Ténèbres et les Indiens de toute la Terre peuvent dormir en paix.




Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Février 2013 à 18:51:00
(http://img11.hostingpics.net/pics/960812jusdebouleau.jpg)
Le grand pin et le bouleau

Il y a bien longtemps, avant que les hommes n'arrivent dans le pays, les arbres étaient capables de parler. Le bruissement de leurs feuilles était leur langage calme et reposant. Lorsqu'ils agitaient leurs branches en tous sens dans le vent violent, leurs paroles étaient des discours pleins de courage ou remplis de peur.
La forêt était peuplée d'une multitudes d'arbres de toutes sortes. L'érable laissait couler sa sève sucrée pour les oiseaux assoiffés. Un grand nombre d'oiseaux nichaient dans ses branches. Les merles venaient déposer leurs petits œufs bleus dans des nids bien installés. L'érable les protégeait du vent et de la pluie, toujours prêt à rendre service. Il était respecté aux alentours.

Pas bien loin de lui, un orme élevait ses longues branches vers le ciel. L'orme aimait le soleil et chacune de ses branches s'élançaient vers ses rayons. Les orioles, des oiseaux ressemblant aux rouges-gorge mais en plus petit construisaient leurs nids-balançoires dans sa ramure sachant qu'ils se trouvaient à l'abri dans les hauteurs.

Il y a bien longtemps, avant que les hommes n'arrivent dans le pays, les arbres étaient capables de parler. Le bruissement de leurs feuilles était leur langage calme et reposant. Lorsqu'ils agitaient leurs branches en tous sens dans le vent violent, leurs paroles étaient des discours pleins de courage ou remplis de peur.
La forêt était peuplée d'une multitudes d'arbres de toutes sortes. L'érable laissait couler sa sève sucrée pour les oiseaux assoiffés. Un grand nombre d'oiseaux nichaient dans ses branches. Les merles venaient déposer leurs petits œufs bleus dans des nids bien installés. L'érable les protégeait du vent et de la pluie, toujours prêt à rendre service. Il était respecté aux alentours.

Pas bien loin de lui, un orme élevait ses longues branches vers le ciel. L'orme aimait le soleil et chacune de ses branches s'élançaient vers ses rayons. Les orioles, des oiseaux ressemblant aux rouges-gorge mais en plus petit construisaient leurs nids-balançoires dans sa ramure sachant qu'ils se trouvaient à l'abri dans les hauteurs.

Plus loin encore, le thuya offrait durant l'hiver l'hébergement à des familles entières d'oiseaux. Lorsque le froid faisait rage, le thuya refermait ses épaisses branches sur eux et les gardait bien au chaud. Les oiseaux étaient si confortablement installés qu'ils mettaient du temps, le printemps venu, à quitter leurs logis dans le thuya.

Le bouleau se tenait à peu de distance. Il était mince et élégant et son écorce douce et blanche le distinguait des autres. Ses bras souples et gracieux s'agitaient à la moindre brise. Au printemps, ses feuilles vert tendre étaient si fines qu'elles laissaient passer la lumière du soleil au travers.

Quand les hommes arrivèrent dans ces lieux, ils se servirent de l'écorce du bouleau pour fabriquer des canots, des maisons et même les récipients dans lesquels ils cuisaient leurs aliments.

Mais il arriva un jour que le bouleau, à cause de sa beauté, se mit à mépriser tout le monde.

Le grand pin était le roi de la forêt. C'est à lui que chaque arbre devait faire un salut en courbant la tête un peu comme on mani­feste son obéissance au roi. Et ce roi était le plus grand, le plus majestueux, le plus droit de tous les arbres de la forêt. En plus de sa taille, sa magnifique vêture vert foncé assurait son autorité.

Un jour d'été, la forêt resplendissait des parfums et des cou­leurs de milliers de fleurs et un éclatant tapis de mousse recouvrait les coins ombragés du sol. Une quantité d'oiseaux, des gros, des petits, des bleus, des gris, des jaunes et des rouges, n'arrêtaient pas de chanter. Les arbres bougeaient dou­cement et agitaient leurs feuilles qui étaient des rires et des gais murmures de contentement. L'érable remarqua que le bouleau ne participait pas à cette réjouissance collective.

- Es-tu malade, bouleau ? demanda le gentil érable.

- Pas du tout, répondit le bouleau en agitant ses branches de façon brusque. Je ne me suis jamais si bien senti. Mais pour­quoi donc devrais-je me joindre à vous qui êtes si ordinaires ?

L'érable, surpris de cette réponse, se dit que le roi grand pin ne serait pas content d'entendre de telles paroles. Car la pre­mière tâche de Grand Pin était de faire respecter l'harmonie parmi ses sujets.

- Tais-toi ! dirent les arbres au bouleau. Si le grand pin t'entend...

Tous les arbres étaient très solidaires les uns des autres comme le sont les frères et les sœurs qui s'entraident. Seul, le bouleau refusait l'amitié de ses compagnons. Il se mit à agiter ses branches avec mépris et déclara :

- Je me fiche bien du roi. Je suis le plus beau de tous les arbres de la forêt et dorénavant je refuserai de courber la tête pour le saluer !

Le grand pin, qui s'était assoupi, s'éveilla tout d'un coup en entendant son nom. Il secoua ses fines aiguilles pour les remettre en place et s'étira, s'étira en redressant son long corps.

- Bouleau, que viens-tu de dire ? lança-t-il.

Tous les arbres se mirent à trembler car ils se doutaient bien que la colère grondait dans le cœur du grand pin. Mais le bouleau ne semblait nullement craindre sa colère. Il étala ses branches avec dédain, les agita dans un sens et dans l'autre et dit d'un ton hautain :

- Je ne vais plus vous saluer, grand pin. Je suis le plus bel arbre de la forêt, plus beau que tous les autres, plus beau même que vous !

Le grand pin se fâcha. Ses bras se mirent à s'agiter bruyamment. Et tous les arbres attendirent dans le plus grand silence la suite des événements.

- Bouleau, lança le roi pin, tu es devenu vaniteux ! Je vais t'apprendre une leçon que tu n'oublieras jamais.

Le grand pin se pencha en direction du bouleau et frappa sa tendre écorce de toutes ses forces. Ses aiguilles lacérèrent la douce peau blanche du bouleau.

Enfin, il dit :

- Que tous apprennent par toi, bouleau, que l'orgueil et la vanité sont mauvais.

Depuis ce jour, l'écorce de Bouleau est marquée de fines cica­trices noires. C'est le prix qu'il dut payer pour sa vanité. Tous les membres de sa famille, sans exception, ont gardé, marquée dans leur peau, la trace de la colère du roi grand pin.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Février 2013 à 16:44:30
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Le petit paon


Il était une fois un vieux et une vieille. Ils vivaient loin du village, dans une ferme.
Comme ils n'avaient pas d'enfant, et que cela les attristait beaucoup, ils adoptèrent un petit paon et l'élevèrent tout au long de l'hiver, bien au chaud dans la cuisine, comme un véritable enfant.


Le printemps venu, le petit paon sortit gratter le fumier pour y trouver des vers de terre.
Gratte, gratte, gratte tant que soudain sous sa patte : un ducat d'or ! « J'ai trouvé un ducat d'or, j'ai trouvé un ducat d'or ! »


De l'autre côté du village, le roi, dans son palais, entend. C'est un roi très cupide ! Tout trésor doit lui revenir !
Il envoie ses soldats arracher le ducat du bec du petit paon.

Le petit paon est bleu-vert de colère :
« Rendez-moi mon ducat d'or ! Rendez-moi mon ducat d'or ! »
Les soldats s'en moquent. Ils filent à grandes enjambées.


Mais le petit paon n'a pas l'intention de se laisser faire !
Il se met en route vers le palais royal :
« Roi, roi, rends-moi mon ducat, rends-moi mon ducat ! »


Mais voilà que sur le chemin, surgit un renard. Il se pourlèche :
« Petit paon je vais te manger ! »
« Tu me mangeras ou je te mangerai, mais sur mes pas, ne reviendrai ! »
Le petit paon ouvre le bec et avale le renard tout entier.

« Roi, roi, rends-moi mon ducat, rends-moi mon ducat ! »


Mais voilà le chemin barré par une rivière.
« Petit paon je vais t'avaler ! »
« Tu me mangeras ou je te mangerai, mais sur mes pas, ne reviendrai ! »
Le petit paon ouvre le bec et avale la rivière tout entière.

« Roi, roi, rends-moi mon ducat, rends-moi mon ducat ! »


Mais voilà autour de lui un essaim d'abeilles en furie !
« Petit paon nous allons te piquer ! »
Le petit paon ouvre le bec et avale l'essaim tout entier.


Le petit paon est arrivé devant le palais. Sous les fenêtres du roi, il fait les cent pas :
« Roi, roi, rends-moi mon ducat ! Roi, roi, rends-moi mon ducat ! »
« Qu'est-ce que c'est que ce vacarme ? crie le roi. Soldats ! Attrapez cet effronté et jetez-le dans le poulailler. Les coqs lui feront la peau ! »


Dans le poulailler, les coqs s'élancent, ergots tendus. Mais le petit paon se suspend au grillage tête en bas, ouvre le bec et... Et du bec du petit paon sort... Le renard.
Le renard étripe les coqs, étrangle les poules, assassine les canards et s'en va, bien repus et la queue en panache, en laissant la porte ouverte.


Le petit paon sort derrière lui et retourne sous les fenêtres du roi :
« Roi, roi, rends-moi mon ducat ! Roi, roi, rends-moi mon ducat ! »
« Soldats, jetez ce petit paon dans le four de la cuisine ! »


Dans le four de la cuisine, le petit paon se couche sur le flan, ouvre le bec et... Et du bec du petit paon sort... La rivière ! La rivière éteint le feu, brise la porte du four, se répand dans la cuisine, renverse vaisselle et meubles sur son passage et va rejoindre son lit en massacrant le jardin fleuri du roi.


Et le petit paon, lui, retourne sous les fenêtres du roi :
« Roi, roi, rends-moi mon ducat ! Roi, roi, rends-moi mon ducat ! »

Le roi hurle :
« Cette fois, je m'en occupe moi-même ! »
Il attrape le petit paon, le dépose sur son trône et s'assoit sur lui ! Na !


Sous le gros derrière du roi, le petit paon ouvre le bec et... Et du bec du petit paon sort.... L'essaim d'abeilles.
Et pique, pique, pique le derrière du roi !
« J'abdique, dit le roi, qu'est-ce que tu veux, volaille de l'enfer ? »
« Roi, roi, rends-moi mon ducat ! Roi, roi, rends-moi mon ducat ! »
Le roi sort une pièce de sa poche et la jette au petit paon.
« Ce n'est pas mon ducat d'or ! Roi, roi, rends-moi mon ducat ! »


Au bord de la crise de nerf, le roi conduit le petit paon dans la salle au trésor : « Cherche-le toi-même, ton ducat d'or ! »


Des ducats, il y en a des monceaux. Et aussi des tas de perles, de rubis, de diamants...
Picore par ci, picore par là, le petit paon remplit son ventre... Et vous savez combien il y de place dans ce petit ventre... Et puis, tranquillement, il rentre à la ferme chez ses parents.


Le vieux et la vieille sont heureux de revoir leur enfant mais lui, le petit paon, il crie :
« Pendez-moi au plafond, battez-moi avec un balai ! »
Il crie tant et si fort que les vieux s'exécutent et battent - bien doucement - les flancs du petit paon.

Alors du bec du petit paon coulent des diamants, des rubis, des perles, et des ducats d'or, beaucoup de ducats d'or. Un vrai trésor. De quoi vivre heureux.

C'est ce qu'ils firent et s'ils ne sont pas morts, ils vivent encore.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 02 Mars 2013 à 17:42:08
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La princesse Libellule

Il était une fois une princesse si petite, si petite, qu'on l'appelait la princesse Libellule.
Quand elle vint au monde, une coquille de noix lui servit de berceau, et on lui fabriqua, avec des pétales de roses blanches, la plus merveilleuse robe de baptême qu'on ait jamais vue. Dans une citrouille, couleur d'acajou, on tailla pour elle un ravissant petit carrosse, où elle se pavanait, traînée par deux grillons. Quand elle voulait aller se promener sur l'eau, elle s'embarquait sur une belle feuille de nénuphar, et un papillon, avec un brin d'herbe attaché à la proue, dirigeait le royal esquif, ses ailes ouvertes au vent comme des voiles.
Elle habitait un merveilleux palais. Des clochettes de toutes couleurs en formaient la toiture. Les murs étaient en cristal ; les tapis, de mousse, et les rideaux brodés avec des fils de la Vierge.
Et elle était si jolie, la petite princesse, qu'elle faisait la conquête de tous ceux qui la voyaient.
La petite princesse aimait les fleurs et les oiseaux, autant qu'elle en était aimée. Grâce à ses soins, chaque tige avait sa goutte d'eau, et les nids étaient toujours remplis de mousse fraîche. Quand l'hiver était venu, elle s'en allait, par les pics blancs de neige qu'éclairait un pâle soleil rouge, chercher les fleurs oubliées ou les pauvres petits oiseaux tombés sur le chemin, les ailes glacées, incapables de reprendre leur vol. Vite elle creusait dans la neige un lit pour la fleur, qui dormirait ainsi, sans danger, jusqu'au prochain Avril. Quant à l'oiseau, elle l'emportait, le réchauffait, et, quand elle l'avait rappelé à la vie, elle lui rendait la liberté, lui envoyant du bout des doigts un baiser, et en lui disant : "Au revoir !"
Or, un matin qu'elle s'était mise à sa fenêtre pour voir si, enfin, ce grand tapis blanc, qui semblait s'étendre indéfiniment autour d'elle, avait disparu, elle entendit tout à coup, au-dessus de sa tête, comme un assourdissant bruit d'ailes, et vit, avec effroi, surgir devant elle un être étrange, bizarrement vêtu, et si grand, si grand, qu'il dépassait de toute la tête le plus haut clocheton de son palais. Il roulait de grands yeux méchants et, quand il essayait de sourire, il découvrait une rangée de dents pointues et crochues comme celle d'un loup.
"Je suis, dit-il, le géant Kiokodyne, et je règne sur l'éblouissant pays des diamants. Je cherche une épouse pour mon fils. Je t'ai choisie. Tu vas me suivre."
La pauvre petit princesse, terrifiée, se jeta à genoux, tendant vers lui ses mignonnes mains, le suppliant d'avoir pitié d'elle et de la laisser là, au milieu des fleurs et de ses oiseaux qu'elle aimait tant et dont elle attendait impatiemment le retour. Sans eux elle ne pouvait vivre, et toutes les richesses du monde ne la consoleraient pas. Mais le géant haussa les épaules et éclata de rire. Il passa sa large main par la fenêtre, et, saisissant la princesse Libellule, sans souci de ses prières et de ses larmes, il l'enferma dans le grand sac qu'il portait sur son épaule. Puis, ouvrant toutes grandes ses deux ailes couleur de nuage, il s'envola. Il franchit des montagnes si hautes qu'elles semblaient percer le ciel ; il traversa d'immenses plaines, où ne croissait aucun arbre, et qu'illuminaient soudain d'éblouissants éclairs. La pluie et la grêle faisaient rage autour de lui. Mais il ne s'en inquiétait guère.
Enfin, il s'arrêta. Il ouvrit le sac et en tira la princesse.
"Nous sommes arrivés, dit-il, et te voici chez moi !"
Elle jeta les yeux autour d'elle, mais recula aussitôt, épouvantée. Elle se trouvait au milieu d'une immense caverne, si profonde, si profonde, qu'on n'en pouvait apercevoir la fin. D'énormes brasiers brûlaient, d'où s'élevaient, en sifflant, pareilles à de monstrueuses salamandres, des flammes qui mettaient le long des murs des lueurs rouges d'incendie. Des nains affreux, noirs de fumée, soulevaient à deux mains des marteaux aussi gros qu'eux, et frappaient en cadence sur d'énormes enclumes, faisant pleuvoir autour d'eux des myriades d'étincelles. En tombant, ces étincelles devenaient des diamants et des pierres précieuses illuminant la grotte de leurs merveilleux éclats !
"Eh bien ! que dis-tu de mes richesses ? demanda fièrement le géant. Crois-tu que ton pauvre royaume de fleurs et d'oiseaux puisse rivaliser avec le mien ? Que sont tes pâles violettes à côté de ces brillantes améthystes ? Qu'est ton soleil à côté de ce monceau de diamants ? Tes fleurs, à toi, ne vivent qu'un jour ; les miennes ne flétrissent jamais !
- Tes fleurs, nées sans soleil, sont sans parfum, répondit-elle. Elles peuvent éblouir les yeux, mais non charmer les coeurs. Les miennes passent, il est vrai, mais leur courte existence me les fait chérir davantage. Quel que soit leur éclat, tes rubis et tes améthystes ne vaudront jamais mes roses et mes violettes. Et je préfère la plus modeste fleur des champs à ton plus merveilleux diamant !"
Mais, de nouveau, l'autre haussa dédaigneusement les épaules.
"Voici mon fils et ton futur époux, fit-il, en lui montrant un des nains qui semblait commander aux autres et s'était approché d'eux en gambadant. Tu l'épouseras dès demain, sinon je t'enfermerai dans une noire prison, d'où tu ne sortiras que lorsque tu seras devenue raisonnable, et que tu auras accepté le mari que j'ai choisi pour toi."
Et comme de nouveau la petite princesse refusait bravement, on l'enferma dans un grand cachot. Trois portes à triple serrure en défendaient l'entrée, et une étroite meurtrière l'éclairait, mais placée si haut, si haut, qu'elle n'aurait jamais pu y atteindre. Dans un coin, espérant la séduire on avait entassé des monceaux de diamants et de pierres précieuses, qui brillaient dans l'ombre comme de gigantesques lucioles.
"Ce sera ton lit," lui avait di le géant Kiokodyne en la quittant.
Et la petite princesse, à genoux, oubliant ses propres souffrances, priait maintenant pour ses fleurs et ses oiseaux, qu'elle ne reverrait plus. Que diraient-ils quand ils ne la retrouveraient plus ! Et qui prendrait soin d'eux ? Tout à coup, un joyeux "Quivit !" lui fait lever la tête. Elle croit rêver. Mais non, elle a bien entendu. "Quivit ! quivit !" répètent des voix bien connues. Ce sont ses amies les hirondelles qui passent. Ah ! si elles pouvaient arriver jusqu'à elle. Si elle pouvait leur crier qu'elle est là, prisonnière. Elles la sauveraient, certainement ! Oui, mais la meurtrière est si haute, si haute, qu'elles ne
peuvent l'apercevoir ni l'entendre. Alors elle se met à pleurer...
Or voilà que soudain son cachot s'illumine d'une mystérieuse lueur, et qu'un exquis et pénétrant parfum semble monter du sol tout autour d'elle. Dans un nuage d'or apparaît une femme couronnée de roses, de bleuets et de marguerites, et si belle, que la petite princesse, les mains jointes, comme en extase, la regarde croyant rêver. Mais elle, souriant dit :
"Je suis la fée des oiseaux et des fleurs. Tu leur as été fidèle. Tu les as préférés à ces inutiles et vaines richesses. Je viens te sauver. Regarde."
Et l'apparition s'évanouit.
Sous les larmes qui roulent des yeux de la petite princesse et tombent, goutte à goutte, sur les diamants et les gemmes entassés à ses pieds, voilà que les améthystes se changent en violettes ; les grenats et les rubis, en roses et en coquelicots ; les topazes et les turquoises, en pervenches de toutes les couleurs, tandis que les émeraudes se transforment en larges feuilles vertes, sur lesquelles les diamants brillent comme des gouttes de rosée. Les fleurs forment ainsi un merveilleux bouquet au milieu duquel, comme en un nid parfumé, repose la princesse Libellule. Puis, les fleurs grandissent, les tiges montent, et le bouquet s'élève jusqu'à l'étroite meurtrière, autour de laquelle voltigent les hirondelles. Elles reconnaissent leur mignonne amie. Du bec et des griffes, elles travaillent et l'amènent jusqu'à elles. Puis l'une la prend sur son dos, les autres se groupent tout autour pour mieux l'abriter et poussant un dernier et victorieux "Quivit !" elles s'envolent, tandis que les pierres précieuses, revenant à leur première forme, retombent en pluie cristalline sur le sol.
Les hirondelles volèrent longtemps, charmant la longueur du voyage en racontant à la princesse les belles histoirs qu'elles avaient apprises en chemin. Elle les écoutait, émerveillée du spectacle qui se déroulait devant elle. Bientôt elles arrivèrent dans un pays si beau qu'elle crut voir le paradis. On eut dit un immense tapis de fleurs. Au-dessus d'un grand lac couleur d'azur voltigeaient des oiseaux au plumage éblouissant.
"Où suis-je donc ? demanda la petite princesse.
- Au bleu pays des éternels printemps, répondirent les hirondelles. Ici, les fleurs ne meurent plus, et les oiseaux chantent toujours. Tu seras leur reine, toi qui les a tant aimés."
Et, doucement, elles la déposèrent à terre, tandis que les oiseaux accouraient autour d'elle joyeusement, et que toutes les fleurs s'inclinaient gentiment sur leurs tiges en lui disant : "Bonjour :".




























































Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Mars 2013 à 16:44:32
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Perséphone ou la naissance des saisons

La déesse Déméter, protectrice de la Nature, avait une fille unique qu'elle chérissait. C'était une très belle enfant, fraîche comme un bouton de fleur et rosée comme les fruits qui mûrissent lentement au soleil. Cette jeune fille s'appelait Perséphone. Notre déesse attentionnée passait beaucoup de temps avec l'adolescente ; elle lui enseignait les secrets de la terre, lui parlait des céréales, des légumes et des fruits qu'elle faisait croître. Et la vie suivait son cours...

Pendant ce temps, au royaume des morts, le dieu Hadès observait Déméter et sa fille. Il avait remarqué la beauté de Perséphone et il espérait secrètement l'épouser. Il conçut pour cela un astucieux stratagème. Comme cela lui arrivait fréquemment, Déméter partit en voyage. Hadès fit alors fleurir une multitude de narcisses. C'était une belle journée, Perséphone sortit avec une amie. Elle flânait, insouciante, dans la campagne fleurie de narcisses, s'attardait pour en faire un bouquet, s'éloignant ainsi de sa compagne. Cet instant fut propice au dieu des morts... Alors qu'elle se penchait pour ramasser une fleur, le sol s'ouvrit et Hadès surgit dans toute sa splendeur. Perséphone, surprise, ne put alerter son amie et elle fut emportée dans les profondeurs de la Terre. Nul ne pouvait sortir du monde souterrain sans le consentement d'Hadès.
C'était un lieu terrible, peuplé de monstres et d'ombres. L'air y était irrespirable, plein de gémissements, de souffrance et de cris, auxquels succédait parfois un sinistre silence.
En découvrant cet univers, si différent de celui qu'elle connaissait, Perséphone ne put retenir ses larmes. C'est ainsi qu'elle devint reine des Enfers.

En revenant de son voyage, Déméter s'alarma de ne pas trouver sa fille chez elle, comme elle en avait l'habitude.
Alors, la déesse de la Nature quitta l'Olympe et partit à la recherche de Perséphone...

Déméter était si triste d'avoir perdu son enfant qu'elle refusait de faire germer les graines. Plus rien ne poussait et les hommes et les animaux mouraient de faim. Puis un jour, enfin, la déesse apprit le nom du ravisseur. Indignée, elle alla trouver Zeus et demanda qu'on lui rende Perséphone. Depuis longtemps déjà, Zeus était inquiet... La Terre avait trop souffert de cette situation ! Il prit donc parti pour la déesse : « Mais, rappelle-toi, si ta fille goûte aux fruits de l'empire des ombres, elle ne pourra en ressortir. » Et aussitôt, Zeus ordonna au dieu des Enfers de relâcher la captive. Malheureusement, Perséphone avait déjà mangé quelques grains de grenade. Hadès refusa alors de la libérer complètement. Pour revoir sa mère, la jeune fille dut promettre de revenir régulièrement près du puissant dieu.

Lorsque Déméter retrouva enfin son enfant, elle laissa éclater sa joie de la plus belle manière qui soit : elle fit reverdir les champs et recouvrit les arbres de fleurs et de bourgeons. Quel soulagement alors pour les hommes, les femmes et tous les animaux ! Mais Perséphone ne pouvait rester plus de quatre mois auprès de cette mère aimante et généreuse, et la séparation qui s'ensuivit fut un nouveau déchirement pour la déesse de la Nature...

Elle ne supportait pas de voir la Mort s'emparer de la beauté de son enfant pour la garder si longtemps enfermée dans le triste royaume des Enfers. Perséphone siégeait alors auprès d'Hadès. Elle gardait sa fraîcheur et sa beauté mais, si loin des plaisirs du monde vivant, elle prenait un air sombre et tragique... jusqu'à ce qu'elle retrouve sa mère. Petit à petit, la Nature, les mortels et les animaux se sont habitués aux allées et venues de Perséphone...
À chaque printemps, Déméter retrouve sa fille pour une ou deux saisons seulement, et la Nature, si triste en hiver, reprend alors vie.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Mars 2013 à 18:15:24
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Les mouettes du Lac Salé

Cette histoire est réellement arrivée; il y a bien des années...
En ce temps là, les caravane de pionniers quittaient les côtes de l'Atlantique pour traverser le Mississippi et les grandes plaines de l'Amérique du Nord. Ils circulaient dans des chariots couverts, traînés par des chevaux, et, après bien des peines, parvenaient en haut des Montagnes Rocheuses et descendaient dans les vallées. Ils faisaient encore beaucoup de chemin et finissaient par arriver dans une grande vallée entourée de hautes montagnes. C'était une plaine de sable blanc, dans un pays où la pluie ne tombait presque jamais; mais les neiges éternelles, sur le haut des hautes montagnes, envoyaient de jolis et nombreux petits ruisseaux qui descendaient le long des pentes et venaient se jeter dans un beau lac bleu, au milieu de la plaine de sable, une petite mer intérieure, salée comme la grande mer.

C'est là que certains pionniers s'arrêtèrent ; au Lac Salé. Ils bâtirent des cabanes pour passer l'hiver. Ils avaient mis tant de mois pour faire ce terrible voyage que beaucoup d'entre eux étaient morts en cours de route, à cause du froid, de la fatigue, de la maladie; et une fois sur place, beaucoup d'autres moururent encore pendant l'hiver. Leurs provisions étaient presque épuisées, et leur vie dépendait de la récolte qui allait mûrir.

A force de courage et de travail, ils avaient rendu le pays fertile en faisant des canaux pour l'eau des ruisseaux - ce qu'on appelle irrigation et ils avaient semé du maïs, du blé et des légumes verts pour se nourrir, ainsi que leur bétail. A présent, ils attendaient...

Le printemps vint, et le blé poussa, le maïs poussa aussi, et tous les légumes. La terre brune de la plaine était couverte de petites tiges vertes et tendres, qui grossissaient à vue d'œil. La joie était dans tous le cœurs ; les pionniers étaient récompensés de tous leurs sacrifices. Une vie nouvelle et prospère s'ouvrait à eux quand soudain, une chose terrible arriva...

Un matin, les hommes qui veillaient à l'irrigation virent un grand nuage noir passer sur la colline et s'avancer vers la plaine. D'abord ils eurent peur que la grêle ne fasse périr leurs récoltes, mais ils entendirent bien vite un bruit dans l'air, comme un roulement, et quand le nuage fut plus près, ils virent que c'était des sauterelles! Elles s'abattirent sur les champs, et commencèrent à dévorer les plantes. Les hommes tentèrent de les tuer, mais, plus ils en tuaient, plus il en venait! Ils allumèrent des feux, creusèrent des fossés. Rien n'y faisait. De nouvelles armées de sauterelles arrivaient pour remplacer celles qui étaient détruites! Epuisés, malheureux, les gens tombèrent à genoux en pleurant et en criant, quelques-uns priant pour la délivrance.

Tout à coup, là-bas, dans le ciel, au-dessus du lac bleu, on entendit un bruit d'ailes et de petits cris sauvages. Le bruit devint plus fort, et les gens levèrent la tête. Etait-ce encore des sauterelles ? Non. C'était un bataillon de mouettes qui arrivait. Rapides, battant l'air de leurs ailes blanches, les mouettes arrivaient par centaines, par milliers.
- Les mouettes! les mouettes! crièrent les gens. Qu'est-ce que cela veut dire ?
Les mouettes planaient au-dessus de leurs têtes, avec de petits cris aigus, puis, tout d'un coup, comme un merveilleux nuage blanc, elles s'abattirent sur le sol.
- Malheur! malheur! crièrent les pauvres gens. Nous sommes perdus! Tout ce que les sauterelles ont laissé, les mouettes vont le manger!
Mais soudain, quelqu'un s'écria :
- Regardez ! Les mouettes mangent les sauterelles!
Et c'était bien vrai. Les mouettes dévoraient les sauterelles par milliers. Elles s'en gorgeaient jusqu'à n'en pouvoir plus, puis s'envolaient alourdies vers le lac d'où d'autres revenaient avec une nouvelle ardeur.
Et quand, à la fin, elles reprirent le chemin de leurs nids, il ne restait plus une sauterelle dans les champs, et le peuple fut sauvé.

Depuis ce jour, dans la colonie du Lac Salé, on apprend aux enfants à respecter les mouettes. Et lorsque les écoliers commencent à dessiner et à écrire, bien souvent, leur tout premier dessin est l'image d'une mouette.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 05 Mars 2013 à 18:04:54
(http://img15.hostingpics.net/pics/682598montagne.jpg)
Les visages sur le mur

Deux sœurs vivaient ensemble ; l'aînée était très belle et la cadette très laide. La belle était courtisée par tous les jeunes hommes des environs, et celle qui était laide n'attirait même pas le regard des vieillards. Et pourtant, la vilaine avait un cœur en or, et la belle était méchante et prétentieuse. Ainsi va le monde !

Un soir, la jeune fille laide se dit : « Ici, rien de bon ne m'attend. Je construirai une maison à la montagne et j'y vivrai seule. Plus personne ne verra mon visage ni ne se moquera de moi. »
Au petit matin, elle quitta le village et se dirigea vers la montagne. La jeune fille marcha toute la journée, et ses jambes étaient fatiguées lorsqu'elle aperçut enfin un filet de fumée s'élever au-dessus de la vallée. Elle s'approcha et vit, assise devant une jolie petite maison, une vieille femme aveugle. Elle avait des nattes grises, mais ses lèvres étaient d'un rouge éclatant et ses dents brillaient comme des diamants. Plus étonnant encore, elle avait deux visages, l'un devant et l'autre derrière. « C'est sûrement une sorcière », pensa la jeune fille.

Néanmoins, elle la salua très poliment et s'enquit de sa santé. « Je me porte bien, merci, répondit la sorcière. Seuls mes yeux ne voient plus comme avant. C'est pourquoi je cherche une servante. Ne voudrais-tu pas travailler pour moi ? Tu auras un bon salaire et à manger autant que tu voudras.
— Pourquoi pas, répondit la jeune fille en se disant : "Je serai bien ici et les yeux aveugles ne verront pas ma laideur." »

La jeune fille laide travailla donc chez la sorcière et s'en trouva bien. Tous les jours, elle ajoutait une pièce d'or dans un petit coffret et elle mangeait à satiété. La sorcière lui avait même donné une jolie robe. La jeune fille la méritait bien, car elle servait sa maîtresse loyalement, ne profitant pas du fait que la vieille femme était aveugle. Elle balayait la poussière et raccommodait le linge avec de tout petits points. Le temps passa et une année s'écoula.

« Ton service chez moi se termine, dit un jour la sorcière à la jeune fille. Tu peux à présent rentrer chez toi.
— Oh non ! s'écria-t-elle. Je veux rester ici. Toi, tu ne vois pas la laideur de mon visage, tu ne connais que le son de ma voix et le travail de mes mains. Mais les autres se moquent de moi. Je ne veux plus jamais les revoir !
— Tu as un visage ingrat, mais un cœur en or, répondit la sorcière. Mes yeux paraissent aveugles, mais ils voient beaucoup mieux que ceux des autres. N'as-tu pas remarqué que j'en ai quatre ? Quand deux dorment, les deux autres restent éveillés. Je connais ton visage depuis le jour où tu es arrivée et, en vérité, il m'importe peu qu'il soit beau ou laid. Mais cela semble vital pour toi et c'est pourquoi j'ai décidé de t'aider. À présent, entre dans la maison et touche le miroir qui est contre le mur. »

La jeune fille fit comme la vieille femme lui avait dit. La tête baissée – pour éviter de voir son visage – elle tendit la main vers le miroir. Soudain, celui-ci s'ouvrit comme une porte, et derrière lui une autre pièce apparut. Sur les murs, il y avait des centaines de visages ! « Vas-y, choisis celui qui te plaît ! » commanda la sorcière. La jeune fille, émerveillée, regarda attentivement tous ces innombrables visages, et finit par en choisir un, gentil et souriant, avec de grands yeux. Dès qu'elle l'eut désigné, la sorcière prit le visage de la jeune fille dans ses mains et le suspendit au mur. Puis elle posa sur sa tête le nouveau visage. Comme elle était belle à présent ! « Rentre chez toi et vis en paix ! » lui dit la sorcière. Puis elle tendit à la jeune fille son coffret en clamant : « Double est ma face, que double soit ton contenu ! » Aussitôt dit, aussitôt fait, le coffret fut immédiatement rempli de pièces d'or. La jeune fille remercia la sorcière et lui fit ses adieux. Puis elle rentra chez elle en courant. Elle était heureuse, belle et riche, que demander de plus !

Sa sœur aînée n'arriva pas à en croire ses yeux ; elle ne reconnut sa cadette qu'au son de sa voix. Mais ce changement ne lui plut guère, car la laide était maintenant plus belle qu'elle. « Moi aussi, j'irai dans la montagne », se dit-elle quand elle eut appris comment sa sœur avait réussi. Si la sorcière avait su rendre si beau le visage si laid de sa sœur, le sien, déjà si gracieux, deviendrait le plus beau du monde. Puis, sans tarder, la sœur aînée prit la route. Elle marcha toute la journée et commençait à être fatiguée lorsqu'elle vit un filet de fumée s'élever au-dessus de la vallée. Elle s'y dirigea et arriva près d'une jolie maisonnette devant laquelle était assise une vieille femme aveugle. Elle avait des nattes grises, mais ses lèvres étaient d'un rouge éclatant et ses dents brillaient comme des diamants. Plus étonnant encore, elle avait deux visages, l'un devant et l'autre derrière.
« C'est la sorcière ! » pensa la jeune fille. Elle fit une grimace désobligeante – puisque la vieille femme ne voyait rien – puis, d'une voix mielleuse, elle s'enquit de sa santé. Et la sorcière la prit à son service, tout comme sa sœur.

La belle jeune fille fit semblant de travailler. Tantôt elle faisait un peu de bruit en remuant quelques objets, tantôt elle donnait de petits coups de balai, mais elle passait le plus clair de son temps devant la glace à s'admirer. La poussière s'accumula bientôt dans tous les coins de la maisonnette et le linge fut raccommodé très grossièrement. Néanmoins, tous les jours, la jeune fille mangeait à volonté et elle recevait également une pièce d'or, qu'elle rangeait dans son coffret. Ainsi, une année passa.
« Ton service chez moi touche à sa fin, dit un jour la sorcière. À présent, tu peux rentrer chez toi.
— Oh non ! objecta la jeune fille. Je ne veux rentrer qu'avec un nouveau visage !
— C'est ce que tu veux ? Entre donc dans la maison et touche le miroir », répondit la sorcière.
La jeune fille se dépêcha de rentrer, tendit la main, et le miroir s'ouvrit comme une porte. Derrière lui, il y avait une autre pièce où d'innombrables visages étaient accrochés aux murs. « Ferme les yeux et ne les ouvre pas avant que je ne te le dise », ordonna la sorcière. Puis elle prit la tête de la jeune fille dans ses mains, ôta son joli visage et le suspendit au mur. Elle posa ensuite sur la tête de la jeune fille le visage de sa sœur cadette.
Puis elle lui tendit son petit coffret, après y avoir jeté de la poussière ramassée dans un coin de la pièce et avoir dit : « Double est ma face, que double soit ton contenu ! » Elle conduisit ensuite la jeune fille devant la maison et lui dit : « Tu peux ouvrir les yeux à présent et rentrer chez toi. »

La jeune fille ne dit ni au revoir ni merci et descendit la colline en courant, pressée qu'elle était de rentrer au village. Vous pouvez aisément imaginer ce qu'elle ressentit quand elle se vit dans un miroir et qu'elle entendit les quolibets des voisins. Lorsqu'elle ouvrit le coffret, un nuage de poussière s'en échappa et se déposa sur ses cheveux. Elle ne réussit plus jamais à les démêler... Elle fut si honteuse que, très vite, elle quitta le village. Personne ne sut où ses jambes l'avaient guidée, et plus jamais dans la région on n'entendit parler d'elle. Sa sœur cadette épousa un homme beau et aimable, et ils vécurent heureux et en paix. Certes, le beau visage de la jeune femme allait vieillir un jour, mais « un cœur bon le reste toute une vie ».













Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Mars 2013 à 17:18:26
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Le cercle des fées

Un jour, un garçon d'une douzaine d'années avait mené le troupeau de moutons de son père sur les pentes du Petit-Freni, non loin du village de Crymych. Quand il fut arrivé à la pâture, il y avait encore un peu de brouillard autour du sommet de la montagne, et le garçon essayait de voir d'où était venu ce brouillard. Les gens du pays disait en effet que, lorsque le brouillard venait du côté de Pembroke, il ferait beau, mais s'il venait de Cardigan, il ferait mauvais.

Comme il regardait autour de lui ce paysage tranquille et silencieux, la surprise le fit tout à coup sursauter : il apercevait en effet, sur les pentes du Grand-Freni, un groupe de gens qu'il croyait bien être des soldats, en train de s'affairer en cercle, comme pour un exercice. Mais le garçon commençait à connaître les habitudes des soldats, et il se dit lui-même qu'il était trop tôt dans la journée pour que ceux-ci fussent déjà là. Laissant le troupeau pâturer tranquillement sous la garde des chiens, il marcha dans cette direction et, quand il fut plus près, il constata que ce n'étaient pas des soldats qu'il voyait ainsi, mais des gens appartenant au peuple féerique. Et ils étaient occupés à danser en rond, sans se soucier de ce qui se passait autour d'eux.

Le garçon avait entendu bien des fois les vieux du village parler des fés et, lui-même, il avait vu souvent les cercles qu'avaient laissées les "petites gens" sur l'herbe, le matin, après avoir dansé toute la nuit. Mais il n'en avait jamais encore rencontré. Sa première idée fut de retourner en hâte à la maison pour raconter à ses parents ce qu'il avait vu, mais il renonça à ce projet, se disant que les fées risquaient de ne plus être là lorsqu'il reviendrait.

Il se décida à approcher prudemment pour mieux les observer. De toute façon, il savait bien que les "petites gens" ne l'attaqueraient pas : tout ce qu'il craignait, c'est qu'elles disparaissent lorsqu'elles se seraient aperçues de la présence d'un être humain. Il s'avança donc le long des haies pour mieux se dissimuler et parvint ainsi sans encombre le plus près possible du cercle. Là, il se tint immobile et ouvrit les yeux tout grands pour ne rien perdre de la scène.

Il put ainsi constater que, parmi les "petites gens", il y avait un nombre égal d'hommes et de femmes, mais tous étaient extrêmement élégants et enjoués. Tous n'étaient pas en train de danser et quelques-uns se tenaient tranquillement à proximité immédiate du cercle, attendant d'entrer dans la ronde. Certaines femmes montaient de petits chevaux blancs fringants. Mais ils portaient tous de beaux vêtements de différentes couleurs, et c'est parce que certains d'entre eux avaient des habits rouges que le garçon avait pensé à des soldats.

Il était là, en pleine contemplation de ce spectacle inhabituel, quand les "petites gens" l'aperçurent. Au lieu de paraître hostiles ou de s'enfuir, elles lui firent signe d'entrer dans le cercle et de se joindre à leurs danses. Il n'hésita pas, mais, dès qu'il fut entré dans le cercle, il entendit la plus douce et la plus irrésistible musique qu'il connût. Immédiatement, sans comprendre ce qui se passait, il se retrouva au milieu d'une élégant demeure, aux murs recouverts de tapisseries de toutes couleurs. Des jeunes filles ravissantes l'accueillirent et le conduisirent dans une grande salle où des nourritures appétissantes étaient disposées sur une table. Elles l'invitèrent à manger, et le garçon, qui ne connaissait guère que les habituelles pommes de terre au lait de beurre qui constituaient le repas de la ferme, se régala avec des plats d'une exquise finesse, tous à base de poissons. Et on lui donna à boire le meilleur vin qui fût, dans des coupes d'or serties de pierres précieuses.

Le garçon se croyait au paradis. La musique et le vin l'engourdissaient, et la vue de ces jeunes filles empressées autour de lui le ravissait. L'une d'elles lui dit alors d'un ton aimable :

- Tu peux rester ici autant que tu veux. Tu te réjouiras avec nous jour et nuit et tu auras à manger et à boire autant que tu le désires. Mais il ya une chose que tu ne devras jamais faire : c'est de boire l'eau du puits qui se trouve au milieu du jardin, même si tu as très soif, car alors, tu ne pourrais plus demeurer ici.

Le garçon se hâta d'assurer qu'il prendrait grand soin à ne pas enfreindre cette interdiction. Et quand il fut bien rassasié, les jeunes filles l'emmenèrent danser. Il ne se sentait pas fatigué le moins du monde et se sentait capable de s'amuser ainsi durant sa vie entière. Jamais il n'avait été à une telle fête, jamais il n'avait éprouvé une telle joie, un tel bonheur de se trouver au milieu d'un luxe inconnu, avec des gens élégants et ditingués qui le traitaient ainsi avec douceur et courtoisie. Il lui arrivait de penser à la ferme, à son troupeau, à ses parents, mais il chassait vite ces images de son esprit pour mieux s'absorber dans la danse et la musique.

Un jour, cependant, comme il prenait l'air dans le jardin, au milieu des fleurs les plus belles et les plus parfumées, il s'approcha du puits et se pencha pour voir ce qu'il y avait à l'intérieur : il aperçut une multitude de poissons brillants qui frétillaient et qui renvoyaient vers lui la lumière du soleil. Alors, il ne put résister : il tendit son bras et sa main toucha la surface de l'eau.

Aussitôt, les poissons disparurent et un cri confus se répendit à travers le jardin et la demeure. La terre se mit à trembler brusquement et le garçon se retrouva au milieu de son troupeau, sur la pente du Petit-Freni. Il y avait toujours la brume au sommet de la montagne, mais le garçon eut beau chercher partout, il ne put découvrir aucune trace du cercle, aucune trace du puits ni de la demeure des fées. Il était seul sur la montagne, et ses moutons paissaient paisiblement comme si rien ne s'était passé.







Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Mars 2013 à 18:40:50
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La tortue avisée

Tout le monde sait que les tortues sont extrêmement avisées. Un jour, l'une d'entre elles rassembla tous les animaux pour les avertir :
"Une dangereuse plante pousse dans notre forêt. Nous devons la supprimer, sinon c'est elle qui nous supprimera ! "
La tortue conduisit les animaux à la lisière de la forêt où s'étendaient les champs de chanvre et dit :
"Voici la plante en question ! "
Les animaux l'examinèrent et goûtèrent à ses petites feuilles. L'antilope fit la grimace :
"C'est amer. Je ne vois pas pourquoi je devrais la brouter. "
Le flamant hochait la tête :
"Moi non plus. Je ne peux rien faire du chanvre, puisque je vis la plupart du temps dans l'eau."
La carpe ne dit rien, mais s'en alla d'un coup de nageoire.
Ainsi, le chanvre poussa en toute tranquillité. Un jour, les hommes vinrent, l'arrachèrent et en tressèrent des cordes. Ils les prirent pour bander leurs arcs. Ensuite, ils taillèrent des fléches dans l'écorce de palmier et allèrent chasser les oiseaux. Arrivés au bord de l'eau, ils lancèrent leurs fléches contre une bande de flamants. Les oiseaux s'envolèrent, mais l'un d'entre eux resta sur la rive, mortellement blessé. La tortue s'approcha de lui :
"Si tu m'avais obéi lorsque je t'avais demandé de supprimer la plante de la forêt, tu volerais aujourd'hui tranquillement dans les cieux ! "
Le flamant supplia :
"Aie, tortue ! aide-moi "
"Il est trop tard. "
Un homme vint, prit le flamant et l'emporta chez lui.
Ensuite, les hommes prirent une canne et y attachèrent une corde avec un crochet au bout. Ils plongèrent l'hameçon dans l'eau et en trés peu de temps, une carpe s'agita au bout de la corde.
La tortue s'approcha d'elle à la nage :
"Si tu m'avais écoutée, tu nagerais aujourd'hui en toute tranquillité ! "
"Aïe, tortue ! aide-moi ! " supplia la carpe.
"Il est trop tard ", répondit la tortue.
Un homme tira sur la canne et sortit la carpe de l'eau.
Ensuite, les hommes prirent les cordes et en firent des noeuds coulants qu'ils disposèrent sur un sentier. L'antilope s'y laissa prendre.
La tortue s'approcha d'elle :
"Si tu m'avais écoutée, tu courrais aujourd'hui tranquillement dans la clairière ! "
"Aie, tortue ! aide-moi ! " supplia l'antilope.
La tortue rongea la corde et libéra l'antilope. Depuis ce jour, elles furent amies. Et pourtant, l'antilope était aussi idiote que la tortue était rusée. Certes, elle admirait son amie pour son intelligence mais se disait dans son for intérieur :
"Son intelligence ne lui sert à rien, puis qu'elle est lente. Elle ne peut attraper personne, pas plus qu'elle ne peut fuir ses ennemis. "
Un jour, la tortue défia l'antilope :
"Tu me crois lente, mais je peux te battre à la course quand cela me plaît. "
"je voudrais voir cela ! " riait l'antilope.
"Alors regarde bien. Nous allons courir jusqu'au sommet de cette colline et on verra bien laquelle d'entre nous y arrivera la première. "
Juste avant la course, la tortue mordit la queue de l'antilope et s'y suspendit. L'antilope courut jusquêau sommet de la colline et se retourna pour voir peiner la tortue. Celle-ci lâcha la queue de l'antilope et dit :
"Je suis là. je t'attendais. "
L'antilope avait beau se creuser la tête, elle ne comprit pas comment la tortue s'y était prise pour arriver avant elle.
En ce temps-là, le roi des animaux, le lion, convia tous ses sujets à un somptueux festin. Le léopard, le singe, l'éléphant vinrent ainsi que l'antilope et la tortue. Le repas fut magnifique, il y avait de la nourriture en abondance pour tout le monde. L'éléphant mangea des bananes, le crocodile du poisson. Par malchance, la tortue et l'antilope, qui avaient déjà l'eau à la bouche, avaient oublié leurs assiettes à la maison. Le lion avait bien demandé aux animaux d'apporter leurs assiettes, mais la stupide antilope n'y avait pas pensé. La tortue, occupée à inventer ses mauvais tours, avait bel et bien oublié, elle aussi, son couvert. Elle se tourna donc vers l'antilope :
"Cours vite à la maison chercher deux assiettes pour que nous puissions manger ! "
Mais l'antilope n'avait pas envie :
"Pourquoi moi ? Ne cours-tu pas plus vite que moi ? "
"Certes, mais tu habites plus prés. "
L'antilope s'en alla chercher deux assiettes, mais auparavant, elle cria à la tortue :
"Ne mangez pas tout ! "
La tortue se mit aussitôt en quête d'une assiette. Elle aperçut un minuscule roitelet qui portait une énorme assiette.
"A quoi te sert une aussi grande assiette ? " lui demanda la tortue. "Deux graines suffisent pour te remplir l'estomac. "
"Tu as bien raison ", acquiesça le roitelet. "D'ailleurs, j'ai fini de manger. "
"Dans ce cas, pourrais-tu me prêter ton assiette ? J'ai oublié la mienne à la maison ", demanda la tortue.
Le roitelet ne se fit pas prier :
"Fais seulement attention à ne pas la casser. "
La tortue remplit son assiette et mangea à se faire éclater le ventre. Aprés qu'elle eut rendu l'assiette au roitelet, l'antilope revint. Elle se mit aussitôt à se lamenter :
"Vous ne m'avez rien laissé ! "
Et, en effet, seuls des os et des peaux de bananes témoignaient du magnifique festin.
"Tu n'es pas la seule ! " riposta la tortue. "je n'ai pas mangé une seule bouchée en attendant mon assiette. Tu en as mis du temps ! "
Le lion interrompit les lamentations de la tortue et de l'antilope qui se tenaient là, toutes penaudes, l'assiette vide à la main :
"Vous avez tous bien mangé et vous avez pris des forces. Je vous donnerai l'occasion d'en faire une brillante démonstration. Nous allons tous lutter les uns avec les autres. Les vaincus deviendront les serviteurs des vainqueurs et le plus fort d'entre nous sera le roi. L'éléphant arbitrera les combats. "
L'idée du lion était bonne. Il avait beau être trés courageux et puissant, l'éléphant était tout de même plus fort que lui. En tant qu'arbitre, cependant, il ne pouvait pas prendre part à la compétition.
Le lion ouvrit les hostilités en rugissant et bondit sur l'antilope. Celle-ci s'écarta et s'enfuit à toutes jambes. Voyant qu'il n'arriverait pas à l'attraper, le lion se tourna contre la tortue qui se tenait juste à côté. Malheureusement, il ne pouvait rien contre sa dure carapace. Il essaya donc de la retourner sur le dos avec sa patte, mais la tortue le mordit et rentra la tête dans sa carapace, tenant la patte du lion bien serrée dans ses mâchoires. Le lion rugit de douleur, mais la tortue tint bon. L'éléphant dut la déclarer vainqueur de la compétition.
Le lion s'en alla, vexé et humilié. La tortue devint la reine des animaux. Lorsque l'antilope revint sur ses pas, la tortue lui dit :
"Je t'ai sauvé la vie une seconde fois. Si je n'avais pas tenu la patte du lion, il aurait bien fini par t'attraper. "
L'antilope la remercia avec effusion. La tortue ne resta pas longtemps au pouvoir. Les animaux oubliérent rapidement qu'elle avait vaincu le lion et celui-ci récupéra petit à petit tout son prestige. Au demeurant, la tortue se moquait éperdument de sa nouvelle fonction : elle était trop intelligente pour une reine !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Mars 2013 à 01:30:29
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Le Génie de la Pluie et la Grenouille

Parmi des écueils désolés, au bord de la mer, vivait dans une profonde caverne le Génie de la Pluie, le dragon Mua. L'Empereur du Ciel lui avait donné pour tâche d'arroser la terre. Dès que le niveau des rivières et des fleuves baissait, que l'eau disparaissait des rizières et que le sol durcissait, Mua sortait de sa grotte, se penchait sur le miroir de la mer et buvait à n'en plus finir. Puis il prenait son envol, et recrachait cette eau sous forme d'une pluie bienfaisante partout où le besoin s'en faisait sentir. Malheureusement, Mua était fort capricieux et paresseux de surcroît. S'il décidait soudain qu'il n'avait pas envie d'aller plus loin, il pouvait déverser d'un seul coup toute l'eau qui lui restait sur une région qui n'en manquait pas, et provoquer ainsi des inondations. Plus grave encore, il lui arriva une fois de ne pas mettre le nez dehors durant des semaines. La terre fut bientôt aussi dure que de la pierre, plantes et animaux souffrirent terriblement. Mais alors que toutes les bêtes se résignaient déjà à mourir de soif, la grenouille refusa de subir ce triste sort ; elle décida d'aller trouver l'Empereur du Ciel et de se plaindre à lui des négligences du Génie de la Pluie.
En chemin elle rencontra d'abord le crabe, puis le renard, l'ours, le tigre et pour finir l'abeille. Ils essayèrent tous de la faire renoncer à son projet : le voyage était périlleux, et qui pouvait assurer qu'il servirait à quelque chose ? Mais la grenouille était tenace : ce fut elle qui réussit à les convaincre.
" Pourquoi attendre sans rien faire que la mort nous emporte ? " leur dit-elle. " Si vous m'accompagnez, nous serons plus nombreux et nos réclamations auront plus de poids auprès de l'Empereur du Ciel. "
Les animaux en convinrent et se joignirent à elle. Ensemble, donc, ils arrivèrent au palais céleste. Devant le portail se trouvait un grand tambour. Quiconque estimait que l'injustice régnait dans le ciel ou sur la terre avait le droit de s'en servir. Mais avant que les plaignants ne commencent à taper dessus, la grenouille les arrêta.
" Qui sait quel accueil nous allons recevoir ? " dit-elle à ses amis. " Il serait plus prudent que vous vous cachiez à proximité et que vous sortiez quand je vous ferai signe. "
Le crabe se traîna jusqu'à une petite mare près de la porte, l'abeille se faufila sous le seuil, le renard, l'ours et le tigre se cachèrent derrière les épaisses colonnes de l'entrée. La grenouille hocha la tête, satisfaite, et frappa le tambour de toutes ses forces. Il s'avéra aussitôt qu'elle avait eu raison de se montrer prudente : l'Empereur du Ciel et les autres divinités étaient en voyage et ce fut le Génie de la Pluie, Mua en personne, qui apparut à la fenêtre. Las de s'ennuyer dans sa caverne, il était venu faire un petit séjour à la Cour céleste et attendait là le retour de ses divins confrères.
" Qui ose troubler ainsi mon repos ? " gronda-t-il, avant d'ordonner au garde d'aller voir ce qui se passait.
Le garde courut à la porte et revint sur le champ. " C'est la grenouille, Votre Grâce. Elle veut se plaindre à l'Empereur du Ciel que vous ne faites pas votre travail. " " Quelle insolence ! " s'écria le Génie de la Pluie. " Non contente de tambouriner à m'en crever les tympans, elle a encore l'audace de venir plaider contre moi ? " Et la grenouille tambourinait vraiment comme une endiablée, car elle espérait que l'Empereur du Ciel l'entendrait et reviendrait au palais. Or c'était précisément ce que Mua voulait empêcher à tout prix... Il commanda donc au coq céleste de voler jusqu'à la porte et de becqueter cette effrontée jusqu'à ce que mort s'ensuive. Le coq aiguisa ses ergots et s'en alla exécuter sa mission. Alors la grenouille fit vite un petit signe au renard, et en un tournemain le malheureux coq se retrouva tout piteux devant le dragon : de sa belle queue multicolore, il ne lui restait plus que quelques plumes éparses.
" Hum, il s'agit là d'une drôle de grenouille, apparemment ! " bougonna Mua d'un ton furieux. " Elle est assise devant la porte, et il lui suffit de s'enfler pour que le coq céleste perde ses plumes ? Non, mais ! Je vais lui montrer qui commande ici, et lancer le chien céleste à ses trousses ! "
Cette fois-ci, la grenouille fit signe à l'ours.
Dès que le chien s'approcha, le gros animal surgit de derrière son pilier et lui donna de ses pattes griffues une accolade que l'animal céleste n'oublierait pas de sitôt... Son travail accompli, et le chien parti en trombe, l'ours réintégra sa cachette comme le renard l'avait fait avant lui. " Je vais enfin pouvoir me reposer en paix ! " se disait au même moment Mua, satisfait. Mais un coup d'oeil par la fenêtre lui prouva à quel point il se trompait : le chien céleste revenait, l'échine hérissée et la queue entre les pattes, tandis que la grenouille se gonflait au maximum pour reprendre son concert.
" Garde ! " vociféra le dragon. " Vas-y toi-même et règle son compte à cette impudente ! "
Le garde s'inclina, empoigna une lourde lance et prit la forme d'un serpent de feu pour aller jusqu'à la porte. Sur un signe de la grenouille, l'abeille vola hors de sa cachette et le piqua à l'oeil. Le serpent hurla de douleur, si fort que les piliers de pierre qui soutenaient le palais céleste en tremblèrent.
" Ah ! Le garde pousse son cri de victoire ", se dit le dragon. Mais le malheureux avait bien autre chose à faire : il voulut rafraîchir son oeil enflé dans la mare. Le crabe sauta sur l'occasion et se mit à pincer tout ce qui était à sa portée ! Alors le pauvre garde se remit à hurler au point d'en ébranler les murs.
" Ce n'est qu'une victoire sur une grenouille ordinaire ! Il la fête un peu bruyamment à mon goût ", songea le dragon.
Devant la porte, le garde essayait de retrouver la terre ferme pour se sauver. Mais avant qu'il ait pu essuyer l'eau qui l'aveuglait, l'ours et le tigre se jetèrent sur lui. Le malheureux ne savait plus ce qui lui arrivait : où qu'il allât, où qu'il se tournât, ce n'étaient que morsures et piqûres, pincements et coups de griffes. Car le renard et l'abeille, bien entendu, n'entendaient pas demeurer en reste ! Et quand, par-dessus le marché, il entendit la grenouille crier : " Bon, à présent donnez-moi mon bâton, que je lui apprenne à vivre ! " il détala comme une flèche vers le palais. Le Génie de la Pluie était justement à la fenêtre. Ce qu'il vit figea son sang de dragon dans ses veines : le garde revenait en courant comme un fou, à demi-aveuglé, les traits déformés par la terreur. Et derrière lui, sur le seuil du palais, la grenouille s'enflait et coassait : " Si le Génie de la Pluie ne se remet pas sur le champ au travail, il va voir ce qu'il va voir ! "
Et boum, boum, boum ! le tambour retentit à nouveau dans un vacarme assourdissant.
" Que se passe-t-il donc ici ? " lança soudain la voix tonitruante de l'Empereur du CieL " Qui endure une injustice à ce point insupportable que la voix du tambour m'ait fait revenir de l'autre bout du monde ? " " C'est moi qui ai tambouriné ", avoua courageusement la grenouille. Et elle expliqua sans détours au Maître du Ciel les raisons de sa plainte. L'Empereur fronça les sourcils, mécontent, et jeta un regard sévère au Génie de la Pluie. Celui-ci s'était fait tout petit ; s'il l'avait pu, il se serait volontiers changé en un minuscule lézard afin de disparaître dans la première fente venue.
" Redescends tout de suite et exécute ta mission ! " lui ordonna son Maître. " Et quand tu auras terminé, reviens me trouver pour subir ton châtiment ! "
Le dragon Mua s'envola donc, et la Divinité suprême put alors mesurer les dégâts causés par la grenouille et ses amis. Le garde, le chien et le coq célestes n'étaient vraiment pas beaux à voir... "
Je dois reconnaître qu'une grande injustice s'est produite dans le ciel et sur la terre ", déclara l'Empereur, se tournant vers la grenouille. " Si Mua, à l'avenir, se montrait coupable d'autres négligences, ne te donne pas la peine de revenir ici. Contente-toi de coasser très fort, cela suffira. Le Génie de la Pluie se souviendra aussitôt de ce qu'il a à faire. "
La grenouille le remercia et s'en retourna chez elle avec ses amis. Quant à Mua, il fut sévèrement puni : dès qu'il eut fini d'arroser la terre, il rentra dans sa caverne où quatre démons s'emparèrent de lui. Alors le coq céleste se mit à le picorer de son bec pointu jusqu'à ce qu'il ne lui restât plus le moindre bout de peau en bon état. Depuis lors, quand il fait trop sec, les grenouilles n'ont qu'à coasser : le Génie de la Pluie en a aussitôt la chair de poule et s'empresse de se remettre au travail. Et si un jour, malgré tout, sa paresse reprenait le dessus, ce serait l'Empereur du Ciel en personne qui le rappellerait à l'ordre... car il n'a pas la moindre envie de recevoir une nouvelle visite de la grenouille. Depuis ce temps-là aussi, les hommes vénèrent les grenouilles. Et certains prétendent même qu'elles sont apparentées à l'Empereur du Ciel.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Mars 2013 à 17:22:09
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Abo, le lutin du chaudron

Bien loin, dans les pays du Nord, un seigneur vivait dans son château. Revenant de la chasse avec ses gens, il ordonna à son cuisinier : « Prépare une soupe à l'agneau, au lièvre et au cerf, car nous mourons de faim!» Le cuisinier avait un bon feu dans l'âtre et de l'eau bouillante dans le chaudron. Il y jeta des quartiers d'agneau, de lièvre et de cerf et un fumet délicieux se répandit bientôt dans toute la maison. Alors que le cuisinier s'apprêtait à remplir les plats, un petit bonhomme bondit hors du foyer et supplia: « Donne-moi une pointe de couteau de ce qui mijote dans ton chaudron! » Bienveillant, le cuisinier pensa: « J'ai suffisamment de viande et, du reste, un petit homme comme lui n'en mangera pas beaucoup. » Mais à peine lui eut-il donné ce qu'il désirait, que le lutin disparut et que tout ce qui était dans la marmite le suivit, comme porté par des jambes invisibles.
« Saprelote ! » jura le maître queux qui, tout marri, alla conter sa mésaventure à son seigneur. « Remplis de nouveau la marmite, dit celui-ci, et si le petit troll revient, jette-lui la cuiller à la tête ! »
Cette fois, le cuisinier apprêta, avec la viande, une quantité de légumes verts. Tout était à peu près cuit quand le lutin réapparut. « Donne-moi, je te prie, une fourchetée de légumes pour ma femme qui est malade! » Mais le cuisinier le menaça de le saisir par les oreilles. « Ne me bats pas, supplia le petit homme, mais donne-moi la moindre des choses, je te serai reconnaissant. » Le cuisinier se
laissa toucher et lui tendit une pleine fourchetée. Mais, rapide comme l'éclair, le lutin disparut et tout ce qui mijotait, bouillonnait, flottait dans la marmite disparut aussi comme porté sur des ailes enchantées. Le maître le prit fort mal. « N'hésite pas à tuer le lutin si tu le vois, dit-il au cuisinier. Et sache que je te chasserai à coups de bâton si tu ne parviens pas à me préparer un repas. »
Notre homme se jura qu'on ne l'y prendrait plus. Cependant, lorsque le farfadet, les larmes aux yeux, jaillit de la flamme, il ne songea pas à le tuer. Et notre petit bonhomme supplia le cuisinier de lui donner une cuillerée de soupe, car sa femme était morte, dit-il, et son petit enfant souffrait de la faim.

« A vrai dire, je devrais plutôt t'occire! » grogna le maître queux. « N'en fais rien, implora le lutin, toi aussi, tu seras bientôt dans la misère, et alors je t'aiderai... » Le cuisinier se laissa fléchir et lui tendit une cuillerée de soupe. Mais, au même instant, le troll disparut derrière l'âtre et le contenu du chaudron, lièvre, agneau et cerf, redevenus vivants, le suivit. Le cuisinier n'eut pas besoin d'aller conter sa nouvelle déconvenue à son maître, car celui-ci, furieux, faisait irruption dans la cuisine : « Misérable, ramasse tes hardes sinon je mettrai mon fouet en route... ! » Dans sa chambrette, le cuisinier se mit à gémir: « O malheur ! trois fois malheur! » II était effondré et en proie au désespoir quand le lutin accourut à petits pas et sauta sur ses genoux. « Tu vas être récompensé de ce que tu as fait pour moi, lui dit-il. Voici un coffret.
Demande-lui tout ce que tu désires. Tu n'auras qu'à y frapper trois coups et tu seras comblé. » Le cuisinier demanda aussitôt un carrosse, deux chevaux sellés, un page bien vêtu, des provisions et beaucoup d'argent. A peine eut-il frappé les trois coups que cet équipage entrait par la fenêtre. L'homme fut si surpris qu'il en oublia de remercier le bon lutin. Celui-ci, sortant du coin sombre où il se tenait, et revêtant le capuchon qui le rendait invisible, lui dit de sa petite voix claire : « Je suis Abo, le lutin du chaudron. Si tu ne m'avais pas donné de la nourriture, il te serait arrivé malheur. »
Cependant, en bas dans la cuisine, on parlait de préparer un nouveau repas et on discutait des moyens de s'emparer du troll. Mais quelle ne fut pas la surprise du seigneur de voir le cuisinier sortir de sa chambre, suivi des chevaux, du carrosse et du page. Brièvement, l'heureux homme raconta comment les choses s'étaient passées et, au lieu de le chasser à coups de fouet, tous s'inclinèrent très bas et le considérèrent avec le plus grand respect. L'envie les prit de posséder, eux aussi, un coffret enchanté. Ils se donnèrent beaucoup de mal pour préparer des mets savoureux, car le seigneur avait l'espoir que le fumet attirerait le lutin. Celui-ci se fit attendre longtemps et, quand il
vint, il ne voulut pas toucher au contenu des plats. « Le cuisinier m'a pourvu de nourriture, dit-il, mais puisque vous montrez tant de zèle, vous obtiendrez tout de même le coffret. » Des cris de joie l'interrompirent : « Apporte-le ! Apporte-le ! »

Le coffret fut placé au milieu de la table pour que le seigneur et les chasseurs puissent à tour de rôle frapper et en tirer des trésors. Le maître se leva, frappa trois coups et, dans un silence impressionnant, formula ce souhait : « Que nous soit accordé ce qui nous réjouira et nous sera utile ! »
Un violent coup de tonnerre répondit, qui brisa la vaisselle et renversa les meubles. Au même moment, jaillirent du coffret autant de fouets tournoyants et sifflants qu'il y avait d'hommes dans la salle. Ils frappèrent tant et si bien le seigneur et les chasseurs par devant, par derrière, en haut et en bas qu'ils s'écroulèrent à demi-morts sous la table. Des hurlements de douleur retentirent de toutes parts. Finalement, la maison s'abattit sur les assistants et une étincelle, partie du foyer, y mit le feu. Puis une tempête de neige ensevelit les ruines sous un linceul glacé.
Pendant ce temps, le cuisinier compatissant roulait en carrosse sur la grand-route, en direction du sud. Il atteignit la mer. Il s'y plut tellement qu'il demanda, au coffret, un château sur le rivage. Son vœu fut exaucé et, au cours des années, une ville s'édifia autour du château. Le cuisinier lui donna le nom lutin Abo et cette ville existe encore aujourd'hui.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Mars 2013 à 18:07:44
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Le caméléon amoureux

Dans un pays loin, très loin vers l'Amazonie par-là bas, Existait un endroit où les enfants étaient rois et les parents des sorciers savants.
On dit qu'un jour une femme d'une grande beauté aux longs cheveux noirs, une sorte de fée qui s'appelait Amazone, fût noyée par des conquistadors espagnols dans le fleuve...
On donna alors son nom d'Amazone au fleuve et d'Amazonie au pays qui le traverse.
On dit que depuis qu'elle est devenue sirène et qu'elle hante les eaux du fleuve par un chant d'attirance irrésistible pour les hommes.

Ce pays regorgeait d'animaux de toutes sortes, au milieu d'eux s'en trouvait un merveilleux...
On ne laisse jamais assez de place aux animaux... c'est pourquoi je vous raconte celle aujourd'hui d'un caméléon que la nature par surprise rendit amoureux d'une fée.

Ce n'est déjà pas simple pour un humain homme d'être amoureux d'une femme, encore moins d'une fée, mais pour un caméléon les enfants, autant vous dire que c'est encore moins
simple !

Notre caméléon vivait dans une forêt amazonienne peuplée de multiples variétés de vies que même nous, être humains ne pourrions imaginer.
Des arbres plantes qui touchaient les nuages, des fleurs comme des pluies colorées d'arc-en-ciel...
Il y avait des singes graciles, des oiseaux de paradis, des mouches qui donnent le sommeil éternel, des panthères élégantes aux aguets, et la nuit, des chauves-souris grandes comme des avions, ainsi que tous les monstres des placards venus ici se faire oublier...
Enfin bref ! Bons comme mauvais, toute la création vivait ici et bien sûr, les fées !

C'est là que notre caméléon paisible, une nuit d'été où les grillons avaient des voix de ténors, alors qu'il était appliqué à se redessiner un corps sur une feuille aux multiples couleurs, il l'a vit.
Comme elle était belle se dit il...

Il resta là, toute la nuit sur sa feuille sans bouger, la regardant dormir, ignorant même son passage à d'autres couleurs, à se demander comment la séduire, car c'était évident ! Ils se marieraient un jour ou l'autre, vivraient heureux et auraient beaucoup d'enfants !
Le caméléon est confiant par nature, il ne doute de rien !

Qu'est ce qu'un caméléon ? Je dis ça pour les adultes qui franchement au lieu de compter leurs billets de banque pourraient suivre un peu l'histoire ! Parce que je sais bien que vous les enfants, vous savez ce que c'est !
Où en étions-nous ? Oui voilà !

C'est un animal comme un gros lézard très gentil, qui mange des insectes et qui peut changer de couleur comme il veut pour se protéger.
Le caméléon est un être paisible, il n'aime pas les conflits, surtout quand il aime.
Etre caméléon, c'est être en sois philosophe, avoir une intelligence intérieure, quelque chose qui dit :" chantes beau merles ! Fanfaronnes devant moi ! Moi je suis caméléon, je saurais et attendre et te surprendre..."
Les adultes ne me demandez pas ce qu'est une fée ! Vous n'aviez qu'à suivre ! Si ? Pfff...

La fée est une vie volubile ; volubile comme la fleur grimpante "volubilis" naissant n'importe où sur le bord d'un fossé, accrochée aux grilles des villes, comme sur les jardins de campagne. Gracile et fragile, en forme de trompette, se mâchant au moindre frottement de doigts et faisant d'un ciel bleu d'été, lancée en l'air, un parachute en fleur, un poème épanouis comme une framboise dans la bouche un soir de fin d'été.
La fée chante toujours" lalala..." elle est heureuse. C'est sa vie.

Etre caméléon et voir une fée gracile, c'est comme être une chaussette de garçon à sécher à côté de culottes de filles ! Pouah !

Notre caméléon se dit : " comment l'approcher ? Comment la séduire, avoir une chance de lui plaire ?
Je sais que je suis fait pour elle et elle pour moi ! Comment l'en convaincre ?"
En même temps... se disait-il, les fées connaissent-elles l'histoire passée des caméléons ?
Le passé de quelqu'un c'est difficile des fois de le comprendre les enfants...

Quelques fois on fait des choses pas bien, puis l'on grandit dans son corps ou dans sa tête, on change, on est plus l'animal que les autres ont connu avant, et pourtant souvent, les singes graciles, les mouches du sommeil éternel, les oiseaux de paradis, ne croient pas que le caméléon puisse changer.
Alors la fée elle ? Le croirait-elle ?
Que de questions, que de difficultés à dépasser, que de patience et d'observation il allait lui falloir.
Aimer une fée quand on est caméléon c'est comme être Dieu en enfer...

Toutefois, il s'averra que la fée de verre, car c'était comme cela qu'elle s'appelait, la fée de verre transparente comme l'eau limpide du torrent, à la fois fragile mais blindées comme les portes des banques, transparente comme la vitre que maman vient de nettoyer, transparente comme l'air libre des montagnes, vint chanter chaque jour au bord du ruisseau ou vaquait caméléon...

Caméléon aime se dessiner au bord des ruisseaux qui murmurent.
Il se pose sur une feuille colorée, tourne son œil mobile dans tous les sens, observe s'il n'y a pas d'ennemis autour, puis s'applique à prendre ses plus jolies couleurs et remplir sa feuille de dessin de lui-même.
C'est sa vie à lui, se dessiner, mettre des couleurs dans le paysage que l'on attend pas.
Il a même essayé le bleu du ciel une fois... Si, si ! Il y est arrivé ! Il est très doué !

Caméléon se dit alors... Je n'ai pas de jambes, ni de bras pour l'enlacer... Mais je peux peut être lui faire croire que je suis quelqu'un d'autre ? Changeons de couleurs, prenons une couleur d'oiseaux de paradis pour plaire à la transparence de la fée et racontons-lui une histoire d'oiseaux de paradis.

C'est ainsi qu'il osa lui dire bonjour, persuadé qu'il était un oiseau de paradis et à vrai dire la fée le crût.
D'ailleurs il était très convaincant avec son déguisement et aussi très intéressant. Les fées aiment les gens qui ont des choses à dire de toutes les façons ! Ça tombait bien ! Elle tomba amoureuse de l'oiseau de paradis...

Mais très vite caméléon fut ennuyé... Il n'avait toujours ni bouche pour l'embrasser ni bras pour l'enlacer... Mais il n'en savait pas encore assez sur elle, et voulait être sûr de lui plaire.

Il se dit qu'un singe malicieux, connaissait toutes les ruses de cow-boys ! Tout ce qu'il faut pour faire parler les femmes et les fées et leur faire du "bla bla" comme elles aiment.
Il se déguisa donc en singe malicieux. La fée de verre une fois de plus se confia à lui, aimant ce singe malicieux, mais se demandant en même temps ou avait bien pu passer son oiseau de paradis...
Eh oui ! rappelez-vous ! La fée elle était amoureuse un peu quand même de l'oiseau de paradis !
Cette fois si, il avait des bras pour l'enlacer une bouche pour lui faire des bisous... Mais il était velu comme un singe !!!!
Et c'est bien connu ! Les fées n'aiment pas les poils !

Flûte ! Se dit-il. Comment faire ?

Or il se passa une chose imprévue dans la forêt un jour... Une star hollywoodienne qui cherchait la solitude vint camper sur les bords de l'Amazone... Il était fatigué de la ville, fatigué des femmes, fatigué du cinéma et de la célébrité, fatigué de signer des autographes...Fatigué quoi !
Une nuit ou il avait trop bu pour oublier sa vie nulle, il se mit tout nu, cria, pleura, déchira tous ses vêtements, jeta tout son argent dans le feu de camps et les photos prévues pour les autographes ! Tout ! Il devint fou en quelque sorte le temps d'une nuit...
Les animaux présents s'en souviennent encore, ils étaient navrés de voir ça ! Mais alors.... Navrés !
Les animaux se dirent : " Quand on ne sait pas boire monsieur ! On ne boit pas !"
Oui, oui... Les animaux des fois sont un peu sévères mais c'est pour notre bien à nous les humains !
Tss !
Ce en quoi les enfants je vous encourage à ne pas boire d'alcool si vous ne voulez pas finir tout nu devant tout le monde un jour !
Enfin bref !
Au matin, une pirogue vint le chercher et la forêt retrouva son calme...

Toutefois...
Caméléon regarda du haut de sa feuille les restes du feu de camps de la veille et vit qu'une des photos prévue pour les dédicaces n'avait pas brûlée...
Ah, ah... se dit-il. Voilà ma chance !
Comme il ne savait plus qu'elle enveloppe adopter, il se posa sur la photo de la star et pris sa couleur et sa forme... Là se dit-il... c'est gagné ! Ma fée va m'aimer...

Mais ! Car il y a toujours un mais dans les histoires, la pie narquoise blanche et noire depuis le début suivait cette passionnante aventure ! Elle n'avait pas lu le journal "Voili" depuis qu'elle avait quitté la France pour ses vacances ici et s'ennuyait un peu. L'histoire du caméléon et de la fée de verre était tombée à pic !
Elle les suivait de branche en branche, notant de sa plus belle plume les mots d'amour pour s'en souvenir si un jour elle se décidait à faire un nid.

Je vous jure cette pie ! Qu'elle chi-pie !

Donc notre caméléon en couleur de star séduisit à nouveau la fée... Et la fée tomba très amoureuse...
Son cœur était un peu en mille morceaux à cause de l'oiseau de paradis et du singe malicieux dont elle ne comprenait pas qu'elle n'en eut aucune nouvelles.
Mais le caméléon star lui plaisait ça c'est sur !
Un jour il ne voulut plus lui mentir et il lui dit :
"Je ne suis pas une star, je suis juste caméléon tu sais..."
Mais la fée de verre elle, elle s'enfichait, quand on voit avec les yeux de l'amour, que l'on soit caméléon, oiseau de paradis, ou singe malicieux peu importe, le tout n'est-il pas d'être honnête avec ceux qu'on aime ?

Alors ils se marièrent effectivement, furent heureux aussi, n'eurent pas beaucoup d'enfants parce que mettre plein d'enfants sur une seule feuille d'arbre c'est pas commode mais... Il s'aimèrent tant que cela remplaça le manque.
Aujourd'hui, quelque part en Amazonie un caméléon par sa ténacité et un peu de ruse il faut dire est marié à la plus belle des fées... C'est la pie narquoise qui me l'a raconté sur ma fenêtre ce matin à son retour de vacances.

Depuis le caméléon change un peu de forme et un peu de couleur encore elle m'a dit, mais juste pour s'amuser... Alors la fée ferme les yeux il faut bien que chacun ait un petit jardin secret...
Un petit jardin qui, quand on ferme les yeux, peut être aussi long que le fleuve Amazone...



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Mars 2013 à 17:41:12
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Le monstre-calebasse et le bélier divin

Une calebasse monstrueuse était posée devant une hutte en ruine à l'entrée du premier village humain, et chaque fois que quelqu'un s'approchait d'elle, elle le dévorait. Elle s'ouvrait en deux et se refermait, comme une porte qui claque, sur les malheureux imprudents venus l'examiner de trop près. Ainsi, cette calebasse engloutit, les uns après les autres, tous les habitants du village. Seule une femme nommée Kalba, qui vivait avec son fils dans la forêt, fut épargnée, ainsi qu'une sorcière si vieille qu'elle ne pouvait pas sortir de sa hutte, Or, un jour, le fils de Kalba échappe à sa mère, s'en vient rôder autour du monstre-calebasse, qui ne dormait jamais que d'un œil et voilà l'enfant dévoré. Alors Kalba s'arrache les cheveux, hurle sa douleur, la tête levée vers le ciel, puis trébuchant, s'en va chez la vieille sorcière et lui dit :
- II faut que tu m'aides à briser cette terrifiante calebasse. Je veux délivrer mon fils.
La sorcière agite son doigt crochu devant son visage et répond :
- Ma pauvre enfant, je vais te dire ce que tu dois faire. Ecoute bien : va jusqu'au soleil couchant. Là, tu trouveras un rocher. Frotte la face de ce rocher avec ce piment rouge que je te donne. Une porte s'ouvrira. Alors tu descendras dans le ventre de la terre et dans le ventre de la terre tu chemineras jusqu'à ce que tu parviennes devant le bélier divin. Tu diras au bélier divin que c'est moi qui t'envoie, et tu lui demanderas de revenir avec toi, dans notre village, au soleil des vivants.

Kalba remercie la sorcière, prend le piment magique et s'en va vers le soleil couchant. Elle voyage jusqu'au crépuscule. Parmi les hautes herbes, elle découvre, un rocher gris, haut comme un géant chaotique. Elle frotte le piment contre, la paroi. Aussitôt elle entend comme un roulement de tonnerre, et le roc lentement se fend. Kalba descendit dans le ventre de la terre. Elle marche sur un chemin de pierre tracé dans une plaine couleur de fer. Dans le ciel de pierre brille un petit soleil-caillou. Elle marche elle ne sait combien de temps, car le soleil-caillou du ventre delà terre ne se couche jamais. Elle marche jusqu'à ce que ses pieds soient lises. Alors apparaît au bout du chemin une hutte d'or. Kalba parvient devant cette hutte d'or à quatre pattes, tant elle est épuisée. Elle pousse la porte. Au milieu de la pièce ronde un grand bélier est assis sur son derrière, un bélier a la toison rouge, aux cornes couleur de feu enroulées sur ses tempes. Il regarde Kalba effondrée à ses pieds. II lui dit :

- Que viens-tu faire ici, femme du pays d'en haut ?

Elle répond :

- La vieille de mon village m'envoie te chercher. Le bélier divin hoche la tête:

- Grimpe sur mon dos, dit-il.

Ensemble ils reviennent sur la terre. Ils sortent du rocher. Voici l'herbe verte à nouveau, le ciel bleu, les arbres. Le bélier galope jusqu'au village, dépose Kalba devant la hutte de la vieille sorcière. Il entre, majestueux. La sorcière le salue et se met à chanter. Elle chante, les mains ouvertes devant sa figure ridée, elle chante les méfaits du monstre-calebasse. Le bélier divin, devant elle, renifle comme s'il flairait le son de sa voix. Le chant de la vieille allume du feu dans ses naseaux et fait rougeoyer ses cornes comme des braises. Il gratte le sol du sabot, furieusement. Maintenant, il s'en va, le bélier embrasé, par les ruelles du village, et le chant de la sorcière l'accompagne. Là-bas, devant sa hutte en ruine, la calebasse grince et se réveille, et se met à rouler à la rencontre du bélier qui fonce sur elle, tête baissée. Le choc est si terrible que l'on entend son fracas jusque dans les étoiles. Le bélier divin, comme un caillou jeté, disparait au fond du ciel mais la calebasse se brise comme un œuf mûr. Tous ceux qu'elle avait dévorés sont ainsi remis au monde. Mais écoutez la plus étrange merveille qui soit : dans le ventre de la calebasse, les hommes étaient couchés les uns sur les autres, sur quatre rangs superposés. Ceux du haut maintenant sont blancs, ceux de la deuxième couche sont jaunes, ceux de la troisième sont rouges, et les derniers, ceux sur qui reposait tout le monde, sont noirs.

Ainsi furent créées les quatre races humaines. Telle est la vérité. Ceux qui ne me croient pas ne sont que des enfants aveugles : ils ne comprennent rien aux mystères du monde.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Mars 2013 à 17:57:09
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Histoire de la grotte des serpents

Deux jeunes soeurs ramassaient du bois pour le feu du soir. Dans la forêt, elles rencontrèrent un porc-épic. L'animal avait de si beaux piquants que l'aînée les voulut pour broder sa robe de cérémonie. Toutes deux coururent donc après le porc-épic pour le capturer.

Celui-ci monta à un arbre. L'aînée le suivit, mais plus elle grimpait, plus l'arbre poussait. La cadette retourna au village chercher une hache pour abattre ce curieux arbre.

Durant ce temps, l'aînée escaladait encore... et l'arbre croissait toujours...

Soudain, la jeune fille se retrouva dans un autre monde. Aucun Indien ne connaît cette contrée puisqu'elle s'étend au-delà des nuages. Là, le porc-épic se transforma en homme, il épousa la belle Indienne et lui fit un enfant. Un jour, elle découvrit une grotte au fond de laquelle il y avait un grand trou. Elle se pencha au-dessus de cette ouverture et aperçut la Terre. L'Indienne eut le mal du pays... une idée germa dans son esprit...

Dès lors, elle demanda chaque soir à son mari de lui apporter les tendons des bisons qu'il tuait. Un matin, elle tressa une longue corde, noua une extrémité à un rocher et laissa pendre l'autre dans le trou. Après avoir placé son enfant sur ses épaules, elle se laissa glisser...

Mais le bout de la corde n'atteignit que la cime des grands arbres. La jeune femme fit une boucle avec la corde, passa sa cheville dedans et se laissa pendre.

Et l'enfant pleura, pleura...

Son père l'entendit. Il courut à la grotte et vit sa femme et son enfant suspendus dans le vide.

Furieux, il roula un gros rocher et le fit basculer dans le trou. Sa femme le reçut sur la tête et mourut sur le coup. La corde cassa et précipita mère et enfant sur la terre. Heureusement, les branches d'un séquoia amortirent la chute du jeune garçon, qui ne se fit aucun mal. Une vieille femme trouva l'enfant et l'emporta sous son wigwam. Le garçon grandit et devint rapidement un jeune Brave.

À chaque repas, il remarquait que la vieille remplissait une écuelle supplémentaire passait derrière un rideau de branchages et revenait avec son assiette vide.

Un jour qu'il était seul, il voulut en savoir davantage. Il passa sa tête à travers les branches et se trouva face à un gros serpent. Il s'écria :

- Ainsi, c'est toi qui manges les provisions de ma grand-mère adoptive !

Comme le reptile le fixait d'un air mauvais, il saisit un gourdin et le tua. Puis il alla le jeter dans l'étang...

Quand la vieille femme revint au wigwam, le jeune Brave lui conta son aventure. Elle lui répondit :

- C'est très bien ! je suis contente que tu aies supprimé ce serpent que je ne pouvais plus entretenir.

En vérité, elle était courroucée, car le reptile était son mari qu'un mauvais génie avait changé en serpent. Pressentant

que le jeune homme possédait un pouvoir surnaturel, elle décida de s'en débarrasser. Elle lui dit :

- Surtout, ne va pas te promener sur cette montagne. Il s'y passe des choses mystérieuses. C'est un endroit dangereux !

Naturellement, le Brave s'y rendit aussitôt et découvrit une grotte pleine de serpents. À sa vue les reptiles se montrèrent hostiles.

- Eh bien ! s'écria-t-il. Vous n'appréciez guère les étrangers ! Ma visite vous déplairait-elle ?

- Au contraire ! siffla le chef des reptiles. Nous allons même t'offrir à manger.
Une femelle lui apporta une rate crue.

- Je la préfère rôtie ! déclara le Brave.

Dès qu'il l'approcha des flammes, la rate explosa en mille morceaux car elle était faite du venin des serpents. Le jeune

homme s'assit sur une pierre et dit :

- Je ne suis pas aussi méchant que vous. Je vais vous le prouver en vous contant une belle histoire.

En réalité, il s'agissait d'une histoire magique. Aux premiers mots, les serpents s'endormirent...

Alors, le Brave tira son couteau de sa ceinture et coupa la tête de tous les reptiles. Pourtant, l'un d'eux en réchappa. Il courut prévenir ses frères des montagnes environnantes, afin qu'ils se méfient de ce Peau-Rouge qui possédait une si grande médecine.

La nuit suivante, pendant que le Brave dormait, un serpent plus courageux que les autres réussit à entrer dans sa bouche. Il s'insinua jusque dans son crâne, mangea sa cervelle et se logea dans la cavité pour faire sa sieste.

Au matin, le jeune homme ne se réveilla pas. Son corps se dessécha jusqu'à devenir un squelette.

Et il resta sur la montagne, exposé au vent et à la pluie ! Mais son père avait tout vu par le trou de la grotte. Il descendit sur la Terre grâce à la corde tressée par sa femme et accourut auprès de son fils.

Tout d'abord, il posa le crâne à l'envers sur le sol de façon que le trou de la moelle épinière fût placé vers le ciel. Et il attendit...

La pluie tomba et remplit le crâne.

Alors le père rapprocha le Soleil de la Terre et l'eau se mit à bouillir. Le serpent, jugeant la chaleur intenable, sortit de la tête du jeune Brave.

Aussitôt, celui-ci, ressuscité, sauta sur ses pieds. Il saisit le reptile, le cogna contre un rocher. Puis il lui dit :

- Maintenant, tu vas promettre de laisser les êtres humains en paix.
Le serpent déclara :

- Je mordrai encore quelquefois, mais pas souvent.

- C'est bien ! fit le Brave. Pourtant, je vais attacher cette clochette à ta queue. Ainsi les hommes reconnaîtront-ils tes descendants et pourront-ils mieux se méfier d'eux. Voilà pourquoi les serpents à sonnette ne mordent que rarement les êtres humains.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Mars 2013 à 18:27:39
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Le Scieur de bois de Lune

Il y a très longtemps, au pays des dragons et des elfes vivait Willy, un scieur de bois de lune.

  Willy était un beau jeune homme et, depuis très longtemps, les habitants de Lune-Bleue comptaient sur lui pour réchauffer leurs rigoureux hivers. En effet, chaque hiver, Willy allait scier du bois de lune pour ses amis les Bleus-Luniens.

Mais ce jour là... la lune ne se montra pas...

Qu'arrivait-il donc ? Les Bleus-Luniens ne pouvaient vivre sans le bois de lune car c'était le seul qui pouvait les réchauffer sans faire fondre leur petites maisons de crème-glacée ! Ils étaient tous angoissés à l'idée de ce qui allait leur arriver !

C'est alors, qu'après maintes réflexions, Bogus, le sorcier du village ordonna à Willy d'aller à la recherche de la lune en lui disant ceci :

- Willy, tu dois retrouver la lune. Tu es le seul qui la connaît bien et tu sauras sûrement où elle se cache ! Je te donne ce sachet de poudre de vent. Si un ennemi te prend par surprise, tu n'auras qu'à lui en lancer et il sera projeté plus loin que la plus lointaine étoile. Bonne chance !

Et Willy partit, laissant ses pas le guider. Après une longue marche sur le sentier de l'inconnu, Willy arriva à l'orée d'une magnifique forêt. Les arbres semblait percer les nuages et les fleurs lui donnaient l'impression de l'inviter à pénétrer dans la forêt. Willy répondit finalement à l'invitation des ravissantes fleurs et posa un pied à l'intérieur de la forêt. Aussitôt, les fleurs et les herbes se retirèrent découvrant un magnifique petit chemin de terre. Willy s'y lança et après quelque pas...

- Hé! Regarde donc où tu vas!! Tu vas m'écraser !!

Willy regarda à gauche puis, à droite mais il ne vit rien. Il crut donc que son imagination lui jouait des tours. Il allait continuer sa trotte quand :

- Hé, tu es sourd, je t'ai dit de faire attention !

Cette fois, il n'avait pas rêvé et il le savait bien !!

- Mais je ne te vois pas ,répondit Willy, qui es tu??

- Je suis là, à tes pieds ! Je suis un Hilroie et mon nom est Chibouk !

- Bonjour Chibouk ! Adieu Chibouk ! Je dois aller retrouver la lune !

- Moi, lui dit fièrement Chibouk, je sais où elle est !!

- Où ? Où ?

- À l'autre bout de la forêt, dans une grotte mais, elle est gardée par un dragon !!
- J'y vais mais... je n'ai rien pour me défendre !

- Va sous le platane, là-bas, et frappe le sol avec ton nez quatre fois. Une épée t'apparaîtra. Elle est magique et changera le dragon en une poussière que tu devras garder précieusement car un jour, elle te sera utile.

Après l'avoir grandement remercié, Willy fit ce que Chibouk lui avait dit et partit vers la grotte. Quelques mètres avant la grotte, les herbes commencèrent à se faire de plus en plus denses et de plus en plus laides. Willy arriva dans une grande forêt de ronces. Il s'y aventura, se faisant déchirer le visage et les bras par les épines puis, une ronce attrapa son pied et le fit trébucher... une autre saisit son bras... elles étaient donc vivantes !! Willy s'élança sur la ronce qui se refermait sur son bras et la mordit de toutes ses forces. Quelques gouttes de sang s'en échappèrent et les ronces se retirèrent, comme effrayées, laissant apparaître l'entrée de la grotte.

Willy y entra et cria :

- DRAGON, je suis venu reprendre la lune que tu as kidnappée.

Sur ce, le dragon s'avança d'un pas lourdaud et se jeta sur Willy. Un féroce combat s'engagea entre les deux ennemis puis, Willy sortit son épée et transperça le cœur du dragon qui se transforma en poussière verdâtre. Willy s'en empara et couru vers le fond de la grotte.

- Snif, snif, je suis seule ! Sauvez-moi!!

- Qui est là ? C'est toi lune ? demanda Willy un peu apeuré.

- Oui, sauve moi !

Willy s'avança pour y voir plus clair et découvrit une minuscule lune dans une infime cage de glace.

- Que t'est-il donc arrivé lune?

- Le dragon, pour me punir de ne pas lui avoir donné de bois de lune, m'a rapetissée. Je suis si triste et je m'ennuie de mes amies les étoiles!

Willy prit des pierres qui traînaient par terre et brisa la cage de glace mais les débris se métamorphosèrent à l'instant en un immense monstre de glace. Willy, ne sachant que faire, s'empara de la lune et courut vers l'extérieur. Soudain, il se rappela de la poudre de vent que lui avait donné Bogus. Il la sortit délicatement de sa poche et la lança sur le monstre qui fut projeté on ne sait où.

Willy reprit enfin la route qui l'avait mené jusqu'ici mais quelque chose le tracassait... la lune était si petite qu'il ne pourrait pas couper le bois de lune et les habitants de Lune-Bleue mourraient de froid ! Que faire...

Arrivé au village, Willy alla, en catimini, voir le sorcier Bogus,
pour lui faire part de son inquiétude...

- Bogus, je ne sais plus quoi faire ! Regarde la taille de la lune ! Elle est si petite que je ne pourrai pas couper de son bois, dit avec désespoir notre scieur de bois de lune.

- Courageux Willy, j'ai suivi tout ton périple dans ma boule de cristal et je sais que tu connais l'antidote qui redonnera à la lune sa taille normal. Réfléchis aux paroles de Chibouk et tu te rappelleras...

Willy fouilla et fouilla dans sa mémoire et soudain s'exclama:

- La poussière de dragon !!! 

Il sortit de la maison du sorcier, courut, sous les yeux étonnés des Bleus-Luniens jusqu'à l'escalier qui le menait autrefois à la lune, le grimpa à toute vitesse et posa la lune sur la dernière marche. Il s'empara de la poussière de dragon et la jeta sur la lune qui, aussitôt, retrouva sa taille et sa place au milieu des étoiles.

Willy descendit l'interminable escalier, acclamé de tous. Depuis ce jour, les Bleus-Luniens n'ont plus jamais froid et si parfois vous apercevez sur le visage de la lune un magnifique sourire, c'est qu'elle est maintenant le plus heureux des astres grâce au brave scieur de bois de lune!

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: imotius le 12 Mars 2013 à 19:11:00
Le coeur d'une mère, légende arabe

Ouvrez donc votre coeur que j'y dépose mon histoire.



Hassan aimait beaucoup Leïla et Leïla aimait Hassan. Mais Hassan aimait aussi beaucoup, beaucoup sa mère qui vivait avec eux. Leïla, elle, détestait la mère d'Hassan. Elle en était jalouse. Aussi harcelait-elle sans cesse son mari :

- Hassan, Hassan, si tu m'aimais vraiment, tu n'accepterais pas qu'une autre femme dicte sa loi sous notre toit !

Alors, malgré son chagrin, Hassan chassa sa mère de la maison. Mais il allait lui rendre visite chaque jour, lui amenait des dattes, du miel...

La jalousie de Leïla n'avait pas de limite, aussi harcelait-elle sans cesse son mari :

- Hassan, Hassan, si tu m'aimais vraiment, tu n'irais plus voir cette méchante femme qui médit de moi !

Alors, malgré sa peine et sa douleur, Hassan cessa ses visites à sa pauvre mère.

La jalousie de Leïla n'avait pas de limite aussi très vite, elle recommença à harceler son mari :

- Hassan, Hassan, si tu m'aimais vraiment tu tuerais cette méchante femme qui torture ma vie et tu me rapporterais son coeur !

Leïla avait pris toute la place dans la tête et le coeur d'Hassan. Alors, malgré sa peine et sa douleur, Hassan prit un couteau et se rendit chez sa mère. Et il tua la pauvre femme et lui arracha le coeur.

Il rentra chez lui en pleurant. Il tenait dans ses mains le terrible trophée qu'il ramenait à Leïla. Mais voilà, qu'aveuglé par ses larmes, il buta sur une pierre, trébucha et laissa échapper le coeur de sa mère qui roula dans la poussière.

Il se baissa pour le ramasser et c'est alors qu'il entendit une petite voix :

- Hassan, mon fils, tu ne t'es pas fait mal au moins !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Mars 2013 à 20:20:54
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Rue de la Voie Lactée

Mam'zelle Lune tenait une boutique dans la rue principale du quartier de « La Voie Lactée ».

Ce n'était pas un coin bien grand dans le Monde Astral mais on lui reconnaissait volontiers du charme et de l'attrait. 

Mam'zelle Lune avait pour voisins d'autres commerçants qu'elle fréquentait chaque jour...


Maître Saturne, l'horloger dont la boutique résonnait de milliers de tic-tac assourdissants. Le pire étant bien sur à chaque heure quand toutes les pendules entonnaient leur chant en même temps (voir en décalé quand Maître Saturne ne les remontaient pas comme il fallait..). Mam'zelle Lune avait tout de même pris l'habitude de s'arrêter chaque matin lui dire bonjour et pour ajuster son heure. Pour vérifier qu'elle ne serait pas en retard dans sa course du temps, disait-elle gentiment en ponctuant sa phrase sur le rythme de l'horloge la plus bruyante. 

Elle aimait bien ensuite prendre une tasse de poussières d'étoiles au salon de thé sidéral de Madame Pluton et ainsi discuter des derniers potins de l'Univers rapportés par la factrice Comète de Halley. C'était toujours un moment agréable et drôle et, de plus, fort goûteux... 

Généralement, elle s'arrêtait ensuite à la pâtisserie de la Mère Jupiter, juste pour le plaisir d'admirer la vitrine appétissante et s'emplir des effluves des croissants d'astéroïdes et beignets de magmas ! Régime ! soupirait-elle, maudissant sa ligne instable et le fait qu'elle n'arrivait pas à stabiliser sa silhouette plus de quelques jours... 

Elle n'osait jamais rentrer dans la boutique de mode de Miss Vénus, tant elle aurait honte de sentir le regard de la Beauté s'attarder sur les courbes trop généreuses de ses chairs. Et puis rentrer alors qu'elle savait qu'elle ne pourrait essayer aucune des magnifiques étoffes éthérées était trop humiliant pour la trop ronde Mam'zelle Lune... 

Son chemin la conduisait ensuite à passer devant le cinéma du Vieux Neptune ! Elle le saluait d'un signe mais il l'appelait toujours pour qu'elle vienne discuter un peu avec lui ! Le projectionniste lui parlait alors des prochains spectacles que les constellations préparaient et en profitait pour se remémorer d'anciennes revues de sa jeunesse, ses préférées étant celles des Aurores Boréales ! Elle n'osait jamais réellement l'interrompre et s'éloignait à reculons, lentement mais sûrement, désirant ne pas froisser le vieux bonhomme un peu radoteur (mais c'était bien pratique d'être son amie quand il la faisait entrer à l'oeil pour voir les ballets des Météorites ou l'Opéra des Supers Novas...) 

Elle s'attardait ensuite dans la jardinerie de Monsieur Uranus et s'enivrait des essences aromatiques que diffusaient des plantes étranges et inconnues... Comme toujours, Le jardinier céleste lui offrait une fleur odorante et éclatante pour embellir sa journée. Il arrivait parfois qu'il lui glisse en même temps des graines de fruits ou légumes à planter mais Mam'zelle Lune n'arrivait jamais à obtenir le résultat tant espéré. Elle n'avait pas la main verte, tout redevenait poussière avec elle ! 

Elle croisait ensuite Dame Mercure qui ouvrait elle aussi son échoppe, un magasin d'instruments de musiques divers et variés : de la trompette de stalagmite au piano de manganite, en passant par le violon de glace et autres curiosités mélodieuses... Elle laissait toujours la porte ouverte ce qui emplissait la rue de bruits parfois étranges ou de symphonies harmonieuses...Cela faisait un divertissement bien agréable ! 

Mam'zelle Lune terminait son trajet en passant rapidement devant l'armurerie du Colonel Mars, qui l'effrayait un peu avec toutes ses histoires de guerre et son goût pour les batailles. Il lui adressait un salut poli et elle accélérait la marche en répondant tout de même. 

Et puis, elle se retrouvait dans son petit monde à elle...sa boutique de bric à brac, le petit foutoir de ses rêves où s'empilaient des milliers d'objets hétéroclites... Parchemins, livres, tableaux, bijoux en toc et barrettes en strass, statuettes de nus, bougies parfumées, tentures soyeuses, poupées de chiffons et autres objets de souvenirs, déchets de rêves et ustensiles de rien... 

Là, dans sa solitude retrouvée, elle prenait le temps de penser à son amour secret... le beau Soleil charmant, écrivain désargenté au cœur d'or et à l'imagination débordante... Trop préoccupé par son statut d'âme maudite et d'artiste écorché, lui ne se préoccupait d'amour que dans les intrigues qu'il créait dans ses œuvres... 

Comme tous les jours, le carillon de la boutique annonça la venue de la petite Terre, jeune enfant douée mais capricieuse, reine des bêtises de toutes sortes.

Mam'zelle Lune la laissait fouiner dans son bazar, espérant bien que la juvénile s'inspirerait de l'âme poétique de certains de ses objets.

Elle mordit dans un cookie aux trous noirs (moins calorique) et s'installa dans un fauteuil aux moelleux coussins.

Et puis, bercée par les chansons de la petite Terre qui fouillait la boutique à la recherche d'un nouveau jouet, elle rêvait... elle rêvait et somnolait, pensant à la journée du lendemain, quand celle ci commencerait, pareille à celle écoulée... 

Ah...Dure vie que celle des Planètes !

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Mars 2013 à 17:10:01
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Le conte du renard bleu

Il était une fois, mais c'était il y a très longtemps, un petit renard bleu qui gambadait joyeusement. Personne alentours ne comprenait pourquoi il avait toujours l'œil si pétillant, la jambe si légère et la mine si gaie. De se voir si différent, il aurait dû passer ses journées à pleurer, à hurler, à se battre. Il aurait dû se terrer, ne sortir que les nuits sans lune. Mais non. Dans ce pays de forêts rousses, lui dont l'échine bleue se voyait à cent lieues, lui que tous fuyaient, il gambadait toujours content, souriant à tous vents, parlant aux oiseaux, aux arbres, au soleil, à la pluie et à tout ce qui est vivant.

Emue de le voir ainsi toujours content, une petite goutte d'eau à lui toute pareille, lui dit un jour à l'oreille : « Joli renard, je vais te confier un secret. L'autre nuit, une fée aux mains d'argent m'a guidée en rêve jusqu'à un rocher sous lequel une mienne cousine est enfermée. Elle pleure depuis si longtemps que c'est maintenant toute une rivière qui est emprisonnée. Je faisais le tour du rocher, et le tour et le tour encore lorsque la fée m'a expliqué toute l'histoire. La mienne cousine a été engloutie par ce rocher maudit qui a avalé une petite fille aux yeux fermés. En la voyant si jolie et si triste, ma cousine a tant pleuré qu'au cœur de son cœur une rivière magique s'est mise à couler. Celui qui les délivrera deviendra plus riche que le plus riche des rois car tout ce qu'il plongera dans l'eau des rivières se transformera en or. Joli renard, toi dont le cœur est d'or et le pelage semblable aux mains de la fée, aide-moi ! Je suis sûre que toi tu sauras ! »

Ayant peur de voir s'évaporer sa petite goutte d'eau, le renard bleu émerveillé la logea au coin de ses yeux. Puis il partit vers le rocher sur lequel il s'allongea. Avant qu'il ait eu le temps de compter jusqu'à trois, il était déjà dans la grotte. Elle était sombre, sombre, sombre, mais la petite goutte qu'il gardait précieusement aux coins des yeux se mit à scintiller tant et tant qu'il vit enfin la petite fille. Elle était tout au fond, immobile et froide comme le rocher. Alors le petit renard se lova tout contre elle, l'entoura de son mieux et la réchauffa de son poil soyeux. En s'éveillant, la petite fille ouvrit les mains. La clef qui en tomba roula jusque dans l'eau. Un éclair d'or transperça le roc. La petite fille ouvrit les yeux et la rivière s'échappa après avoir promis à l'enfant de chanter partout la liberté.

.............

La petite fille guida son ami le renard jusqu'au royaume de son père à qui le chagrin avait fait les cheveux tout bleus. Après avoir beaucoup embrassé sa petite, le roi dit au renard courageux :

- « Toi dont le pelage est au mien tout pareil, je te laisse mon trône. Je suis vieux. Dorénavant si tu le veux, c'est toi qui règneras. Tu connais le secret de l'eau qui transforme tout en or, tu seras riche. Prends ma fille pour femme, je t'aimerai comme mon fils. »

- « Merci bon roi, lui répondit le renard, ce que tu m'offres est très précieux mais mon cœur est déjà pris. Je ne peux ni ne veux trahir ma reine. »

- « Que puis-je te donner alors pour m'avoir rendu ma fille ? » s'enquit le roi très surpris.

- « Je voudrais que ma petite goutte d'eau et moi ne soyons jamais séparés » lui répondit le petit renard bleu.

Ainsi fut fait. La petite goutte d'eau devint à lui toute pareille. Ils vécurent libres et heureux, gambadèrent autour de la terre et transmirent à leurs enfants le secret de la rivière où, depuis toujours, les renards bleus et les nomades ne trempent que leur âme.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Mars 2013 à 19:50:38
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Le voyageur et le cheval fantôme

Cette histoire s'est passée il y a longtemps, quel était le nom de cet homme, personne ne le sait maintenant, et ils l'appelaient "Le Voyageur".

Il y a longtemps, le voyageur était un chef riche. Un guerrier dans sa jeunesse, il avait pris de nombreux scalp, beaucoup de chevaux, et bien d'autres trophées de valeur. Et il avait augmenté ses biens par des transactions difficiles avec des personnes moins fortunés, et par des jeux de hasard avec des hommes plus jeunes qui n'étaient pas de taille pour sa ruse.

Sa tribu ne l'aimait pas, bien qu'ils admiraient sa bravoure, car dans les moments difficiles, lorsque les autres chefs partagaient librement ce qu'ils avaient, il a conduit des marchés difficiles et généralement prospéré avec les maux d'autrui. Ses épouses, qu'il avait insulté jusqu'à ce que leurs parents les aient emmenés, et ses enfants le haïssaient, et il n'avait aucun amour pour eux.

«Il y avait seulement une chose qu'il aimait: ses chevaux. Ils étaient beaux , de beaux chevaux, car il ne retenait que le meilleur, et quand un jeune guerrier revenait d'un raid avec un cheval particulièrement bon, le voyageur ne se reposait jamais jusqu'à ce que (par des moyens honnêtes ou non), il l'avait en sa possession.
La nuit, quand retentissait la danse du tambour, et que les autres Indiens se rassemblaient autour, le voyageur partait seul à l'endroit où étaient ses chevaux, et se gaussait de ses trésors . Il les aimait. Mais il aimait seulement ceux qui étaient jeunes, et beau, sain et un cheval qui était vieux, malades ou blessés, ne recevait uniquement que des injures.

Un matin, comme il allait dans la petite vallée dans laquelle ses chevaux étaient gardés, il trouva dans le troupeau un étalon blanc laid. Il était vieux, les jambes difformes et le pelage emmêlé, maigre et l'air fatigué.


Le voyageur se mit en colère. Il prit sa corde de cuir brut, et prit le pauvre vieux cheval. Puis, avec un gourdin , il l'a battu sans pitié. Lorsque l'animal est tombé à terre, étourdi, le voyageur lui cassa les jambes avec le gourdin , et le laissa mourir. Il est retourné à sa loge, ne sentant pas le moindre remords pour sa cruauté.

Plus tard, décidant qu'il pourrait aussi bien avoir la peau du vieux cheval, il est retourné à l'endroit où il l'avait laissé. Mais, à sa grande surprise, l'étalon blanc avait disparu. Cette nuit-là, comme le voyageur dormait, il rêvat.
L'étalon blanc lui apparut, et lentement se transforma en un magnifique cheval, d'un blanc éclatant, avec une longue crinière - un cheval plus beau que tout ce que le voyageur avait jamais vu.
«Alors l'étalon lui a parlé:« Si tu m'avais bien traité », dit-il
:« Je t'aurai apporté plus de chevaux. tu a été cruel avec moi, donc je vais enlever tes chevaux! "

Quand le voyageur se réveilla, ses chevaux avaient disparu. Tout le jour, il marcha et chercha, mais lorsque la nuit venue, il s'endormit épuisé, il n'avait trouvé aucune trace d'eux. Dans ses rêves, l'étalon blanc revint, et dit: «ne souhaite tu pas retrouver tes chevaux? Ils sont au nord, prés d'un lac. tu dormira deux fois , avant de venir à eux. "

Dès qu'il se réveilla le matin, le voyageur se hâta vers le nord. Voyaga deux jours, et quand il arriva au lac, il n'y avait pas de chevaux. Cette nuit-là, l'étalon fantome vint à nouveau.
" veux tu trouver tes chevaux? dit-il. "Ils sont à l'est, dans les collines. tu dormira deux fois avant ton arrivée à cet endroit. "

Quand le soleil fut couché sur le troisième jour, le voyageurs avait fouillé les collines, mais n'avait pas trouvé de chevaux. Et ainsi de suite, nuit après nuit, l'étalon revint régulièrement vers le voyageur, lui enjoignant d'aller vers quelque endroit éloigné, mais il n'a jamais trouvé ses chevaux.
Le voyageur maigrit et eut ses pieds endoloris. Parfois, il a obtenu un cheval de quelque camp ami , tantôt il en a volé un . Mais toujours,
avant le matin, venait un fort battement de sabot, l'étalon fantôme et sa bande galopaient et le cheval du voyageur cassait son piquet, et'partait avec eux. "
La légende dit que plus jamais le voyageur ne devait avoir un cheval, jamais plus il ne revit sa propre loge. Et il erre, même à ce jour, toujours en quête de ses chevaux perdus.

La légende dit que, parfois, par une nuit d'automne, venteux quand les étoiles brillent très clairement, et au dessus des hurlements du coyote, au-dessus du vent, vous pourrez entendre courir des chevaux, et marchant sur leur traces un vieil homme.
Et, si vous êtes vraiment malchanceux, vous pourrez voir l'étalon et sa bande, et le voyageur, toujours à leur poursuite, essayant de récupérer ses beaux chevaux.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Mars 2013 à 17:39:17
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Yunus et le Puits de Douceur

Il était une fois, dans ce pays lointain, un homme qui s'appelait Yunus et qui voulait absolument se marier. Il avait plusieurs fois remarqué une jolie fille à la fenêtre de la maison voisine et se demandait si elle était en âge de prendre époux. Il alla jusque chez son voisin et lui dit : « Mon frère, auriez-vous quelque objection à me choisir pour gendre ? Vous avez, si je ne me trompe, une fille qui me conviendrait très bien. »
Le voisin répondit : « Oui, bien sûr, il me reste une fille qui pourrait se marier. Mais il y a un inconvénient ».
Et quel est-il donc ? » demanda Yunus.
« Et bien, voyez-vous, elle a tellement mauvais caractère que je détesterais l'infliger à quiconque, surtout à un ami tel que vous », dit l'autre. « La seule chose à faire pour qu'elle se marie est quasiment impossible, j'en ai peur. Personne n'irait au devant de tels ennuis pour ma petite Fatima, j'en suis certain. »
« Dites-moi de quoi il s'agit, s'il vous plaît », dit Yunus, « et si c'est en mon pouvoir, je le ferai. »
« On m'a dit », répondit le père de la jeune fille, « que trois gouttes d'eau du Puits de Douceur suffiraient à venir à bout du mauvais caractère de n'importe quelle femme. »
« Laissez-moi y aller », dit Yunus. « Où se trouve ce puits ? »
« La vieille femme qui mendie sur les marches de la mosquée le sait », répondit le voisin. « Il faut les rapporter dans une minuscule bouteille, qui contient juste trois gouttes. Mais mon cher Yunus, ne vous donnez pas tant de peine ! »
« Ne pensez pas à ça, » répondit Yunus amicalement, « Je m'en occuperai demain. » Il acheta une petite bouteille au marché et s'en alla voir la vieille femme qui était assise sur les marches de la mosquée où elle mendiait.
« Où se trouve le Puits de Douceur ? » demanda Yunus, laissant tomber une pièce dans la soucoupe de la mendiante.
« Sept jours vers l'Ouest, et sept jours en direction de l'Est, là vous trouverez la rivière. Traversez-la et vous parviendrez au pays où vit un Géant. Interrogez-le, il vous dira ce que vous voulez savoir, » dit-elle.
Yunus se mit en route et finalement parvint à la rivière. Le batelier le fit traverser et Yunus lui demanda : « Où vit le Géant ? »
« Dans cette direction », dit le batelier. « Il possède une grotte dans ces montagnes. Mais montrez-vous courtois quand vous lui parlerez, sinon il vous frappera avec sa grande massue. »
Ce fut un long, très long et fatiguant voyage et quand Yunus arriva au pied des montagnes, il s'allongea pour dormir un peu. Quand il s'éveilla, il se sentit au chaud, dans un endroit confortable et, il pensa d'abord être dans son lit, à la maison. Mais quand il ouvrit les yeux, il se rendit compte qu'il se trouvait dans la paume d'une gigantesque main.
« Hah, Hah, petit mortel, ainsi donc tu es venu me rendre visite ? » dit le Géant. « Qui es-tu, et que veux-tu ? »
« Oh très noble Géant », dit Yunus, poliment, « que la paix soit avec vous ! Je suis venu vous demander où je pouvais trouver le Puits de Douceur. Je veux seulement récupérer trois gouttes pour les rapporter à la jeune fille que je veux épouser car elle a très mauvais caractère. »
« Si tu ne m'avais pas répondu avec autant de courtoisie », dit le Géant, « je t'aurais écrasé comme une mouche ! » Cependant, comme je ne reçois pas beaucoup de visiteurs qui s'adressent à moi avec respect, je vais te dire où se trouve ce puits. »
« Il y a, à l'intérieur de ma grotte, un passage secret gardé par un dragon à trois têtes. Avance dans ce passage, et quand tu verras le dragon, dis-lui « Par la permission de Suliman, Fils de David (que la paix soit avec lui !), laissez-moi passer ! et le dragon te laissera aller jusqu'au Puits ».
Puis le Géant reposa Yunus par terre et celui-ci pénétra dans la grotte le cour battant. Alors qu'il avançait dans le passage que lui avait montré le Géant, comme annoncé, il se trouva face à un dragon à trois têtes, crachant du feu et fouettant le sol de sa longue queue verte. « Par la permission de Suliman, Fils de David (que la paix soit avec lui !), laissez-moi passer ! » dit Yunus, et le dragon le laissa continuer son chemin sans lui faire aucun mal.
Au bout d'un long moment, il y eut une grande lueur et Yunus vit une très belle fée qui remontait un seau d'eau d'un profond puits.
« Que la paix soit avec vous ! » dit-il, et la créature enchantée lui répondit d'une douce voix, « Que la paix soit avec toi, mortel, viens et je remplirai ta bouteille ». C'est ce qu'elle fit et elle lui remit la précieuse fiole. Il était si heureux qu'il embrassa la main de la fée en remerciement mais elle avait déjà disparu.
Maintenant il fallait qu'il reprenne la même route pour rentrer mais le trajet lui paraissait deux fois plus difficile qu'à l'aller. Les pierres lui meurtrissaient les pieds et ses mains étaient bleues à force de tâtonner pour trouver son chemin dans le passage obscur taillé dans les rochers.
Finalement il atteignit le dragon cracheur de feu mais dès que son regard à six yeux se fut posé sur lui il prononça la formule magique et le dragon le laissa passer.
Il retourna dans la grotte du Géant et lui montra la minuscule fiole d'eau.
« Hah-hah, petit mortel », dit le Géant, « tu as obtenu ce que tu voulais. Maintenant tu dois travailler pour moi pendant un an et un jour, et après tu pourras rentrer chez toi ».
Ainsi donc Yunus servit le Géant pendant un an et un jour : il coupa l'herbe pour ses vaches qui étaient traites quotidiennement, il prépara les dîners du Géant dans une grande marmite, il lava la vaisselle, il étendit ses immenses chemises sur les buissons pour qu'elles sèchent et il surveilla le feu sans relâche. Au bout d'un an et un jour, le Géant était tellement content de ses services qu'il lui donna un sac d'or et le laissa partir avec la meilleure volonté du monde.
Le voisin de Yunus sortit de sa maison et dit : « Oh, mon cher ami, je suis si heureux de vous voir. Pourquoi vous êtes-vous absenté si longtemps ? Avez-vous rapporté l'eau du Puits de Douceur ? Nous avions peur qu'il vous soit arrivé quelque chose ».
Yunus lui raconta tout ce qui s'était passé et lui tendit la bouteille renfermant les trois gouttes d'eau magique.
Puis il pénétra dans la maison de sa mère et revêtit ses plus beaux habits, se préparant pour la noce. Le grand Kadi arriva pour célébrer la cérémonie et ils se rendirent ensemble dans la maison du voisin.
Une fois que le contrat eut été signé, la fiancée apparut, voilée et couverte de bijoux et Yunus se sentit le plus heureux des hommes. Le père de la mariée donna le signal des festivités et tout le monde se mit à boire et à manger à cour joie.
Le soir venu, Yunus souleva le voile de sa jeune épouse et la trouva encore plus belle qu'il ne l'avait espéré. Quand elle se mit à parler, sa voix était aussi douce que le roucoulement d'une colombe.
« Ah ma chère femme, » dit Yunus, « le monde est rempli de merveilles, qu'Allah soit remercié ! Si je n'étais pas allé chercher cette eau au Puits de Douceur, je ne sais pas si j'aurais été aussi heureux d'entendre ta voix cette nuit ».
« Que veux-tu dire, cher époux ? » demanda-t-elle. « Ma voix a toujours été ainsi ».
« Mais ton père m'a dit que tu avais si mauvais caractère que seules trois gouttes d'eau du Puits de Douceur pourraient en venir à bout », dit-il.
La jeune fille partit d'un grand éclat de rire. Yunus lui demanda ce qu'il avait de si comique et il fut obligé de la secouer pour qu'elle s'arrête.
« Ce n'est pas moi qui avais mauvais caractère », dit-elle, « mais ma chère maman ! Mon père n'en pouvait plus de ses paroles perfides et de ses colères. Un vieil homme avisé lui a dit qu'elle changerait radicalement à la condition de recevoir trois gouttes d'eau magique sur la langue. Mon père décida donc que tout homme qui demanderait ma main devrait aller chercher cette eau afin de soigner ma mère et de le préserver ainsi d'une mort précoce ! »
Yunus se mit à rire aussi, soulagé finalement puisqu'il aurait désormais une belle-mère dotée d'un bon caractère. Sa nouvelle femme et lui furent si heureux ensemble qu'ils ne se disputèrent jamais durant toute leur vie.




Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Mars 2013 à 17:42:16
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L'anneau qui disait "Par-ici"

Il était une fois, une jeune fille très jolie et très pauvre qui allait souvent dans la montagne pour ramasser du bois. Il arriva qu'un jour, très absorbée par sa besogne, elle ne vit pas la nuit tomber. Alors elle prit peur et se perdit.

- Mon Dieu, se dit-elle, que vais-je devenir...

La nuit, humide et obscure, le chemin sans fin et difficile, la petite, minuscule et terrorisée... Elle s'élança, marcha et découvrit une lumière. Elle se dirigea vers elle et arriva à une maison. À la porte de la maison se tenait un géant.

Elle ne pouvait plus s'échapper, alors elle lui dit timidement :

- Je me suis perdue, je suis fatiguée et je ne sais où passer la nuit. Me feriez-vous la faveur de m'accueillir ?

Et le géant répondit :

- Ah ! mais oui, fillette, bien sûr que oui !

Le coquin !... Le géant était un coquin.

Il se dirigea vers la porte et dit :

- Ouvre-toi.

Ils entrèrent et le géant ordonna encore à la porte :

- Ferme-toi.

La porte se ferma. Ils se trouvèrent dans la cuisine. Un très grand feu brûlait dans la cheminée et une énorme marmite reposait sur un trépied tout aussi gigantesque. Le géant prit place près du foyer et la lumière du feu l'éclaira.

Alors la fillette le vit nettement : il était noir de peau, féroce de mine, avait de grandes dents et un seul oeil : sur le front, il n'avait qu'un seul oeil !...

La peur de la petite allait croissant, mais elle s'efforça de la dissimuler. Après l'avoir regardée avec un plaisir évident, le géant lui ordonna :

- Prépare-moi le repas dans cette marmite. Tu trouveras là un mouton...

Dorénavant, tu vivras avec moi, et si un jour tu essayais de t'échapper, au lieu de manger de la viande de mouton, je te mangerais, car tu es bien plus tendre.

La fillette lui obéit et s'activa aussitôt à la cuisine. Le géant sourit, et quand il vit qu'elle se résignait à son sort il alla dans sa chambre.

- Quand tu auras fini, lui dit-il, tu m'apporteras le repas au lit.

Il se coucha, s'endormit et se mit à ronfler avec fracas.

Le repas étant prêt, la petite en mangea sa part. Elle mit sur le feu un fer pointu qu'elle avait trouvé, puis elle fouilla toute la maison. Elle vit de nombreuses peaux de mouton accrochées contre les murs. Une porte dans la cuisine donnait sur un enclos. L'enclos était immense et la multitude de brebis élevées par le géant y paissait. La gamine retourna près du feu, y prit le fer incandescent et se rendit dans la chambre du géant sur la pointe des pieds. Il dormait comme une marmotte et ses ronflements faisaient trembler toute la pièce. La fillette brandit le fer et lui enfonça dans l'oeil.

Le cri poussé par le géant dut s'entendre à mille lieues à la ronde. Il se martelait le front, la bouche et le nez avec ses poings ; il trépignait d'un bout à l'autre de la pièce. Il se répandait en coups et en glapissements, essayant de se venger de la gamine. Il lui sembla que la meilleure façon de l'empêcher de partir était de se placer devant la porte. Ce que voyant, la fillette saisit une peau de mouton dont elle se recouvrit et se dirigea vers l'enclos. Elle atteignit la porte extérieure et l'ouvrit au moment où le géant s'y plantait, une jambe de chaque côté. Les brebis commencèrent à s'élancer entre les jambes de leur maître qui bafouillait :

- Je te trouverai... Je te trouverai...

Il les touchait toutes et disait :

- Une blanche... une noire... une blanche... une noire...

La fillette, cachée sous sa peau, se glissa entre les brebis, et le pauvre aveugle la confondit avec les autres bêtes. Il la palpa mais la laissa s'échapper, la peau lui restant entre les mains :

- Une blanche... une noire... et moi je suis dehors !

Le géant se mit dans une colère terrible. Il s'étranglait de rage, puis brusquement il sourit à la fillette. Il enleva un anneau de son doigt et le jeta à ses pieds, lui disant avec douceur :

- Puisque tu es si maligne, je te pardonne. Pour preuve de mon pardon, je t'offre mon anneau préféré.

L'anneau brillait dans l'herbe comme un ver luisant. La gamine, craignant un piège, le regardait sans oser le ramasser. Mais le géant semblait si calme et l'anneau brillait tellement que finalement la petite se baissa, le prit dans sa main et se le passa au doigt. Aussitôt, l'anneau se mit à chanter :

- Par-ici !... je suis par-ici !...

Le géant se dressa comme une furie et se précipita vers la fillette en proférant d'épouvantables malédictions.

L'anneau le guidait :

- Par-ici !... je suis par-ici !...

Et la fillette essayait en vain de la retirer tandis qu'elle s'enfuyait.

Au moment où le géant allait la rejoindre, elle arriva près d'une rivière au cours gonflé par les pluies. Elle se saisit du couteau qui lui servait à tailler les branches dans la montagne, et d'un coup sec se trancha le doigt orné de l'anneau. Elle le ramassa et le jeta dans la rivière. Plongé dans l'eau, l'anneau continuait sa chanson :

- Par-ici !... Je suis par-ici !...

Le géant, se laissant guider par la voix, entra dans le fleuve. L'eau bouillonnante l'emporta dans un tourbillon et il disparut en un instant.

La petite retourna à la maison du géant, réunit tout le troupeau et le mena jusqu'à sa propre chaumière.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Mars 2013 à 18:16:51
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La meule de la pauvre orpheline

Une pauvre petite fille avait perdu ses parents, elle était seule au monde comme un agnelet; élevée dans une famille fort méchante, son seul ami était Krants, le chien, auquel elle donnait de temps en temps quelques croûtes de pain. Du matin jusqu'au soir, la pauvre petite devait moudre le blé pour sa marâtre à l'aide d'une meule; un instant de repos suffisait pour qu'un bâton lui rappelât ses obligations. Le soir, elle avait les doigts engourdis comme des pièces de bois - mais qui s'en souciait? La moindre bouchée octroyée par charité aux orphelins leur coûte la plupart du temps bien du sang et bien des larmes... Seul le bon Dieu, là-haut, entend leurs gémissements, lui seul peut compter les larmes qui coulent sur leurs joues...

Un jour, alors que notre chétive enfant - chagrinée de ce que la fermière l'eût laissée ce matin-là à jeun - faisait une fois de plus tourner la lourde meule, un vagabond, borgne, boîteux, en haillons, se présenta devant la maison. Or ce n'était pas un vrai mendiant. C'était un célèbre sage venu de Finlande, qui avait pris cette apparence pour ne pas se faire reconnaître. Le boîteux s'assit sur le seuil de la maison, jeta un regard pénétrant sur le dur labeur de l'orpheline et prit dans sa besace un morceau de pain qu'il lui mit dans la bouche en disant:

"Le déjeuner n'est pas pour tout de suite, mange un peu de pain, reprends tes forces!".

L'orpheline se mit à mâcher la petite croûte de pain sec, qui lui parut plus douce qu'une brioche. Elle sentit ses bras prendre de plus en plus de vigueur. Le vagabond lui dit:

"Tu dois avoir les bras bien fatigués, ma pauvre enfant, à force de tourner cette lourde pierre!".

La petite jeta au vieillard un regard méfiant, comme pour s'assurer de l'objectif de sa question: était-il sérieux, se moquait-il d'elle? Mais quand elle vit que le visage du vieillard était sérieux et bienveillant, elle lui répondit:

"Qui donc s'intéresse aux bras de l'orpheline? J'ai les doigts en sang et le dos labouré de coups de bâton, quand je n'arrive pas à faire tout ce que veut la fermière!".

Le boîteux lui demanda son histoire, il voulait connaître sa vie en profondeur. Quand elle eut terminé, il prit dans son sac un vieux foulard et le lui donna en disant:

"Ce soir, quand tu iras te coucher, tu te banderas les yeux avec ceci. Puis, avec un soupir venant du fond du coeur, tu diras:

"Emmène-moi, ô mon doux petit rêve, là où je trouverai une meule qui tourne toute seule, qui n'aura plus besoin de mes maigres efforts...".

La jeune fille cacha le foulard dans son corsage et remercia le vieillard qui repartit par les chemins. Le soir, allant se coucher, elle fit ce qu'il lui avait appris: elle attacha le foulard autour de sa tête et prononça, dans un soupir baigné de larmes, la phrase qu'il lui avait apprise - même si elle ne caressait pas de grands espoirs. Elle s'endormit pourtant le coeur plus léger qu'à l'accoutumée. Et voilà qu'un rêve curieux se déroula devant ses yeux bandés: elle était en voyage sur une longue route, elle avait toutes sortes d'aventures. Enfin elle arriva sous terre, à une grande profondeur. S'agissait-il de l'enfer? Peut-être, car tout avait l'air hostile et déplaisant. Le portail était grand ouvert, mais dans la cour pas un animal ne bougeait. En avançant, elle entendit un grondement - semblable au bruit que fait une meule en train de tourner. Elle poursuivit son chemin, guidée par ce bruit, d'un pas alerte. Enfin, arrivée sous l'auvent d'une remise, elle trouva un grand coffre. C'est de là que provenait le grondement. Incapable même de le déplacer, comment allait-elle pouvoir le soulever...!? Alors elle aperçut, attaché à la mangeoire de l'étable, un cheval tout blanc qui lui donna une idée: le prendre, l'atteler au coffre avec une corde et emporter ainsi la meule miraculeuse. Aussitôt dit, aussitôt fait: à l'aide de cordes, elle attacha le coffre au cheval, puis s'assit sur le couvercle, s'empara d'un long fouet et au galop! en direction de la maison.

Le lendemain matin, en se réveillant, ce rêve si important lui revint en mémoire; elle avait l'impression d'avoir traversé de longues distances sur le couvercle du fameux coffre. Or en regardant alentour, qu'aperçut-elle à côté de son lit? Le coffre! Elle bondit de sa couche, prit un tas de graines qu'elle n'avait pas pu moudre la veille et les mit dans un trou qui se trouvait sur le couvercle du coffre. Et - oh miracle! - aussitôt les pierres se mirent à tourner! Au bout d'un petit moment, la farine était prête, et dans le sac.

La vie fut désormais facile pour l'orpheline. Les pierres miraculeuses, au fond de leur coffre, réduisaient en poussière tout ce qu'elle leur donnait: il ne lui restait plus qu'à donner au coffre sa part de graines et puis à en sortir la farine qui était retombée sur le fond. Mais il lui était formellement interdit d'ouvrir le couvercle. Le vagabond le lui avait bien dit: "si tu ouvres le couvercle, c'est la mort!".

Au bout de quelque temps, la fermière eut l'impression que l'orpheline avait trouvé de l'aide pour moudre le blé. Un méchant dessein commença à mûrir dans son esprit: chasser l'orpheline et la remplacer par le coffre, qui, lui, ne mangeait pas de soupe... Mais d'abord, elle voulait étudier de plus près ce coffre merveilleux afin de comprendre où se trouvait le mystérieux meunier. Cette envie la tenaillait, sans relâche, jour et nuit. Elle ne lui laisserait pas de repos tant qu'elle ne saurait pas le secret.

Un dimanche matin, elle ordonna à l'orpheline d'aller à l'église; elle resterait elle-même garder la maison. Jamais la pauvre enfant n'avait entendu si plaisantes paroles! Toute contente, elle passa un corsage propre, mit ses meilleurs atours et s'en alla en direction de l'église.

La fermière, sur le pas de la porte, la suivit des yeux le plus longtemps possible. Puis elle prit dans la remise un tas de graines et les jeta dans le couvercle du coffre afin que celui-ci se mit à moudre. Mais il ne donna pas signe de vie. C'est seulement quand elle eut jeté une poignée de graines dans le trou que les pierres se mirent au travail. Mais elle dût se donner beaucoup de mal pour parvenir à simplement bouger le lourd couvercle. Enfin, le coffre s'entrouvrit tant bien que mal, et la fermière se hasarda à y jeter un oeil. Mais ô malheur! une étincelle en jaillit, qui mit le feu à la fermière et la consuma comme si elle n'avait été que paille sèche. Il n'en resta pas plus qu'un amas de cendres.

Le jour où le veuf voulut reprendre femme, il se rappela que sa pupille, la petite orpheline, était devenue femme: il n'avait pas besoin d'aller chercher plus loin. Les noces furent discrètes, et lorsque les voisins, le soir, furent rentrés chez eux, le marié alla lui aussi se coucher avec sa femme. Le lendemain matin, en allant dans la remise, la jeune femme découvrit que le coffre avec la meule avait disparu pendant la nuit sans laisser de trace. On chercha bien partout, pour savoir si quelqu'un avait vu l'objet disparu. Mais personne n'avait rien entendu... Et depuis non plus, jusqu'au jour d'aujourd'hui... Le coffre miraculeux, apporté un jour sur terre par un rêve, n'avait-il pas pu s'en retourner, de manière toute aussi miraculeuse, là d'où il était venu?

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Mars 2013 à 19:43:20
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Le prince de la pluie

Il y a très très longtemps, un homme et son fils vivaient dans une cabane au fin fond des forêts éthiopiennes, là où personne ne va presque jamais. Autrefois, l'homme avait été marié mais sa femme était morte en donnant le jour à leur fils. Son chagrin avait été tellement grand qu'il décida de ne plus vivre parmi les hommes. Il voulait vivre seulement avec son chagrin et son fils Devi.
Un jour, il s'enfonça profondément dans la forêt et y construisit une simple cabane pour eux deux. Devi grandit en solitaire. Son père lui apprit toutes les choses de la vie : à marcher, à parler, à chasser et à pêcher, mais hélas, Devi ne rencontrait jamais personne.
Dans ce coin perdu de la forêt, il pouvait tout au plus apercevoir quelque voyageur égaré. Fort heureusement, père et fils s'entendaient bien. Le père de Devi était un homme bon et doux qui aimait beaucoup son fils. Il en était également très fier, car Devi devenait un beau jeune homme qui assimilait à merveille tout ce que son père lui enseignait.
Lorsque Devi eut atteint l'âge de dix-huit ans, une sécheresse épouvantable s'abattit sur le royaume voisin d'Anga. La pluie n'était plus tombée suffisamment depuis plus d'un an et chacun commençait à s'inquiéter. Les fermiers se plaignaient de leurs champs asséchés et l'eau des rivières ne suffisait pas à donner à boire à tous les habitants, les animaux et les cultures du pays. La famine ne tarderait donc pas à s'abattre sur le pays tout entier.
Le roi était au désespoir. Il avait convoqué plusieurs sages afin de le conseiller.
L'un dit :
- Que tous les hommes qui possèdent un âne aillent chaque jour chercher deux sacs d'eau dans la mer afin d'irriguer les champs.
Un autre répondit :
- Non, Sire, cela ne se peut, car l'eau de mer nuit aux plantes. Elles mourront tant à cause du sel qu'à cause de la sécheresse.
Un autre encore voulait faire sortir tous les animaux du pays, afin qu'il y ait davantage d'eau potable pour les hommes et les cultures, mais le roi refusa à nouveau.
Aucune des solutions proposées n'étaient bonnes. Il fallait tout simplement que de l'eau de pluie fraîche et limpide tombe du ciel pour que le pays tout entier en ait à nouveau à suffisance.
- Sire, il n'y a qu'une seule solution, dit un conseiller âgé et sage. Cherchons un jeune homme pur et intact, un jeune homme qui n'ait jamais fait de mal et qui n'a que de bonnes intentions. Ramenons-le à Anga et il pleuvra.
Les autres conseillers approuvèrent d'un signe de tête. Puisque seule de la vraie pluie pourrait satisfaire le roi, c'était la meilleure des solutions.
Seul un jeune homme pur saurait contenter les dieux du temps. C'était une vérité vieille depuis des siècles ; restait à savoir où le trouver !
Anga grouille de jeunes gens, mais aucun d'eux n'est entièrement pur de corps et d'esprit.
- J'en connais bien un, dit un gentil conseiller en se caressant la barbe. C'était un homme qui était originaire du même village que le père de Devi et connaissait son histoire et celle de son fils. Il la raconta au roi et aux autres conseillers.
- Je crains cependant que le père n'accepte jamais que nous ramenions son fils à Anga, dit-il, découragé.
Le roi réfléchit un instant. Soudain, son visage s'éclaira.
- Je connais le moyen de faire venir ce jeune garçon à Anga, dit-il en riant. Avez-vous donc oublié que j'ai une fille ? Elle est la plus belle du pays et, en plus, elle est intelligente. Si je lui explique l'affaire, elle fera de son mieux et je ne doute pas un instant qu'elle ne parvienne à persuader ce jeune garçon de l'accompagner.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Le roi parla immédiatement à sa fille qui trouva très amusante l'idée de séduire un gentil garçon avec l'accord de son père.
- Est-il très beau? demanda-t-elle avec curiosité.
- Tu le verras toi-même, répondit le roi avec impatience. Tu n'as pas à l'épouser de toute façon.
La princesse préféra ne pas répondre et commença immédiatement à préparer ses valises pour ce long voyage. Le conseiller lui expliqua où et dans quelle partie de la forêt elle devrait chercher le jeune homme.
- Essaie de n'attirer que son attention à lui, car si son père le remarque, notre ruse échouera! lui dit le conseiller, alors que la princesse était déjà à cheval. Il veut seulement vivre tranquillement avec son fils dans la forêt.
Après un long et pénible voyage, la princesse arriva enfin à l'orée de la forêt où vivaient Devi et son père. La princesse descendit de cheval, revêtit sa plus jolie robe et se faufila à travers la végétation touffue jusqu'au fin fond de la forêt. Soudain, elle entendit des voix. Elle se dissimula rapidement derrière un gros arbre. juste à temps, car le père de Devi était sur le point d'aller chercher des fruits dans la forêt. Il adressa quelques mots à son fils.
- Je serai de retour avant le coucher du soleil, lui entendit dire la princesse. D'ici là, nettoie la cabane et mets une bouilloire sur le feu.
Sur ces mots, il partit. La princesse patienta quelques minutes pour plus de sûreté et se dirigea à pas feutrés vers la cabane. De l'intérieur, on entendait le bruit du balai qui fouettait le sol. Le jeune garçon était manifestement obéissant et courageux.
- Bonjour! dit la princesse doucement.
Un garçon aux cheveux bruns et bouclés passa la tête par l'embrasure de la porte d'un air surpris et fixa sur elle ses yeux étincelants. Comme il était beau! Elle n'avait jamais vu de jeune homme aussi beau et aussi aimable. La princesse se sentit rougir jusqu'à la racine des cheveux. Devi aussi était troublé. Il n'avait jamais rencontré d'autres personnes et ne connaissait que son père. Quelle était cette personne bizarre sur le pas de la porte ?
Il regarda d'un air admiratif le fin visage, les longs cheveux ondulés et les magnifiques vêtements, dont dépassaient deux petits pieds.
- Qui êtes-vous ? demanda-t-il poliment, car son père lui avait appris les bonnes manières.
- Mon nom est Eleni et je viens d'Anga, répondit la princesse timidement. Et vous, qui êtes-vous ?
Devi se présenta à son tour. Il offrit à boire et à manger à la princesse et ils parlèrent tout l'après-midi comme de vieilles connaissances. La princesse connaissait également toute une série de jeux auxquels Devi participa volontiers. Ils riaient et se poursuivaient. Ils jouèrent à cache-cache, à "coucou! qui est là?" et tressèrent des colliers de fleurs pour garnir leurs cheveux. Le soir arriva beaucoup trop vite à leur gré.
- Je dois partir, dit la princesse effrayée, lorsque le soleil eut disparu derrière la cime des arbres.
Pensez donc ! Le père de Devi ne tarderait pas à rentrer et il n'apprécierait guère sa visite. Relevant ses jupes, elle courut chercher refuge à l'abri des arbres.
- Attends! Mon père ne va pas tarder à rentrer. Tu pourras faire sa connaissance, lui cria Devi, mais il était déjà trop tard, la princesse avait déjà disparu à l'ombre des arbres.
Devi en était tout dérouté. Il aurait bien suivi la princesse, mais ce n'était pas possible, car son père se serait fait du mauvais sang. Mais d'un autre côté, sans la princesse, il se sentait terriblement seul.
Lorsque le père de Devi entendit ce qui s'était passé, il sut immédiatement que Devi avait reçu la visite d'une femme.
- Méfie-toi, le mit-il en garde. Si ça continue, elle t'entraînera avec elle loin d'ici. Qui sait où tu te retrouveras.
Quelques jours plus tard, le père de Devi dut à nouveau aller dans la forêt constituer des réserves. Il mit de nouveau son fils en garde contre la jeune fille, mais sitôt son père hors de vue, Devi oublia son avertissement. Cela faisait plusieurs jours que la princesse guettait derrière le grand arbre et elle put enfin se montrer. Devi était fou de joie. il la serra dans ses bras et lui offrit toutes sortes de friandises. Ils se remirent à jouer ensemble. Cet après-midi-là, Eleni lui raconta aussi la terrible sécheresse qui s'était abattue sur son pays. Elle raconta également à Devi qu'il était le seul à pouvoir amener la pluie.
- Mais pour ça, il faut que tu m'accompagnes à Anga, lui dit-elle doucement. Si tu restes ici, tu ne pourras rien faire pour notre pays.
Mon père se fera du souci, si je ne suis pas là à son retour, résista mollement Devi. Je dois attendre qu'il revienne pour lui expliquer.
Mais Eleni ne voulait rien entendre. Imaginez-vous! Si son père lui interdisait de l'accompagner, elle aurait fait tout cela pour rien.
- Si tu le veux, tu pourras m'épouser, dit-elle pour l'amadouer. Je t'aime et je vois que tu m'aimes aussi. Tu deviendras riche et célèbre. Dès qu'il pleuvra à Anga, nous reviendrons chercher ton père et tu pourras t'occuper de lui autant que tu le voudras, bien mieux que tu ne pourras jamais le faire dans cette cabane. S'il te plaît, partons. Maintenant !
Le coeur de Devi fondit lorsqu'il vit les yeux suppliants de la princesse. Il rassembla ses maigres affaires et suivit la princesse.
Dès que Devi posa le pied dans le royaume d'Anga, une pluie torrentielle se mit à tomber. Tous les habitants du pays asséché sortirent de leur maison et, à genoux, ils remercièrent le ciel de leur envoyer cette eau claire. Les rivières coulèrent à flots et les plantes relevèrent la tête, toutes revigorées. Le roi était fou de joie, car le malheur était conjuré. Il voulut remercier Devi en lui offrant un grand sac rempli de pièces d'or, mais lorsqu'il vit comment sa fille et le jeune garçon se regardaient, il accorda à Devi la main de sa fille. Nulle part ailleurs, il ne trouverait meilleur gendre.
Le mariage fut célébré en grande pompe dans tout le pays. Le roi envoya chercher le père de Devi et lorsque celui-ci vit combien son fils était heureux avec la princesse, il embrassa sa nouvelle belle-fille et souhaita aux jeunes mariés tout le bonheur du monde. Devi emmena son père dans le château que le roi avait fait construire pour le jeune couple.
Depuis ce jour-là, il n'y eut plus jamais de sécheresse dans le royaume d'Anga qui devint le pays le plus fertile d'Afrique.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 16 Mars 2013 à 19:32:25
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La Légende de Persine et Mélusine

"Si vous essayez de voir une fée
En plein jour
En pleine lumière
En plein midi...
Ça marchera pas !
Les fées
On les surprend parfois à l'aube
Entre deux lumières
Émergeant de la brume
Ou sous la lune pleine"

Elinas, roi d'Écosse, a semé ses suivants au cours d'une partie de chasse. Il est maintenant seul, sur son cheval, au beau milieu de la forêt, gouttant à une tranquillité qui lui est assez peu familière. Il finit par déboucher dans une grande clairière au milieu de laquelle se trouve une fontaine. La fée Persine, reine des fées d'Écosse, s'y baigne. Elle n'entend pas le roi s'approcher, sans doute trompée par les éclats de la chasse qui se perdent dans le lointain. Elle est d'abord surprise, puis elle reconnaît le roi qui reste interdit, bras ballants, devant une telle apparition...
Le roi, en un clin d'œil, des sommets du pouvoir, des cimes de la richesse, tout roi qu'il est, le roi Elinas d'Écosse tombe... en amour.
La fée est sortie de la fontaine et se tient devant lui, magnifique et élancée, entièrement nue... Et le cœur d'Elinas bat la chamade, galope même !
Le cœur du roi se rend à cette femme qui semble si fragile
A cette reine de l'autre monde...
- Je m'appelle Persine, lui dit la fée. Je suis reine de mon peuple et nos deux destins sont désormais intimement entremêlés. Je sais lire les signes et déchiffrer les cœurs, sans jamais me tromper... Et c'est là mon pouvoir ! Nous allons nous marier, ô roi... Mais avant tu dois me promettre, que jamais tu ne chercheras à me voir du temps de mes couches.
Ainsi parle la fée, et le roi fait le serment attendu.

Les épousailles sont bientôt célébrées et le bonheur règne sur le pays. De leur union naissent trois filles : Mélusine, Mélior et Palestine. Il sont heureux...
Un temps...

Mais le bonheur, ça ne peut que se flétrir. Comme une fleur.

Mataquas, le fils maudit, premier né du roi, d'un premier mariage. Mataquas le jaloux, le fourbe... Mataquas pue-la-haine !
- Pourquoi donc, mon noble père, mon puissant roi, pourquoi cet interdit ? Il y a là-dessous, à n'en point douter, quelque mystère qu'on cherche à vous cacher, quelque trahison sur laquelle on ne voudrait pas que vous portiez les yeux, de peur de votre juste courroux. Ne point la voir du temps de ses couches... Vous êtes en votre royaume ! C'est vous qui commandez !
Le roi est noble et fier, alors au tout début, il refuse d'écouter les paroles de son fils. Manquer à sa promesse, il n'en est pas question une seule seconde...
Mais deux secondes, déjà, c'est bien plus long...
Et les jours
Les mois
Et le venin qui coule intarissable...
Le venin
Qui coule
Intarissable
Le roi est noble et fier, alors il finit par douter. Les démons le tourmentent et lui, seul, il résiste. Mais des démons, on en a toujours à ne plus savoir qu'en faire...
Elinas, roi d'Écosse, car il est noble et fier, entre dans la chambre où Persine baigne ses trois petites.
Persine pousse un hurlement, et au dessus du bruit des larmes de ses filles, désespérée elle lance à Elinas :
- Tu m'as trahie et nos cœurs se déchirent ! Désormais, et par ta faute, je suis perdue pour toi !
Sans un adieu, ni un dernier regard, elle s'envole en fumée avec ses enfants enveloppés dans une serviette rouge. La baignoire est vide, l'eau s'est évaporée, et l'on raconte qu'Elinas effondré l'a remplie de ses larmes.

Persine s'en est allée dans l'île enchantée d'Avallon. Elle y élève ses filles pendant quinze ans. Et chaque matin, un peu avant le jour, elle conduit Mélusine, Mélior et Palestine au sommet de la montagne Fleurie d'Eléonos. De là, elles contemplent le lever du soleil sur les rivages d'Écosse que l'on devine au loin.
- Voyez, mes filles, c'est là que nous aurions dû vivre, heureuses, si votre père n'avait pas manqué à sa parole. La joie aurait été notre quotidien alors que désormais nous sommes condamnées à cette misérable condition...
L'amertume, la nostalgie hantent le cœur de Persine qui ressasse sans arrêt le récit de sa tragique épopée.
Un jour, l'aînée, Mélusine, réunit ses deux sœurs en secret pour les entretenir d'un plan :
- Pendant ce temps qui est passé, j'ai bien réfléchi... Tout est la faute d'Elinas, notre père. Nous sommes maintenant versées dans les sciences magiques... Il serait juste qu'il paie encore plus durement le tourment dans lequel il nous a plongé.
Il serait juste
Qu'il paie
Encore plus durement
Le tourment dans lequel il nous a plongé !

Les sœurs acquiescent ; le roi d'Écosse se retrouve enfermé dans la montagne de Northumberland, que l'on appelle encore Brumblerio. A tout jamais...
Enfermé !
Il serait juste
Qu'il paie
Encore plus durement
Le tourment dans lequel il nous a plongé !

Les enfants sont cruels...

- Misérable filles ! leur dit leur mère quand elle apprend la nouvelle. Qui êtes-vous pour oser juger le destin ? Qui croyez-vous être pour vous substituer à son bras vengeur ? Qui pensiez-vous ainsi châtier ? Vous n'avez plus votre place sur l'île enchantée d'Avallon et nous devons ce jour nous séparer pour ne plus nous revoir.
Elle s'adresse alors plus particulièrement à Mélusine :
- Quant à toi, qui est la plus savante, toi par qui tout est arrivé, écoute maintenant quel est ton châtiment. Tu seras désormais, chaque samedi, Serpente du nombril jusqu'aux pieds. Si jamais tu viens à te marier, ton mari ne devra jamais te voir sous cet aspect ni connaître ton lourd secret. A cette condition tu vivras et mourras comme une femme, sinon tu connaîtras la solitude et les tourments sans fin ! Mais quoiqu'il en soit tu seras la source d'une noble et courageuse descendance qui commettra de hauts faits.
Adieu, ma première fille, et ne reviens jamais...
Les trois sœurs se sont séparées ; Persine, quant à elle, est restée en Avallon, toute seule avec ses souvenirs et son chagrin.
Mélior deviendra reine des étoiles filantes et Palestine princesse des cygnes blancs. Mais ce sont là d'autres histoires...
La jeune Mélusine va par les chemins, elle arrive en terre de France et erre dans les forêts du Poitou. Au fil du temps, son cœur s'apaise et une belle nuit, elle lit dans les étoiles qu'elle est désormais capable d'aimer. Alors, comme le soleil se lève, du plus profond d'elle jaillit un rire pur et cristallin...
Et le temps passe encore et une belle nuit, elle lit dans les étoiles que désormais elle pourra elle aussi être aimée. Elle se rend alors à la fontaine de Sé, au milieu de la forêt de Colombiers. Là, elle quitte sa robe et entre dans l'eau claire pour s'y baigner au clair de la lune.

Cette même nuit, le jeune Raymondin galope dans la forêt . Droit devant lui, il ne fait rien pour éviter les branchages qui viennent lui déchirer le visage. Il a mal, la douleur le déchire car la fatalité a fait de lui un meurtrier. En effet, lors d'un terrible accident de chasse il a ôté la vie à son oncle Aimeri, le comte du Poitou.
Il galope pour oublier.
Si seulement il pouvait oublier !
Il galope sur sa monture hors d'haleine qui l'accompagne au bout de la folie...
La chevauchée maudite débouche dans une clairière où soudainement le cheval se met au pas. Raymondin pose pied à terre... et il s'approche de la fontaine, comme hypnotisé.
- Je t'attendais, lui dit la fée. Il n'y a pas de mots qui puissent te consoler, pas d'actes qui puissent revenir contre le temps passé. C'est le destin, nous devons y faire face car c'est le lot de toute créature qui pense et qui respire au monde.

Et Raymondin, en un clin d'œil, des profondeurs de la folie, des abîmes du désespoir, là où l'obscurité est si opaque que l'on s'y prend les pieds et que l'on tombe encore plus bas, et que l'on se relève pour tomber encore, et bien Raymondin est illuminé... par l'amour.
- Il faisait froid, dit-il. Mais cette étrange chaleur tout d'un coup... C'est vous ?
- Mais non, c'est toi !
- ...
- Je m'appelle Mélusine. Je vais t'accompagner et nous allons nous marier, Raymondin. Mais avant, tu dois promettre, tu dois me jurer que jamais que tu ne chercheras à me voir le samedi. A cette seule condition nous serons heureux.
Et Raymondin fait le serment attendu.

Mélusine lui conseille de retourner à la cour du nouveau comte du Poitou et de lui dire toute la vérité sur l'accident de chasse. Raymondin écoute son conseil, on lui pardonne, et il obtient même pour son mariage le fief de Lusignan.
Peut-être la fée a-t-elle tiré magiquement dans l'ombre les ficelles du destin en faveur de Raymondin... Qu'importe, les premières démonstrations au grand jour de ses pouvoirs sont spectaculaires : la nuit précédent les noces, elle bâtit une chapelle où a lieu la cérémonie et la forteresse de Lusignan dans laquelle le jeune couple s'installe.
Le bonheur est là, le pays est prospère.
Chaque nuit, Mélusine fait construire des châteaux, des abbayes et des chapelles, au petit peuple de la terre. Gnomes, lutins, farfadets, korrigans, à son service, de quelques pierres et d'un peu d'eau érigent les tours, clochers, dressent vers le ciel édifices et villes entières avant que le soleil ne reprenne sa course. Vouvant, Mervent, les forteresses de Tiffauge, Talmont et Partenay, la tour de Saint-Maixent, les tours de garde de La Rochelle et de Niort, l'église de Saint-Paul-en-Gâtine, et bien d'autres... Toutes ont eut le même architecte : Mélusine. Et si un curieux surprend la bâtisseuse au travail, elle s'arrête et laisse le chantier en l'état. C'est pour cette raison qu'il manque une fenêtre à Merrigoute ou la dernière pierre de la flèche de l'église de Parthenay.
Personne ne s'étonne ! Comme si c'était normal...
Parfois aussi on entend son rire enfantin qui soulage les peines les plus lourdes à porter.

L'amour qu'elle partage avec Raymondin est sans faille, limpide comme l'eau de la fontaine de Sé. Elle lui donne dix fils !
Dix enfants bien étranges... Bizarres comme on dit...
Antoine porte à sa joue une griffe de lion, Guion a un œil plus haut que l'autre, Geoffroy avec sa dent de plus d'un pouce, Urian avec un œil rouge et l'autre pers, Oron aux oreilles phosphorescentes semblables à celles d'un chien, Froimond gros nez, Thierry l'homme-singe, Raymond qui est transparent, Armand haut-comme-trois-pommes, et Renon le plus grand mais dont la langue traîne par terre.
La famille est riche, alors on ne pose pas trop de questions...
Mais tout de même
A bien y regarder
Quand on réfléchit un peu
Ça saute aux yeux !
C'est pas normal !
Pas normal...

Combien de Mataquas pourrissent le monde ? Combien de vipères...
Raymondin a un frère, le conte Forez.

- Écoute-moi, mon frère, c'est le soucis de ton honneur et de ton renom qui a guidé mes pas. Ton bonheur seul m'importe et tu sais bien que je sacrifierais tout ce qui m'appartient pour toi. Écoute-moi, mon frère, on jase en ville. Tes enfants, ta femme qui se cache une fois par semaine... M'est avis qu'elle pratique le coït, l'accorte bougresse, avec le démon !

Raymondin est noble et fier, alors au tout début, il refuse d'écouter les paroles de son frère. Manquer à sa promesse, trahir la confiance, il n'en est pas question une seule seconde...
Mais deux secondes...
Le venin, distillé, purifié, corrosif, coule...

On jase en ville...
Tes enfants...
Ta femme...
L'accorte bougresse...
M'est avis qu'elle pratique le coït !

Raymondin est noble et fier, alors il finit par douter. Sa confiance s'effrite. Un samedi, rongé jusqu'en son cœur crépitant, il se rend devant la porte interdite. Avec la pointe de son épée, il en perce le bois et il peut bientôt voir tout ce qui se trouve de l'autre coté.
Dans une immense cuve de marbre blanc, sa femme se baigne. Elle peigne ses longs cheveux, nue de la tête jusqu'au nombril. Dans l'eau trempe une gigantesque queue de serpent qui claque de temps à autres et projette des éclaboussures jusqu'à la voûte de la chambre.
- Trahison ! hurle Mélusine. Nous sommes, mon amour, tous deux damnés ! Toi parce que tu me perds à tout jamais et moi car je retourne au monde des esprits errants et sans abris !
Et elle disparaît par la fenêtre, comme une tornade, en poussant une longue plainte.

On prétend qu'elle n'abandonna pas ses enfants pour autant, et qu'elle revint régulièrement la nuit s'occuper d'eux, jusqu'à ce qu'ils fussent en âge de se passer d'elle. Ils grandirent, et selon la prophétie de Persine, donnèrent naissance à d'illustres lignées.
Trois mois avant la mort de Raymondin, qui s'était fait ermite à Montserrat, Mélusine apparut à chacun d'eux ; vision d'une femme tourmentée et gémissante, tournoyant seule en peine dans le ciel. De nos jours, on l'aperçoit encore lorsqu'une forteresse de la famille est vendue, ou bien encore lorsqu'un des héritiers de ses fils est proche du trépas.
Âme damnée, âme perdue, âme en peine...
Mélusine, la fée rieuse, la fée bâtisseuse.
Mélusine la fée amoureuse.

Plus je dirai et plus je mentirai.
Le récit de la fête est déjà la moitié de la fête
Un mot dit à l'oreille est parfois entendu de loin
On gagne toujours à taire ce qu'on n'est pas obligé de dire
Méfiez-vous des histoires...


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Mars 2013 à 15:24:23
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Les trois oranges d'amour

Il était une fois un prince qui ne riait jamais. Mais un jour, une femme dit :

- Moi, je le ferai rire ce prince, rire et pleurer.

Et la femme revêtit des haillons cousus avec de la ficelle, répandit ses cheveux sur ses épaules et au son d'un tambourin alla danser devant le prince qui se tenait accoudé au balcon de son palais.

Elle fit tant et tant en dansant fougueusement, que soudain la ficelle qui retenait ses vêtements se rompit et elle se retrouva toute nue au milieu de la rue. La voyant, le prince se mit à rire aux éclats.

La femme n'avait pas pensé qu'elle pourrait perdre son costume. Quand elle vit que le prince riait d'elle, elle lui dit :

- Plaise à Dieu que vous ne riiez jamais plus avant de trouver les trois oranges d'amour.

Dès cet instant, le prince se sentit bien triste. Un jour, il décida :

- Je veux m'amuser et rire. J'irai chercher les trois oranges d'amour où quelles soient.

Et il partit à leur recherche, marchant de village en village. Un matin, il rencontra la femme qui lui avait jeté la malédiction, mais il ne la reconnut pas.

- Où allez-vous ? lui demanda-t-elle.

- Je cherche les trois oranges d'amour.

- Elles sont très loin d'ici ; trois chiens les gardent au fond d'une grotte. Allez vers le nord et vous la trouverez nichée au creux d'un amas de rochers.

Le prince acheta trois pains et se remit en route. À la fin, il arriva aux rochers qui abritaient la grotte. Au moment où il allait y pénétrer, un chien grognant apparut à l'entrée. Le prince lui jeta un pain et poursuivit son chemin.

À quelques pas de là, il vit, planté devant lui, un autre chien ; il lui jeta le deuxième pain et put avancer.

Plus loin encore, se tenait le troisième chien. Le prince le régala lui aussi, avec le troisième pain, et continua son exploration. Tandis que les chiens mangeaient les pains, il déboucha dans une salle où il y avait une table en or garnie de trois boîtes. Il les saisit et s'enfuit. Chacune d'elles contenait une orange d'amour.

Après avoir marché plusieurs heures, il s'assit sous un frêne et dit :

- Je vais ouvrir une boîte.

Il l'ouvrit, et l'orange se mit à parler :

- De l'eau ! de l'eau ! sinon je vais mourir. De l'eau, je me meurs !

Mais le prince n'avait pas d'eau et l'orange mourut.

Il reprit sa route et arriva à une auberge ; il y commanda à manger, une jarre de vin et une autre d'eau.

Il ouvrit la deuxième boîte, et l'orange se mit à parler :

- De l'eau ! de l'eau ! sinon je vais mourir. De l'eau, je me meurs !

Mais le prince au lieu de prendre la jarre d'eau prit celle emplie de vin, la versa dans la boîte, et l'orange mourut.

Son chemin le mena dans une montagne où coulait une rivière ; il s'y arrêta et ouvrit la troisième boîte. L'orange se mit à parler :

- De l'eau ! de l'eau ! sinon je vais mourir. De l'eau, je me meurs !

- Cette fois, dit le prince, tu ne pourras pas mourir faute d'eau.

Et il jeta la boîte dans la rivière.

Aussitôt, un nuage d'écume se forma sur l'eau et une princesse plus belle que le soleil en sortit.

Le prince l'emmena avec lui et l'épousa au premier village qu'ils rencontrèrent.

Un an après, la naissance d'un fils augmenta encore leur bonheur.

Mais un jour, le prince annonça à son épouse :

- Il nous faut retourner voir ma famille ; je n'ai donné aucune nouvelle au roi mon père depuis que j'ai quitté le palais.

Ils se mirent donc en route et à l'entrée de la ville où vivait son père, le prince dit à sa princesse :

- Reste assise au pied de cet arbre, près de la fontaine, pendant que je vais annoncer notre arrivée au roi mon père. Je reviendrai très vite te chercher.
La princesse s'assit au pied de l'arbre, son fils endormi au creux de ses bras.
C'est alors que passa la femme qui avait jeté la malédiction au prince. Elle s'approcha de la fontaine pour boire et vit dans l'eau le reflet d'un visage d'une incommensurable beauté. Elle se redressa en reculant et dit :

- Je suis très belle !

Elle se rapprocha peu à peu de la fontaine et l'eau réfléchissait toujours le même visage, plus resplendissant que jamais. Elle se recula à nouveau en répétant :

- Je suis très belle !

C'est alors que, s'approchant pour la troisième fois de la fontaine, elle vit que le visage reflété par l'eau était en fait celui de la princesse. Elle lui demanda :

- Que faites-vous ici ?

- J'attends le prince, mon mari.

- Quel bel enfant vous avez ! Donnez-le-moi un moment, je le tiendrai pendant que vous vous reposerez.

À contre-coeur, la princesse tendit son enfant à la femme. Alors celle-ci lui dit :

- Quels beaux cheveux vous avez, princesse ! Sûrement plus fins que de la soie. Mais vous êtes toute décoiffée.

En même temps qu'elle faisait semblant de lui arranger son chignon, elle lui enfonça une épingle dans la tête, et la princesse se transforma en colombe.

La femme, qui était une sorcière, prit l'apparence de la princesse, posa l'enfant sur ses genoux et s'assit au pied de l'arbre en attendant le prince. À son retour, celui-ci dit à celle qu'il croyait être son épouse :

- On dirait que ton visage a changé.

- C'est à cause du soleil qui m'a bruni la peau ; ça disparaîtra dès que je serai reposée des fatigues du voyage. Allons-y.

Ils se dirigèrent vers le palais royal. Peu de temps après le roi mourut, son fils hérita du trône et la sorcière devint donc reine.

Pendant ce temps, tous les matins, la colombe venait voler dans le verger du roi ; elle se posait sur un arbre, mangeait un fruit et disait

- Jardinier du roi !

- Madame ?

- Que font le roi et la reine mauresques ?

- Ils mangent, ils boivent et se reposent à l'ombre.

- Et l'enfant ? Que fait-il ?

- Par moments il chante, par moments il pleure.

- Pauvre amour de sa mère, qui erre seule dans la montagne !

Un jour, le jardinier répéta au roi la conversation qu'il avait tous les matins avec la colombe. Le roi lui ordonna alors d'attraper l'oiseau pour le donner à l'enfant. Dès qu'il fut en leur possession, la reine voulut tuer l'oiseau.

L'enfant passait de longs moments à jouer avec la colombe. Un jour, il remarqua qu'elle se grattait sans cesse la tête avec sa patte. Il y trouva l'épingle qui était plantée. Il l'arracha, et aussitôt la colombe se transforma en reine.

L'enfant éclata en sanglots et la reine lui dit :

- Ne pleure pas mon fils, car je suis ta mère.

Elle saisit l'enfant, le couvrit de baisers. À ce moment, le roi arriva et tomba dans les bras de la reine. Celle-ci lui raconta comment elle avait été ensorcelée par la sorcière au bord de la fontaine.

On brûla la sorcière sur la place publique, et le roi et la reine vécurent longtemps heureux.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 17 Mars 2013 à 15:42:21

(http://img11.hostingpics.net/pics/665051allumettes.gif)

La petite fille aux allumettes

Il faisait effroyablement froid ; il neigeait depuis le matin ; il faisait déjà sombre ; le soir approchait, le soir du dernier jour de l'année. Au milieu des rafales, par ce froid glacial, une pauvre petite fille marchait dans la rue : elle n'avait rien sur la tête, elle était pieds nus. Lorsqu'elle était sortie de chez elle le matin, elle avait eu de vieilles pantoufles beaucoup trop grandes pour elle. Aussi les perdit-elle lorsqu'elle eut à se sauver devant une file de voitures ; les voitures passées, elle chercha après ses chaussures ; un méchant gamin s'enfuyait emportant en riant l'une des pantoufles ; l'autre avait été entièrement écrasée.
Voilà la malheureuse enfant n'ayant plus rien pour abriter ses pauvres petits petons. Dans son vieux tablier, elle portait des allumettes : elle en tenait à la main un paquet. Mais, ce jour, la veille du nouvel an, tout le monde était affairé ; par cet affreux temps, personne ne s'arrêtait pour considérer l'air suppliant de la petite qui faisait pitié. La journée finissait, et elle n'avait pas encore vendu un seul paquet d'allumettes. Tremblante de froid et de faim, elle se traînait de rue en rue.
Des flocons de neige couvraient sa longue chevelure blonde. De toutes les fenêtres brillaient des lumières : de presque toutes les maisons sortait une délicieuse odeur, celle de l'oie, qu'on rôtissait pour le festin du soir : c'était la Saint-Sylvestre. Cela, oui, cela lui faisait arrêter ses pas errants.
Enfin, après avoir une dernière fois offert en vain son paquet d'allumettes, l'enfant aperçoit une encoignure entre deux maisons, dont l'une dépassait un peu l'autre. Harassée, elle s'y assied et s'y blottit, tirant à elle ses petits pieds : mais elle grelotte et frissonne encore plus qu'avant et cependant elle n'ose rentrer chez elle. Elle n'y rapporterait pas la plus petite monnaie, et son père la battrait.
L'enfant avait ses petites menottes toutes transies.»Si je prenais une allumette, se dit-elle, une seule pour réchauffer mes doigts ?» C'est ce qu'elle fit. Quelle flamme merveilleuse c'était ! Il sembla tout à coup à la petite fille qu'elle se trouvait devant un grand poêle en fonte, décoré d'ornements en cuivre. La petite allait étendre ses pieds pour les réchauffer, lorsque la petite flamme s'éteignit brusquement : le poêle disparut, et l'enfant restait là, tenant en main un petit morceau de bois à moitié brûlé.
Elle frotta une seconde allumette : la lueur se projetait sur la muraille qui devint transparente. Derrière, la table était mise : elle était couverte d'une belle nappe blanche, sur laquelle brillait une superbe vaisselle de porcelaine. Au milieu, s'étalait une magnifique oie rôtie, entourée de compote de pommes : et voilà que la bête se met en mouvement et, avec un couteau et une fourchette fixés dans sa poitrine, vient se présenter devant la pauvre petite. Et puis plus rien : la flamme s'éteint.
L'enfant prend une troisième allumette, et elle se voit transportée près d'un arbre de Noël, splendide. Sur ses branches vertes, brillaient mille bougies de couleurs : de tous côtés, pendait une foule de merveilles. La petite étendit la main pour saisir la moins belle : l'allumette s'éteint. L'arbre semble monter vers le ciel et ses bougies deviennent des étoiles : il y en a une qui se détache et qui redescend vers la terre, laissant une traînée de feu.
«Voilà quelqu'un qui va mourir» se dit la petite. Sa vieille grand-mère, le seul être qui l'avait aimée et chérie, et qui était morte il n'y avait pas longtemps, lui avait dit que lorsqu'on voit une étoile qui file, d'un autre côté une âme monte vers le paradis. Elle frotta encore une allumette : une grande clarté se répandit et, devant l'enfant, se tenait la vieille grand-mère.
-Grand-mère, s'écria la petite, grand-mère, emmène-moi. Oh ! tu vas me quitter quand l'allumette sera éteinte : tu t'évanouiras comme le poêle si chaud, le superbe rôti d'oie, le splendide arbre de Noël. Reste, je te prie, ou emporte-moi.
Et l'enfant alluma une nouvelle allumette, et puis une autre, et enfin tout le paquet, pour voir la bonne grand-mère le plus longtemps possible. La grand-mère prit la petite dans ses bras et elle la porta bien haut, en un lieu où il n'y avait plus ni de froid, ni de faim, ni de chagrin : c'était devant le trône de Dieu.
Le lendemain matin, cependant, les passants trouvèrent dans l'encoignure le corps de la petite ; ses joues étaient rouges, elle semblait sourire ; elle était morte de froid, pendant la nuit qui avait apporté à tant d'autres des joies et des plaisirs. Elle tenait dans sa petite main, toute raidie, les restes brûlés d'un paquet d'allumettes.
-Quelle sottise ! dit un sans-coeur. Comment a-t-elle pu croire que cela la réchaufferait ? D'autres versèrent des larmes sur l'enfant ; c'est qu'ils ne savaient pas toutes les belles choses qu'elle avait vues pendant la nuit du nouvel an, c'est qu'ils ignoraient que, si elle avait bien souffert, elle goûtait maintenant dans les bras de sa grand-mère la plus douce félicité.

Hans Christian Andersen
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 17 Mars 2013 à 15:47:48
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Aladin et la lampe merveilleuse

Il était une fois, dans le lointain pays du coté ou le soleil se lève, une veuve qui avait un fils du nom d'Aladin. Ils étaient très pauvres, et pendant que sa mère s'éreintait au travail, Aladin passait son temps à vagabonder avec les enfants de son âge.
Un après-midi, alors qu'il jouait avec ses amis sur la place du village, un mystérieux étranger s'approcha de lui. L'homme était richement vêtu ; il portait un turban orné d'émeraudes et de saphirs, et sa petite barbe noire faisait ressortir l'étrange éclat de ses yeux qui étaient plus sombres que le charbon.
- N'es-tu pas Aladin, fils de Mustapha le tailleur ? dit l'homme.
- Oui, monsieur, c'est bien moi, répondit Aladin.
- Mon garçon aimerais-tu gagner beaucoup d'argent... cent roupies ?
- Oh ! oui, monsieur ! je ferais n'importe quoi pour ramener autant d'argent à ma mère !
- Alors écoute Aladin, il te suffira de passer par une trappe trop petite pour moi et me rapporter une vieille lampe.

Aladin suivit donc l'homme à la barbe noire jusqu'en un endroit très éloigné du village. ils soulevèrent une lourde pierre et le garçon svelte et agile, se faufila par l'étroite ouverture. Quelques marches s'enfonçaient dans le sol. L'homme retira l'anneau qu'il portait au doigt et le tendit à Aladin :
- Mets cet anneau, il te protégera du danger.
Au bas des marches, Aladin découvrit une grande caverne. Elle était remplie de coffres, de jarres en or qui débordaient de bijoux, des arbres croulant sous le poids de fruits en pierres précieuses, de grandes coupes pleines de diamants et de perles de nacre : un trésor immense !

Aladin fut soudain tiré de sa stupeur par une voix qui criait :
- La lampe, la lampe Aladin, apporte moi la lampe !
Le garçon regarda tout autour de lui et finit par apercevoir une vieille lampe à huile posée sur un coffre. Elle semblait bien terne au milieu de toutes ces richesses. Pourquoi l'étranger voulait-il cette lampe sans valeur alors que la caverne renfermait un immense trésor ? C'était sans doute un magicien...
Aladin, inquiet, prit la lampe et remonta lentement vers la surface.
- vas-tu te dépêcher ! reprit l'homme, donne-moi la lampe !
- Aider moi à sortir, répondit Aladin.
- Donne-moi la lampe d'abord ! Hurla l'étranger.
Inquiet, Aladin mit la lampe dans sa poche et redescendit les marches sans répondre.
- Et bien puisque tu t'y plait tant, reste ici pour l'éternité !
Et, de rage, l'homme fit rouler la lourde pierre sur l'étroite ouverture.

Perdu, seul dans le noir, Aladin se tordait les mains de chagrin et de désespoir.
Soudain l'anneau qu'il portait au doigt se mit à briller. Une imposante créature apparut, avec des yeux comme des flammes. Il était plus grand qu'un géant. Sa voix fit trembler la caverne :
- Je suis le génie de l'anneau. Parle et j'obéirai !
- Je veux rentrer chez moi, murmura Aladin.
Aussitôt, Aladin se retrouva auprès de sa mère, à qui il raconta son étrange aventure. Comme elle refusait de le croire, le garçon lui donna la vielle lampe. Alors, tout en l'écoutant, elle commença à astiquer la lampe pour lui donner un peu d'éclat pour pouvoir la revendre au marché.

Quand elle eut frotté trois fois, il sortit de la lampe, au milieu d'une épaisse fumée, un autre génie encore plus effrayant que celui de l'anneau.
- Je suis le génie de la lampe, parle et j'obéirai !

A partir de ce jour, Aladin et sa mère ne manquèrent plus de rien. Quels que fussent leurs désirs, le génie les exauçait sur le champs. Ils devinrent même les personnes les plus riches et les plus généreuses de la région.

Les années passèrent. Aladin était maintenant un grand et beau jeune homme. Un matin, au marché, il croisa Badroulboudour, la fille du Sultan. Il en tomba fou amoureux. Après l'avoir mis à l'épreuve, le Sultan finit par accorder la main de la princesse à Aladin. Il y eut un somptueux mariage, puis Aladin et Badroulboudour s'en allèrent habiter un magnifique palais que le génie avait fait surgir dans la nuit. Un jour que la princesse était seul au palais, un étrange marchand s'arrêta sous sa fenêtre.
- J'échange vos vielles lampes contre des neuves criait-il.
- La princesse le prit pour un fou, mais comme il insistait et qu'elle ignorait le secret du génie, elle alla chercher la vieille lampe et l'échangea au marchand.

Celui-ci n'était autre que le mauvais magicien qui ayant appris qu'un ancien mendiant du nom d'Aladin épousait une princesse, il se doutait bien qu'il ne pouvait s'agir que d'une affaire de génie. Aussitôt le magicien frotta la lampe trois fois et, sous le regard effrayée de Badroulboudour, fit apparaître le génie.
- Je suis le génie de la lampe parle et je t'obéirai.
- Je suis le magicien noir, ton nouveau maître. Tu dois m'obéir en tout.
- Oui mon maître, commande que je t'obéisse.
Le magicien ordonna au génie de les transporter, lui, la princesse et le palais dans un pays très lointain au delà des mers.

La disparition de la princesse Badroulboudour, plongea Aladin dans une grande tristesse.

Le sultan voyant que le palais et sa fille avaient disparu commanda que l'on jette Aladin dans un cachot et que l'on lui coupe la tête le lendemain matin. Dans le sombre cachot, en se tordant les mains de désespoir Aladin se souvint de l'anneau. Une fois encore, il eut recours au génie de l'anneau.
- Emmène moi où se trouve ma bien aimée, lui demanda-t-il, je ne peux vivre sans elle.
En un éclair, Aladin se retrouva dans la cuisine de son palais. Devant lui Badroulboudour préparait le repas du magicien.

- Aladin, toi ici ?
- Vite mon amour, prends cette poudre et mets la dans le repas du magicien ! Aie confiance en moi.
Ainsi on entendit bientôt les ronflements du mauvais magicien, vaincu par le somnifère.

Aladin s'empara de la lampe et fit surgir le génie. Il lui ordonna de les ramener au plus vite dans leur pays. Le sultan pleura de joie en retrouvant sa fille et son gendre. Toute la ville célébra le retour d'Aladin et de la princesse par de grandes fêtes qui durèrent tout un mois. Quant au méchant magicien, il fut chassé du royaume et l'on entendit plus jamais parler de lui.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Mars 2013 à 15:57:36
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Le petit cheval bossu

Il était une fois un vieil homme qui vivait avec sa vieille femme. Ils n'avaient pas eu d'enfants, mais ils en avaient adopté un. Quand leur fils adoptif fut devenu grand, les gens l'obligèrent à partir de chez eux. Il alla par les routes et les chemins, et il rencontra un vieil homme qui lui demanda:
- Où vas-tu, bon gaillard?
- Je vais là où mon regard se porte, sans le savoir moi-même. Je vivais chez de bons vieux, j'étais comme leur fils, mais je n'ai pas eu le choix, on m'a forcé à les quitter.
- Je te plains, bon gaillard! - répondit le vieux - Mais prends cette bride et va vers ce lac. Là-bas, tu verras un arbre, escalade-le et cache-toi dans son feuillage. Soixante-dix sept juments accourront, elles boiront, elles mangeront, elles se rouleront dans l'herbe et ensuite elles repartiront. Et un petit cheval bossu viendra. Marche alors tout autour de lui, mets lui la bride, puis va où il te plaira.

Le fils adoptif prit la bride. Comme on lui avait dit, il fit le tour du petit cheval puis il s'assit sur son dos et se mit en chemin. Il alla par ci, il alla par là. Il alla de ci, il alla de là. Et il aperçut sur une haute montagne quelque chose qui étincelait, comme un feu qui brûle. Il monta là-haut et découvrit une plume merveilleuse. Il descendit de cheval et voulut ramasser la plume. Le petit cheval bossu lui dit:
- Ne prends pas cette plume, bon gaillard, par elle tu auras du malheur!
Mais le bon gaillard n'écouta pas. Il prit la plume et continua sa route vers un autre royaume. Il y arriva, et s'engagea au service d'un ministre. Le tsar vit l'enfant adoptif, lui fit louange de son adresse et de son agilité. Là où il en fallait dix, il faisait tout seul. Le ministre ajouta:
- Et savez-vous, Votre Altesse Royale, quelle merveilleuse plume il possède ?

Le tsar ordonna d'aller chercher la plume et de la lui montrer. Il tomba en admiration devant cette plume, et se prit d'affection pour le fils adoptif. Il le prit auprès de lui et le fit ministre. Et on mit le petit cheval dans les écuries du tsar.
Mais voilà, les autres dignitaires ne comprenaient pas pourquoi le tsar avait une telle bienveillance pour lui. C'était un simple serviteur, et il était soudain devenu ministre! Le secrétaire du tsar passa à côté d'eux et leur demanda:
- Mes frères, à quoi réfléchissez-vous? Si vous voulez, je vous donne un conseil. Restez tous ensemble, et baissez le nez. Le tsar va passer près de vous et demandera: "Qu'est-ce qui vous rend si pensifs? Avez-vous entendu parlé de quelque adversité?". Alors vous, répondez: "Non, Votre Majesté, nous n'avons rien entendu de mal, mais nous avons seulement appris que votre jeune ministre se fait fort de capturer l'oiseau à la plume merveilleuse."
Et ils firent ainsi. Le tsar convoqua alors son jeune ministre, lui dit ce qu'il avait entendu à son sujet et lui ordonna de lui ramener l'oiseau. Le bon gaillard, alla vers son petit cheval, tomba à genoux devant lui et lui dit:
- J'ai promis au tsar de lui ramener cet oiseau.
- Voilà, je t'avais dit: "Ne prends pas cette plume, ... il y aura du malheur!" Bon, ce n'est pas encore un malheur, ce n'est qu'un petit ennui. Va-voir le tsar, et dis-lui qu'on te fasse une cage. Certaines de ses portes s'ouvriront et les autres se fermeront. Et qu'il y ait deux coffrets dans cette cage, l'un plein de grosses perles et l'autre rempli de petites.

Le bon gaillard transmit cette demande au tsar, et tout fut réalisé sur-le-champ.
- Bien - dit le petit bossu - maintenant nous allons nous rendre vers cet arbre.
Le fils adoptif parvint à l'endroit indiqué. Il installa la cage dans l'arbre et lui-même se cacha dans l'herbe. L'oiseau arriva, il vit les perles et pénétra dans la cage. Les portillons se refermèrent sur lui. Le fils adoptif prit la cage, l'apporta au tsar et la lui remit:
- Voilà, Majesté, l'oiseau à la plume merveilleuse.

Le tsar le chérit encore plus. Et les dignitaires du royaume le détestèrent, encore plus qu'avant. Ils se réunirent et se mirent à chercher une idée pour s'en débarrasser. Passa le secrétaire du tsar qui leur dit:
- Si vous voulez, je vais vous donner un conseil. Dans un instant le tsar passera à coté de vous, il vous demandera: "A quelle idée réfléchissez-vous? Avez-vous entendu parler de quelque mauvaise chose?". Et vous, dites: "Nous avons appris que votre jeune ministre prétend dénicher en trois mois cette fiancée magnifique, que votre Majesté recherche en mariage depuis trente trois ans sans pouvoir y parvenir".

Le tsar écouta ces paroles, et éprouva une joie immense. Aussitôt, il envoya chercher son jeune ministre, et lui ordonna de lui amener sans faute cette magnifique fiancée. Celui-ci en fit la promesse. Et il alla voir le petit cheval bossu, se mit à genoux devant lui, et lui demanda son aide. Le petit bossu répondit:
- Je t'avais dit "Ne prends pas cette plume, ... il y aura du malheur!" Bon, ce n'est pas encore un malheur, ce n'est qu'un petit ennui. Va voir le tsar, dis-lui qu'il ordonne de construire un navire, de le recouvrir de velours rouge, de le charger d'or et d'argent et de toutes sortes de pierreries. Et il faudra que ce navire aille aussi bien sur l'eau que sur la terre ferme.
Le fils adoptif transmit la demande au tsar, et tout fut terminé en peu de temps. Il s'installa sur le navire, et emporta le petit bossu avec lui. Le navire traversa les terres et les mers et, finalement, accosta dans le royaume de Demoiselle-tsar.

A ce moment-là, Demoiselle-tsar s'apprêtait à se marier avec un quelconque roi. Elle avait envoyé ses gouvernantes et ses nourrices acheter ce qui lui était nécessaire pour ses noces. Ses gouvernantes et ses nourrices aperçurent le navire. Elles accoururent vers Demoiselle-tsar et lui annoncèrent que des marchandises venaient d'arriver de lointaines contrées. Demoiselle-tsar se rendit là-bas, monta dans le bateau, et ne put détacher ses yeux des raretés venues d'au-delà des mers...et elle ne remarqua pas que, depuis un moment déjà, le bateau repartait en l'emportant. Quand elle revint à elle, c'était trop tard.
- Jusqu'à maintenant - se dit-t'elle - personne n'avait jamais pu me tromper. Je n'avais jamais connu personne de plus sage que moi. Mais voilà, il s'est trouvé un tel roublard, qui a pu me jouer un pareil tour !

On l'amena au tsar. Celui-ci se la destina comme épouse, mais elle lui dit:
- Rapporte moi le coffre qui contient mes parures, et alors je serai à toi!
Le tsar donna ses ordres à son jeune ministre. Celui-ci l'écouta, alla voir le petit cheval et lui raconta l'affaire. Le petit bossu dit:
- Va maintenant tout seul par cette route. Tu auras une faim terrible, mais ce qui te tomberas sous la main, tu ne dois pas le manger.

Le fils adoptif se mit en chemin. Il tomba sur une écrevisse. Une faim violente s'empara du bon gaillard :
- Et si je mangeais cette écrevisse!
L'écrevisse répondit:
- Ne me mange pas, bon gaillard! Dans peu de temps, je te serai utile.
Il alla plus loin et trouva un brochet échoué sur le sable.
- Et pourquoi pas manger ce brochet ?
- Ne me mange pas, bon gaillard! - lui dit le brochet - Dans peu de temps, en personne, je te serai utile.
Il s'approcha d'une rivière et regarda. L'écrevisse portait des clefs, et le brochet traînait un coffre. Il prit les clefs et le coffre, et les apporta au tsar.
Alors Demoiselle-tsar dit:
- On a su m'apporter mon trousseau, sachez ramener ici mes soixante-dix sept juments, qui paissent par les vertes prairies au milieu des montagnes de cristal.


Le tsar confia cette affaire à son jeune ministre et celui-ci, à genoux devant son petit cheval, lui fit ses demandes.
- Je t'avais dit "Ne prends pas cette plume, ... il y aura du malheur!". - lui dit le petit bossu - Bon, ce n'est pas encore un malheur, ce n'est qu'un petit ennui. Va voir le tsar, dis-lui qu'il ordonne de construire une écurie dont certaines portes s'ouvrent et d'autres se ferment. Ainsi fut-il demandé, ainsi fut-il fait, au plus vite. Le bon gaillard se rendit à cheval vers l'arbre où il avait trouvé autrefois le petit cheval bossu, et il se cacha dans la verdure. Les juments accoururent, elles burent, mangèrent et se roulèrent dans l'herbe.
- Bon, - dit le petit cheval - monte vite sur moi, et éperonne tant que tu peux, pour que je galope de toutes mes forces et que les juments ne nous dévorent pas.

Le petit cheval bondit avec le bon gaillard sur le dos et il galopa de tout son souffle. Il galopa un peu, il galopa longtemps, et pénétra comme une flèche tout droit dans l'écurie avec les juments à ses trousses. Dès qu'il en sortit par l'autre côté, les portes claquèrent. Et les juments restèrent enfermées dans l'écurie.

On fit le rapport au tsar. Il alla annoncer la nouvelle à Demoiselle-tsar, mais celle-ci répondit:
- Je me marierai avec toi, quand on aura trait toutes les soixante-dix sept juments!

Le tsar donna ses ordres au jeune ministre. Celui-ci se rendit une nouvelle fois auprès du petit cheval bossu, et, en larmes, il implora son aide:
- Va voir le tsar, et dis-lui qu'il ordonne de fabriquer un chaudron qui puisse contenir soixante-dix sept seaux.
On construisit le chaudron. Le petit cheval dit à son maître:
- Enlève ma bride, va faire le tour de l'écurie, ensuite mets-toi sans crainte sous chaque jument, trais-lui un seau de lait et verse-le dans le chaudron.
Le bon gaillard fit ainsi.
On informa le tsar que le lait des juments était trait. Celui-ci se rendit auprès de Demoiselle-tsar qui répondit:
- Ordonne de faire bouillir ce lait, et baigne-toi dedans.

Le tsar fit appeler son jeune ministre et il lui ordonna de prendre le bain en premier. Le bon gaillard versa des larmes amères. Il alla vers le petit bossu et tomba à genoux:
- Maintenant, ma fin est arrivée.
Et le petit cheval en réponse:
- Je t'avais dit: "Ne touche pas à cette plume, ... il y aura du malheur". Et voilà, c'est arrivé! Bon, rien à faire, il faut te tirer d'embarras. Monte sur moi, allons au lac, cueille la même herbe que les juments mangent, fais-en une décoction et barbouille-toi de la tête aux pieds.

Le bon gaillard fit tout ce que lui avait ordonné le petit bossu. Puis, il revint, se jeta dans le lait bouillant, nagea au milieu du chaudron, prit son bain... cela ne lui faisait rien. Demoiselle-tsar ordonna de réchauffer le lait. Lorsque le lait se remit à bouillir, le petit cheval plein d'entrain se précipita vers le chaudron , par trois fois il but, et il bouscula le bon gaillard. En sortant de son bain de lait brûlant, celui-ci était devenu un homme superbe, d'une telle beauté qu'on ne peut ni la raconter dans un conte, ni la décrire de sa plume. Le tsar vit que son ministre était sain et sauf, il prit son courage à deux mains et se jeta lui-même dans le chaudron... et à la minute même, il fut cuit.

Demoiselle-tsar sortit de ses appartements prit le bon gaillard par la main et dit:
- Je sais tout. Ce n'est pas le tsar, mais toi qui as fait mes volontés. Je me marierai avec toi!

Et le lendemain, ils firent des noces mémorables.


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Mars 2013 à 16:08:36
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Le génie de la forêt

Il était une fois dans un pays très lointain qu'on appelle le Paraguay, un pauvre fermier et sa femme qui travaillaient très dur sur leur lopin de terre. La sol était tellement sec que leurs outils se cassaient souvent et qu'à chaque coup, un nuage de poussière s'élevait de la terre. Ils gagnaient donc juste de quoi vivre mais quand on dit juste de quoi vivre, c'était juste de quoi vivre. Jamais de superflus chez José et Anina mais malgré tout c'étaient des gens très gentils, heureux de vivre.
Un jour, Anina reçut la visite d'un voisin qui lui dit qu'à une journée de marche de chez eux, un riche fermier ne pouvait trouver suffisamment de travailleurs pour l'aider à la récolte. Elle proposa à son mari :
- Pourquoi n'irions-nous pas aider ce fermier? Ici, nous mourons presque de faim. Chez lui, nous pourrions gagner suffisamment d'argent pour vivre décemment.
Son mari la regarda, préoccupé et lui dit sur le ton de la confidence :
- Je ne dis pas non mais ne sais-tu pas que cette région est habitée par le grand génie de la forêt? C'est un ogre immense, poilu, à la barbe rouge sang et aux yeux de jais qui lancent des éclairs. Il dévore tous les hommes qu'il rencontre et ramène les femmes chez lui afin qu'elles travaillent pour lui. Le danger n'est écarté que l'après-midi, car c'est à ce moment qu'il dort. Je n'ai pas tellement envie d'y aller. Ca ne m'étonne pas que ce fermier ne trouve plus suffisamment de gens pour rentrer la récolte. Tout le monde a peur. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée d'aller habiter aussi près d'un tel monstre.
- Moi je n'ai pas peur ! dit Anina, en riant. Je resterai à l'intérieur et je n'irai faire les courses que l'après-midi. Je t'en prie, allons-y. Je pense que c'est la meilleure chose qui puisse nous arriver !
Fatigué d'entendre sa femme lui dire tous les bénéfices qu'ils pourraient tirer de leur nouvelle situation, José finit par accepter. Ils emballèrent leurs maigres affaires et quittèrent leur misérable chaumière en quête d'une vie meilleure.
Après un jour de marche, ils arrivèrent chez le riche fermier. Celui-ci possédait une magnifique ferme située loin de la forêt du génie. En outre, de nombreux hommes faisaient des rondes afin d'empêcher le génie d'entrer.
On donna immédiatement du travail à José aux champs et le fermier leur indiqua une maisonnette à l'orée de la forêt, où ils pourraient habiter.
- Vous pourrez vivre ici en toute tranquillité, dit le fermier à Anina. Veille toutefois à rester à l'intérieur. Ne sors que l'après-midi, car c'est le moment où le génie de la forêt se repose. Je vous ferai apporter de la nourriture tous les jours par mes hommes afin que vous ne couriez aucun danger.
Et c'est ce qui se passa. Chaque jour, les hommes de la ferme leur apportaient des vivres. José gagnait bien sa vie en travaillant aux champs et ils étaient très très heureux. Ils n'avaient pas aperçu le génie de la forêt et Anina en venait à douter de son existence. Mais elle se trompait! Caché dans la forêt, il l'avait déjà observée à plusieurs reprises. Il en était même tombé un peu amoureux. Toutefois, il ne pouvait s'approcher d'elle, car elle restait toujours aux alentours de la maison. Un jour, il y avait tellement de travail à la ferme que le fermier avait complètement oublié d'envoyer ses hommes porter de la farine et des haricots à la maisonnette. Anina se tracassait. Quand vint l'après-midi, elle voulut se rendre à la ferme elle-même pour aller chercher de quoi manger.
Reste donc ici, lui dit José, inquiet. Imagine que tu rencontres le génie et qu'il t'emmène. Que ferais-je sans toi ?
Mais Anina se moqua de lui.
C'est l'après-midi, répondit-Anina. Le génie est en train de dormir. Il n'y a aucun danger. Je rentrerai bien avant la tombée de la nuit. Ne t'inquiète pas. A tout à l'heure. Elle prit son grand panier et partit.
Elle suivit gaiement le long chemin qui menait à la grande ferme. Le fermier sursauta lorsqu'il la vit arriver.
- Ne m'en veux pas, dit-il à Anina. Il y avait tellement de travail! Je vais te donner le repas tout de suite. Tu ferais peut-être bien de dormir chez nous, car si tu pars maintenant, tu ne seras de retour chez toi que le soir tombé. Pense au génie de la forêt, petite!
Mais Anina ne voulut pas passer la nuit chez le fermier. Elle avait peur que José ne s'inquiète. Elle prit rapidement le chemin du retour. Soucieuse, elle regardait parfois le soleil qui descendait à l'horizon. Alors qu'elle était presque arrivée, le génie de la forêt jaillit de derrière un gros arbre et l'attrapa. Anina résista de toutes ses forces, mais ce fut peine perdue. Le génie l'emmena dans sa cabane au fin fond de la forêt. Là, Anina dut lui faire la lessive et la cuisine.
José était déjà rentré de son travail et attendait avec inquiétude le retour de sa femme. La nuit tombée, il partit à sa recherche. Près de l'orée de la forêt, il découvrit son panier à provisions rempli de vivres. Il eut très peur, car il était désormais sûr qu'Anina avait été enlevée par le génie de la forêt. Tristement, il ramassa le panier et retourna chez eux. Il faisait bien trop noir pour encore partir à sa recherche.
Sur le chemin du retour, il rencontra un vieux mendiant qui marchait à l'aide d'un bâton et qui lui demanda un peu de nourriture.
- Je n'ai rien sur moi, répondit José gentiment, mais accompagnez-moi, je vous préparerai quelque chose à manger.
Pendant que le vieux mendiant se restaurait, José lui raconta ses mésaventures.
Si vous m'autorisez à dormir ici, je vous aiderai demain à trouver la cabane du génie, proposa le mendiant.
José le regarda d'un air incrédule.
- Ne craignez-vous pas qu'il nous dévore? lui demanda-t-il, inquiet.
Le mendiant secoua la tête en riant.
- N'ayez pas peur, répondit-il. Je suis peut-être vieux, mais je ne suis pas encore tout à fait inutile Patientez un peu.
Le lendemain matin, les deux hommes partirent de bonne heure. Ils s'enfoncèrent dans la forêt. Après de longues recherches, ils découvrirent enfin la cabane du génie de la forêt. Ils se dissimulèrent derrière quelques buissons. José aperçut Anina sortir de la cabane et vider un seau d'eau. Elle était donc bien là. Quant au génie, il restait invisible.
- Il est peut-être parti chasser, dit José et il se dirigea vers la cabane pour aller chercher Anina.
Soudain, le génie jaillit de derrière la cabane en poussant un cri assourdissant. Il s'était caché afin de surprendre José.
- Ah, je vais me régaler doublement! s'exclama le génie. Enfin, pas tout à fait : l'un des deux est tout rabougri.
Il saisit les deux hommes de ses mains poilues. José cria, mais le vieux mendiant n'avait pas peur du tout.
- Si tu ne nous lâches pas, je te fais mordre par un serpent, dit-il fâché.
Le génie libéra immédiatement les deux hommes et regarda autour de lui.
- Je ne vois aucun serpent. Tu me prends pour un imbécile! maugréa-t-il. Viens ici, que, je te mange le premier. Je garde le savoureux jeune homme pour la fin.
Il tendit la main vers le vieil homme, mais au même moment, ce dernier jeta son bâton sur le sol. Le bâton se changea immédiatement en un gros serpent sifflant. Le génie eut très peur et n'osa plus bouger, car rien ne lui faisait plus peur que les serpents. Il mit ses grandes mains devant ses yeux. A présent, il ressemblait plus à un enfant effrayé qu'à un redoutable génie de la forêt.
- Eloigne ce serpent ! Eloigne cet affreux serpent! s'écria-t-il effrayé.
- Je ne le ferai que si tu promets de partir d'ici, répondit le vieux mendiant. Tu dois partir au-delà des montagnes et ne plus jamais revenir. Si tu le promets, je changerai à nouveau le serpent en bâton.
- D'accord! D'accord! Je partirai! répondit le génie de la forêt d'une voix tremblante.
Le vieux mendiant sourit.
- N'oublie pas! le prévint-il. Dès que tu reviendras importuner ces pauvres gens, je t'enverrai dix de ces serpents. Il prit le serpent par la queue et celui-ci se changea immédiatement en bâton. Le génie fit rapidement son baluchon tout en pleurnichant.De temps en temps, il jetait un coup d'oeil effrayé au vieux mendiant, mais celui-ci se contentait de l'observer calmement. Un peu plus tard, le génie partit en direction des hautes montagnes que le vieil homme lui avait indiquées. Contente et soulagée, Anina tomba dans les bras de son mari. Sans attendre, le mendiant mit le feu à la cabane du génie. S'il se retourne et voit la fumée, il saura qu'il n'a plus de maison et qu'il ne peut donc plus dormir ici, expliqua-t-il. Heureux, ils se dirigèrent vers leur maison. Le vieil homme resta encore quelques jours chez José et Anina. Mais un beau matin, il partit sans raison aucune et nul ne le revit jamais. José et Anina coulèrent des jours heureux. Depuis le départ du génie, de plus en plus de gens venaient travailler dans cette région du pays. On construisit plus de fermes, des magasins et des écoles. Le fermier offrit à José un meilleur emploi: il devait diriger le travail de tous les nouveaux travailleurs. Le fermier le payait bien, car depuis qu'il avait suffisamment de personnes pour cultiver la terre, il gagnait assez d'argent pour payer à ses employés un bon salaire.
José et Anina étaient donc très heureux et lorsqu'ils eurent un enfant l'année suivante, ils furent au comble du bonheur. Ils vécurent longtemps et heureux à l'orée de la forêt.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Mars 2013 à 17:26:04
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Caresse du vent

Il y a bien longtemps, si longtemps que nul ne se souvient du moment où c'était, vivait sur la terre un peuple en communion totale avec la nature. Ils chassaient, pêchaient, construisaient des embarcations dans des troncs d'arbres brûlés ou fabriquaient des mocassins pour ne pas avoir mal aux pieds. L'organisation de cette société était parfaite à bien des égards et les nombreuses tribus qui composaient ce peuple vivaient en harmonie.
Dans une de ces tribus, il y avait un chaman appelé "Celui-qui-Sait-Tout". Il avait le pouvoir de guérir les maladies et de communiquer avec le monde de l'au-delà et les forces spirituelles qui habitent chaque élément de la nature : les animaux, les plantes, les astres, la pluie... Celui-qui-Sait-Tout avait une fille très belle prénommée "Caresse-du-Vent". Tous les guerriers de la tribu rêvaient de l'épouser parce qu'elle était pourvue de nombreuses qualités. Elle ne regardait aucun des guerriers qui lui faisaient la cour. Tout le jour, elle rangeait, nettoyait, faisait mille corvées pour elle mais aussi pour ses voisins. Jamais elle ne refusait de rendre un servie. Son tepee était le mieux rangé de la tribu et tout le jour, elle était affairée.

Une nuit, pendant la saison des fruits bien mûrs, Caresse-du-Vent a fait un songe. Un Manitou lui est apparu.
Le Manitou est un personnage qui possède des dons surnaturels - c'est la représentation vivante d'une des forces de la nature.
Celui qui vient dans son rêve est le Manitou de l'Air. Il lui apprend qu'il l'aime depuis le premier jour où il l'a vue et que jamais elle ne trouvera sur la terre aucun homme qui réussira à la rendre aussi heureuse que lui.

Le matin, lorsqu'elle se réveille, elle se souvient très bien de son rêve et elle en est troublée. Elle sort de son tepee pour aller chercher de l'eau fraîche et trouve juste devant l'entrée une superbe paire de mocassins brodés de perles multicolores. Sa jeune sœur "Perle-d'Orage" qui sort en même temps qu'elle trouve les mocassins fort à son goût et les lui demande. Caresse-du-Vent les lui donne et toutes les deux partent vers la rivière.

Chaque nuit, le rêve se reproduit. Chaque matin, lorsqu'elle sort de son tepee, Caresse-du-vent trouve un nouveau présent devant l'entrée : un collier, une tunique de peaux, un bandeau, une ceinture. A chaque fois, elle donne les cadeaux à sa jeune sœur qui est bien heureuse d'avoir une sœur aussi généreuse.

Mais à force de mal dormir la nuit, Caresse-du-Vent perd sa gaieté naturelle et ses forces semblent d'amenuiser. Elle reste souvent songeuse pendant de longs moments. Son père qui l'observe depuis plusieurs lunes se résout à lui parler un soir car il a bien compris d'où venait le tourment de sa fille.

- Dis moi, Caresse-du-Vent, tu sembles bien triste depuis la lune des cerises rouges. T'est-il arrivé quelque chose ? Si tu as du souci, je peux certainement t'aider.

Caresse-du-Vent ne détourne pas les yeux. Elle s'assied à côté de son père et lui raconte l'objet de son trouble.

- Père, je suis jeune et il est grand temps que je prenne un époux mais nul guerrier de la tribu ne me plaît. Chaque nuit, dans mes songes, le Manitou de l'air me demande de devenir son épouse. Je ne sais pas quoi faire et surtout, je ne sais pas comment le rencontrer car je sens que je l'aime un peu plus chaque jour. Chaque matin, lorsque je m'éveille, je trouve un présent devant le tepee. Je l'offre à Perle-d'Orage car je ne peux accepter de si beaux présents.

Celui-qui-Sait-Tout n'est pas étonné. Il se met à réfléchir et demande à ne pas être dérangé durant trois jours. Il entonne alors un chant magique qu'il psalmodie. Au bout des trois jours, il appelle sa fille :

- Caresse-du-Vent, j'ai parlé au Grand-Esprit. Tu dois maintenant décider de ton avenir. Si tu veux trouver le Manitou de l'Air, il te faut quitter la tribu et entreprendre un long voyage pour retrouver celui que ton cœur aime. Le Grand-Esprit y met cependant une condition : jamais tu ne pourras revenir parmi nous car tu vas subir une métamorphose.

Caresse-du-Vent sent très bien ce qu'elle doit faire. Elle aime son père, sa jeune sœur et sa tribu mais elle est certaine aussi qu'elle aime plus que tout le Manitou de l'Air. Elle n'a pas peur d'une métamorphose. Elle rassemble quelques affaires et se met en chemin dès le matin du jour suivant après avoir serré longuement son père et sa sœur dans ses bras.

Elle marche tout le jour sans prendre le temps de s'arrêter. Au moment où le soleil est se couche, la faim commence à la tenailler. Elle s'installe dans le creux d'un gros rocher non loin d'un cours d'eau, mange quelques galettes de maïs et boit un peu d'eau. La fatigue l'enveloppe et elle s'endort bientôt. En rêve, elle voit à nouveau le Manitou qui lui dit qu'ils seront très bientôt réunit. Au matin, Caresse-du-Vent s'éveille. Au moment de se mettre debout, elle ne peut utiliser ses bras ; ceux-ci sont devenus de grandes ailes, ses pieds, des serres et son nez, un bec.

Avec beaucoup de difficultés, elle arrive sur le bord de la rivière et voit son reflet dans l'eau. D'une belle jeune femme, elle est devenue un aigle royal. Le choc est si grand, qu'elle se met à pleurer. Soudain, à côté de son reflet, elle voit un second reflet - un second aigle royal.

- Bonjour Caresse-du-Vent, je suis le Manitou de l'Air et le Manitou plus heureux du monde. En la regardant, il s'aperçoit de ses larmes qui ruissellent et tombent sur le sol. Pourquoi pleures-tu ? Ton père et ta sœur te manquent ? Es-tu malade ?

- Ce n'est rien répond-elle en essuyant ses larmes d'un coup d'aile. J'ai été surprise par mon apparence. Je suis moi aussi bien heureuse de te rencontrer enfin. Il y a si longtemps que je t'attends.

- Partons, dit le Manitou de l'Air. Les chasseurs ne vont pas tarder à arriver dans la plaine et il ne faudrait pas qu'il t'arrive quelque chose.

Si le Manitou de l'Air s'envola sans problème, Caresse-du-Vent éprouva bien plus de difficultés. Elle prit de l'altitude avec difficultés, manqua de retomber sur le sol mille fois mais finit par s'affranchir. Ils passèrent tous deux au-dessus de la tribu où vivait Caresse-du-vent juste au moment où le chaman sortait de son tepee. Celui-ci leva la tête et sourit. Il avait reconnu sa fille qui s'envolait vers son destin. Il ne fit cependant aucun signe et Caresse-du-vent poursuivit sa route avec un petit pincement de cœur.

Ils volèrent très longtemps et arrivèrent dans l'antre du Manitou de l'Air. Un désordre indescriptible y régnait. Tout était sans dessus-dessous. Le manitou de l'Air raconta à Caresse-du-Vent qu'il ne parvenait pas à remettre de l'ordre chez lui car le vent du Nord, le vent de l'Est, le vent de l'Ouest et le vent du Sud ne faisaient pas attention lorqu'ils rentraient de leurs voyages. Il avait beau leur demander de respecter sa demeure mais à chaque fois, au lieu de l'écouter, ils se mettaient à souffler plus fort encore.

Nullement découragée, Caresse-du-Vent entreprit de ranger sa nouvelle demeure. Sans doute précédée de sa réputation, aucun des vents n'osa jamais souffler à l'intérieur et la demeure resta propre et bien rangée.

Caresse-du-Vent et le Manitou de l'Air vivent depuis très heureux. De leur histoire, une expression est née : " L'air ne fait pas la chanson " évidemment, puisqu'il fait les grandes histoires d'amours.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Mars 2013 à 15:40:21
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L'étoile

Une nuit, alors que tout était calme et froid dans le désert, une nouvelle étoile apparut dans le ciel de notre pays.
Aussitôt, le sultan déclara qu'elle lui appartenait, et que lui seul pouvait décider de ce qu'il fallait en faire. Contemplant les ténèbres du haut de la plus grande tour de son palais, il pointa sa fine barbe noire vers le ciel, et dit :
« C'est moi qui l'ai vue le premier ! C'est donc à moi et à nul autre que revient le privilège de posséder ce nouvel astre ! À compter de ce jour, il fait partie intégrante de mon empire ! »
Comme personne n'avait envie de s'attirer des ennuis inutiles, on ne discuta pas.
Le sultan a toujours aimé les choses merveilleuses. Il a, paraît-il, une vie onirique fort chargée. Il a en outre un orgueil de belle taille. C'est dire si l'idée de se retrouver soudain en possession d'une des étoiles du ciel avait tout pour le séduire, et le rendre encore plus enclin à la folie des grandeurs qu'à l'ordinaire.
Après avoir bien réfléchi à ce qu'il convenait de faire de cette nouvelle partie de son empire, il annonça de sa voix haute et claire qu'il avait l'intention de s'y rendre au plus vite, et fit en conséquence mander auprès de lui ses meilleurs astrologues afin qu'ils lui apprennent ce qu'ils savaient de cette mystérieuse étoile, et qu'ils le conseillent quant aux moyens qu'il lui faudrait employer pour monter jusqu'à elle. Lorsque ces vénérables hommes de science, vêtus de leurs plus beaux ornements à vocation occulte de type chapeaux pointus et robes de soie couvertes de croissants de lune arrivèrent auprès du sultan, ils durent avouer à leur grande honte que cette apparition soudaine leur était parfaitement incompréhensible.
-Rien de tel n'était prévu dans nos almanachs, dirent-ils en présentant à leur maître des mines abasourdies, devant un tel phénomène nous ne pouvons que faire part de notre étonnement. La nuit dernière encore nous les avons tous comptés, et nous n'avons trouvé aucun astre supplémentaire. Cette apparition est aussi récente que curieuse.
-Vraiment ? Vous n'avez rien vu venir ? demanda le sultan un peu surpris par l'aveu d'incompétence de ses astrologues.
Tout rougissant, l'un des savants répondit la tête baissée :
-Non, vraiment, rien du tout.
-C'est étrange, poursuivit le sultan, je vous paye pourtant fort cher pour que vous puissiez mener à bien vos travaux... Mais enfin, passons sur ce détail, et contentons-nous pour l'instant d'admirer le fait accompli. Les raisons de l'apparition de cette étoile n'ont après tout que peu d'intéret, le plus important à l'heure actuelle est que vous puissiez répondre à mes questions.
-Nous ferons de notre mieux, dit le plus vieux des astrologues d'une voix chevrotante.
-Très bien, alors dites-moi quelle est selon vous la nature de cet astre ?
-Selon toute probabilité il s'agit d'une étoile.
-Oui, j'entends bien, mais est-ce une étoile intéressante ? Pourrais-je y trouver assez de féerie pour satisfaire mes besoins ? En un mot, est-elle digne d'appartenir à un homme tel que moi ? Car voyez-vous, je n'ai pas l'intention de me contenter de petites choses sans importance. Il me faut du grandiose et du merveilleux.
-D'après nos premières informations, cette étoile semble être de belle taille, mais nous n'avons pas encore pu recueillir un nombre suffisant d'informations à son sujet pour être tout à fait sûrs de notre opinion. Le ciel est une chose si vaste, et l'astronomie un art si périlleux...
-Cela est un peu vague, dit le sultan l'oeil noir et le menton fuyant, mais j'ose espérer que vous pourrez tout de même me conseiller de façon satisfaisante au sujet des moyens qu'il me faudra employer pour me rendre sur mon étoile. Allez, faites-moi profiter de votre science, je suis impatient.
-Vous y rendre sultan ? répondit l'un des astrologues à la fois inquiet et surpris, n'est-ce pas une décision un peu précipitée ?
-Absolument pas ! Cette étoile m'appartient, je veux la visiter, et le plus tôt sera le mieux. Je ne veux pas qu'on me la vole !
-Vous la voler ? Non, de ce côté-là vous ne risquez rien. Une étoile, ça ne se vole pas comme ça.
-On n'est jamais trop prudent. Tant de gens de par le monde me veulent du mal. Il faut se méfier de tout et de tout le monde.
Certains des astrologues se chuchotèrent quelques mots à l'oreille, puis l'un d'entre eux dit :
-Hélas grand sultan, selon nous votre idée n'est pas très sage. Avant de mettre les pieds sur votre étoile il serait préférable de l'observer au moins durant quelques nuits afin de savoir si elle est bien accrochée au ciel, et si elle est aussi solide que les autres astres du firmament.
-Messieurs, je vous trouve bien insolents ! dit le sultan dont l'irritation était de plus en plus perceptible. Pourquoi voulez-vous que mon étoile ne soit pas bien accrochée au ciel ? Je finirai par croire que quelqu'un vous paye pour m'incommoder. On dirait que cela vous dérange de voir le pays s'enrichir d'une nouvelle colonie ?
-Pas du tout, mais vous venez vous-même de rappeler comme il est préférable de faire preuve de prudence...
-De prudence, oui, pas de frilosité ! Quel qu'en soit le coût, j'irai sur mon étoile. J'en ai assez d'être privé d'astres dignes de ce nom. Tous mes collègues possèdent des comètes, des étoiles, et des planètes à ne plus savoir qu'en faire, et moi, qui ne suis pourtant pas le dernier des imbéciles, je devrais me contenter des quelques étoiles filantes depuis longtemps éteintes que mon pauvre père a bien voulu me laisser en héritage ? Tous les gens puissants, tous les maîtres des États qui nous entourent vont quand ils le veulent se promener dans leurs célestes colonies, et moi, je devrais me contenter de rester cloué au sol à regarder briller la lune et grandir les palmiers de mon oasis ? Il n'en est pas question !
Les astrologues se sentaient bien embêtés. Le sultan savait se faire craindre, et ses terribles colères avaient tout pour faire trembler son peuple. La moindre petite contrariété pouvait lui donner le goût de violentes représailles, et contredire ses opinions pouvait avoir des conséquences désastreuses. C'est donc avec la plus extrême prudence que le plus vieux des astrologues dit :
-Les moyens de se rendre dans le ciel sont fort nombreux, mais lorsqu'on n'est pas habitué aux espaces infinis, et lorsqu'on ne sait même pas quelle est la nature exacte de l'objet céleste que l'on convoite, une telle aventure n'est pas sans présenter certains dangers, cela d'autant plus...
-Cela suffit ! dit le sultan, interrompant sèchement son interlocuteur. Peut-être faites-vous comme on le dit partie des personnages les plus savants de mon empire, mais il n'en reste pas moins que votre discours m'ennuie plus qu'il n'est permis. Et puisqu'il en est ainsi, je me passerai bien volontiers de vos conseils. Messieurs, vous pouvez rentrer chez vous.
Quelques heures plus tard, les astrologues du palais furent livrés au chef des bourreaux, et décapités en place publique. On en déduit que le sultan était sujet à un léger agacement.
Les jours passèrent, et chaque nuit le sultan observait son étoile. Il ne parlait, pour ainsi dire, plus que de son projet de voyage dans le ciel, et consultait à présent les meilleurs ingénieurs du pays qui, ne voulant prendre aucun risque inutile, affirmaient tous que son projet était facilement réalisable, et que d'ici peu son rêve de faire paître ses chameaux dans le ciel deviendrait réalité.
Certains lui proposèrent de s'y rendre en tapis volant, mais il trouva cela quelque peu démodé. D'autres lui conséillèrent d'apprendre lui-même à voler, ce qu'il trouva tentant, et assez poétique, mais par trop compliqué et hasardeux, mais la plupart des personnes qu'il consulta lui affirmèrent que la meilleure solution pour mener à bien son projet était sans doute de construire une sorte de grand échafaudage muni d'un escalier qui, s'il était fabriqué avec soin, le mènerait sans peine vers sa nouvelle colonie.
Très enthousiasmé par cette idée qu'il trouva majestueuse à souhait, il ordonna aussitôt à tous les hommes valides du pays de se mettre à l'ouvrage, et promit à chacun une double ration de dattes si les travaux étaient achevés avant son anniversaire qui devait être célébré quelques semaines plus tard. En cas d'échec, il prévoyait bien entendu quelques cruelles et pénibles punitions. (Écartèlement, supplice du pal, découpage en petits morceaux, etc...)

Pendant que ses sujets travaillaient comme des bêtes sous le fouet de terribles gardes-chiourmes, le sultan, qui trouvait le temps bien long, tâchait de se divertir en compagnie de ses nombreuses épouses, toutes plus impatientes les unes que les autres de lui offrir une descendance de qualité. Dans le calme de ses riches appartements, il se faisait enduire le corps d'huiles odoriférantes, et rêvait à son futur voyage dans le ciel :
-Mes très chères femmes, leur dit-il un jour, vous savez combien il m'est agréable de palper vos seins langoureux et de goûter au poison de vos lèvres molles, mais hélas, durant quelques jours, aucune d'entre vous n'aura la chance d'être honorée par mes soins. Comme vous le savez, une tâche importante m'attend au royaume de la nuit, et je ne peux, à mon grand regret, vous emmener avec moi. Mais je vous promets qu'à mon retour je vous ferai participer à la plus belle orgie que l'on ai vue de ce côté-ci du désert. Nous fêterons dans le stupre et l'allégresse l'entrée dans mon empire de ma première colonie céleste. Je vous promets bien de l'amusement, et les plus dociles d'entre vous recevront peut-être un jour ou l'autre en cadeau une petite résidence de campagne remplie d'eunuques serviles et de parfums capiteux que je ferai construire sur mon étoile.
Les épouses du sultan furent un peu tristes lorsqu'elles apprirent qu'il allait devoir les abandonner quelques temps, car elles avaient toutes une haute idée du devoir conjugal, et aimaient caresser la peau rugueuse de leur maître vénéré, mais elles lui souhaitèrent tout de même bon voyage, et promirent de rester sages durant son absence.
C'est au cours d'une de ces petites réunions privées qu'un de ses serviteurs vint un jour informer le sultan qu'un étrange personnage s'était présenté à la porte du palais en affirmant avoir une chose très importante à lui dire.
-Vous voyez bien que je suis occupé, avait répondu le sultan qui était en train de se faire masser les pieds par une lascive malabaraise.
-Oui grand sultan, avait dit le serviteur, mais le visiteur insiste, et affirme surtout que sa venue à un rapport avec votre étoile.
Le sultan leva les yeux. Il paraissait fort surpris et intrigué.
-Faites entrer cet homme, dit-il calmement, mais d'un air très concentré.
Le serviteur se retira à reculons, et quelques instants plus tard fit entrer un vieillard vêtu d'une longue cape noire et d'un turban poussiéreux qui s'inclina devant le sultan avec assez de politesse pour paraître respectueux.
-Sois le bienvenu, vieillard, dit le sultan qui s'était assis sur un riche siège en velours, je t'écoute, qu'as-tu à m'apprendre ?
-Voilà grand sultan, je passais dans la région, lorsque j'appris au hasard de l'une ou l'autre conversation venue à mes oreilles que vous revendiquiez la propriété d'une nouvelle étoile récemment apparue dans le ciel.
-C'est exact. C'est moi qui l'ai vue le premier, elle m'appartient donc de plein droit.
-Je crains hélas que cette opinion soit fort contestable, continua le visiteur d'une voix très calme et assurée.
-Que veux-tu dire ? répondit le sultan pas encore tout à fait agacé.
-Ce que je veux dire, c'est que cette étoile m'appartient, et que je n'ai l'intention de la céder à quiconque.
Le sultan ne prit pas cette remarque très au sérieux. Se frottant la barbe, il dit :
-Gardes ! Évacuez cet insolent ! Je n'ai pas envie de rire.
-Ce n'est pas la peine de faire appel à la force armée, dit l'étrange vieillard, si vous ne voulez pas m'écouter, je m'en vais. Mais je vous aurai prévenu...
Et il disparut aussitôt dans les couloirs du palais.
Le sultan ordonna qu'on le rattrape, et qu'on le décapite pour lui faire passer l'envie de se moquer de lui, mais bien que plusieurs hommes en armes se soient rapidement mis à sa poursuite, il fut étrangement impossible de lui remettre la main dessus. On trouva cela bien mystérieux, mais on était alors si préoccupé par la construction de l'escalier céleste que l'on n'y pensa bientôt plus.


Le temps passa. Le sable du désert s'égraina lentement dans les sabliers de l'empire, et petit à petit les sujets du sultan assemblaient le grand échafaudage qui devait bientôt le mener vers le ciel. Le travail était harassant, et chaque jour un peu plus compliqué. Souvent des gens tombaient du haut de cette curieuse construction de cordes et de bambous venus de quelque royaume vassal perdu dans l'humidité des tropiques. C'était bien triste de voir tous ces morts, mais on n'avait pas beaucoup de temps pour les pleurer, et l'on promettait de leur ériger un joli monument fleuri dans le cimetière des martyrs de la nation.
Chaque jour le sultan visitait les travaux en compagnie de ses ingénieurs dévoués qui toutes les nuits priaient le ciel pour que leur improbable construction ne s'écroule pas trop vite. Beaucoup étaient inquiets, mais jusqu'alors ils arrivaient encore à cacher leurs véritables sentiments.
-Je vous félicite, leur dit un jour le sultan la mine fort satisfaite, vous faites un excellent travail. Si cela continue ainsi, vos noms entreront à jamais dans l'histoire de notre peuple. Vraiment, je suis fier de vous. Votre oeuvre ressemble en tout point à ce que j'espérais.
Ces mots furent suivis des quelques courbettes et remerciements de rigueur.
Ensuite, tout en continuant la visite de son échafaudage, le sultan se mit à expliquer aux nombreux thuriféraires qui l'entouraient ce qu'il comptait faire lorsqu'il aurait pris possession de son étoile :
-Tout d'abord, j'en chasserai tous les habitants, dit-il très sûr de lui.
-Quels genre d'habitants trouve-t-on selon vous sur cette étoile ? demanda, très obséquieux, l'un de ses ministres les plus lèche-bottes.
-Peu importe, ils devront me céder la place.
-Et s'ils refusent de s'en aller ?
-Je leur donnerai quelques bons coups de pied au cul, et j'en décapiterai quelques milliers pour l'exemple et pour le plaisir avant de les précipiter dans le vide qui, dit-on, entoure les astres du firmament.
-Quel riche idée ! dirent les personnes présentes en se frappant les mains d'allégresse.
-Et après, que ferez-vous sur votre étoile ?
-Je contemplerai l'univers, dit le sultan, l'air pensif. De ces hauteurs le point de vue doit être formidable. Ensuite, je me ferai construire un palais que j'incrusterai de diamants ou d'autres babioles dans le genre. Je pense en effet que si cette étoile brille si fort dans le ciel, et nous envoie une si belle lumière, c'est sûrement que la surface est couverte d'innombrables pierreries. Il serait dommage de ne pas en profiter.
Les commentaires orgueilleux du sultan durèrent jusqu'à la nuit tombée. On l'écoutait avec vénération, et lorsque le ciel fut bien obscur, on leva la tête pour observer encore la nouvelle colonie de l'empire qui scintillait aux abords de la grande ourse. La satisfaction était générale, et l'on se laissait aller à mille rêves merveilleux. Le sultan était assis sur le sable, à côté de lui se trouvait son chameau préféré, on se gavait de loukoums, et le calme du désert emplissait l'oasis.
Mais soudain, une voix se fit entendre :
-Cher sultan, je crains que vous ne m'ayez pas bien compris.
La voix venait d'un petit buisson d'épines, et laissait percevoir une certaine sévérité.
-Qui dit cela ? cria le sultan, plutôt surpris.
-C'est moi, dit le vieil homme au turban et à la cape noire qui lentement sortait de l'ombre. Il semblait toujours aussi calme, et ne laissait entrevoir aucun sentiment sur son visage couvert de rides.
-Encore vous ! Il m'avait pourtant semblé vous avoir dit que je ne souhaitais plus vous voir !
-Je le sais, mais vous ne m'avez pas écouté. Ce n'est pas bien, j'étais très sérieux. Cette étoile que vous convoitez m'appartient réellement, vous n'avez par conséquent aucun droit sur elle. Et non seulement elle m'appartient, mais en outre, c'est moi qui l'ai créée.
Le sultan ricana dans sa barbe, et lui jeta un regard méprisant.
-Ne riez pas, d'ailleurs, vous allez bientôt constater que ce que je vous dis n'est que la pure vérité. Regardez cher sultan :
le vieillard glissa alors sa main dans sa poche, en tira une petite gomme qu'il agita vers le ciel à l'endroit où se trouvait la nouvelle étoile, et l'effaça comme un trait de craie sur un tableau noir.
-Puisque vous m'y forcez, dit-il, j'irai en dessiner une autre ailleurs.
Puis il disparut comme il était venu, avec le plus grand mystère.
Devant cet évènements des plus inattendu, le sultan ne se montra vraiment pas très courageux. Il cria, il pleura, il frappa du poing sur le sol, et demanda que l'on rattrape au plus vite le vieil homme pour qu'on le mette à mort. Ce souhait, bien sûr, ne put être réalisé. Toute la nuit il laissa parler sa rage en se frappant la tête contre le tronc d'un palmier qui en perdit toutes ses dattes. Triste spectacle qui ridiculisa la nation entière, et nous rendit bien perplexes.
Le pauvre homme ne se remit jamais vraiment de cet évènement qu'il vécut comme une authentique humiliation. Plus jamais il ne parla de son étoile, il fit comme si tout cela n'avait été qu'un mauvais rêve. L'escalier céleste fut démonté, puis brûlé dans le désert, on renvoya les ouvriers dans leurs foyers, et l'on tâcha pour le bien de tous d'oublier ce malheureux épisode de notre histoire.



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Mars 2013 à 16:20:17
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Lusine et ses crayons

Il était une fois, une petite fille, Lusine, qui vivait avec sa famille, au coeur de la forêt luxuriante de "bois d'Orille".
Depuis toujours, les bois avaient fourni le gîte et le couvert à toute la petite famille.
Lusine était trés jeune et elle aimait par-dessus tout se promener le long des chemins sinueux, bordés de jolies fleurs multicolores, s'enivre des effluves capiteux des champignons, admirer la majesté des arbres protecteurs et jouer avec toutes sortes de petits animaux nullement effrayés par sa présence.
Son meilleur ami, Willy, un espiègle petit lapin, l'accompagnait chaque jour pour d'interminables promenades. Les saisons, les années se succèdaient sans que jamais rien ne vienne perturber la tranquilité de leur univers.
Lusine était douée de la capacité de comprendre le langafe de la Nature. C'est Willy qui le lui avait appris et elle comprenanit désormais tous les êtres vivants qui l'entouraient.
Un soir, alors que le soleil était déjà presque couché, les deux compères étaient tellement éloignés de la chaumière, qu'ils n'avaient plus le temps de rentrer pour passer la nuit.
Qu'importe ! La forêt était leur amie !
Lusine demanda donc à un vieux chêne de les abriter pour la nuit. Alors qu'ils étaient blottis l'un contre l'autre entre les méandres de l'écorce du vieil arbre, ce dernier leur fît part de son souci :
-"Quelle tristesse d'être toujours ainsi ! Je m'ennui ! Mes amis le hêtre, le boulot, le cèdre et bien d'autres sont comme moi ! Nous nous languissons chaque jour ! Les fleurs, elles, sont admirées pour leurs couleurs, leurs odeurs ... Alors que nous, nous contentons de grandir ... grandir ... de sorte que plus personne ne nous remarque plus !"
Lusine fût trés touchée par le désarroi des arbres. La morosité avait envahit la forêt et Lusine était déterminée à aider ses amis à retrouver la sérénité. Elle en fît part à Willy et tous deux se mirent à chercher une solution.
Dès le lendemain, les deux complices se mirent en route pour la rivière ; Ils savaient que là, ils pourraient consulter l'Esprit de la forêt sans trop le déranger. En effet, alors que Lusine et Willy arrivaient au pied d'une jolie cascade, ils trouvèrent un lutin, tout vêtu de vert, profondément occupé à s'admirer dans l'Onde.
-"Qui me dérange ?" Fît-il en sursautant.
-"Pardonnez notre hardiesse. Je suis Lusine, et voici Willy. Nous habitons tous les deux cette jolie forêt dont vous êtes le bienfaîteur. Nous venons vous instruire du tourment des arbres et vous demander de l'aide pour y remédier."
-"Je suis au courant de tout ça ! Que crois-tu donc pouvoir faire ? Les arbres sont ce qu'ils sont ! Ils sont grands et forts ! Ne peuvent-ils pas se contenter de ça ?" Répndit le lutin courroucé.
Lusine eut une idée :
-"Ils admirent les jolies couleurs des fleurs ... Ne serait-il pas possible de varier un peu les nuances de leurs feuilles ?"
Le lutin réfléchit longuement ... frotta son menton ... se gratta sous le bonnet ... et finit par annoncer :
-"Et bien soit ! J'ai ici un coffret. Chaque année, juest avant l'hiver, tu pourras l'ouvrir et tu trouveras des crayons de couleurs enchantés. Ces crayons te permettront de colorier les feuilles des arbres des couleurs les plus flamboyantes. Ils pourront les conserver quelques semaines puis les feuilles tomberont ! C'est la condition !"
Lusine prit le coffret, remercia le lutin et s'en retourna sous les frondaisons.
L'époque était propice pour commencer son travail car l'été venait de s'achever ; Elle se mit donc à son ouvrage et commença à colorier chaque feuille dont l'arbre acceptait les conditions du lutin. Petit à petit, la forêt commença à rayonner de milles feux. Des arbres refusèrent bien sûr : Le pin, l'épicéa, l'if et quelques autres mais la plupart étaient ravis !
C'est ainsi que, chaque année, à l'automne, tous les arbres, à quelques exceptions prés, se couvrent les uns aprés les autres, de couleurs resplendissantes pendant quelques semaines puis perdent leurs feuilles.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Mars 2013 à 16:45:31
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Petit coeur au pays des roses

Il était une fois un Petit Coeur
qui cherchait l'antre du bonheur.
Il décida de se rendre au Pays des Roses
car on disait y trouver des choses grandioses.

Arrivé dans ce pays,il découvrit que les roses vivaient en clans,
il décida de faire le tour de ses groupes différents.


Le premier clan était celui des "Roses Sauvages"
on y cultivait les épines de "violence et de rage".
Leur devise était "Pique avant d'être piqué".
Petit Coeur comprit que ces roses là agissaient ainsi pour ne pas être piétinée
mais il s"apercut que leurs attitudes n'étaient pas du tout appréciées.

Petit Coeur ne s'attarda pas dans cette communauté.
En effet, comme il n'avait ni épines ni griffes
on le considerait comme un chétif.
C'est sûr que ce n'était pas là l'antre du bonheur
on y cultivait plutot le malheur et la froideur.

Il visita ensuite la communauté des "Roses Imperiales",
on y développait la perfection des feuilles et des pétales .
Leur devise était "Cultive ta beauté pour exister",
Petit Coeur saisit que ces roses là cherchaient à être admirée;
mais il s'apercut qu'a force de vouloir ainsi être acceptée,
en ne pensant plus qu'à leur beauté ,ces roses s'étaient fermées aux autres réalités.

Petit coeur ne s'attarda pas dans ce groupe
où tout son physique avait été passé à la loupe.
C'est sûr que ne se trouvait pas là l'antre du bonheur
car on ne cultivait que l'aspect exterieur ,sans plus voir la beauté interieure.

Le troisième clan était celui des"Roses Pensées"
On y développait les connaissances pour se sentir exister.
Leur devise était :
"Cultive les connaissances pour retrouver ton essence"
Petit coeur comprit que ces roses là cherchaient à leur vie un sens.

Mais,il s'apercut qu'a force de trop rechercher et se rechercher,
ces roses étaient perçues comme des êtres très compliqués.
Petit Coeur ne s'attarda pas non plus parmi ce clan d'érudits
où on analysait et comparait en détail tout ce qu'il avait dit.
C'est sûr que ce n'est pas là qu'il trouverait l'antre du bonheur
car c'est seulement à force de connaissance qu'on prouvait sa valeur.

Décu,Petit Coeur s'apprêtait à quitter le Pays des Roses,
lorsqu'il croisa le chemin d'une étrange fée papillon qui écouta sa cause.
La fée papillon lui dit qu'il n'avait pas encore assez écouté et observé
et l'invita à s'agripper à ses ailes pleines de majesté.
Alors,ils s'envolèrent très haut dans le ciel
et Petit Coeur découvrit au loin un arc en ciel.

La fée papillon lui fit remarquer qu' ,après avoir découvert tout ce qui de grand éblouit,
il fallait maintenant observer tout ce qui semblait petit.
Petit coeur fut dépose au pied de l'arc en ciel
mais en scrutant l'horizon,il ne vit rien d'exceptionnnel.

Soudain sous ses pieds,il entendit une petite mais ferme voix
qui lui demandait de bien vouloir retirer ses pas,
car il empechait les roses de profiter de la lumière
en piétinant leur plate bandes de terre.

Il découvrit ainsi le clan des "Roses Primordiales".
On y cultivait des efflorescences joviales et cordiales.
Leur devise était "Profite de chaque instant, là est ta force et ton essence"

Petit Coeur comprit qu'ici la plus petite des expériences était vue comme un fer de lance.
Il pensa qu' enfin ,il avait trouvé l'antre du bonheur
et une profonde lumière inonda son coeur.
Au contact de ses minuscules fleurs,
Petit Coeur se remplit de couleurs.

Il observa quelques temps ces roses
et découvrit dans ce pays ce qui était grandiose:
C'était de petits gestes minuscules mais quotidiens
grâce auxquels on se sentait toujours bien.

En observant ces petites fleurs,
qui s'aimaient ,en respectant la croissance de chacun et sans peur,
Petit Coeur comprit que lui même avait en lui le bonheur
chaque fois qu'il laissait transparaitre dans sa vie certaines valeurs
qui le remplissaient lui et son entourage de chaleur.
Ainsi ,Petit Coeur devînt peu à peu un Grand Coeur
qui répandit autour de lui des coeurs de bonheur.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 19 Mars 2013 à 23:34:11

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L'arbre qui chantait

Il y a très, très longtemps, un vieux sorcier entreprit un long voyage.
Un jour qu'il avait tant et tant marché qu'il ne sentait plus ses pieds, il décida de chercher un endroit pour se reposer.
C'est alors qu'il entendit soudain chanter. Ce n'était pas un chant comme celui des oiseaux, ni comme celui du vent à travers les feuilles, mais une voix claire, qui prononçait des mots qu'il ne comprenait point.
Poursuivant son chemin, il arriva dans une clairière. Juste au centre, se dressait un arbre majestueux, dont les feuilles brillaient au soleil. On eût dit qu'il était en or!
Alors, le sorcier entendit à nouveau le chant, mais, cette fois, plus fort que précédemment. Regardant tout autour de lui, il ne vit personne. Il n'y avait là que les branches dorées de l'arbre, plus quelques souris grises qui couraient dans l'herbe.
Le sorcier s'assit contre l'arbre pour souffler un peu. Il songea qu'il serait sage de piquer un petit somme avant de continuer sa route.
Mais le chant le tenait éveillé! Enervé, il regarda encore autour de lui, sans rien remarquer d'anormal.
"Il faut que je trouve ce chanteur! ", se dit-il. "J'aimerais bien qu'il se taise, pour que je puisse me reposer. "
Le vieux sorcier se leva et observa les alentours à travers le feuillage de l'arbre. Ce faisant, il posa ses mains sur le tronc et sentit l'écorce vibrer. Il comprit alors que le chant provenait de l'arbre lui-même!
-"Tiens ! Cela fait bien longtemps que je n'avais plus, entendu un arbre chanter!", grommela-t-il. "Mais, par chance, je connais encore le moyen de le faire cesser! "
Il sortit de la poche de son manteau long morceau de corde et le lança en l'air tout en marmonnant une formule. La corde se tortilla quelque peu, puis s'enroula deux fois autour du tronc. Le sorcier prononça ensuite d'autres mots magiques, puis il termina en faisant un gros nœud dans la corde. Aussitôt, le l'arbre d'or cessa de chanter.
-"Je vais enfin pouvoir me reposer", soupira le sorcier avant de s'allonger dans l'herbe.
Mais il découvrit alors des rubans de fumée, qui se dégageaient des racines de l'arbre. Peu à peu, la fumée s'épaissit, jusqu'à former un gros nuage gris, qui changea progressivement de couleur. Il devint d'abord gris foncé, et puis noir.
Tout à coup... il se mit à tournoyer sur lui-même et se transforma en un hideux génie aux longues oreilles, avec un gros nez bourgeonnant de verrues, des bras démesurés et des mains larges des pelles!
-"Hahaha! Hihihi! ", ricana le génie. "Quel stupide sorcier tu es! Il y a des années, un de tes confrères m'a enfermé dans cet arbre. Mais maintenant que tu lui as cloué le bec, je suis libre! Et j'ai fort envie de te dévorer! "
Ce disant, le génie saisit le vieux sorcier par la barbe.
Heureusement, ce dernier savait que les esprits des bois sont toujours idiots! Et celui-là semblait encore plus bête que les autres...
-"Vas-tu me faire mijoter ou rôtir?", demanda-t-il au génie. "Tu sais que les vieux sorciers ne se mangent pas crus. Tu aurais des crampes d'estomac! "
L'affreux génie réfléchit quelques instants.
"Je vais faire un grand feu et t'attacher à une branche. Ensuite, je te ferai rôtir au-dessus des flammes", déclara-t-il, tout content.
-"Mais je vais m'enfuir pendant que tu allumeras le feu", insinua le sorcier.
-"C'est vrai ... ", admit le génie. "Je vais... euh ... je vais ... "
-"Pourquoi ne me ligotes-tu pas? ", suggéra le sorcier. "Ainsi, je serai incapable de fuir. "
-"Très bonne idée! ", s'exclama le génie. "Mais à quoi donc vais-je t'attacher? "
-"A cet arbre, bien sûr! ", répondit le sorcier. "Utilise donc la corde que j'avais enroulée autour du tronc pour le faire taire! "
Convaincu, l'esprit des bois alla détacher la corde.
Il commença par défaire le nœud... tout comme le sorcier l'avait espéré. En effet, dès que la corde eut été dénouée, l'enchantement se trouva rompu!
L'arbre se remit à chanter et le génie, de violet qu'il était, vira au mauve foncé. Puis, très lentement, il se transforma en fumée noire, puis en fumée grise, pour disparaître enfin en minces rubans de vapeur blanche.
Le sorcier remit alors la corde dans la poche de son large manteau. Avant de se remettre en route, il prononça quelques mots magiques et ni bête ni homme -pas même un sorcier - ne revit jamais le génie des bois.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Mars 2013 à 15:23:35
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Le moineau à la langue coupée

Il était une fois un grand-père et une grand-mère. Tous les jours, le grand-père allait en montagne ramasser du petit bois pour faire des fagots. Il accrochait toujours le baluchon qui contenait son repas à la branche d'un arbre pendant qu'il travaillait. Un jour, l'heure du déjeuner étant venue, il ouvrit son baluchon et fut bien surpris : un moineau dormait dedans! Il ne restait pas une miette du repas, et le grand-père comprit que c'était le moineau qui faisait la sieste qui avait tout mangé. Le grand-père emmena ce joli petit oiseau avec lui quand il rentra à la maison.

Le grand-père et le moineau devinrent de très bons camarades et étaient inséparables. Pendant son travail, pendant les repas, le moineau voletait toujours autour du grand-père, ou s'asseyait sur son épaule. Le grand-père aimait beaucoup son oiseau, et le nomma "Piou piou", le cajolant et jouant sans cesse avec lui. Un jour, grand-père partit travailler à la montagne en laissant Piou-piou à la maison. La grand-mère mit du riz à cuire pour préparer de l'amidon et partit faire la lessive à la rivière voisine. Le moineau était friand de riz, et il picora un peu dans la bouillie. Il pensait bien que grand-mère se fâcherait, mais la bouillie était si bonne qu'il ne put résister et picorant, picorant encore, finit par tout manger.

Quand grand-mère rentra de la rivière et s'aperçut que toute la bouillie de riz avait disparue, elle se mit fort en colère. Elle cria :

"Qui a mangé toute la bouillie que j'avais préparée?", et regardant l'oiseau, vit que son bec était plein de bouillie. Grand-mère était furieuse; elle criait :

"Méchant oiseau! Sale moineau!", et attrapa le moineau. Pour le punir, elle lui coupa la langue avec une paire de ciseaux et le chassa. Quand grand-père rentra le soir, il appela son oiseau, comme d'habitude :

"Piou-piou, Piou-piou, je suis rentré!"

Mais il n'y avait pas trace du moineau. Il demanda alors :

"Grand-mère, sais-tu où est Piou-piou?", et sa femme lui répondit :

"Ce méchant oiseau a mangé toute la bouillie de riz que j'avais préparée; pour le punir, je lui ai coupé la langue et l'ai chassé."

Grand-père se fâcha et lui dit :

"Quelle horreur! Tu as été bien méchante!" et partit à la recherche de son oiseau.

Grand-père marcha longtemps, et enfin arriva au bord d'une rivière. Là se trouvait un vacher. Il lui demanda :

"Vacher, as-tu vu mon oiseau, le moineau à la langue coupée?"

Celui-ci lui répondit :

"Oui, j'ai vu ton oiseau; mais si tu ne bois pas sept baquets de l'eau qui m'a servi pour laver ma vache, je ne te dirai pas où il est allé."

Grand-père se força donc à boire sept baquets de cette eau sale. Alors, le vacher lui dit :

"Continues ce chemin tout droit, et demande de nouveau au fermier que tu rencontreras."

Grand-père reprit la route, et arriva à l'endroit où se trouvait le fermier, qui lavait son cheval. Il lui demanda :

"Fermier, as-tu vu mon oiseau, le moineau à la langue coupée?"

Celui-ci lui répondit :

"Oui, je l'ai vu; mais si tu ne bois pas sept baquets de l'eau qui m'a servi pour laver mon cheval, je ne te dirai pas où il est allé."

Grand-père but donc encore une fois sept baquets d'eau sale. Le fermier lui dit alors :

"Continue ce chemin dans la montagne, et va jusqu'à la forêt de bambous; là tu trouveras la demeure de ton oiseau."

Grand-père continua donc sa marche dans la montagne, et entra dans la forêt de bambous.

Grand-père arriva enfin à la maison du moineau, et lui dit :

"Piou-piou, grand-mère a été bien méchante avec toi; pardonne-moi, je t'en prie."

L'oiseau que le grand-père aimait tant était aussi très heureux de le revoir, et lui offrit à manger, le fit se reposer de son long voyage. Tous deux étaient très gais et parlèrent de mille choses. Grand-père se préparait à rentrer et pensait emmener Piou-piou avec lui, mais le moineau refusa, lui disant :

"Je ne peux pas retourner chez grand-mère."

Grand-père était bien triste de rentrer sans Piou-piou, mais il comprenait bien que le moineau ne veuille pas revenir. Il allait donc partir quand Piou-piou apporta deux malles, une petite et une grande, et dit :

"Grand-père, je t'offre une de ces deux malles en souvenir; laquelle veux-tu, la grande ou la petite?"

Comme grand-père était âgé, il répondit que la petite était bien suffisante pour lui, et partit avec la petite malle sur son dos. Quand il fut arrivé à la maison, il ouvrit la malle, et grand-mère et lui furent bien étonnés : elle était remplie d'or, d'argent, de bijoux; c'était un véritable trésor! Au récit de grand-père, grand-mère se mit en colère :

"Mais pourquoi as-tu donc choisi la petite malle? Puisque c'est ainsi, moi je vais aller chercher la grosse!"

Grand-mère partit donc, et suivit le chemin que grand-père lui avait indiqué. Elle arriva à  l'endroit où se trouvait le vacher, et lui demanda :

"Vacher, as-tu vu le moineau à la langue coupée?"

Celui-ci lui répondit :

"Oui, je l'ai vu; mais si tu ne bois pas sept baquets de l'eau qui m'a servi pour laver ma vache, je ne te dirai pas où il est allé."

A ces mots, grand-mère se mit en colère et lui dit :

"Quoi? Tu ne penses pas que je vais boire cette eau dégoûtante! Je sais où il faut aller, je n'ai pas besoin de toi."

Grand-mère se remit en route, et rencontra le fermier; de la même façon, elle refusa de boire les sept baquets et marcha jusqu'à la maison du moineau.

Une fois là, Piou-piou lui demanda :

"Grand-mère, pourquoi es-tu venue me voir?"

Celle-ci lui répondit :

"Jusqu'à présent j'ai toujours veillé sur toi, aussi je viens te rendre visite."

Le moineau à la langue coupée servit à manger à grand-mère, mais celle-ci lui dit :

"Je suis pressée, donne-moi mon cadeau, il faut que je rentre."

Piou-piou apporta alors les deux malles, et dit à grand-mère :

"Laquelle veux-tu, la grande ou la petite?"

Bien sûr, grand-mère choisit la grande malle :

"Je suis encore jeune et en forme, donne-moi la grande malle." et partit en portant la lourde malle sur son dos.

Après avoir marché quelque temps, grand-mère commença à être fatiguée, et décida de s'arrêter un instant. Elle avait également très envie de voir ce qu'il y avait dans la malle, mais Piou-piou lui avait bien recommandé de ne pas l'ouvrir avant d'être rentrée chez elle. Grand-mère voulait tellement voir quels trésors elle possédait qu'elle passa outre et souleva le couvercle. Alors des serpents, des mille-pattes et un tas d'autres bêtes et monstres sortirent de la malle, et punirent la grand-mère qui avait coupé la langue du moineau.





Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Mars 2013 à 15:35:32
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Momotaro

Il était une fois un grand-père et une grand-mère qui vivaient dans la montagne. Tous les jours, le grand-père allait ramasser du petit bois, tandis que la grand-mère allait à la rivière laver le linge.

Un jour, alors qu'elle faisait la lessive, une grosse pêche, descendant la rivière, flotta jusqu'à elle. Voyant ce beau fruit, la grand-mère pensa que son mari serait content de le manger, ramassa la pêche et l'emporta chez elle. Quand le grand-père rentra déjeuner et vit la pêche si appétissante, il fut très content. La grand-mère coupa la pêche en deux avec un grand couteau et, quelle surprise! Un joli petit garçon se trouvait à l'intérieur.

Le grand-père et la grand-mère n'avaient pas d'enfant, et ils remercièrent la providence de leur avoir envoyé ce petit garçon. Comme il était né dans une pêche, ils décidèrent de l'appeler Momotaro, ce qui signifie "l'enfant né dans une pêche". La grand-mère prépara un repas et fit manger l'enfant. Il mangeait voracement et grandissait à vue d'oeil. Le grand-père et la grand-mère étaient bien surpris! Momotaro devint bien vite grand et fort.

Cependant, aussi grand et fort qu'il fût, Momotaro était paresseux. Il passait ses journées à dormir et à manger. Les autres jeunes gens du village allaient à la montagne ramasser des fagots, et seul Momotaro ne faisait rien. Le grand-père et la grand-mère se faisaient bien du souci, et ils demandèrent aux jeunes gens d'inviter Momotaro à aller avec eux travailler. Ils vinrent donc inviter Momotaro :

" Momotaro, si tu venais avec nous ramasser des fagots dans la montagne? ", mais celui-ci répondit :

" Je n'ai pas de hotte pour porter le bois, je ne peux pas aller avec vous."

Le jour suivant, ils revinrent inviter Momotaro :

"Momotaro, si tu venais avec nous ramasser des fagots dans la montagne? ", mais celui-ci répondit :

" Je n'ai pas de sandales, je ne peux pas aller avec vous."

La grand-mère se fâcha devant tant de paresse, et le jour suivant Momotaro alla avec les jeunes gens du village ramasser des fagots dans la montagne.

Pendant que tous ramassaient des fagots, Momotaro fit la sieste. Quand ils eurent fini leur travail, les jeunes gens décidèrent de rentrer au village; Momotaro s'éveillant leur dit :

"Je ramasse un peu de bois et je rentre avec vous."

Mais ils lui rétorquèrent :

" Si tu commences maintenant, nous allons rentrer trop tard."

Faisant la sourde oreille, Momotaro se dirigea vers un arbre énorme, et le prenant par le tronc, le déracina. Les garçons n'en croyaient pas leurs yeux! Le grand et fort Momotaro chargea l'arbre sur son épaule, les jeunes gens leurs fagots sur leur dos, et tous rentrèrent au village. Quand ils arrivèrent, le grand-père et la grand-mère furent bien étonnés de voir Momotaro porter un arbre aussi lourd comme s'il n'était qu'une simple brindille.

Cet exploit parvint aux oreilles du seigneur, qui désira rencontrer Momotaro. Il lui parla ainsi :

" Depuis fort longtemps, une bande de vilains brigands maltraite mes paysans et rançonne les villages. Si tu es si fort qu'on le dit, punis-les et reviens."

Momotaro partit donc pour l'île des brigands.

Le grand-père et la grand-mère confectionnèrent des gâteaux de millet et les donnèrent à Momotaro pour le voyage. Chemin faisant, celui-ci rencontra un chien.

" Momotaro, où vas-tu ainsi? " lui demanda le chien.

" A l'île des brigands, les punir."

" Et qu'y a-t-il dans ton baluchon?"

" Les meilleurs gâteaux de millet du Japon."

" Donne-m'en un, et j'irai avec toi." lui proposa le chien.

Momotaro lui donna un gâteau et ils continuèrent le voyage ensemble. Ils rencontrèrent ensuite un singe.

" Momotaro, où vas-tu ainsi? " lui demanda le singe.

" A l'île des brigands, les punir."

" Et qu'y a-t-il dans ton baluchon?"

" Les meilleurs gâteaux de millet du Japon."

" Donne-m'en un, et j'irai avec toi." lui proposa le singe.

Momotaro lui donna un gâteau et tous trois continuèrent leur voyage ensemble. Un faisan vint en volant à leur rencontre.

" Momotaro, où vas-tu ainsi? " lui demanda le faisan.

" A l'île des brigands, les punir."

" Et qu'y a-t-il dans ton baluchon?"

" Les meilleurs gâteaux de millet du Japon."

" Donne-m'en un et j'irai avec toi." lui proposa le faisan.

Momotaro lui donna un gâteau.

Momotaro, le chien, le singe et le faisan partirent ensemble en bateau pour l'île des brigands, mais ils avaient beau naviguer toutes voiles dehors, ils n'apercevaient rien à l'horizon. Le faisan s'élança alors dans le ciel, et ayant repéré l'île, leur indiqua la direction. Ils accostèrent enfin.

Sur l'île se trouvait un grand château dont la porte était fermée. Le singe grimpa lestement par-dessus et ouvrit de l'intérieur. Momotaro entra alors, et s'adressa aux vilains brigands qui ripaillaient :

" Je suis Momotaro, et je suis venu vous punir de vos mauvaises actions."

Les brigands se moquèrent de lui, mais le chien s'élança et les mordit. Momotaro dégainant son sabre les combattit. Momotaro et ses compagnons, qui avaient mangé les meilleurs gâteaux de millet du Japon, étaient invincibles et n'avaient peur de rien.

Aussi les brigands demandèrent-ils grâce :

" Nous ne serons plus jamais méchants, épargne-nous."

Les brigands vaincus par Momotaro lui remirent les trésors qu'ils possédaient, et Momotaro et ses compagnons, qui grâce aux meilleurs gâteaux de millet du Japon avaient vaincu et puni les bandits, rentrèrent chex eux avec ces trésors. Le grand-père et la grand-mère, qui se faisaient bien du souci pour Momotaro, l'accueillirent avec une grande joie.

Ils vécurent ensemble longtemps et furent très heureux.




Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Mars 2013 à 16:16:46
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La légende d'alice

Il était une fois une fille qui se prénommait Alice. Alice possédait une force extraordinaire, elle avait le pouvoir de changer des choses en ce quelle voulait, elle détenait une incroyable beauté dont les hommes étaient fous amoureux et les femmes extrêmement jalouses. Mais elle avait aussi un défaut, ce défaut était que ces magnifiques cheveux blonds s'emparaient de tout se qui était à leur portés, que ce soit une chose ou une personne. c'est pour cela quelle ne devait plus remettre les pieds dans une ville, un pays ou encore un continent . Elle avait fait appel à une magicienne capable de la transformer en poisson, depuis elle vivait sous l'eau.

Un jour se promenant un peu trop loin de chez elle, elle se retrouvât dans un filet. Le pêcheur trouvait ce poisson très beau, il décida de ne pas le vendre et de le garder. Le lendemain c'était l'anniversaire de son fils, le pêcheur qui était si pauvre n'avait rien à lui offrir.
A l'instant ou il allait partir, il vit le poisson nager dans le récipient en terre ou il l'avait mis, il décida de l'offrir à son fils. Son fils s'appelait Jean, il avait bon coeur et il fut très content de son cadeau.
Après avoir bavardé devant une bouteille de cidre, son père s'en alla, mais avant de franchir la porte, il rappela à Jean qu'il fallait qu'il trouve une femme et qu'il fonde une famille. Le jeune homme promit à son père que dans quatre semaines il en aurait trouver une.

Deux jours plus tard, il remarqua que son poisson avait mauvaise mine, alors il décida de le relâcher en mer. Le soir même, il prit la petite barque de son père et s'en alla vers le large en pleine nuit. Mais soudain le vent se mit à souffler, à souffler très fort et la petite barque se renversa. Jean ne savait pas nager et il crut que sa dernière heure était arrivée. Quand, surgissant de nulle part une jeune fille le prit par son poignet et le tira jusqu'à la berge et elle attendit qu'il se réveille.

Quand il ouvrit les yeux et qu'il vit la jeune fille il prit peur, mais Alice lui expliqua son histoire et quand elle eut fini il ne la craignait plus. De but en blanc, une queue de poisson remplaça les jambes de la fille.

Elle le reprit par le poignet et l'entraîna dans l'eau. Tout à coup, un château de coquillage se dressa devant lui, il était émerveillé. Alice l'invita à entrer. A l'intérieur c'était encore plus merveilleux : elle poussa une porte et ils se retrouvèrent dans une grande pièce ou se trouvait aussi un homme assis sur un trône : "c'est mon père " dit Alice à Jean.

Jean se tourna vers l'homme dont parlait Alice et il vit qu'il lui faisait signe d'avancer, alors il obéit et il avança. Quand il se retrouva à la hauteur du père d'Alice, il s'inclina, et il vit qu'une couronne en or ornait sa tête, il comprit donc que c'était un roi et qu'Alice était une princesse puisqu'elle était la fille du roi. Jean se relevât mais toujours en laissant sa tête légèrement inclinée vers le bas.

Il demanda au roi la main de sa fille. Le roi soudain devint embarrassé, il regarda Alice puis Jean et d'un air grave il dit à Jean : " je ne peux pas te la donner , je l'ai promis à quelqu'un d'autre "
Après cette réponse, Jean sentit la colère monter en lui mais il se retint et s'en alla sans même dire un adieu. Quant à Alice, elle qui ne savait pas quelle était fiancée et bientôt mariée, elle s'évanouit. On la transporta dans sa chambre et depuis elle n'en sortait plus.

Jean quant à lui essayait de l'oublier, alors il aidait sa mère à la boutique. Un jour, ils eurent la visite d'un assez grand homme accompagné d'une très belle jeune fille. Jean en tomba tout de suite amoureux, et il en oublia Alice. Sa mère voyant cela fut bien contente qu'il aime enfin une fille et elle proposa à l'homme qui accompagnait la jeune fille de faire le mariage dans deux mois, car l'homme avait aussi comprit.

La jeune fille s'appelait Marina, elle avait dix-huit ans, elle était d'une grande beauté mais son coeur renfermait la méchanceté et Jean ne s'en apercevait pas .
Alice quant à elle, était promise au frère de Marina, qui n'était pas plus gentil que sa soeur .
Un jour d'été, Jean décida d'aller pêcher. Mais quand il fut au large, il aperçut au loin un petit poisson couleur or qui barbotait à la surface . Jean comprit tout de suite qu'il s'agissait d'Alice. Il nageât le plus vite qu' il pût jusqu'à elle, mais en vain, elle s'éloignait. Soudain, il fut aspiré vers le fond de l'océan. Il se retrouva devant le palais d'Alice qui semblait abandonné.

Il entra et il traversa tout les couloirs qu'il avait déjà traversé en compagnie d'Alice, mais là , il n'eut pas la même sensation de grandeur et de beauté , tout était calme, triste, sombre ...

Mais soudain, il entendit des rires qui venait du jardin. Il se précipita pour voir ce qu'il se passait et il vit Alice en robe blanche assise à coté d'un beau jeune homme qui lui tenait la main. Ils étaient à table avec d'autres personnes que Jean ne connaissait pas. Il devina que le jeune homme était le fiancé et même peut-être, mari d'Alice.
Cela le mit hors de lui et il déboula en trombe parmi les invités. Quand il arriva à la table d'Alice, il la prit par le poignet et ils remontèrent à la surface. Alice pensait qu'il était parti dans un autre pays. Mais non, il était là bien vivant la regardant de ses beaux yeux bleus. Jean l'emmena jusqu'à la plage, mais là il redécouvrit avec stupeur quelle avait une queue de poisson. Alice voyant son mécontentement, lui dit :
- Je connais une magicienne - sorcière , qui pourra me l'ôter.
Jean alla chercher chez lui des draps et il mit Alice dessus , comme ça il pourrait la porter. Peu après, ils se retrouvèrent devant une grande porte noire...

Après un temps d'hésitation, ils entrèrent. Un long couloir se dressait devant eux , il était sombre, des toiles d'araignées pendaient sur les murs du couloir. Ils commencèrent à marcher .
Une heure plus tard, ils arrivèrent devant une pièce qui était dans le même état que le couloir. Une vieille dame, vêtu de noir, les cheveux en bataille, le teint blanc, les yeux livides, les regardait tout en marmonnant. Alice et Jean, effrayés, n'osaient plus bouger.

Après les avoir examinés, la vieille femme leur dit :
- Bonjour! entrez donc, je suppose que vous avez besoin de mes dons magiques.
Alice décida de parler la première et elle dit :
- Pouvez me mettre des jambes à la place de cette queue de poisson ?
La sorcière lui répondit :
- Non ! mais par contre je peux donner une queue de poisson à ton mari.

Jean accepta, et il se retrouvèrent tous les deux sur la plage et Jean en baissant la tête vit qu'il avait une queue de poisson , mais cela ne l'étonna pas.
Ils plongèrent dans la mer. Quelques minutes plus tard, ils étaient dans le jardin impérial.

Mais dès que le roi aperçu Alice, il se mit dans une grande colère ; il l'attrapa par le bras, et alla l' enfermer dans sa chambre. Quant à Jean, le roi l'enferma dans un cachot ... les oubliettes.

Un an plus tard ...

Le roi était gravement malade. Ses sujets avaient fait appel à tout les médecins du monde, mais en vain ...
Quant à Alice, son père ne voulait plus la voir, il l'avait fait rejoindre Jean, dans les oubliettes.
Mais un jour, Jean demanda à un garde :
- J'aimerais voir le roi ! J'ai su qu'il était malade. J'ai quelques diplômes de médecine.
Le garde lui répondit qu'il allait voir le roi pour lui demander une audience une demi-heure plus tard ...
le garde revint essoufflé, et il lui dit :
Le roi veut bien vous accorder une dernière chance d'être libre, suivez moi.
Quelques instants plus tard , ils entrèrent dans une grande chambre blanche, c'était la chambre du roi quand il était malade. Jean s'approcha et dit au roi :
Malgré tout ce que vous m'avez fait subir, je vais essayer de vous guérir.
Et il sortit de sa poche un petit flacon qui renfermait un sirop bleu. Il dit au roi de le boire et le souverain s' exécuta. Puis, Jean ajouta :
Maintenant, il faut que vous attendiez jusqu'à demain matin et, il se retira.

Le lendemain matin ...
Jean avait dormi une fois de plus dans le froid en compagnie d'Alice en espérant que son sirop marcherait. Puis, ce fut l'heure du pain sec et de l' eau ; mais à la place du garde habituel, le roi en personne vint les inviter à déjeuner en sa compagnie.
Jean était fou de joie !

Plus tard... Après avoir mille fois remercié Jean, le roi proposa un dimanche pour fêter les noces. Alice regarda Jean et Jean regarda Alice dans le blanc des yeux .

Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 20 Mars 2013 à 18:33:15

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Légende des États-Unis

Cette histoire est réellement arrivée; il y a bien des années...
En ce temps là, les caravane de pionniers quittaient les côtes de l'Atlantique pour traverser le Mississippi et les grandes plaines de l'Amérique du Nord. Ils circulaient dans des chariots couverts, traînés par des chevaux, et, après bien des peines, parvenaient en haut des Montagnes Rocheuses et descendaient dans les vallées. Ils faisaient encore beaucoup de chemin et finissaient par arriver dans une grande vallée entourée de hautes montagnes. C'était une plaine de sable blanc, dans un pays où la pluie ne tombait presque jamais; mais les neiges éternelles, sur le haut des hautes montagnes, envoyaient de jolis et nombreux petits ruisseaux qui descendaient le long des pentes et venaient se jeter dans un beau lac bleu, au milieu de la plaine de sable, une petite mer intérieure, salée comme la grande mer.

C'est là que certains pionniers s'arrêtèrent ; au Lac Salé. Ils bâtirent des cabanes pour passer l'hiver. Ils avaient mis tant de mois pour faire ce terrible voyage que beaucoup d'entre eux étaient morts en cours de route, à cause du froid, de la fatigue, de la maladie; et une fois sur place, beaucoup d'autres moururent encore pendant l'hiver. Leurs provisions étaient presque épuisées, et leur vie dépendait de la récolte qui allait mûrir.

A force de courage et de travail, ils avaient rendu le pays fertile en faisant des canaux pour l'eau des ruisseaux - ce qu'on appelle irrigation et ils avaient semé du maïs, du blé et des légumes verts pour se nourrir, ainsi que leur bétail. A présent, ils attendaient...

Le printemps vint, et le blé poussa, le maïs poussa aussi, et tous les légumes. La terre brune de la plaine était couverte de petites tiges vertes et tendres, qui grossissaient à vue d'œil. La joie était dans tous le cœurs ; les pionniers étaient récompensés de tous leurs sacrifices. Une vie nouvelle et prospère s'ouvrait à eux quand soudain, une chose terrible arriva...

Un matin, les hommes qui veillaient à l'irrigation virent un grand nuage noir passer sur la colline et s'avancer vers la plaine. D'abord ils eurent peur que la grêle ne fasse périr leurs récoltes, mais ils entendirent bien vite un bruit dans l'air, comme un roulement, et quand le nuage fut plus près, ils virent que c'était des sauterelles! Elles s'abattirent sur les champs, et commencèrent à dévorer les plantes. Les hommes tentèrent de les tuer, mais, plus ils en tuaient, plus il en venait! Ils allumèrent des feux, creusèrent des fossés. Rien n'y faisait. De nouvelles armées de sauterelles arrivaient pour remplacer celles qui étaient détruites! Epuisés, malheureux, les gens tombèrent à genoux en pleurant et en criant, quelques-uns priant pour la délivrance.

Tout à coup, là-bas, dans le ciel, au-dessus du lac bleu, on entendit un bruit d'ailes et de petits cris sauvages. Le bruit devint plus fort, et les gens levèrent la tête. Etait-ce encore des sauterelles ? Non. C'était un bataillon de mouettes qui arrivait. Rapides, battant l'air de leurs ailes blanches, les mouettes arrivaient par centaines, par milliers.
- Les mouettes! les mouettes! crièrent les gens. Qu'est-ce que cela veut dire ?
Les mouettes planaient au-dessus de leurs têtes, avec de petits cris aigus, puis, tout d'un coup, comme un merveilleux nuage blanc, elles s'abattirent sur le sol.
- Malheur! malheur! crièrent les pauvres gens. Nous sommes perdus! Tout ce que les sauterelles ont laissé, les mouettes vont le manger!
Mais soudain, quelqu'un s'écria :
- Regardez ! Les mouettes mangent les sauterelles!
Et c'était bien vrai. Les mouettes dévoraient les sauterelles par milliers. Elles s'en gorgeaient jusqu'à n'en pouvoir plus, puis s'envolaient alourdies vers le lac d'où d'autres revenaient avec une nouvelle ardeur.
Et quand, à la fin, elles reprirent le chemin de leurs nids, il ne restait plus une sauterelle dans les champs, et le peuple fut sauvé.

Depuis ce jour, dans la colonie du Lac Salé, on apprend aux enfants à respecter les mouettes. Et lorsque les écoliers commencent à dessiner et à écrire, bien souvent, leur tout premier dessin est l'image d'une mouette

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Mars 2013 à 18:59:14
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Le frene

Dès que la neige commence à fondre et que le soleil réchaufffe la terre, les habitants de la forêt célèbrent la venue du printemps. Les jacinthes et les jonquilles se mettent à fleurir, dans leur jolie robe bleue, rose ou jaune. Les oiseaux sortent de leur nid et chantent gaiement en voletant de branche en branche. Les loirs se réveillent et sortent du long engourdissement de l'hiver.

Les arbres aussi se préparent. Ils revêtent leur nouvelle parure pour être élégants lors de cette grande fête.Les plus impatients et les premiers à bourgeonner sont les saules et les joncs qui poussent au bord de l'eau. Ainsi, ils peuvent se mirer à loisir et jouer les dandies. Puis viennent les bouleaux au corps mince et élancé comme celui des danseuses. Leur feuillage argenté les distingue des autres arbres; on dirait des jeunes filles poudrées impatientes d'aller valser.

Il fallut un peu plus de temps au vieux chêne centenaire pour se préparer. Il hésita longtemps avant de choisir la tenue qui le flatterait le plus. Enfin, il se fit faire par un tailleur habile un feuillage dentelé, qui le faisait ressembler à un respectable académicien.

Il n'y a qu'un arbre qui ne s'était occupé de rien. Il continuait à dormir, comme si la neige tombait encore, ou que le brouillard régnait en maître. C'était le frêne, que n'avaient réveillé ni le gazouillis des oiseaux, ni le bourdonnement des abeilles. Il continua même à dormir lorsque la douce pluie de mars entreprit de rafraîchir la forêt. Il fallut que la brise tiède aille chercher du renfort auprès d'un vent énergique pour que le frêne sorte de sa léthargie. Alors, il ouvrit timidement un oeil, et s'étonna de voir, tout autour de lui, les arbres qui avaient verdi.

Déjà ? Nous sommes au printemps ?

Et oui, grand paresseux ! répondirent les bouleaux.

Nous sommes tous prêts, habillés, pomponnés. Dépêche-toi, ou tu ne trouveras rien à te mettre. Tu ne peux pas rester ainsi, nu comme un ver !

Et les bouleaux se mirent à rire, bientôt suivis par les joncs et le chêne.

Alors le frêne, de peur de ne rien trouver, se prépara à la va-vite. Tellement vite, qu'il ne prit pas le temps de faire des essayages, ni même de choisir des feuilles à sa taille. Elles étaient petites, peu découpées et le feuillage n'était pas assez touffu pour dissimuler sa nudité.

Les joncs, les bouleaux et le chêne se moquèrent de lui :
On dirait que tu n'es qu'à moitié habillé !
Il te manque des feuilles ! On aperçoit ton tronc et presque toutes tes branches !
Hou ! Hou ! Il est presque nu !

Mécontent, le frêne reconnut que sa tenue laissait à désirer. Aussi, il résolut de se débarrasser très vite de ses feuilles lorsque viendrait l'automne.

Et en effet, à la fin de l'été, au moment où les jours raccourcissent, mais alors que le soleil est encore chaud et que les vendanges commencent à peine , le frêne s'impatienta.

Est-ce l'automne ? Ne sentez-vous pas souffler le vent du nord ?

Attends un peu, lui répondirent les autres arbres.Laisse-nous profiter encore du beau temps, et de notre belle parure. L'hiver est si long, nous aurons si froid, et plus de feuillage pour nous tenir chaud.

Mais le frêne s'en moquait. Au contraire ! Trop content de se défaire de son vêtement raté, il perdit toutes ses feuilles et se dressa tout droit dans la forêt, attendant l'hiver. Autour de lui, les joncs, les bouleaux et le chêne luttaient de toutes leurs forces contre la bise pour garder le plus lontemps possible toutes leurs feuilles.

Mais le frêne, étourdi, n'avait tiré aucune leçon de son expérience. L'année suivante, à la fin de l'hiver, il dormait encore et il oublia de se préparer à temps. Encore une fois, il resta mal habillé tout l'été, et fut le premier à se déshabiller lorsque les jours raccoucirent.



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 20 Mars 2013 à 20:49:56
    Le rat de ville et le rat des champs
    (Selon La Fontaine).


        Autrefois le rat de ville
        Invita le rat des champs,
        D'une façon fort civile,
        A des reliefs d'ortolans.
        Sur un tapis de Turquie
        Le couvert se trouva mis.
        Je laisse à penser la vie
        Que firent ces deux amis.
        Le régal fut fort honnête ;
        Rien ne manquait au festin :
        Mais quelqu'un troubla la fête
        Pendant qu'ils étaient en train.
        A la porte de la salle
        Ils entendirent du bruit :
        Le rat de ville détale ;
        Son camarade le suit.
        Le bruit cesse on se retire :
        Rats en campagne aussitôt,
        Et le citadin de dire :
        « Achevons tout notre rôt.
        - C'est assez, dit le rustique ;
        Demain vous viendrez chez moi.
        Ce n'est pas que je me pique
        De tous vos festins de roi ;
        Mais rien ne vient m'interrompre :
        Je mange tout à loisir.
        Adieu donc : fi du plaisir
        Que la crainte peut corrompre !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Mars 2013 à 16:16:22
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Les petites graines de bonheur

Il y a très très longtemps, dans un pays baigné par la mer et le soleil, vivait un riche seigneur très puissant. Son peuple lui était fidèle et le respectait ou plutôt il le craignait. Ce seigneur possédait tout ce qu'un seigneur peut posséder et pourtant, il n'était pas heureux. Son malheur venait de son mauvais caractère. Il se mettait en colère pour des riens, n'était jamais satisfait, n'aimait rien et ne désirait rien. Bien plus, il terrorisait ses domestiques et se montrait souvent sans cœur pour son bon peuple.
Mais en plus d'être colérique, il était belliqueux et il attaquait ses voisins sans raison. Un matin, il décida de partir en guerre contre son voisin du Sud. Ses troupes étaient nombreuses et bien armées et elles eurent tôt fait de gagner la bataille et d'agrandir la terre du seigneur qui n'en avait pourtant pas besoin. Malgré cette victoire, le seigneur n'était toujours pas heureux.

Les troupes revinrent au pays. Elles furent acclamées par la foule. Les rues avaient été décorées de guirlandes de fleurs et de papier pour l'occasion. Les fanfares jouaient au coin de chaque rue. Les femmes et les enfants dansaient sur les places. Et le soir, un immense feu d'artifice fut tiré depuis les hauteurs de la ville. C'était le plus beau feu d'artifice qu'on n'ait jamais vu de mémoire d'homme. Le peuple était heureux. Mais le seigneur, loin de se réjouir gardait la mine renfermée et n'était toujours pas heureux.

Le peuple se posait bien des questions sur son seigneur triste. A force de le voir, le visage fermé et d'entendre ses soupirs, chaque habitant se sentit lui aussi gagné par la tristesse. Le seigneur s'en redit compte et il ne comprenait pas pourquoi ses sujets affichaient des regards tristes. Il fit seller son plus beau cheval et parcouru toutes les rues de la ville. Chaque fois qu'il rencontrait quelqu'un, il lui demandait : "- Dis-moi : qu'est-ce qui ne va pas ? Parle, je te l'ordonne."

L'homme courbait le dos mais n'osait avouer la cause de sa tristesse. Ils craignait la colère du seigneur s'il lui disait la vérité. Tout les gens étaient fatigués de se battre sans raison, d'attaquer sans être provoqué, de vaincre des voisins qui quelques temps plus tôt étaient des amis et de trembler à chaque instant dans la peur de ne pas satisfaire le seigneur.

Irrité par le silence de son peuple, le seigneur cravacha son cheval et s'en fut dans la campagne. Il galopa longtemps, longtemps, quand soudain, il entendit un bruit étrange. Ce bruit ressemblait au clapotis de l'eau mais il n'y avait pas d'eau à cet endroit. Intrigué, il arrêta sa monture et tendit l'oreille pour mieux percevoir le frémissement sonore.

A quelques pas de lui, un petit garçon aux cheveux châtains foncés et à la peau matte était agenouillé sur le sol. Il était tellement occupé par son travail qu'il ne remarqua même pas la présence du seigneur. Une à une, le petit garçon plantait des petite graines qu'il sortait d'un petit sac en jute. Il chantonnait une chanson très douce qui ressemblait à l'eau qui caresse les pierres.

En le voyant ainsi affairé, le seigneur sentit monter en lui une grosse colère. C'était bien la première fois que quelqu'un ne faisait pas attention à lui. Il se contint cependant car il était intrigué par la chanson. Au bout de quelques minutes, le seigneur qui n'était pas patient, se mit à toussoter et le petit garçon le regarda un sourire sur les lèvres. Ses grands yeux croisèrent ceux du seigneur qui sous le poids du regard de l'enfant sentit fondre sa colère comme par enchantement. Le petit garçon s'inclina respectueusement et tendit au seigneur son petit sac de jute contenant les graines. Il s'en empara et sans même le remercier cravacha son cheval et s'en retourna vers son palais.

Quand le soir arriva, il posa le sachet de graines à côté de son oreiller et s'endormit. Au matin, il s'éveilla plein de force et d'énergie comme les matins où il décide de partir à la guerre. Mais aujourd'hui, pas de guerre ! Il avait une bien meilleure idée. Il descendit dans son jardin et se mit à labourer la terre.

Vous imaginez sans peine la surprise de ses sujets. Le seigneur travaillait dans les jardins du palais en suant sous le soleil. Jour après jour, mois après mois, par tous les temps, la pluie, la neige, le gel, il laboura, sema, nettoya les jardins en ne ménageant pas ses efforts.

Un matin, le printemps apparu. L'air embaumait d'une senteur nouvelle. Les oiseaux dans le ciel chantaient des mélodies aux accents inconnus. Dans les rues, sous les rayons du soleil, les gens se parlaient en riant. Mais le seigneur ? Où était le seigneur ? Pourquoi ne se réjouissait-il pas avec ses sujets ?

Il se tenait tout seul, à l'écart de tous. Dans sa main, il tenait un petit bouquet de fleurs et de grosses larmes coulaient le long de ses joues. Il était triste de ne pas savoir pourquoi il était triste. Partout autour de lui, ce n'était que joie et bonheur mais dans son cœur, la peine était encore plus grande qu'à l'habitude. Il avait tant travaillé pour donner un superbe jardin au palais. Il avait cru qu'en se dépensant sans compter, il trouverait enfin la clé qui mène à la joie. Hélas ! Mille fois hélas !

Il se désespérait lorsqu'il vit arriver à ses côtés le petit garçon. Il avait bien un peu grandi depuis le jour où il l'avait rencontré dans la campagne mais il le reconnut sans peine à ses grands yeux et ses cheveux foncés.

- "Bonjour, dit l'enfant. Je m'appelle Jeremy. Regarde autour de toi, Seigneur. Regarde avec ton cœur : l'herbe, les fleurs, les oiseaux, les papillons, les gens. Tu sais, c'est là le secret du bonheur".

Il ouvrit les yeux et pour la première fois de sa vie, le seigneur vit les choses et les êtres comme jamais il ne les avait vus auparavant. Il remarqua les couleurs, entendit les chants, sentit les odeurs et la joie emplit son cœur. Il éprouva à cet instant un amour sincère pour son peuple et il se dit qu'il était grand temps de songer à se marier et à fonder une famille. En regardant Jeremy, il pensa que ce serait merveilleux d'avoir un petit garçon comme lui. Il lui prit la main et l'emmena dans son palais.

Quelques temps plus tard, le seigneur se maria et on raconte qu'il a eu de nombreux enfants et a vécut très heureux car il avait compris que le bonheur vivait dans les choses les plus simples qu'on a bien souvent à portée de la main.





Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Mars 2013 à 16:45:56
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L'affreuse chenille

Il était une fois... Une petite chenille velue... Celle-ci, perchée sur une haute feuille d'un mûrier, déjeunait avec appétit. Si bien qu'elle n'aperçut pas le merle qui volait dans sa direction avec convoitise. Ce dernier, évidemment, l'avait prise pour cible dans l'espoir d'en faire son repas. L'oiseau fondit sur elle. Heureusement, il la rata de peu et vint planter son bec pointu dans la feuille tendre. Sous le choc, la petite chenille perdit l'équilibre et dégringola jusqu'au sol.

- Ouf ! Pas de mal !, murmura-t-elle.
Soudain, quelques ricanements fusèrent derrière la malchanceuse. Se tortillant de tous ses anneaux, elle parvint enfin à se remettre sur ses pattes. Une punaise, une araignée et une guêpe la regardaient en souriant.
- Regardez-moi cette petite ridicule !, dit la grosse araignée.
- C'est bien fait ! Beuêêêrk ! Un ver avec des poils !, ajouta la guêpe.
- Je... Je ne suis pas un ver, rétorqua la chenille. Je suis une che...
Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase ; l'énorme punaise lui coupa la parole :
- Tais-toi ! Les rampants sont nos inférieurs et ils nous doivent obéissance.
- Mais... Mais..., tenta la petite chenille.
- Fiche le camp !, dit l'araignée, ou tu me serviras de dîner.

La petite ne pouvait qu'obéir et fit demi-tour. Depuis lors, chaque fois qu'elle apercevait un insecte, elle se cachait rapidement. Plusieurs jours s'étaient écoulés et la chenille vit pour la première fois son reflet dans la rosée d'une corolle de fleur.
- Mon Dieu ! Que je suis affreuse ! Je veux mourir, murmura-t-elle.
Lorsque le soir tomba, la petite chenille n'avait pas cessé de sangloter. Épuisée, elle s'endormit. Quelques temps plus tard, elle s'éveilla. Une brume épaisse semblait lui coller au corps.

- Où suis-je ? Combien de temps ai-je dormi ? Que m'arrive-t-il ? Je distingue à peine la clarté et je suis à l'étroit dans ma peau...
L'araignée, la guêpe et la punaise qui passaient par là observèrent la petite chenille séchée qui se tortillait faiblement.
- Ne dirait-on pas l'affreuse idiote que nous avons rencontrée il y a quelques semaines ?, dit l'araignée.
- Serait-elle en train de mourir ?, questionna la guêpe.
- Bah ! De toute façon, laide comme elle était, ce n'est pas une grande perte !, ricana la punaise.

Un craquement sinistre retentit, faisant reculer les trois spectateurs. Le bizarre objet séché n'était que la chrysalide de l'affreuse petite chenille. Le cocon, en se déchirant, libéra un énorme papillon. Il déploya toutes grandes ses ailes multicolores et toisa les trois médisants.

Le papillon prit la parole :
- Cancanez et ricanez à votre aise, mes pauvres amis ! A présent, c'est mon tour. Je vous plains, vous, qui toute votre vie devrez fuir devant ceux qui veulent vous exterminer !
A présent, l'affreuse chenille vous salue et s'en va folâtrer...
Sur ces mots, le beau papillon prit son envol. Le déplacement d'air de ses battements d'ailes fit basculer les trois insectes ébahis. L'araignée, la guêpe et la punaise demeurèrent assises sur le sol jusqu'à ce que le papillon ait disparu dans le ciel.
Alors, en promenade, ne chassez pas les papillons. Ils souffrent assez pour naître...



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Mars 2013 à 17:00:04
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Il était une fois un paysan

Il était une fois un paysan qui possédait malgré sa pauvreté une petite ferme, un potager et un unique boeuf. Sa ferme très délabrée était faite de vieilles planches de bois qui moisissaient. Elle était constituée de deux pièces. La première était celle où, autrefois, il y avait l'étable qui pouvait accueillir une dizaine de boeufs. Maintenant il n'en reste plus qu'un car les autres, le paysan les avait tous vendus pour quelques sous. La deuxième pièce était celle où le paysan dormait, mangeait et se lavait. Le potager ne donnait pas beaucoup de légumes car la terre n'était pas fertile.


Mais le paysan en vivait en les vendant au bourg voisin. Cette maison était située en plein milieu d'un marécage remplit d'animaux bizarres (On disait que des trolls habitaient dedans) et de trous de vase de six mètres de profondeur ou de sables mouvants qu'on repérait difficilement. Il était lugubre ? surtout la nuit. Le marécage était, en été, asséché et laissait apparaître des algues d'eau douce sèches. Comme c'était l'été, on pouvait voir comment cette ferme flottait sur l'eau. Cette maison et son potager ne flottaient pas, mais étaient aménagés sur un talus de pierres et de terre qui avait été construit par le paysan.

Cette ferme qui ressemblait à une maison retranchée était reliée par un ponton qui aboutissait à un portail grinçant qui faisait office de sonnette. On pouvait voir aussi que les rives du marécage étaient entourées de buissons et d'arbres.

Mais cette maison n'était pas gratuite, il fallait payer beaucoup d'impôts et le paysan se perdait dans ses comptes. Bien que sa ferme soit située sur un terrain peu cher il dépensait presque tout son argent en nourriture. Il ne lui en restait plus pour payer les terres.


Un jour, par un beau temps d'été le roi, accompagné de ses experts comptables et de son escorte, lui rendit visite ; le paysan lui fit part de sa situation financière et de sa pitoyable vie.
- Je vois, je vois.. Mais vous avez oublié quelque chose, comptable, dit le roi.
L'un de ses comptables s'avança vers le paysan et dit :
- En effet vous avez oublié de payer les taxes de nourriture, celles sur le terrain et celles sur le droit de cultiver les terres : ce qui nous donne un total de onze mille écus !!!
- T..t..tant que ça ! ! ! ? S'écria le paysan.
- Oui tant que ça, et même si vous vendez tout ce que vous possédez, mais il reste une dernière chance car j'ai entendu parler d'un objet ou d'un animal qui pourrai vous donner ce que vous désirez... dit le roi d'un ton évasif.
- D'accord j'y cours tout de suite... Mais c'est où ?
- Cela se trouve en plein désert et il faudrait aussi gravir une montagne, mais même le plus insensé des fous ne se risquerait pas à le faire, dit le roi avec un petit rire.
- Eh bien, je suis fou et je vais le faire, dit-il bien déterminé.
- Soit, soit, allez-y mais dépêchez-vous, je commence à m'impatienter.
Sur ce, le paysan décida de partir la nuit même...

Le soir approchait et les heures paraissaient des jours entiers. Cependant il s'était préparé : Il avait attelé sa charrette avec son dernier boeuf. Il avait monté dessus une tente triangulaire et rembourrée de paille et d'herbe sèche. Il s'était habillé chaudement et il avait préparé une tenue d'été ( il ne faut pas croire qu'il fait toujours chaud dans un désert). Il avait pris également un tonneau d'eau qu'il avait rempli de morceaux de glaces volés dans la glacière royale. A l'intérieur de la tente il y avait tout ce qu'il fallait : une couchette, une cheminée en terre cuite, quelques vêtements de rechange, plus les livres qui étaient cachés sous la charrette. "Bon, se dit le paysan, à mon avis tout ce bric-à-brac doit suffire."

Enfin il se décida à partir et ouvrit le portail. Après un long moment, il prit un chemin bordé d'arbres puis tout à coup la lanterne s'éteignit. Lorsqu'il la ralluma, à sa grande surprise, il était en plein désert. En vérifiant sur la carte, il vit que le chemin aboutissait directement au désert. Il rangea sa carte, s'allongea sur sa couchette et s'endormi.

Il se réveilla quelques heures plus tard, il faisait toujours nuit, et en sortant de la tente pour s'asseoir sur le banc du conducteur, il vit une silhouette à quelques mètres de la charrette. Le paysan l'arrêta, puis avança la lanterne pour mieux voir. Deux yeux reflétaient la lumière de la lanterne. Ils s'avancèrent et le paysan s'écria :
- Ha... Un chat ici ?
- Oui un chat mais pas n'importe lequel : je suis Zic-Zac, dit le chat.
- Connaît pas, drôle de nom, mais en tout cas, je suis content d'avoir un invité qui parle. Je suis un peu seul. Puis-je t'inviter pour le repas, tu sembles avoir faim.
- J'allais justement te le demander, cela fais longtemps que je n'ai pas mangé, dit le chat affamé.
- Bon, qu'est-ce que tu veux ? ...

Après un somptueux repas et un bol de lait ? le chat dit :
- Veux-tu que je t'aide dans ta quête ?
- D'accord mais comment ?
Et le chat lui donna une petite clef en or.
- Ton dîner était excellent, et pour te remercier je te la donne : c'est une clef magique, ou si tu préfères, c'est une clef passe partout. Je te donne aussi cette petite boîte (c'était une boîte en forme de pyramide incrustée de pierres précieuses). Elle te transportera là où tu veux à condition que tu sois à l'intérieur du bouclier...
- Et comment fonctionne-t-elle cette boite ?
Le chat ? Le chat ? Mais le chat était déjà sorti de la charrette et salua le paysan, puis disparu dans la nuit sombre.

Le paysan se coucha... Puis, après quelques heures de sommeil, à l'aube le paysan vit une autre charrette mieux équipée que la sienne. "Cela doit être un chevalier du roi qui a du être envoyé pour rapporter l'animal, j'aurais du m'en douter." Pensa le paysan. L'aube se levait et tout à coup, le paysan entendit un petit sifflement et vit un carreau d'arbalète planté dans le sable.
- Mais il est fou ! Il me tire dessus ! S'exclama le paysan. Puis un autre carreau s'abattit sur sa tente. Il se dit qu'il avait bien fait de rembourser sa tente.

C'était l'heure de déjeuner, alors le paysan décida de manger puisque dans sa tente il ne craignait rien. Mais avant de s'y engouffrer, il vit que la charrette de l'autre, qui continuait à avancer, était en flamme, et que son cheval avait disparu. Le garde du roi avait brûlé dans la charrette ! Il se souvint alors de ce que le chat lui avait dit : "La boite te transportera là où tu veux à condition que tu sois à l'intérieur du bouclier..."

En se rappelant de ce que le chat lui avait dit, il arrêta la charrette et descendit sur le sable. Il faisait un soleil de plomb et en essuyant les perles qui ruisselaient sur son front, il prit une poignée de sable brûlant qu'il jeta sur le bouclier invisible qui devait se trouver sans doute devant lui... Et le sable s'enflamma ! Tout devint clair pour le paysan :

Le bouclier dont avait parlé le chat était un bouclier invisible qui protégeait la montagne de verre et ses alentours où se trouvait cet animal merveilleux, et qui ne laissait passer que les animaux. Aussi, le chat lui avait donné une petite clef en or qui devait sans doute ouvrir une porte sur le bouclier... Mais où était la serrure ? Le paysan se dit alors qu'il suffisait d'en faire le tour pour la voir.

Il fit le tour mais il ne vit pas de porte, juste la montagne de verre sous tous ses angles. Le soleil était au plus haut et reflétait sur la montagne ce qui éblouissait le paysan.

Comme il ne voyait pas la porte, il arrêta la charrette et se dit qu'en fait, il n'y avait qu'à mettre la clef dans le bouclier. Le paysan le fit et il entendit un bruit sourd indescriptible. Puis, pour s'assurer qu'il avait bien ouvert une porte, il lança une grosse poignée de sable qui ne s'enflamma pas. Il remonta donc dans sa charrette et remit le boeuf en marche. Tout à coup, le paysage se changea en une belle prairie d'herbe fraîche avec un lac rempli d'animaux qui barbotaient dedans. Il vit aussi une forêt d'où sortaient des animaux. Tous ces animaux avaient l'air très heureux ici, et le climat était frais. Il vit au centre de la prairie la montagne de verre qui semblait surgir du sol ; au sommet trônait un jardin rempli d'arbres et de fleurs.

Le paysan se dit qu'alors le bouclier donnait aussi une fausse image du paysage lorsqu'on était hors du bouclier. Il entendit un bruit sourd comme si la porte s'était refermée.
- Mais comment vais-je faire pour aller là-bas, au pied de la montagne ?
En effet, la montagne était sur un îlot entouré d'eau. Puis il pensa à la boite, il la prit et essaya de l'ouvrir : Il réussit à l'entrebâiller
mais " OUAIIEEE ! ! ! " Il se pinça le pouce car la boite se referma sur son pouce. En poussant ce cri, il fit partir tous les oiseaux qui s'abreuvaient dans le lac et les autres animaux courraient dans tous les sens puis se cachaient dans la forêt. Puis il entendit une voix rauque qui semblait provenir de derrière la charrette :
- Idiot, tu as fait raté mon coup, à cause de toi je n'aurais pas mon festin ! ! !

Le paysan sortit de la charrette et vit un chien tout noir au ventre recouvert de poil rouge orangé qui était fou de rage et qui montrait ses dents. Ses yeux rouges, ardents semblaient transpercer le paysan qui eut un frisson qui parcourut sa colonne vertébrale.
- Qui... qui êtes vous ?
- Je suis Méchantchien la terreur des animaux ? Et si tu te moques de mon nom, je te dévore. Mais je crois que tu as fais fuir les animaux, c'est toi que je vais dévorer !
- Ah..ah ne me touche p..pas, dit le paysan d'un ton fébrile.
Et en un instant le chien lui mordit profondément le bras mais " KCHISSS ! ! ! "
- Kaïïïïï !?! C'était le chat qui était intervenu avant que le Méchantchien ne dévore le paysan.
- Ah... j... je meurs, dit le paysan tout frissonnant.
- Mais non, mais non, tu ne meurs pas, ce n'est qu'une petite blessure, je vais arranger ça, dit une voix familière.
- C'est toi le chat ? On dirait que tu as fait une belle frousse à ce chien. Il est parti en courant la queue entre les pattes, dit le paysan.
Il vit le chat apparaître avec un flacon dans sa gueule et en versa un peu sur sa blessure. Le paysan vit sa blessure disparaître...
- Qu'est-ce que c'est ?
- C'est juste de l'eau du lac où s'abreuvent les oiseaux " dit le chat en lui faisant signe de prendre un objet, une dague, qu'il poussa avec sa patte.
Le chat lui expliqua aussi qu'elle pouvait faire disparaître Méchantchien...
- Bon, maintenant que tu as la dague, va manger le chien, dit le chat. Et le paysan sauta de la charrette et vit que le chien était à l'affût au bord du lac.
- Toutou... petit chienchien... petit petit, cria le paysan et le chien cria à son tour avec rage :
- Grrrr... encore toi ? Cette fois ci s'en est fini !
Et le chien chargeât le paysan... Le paysan ne savait pas manier les armes, mais les lancer ça oui, alors il le fit et d'un tir très bien assuré... Incroyable se dit le paysan car "PLUC" le chien explosa en de milliers de cendres ardentes.

Le paysan reprit la dague qui avait traversé le chien sans une trace de sang, puis il se retourna vers le chat toujours assis sur la banquette du conducteur et qui avait assisté au spectacle comme sur une estrade pour regarder les théâtres de plein air. Puis le paysan dit :

- Euh... tu ne me l'as pas dit comment marche ce machin là ... euh... le transporteur.
- Mince c'est vrai, j'ai oublié de te le dire : c'est simple, il suffit de dire l'endroit où tu veux aller, mais juste à l'intérieur du bouclier bien évidemment.
- Merci, je vais essayer cette boite.
Mais lorsqu'il se retourna le chat n'était plus là !
- Impossible d'avoir une discussion avec lui. Mais enfin je vais essayer cette boite.
- Il essaya déjà un endroit assez loin :
- Hum... au bord du lac. Mais une voix couinante sortit de la boite :
- Indiquez un endroit précis !
- Vers les joncs là-bas.
- Avec qui ou quoi ?
- Avec. ( il réfléchit ) - euh... avec mon boeuf, ma charrette et tout ce qu'elle contient enfin.. euh tout ce que je possède.
- Quand ?
- Grrr, mais TOUT DE SUITE ! ! !

Et instantanément la boite s'ouvrit en laissant apparaître une autre pyramide en cristal bleu qui éclata en poussière bleue, ce qui brouilla la vue du paysan , et en se retirant, le paysan vit qu'il était au bord du lac. Mais comme il avait dit " tout ce que je possède ", il était bien avec sa charrette, son boeuf et tout, mais il y avait aussi son talus de pierre, son potager dessus, sa maison aussi, et même son ponton qui faisait office de ponton d'amarrage car il avait les pieds dans l'eau du lac.

Et comme celle-ci était magique le ponton se transforma en un ponton poncé et ciré avec des anneaux. Le talus de pierre se transforma en en une jolie dune de sable bordée de sapin et le jardin se transforma en magnifique jardin avec un coin rempli de fleurs de toutes sortes, avec des allées et des dalles de marbre rose, puis des légumes de toutes sortes et douze arbres fruitiers. Enfin, la maison devint un vrai palace sur plusieurs étages dont une terrasse pour déjeuner et, une cloche de verre qui abritait un jardin avec beaucoup d'outils et de produits (sans doute magiques) pour croiser les végétaux.

Le paysan s'était assis par terre à cause de son bonheur. Il se releva, ouvrit le portail, et entra dans sa maison. Il vit que le rez-de-chaussée était une grande salle avec un plancher tellement bien ciré qu'il faillit tomber. Une grande table était dressée au milieu et débordante de convives. Puis un serveur entra et dit :
- Bonjour Monsieur, je suis votre serviteur : cuisinier, masseur, entraîneur, jardinier, ... enfin je fais tout. Puis-je vous faire une visite des lieux.
- Bon...bonjour j... je veux bien visiter.
- Tant mieux sinon vous risqueriez de vous perdre.

Le paysan suivit le serviteur qui monta par un escalier en colimaçon... Et à la fin de la montée, le serveur ouvrit une porte et un vestiaire se présenta derrière la porte. Le guide dit au paysan de se déshabiller et de prendre une serviette et il ouvrit une autre porte qui menait maintenant à des thermes immenses : bains chauds ou froids, plongeoir, et sauna.

Le serviteur lui dit :
- Si Monsieur veut bien prendre un bain.
- Je n'ai pas le temps de faire la visite des lieux, je dois... Mais le serviteur lui coupa la parole.
- Je suis au courant de votre quête. Vos problèmes sont finis, j'ai réglé vos dettes.
- Ah, mais je n'avais pas assez de sous !
- Je sais, c'est pour ça que j'ai demandé à un animal de la faire à votre place.
- Ah ! Oui, il vous attend dans le jardin.
- Il attend dans... le jardin !
Et il descendit dans le jardin et le serviteur laissa le paysan. Le paysan demanda :
- Une dernière chose : où se trouve l'animal et, votre nom, c'est comment ?
- Il est au fond du jardin à coté de la fontaine, je m'appelle Faitou.
- Merci.
Et le paysan alla au fond du jardin et quand il arriva près de la fontaine, le paysan sursauta :
- Ah ! C'est toi Zic-Zac l'animal merveilleux ?
- Oui c'est moi et je préfère que tu m'appelles le chat. Tu te demandes pourquoi je t'ai aidé ? Car dès que j'ai su que tu avais une intention déterminée : payer tes dettes, alors que d'habitude les gens veulent le pouvoir et la richesse. Et qu'en plus tu aimais les chats ! Et les animaux. Dorénavant ce petit paradis t'appartient !
- Merci, dit le paysan en portant le chat, entre ses bras. Tu seras mon animal de compagnie. Je vais demander à Faitou de mettre un couvert de plus et après on jouera à ton jeu favori : les ENIGMES.

Et ils vécurent heureux pendant des milliers années (compte tenu des produits magiques qui rallongent la durée de la vie ).
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Mars 2013 à 17:31:17
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La malle volante

Il était une fois un marchand, si riche qu'il eût pu paver toute la rue et presque une petite ruelle encore en pièces d'argent, mais il ne le faisait pas. Il savait employer autrement sa fortune et s'il dépensait un skilling', c'est qu'il savait gagner un daler. Voilà quelle sorte du marchand c'était - et puis, il mourut.
Son fils hérita de tout cet argent et il mena joyeuse vie; il allait chaque nuit au bal masqué, confectionnait des cerfs-volants avec des riksdalers de papier, et faisait des ricochets sur la mer avec des pièces d'or à la place de pierres plates. A ce train, l'argent filait vite... A la fin, le garçon ne possédait plus que quatre shillings et ses seuls vêtements étaient une paire de pantoufles et une vieille robe de chambre.

Ses amis l'abandonnèrent puisqu'il ne pouvait plus se promener avec eux dans la rue. Mais l'un d'entre eux, qui était bon, lui envoya une vieille malle en lui disant: Fais tes paquets!

C'était vite dit, il n'avait rien à mettre dans la malle. Alors, il s'y mit lui-même.

Quelle drôle de malle! si on appuyait sur la serrure, elle pouvait voler.

C'est ce qu'elle fit, et pfut! elle s'envola avec lui à travers la cheminée, très haut, au-dessus des nuages, de plus en plus loin. Le fond craquait, notre homme craignait qu'il ne se brise en morceaux, il aurait fait une belle culbute! Grand Dieu! ... et puis, il arriva au pays des Turcs. Il cacha la malle dans la forêt, sous des feuilles sèches,

Quand nous étions parmi les rameaux verts, soupiraient-elles, on peut dire C'était la belle vie. C'était matin et soir thé de diamants - la rosée - toute la journée le soleil quand il brillait - et les oiseaux pour nous raconter des histoires.

Et nous nous sentions riches! Les arbres à feuillages n'étaient vêtus que l'été. Nous, nous avions les moyens d'être habillées de vert été comme hiver. Mais les bûcherons sont venus et ça a été la grande révolution: notre famille fut dispersée.

Notre père le tronc fut placé comme grand mât sur un splendide navire qui pouvait faire le tour du monde, s'il le voulait; les autres branches furent utilisées ailleurs, et notre sort, à nous, est maintenant d'allumer les lumières pour les gens du commun. C'est pourquoi nous, gens de qualité, avons échoué à la cuisine.

- Mon histoire est toute différente, dit la marmite. Depuis que je suis venue au monde, on m'a récurée et fait bouillir tant de fois! je pourvois au substantiel et suis réellement la personne la plus importante de la maison. Ma seule joie c'est, après le repas, de m'étendre propre et récurée sur une planche et de tenir la conversation avec les camarades. Mais à l'exception du seau d'eau qui, de temps en temps, descend dans la cour, nous vivons très renfermés. Notre seul agent d'information est le panier à provisions, mais il parle avec tant d'agitation du gouvernement et du peuple! Oui, l'autre jour, un vieux pot, effrayé de l'entendre, est tombé et s'est cassé en mille morceaux - il a des idées terriblement avancées, vous savez!

- Tu parles trop, dit le briquet. Son acier frappa la pierre à fusil qui lança des étincelles. Tâchons plutôt de passer une soirée un peu gaie.

Oui, dirent les allumettes. Cherchons qui sont, ici, les gens du plus haut rang. -Non, je n'aime pas à parler de moi, dit le pot de terre, ayons une soirée de simple causerie. je commencerai. Racontons quelque chose que chacun a vécu, c'est bien facile et si amusant.

- Au bord de la Baltique, sous les hêtres danois ...

- Quel charmant début! interrompirent les assiettes. Nous sentons que nous Baignerons cette histoire!

Oui, j'ai passé là ma jeunesse dans une paisible famille. Les meubles étaient cirés, les parquets lavés, les rideaux changés tous les quinze jours.

Comme vous racontez d'une manière intéressante! dit le balai à poussière. On se rend compte tout de suite que c'est une femme qui parle; il y a quelque chose de si propre dans votre récit.

- Oui, ça se sent, dit le seau d'eau. Et, de plaisir, il fit un petit bond et l'on entendit "platch" sur le parquet.

Le pot de terre continua son récit dont la fin était aussi bonne que le commencement. Les assiettes s'entrechoquaient d'admiration, et le balai prit un peu de persil et en couronna le pot parce qu'il savait que cela vexerait les autres, et aussi parce qu'il pensait: "Si je le couronne aujourd'hui, il me couronnera demain." Maintenant, je vais danser pour vous, dit la pincette.

Et elle dansa. Grand Dieu! comme elle savait lancer la jambe! La vieille garniture de chaise, dans le coin, craqua d'intérêt devant ce spectacle.

- Est-ce que je serai couronnée ? demanda la pincette. Et elle le fut.

- Comme elle est vulgaire, pensèrent les allumettes.

C'était au tour de la bouilloire à thé de chanter, mais elle prétendait avoir un rhume et ne pouvoir chanter qu'au moment de bouillir. Ce n'était qu'une poseuse qui ne voulait se produire que sur la table des maîtres.

Sur la fenêtre, il y avait une vieille plume dont la servante se servait pour écrire. Elle n'avait rien de remarquable sinon qu'elle avait été plongée trop profondément dans l'encrier ce dont elle tirait grande vanité.

- Si la bouilloire à thé ne veut pas chanter, dit-elle, elle n'a qu'à s'abstenir. Il y a là dehors, dans une cage, un rossignol. Lui sait chanter quoiqu'il n'ait jamais appris. Il nous suffira pour ce soir.

- Je trouve fort inconvenant, dit la bouilloire qui était la cantatrice de la cuisine, qu'un oiseau étranger se produise ici. Est-ce patriotique ? J'en fais juge le panier à provisions.

- Je suis vexé, dit le panier à provisions, plus que vous ne le pensez peut-être! Est-ce une manière convenable de passer la soirée? Ne vaudrait-il pas mieux réformer toute la maison, mettre chacun à sa place! je dirigerais le mouvement. Ce serait autre chose.

Oui, faisons du chahut ! s'écrièrent-ils tous.

A cet instant, la porte s'ouvrit, la servante entra. Tous devinrent muets. Personne ne broncha plus, mais il n'y avait pas un seul petit pot qui ne fut conscient de ses possibilités et de sa distinction.

- Si j'avais voulu, pensaient-ils tous, cela aurait vraiment pu être une soirée très gaie.

La servante prit les allumettes et les gratta. Comme elles crépitaient et flambaient!

- Maintenant, tout le monde voit bien que nous sommes les premières. Quel éclat! Quelle lumière

Ayant dit, elles s'éteignirent.

- Quel charmant conte, dit la reine. je croyais être à la cuisine avec les allumettes. Oui, tu auras notre fille.

- Bien sûr, dit le roi, tu auras notre fille lundi.

Ils le tutoyaient déjà puisqu'il devait entrer dans la famille.

Le mariage fut fixé. La veille au soir toute la ville fut illuminée, les petits pains mollets et les croquignoles volaient de tous côtés, les gamins des rues se tenaient sur la pointe des pieds, criaient "Bravo! " et sifflaient dans leurs doigts. Une belle soirée !

Il faut aussi que je fasse quelque chose de bien, pensa le fils du marchand.

Il acheta des raquettes, des fusées, des pétards et tous les feux d'artifices imaginables. Il les mit dans sa malle et s'envola dans les airs.

Pfutt ! Quelles gerbes et quels crépitements tombaient du ciel !

Tous les Turcs sautaient en l'air, leurs pantoufles volant par-dessus leurs oreilles. Ils n'avaient jamais rien vu de si beau. Ils étaient bien persuadés que c'était le dieu des Turcs lui-même qui allait épouser la princesse.

Aussitôt que le fils du marchand fut redescendu dans la forêt, il se dit :

- Je vais aller en ville pour savoir comment tout s'est passé en bas, et ce qu'on a pensé de mon feu d'artifice.

Et c'était assez naturel qu'il fût curieux de le savoir. Non ce que les gens pouvaient en dire! chacun avait vu la chose à sa façon, mais tous l'avaient vivement appréciée.

- J'ai vu le dieu des Turcs en personne, disait l'un, il avait des yeux brillants comme, des étoiles et une barbe comme l'écume de la mer.

- Il portait un manteau de feu, disait l'autre, les anges les plus ravissants montraient leur tête dans ses plis. Tout cela était fort agréable! - et le lendemain, le mariage devait avoir lieu.

Il retourna dans la forêt pour remonter dans sa malle. Où était-elle donc? Elle avait brûlé; une étincelle du feu d'artifice y avait mis le feu et la malle était en cendres. Il ne pouvait plus voler, il ne pouvait plus se présenter devant sa fiancée.

Elle l'attendit toute la journée sur le toit de son palais. Elle l'y attend encore, tandis que lui court le monde en racontant des histoires, mais elles ne sont plus aussi amusantes que celle des allumettes.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Mars 2013 à 15:19:57
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Le dauphin intrépide

Il était une fois un Dauphin que rien n'effrayait et qui mourait d'ennui dans le château de son père. Un jour il déclara :
-"Je vais parcourir l'immensité du monde pour ne plus sombrer dans l'ennui et la mélancolie, ainsi je découvrirai d'innombrables merveilles."
Aussi prit-il congé de ses parents et s'en alla à la découverte, jour après jour, infatigablement, du matin au soir. Là où ses pas le menaient tout lui paraissait singulier.

Il arriva un beau jour face à la demeure d'un géant. Aussi en profita -t-il pour faire une pause, il s'assit donc près de l'entrée. Tandis que ses yeux exploraient minutieusement les lieux, il aperçut dans la cour un gigantesque jeu, c'était un jeu de quilles et il était aussi grand qu'un homme. Après quelques instants, l'envie le saisit de jouer, il pénétra dans le parc et il se mit à jouer. Il releva donc les quilles et se mit à les culbuter avec les boules, à chaque coup gagnant il poussait des cris de joie lorsque les quilles qui tombaient, c'était une vraie griserie. Le géant entendant ce vacarme, passa la tête par la fenêtre et aperçu le Dauphin, celui-ci n'était pour lui en fait qu'un petit homme pas plus grand que ses congénères et qui jouait avec ses quilles.
-"Eh ! bambin, que fais-tu avec mes quilles et qui t'a donné tant de force ?"
-"Eh bien titan, voudrais-tu dire que tu serais le seul à avoir un bras assez fort ? Je peux faire tout ce que bon me semble du moment que j'en ai l'envie et le plaisir."
Le géant descendit, regarda le jeu de quille éparpillé et dit :
-"Fils d'homme, si tu en as la force alors vas et ramène moi une Pomme de l'Arbre de la Vie."
-"Et que veux-tu donc en faire ?" rétorqua le Dauphin.
-"Je ne veux pas le fruit pour moi !" répondit le géant,
-"Mais pour ma fiancée qui le réclame ; j'avais parcouru le monde de long en large à sa recherche et je n'avais pu trouver cet arbre."
-"Je te le trouverai !" annonça le Dauphin, "et je ne vois pas, ce qui m'empêcherait de te ramener la Pomme."
Le géant s'exclama
-"Voudrais-tu dire que cele te serait si aisé ? Le jardin où pousse l'arbre est entouré d'une grille de fer, et devant cette grille se tiennent côte à côte, des bêtes sauvages, elles montent la garde et ne laissent passer personne."
-"Elles me laisseront passer" dit le Dauphin.
-"Oui, lorsque tu atteindras le jardin et que tu verras la Pomme suspendue dans l'arbre, elle ne sera pas encore à toi. Un anneau est pendu devant, au travers duquel tu devras tendre le bras, si tu veux atteindre et cueillir la pomme. Et ce ne sera pas de tout repos."
-"Pour moi, ce sera une broutille !" se vanta le Dauphin.

Il prit donc congé du géant et parcourut monts et vallées, champs et forêts jusqu'à ce qu'il trouve le jardin merveilleux. Les bêtes étaient là, mais elles dormaient, leurs têtes inclinées. Elles ne se reveillèrent point tandis qu'il approchait. Il les contourna, escalada la grille et se retrouva dans le jardin. Là se dressait au beau milieu, l'Arbre de la Vie, ses pommes rouges resplendissaient, comme pour le narguer. Il grimpa sur le tronc et tandis qu'il voulait atteindre une pomme, il vit un anneau pendre devant, il passa sans difficulté son bras au travers et attira à lui le fruit. L'anneau se referma sur son bras et il sentit soudain une force sauvage envahir son sang. Un fois redescendu de l'arbre, il évita de repasser par dessus la grille, et empoigna le portail et n'eût qu'à l'ébranler pour qu'il s'ouvrît à grand fracas. Il sortit mais le lion qui montait la garde devant était soudain devenu docile. Il suivi le Dauphin, humblement comme son maître.
Le dauphin ramena au géant la pomme promise et déclara :
-"Vois-tu, je te l'ai rapportée sans coup-férir !"
Le géant était heureux de voir son voeux si promptement assouvi. Il se précipita chez sa fiancée et lui donna la pomme qu'elle avait demandée. C'était une belle et intelligente femme, et vit qu'il ne portait pas au bras l'anneau. Elle lui dit alors :
-"Je ne crois pas que tu aies cueilli le fruit, puisque je ne vois pas l'anneau à ton bras."
Le géant dit :
-"Il suffit que je retourne chez moi pour le chercher."
Il pensa qu'il serait facile de prendre au petit Dauphin ce que celui-ci ne voudrait pas lui donner de bonne grâce. Il alla donc lui réclamer l'anneau, mais le Dauphin protesta :
-"Là où la pomme se trouve, doit aussi se trouver l'anneau." tonna le géant.
-"Si tu ne veux pas le donner, alors tu devras m'affronter."

Comme le Dauphin ne voulut pas lui céder, la lutte s'engagea donc. Ils s'affrontèrent très longtemps, mais le géant ne pouvait pas vaincre le Dauphin qui bénéficiait de la force de l'Anneau. Alors le géant imagina une ruse et proposa :
-"Je suis en nage d'avoir combattu et toi aussi. Allons nous baigner à la rivière pour nous rafraîchir puis nous reprendrons la lutte promptement."
Le Dauphin, qui manquait d'expérience et ne connaissait rien à la rouerie des êtres humain, accepta d'aller avec lui se baigner. Arrivé à la rivière, il se dévêtit, ota son Anneau et plongea dans la rivière.
Aussitôt, le géant bondit sur l'Anneau et disparu avec. Mais le lion, qui avait vu le larcin, se jetta sur ses talons, et le rejoignant lui arracha l'Anneau des mains et pour le ramener à son maître. De dépit le géant, se dissimula derrière un chêne, et attendit que le Dauphin se rhabille pour se précipiter sur lui. Et quand cela fut fait, il se jeta sur lui et lui creva les yeux.

Pauvre Dauphin, aveugle impuissant, il restait debout, paralysé. Le géant revint vers lui, le saisit par le bras comme on le fait pour quelqu'un que l'on veut guider. Il l'entraina sur le sommet d'un rocher. Puis le laissa debout là en pensant :
-"Encore un pas et il fera un saut mortel et je pourrai lui prendre l'Anneau".
Mais le fidèle lion n'avait pas abandonné son maître, il le saisit par son pourpoint et le tira petit à petit en arrière. Quand le géant revint pour dépouiller le mort, il vit que sa ruse avait échoué.
-"N'est-il pas possible d'éliminer un si faible petit humain ?" se dit-il rageusement, il empoigna le Dauphin et le mena par un autre chemin sur le surplomb : mais le lion qui avait remarqué le méchant dessein, aida à nouveau son maître à se sortir de ce nouveau danger. Alors qu'ils furent arrivés au bord, le géant lâcha le bras de l'aveugle et voulut le laisser seul, mais à cet instant le lion bouscula brutalement le géant qui partit s'écraser au fond du précipice.

Le fidèle animal, tira son maître à nouveau en arrière et le mena vers un arbre près duquel coulait un ruisseau à l'eau cristaline. Le Dauphin, s'assit, mais le lion s'allongea et lui arrosa le visage avec sa crinière. A peine quelques gouttes eurent-elles mouillées ses yeux qu'il put à nouveau distinguer quelque chose. Il remarqua un oiselet qui voleta tout près de lui, mais brusquement il se heurta à un arbre : il se laissa alors tomber dans l'eau. Après s'y être baigné, il s'envola d'un trait entre les arbres sans les toucher, comme s'il avait retrouvé une autre tête. Alors le Dauphin reconnut un signe de Dieu. Il se pencha sur l'eau et y plongea le visage. Quand il se releva, ses yeux étaient de nouveau clairs et purs, comme jamais auparavant ils n'avaient été.

Le Dauphin, remercia Dieu pour cette grande grâce et accompagné de son lion repartit parcourir le monde. Il parvint à un château qui était envoûté. A l'entrée se trouvait une jeune femme à l'allure gracieuse et au visage fin, mais elle avait été noircie. Elle lui adressa la parole et lui dit :
-"Hélas, pourras-tu me libérer du méchant sort qui m'a été jeté ?"
-"Que dois-je faire ?" répondit le Dauphin.
La jeune femme, expliqua :
"Tu devras passer trois nuits dans la grande salle du château maudit, mais tu ne devras pas avoir peur. Si en dépit de tout elle te tourmente et que tu y résiste sans gémir alors je serais libérée ; elle ne pourra pas te prendre la vie.
Alors le Dauphin annonça ;

-"Je ne crains rien, et je veux avec l'aide de Dieu essayer."
Il s'avança gaiement vers le château, et lorsque la nuit vint il s'assit dans la grande salle et attendit. Tout resta calme jusqu'à minuit. A ce moment là, un bruit fracassant retentit, et de chaque coin et recoin, vinrent de petits démons. Ils firent comme s'ils ne l'avaient pas vu, s'assirent dans la pièce firent du feu et commencèrent à jouer. Lorsqu'un d'entre eux perdait, il disait :
-"Ce n'est pas juste, il y a quelqu'un ici qui n'est pas des nôtres, et qui fait que je perds."
-"Attends, je viens, toi derrière le poêle" dit un autre. Les cris étaient toujours plus forts, et personne n'eût pu les entendre sans en être effrayé. Le Dauphin, resta de marbre, assit paisiblement et n'avait aucune crainte : finalement, les démons sautèrent sur le sol et se jetèrent sur lui. Il y en avait tant qu'il ne pouvait plus leur résister. Ils le tirèrent sur le sol, le pincèrent, le piquèrent le frappèrent et le cognèrent mais il ne poussa aucun cri. Au matin ils disparurent mais il était tellement courbattu qu'il ne pouvait plus plier une seule de ses articulations ; alors que le jour se levait, il vit approcher la jeune femme, elle tenait dans ses mains un flacon dans lequel se trouvait l'élixir de la Vie avec laquelle elle le nettoya. Aussitôt, ses douleurs disparurent et il sentit une force nouvelle irriguer son sang. Elle dit :
-"Une nuit, tu as eu de la chance de pourvoir tenir, mais deux sont encore à affronter." Puis elle partit, et il remarqua alors que ses pieds étaient devenus blancs. La nuit suivante, les démons revinrent et recommencèrent leur sarrabande : ils se jetèrent de nouveau sur le Dauphin et le frappèrent plus violemment que la veille, si bien que son corps ne fut plus que douleurs et blessures. Il resta si calme qu'ils durent le quitter alors que l'aube s'avançait, la jeune femme apparut et le soigna à l'élixir de la Vie. Et tandis qu'elle s'éloignait, il vit avec joie, qu'elle était devenue blanche jusqu'aux extrémités de ses doigts. Maintenant il devait tenir encore une nuit, mais elle serait la pire. Les démons revinrent encore :
-"Es-tu encore là ?", hurlèrent-ils, "tu seras tellement affligé que tu ne pourras plus respirer."
Ils le piquèrent, le frappèrent, le projetèrent ici et là en le tirant par les membres comme s'ils voulaient l'écarteler : mais il fit front à tout et ne poussa ni mots ni cris. Enfin les démons disparurent, mais il resta inconscient sans bouger : il ne pouvait pas non plus ouvrir les paupières pour voir la jeune femme qui vint à lui avec l'élixir de la Vie pour l'en asperger. Alors, d'un coup, il fut libérer de toutes ses douleurs et blessures et se sentit frais et vif comme après un sommeil réparateur et quand il ouvrit les yeux, il vit la jeune femme, qui se tenait debout près de lui, d'une blancheur immaculée et d'une beauté resplendissante.
-"Lève-toi !", lui dit-elle, "et passe ton épée au dessus de l'escalier et tout sera désenvoûté."
Lorsqu'il l'eut fait, le château fut libéré de l'envoûtement, et la jeune femme redevint une riche Dauphine. Les serviteurs vinrent pour annoncer que la table était dressée dans la grande salle. Ensemble ils mangèrent et burent, et le soir festoyèrent à leurs noces.


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Mars 2013 à 15:18:56
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Les présents des gnomes

Un tailleur et un forgeron voyageaient ensemble. Un soir, comme le soleil venait de se coucher derrière les montagnes, ils entendirent de loin le bruit d'une musique qui devenait plus claire à mesure qu'ils approchaient. C'était un son extraordinaire, mais si charmant qu'ils oublièrent toute leur fatigue pour se diriger à grands pas de ce côté. La lune était déjà levée, quand ils arrivèrent à une colline sur laquelle ils virent une foule de petits hommes et de petites femmes qui dansaient en rond d'un air joyeux, en se tenant par la main ; ils chantaient en même temps d'une façon ravissante, et c'était cette musique que les voyageurs avaient entendue. Au milieu se tenait un vieillard un peu plus grand que les autres, vêtu d'une robe de couleurs bariolées, et portant une barbe blanche qui lui descendait sur la poitrine. Les deux compagnons restaient immobiles d'étonnement en regardant la danse. Le vieillard leur fit signe d'entrer, et les petits danseurs ouvrirent leur cercle. Le forgeron entra sans hésiter : il avait le dos un peu rond, et il était hardi comme tous les bossus. Le tailleur eut d'abord un peu de peur et se tint en arrière; mais, quand il vit que tout se passait si gaiement, il prit courage et entra aussi. Aussitôt le cercle se referma, et les petits êtres se remirent à chanter et à danser en faisant des bonds prodigieux; mais le vieillard saisit un grand couteau qui était pendu à sa ceinture, se mit à le repasser, et quand il l'eut assez affilé, se tourna du côté des étrangers. Ils étaient glacés d'effroi; mais leur anxiété ne fut pas longue : le vieillard s'empara du forgeron, et en un tour de main il lui eut rasé entièrement les cheveux et la barbe; puis il en fit autant au tailleur. Quand il eut fini, il leur frappa amicalement sur l'épaule, comme pour leur dire qu'ils avaient bien fait de se laisser raser sans résistance, et leur peur se dissipa. Alors il leur montra du doigt un tas de charbons qui étaient tout près de là, et leur fit signe d'en remplir leurs poches. Tous deux obéirent sans savoir à quoi ces charbons leur serviraient, et ils continuèrent leur route afin de chercher un gîte pour la nuit. Comme ils arrivaient dans la vallée, la cloche d'un monastère voisin sonna minuit : à l'instant même le chant s'éteignit, tout disparut, et ils ne virent plus que la colline déserte éclairée par la lune.
Les deux voyageurs trouvèrent une auberge et se couchèrent sur la paille tout habillés, mais la fatigue leur fit oublier de se débarrasser de leurs charbons. Un fardeau inaccoutumé qui pesait sur eux les réveilla plus tôt qu'à l'ordinaire. Ils portèrent la main à leurs poches, et ils n'en voulaient pas croire leurs yeux quand ils virent qu'elles étaient pleines, non pas de charbons, mais de lingots d'or pur. Leur barbe et leurs cheveux avaient aussi repoussé merveilleusement. Désormais ils étaient riches; seulement le forgeron, qui, par suite de sa nature avide, avait mieux rempli ses poches, possédait le double de ce qu'avait le tailleur.
Mais un homme cupide veut toujours avoir plus que ce qu'il a. Le forgeron proposa au tailleur d'attendre encore un jour et de retourner le soir près du vieillard pour gagner de nouveaux trésors. Le tailleur refusa, disant : « J'en ai assez, et je suis content; je veux seulement devenir maître en mon métier et épouser mon charmant objet (il appelait ainsi sa promise) ; et je serai un homme heureux. » Cependant pour faire plaisir à l'autre, il consentit à rester un jour encore.
Le soir, le forgeron prit deux sacs sur ses épaules pour emporter bonne charge, et il se mit en route vers la colline. Comme la nuit précédente il trouva les petites gens chantant et dansant ; le vieillard le rasa et lui fit signe de prendre des charbons. Il n'hésita pas à emplir ses poches et ses sacs, tant qu'il y en put entrer, s'en retourna joyeux à l'auberge et se coucha tout habillé. « Quand mon or commencera à peser, se dit-il, je le sentirai bien ; » et il s'endormit enfin dans la douce espérance de s'éveiller le lendemain matin riche comme un Crésus.
Dès qu'il eut les yeux ouverts, son premier soin fut de visiter ses poches; mais il eut beau fouiller dedans, il n'y trouva que des charbons tout noirs. « Au moins, pensait-il, il me reste l'or que j'ai gagné l'autre nuit. » Il y alla voir; hélas! cet or aussi était redevenu charbon. Il porta à son front sa main noircie, et il sentit que sa tête était chauve et rase ainsi que son menton. Pourtant il ne connaissait pas encore tout son malheur : il vit bientôt qu'à la bosse qu'il portait par derrière s'en était jointe une autre par devant.
Il sentit alors qu'il recevait le châtiment de sa cupidité et se mit à pousser des gémissements. Le bon tailleur, éveillé par ses lamentations le consola de son mieux et lui dit : « Nous sommes compagnons, nous avons fait notre tournée ensemble ; reste avec moi, mon trésor nous nourrira tous deux. »
Il tint parole, mais le forgeron fut obligé de porter toute sa vie ses deux bosses et de cacher sous un bonnet sa tête dépouillée de cheveux.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Mars 2013 à 15:37:04
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Un conte de fées pas ordinaire

Il était une fois dans un royaume très très lointain, comme tout vrai royaume qui se respecte, un roi. Ce roi avait un fils -qui était prince donc- que l'on appelait le prince Thomas. Un jour, le roi appela son fils en ces termes :
- Mon fils,,. voici qu'approche le jour de ton vingtième anniversaire et tu n'es toujours pas marié. J'ai su dès ta naissance que tu étais un incapable, mais là, tu pousse le bouchon un peu trop loin, mon fils. C'est pourquoi j'ai trouvé pour toi une occasion en or. La princesse Rose Fleur de Violaine a été faite prisonnière par le vilain méchant sorcier Saurorg. J'aimerai que tu ailles la délivrer, et alors, pour te récompenser, elle sera bien obligée de t'épouser, comme le veut la coutume. Le prince Thomas se récria :
- Mais je la connais même pas, moi, cette princesse ! Qu'est-ce que tu veux que j'aille l'épouser ?
- Tu sais, mon fils, en plus d'être très belle, elle est très riche !

Alors, en entendant cet argument qu'il trouva plus que convaincant, le jeune prince s'empressa d'enfourcher sa monture. Une monture, c'est bien sûr un animal sur lequel on peut monter. La plupart du temps c'est un cheval, ce peut être même parfois un âne (Sancho Pança ne se serait jamais passé du sien) mais dans le cas de Thomas, c'était un mouton. Il faut dire que notre prince était très pauvre et que pour dix pistoles, il n'avait pu trouver autre chose, à part peut-être une autruche en très mauvais état qu'un cirque avait déposé en occasion, mais notre prince n'était pas si ridicule que ça, il ne faut quand même pas exagérer !
Bref, un beau matin, (parce que les matins sont toujours beaux dans les contes de fées), notre prince se met en route sur sa monture qui portait le doux nom de Timoléon, Tim pour les intimes. (Ça ne s'invente pas...). Il rencontra en chemin maints obstacles qu'il brava avec courage, comme par exemple une colonie de fourmis rouges qui ne voulait pas passer par le passage piéton (euh, fourmilier, pardon). Il tomba soudain nez à nez avec une petite créature qui gesticulait, prise au piège dans une toile d'araignée. Le prince Thomas ajusta ses lunettes pour regarder de plus près le petit prisonnier. Il ne mesurait pas plus de dix centimètres, avait la peau bleue et de gigantesques oreilles pointues.
- Au lieu de me regarder planté là à ne rien faire, cria le petit bonhomme d'une petite voix suraiguë (tout était petit chez lui), tu ferais mieux de me sortir de là ! Le prince s'exécuta et décolla l'elfe en le tirant par un pied, puis le posa dans sa main.
- Eh ! Je ne suis pas un jouet, moi ! Me secoue pas comme ça ! Le prince s'excusa.
- Je suis Fleen, un elfe, reprit la créature d'une voix trop solennelle pour lui. Je suis le denier de ma race. Puisque tu m'as sauvé la vie, je me dois de te suivre jusqu'à ce que j'aie épongé ma dette d'honneur ! Et puis de toute façons, je n'ai rien d'autre à faire en ce moment...
- Mais bien sûr ! Moi je dois aller délivrer une princesse d'un affreux sorcier, et toi, minus comme tu es, tu crois que tu peux m'aider ?
- Ne m'insulte pas ! La taille ne compte pour rien, et puis, j'ai des pouvoirs magiques ! Le prince leva un sourcil sceptique. Et puis, susurra-t-il, je sais où se trouve le château de ta princesse !
- Tu ne sais même pas laquelle c'est !
- Des princesses emprisonnées, y en a pas trente-six !
- Bon, d'accord... allez, viens !
Le prince mit Fleen sur son épaule et tous deux (euh, tous trois, n'oublions pas Tim) se remirent en route. Quelques temps après, au détour d'un bosquet, ils virent se dresser devant eux les gigantesques tours du château de Saurorg. C'était un immense château plein de sculptures biscornues et de gargouilles. Quand ils approchèrent, ils s'aperçurent que les douves étaient remplies de lave en fusion et que l'on ne pouvait accéder que par un pont-levis brinquebalant. Tremblants, ils franchirent le pont-levis et arrivèrent devant une grande porte en bois de chêne. Mais elle était fermée, comme de bien entendu, et ils ne purent jamais l'ouvrir. Alors ils se mirent de profil pour faire le tour du château, sur une avancée qui ne faisait pas plus de vingt centimètres. Vous me direz que Fleen n'avait pas besoin, lui, de se mettre de profil vu qu'il était tout petit, mais son cerveau était tout petit aussi...
En avançant ainsi comme des crabes, certes, ils avaient l'air ridicule (surtout Tim), mais ils trouvèrent une petite ouverture creusée dans la roche. Ils s'y faufilèrent, et rampèrent dans le boyau à quatre pattes. Fleen aussi qui – rappelons-le -avait le cerveau tout petit. Ils débouchèrent alors sur une immense caverne. De là ou ils étaient, ils pouvaient voir la princesse qui était ligotée à un mât. Malheureusement, ils pouvaient voir aussi un immense dragon noir qui montait la garde devant. Alors, soudain, on entendit de gros sanglots. C'était le prince Thomas qui pleurait de désespoir.
- Mais, on n'y arrivera jamais ! Je retourne chez moi !
- T'as bien une épée ? Béla Tim (oui, dans les contes de fées, les animaux savent parler.)
- Même pas, je l'ai oubliée...
- On est bien alors... Fleen intervint :
- Je t'avais dit que je pouvais t'aider !
- Je vois pas comment tu peux faire...pleurnicha Thomas.
- Arrête de pleurer et laisse moi faire, tu veux ?

Alors Fleen se mit à gonfler ses joues, des joues aussi larges que ses oreilles. Et il souffla, souffla encore, des milliers de bulles multicolores. Thomas et Tim étaient ébahis, c'était bien joli, mais à quoi ça pouvait servir ? Alors, les bulles allèrent se coller une à une sur les luisantes écailles noires du dragon. Celui-ci, quand il vit que les écailles noires qu'il avait mit si longtemps à lustrer et dont il était si fier étaient de toutes les couleurs, s'écria :
- Mon dieu ! Quelle horreur ! Regardez moi ce travail ! Et mon standing maintenant ? Comment je vais tenir ma réputation ? Je ne suis plus un vrai dragon maintenant ! Et il courut loin, très loin, pour aller se nettoyer dans la mer. On en était débarrassé, enfin une bonne chose de faite ! Nos trois héros descendirent près de la princesse. Le prince tira sur les cordes, mais comme il n'arrivait pas à défaire les nœuds, et qu'il avait oublié son épée, il se remit à pleurnicher.
- A mon tout maintenant ! Bêla Tim. Le prince Thomas le regarda d'un air circonspect.
- Et en quoi tu peux m'être utile, s'il te plait ? Tu vas faire des bulles multicolores ? Sans répondre à cette méchanceté, Timoléon se mit à brouter les cordes à toute vitesse et en moins de temps qu'il en faut pour le dire, la princesse fut libérée.
- Mm mm mum muum, dit-elle.
- Il faudrait peut-être lui enlever son bâillon, non ? suggéra Fleen, qui pour une fois une grande idée. Aussitôt dit, aussitôt fait ! La princesse se jeta au cou du prince :
- Oh, mon sauveur !
- On se marie, ma belle ? Histoire que j'enrichisse mon royaume ?
- Le mariage, je veux bien, mais les sous, c'est une autre histoire...
- Comment ça ?!
- Il se trouve...euh, que j'ai fait...de mauvais placements en bourse et comment dire... : je suis ruinée.
- Quoi ? Alors plus question de mariage ! A ce moment très précis le vilain Saurorg entra en trombe (oui, on aurait bien dit une trombe) dans la caverne.
- J'ai entendu tout ce que vous avez dit ! On se prétend prince et on refuse les faveurs d'une si jolie princesse sous prétexte qu'elle est pauvre ! Mais c'est une honte !

A partir de ce moment là la princesse ne regarda plus Saurorg -qui n'était pas si vilain que ça- du même œil.

Le prince Thomas, Tim et Fleen rentrèrent alors penauds au château du roi. Quand Thomas raconta son échec à son père, celui-ci se mit à crier :
-Bon à rien, fainéant ! Et pour ses remonter, il commanda un verre de cognac à ses domestiques. La porte s'ouvrit alors sur la plus jolie servante que Thomas n'eut jamais vue...

Le mois suivant, on feta en grandes pompes trois mariages en même temps ; Oui, trois !! Celui de la princesse Rose Fleur de Violaine et de Saurorg, celui de Thomas et d'Héloïse (car c'est comme cela que le servante s'appelait) et ... celui de Fleen. Avec qui, me direz-vous, puisqu'il était le dernier de sa race ? Et bien avec la dernière de sa race, Aïnoha, ravissante petite elfe qui travaillait en secret pour Saurorg depuis des années.

Et comme dans tout conte de fées qui se respecte, ils se marièrent tous et eurent beaucoup d'enfants, euh...et d'elfes !

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Mars 2013 à 15:56:25
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LES 2 AMOURS DE PETITES HIRONDELLES

Il était une fois, deux petites hirondelles inséparables au royaume des oiseaux. Elles étaient libres et insouciantes, unie comme le peuvent être les deux meilleures amies du monde.
Leur jeu préféré était de s'élancer élégamment dans l'atmosphère en criant, afin de dessiner au crayon noir et blanc de magnifiques arabesques dans le ciel immense.
Elles volaient très haut dans l'air tout en se souriant et leurs gracieuses silhouettes étaient semblables à des notes de musique que l'on aurait posées sur une partition. Parfois, elles formaient une ronde en se tenant par le bout des ailes, légères tel du coton, puis se laissaient griser par le vent. Elles tournaient jusqu'à l'ivresse en riant, et de les voir toutes deux s'amuser dans les cieux était un enchantement. Elles coulaient des jours heureux, ainsi donc passait le temps...
Les deux petites hirondelles étaient très gentilles et aimaient rendre service. Tantôt en apportant des miettes de pain à une hirondelle âgée, tantôt en prenant grand soin du petit d'une jeune maman, ou bien encore en se rendant à  la chasse aux vers pour un convalescent.
Tous les appelaient des amours d'hirondelles et leur bonne réputation parvint aux oreilles du roi des oiseaux. Un jour, celui-ci les convoqua en son grand nid afin de leur parler. En fait, il voulait les mettre à l'épreuve afin de tester la solidité de leur dévouement.
Il leur dit : "cui-cui, mes chères enfants, cui-cui, ouvrez grandes vos oreilles ! J'ai, par mégarde, laissé tomber sur la terre la clé de l'horloge du temps. Je suis désolé par cette histoire car le printemps ne pourra pas se faire. Vous devez absolument la retrouver et revenir immédiatement.
Nous n'avons que très peu de temps, allez mes chères enfants, partez à sa quête sur le champ. Surtout n'oubliez pas votre mission en cours de route ! J'offrirais une belle récompense à celle qui me rapportera la clé la première.
Les petites hirondelles ne savaient pas trop par où commencer car elles n'avaient pas eu beaucoup de renseignements. Elles comprenaient bien que c'était très urgent et qu'elles ne devaient pas se détourner de leur objectif.
Alors, afin de multiplier leurs chances, elles se sont concertées :
"Ma douce amie, si tu es d'accord, partageons la terre en deux continents. Je volerais sur le nord en pensant très fort à toi. Je te souhaite bonne chance et bon voyage, que la meilleure gagne.
"Je suis d'accord et je te remercie. Je volerais sur le sud en pensant très fort à toi. Amie, je te souhaite pleins de merveilleuses aventures, que la meilleure gagne !".
Elle se sont embrassées en pleurant puis elles sont parties chacune de leur côté. Elles étaient très courageuses et ont volé par tous les temps. elles ont d'abord fouillé les océans et ce n'était pas facile du tout.
En chemin, l'une d'entre elle a fait connaissance avec un petit dauphin triste qui avait perdu sa maman. La petite hirondelle a tout de suite pris le petit sous son aile en le réconfortant. Puis ils sont tous deux partis confiants à la recherche du parent.
Ils sont cherché pendant longtemps avec l'aide, bien sûr, de tous les animaux de l'océan. La petite hirondelle parlait un langage universel et c'était vraiment très pratique pour faire avancere les recherches. Elle tenait bonne compagnie au petit et le rassurait souvent en l'embrassant. Elle parlait sans arrêt de son amie la douce hirondelle et lui contait ses mérites, en ajoutant de temps en temps : "Haaaa si tu la connaissais ! tu sais, elle mérite vraiment la récompense !".
Puis, au bout d'un très long périple, ils ont enfin retrouvé la maman dauphin. Celle-ci attendait son fils depuis plus d'un an et les retrouvailles ont été très émouvantes. Elle a remercié mille fois l'oiseau et le ciel, et lui a dit en souriant : "Tu es vraiment un amour d'hirondelle, rentre vite le roi t'attend !".
Ainsi, sur le continent Africain, la deuxième petite hirondelle entreprenait de nombreuses recherches. Elle voyageait en compagnie du vent et elle était infatigable.
En chemin, elle a fait la connaissance d'une gazelle blessée. Celle-ci s'était brisée une patte et ne pouvait plus marcher. Sans réfléchir, elle a tout de suite décidé de s'occuper de la malade immédiatement.
Elle l'a aidé à s'installer confortablement, vu son état, dans une petite caverne - histoire d'être à l'abri des prédateurs et des feux de brousse.
Chaque jour, la courageuse petite hirondelle parcourait des kilomètres afin de ramasser de l'herbe pour nourrir suffisamment sa protégée.
Souvent le soir pour passer le temps, elle contait à la gazelle ses aventures vécues avec sa grande amie l'hirondelle. Elle disait : "Haaaa, si tu la connaissais ! Tu sais, elle mérite vraiment la récompense !".
Au bout de quelques mois, la gazelle a retrouvé forces et vitalité. Elle a mille fois remercié l'oiseau et lui a dit en souriant : "Tu es vraiment un amour d'hirondelle, rentre vite le roi t'attend !".
Elles se sont alors retrouvées toutes les deux au royaume des oiseaux. Cela faisait vraiment plaisir à voir ! Puis elles se sont rendues chez le roi, la tête basse car elles n'avaient pas retrouvé la clé.
Le roi leur dit : "Cui-cui, relevez la tête mes chères enfants, cui-cui ! La clé est sans importance car elle n'existe pas. Je suis, bien au contraire, ravi de vous revoir. Vous pouvez être fières de vous ! On m'a narré vos nobles aventures sur la terre ! Vous êtes vraiment des amours d'hirondelles et méritez toutes deux une récompense".
Je vous fais chevalières de la légion d'honneur des oiseaux ! Dorénavent, vous serez chargé d'annoncer le printemps ensemble et d'un même coeur. Soyez les dignes messagères de l'amour universel et répandez-le sur la terre partout où vous irez ....


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 25 Mars 2013 à 21:30:10
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Le retour des fleurs

Conte australien


Comme il ne pouvait plus supporter les hommes et leur méchanceté, le plus puissant de tous les sorciers avait décidé de quitter son pays et de se réfugier tout au sommet de la plus haute des hautes montagnes. Aussitôt dit, aussitôt fait... Il s'en alla.

Un grand malheur s'abattit sur la nature ; toutes les fleurs, celles des bois, celles des prairies, celles des collines, celles des bords de mer, celles du long des rivières et celles de lacs moururent instantanément. Il n'y en eu pas une seule qui survécut. Le pays, jadis si beau et si fleuri devint rapidement un désert. Tous les animaux, les oiseaux, les papillons, les insectes s'enfuirent après la mort des fleurs. Pour voir les fleurs, les habitants ne pouvaient user que de leur imagination. Mais les enfants, qui n'avaient jamais connu ces merveilles, ne voulaient pas croire les anciens.

- Vous ne racontez que des histoires, leur disaient-ils et ils s'en allaient tristes dans le décor triste d'un pays sans fleurs.
Parmi tous ces enfants, il en était un qui ne pouvait imaginer que tout eut disparu pour toujours. Lorsque sa mère, lassée de raconter l'ancien temps, se taisait, il réclamait encore et encore d'autres histoires car il aimait entendre parler de la beauté des fleurs.
Il pensait que lorsqu'il serait un homme, il partirait à la recherche du grand sorcier et lui demanderait de redonner de la couleur au pays. 

Les années passèrent.   

Un jour, il fut grand. Son amour des fleurs avait grandi avec lui. Il s'en alla donc trouver sa mère et lui dit :
- Mère, je vais m'en aller à la recherche du grand sorcier et lui demander de nous rendre les fleurs.
Sa mère le regarda avec des yeux remplis d'effroi.
- Mais fils ! s'écria-t-elle, tout ce que je t'ai raconté n'était que des histoires. Il ne faut jamais croire aux histoires. Je te disais ce que ma mère me racontait parce qu'elle l'avait entendu raconter par sa mère qui le tenait de sa mère. Malheur à toi ! Les fleurs n'ont probablement jamais existé. Tu aurais beau marcher mille ans, jamais tu ne trouverais le sorcier qui vit tout en haut de la plus haute montagne.
Mais le fils ne l'écouta même pas, il prit son baluchon et s'en alla. Les gens du pays qui le voyaient passer se moquaient de lui :
- Ce garçon est fou ! disaient-ils. Il n'y a que les fous qui croient aux histoires.

Le jeune homme se dirigea vers le nord. Il marcha longtemps, longtemps, longtemps et arriva au pied d'une montagne, si haute, si haute que son sommet était invisible.
Il tourna autour de la montagne, mais ne vit aucun sentier, seulement de la roche et des cailloux. Il tourna encore et encore. Las de tourner, il se dit :
- « Il faudra bien que je découvre un chemin. Le sorcier a dû le prendre pour atteindre le sommet. »
Il inspecta avec attention les rochers et finit par découvrir une petite marche. En regardant de plus près, il aperçut une autre petite marche et puis encore une autre. Lorsqu'il leva les yeux vers le sommet de la montagne, il aperçut un escalier et il se mit à grimper sans jamais regarder en bas pour ne pas avoir le vertige. 

A la fin du premier jour, il s'arrêta sur une terrasse. Le sommet de la montagne n'était pas visible. Il en fit de même le deuxième, puis le troisième, puis le quatrième puis le cinquième puis le sixième jour.  Il commençait à se décourager quand, au soir du septième jour, il aperçut enfin le sommet. A force de courage et malgré la fatigue accumulée depuis 7 jours, il parvient à l'atteindre juste au moment où le soleil avait complètement disparu et que la nuit avait recouvert le monstre de pierre. Arrivé tout en haut, il aperçut une source. Il se pencha pour y boire un peu d'eau. Au premier contact de l'eau sur ses lèvres, toute sa fatigue s'évapora. Il se sentit fort et heureux comme jamais dans sa vie. Tout à coup, derrière lui, il entendit une voix qui lui demanda ce qu'il était venu chercher sur la plus haute des hautes montagnes.
- Je suis venu, dit-il, pour rencontrer le grand sorcier et lui demander de nous rendre des fleurs et des insectes. Un pays sans fleurs, sans oiseaux et sans abeilles, est triste à mourir. Seule le beauté peut rendre les gens bons et je suis certain que les gens de mon pays cesseraient d'être méchants, si le sorcier leur redonnait les fleurs.

Alors, le jeune homme se sentit soulevé par des mains invisibles. Il fut transporté délicatement vers le pays des fleurs éternelles. Les mains invisibles le déposèrent sur le sol au milieu d'un tapis de fleurs multicolores. Le jeune homme ne pouvait en croire ses yeux. Il y en avait tant et jamais il n'avait imaginé que les fleurs puissent être aussi belles ! Dans l'air, un délicieux parfum flottait et les rayons du soleil dansaient sur le sol multicolore comme des milliers et des milliers d'arcs-­en-ciel. La joie du jeune homme fut si grande, qu'il se mit à pleurer.
La voix lui dit de cueillir les fleurs qu'il préférait. Il s'exécuta et en cueillit de toutes les couleurs. Quand il en eut plein les chargés, les mains invisibles le reconduisirent doucement au sommet de la montagne.
Alors, la voix lui dit :
- Rapporte ces fleurs dans ton pays. Désor­mais, grâce à ta foi et à ton courage, ton pays ne sera plus jamais sans fleurs. Il y en aura pour toutes les régions. Les vents du nord, de l'est, du sud et de l'ouest leur apporteront la pluie qui sera leur nourriture, et les abeilles vous donneront le miel qu'elles cherchent dans les fleurs.

Le jeune homme remercia et commença aussitôt la descente de la montagne qui, malgré la quantité de fleurs qu'il portait, lui parut bien plus facile que la montée.

Quand il revint dans son pays, les habitants, en apercevant les fleurs et en respirant leur parfum, ne voulurent pas croire à leur bonheur. Puis, quand ils surent qu'ils ne rêvaient pas, ils dirent :
- Ah ! nous savions bien que les fleurs existaient et que ce n'étaient pas des histoires inventées par nos ancêtres.

Et leur pays redevint un grand jardin. Sur les col­lines, dans les vallées, près des rivières, des lacs et de la mer, dans les bois, dans les champs et dans toutes les prairies, les fleurs crûrent et se multiplièrent. Tantôt c'était le vent du nord qui amenait la pluie, tantôt le vent du sud, de l'est ou de l'ouest. Les oiseaux revinrent, ainsi que les papillons et tous les insectes, et surtout les abeilles. Désormais, les gens purent man­ger du miel, et la joie revint sur la terre.

Quand les hommes virent leur terre transformée grâce au jeune homme qui avait osé ce que personne n'avait cru possible, ils lui demandèrent d'être leur roi. II accepta et il devint un roi bon, courageux et intelligent.
-Rappelons-nous, disait-il, que c'était la méchan­ceté des hommes qui avait entraîné la disparition des fleurs de notre pays.

Et, comme personne ne voulait recommencer à habiter un désert et à être privé de miel, chacun s'efforça désormais d'être aussi bon que possible pour ne pas fâcher le grand sorcier

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Mars 2013 à 17:23:25
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Pois-Verts

Il était une fois un homme appelé Pois-Verts qui était tout à la fois le serviteur et l'homme de confiance du curé de son village. Un jour, il se mit à jouer des tours à son maître. Le curé s'en accommoda pendant quelques années mais, à la fin, excédé, il dit à son engagé :
- Pois-Verts, ramasse tes guenilles et va-t'en ! Je n'ai plus besoin de toi.
- Je ne demande pas mieux que de m'en aller, répond Pois-Verts, j'en ai assez de vous servir.
Et sur ce, il s'en va et s'achète une petite propriété, près de celle de son ancien maître.
Pois-Verts était très intelligent. Un bon matin, il s'invente un plan. Il prend deux gros morceaux de fer qu'il fait bien rougir au feu. Puis, il dépose son chaudron près de lui et se fabrique un petit fouet ; ensuite, il envoie chercher le curé, son voisin.
Quand le curé est sur le point d'arriver, Pois-Verts prend les morceaux de fer rouge et les jette dans sa soupe. Il met son chaudron entre ses jambes et, avec son petit fouet, il claque sur le chaudron disant :
- Bouille, ma soupe !
Le curé entre, aperçoit son ancien serviteur fouettant son chaudron et la soupe bouillant.
- Pois-Verts, quel secret as-tu pour ainsi faire chauffer ton repas ?
- Ce secret est dans mon fouet, répond Pois-Verts qui fouette tranquillement son chaudron, tout en parlant, tandis que la soupe bout de plus belle.
Le curé, enchanté de voir bouillir la soupe et d'apprendre le secret du fouet dit :
- À moi qui ai des servantes pas trop vives, ce fouet serait bien utile. Toi qui es tout seul, Pois-Verts, tu n'en as pas besoin.
- On a toujours besoin d'un bon article, monsieur le curé. Mais pour vous rendre service je suis prêt à vous le vendre. Mon fouet vaut cent piastres.
- Il n'est pas cher, reprend le curé, voilà cent piastres. Donne-moi le fouet.
Pois-Verts prend l'argent et remet le fouet.
Une fois l'entente conclue, le curé ne tient pas un long discours, mais il s'en retourne au presbytère et dit à ses servantes :
- Je n'ai plus besoin que d'une servante. Les deux autres, je les mets à la porte.
Les servantes deviennent pensives. À celle qu'il garde, le curé dit :
- Va chercher la théière, mets-y le thé dans de l'eau froide.
« Qu'est-ce que le curé a envie de faire ? » se demande la servante en obéissant à son maître.
- La théière est-elle prête ? demande le curé.
- Oui, monsieur le curé, tout est bien prêt.
Monsieur le curé va chercher le fouet ; il prend la théière, la met sur la table et commence à la fouetter en disant:
- Bouille, théière !
Rien ne bout.
Le curé claque le fouet à nouveau. Rien ! Découragé, il dit :
- Je ne m'y prends pas bien. Pois-Verts était assis à terre, le chaudron entre ses jambes. Je vais faire comme lui.
Il s'assoit à terre, il met la théière entre ses jambes et la fouette de son mieux. Après avoir fouetté tranquillement, il se met à la fouetter à grands coups. Il n'est pas plus avancé. La servante demande :
- Monsieur le curé, où avez-vous eu ce fouet-là ?
- Je viens de l'acheter à Pois-Verts.
- C'est encore un tour qu'il vous a joué, comme au temps où il restait ici.
Furieux, le curé jette le fouet au feu en disant :
- Demain, Pois-Verts aura de mes nouvelles !
Le lendemain, Pois-Verts fait venir sa vieille mère, lui demandant de passer la journée chez lui. Ayant rempli une vessie de sang il l'accroche au cou de sa mère et commence à se promener dans sa maison, en regardant d'une fenêtre à l'autre. Il s'attendait à voir bientôt le curé arriver en fureur. Tout à coup, il l'aperçoit approcher de la maison. Faisant un grand vacarme, Pois-Verts se met à renverser la table et les chaises et à tout casser. Comme le curé entre, il saisit sa vieille mère et lève son canif en criant :
- Vieille garce ! il y a assez longtemps que le monde vous connaît. C'est fini !
Pour le calmer, le curé dit :
- Pois-Verts, que fais-tu ? Que fais-tu ?
- C'est mon affaire, fait Pois-Verts, je ne veux pas voir de curieux chez moi.
Et de son couteau il perce la vessie pleine de sang qui pend au cou de sa mère. Le sang coule et la vieille tombe comme mourante. Ceci dégoûte le curé qui commence à lancer des injures à Pois-Verts et à le menacer.
- Cette fois ton temps est arrivé ! je vais te mettre entre les mains de la justice et ta tête tombera sur l'échafaud !
- Je viens de vous dire que je ne veux pas voir de curieux chez moi, répond Pois-Verts en prenant son sifflet. Ma mère est morte, mais elle va revenir à la vie !
Et le voilà qui se met à siffler avec son instrument :
- Tourlututu ! Reviendras-tu ?
La vieille commence à bouger.
- Tourlututu, reviendras-tu ? répète-t-il.
Et Pois-Verts ajoute :
- La troisième fois, je ne manque jamais mon coup. Tourlututu, reviendras-tu ? ou ne reviendras-tu pas ?
Il n'a pas sitôt prononcé « Tourlututu » que la vieille est debout.
Étonné de voir ce sifflet si merveilleux, le curé demande :
- Pois-Verts, où as-tu pris ce sifflet ?
- Une vieille magicienne me l'a donné, avec ce sifflet, je peux faire tout ce que je veux, répond Pois-Verts.
- Ah ! voilà ce qu'il me faut pour mes paroissiens.
- Un bon article fait l'affaire de tout le monde.
- Veux-tu me le vendre ? demande le curé. Combien veux-tu pour ton sifflet, Pois-Verts ?
- Pour vous rendre service, je vais vous le vendre, monsieur le curé.
- Combien veux-tu ?
- Deux cents piastres, monsieur le curé.
- Il n'est pas cher, Pois-Verts, je le prends et je vais commencer par ma servante.
- Sachez bien vous en servir, monsieur le curé. Vous avez vu comment je m'y suis pris pour ma vieille mère.
- Sois sans crainte, dit le curé.
Le curé part et arrive au presbytère pas trop de bonne humeur. Il commence à brasser la table, le pupitre, la vaisselle.
- Monsieur le curé ! dit la servante, vous n'êtes pas à votre place dans mon armoire.
- Comment ça, je ne suis pas à ma place ? Ah ! je vais t'en faire une place !
Il prend le couteau à pain et tranche le cou de la servante. La servante est morte et le curé est fier d'essayer son sifflet. Il fait la même chose que Pois-Verts. Il siffle :
- Tourlututu ! reviendras-tu ?
La servante ne bouge pas.
- Tourlututu, reviendras-tu ? siffle-t-il à nouveau.
Rien.
« C'est curieux, pense le curé, la première fois que Pois-Verts a sifflé la vieille avait bougé ; et la deuxième fois elle s'était presque levée. Ici, c'est la deuxième fois et elle ne bouge pas. Pourtant j'ai fait comme Pois-Verts. »
Il essaie encore.
- Tourlututu ! reviendras-tu ? Ou ne reviendras-tu pas ?
Mais la servante est morte et le reste. Le curé devient pensif. « Depuis longtemps, Pois-Verts me joue des tours. Cette fois-ci, c'est le dernier ! Je vais faire prononcer un jugement contre lui en justice et le faire disparaître. »
Le curé dénonce alors Pois-Verts et Pois-Verts est condamné à être mis dans un sac et jeté à la mer. Pois-Verts est satisfait. Le soir, les deux serviteurs du curé viennent le chercher, le mettent dans un sac et partent pour la mer.
- Non ! je ne veux pas y aller ! Non, je ne veux pas y aller ! crie Pois-Verts tout le long du chemin.
Passant devant une auberge, les serviteurs entrent boire un verre et laissent le sac dehors sur le perron.
- Je ne veux pas y aller ! Je ne veux pas y aller ! crie toujours Pois-Verts, pour se désennuyer.
Pendant que les serviteurs boivent, un pauvre passe et, curieux, écoute Pois-Verts crier dans le sac : « Je ne veux pas y aller ! »
Approchant du sac, le pauvre homme y touche et demande :
- Où ne veux-tu pas aller ?
- On m'emmène coucher avec la princesse ; mais jamais ils ne m'y feront consentir, dit Pois-Verts.
- Veux-tu me donner ta place ? demande le pauvre homme.
Pois-Verts accepte avec plaisir.
- Détache le sac et prends ma place.
Pois-Verts sort et le pauvre s'y fourre. À peine Pois-Verts est-il en fuite que les serviteurs arrivent, saisissent le sac et pendant qu'ils marchent le pauvre homme crie comme faisait Pois-Verts :
- Je ne veux pas y aller ! Je ne veux pas y aller !
- Veux, veux pas, répondent les serviteurs, c'est au large que tu vas aller.
Et tenant le sac à chaque bout, ils comptent un, deux, trois et vlan ! ils lâchent le sac qui tombe au large.
Le lendemain, le curé demande à ses serviteurs :
- L'avez-vous jeté au large ?
- Soyez tranquille monsieur le curé, répondent-ils, Pois-Verts a joué assez de tours ; il ne reviendra jamais.
« Enfin, je serai bien débarrassé ! » pense le curé en se promenant comme d'habitude sur le large perron de sa maison.
Plus tard, après le repas, il voit venir un troupeau de bêtes à cornes. Plus le troupeau approche, plus il voit que celui qui le mène ressemble à Pois-Verts. Appelant l'un de ses serviteurs le curé dit :
- Voilà un beau troupeau de bêtes à cornes. Mais regarde donc en arrière, ça ressemble à Pois-Verts.
- Ça ne se peut pas, répond l'autre, hier au soir nous l'avons jeté à l'eau.
- Regarde comme il faut, serviteur ; ça m'a l'air de Pois-Verts !
De fait, Pois-Verts, le bâton à la main, menait le troupeau et de temps en temps criait :
- Ourche, mourche !
Le curé se hissa sur le bout des pieds pour mieux voir et s'écria :
- C'est Pois-Verts !
- Bonsoir, monsieur le curé, bonsoir ! dit Pois-Verts en passant devant le presbytère.
- Comment, Pois-Verts, mais c'est bien toi ?
- Oui, monsieur le curé, c'est bien moi.
- Mais d'où viens-tu avec toutes ces bêtes à cornes ?
- Ah ! monsieur le curé, ne m'en parlez pas ! Si vos serviteurs m'avaient seulement jeté dix pieds plus loin, je vous ramenais les deux plus beaux chevaux noirs qu'on n'ait jamais vus dans la province. Mais ils m'ont jeté au milieu de ce troupeau de bêtes à cornes que j'ai ramené avec moi.
Le curé tombe encore dans le panneau et croit Pois-Verts.
- Si j'y allais moi-même, Pois-Verts ? Toi, qui connais la distance exacte... ?
- Je vous garantis, monsieur le curé, que je ne manquerais pas mon coup ! Si un de vos serviteurs m'aide ce soir, je vous jetterai en plein milieu des beaux chevaux.
- Accepté !
Pois-Verts mène son troupeau sur sa ferme. Quand il revient le soir, il aide le curé à entrer dans le sac et s'en va avec un serviteur le porter au bord de la mer.
- Jetons monsieur le curé au large, dit Pois-Verts.
Et monsieur le curé s'en va rejoindre le pauvre homme au fond de la mer où il est resté.
Avec tous les tours qu'il avait joués, Pois-Verts devint un gros commerçant.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Mars 2013 à 17:51:18
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Une vie de lapin

Juillet arrive.
Voici l'été, la saison des jeux et des longues promenades pour les petits enfants, les petits chats ou les petits hérissons. Partout, c'est la même chose. Pour tous les petits, l'école est terminée.
Quelle joie ! Les cahiers au feu et le maître au milieu. Un ballon vole dans le jardin du voisin emportant au passage le massif de fleurs de sa femme. Les tables de multiplications sont rangées tout au fond de la mémoire jusqu'à la rentrée prochaine...si on s'en souvient encore !
Vivent les vacances !
Mais les jours passent, volent, filent. Août déjà se termine. Septembre pointe le bout de son nez.
Ding dong ! c'est l'heure de la rentrée... Toutes les bonnes choses ont une fin. Beaucoup ont le coeur gros de quitter les nouveaux amis de vacances. Il est temps de ranger son cartable : livres, cahiers et plumier sans oublier le bonbon pour la récréation.

- Sèche tes larmes ! Tu vas retrouver tes amis, dit maman.
Et elle a bien raison. Ce matin, dans la cour de l'école, ils sont tous présents.
Comme Julie a grandit. Elle est plus jolie encore que l'an passé. Tiens, Maxime a un nouveau petit frère.

Un peu à l'écart, les petits lapinots regardent, craintifs. Ils sont curieux et très fiers de leur sac mais ils ont tellement peur de quitter leur maman. Pour eux, une nouvelle vie commence. Les plus vieux ont amené un ballon et des billes. Le premier jour, c'est encore un peu les vacances...Les lapins parlent, bavardent, gesticulent. Ils sont dissipés en classe. Le maître a bien des difficultés à avoir le silence.
- Méfiez-vous, dit-il ! Si vous continuez, vous n'apprendrez jamais rien et je devrai vous punir.
A la première rangée, les tout petits se tiennent bien droits, sans bruit. Ils veulent tout apprendre, tout savoir, tout connaître.

Les jours passent. Les lapins apprennent chaque jour des choses nouvelles. Ils viennent en classe avec plaisir. A présent, ils peuvent compter sans se tromper : additionner, soustraire, multiplier, diviser ; écrire leur nom et beaucoup d'autres mots pour faire des phrases et des textes. Ils lisent des histoires et chantent des chansons. A la récréation, ils inventent mille activités et s'amusent comme des petits fous...

L'automne remplace l'été. Les feuilles des arbres prennent des teintes féeriques puis se mettent à tomber en recouvrant le sol d'un tapis très doux et craquant sous les pas. Mais bien vite, la pluie change le sol en boue et les lapinots rentrent chez eux, le soir tout crottés au grand désespoir des mamans lapines.

Puis un matin, c'est le calme total. Pas un bruit au dehors mais une grande lumière qui entre par les fenêtres.

L'hiver est arrivé sans bruit pendant la nuit. Il a recouvert la terre d'une épaisse couche de ouate blanche. Pour partir en classe, les lapins enfilent leurs gros manteaux, leurs moufles et leurs bonnets. Il ne faudrait pas qu'ils attrapent une otite... La récréation est encore plus joyeuse que d'habitude. Ils organisent une énorme bataille de boules de neige.
- Attention !
Trop tard. Blanchet vient de la recevoir la boule en plein sur le bout de son nez.

Un matin, Louiset découvre la première perce-neige. La neige s'en va doucement. Elle fond et le printemps revient. Les jours s'allongent chaque jour un peu plus. Les arbres retrouvent leur couleur verte. Les jardins se parent de fleurs odorantes.

Les cloches reviennent de leur voyage à Rome chargées d'oeufs en chocolat qu'elles déversent dans les jardins, les prés et les parcs. Il y en a partout. Les jeunes lapins courent dans tout les sens, leur panier sous la patte. Il ne faudra pas trop en manger pour éviter d'être malade et manquer des jours de classe car les derniers jours sont importants.

La température augmente. Les leçons deviennent de plus en plus difficiles à apprendre. La fatigue s'installe. Il faut revoir tout le contenu des cahiers pour les tests de la fin d'année. Encore un mauvais moment à passer mais après... Après, à nous les grands espaces, les courses dans les bois et les grasses matinées ! L'été est revenu.

Aujourd'hui, c'est le dernier jour de classe. Tous les parents sont présents pour la remise des bulletins. Le maître semble satisfait et un grand sourire illumine son visage. Ses élèves ont bien travaillé et ils méritent une grosse botte de carottes toutes fraîches cueillies du matin.
- A bientôt les petits lapins ! Passez de bonnes vacances et reposez-vous pour être en forme, en septembre.

Ici ou ailleurs, la vie suit son cours imperturbable. Les saisons font place aux saisons ; les années au années. Les lapins, les chats, les hérissons et nous faisons partie de ce cercle magique de la vie.

BONNES VACANCES !!!!!!!!

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Mars 2013 à 18:54:01
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La légende d'arc-en-ciel

Un jour, toutes les couleurs du monde se mirent à se disputer entre elles, chacune prétendant être la meilleure, la plus importante, la plus belle, la plus utile, la favorite.

Le vert affirma :
Je suis le plus essentiel, c'est indéniable. Je représente la vie et de l'espoir. J'ai été choisi pour l'herbe, les arbres et les feuilles. Sans moi, les animaux mourraient. Regardez la campagne et vous verrez que je suis majoritaire.

Le bleu prit la parole :
Tu ne penses qu'à la terre mais tu oublies le ciel et l'océan. C'est l'eau qui est la base de la vie alors que le ciel nous donne l'espace, la paix et la sérénité. Sans moi, vous ne seriez rien.

Le jaune rit dans sa barbe :
Vous êtes bien trop sérieux. Moi j'apporte le rire, la gaieté et la chaleur dans le monde. À preuve, le soleil est jaune, tout comme la lune et les étoiles. Chaque fois que vous regardez un tournesol, il vous donne le goût du bonheur. Sans moi, il n'y aurait aucun plaisir sur cette terre.

L'orange éleva sa voix dans le tumulte :
Je suis la couleur de la santé et de la force. On me voit peut-être moins souvent que vous mais je suis utile aux besoins de la vie humaine. Je transporte les plus importantes vitamines. Pensez aux carottes, aux citrouilles, aux oranges aux mangues et aux papayes. Je ne suis pas là tout le temps mais quand je colore le ciel au lever ou au coucher du soleil, ma beauté est telle que personne ne remarque plus aucun de vous.

Le rouge qui s'était retenu jusque là, prit la parole haut et fort :
C'est moi le chef de toutes les couleurs car je suis le sang, le sang de la vie. Je suis la couleur du danger et de la bravoure. Je suis toujours prêt à me battre pour une cause. Sans moi, la terre serait aussi vide que la lune. Je suis la couleur de la passion et de l'amour, de la rose rouge, du poinsettia et du coquelicot.

Le pourpre se leva et parla dignement :
Je suis la couleur de la royauté et du pouvoir. Les rois, les chefs et les évêques m'ont toujours choisie parce que je suis le signe de l'autorité et de la sagesse. Les gens ne m'interrogent pas, ils écoutent et obéissent.

Finalement, l'indigo prit la parole, beaucoup plus calmement que les autres mais avec autant de détermination :
Pensez à moi, je suis la couleur du silence. Vous ne m'avez peut-être pas remarquée mais sans moi vous seriez insignifiantes. Je représente la pensée et la réflexion, l'ombre du crépuscule et les profondeurs de l'eau. Vous avez besoin de moi pour l'équilibre, le contraste et la paix intérieure.

Et ainsi les couleurs continuèrent à se vanter, chacune convaincue de sa propre supériorité. Leur dispute devint de plus en plus sérieuse. Mais soudain, un éclair apparut dans le ciel et le tonnerre gronda. La pluie commença à tomber fortement. Inquiètes, les couleurs se rapprochèrent les unes des autres pour se rassurer.

Au milieu de la clameur, la pluie prit la parole :
Idiotes ! Vous n'arrêtez pas de vous chamailler, chacune essaie de dominer les autres. Ne savez-vous pas que vous existez toutes pour une raison spéciale, unique et différente ? Joignez vos mains et venez à moi. Les couleurs obéirent et unirent leurs mains.

La pluie poursuivit :
Dorénavant, quand il pleuvra, chacune de vous traversera le ciel pour former un grand arc de couleurs et démontrer que vous pouvez toutes vivre ensemble en harmonie. L'arc-en-ciel est un signe d'espoir pour demain. Et, chaque fois que la pluie lavera le monde, un arc-en-ciel apparaîtra dans le ciel, pour nous rappeler de nous apprécier les uns les autres.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Mars 2013 à 14:39:08
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Le cerf merveilleux

Il y a bien longtemps dans le lointain Orient, à l'endroit où deux grands fleuves se jetaient dans la Mer bleue-comme-le-ciel, s'étendait une ville pleine de richesse et d'une merveilleuse beauté. Sa renommée s'était répandue jusqu'à la limite des terres connues. Nimrod, le roi de cette ville, avait une réputation de sage et de juste. Il allait très souvent à la chasse. Il avait deux fils dont il était très fier. L'aîné s'appelait Hunor, le cadet Magyar. Dès leur plus jeune âge, ils accompagnaient leur père dans toutes ses sorties. Avec le temps, ils devinrent de forts et vaillants gaillards et d'excellents chasseurs. A l'image de leur père, ils adoraient cet art. Ils maîtrisaient à la perfection l'arc et dans les combats leur supériorité écrasante terrassait leurs adversaires à tous les coups.

Un jour, les deux frères décidèrent d'aller à la chasse sans leur père. Chacun choisit cinquante jeunes soldats et tous partirent jusqu'à la frontière du royaume de Nimrod. Ils abattirent avec leurs flèches une centaine d'oiseaux et du gibier. Alors qu'ils s'apprêtaient à rebrousser chemin, devant eux apparut à la lisière de la forêt un cerf d'une beauté merveilleuse. Ils n'en avaient jamais vu de pareil : le cerf était blanc comme neige, ses yeux brillaient comme le diamant, ses deux bois étaient enlacés comme une couronne. Tous étaient fascinés par la beauté du cerf. Le cri tonitruant de Hunor rompit le profond silence.

«A cheval! Abattons-le!»

Rapides comme l'éclair, ils sautèrent en selle et partirent à la poursuite du gibier. Leurs chevaux coururent plus vite que l'ouragan, mais le cerf était toujours plus rapide. Les flèches volèrent , mais le cerf était toujours le plus rapide. Toute la journée, ils le poursuivirent par monts et par vaux. Au coucher du soleil, soldats et chevaux étaient tous épuisés. Ils perdirent complètement de vue le cerf merveilleux. Les deux frères et leurs soldats montèrent le camp et firent un grand feu sur lequel ils préparèrent un savoureux dîner avec le gibier fraîchement abattu.
Autour du feu de camp, ils bavardèrent longuement car ils ne parvenaient pas à oublier le cerf merveilleux.

A l'aube, Hunor et Magyar, déjà levés, s'apprêtaient à rebrousser chemin. Au moment du départ, le cerf merveilleux, comme s'il était sorti de terre ou descendu du ciel, réapparut devant eux.

«Soldat! A cheval! Je donne cent pièces d'or à celui qui l'abat», cria Magyar.

«Allez! Allez!»  crièrent les soldats qui reprirent en chasse le gibier par monts et par vaux. Ils poussèrent des cris de guerre et le tonnerre des  sabots troubla le silence de la région. Ils lancèrent des milliers de flèches, mais à chaque fois le cerf échappa aux vaillants soldats.

Cette chasse sans relâche épuisa hommes et bêtes. Après le dîner, l'humeur n'était pas aussi joyeuse que la veille. Seuls quelques soldats avaient envie de chanter et de danser. Ils pensaient sans cesse à l'animal merveilleux, si bien qu'ils se parlaient peu.

«Demain matin, nous reprendrons le chemin du retour», dit Hunor.
«Qu'il en soit ainsi!» approuva Magyar.
«Nous ne nous laisserons pas séduire par cette bête même si elle est de toute beauté», murmurèrent la plupart d'entre eux.

Le lendemain, tous étaient à cheval quand réapparut devant eux le cerf merveilleux. Il était d'une beauté céleste, il était fier, irrésistiblement beau.

Les deux frères échangèrent un regard, se comprirent sans dire un traitre mot et acquiescèrent. Les éperons enfoncés dans les flancs de leurs chevaux, les cent-deux cavaliers se lancèrent sur leurs cent-deux montures dans une poursuite infernale.
Le cerf attira et mena ses poursuivants toujours plus loin du royaume de Nimrod. Personne ne saurait dire combien de montagnes, de rivières et de plaines ils laissèrent derrière eux.

Au soleil couchant, la troupe fit halte à la lisière d'une immense forêt. Ils mangèrent sans faim la viande fraîchement cuite. Ils n'avaient envie ni de danser, ni de chanter, leur regard se perdait dans le vague. Les hommes, les uns après les autres rejoignirent leur couche. Hunor et Magyar firent de même. Vers minuit, réveillés par une brise qui traversa la forêt, les deux frères croyaient entendre des bribes de conversation.

Magyar partit en direction du bruit, Hunor lui emboîta immédiatement le pas. Arrachés au sommeil, les soldats se levèrent promptement, et à pas de loup suivirent les princes.Ils arrivèrent bientôt dans une clairière où ils virent chanter et danser cent-deux jeunes filles. Sans hésiter, ils approchèrent.

Hunor et Magyar choisirent parmi elles les deux princesses et se partagèrent le pays. La province du soleil couchant fut attribuée à Hunor. Ses enfants devinrent les Huns. La province du soleil levant fut attribuée à Magyar. Ses enfants devinrent les Magyars.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Mars 2013 à 14:52:24
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Les braises magiques

Il était une fois deux frères. L'un était très riche, l'autre était très pauvre. Le riche avait beaucoup de terres, un grand troupeau de chevaux et de bovins. Le pauvre n'avait même pas une chèvre maigre, par contre il avait beaucoup d'enfants. Le riche, quant à lui, n'avait ni fils, ni fille.
Un jour, le pauvre envoya un de ses enfants chez son frère riche pour demander un peu de farine et de petit-lait. Le riche ne lui donna rien du tout et l'enfant rentra à la maison en pleurant.
Le pauvre homme fut affligé par le comportement de son frère. Les enfants pleuraient de faim. Le pauvre homme se mit alors en route et alla travailler dans le village voisin.
Le soir, en rentrant à la maison, il aperçut du feu dans la forêt. Il faisait tellement froid qu'il pensa s'en approcher pour se réchauffer un peu. Quand il fut tout près du feu, il vit qu'un vieil homme était assis là.                   
« Bonsoir, vieil homme, dit le pauvre.
« A toi aussi, mon fils. Que fais-tu par ici? »

Le pauvre raconta son chagrin, ensuite salua poliment le vieux et rentra. A la maison les enfants pleuraient davantage : toute la journée, ils n'avaient mangé qu'un peu de patates et ils avaient très froid.
Le pauvre homme dit à sa femme : « Va chez mon frère et dis-lui qu'il nous donne au moins un peu de braise sinon les enfants vont mourir de froid! »

La femme partit mais revint vite en pleurant car le riche ne lui avait rien donné.
« Bon, d'accord, je vais chercher la braise moi-même, dit le pauvre, mais je la trouverai ailleurs. »

Il retourna dans la forêt. Le vieux était toujours à côté du feu. Il lui demanda de la braise.
« Prends-en, mon fils, une bonne pelletée. Ce qui ne rentrera pas dans ton fourneau, tu pourras l'étaler dans ta cour. »

Le pauvre le remercia et rentra à la maison avec la braise. Elle réchauffa bien toute la maison à tel point que le pauvre mit la moitié des braises dehors.
Le lendemain, au réveil, ils virent que le fourneau était rempli de pièces d'or. Il y en avait dans la cour également. Ils les ramassèrent et voulurent les peser mais ils n'avaient pas de boisseau. Le pauvre alla chez son frère demander un boisseau.
« Je te le prête à condition que demain tu fasses tes heures de travail chez moi. »

Le pauvre le lui promit. Une fois à la maison, ils pesèrent les pièces d'or : sept boisseaux en furent pleins. Quand l'un des enfants rendit le boisseau, le riche vit briller une pièce d'or au fond. Dans sa grande précipitation, le frère pauvre ne s'était pas aperçu qu'une pièce y était restée. Quand il la trouva, le frère riche arriva en courant chez lui comme s'il avait été mordu par un chien. Il resta bouche bée quand il vit la quantité d'or.
« D'où vient cet or? », demanda-t-il avec envie.

Le pauvre lui raconta qu'il avait reçu de la braise d'un vieil homme, et qu'il avait étalé le surplus dans la cour. C'est comme cela qu'il avait eu les pièces d'or. Le riche s'en réjouit, alla tout de suite dans la forêt et prit de la braise non pas avec une pelletée mais avec un chaudron. Il rentra en courant tellement il était heureux!
« Mon frère est fou, pensa-t-il, il est vrai qu'il a toujours été comme ça. Je vais lui montrer que j'aurai plus d'or que lui. »

A la maison, il n'étala pas le surplus uniquement dans la cour mais il en mit dans la grange et au grenier. Il était incapable d'attendre le matin et il se leva à l'aube pour ramasser les pièces d'or. Ce fut sa chance, car s'il était resté au lit plus longtemps, il serait mort dans l'incendie de sa maison. Toute la maison fut réduite en cendres et il perdit tous ses biens.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Mars 2013 à 14:59:35
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Pourquoi le renard est-il roux?

Il était une fois un petit ruisseau qui coulait lentement. Des écrevisses nageaient gaiement dans son eau. Tout près de ce ruisseau se trouvait un terrain broussailleux habité par des renards.

Par une belle journée d'été bien chaude un renard eut très soif. Il descendit boire au bord du ruisseau. En buvant tranquillement, gorgée après gorgée de l'eau fraîche, il aperçut tout à coup une écrevisse. Elle ne nageait pas comme les autres animaux, vers l'avant, mais bien vers l'arrière. Le renard dit:

«Dis donc, heureusement que le bon Dieu n'a pas créé d'autre animal aussi incapable que toi, qui n'avance jamais vers l'avant mais vers l'arrière!»
L'écrevisse s'approcha du bord de l'eau et lui répondit:

«Peut-être, mais je cours quand même plus vite que toi, espèce de crâneur! Regarde là-bas, il y a un vieux chêne. Celui qui y arrivera le premier, gagnera la course. En plus, je te permets de commencer avec trois pas d'avance. Quand je dirai un, deux, trois, partez! cours autant que tu le peux, car de toute façon j' arriverai avant toi.»

Le renard rit de bon cœur.

«Marché conclu! dit-il en souriant. On verra qui sera le vainqueur!»

Pendant ce temps, sans se faire remarquer, l'écrevisse s'accrocha à la queue du renard avec ses pinces. Puis, elle donna le signal du départ:
«Un, deux, trois ... Partez!»

Le renard s'élança. Après avoir fait un bon bout de chemin, il se dit:

«Elle m'a bien eu, celle-là. Il se peut qu'elle ne soit même pas sortie de l'eau et qu'elle m'ait quand même bien fait courir. Tant pis, je vais continuer le chemin qui me reste encore à parcourir!»

Il arriva au chêne, se retourna et à ce moment-là l'écrevisse lâcha rapidement la queue du renard. Elle se planta devant lui et dit:

«Ce n'est que maintenant que tu arrives? Moi, je suis là depuis longtemps. Qu'est-ce que tu as fait jusqu'ici? Tu vois, tu étais présomptueux et finalement c'est moi qui ai dû t'attendre!»

Le renard eut honte et devint tout rouge. C'est depuis ce temps-là que le renard a un pelage roux.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Mars 2013 à 16:06:50
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Yanco Grain-d'orge

Il était une fois un tailleur qui avait un fils. Il était si petit que,  parvenu à l'adolescence, il devint à peine plus grand qu'un grain d'orge. Son corps était petit mais son courage était grand. Un beau jour il se mit devant son père, se redressa de toute sa taille et dit:
«Mon cher père, je veux parcourir le monde.
-Très bien. Que la chance t'accompagne sur ton chemin.»

Son père prit une aiguille, alluma une bougie et forma une petite boule de cire fondue qu'il piqua comme une poignée sur la tête de l'aiguille. Il remit alors cette arme minuscule à son fils.
«Tiens, maintenant tu as au moins une épée pour la route», dit le tailleur.
«Merci, mon père! Je vais bientôt partir mais avant cela je voudrais partager un dernier repas avec vous», dit le fils.

Sur ce, il bondit dans la cuisine pour regarder ce que sa mère préparait. Sur le feu, dans une grande marmite quelque chose mijotait.
«Qu'est-ce que nous allons manger, ma chère mère ?» demanda-t-il, se mêlant de ce qui ne le regardait pas.

La vieille dame n'aimait pas être dérangée pendant qu'elle faisait la cuisine.
«Regarde toi-même puisque tu es si curieux», lança-t-elle.

Bien sûr qu'il était curieux puisqu'il aimait les bons plats. Il sauta sur le poêle, bascula un peu le couvercle et jeta un coup d'oeil à la marmite d'où la vapeur jaillit. Celle-ci souleva le petit bonhomme et l'emporta par la cheminée. Yanco, c'était son nom, chevauchait pendant un bon moment le petit nuage frisé. Puis, il redescendit sans difficulté sur terre, regarda autour de lui et dit:
«Ça alors, je suis dehors, c'est donc ça le vaste monde!»

Il partit à la recherche d'un travail. Puisque son père l'avait formé à son métier, il se fit embaucher comme aide chez un tailleur. Le maître était content de son travail et Yanco de sa place. Il n'avait qu'une objection : il n'appréciait décidément pas les plats servis à table. Au bout d'un certain temps, il perdit son calme, alla dans la cuisine et dit:
«Écoutez moi, Madame! Si vous ne nous faites pas une meilleure cuisine, demain matin je m'en vais, mais avant j'écrirai à la craie sur votre portail:

En ce lieu que des patates,
de la viande tu n'as pas le bénéfice !
Adieu, Roi des patates !
Que Dieu te bénisse !»

La femme fut saisie de colère et donna un coup de torchon au petit bonhomme qui se réfugia sous un dé d'où il lui tirait la langue.
«Attends un peu, tu vas voir ce que tu vas voir!» dit la femme.

Le temps qu'elle soulève le dé, Yanco s'était déjà caché dans le pli du torchon. Quand la maîtresse de maison secoua le torchon, Yanco, d'un seul bond bien dirigé, sautait dans une fente de la table.
«Coucou, me voilà!» dit-t-il avec moquerie tantôt sortant de la table, tantôt jaillissant du tiroir, tantôt sautant sur le dossier d'une chaise.

La maîtresse de maison finit par attraper Yanco et le jeta brusquement à la porte.

Après un long vol, le petit aide tailleur s'écrasa par terre avec fracas. Il se remit debout promptement, se débarrassa de la poussière et reprit son chemin. Il marcha et marcha longtemps jusqu'à atteindre une immense forêt. La nuit tombait. Yanco regarda autour de lui. Il cherchait un endroit pour dormir. Il trouva quelque chose qui ressemblait à un tronc d'arbre parfaitement convenable pour y passer la nuit. Il s'apprêtait à s'allonger au pied du tronc quand celui-ci bougea. En effet, ce n'était pas un arbre mais l'un des pieds d'un homme qui attrapa Yanco par le col et le souleva. Yanco eut beau se démener, mais l'homme lui serrait très fort le cou. L'ascension l'étourdit pendant quelques secondes. Quand il reprit ses esprits, il se retrouva dans le creux de la main de l'homme. En regardant autour de lui, il vit une foule de visages mal rasés. Tous le dévisageaient et haletaient si fort que le pauvre Yanco Grain-d'orge croyait sentir un ouragan passer près de ses oreilles.

«Regarde ce Goliath!» dit d'un ton moqueur l'un des hommes.
«Il vaut plus que tous les passe partout du monde entier. Il n'est pas au monde un trou de serrure si petit où il ne pourrait entrer», dit un autre.
«Écoute, mon gars! Viendrais tu avec nous dans la trésorerie du roi? Tu vas te faufiler par le trou de la serrure et tu vas nous jeter par la fenêtre tout l'argent que tu trouveras. D'accord?» demanda le troisième.

Yanco hésitait un peu, et finalement il accepta. Il comprit qu'il se retrouvait en compagnie de voleurs et en cas de refus ils l'auraient tout de même emmené de force. Il s'installa donc dans la poche de l'un des voleurs et ils allèrent à la trésorerie royale. Mais celle-ci était bien gardée. Deux soldats à baïonnette se tenaient devant la porte. Après avoir débattu entre eux un bon moment, les voleurs finirent par trouver plus judicieux de contourner la trésorerie. Ils se cachèrent dans les buissons sous la fenêtre, laissant Yanco tenter de pénétrer dans la pièce en espérant que la garde ne le remarque pas.
«Tout ira bien! Pourvu que vous ramassiez tout ce que je vais jeter par la fenêtre!» ainsi approuva-t-il le projet.

Sur ce, avec fierté et témérité, il s'approcha de la porte en fer de la chambre du trésor. Il chercha un espace en bas de la porte pour s'éviter la peine de grimper jusqu'au trou de la serrure. En un rien de temps il en trouva un suffisamment large pour s'y faufiler. Il s'avéra qu'il avait sur estimé sa petitesse et il n'avait pas été assez prudent car l'un des gardes l'aperçut.

«Tiens! Quelle vilaine araignée, là, par terre. Je vais l'écraser.» dit-il à l'autre.
«Laisse la vivre, la pauvre! Elle ne t'a pas fait de mal!» répondit son compère.

Ainsi Yanco parvint à la chambre du trésor. Il ouvrit la fenêtre et siffla doucement pour que voleurs sortent des buissons. Yanco se mit à jeter les thalers d'or (1) par la fenêtre.

Alors qu'il était en pleine action, il entendit tout à coup des pas approcher, puis la clé grincer dans la serrure. Le roi arriva pour passer en revue son trésor. Aussitôt, Yanco se cacha derrière une pile de pièces. Le roi comprit tout de suite que bien des thalers d'or manquaient. Il ne pouvait imaginer que cela soit possible: qui serait donc le voleur? Le roi gardait toujours la clé sur lui. Ni le cadenas, ni la serrure n'avaient le moindre défaut, de plus la garde était à sa place. Il médita pendant un bon moment. Ne trouvant aucune explication, il retourna dans ses appartements. En passant près des gardes, il leur dit quand même :

«Soyez plus vigilants, faites attention au trésor! Quelqu'un pille les pièces d'or!»

Les soldats prirent peur et tendirent l'oreille. Le roi parti et le silence revenu. Ils entendirent soudain le cliquetis des pièces d'or, Yanco s'était remis à la tâche. Les gardes coururent vite récupérer la clé, la glissèrent dans la serrure, l'ouvrirent et se précipitèrent dans la chambre du trésor pour surprendre le voleur la main dans le sac.

Mais Yanco fut plus rapide qu'eux. Il courut le long du mur et se cacha dans un coin, derrière une pièce d'or. On ne voyait même pas le bout de ses oreilles.
«Où suis je? Je suis ici!» cria Yanco malicieusement.

Le temps que la garde arrivât, il s'était déjà caché dans un autre coin derrière une autre pile de thalers.
«Où suis je? Je suis ici!» cria t il.

Pendant un bon moment, les pauvres soldats coururent de gauche à droite dans la chambre du trésor; mais ils se lassèrent de cette veine poursuite.
«Eh bien, soit!» pensèrent ils.

Ils fermèrent à clé la chambre du trésor, s'assirent de part et d'autre de la porte de fer et ils s'endormirent épuisés. Pendant qu'ils dormaient, Yanco jeta par la fenêtre toutes les pièces d'or. Il sortit par la fenêtre en chevauchant le dernier thaler.

Les voleurs ne cessèrent pas de le complimenter:
«En un mot: tu es un vrai héros! Voudrais tu être notre chef?»

Yanco n'avait aucune envie de le devenir.
«Que je finisse à la potence, sûrement pas!» pensa-t-il.

Néanmoins, il répondit poliment aux voleurs.
«Merci de cet honneur, mais je me dois de décliner votre offre car j'aimerais voir le monde.»
«D'accord, mais partageons au moins le butin!», répondirent les voleurs.

Mais Yanco n'en voulut pas la moindre pièce. Il attacha son épée autour de sa taille, fit ses adieux aux voleurs et reprit sa route. Il travailla ici et là mais il fut vite renvoyé de partout parce qu'il ne tolérait pas l'immobilité.

Après une longue errance, il se fit enfin embaucher par un aubergiste comme serviteur. Mais bientôt, les serveuses ne le supportèrent plus. En effet, le petit bonhomme avait surpris tous leurs secrets.
«Depuis que ce chenapan est ici, nous ne pouvons même pas chaparder une bouteille de vin dans la cave», se disaient-elles. Elles l'auraient volontiers fait disparaître de la surface de la terre.

Mais comment faire? Il fallait juste attendre que l'occasion se présente. Un jour, l'une des serveuses fut envoyée faucher l'herbe dans le jardin. Yanco s'agitait autour d'elle en gambadant d'un brin d'herbe à l'autre.
«Attends, je vais te montrer de quel bois je me chauffe, petit vaurien», pensa-t-elle.

Sur ce, elle lança sa faux et du même coup coupa l'herbe là où Yanco était assis. Il n'eut même pas le temps de dire ouf que la fille le ramassa avec le foin frais. Elle attacha le tout dans une grande toile qu'elle jeta devant le troupeau, où une grosse vache noire avala Yanco avec l'herbe d'un seul trait.

Dans la panse de la vache, régnait une obscurité dense, même pas une petite lueur de bougie. Le petit garçon se sentait très mal dans cette nuit noire. Il attendait impatiemment l'occasion de s'échapper.
Bientôt, celle-ci se présenta car l'heure de la traite arriva. Yanco cria:

«Hopp la ho! Hopp la ho!
Il est temps d'apporter les seaux!»

Mais sa voix se perdit dans le beuglement des vaches. Après la traite, l'aubergiste descendit à l'étable, s'arrêta devant la vache noire et dit:
«Demain, il faudra abattre cette bête.»

Yanco fut effrayé et se mit à hurler à pleins poumons.
«Laissez moi sortir! Je suis à l'intérieur!»
«Où?», demanda l'aubergiste, qui entendait la voix sans savoir d'où elle venait.
«Dans la vache noire!», cria Yanco.
«Tu plaisantes?», demanda avec colère l'aubergiste en croyant à une farce de son domestique. Et il s'en alla.

Le lendemain matin, on abattait la vache et on en fit des petits morceaux. Par chance, Yanco ne fut pas blessé, on le mélangea à la chair à saucisse : salé, poivré et pimenté si bien qu'il ne cessait d'éternuer. Encore une poignée de lard à la recette et le boucher fit les saucisses.

Dans le boyau Yanco manquait de place. Puis, on accrocha les saucisses dans le fumoir où Yanco aurait pu rester et sécher jusqu'à la fin des temps.
Par chance, en plein hiver un hôte arriva à l'auberge et voulut à tout prix manger de la saucisse au petit déjeuner.
«Va chercher une saucisse!» dit la patronne à la fille de cuisine qui décrocha celle où Yanco passait l'hiver.

Ainsi, Yanco descendit du fumoir mais il n'était pas encore hors de danger. La femme de l'aubergiste se mit à couper la saucisse en tranches. Le couteau coupa sec, les tranches tombaient les unes après les autres tandis que Yanco agitait la tête de droite et de gauche afin d'éviter la lame. Quand avec une tranche il tomba sur la planche, il n'hésita plus et se sauva. Il avait déjà eu dans cette maison tant de malheurs qu'il ne voulait plus y rester. Il prit ses jambes à son cou, et sauve qui peut, il ne s'arrêta pas jusqu'à ce qu'il ne soit arrivé aux champs.
«Enfin, je suis au grand air», soupira t il.

Il était sur le point de prendre une grande bouffée d'air frais quand par étourderie un renard errant l'avala avec une sauterelle.
Le petit aide tailleur rassembla toutes ses forces, se campa sur ses jambes et s'accrocha bien fort à la gorge du renard pour ne pas y glisser. Il se mit à crier.
«Ecoute moi, Compère Renard! Je suis le petit Yanco Grain-d'orge, laisse moi sortir!
-Tu as bien raison! Pourquoi j'avalerais un petit de rien du tout? Si tu me promets de me donner les poules de ton père, tu pourras sortir», dit le renard.

Yanco promit. Sitôt dit, sitôt fait, le renard le laissa sortir, et le ramena chez ses parents qui se réjouirent de le revoir. En échange de leur fils, ils donnèrent au renard toute la basse cour. Mais le vieux tailleur avait de la peine car il était attaché à ses magnifiques poules blanches et noires. Voyant sa tristesse, Yanco prit place devant son père et lui dit:
«Ne pleurez pas, mon cher père, je vous ai apporté quelque chose en échange des poules.»

Avec une grande fierté, Yanco donna à son père les quelques thalers gagnés pendant son aventure.

(1) Le thaler ou taler est une pièce de monnaie, existant à partir de 1518 en Bohème.


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Mars 2013 à 16:35:06
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La Reine des poissons

Il y avait dans la province du Valois, au milieu des bois de Villers-Cotterêts, un petit garçon et une petite fille qui se rencontraient de temps en temps sur les bords des petites rivières du pays, l'un obligé par un bûcheron nommé Tord-Chêne, qui était son oncle, à aller ramasser du bois mort, l'autre envoyée par ses parents pour saisir de petites anguilles que la baisse des eaux permet d'entrevoir dans la vase en certaines saisons. Elle devait encore, faute de mieux, atteindre entre les pierres les écrevisses, très nombreuses dans quelques endroits.

Mais la pauvre petite fille, toujours courbée et les pieds dans l'eau, était si compatissante pour les souffrances des animaux, que, le plus souvent, voyant les contorsions des poissons qu'elle tirait de la rivière, elle les y remettait et ne rapportait guère que les écrevisses, qui souvent lui pinçaient les doigts jusqu'au sang, et pour lesquelles elle devenait alors moins indulgente.

Le petit garçon, de son côté, faisant des fagots de bois mort et des bottes de bruyère, se voyait souvent exposé aux reproches de Tord-Chêne, soit parce qu'il n'en avait pas assez rapporté, soit parce qu'il était trop occupé à causer avec la petite pêcheuse.

Il y avait un certain jour dans la semaine où les deux enfants ne se rencontraient jamais... Quel était ce jour ? Le même sans doute où la fée Mélusine se changeait en poisson, et où les princesses de l'Edda se transformaient en cygnes.

Le lendemain d'un de ces jours-là, le petit bûcheron dit à la pêcheuse : " Te souviens-tu qu'hier je t'ai vu passer là-bas dans les eaux de Challepont avec tous les poissons qui te faisaient cortège... jusqu'aux carpes et aux brochets ; et tu étais toi-même un beau poisson rouge avec les côtés tous ruisselants d'écailles d'or.
– Je m'en souviens bien, dit la petite fille, puisque je t'ai vu, toi qui étais sur le bord de l'eau, et que tu ressemblais à un beau chêne vert, dont les branches d'en haut étaient d'or..., et que tous les arbres du bois se courbaient jusqu'à terre en te saluant.
– C'est vrai, dit le petit garçon, j'ai rêvé cela.
– Et moi aussi j'ai rêvé ce que tu m'as dit : mais comment nous sommes nous rencontrés deux dans le rêve ?... "

En ce moment, l'entretien fut interrompu par l'apparition de Tord-Chêne, qui frappa le petit avec un gros gourdin, en lui reprochant de n'avoir pas seulement lié encore un fagot.
" Et puis, ajouta-t-il, est-ce que je ne t'ai pas recommandé de tordre les branches qui cèdent facilement, et de les ajouter à tes fagots ?
– C'est que, dit le petit, le garde me mettrait en prison, s'il trouvait dans mes fagots du bois vivant... Et puis, quand j'ai voulu le faire, comme vous me l'aviez dit, j'entendais l'arbre qui se plaignait.
– C'est comme moi, dit la petite fille, quand j'emporte des poissons dans mon panier, je les entends qui chantent si tristement, que je les rejette dans l'eau... Alors on me bat chez nous !
– Tais-toi, petite masque ! dit Tord-Chêne, qui paraissait animé de boisson, tu déranges mon neveu de son travail. Je te connais bien, avec tes dents pointues couleur de perle... Tu es la Reine des poissons... Mais je saurai bien te prendre à un certain jour de la semaine, et tu périras dans l'osier... dans l'osier ! "

Les menaces que Tord-Chêne avaient faites dans son ivresse ne tardèrent pas à s'accomplir. La petite fille se trouva prise sous la forme de poisson rouge, que le destin l'obligeait à prendre à de certains jours. Heureusement, lorsque Tord-Chêne voulut, en se faisant aider de son neveu, tirer de l'eau la nasse d'osier, ce dernier reconnut le poisson rouge à écailles d'or qu'il avait vu en rêve, comme étant la transformation accidentelle de la petite pêcheuse.

Il osa la défendre contre Tord-Chêne et le frappa même de sa galoche. Ce dernier, furieux, le prit par les cheveux, cherchant à le renverser ; mais il s'étonna de trouver une grande résistance : c'est que l'enfant tenait ses pieds à la terre avec tant de force, que son oncle ne pouvait venir à bout de le renverser ou de l'emporter, et le faisait en vain virer dans tous les sens.

Au moment où la résistance de l'enfant allait se trouver vaincue, les arbres de la forêt frémir d'un bruit sourd, les branches agitées laissèrent siffler les vents, et la tempête fit reculer Tord-Chêne, qui se retira dans sa cabane de bûcheron.

Il en sortit bientôt menaçant, terrible et transfiguré comme un fils d'Odin ; dans sa main brillait cette hache scandinave qui menace les arbres, pareille au marteau de Thor brisant les rochers.

Le jeune roi des forêts, victime de Tord-Chêne – son oncle, usurpateur –, savait déjà quel était son rang qu'on voulait lui cacher. Les arbres le protégeaient, mais seulement par leur masse et leur résistance passive...

En vain les broussailles et les surgeons s'entrelaçaient de tous côtés pour arrêter les pas de Tord-Chêne, celui-ci a appelé ses bûcherons et se trace un chemin à travers ces obstacles. Déjà plusieurs arbres, autrefois sacrés du temps des vieux druides, sont tombés sous les haches et les cognées.

Heureusement, la Reine des poissons n'avait pas perdu de temps. Elle était allée se jeter aux pieds de la Marne, de l'Oise et de l'Aisne, les trois grandes rivières voisines, leur représentant que si l'on n'arrêtait pas les projets de Tord-Chêne et de ses compagnons, les forêts trop éclaircies n'arrêteraient plus les vapeurs qui produisent les pluies et qui fournissent l'eau aux ruisseaux, aux rivières et aux étangs ; que les sources elles-mêmes seraient taries et ne feraient plus jaillir l'eau nécessaire à alimenter les rivières ; sans compter que tous les poissons se verraient détruits en peu de temps, ainsi que les bêtes sauvages et les oiseaux.

Les trois grandes rivières prirent là-dessus de tels arrangements que le sol où Tord-Chêne, avec ses terribles bûcherons, travaillait à la destruction des arbres – sans toutefois avoir pu atteindre encore le Prince des forêts –, fût entièrement noyé par une immense inondation, qui ne se retira qu'après la destruction entière des agresseurs.

Ce fut alors que le Roi des forêts et la Reine des poissons purent de nouveau reprendre leurs innocents entretiens.

Ce n'étaient plus un petit bûcheron et une petite pêcheuse, mais un Sylphe et un Ondine, lesquels, plus tard, furent unis légitimement.

Nous nous arrêtons dans ces citations si incomplètes, si difficiles à faire comprendre sans la musique et sans la poésie des lieux et des hasards, qui font qui font que tel ou tel de ces chants populaires se grave ineffablement dans l'esprit. Ici ce sont des compagnons qui passent avec leurs longs bâtons ornés de rubans ; là des mariniers qui descendent un fleuve ; des buveurs d'autrefois (ceux d'aujourd'hui ne chantent plus guère), des lavandières, des faneuses, qui jettent au vent quelques lambeaux des chants de leurs aïeules. Malheureusement on les entend répéter plus souvent aujourd'hui les romances à la mode, platement spirituelles, ou même franchement incolores, variées sur trois à quatre thèmes éternels. Il serait à désirer que de bons poètes modernes missent à profit l'inspiration naïve de nos pères, et nous rendissent, comme l'on fait les poètes d'autres pays, une foule de petits chefs-d'œuvre qui se perdent de jour en jour avec la mémoire et la vie des bonnes gens du temps passé.

Conte de la province du Valois
GÉRARD DE NERVAL

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Mars 2013 à 18:12:43
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Les avantages du chardon

Devant un riche château seigneurial s'étendait un beau jardin, bien tenu, planté d'arbres et de fleurs rares. Les personnes qui venaient rendre visite au propriétaire exprimaient leur admiration pour ces arbustes apportés des pays lointains pour ces parterres disposés avec tant d'art ; et l'on voyait aisément que ces compliments n'étaient pas de leur part de simples formules de politesse. Les gens d'alentour, habitants des bourgs et des villages voisins venaient le dimanche demander la permission de se promener dans les magnifiques allées. Quand les écoliers se conduisaient bien, on les menait là pour les récompenser de leur sagesse. Tout contre le jardin, mais en dehors, au pied de la haie de clôture, on trouvait un grand et vigoureux chardon ; de sa racine vivace poussait des branches de tous côtés, il formait à lui seul comme un buisson. Personne n'y faisait pourtant la moindre attention, hormis le vieil âne qui traînait la petite voiture de la laitière. Souvent la laitière l'attachait non loin de là, et la bête tendait tant qu'elle pouvait son long cou vers le chardon, en disant : "Que tu es donc beau !... Tu es à croquer !" Mais le licou était trop court, et l'âne en était pour ses tendres coups d'oeil et pour ses compliments. Un jour une nombreuse société est réunie au château. Ce sont toutes personnes de qualité, la plupart arrivant de la capitale. Il y a parmi elles beaucoup de jolies jeunes filles. L'une d'elles, la plus jolie de toutes, vient de loin. Originaire d'Ecosse, elle est d'une haute naissance et possède de vastes domaines, de grandes richesses. C'est un riche parti : "Quel bonheur de l'avoir pour fiancée !" disent les jeunes gens, et leurs mères disent de même. Cette jeunesse s'ébat sur les pelouses, joue au ballon et à divers jeux. Puis on se promène au milieu des parterres, et, comme c'est l'usage dans le Nord, chacune des jeunes filles cueille une fleur et l'attache à la boutonnière d'un des jeunes messieurs. L'étrangère met longtemps à choisir sa fleur ; aucune ne paraît être à son goût. Voilà que ses regards tombent sur la haie, derrière laquelle s'élève le buisson de chardons avec ses grosses fleurs rouges et bleues. Elle sourit et prie le fils de la maison d'aller lui en cueillir une : "C'est la fleur de mon pays, dit-elle, elle figure dans les armes d'Ecosse ; donnez-la-moi, je vous prie." Le jeune homme s'empresse d'aller cueillir la plus belle, ce qu'il ne fit pas sans se piquer fortement aux épines. La jeune Ecossaise lui met à la boutonnière cette fleur vulgaire, et il s'en trouve singulièrement flatté. Tous les autres jeunes gens auraient volontiers échangé leurs fleurs rares contre celle offerte par la main de l'étrangère. Si le fils de la maison se rengorgeait, qu'était-ce donc du chardon ? Il ne se sentait plus d'aise ; il éprouvait une satisfaction, un bien-être, comme lorsque après une bonne rosée, les rayons du soleil venaient le réchauffer. " Je suis donc quelque chose de bien plus relevé que je n'en ai l'air, pensait-il en lui-même. Je m'en étais toujours douté. A bien dire, je devrais être en dedans de la haie et non pas au dehors. Mais, en ce monde, on ne se trouve pas toujours placé à sa vraie place. Voici du moins une de mes filles qui a franchi la haie et qui même se pavane à la boutonnière d'un beau cavalier. " Il raconta cet événement à toutes les pousses qui se développèrent sur son tronc fertile, à tous les boutons qui surgirent sur ses branches. Peu de jours s'étaient écoulés lorsqu'il apprit, non par les paroles des passants, non par les gazouillements des oiseaux, mais par ces mille échos qui lorsqu'on laisse les fenêtres ouvertes, répandent partout ce qui se dit dans l'intérieur des appartements, il apprit, disons-nous, que le jeune homme qui avait été décoré de la fleur de chardon par la belle Ecossaise avait aussi obtenu son coeur et sa main. " C'est moi qui les ai unis, c'est moi qui ai fait ce mariage ! " s'écria le chardon, et plus que jamais , il raconta le mémorable événement à toutes les fleurs nouvelles dont ses branches se couvraient. " Certainement, se dit-il encore, on va me transplanter dans le jardin, je l'ai bien mérité. Peut-être même serai-je mis précieusement dans un pot où mes racines seront bien serrées dans du bon fumier. Il paraît que c'est là le plus grand honneur que les plantes puissent recevoir. Le lendemain, il était tellement persuadé que les marques de distinction allaient pleuvoir sur lui, qu'à la moindre de ses fleurs, il promettait que bientôt on les mettrait tous dans un pot de faïence, et que pour elle, elle ornerait peut-être la boutonnière d'un élégant, ce qui était la plus rare fortune qu'une fleur de chardon pût rêver. Ces hautes espérances ne se réalisèrent nullement ; point de pot de faïence ni de terre cuite ; aucune boutonnière ne se fleurit plus aux dépens du buisson. Les fleurs continuèrent de respirer l'air et la lumière, de boire les rayons du soleil le jour, et la rosée la nuit ; elles s'épanouirent et ne reçurent que la visite des abeilles et des frelons qui leur dérobaient leur suc. " Voleurs, brigands ! s'écriait le chardon indigné, que ne puis-je vous transpercer de mes dards ! Comment osez-vous ravir leur parfum à ces fleurs qui sont destinées à orner la boutonnière des galants ! " Quoi qu'il pût dire, il n'y avait pas de changement dans sa situation. Les fleurs finissaient par laisser pencher leurs petites têtes. Elles pâlissaient, se fanaient ; mais il en poussait toujours de nouvelles : à chacune qui naissait, le père disait avec une inaltérable confiance : "Tu viens comme marée en carême, impossible d'éclore plus à propos. J'attends à chaque minute le moment où nous passerons de l'autre côté de la haie. " Quelques marguerites innocentes, un long et maigre plantin qui poussaient dans le voisinage, entendaient ces discours, et y croyaient naïvement. Ils en conçurent une profonde admiration pour le chardon, qui, en retour, les considérait avec le plus complet mépris. Le vieil âne, quelque peu sceptique par nature, n'était pas aussi sûr de ce que proclamait avec tant d'assurance le chardon. Toutefois, pour parer à toute éventualité, il fit de nouveaux efforts pour attraper ce cher chardon avant qu'il fût transporté en des lieux inaccessibles. En vain il tira sur son licou ; celui-ci était trop court et il ne put le rompre. A force de songer au glorieux chardon qui figure dans les armes d'Ecosse, notre chardon se persuada que c'était un de ses ancêtres ; qu'il descendait de cette illustre famille et était issu de quelque rejeton venu d'Ecosse en des temps reculés. C'étaient là des pensées élevées, mais les grandes idées allaient bien au grand chardon qu'il était, et qui formait un buisson à lui tout seul. Sa voisine, l'ortie, l'approuvait fort... " Très souvent, dit-elle, on est de haute naissance sans le savoir ; cela se voit tous les jours. Tenez, moi-même, je suis sûre de n'être pas une plante vulgaire. N'est-ce pas moi qui fournis la plus fine mousseline, celle dont s'habillent les reines ? " L'été se passe, et ensuite l'automne. Les feuilles des arbres tombent. Les fleurs prennent des teintes plus foncées et ont moins de parfum. Le garçon jardinier, en recueillant les tiges séchées, chante à tue-tête : Amont, aval ! En haut, en bas ! C'est là tout le cours de la vie ! Les jeunes sapins du bois recommencent à penser à Noël, à ce beau jour où on les décore de rubans, de bonbons et de petites bougies. Ils aspirent à ce brillant destin, quoiqu'il doive leur en coûter la vie. " Comment, je suis encore ici ! dit le chardon, et voilà huit jours que les noces ont été célébrées ! C'est moi pourtant qui ai fait ce mariage, et personne n'a l'air de penser à moi, pas plus que si je n'existais point. On me laisse pour reverdir. Je suis trop fier pour faire un pas vers ces ingrats, et d'ailleurs, le voudrais-je, je ne puis bouger. Je n'ai rien de mieux à faire qu'à patienter encore. " Quelques semaines se passèrent. Le chardon restait là, avec son unique et dernière fleur ; elle était grosse et pleine, on eût presque dit une fleur d'artichaut ; elle avait poussé près de la racine, c'était une fleur robuste. Le vent froid souffla sur elle ; ses vives couleurs disparurent ; elle devint comme un soleil argenté. Un jour le jeune couple, maintenant mari et femme, vint se promener dans le jardin. Ils arrivèrent près de la haie, et la belle Ecossaise regarda par delà dans les champs : "Tiens ! dit-elle, voilà encore le grand chardon, mais il n'a plus de fleurs !
Mais si, en voilà encore une, ou du moins son spectre, dit le jeune homme en montrant le calice desséché et blanchi.
Tiens, elle est fort jolie comme cela ! reprit la jeune dame. Il nous la faut prendre, pour qu'on la reproduise sur le cadre de notre portrait à tous deux."

Le jeune homme dut franchir de nouveau la haie et cueillir la fleur fanée. Elle le piqua de la bonne façon : ne l'avait-il pas appelée un spectre ? Mais il ne lui en voulut pas : sa jeune femme était contente. Elle rapporta la fleur dans le salon. Il s'y trouvait un tableau représentant les jeunes époux : le mari était peint une fleur de chardon à sa boutonnière. On parla beaucoup de cette fleur et de l'autre, la dernière, qui brillait comme de l'argent et qu'on devait ciseler sur le cadre. L'air emporta au loin tout ce qu'on dit. " Ce que c'est que la vie, dit le chardon : ma fille aînée a trouvé place à une boutonnière, et mon dernier rejeton a été mis sur un cadre doré. Et moi, où me mettra-t-on ?" L'âne était attaché non loin : il louchait vers le chardon : " Si tu veux être bien, tout à fait bien, à l'abri de la froidure, viens dans mon estomac, mon bijou. Approche ; je ne puis arriver jusqu'à toi, ce maudit licou n'est pas assez long. " Le chardon ne répondit pas à ces avances grossières. Il devint de plus en plus songeur, et, à force de tourner et retourner ses pensées, il aboutit, vers Noël, à cette conclusion qui était bien au-dessus de sa basse condition : "Pourvu que mes enfants se trouvent bien là où ils sont, se dit-il ; moi, leur père, je me résignerai à rester en dehors de la haie, à cette place où je suis né.
Ce que vous pensez là vous fait honneur, dit le dernier rayon de soleil. Aussi vous en serez récompensé.
Me mettra-t-on dans un pot ou sur un cadre ? demanda le chardon.
On vous mettra dans un conte ", eut le temps de répondre le rayon avant de s'éclipser.



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 30 Mars 2013 à 19:16:29
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Les pattes de vautour

Un père et une mère avaient cinq enfants. Quatre garçons et une fille, la benjamine, qui était la préférée de tous. Un jour, la mère se rendit avec la petite fille dans la montagne pour y chercher une belle chèvre aux poils noirs qui s'était égarée. « Je suis sûre qu'elle est allée sur le pré au bord du ravin. L'herbe y est très tendre, dit la mère à sa fille. Je vais aller la chercher. Attends-moi ici, car je ne voudrais pas que tu tombes dans le ravin. » La petite fille approuva. De toute façon, elle avait déjà mal aux jambes et n'avait aucune envie de monter la pente abrupte. La mère fit un nœud à son mouchoir et dit : « Tiens ! Voilà une poupée, joue avec elle et attends-moi ! »
La petite fille était tellement absorbée par le jeu qu'elle ne vit pas le temps passer. Soudain, un lourd nuage noir voguant dans le ciel comme un immense bateau s'arrêta au-dessus de sa tête. Capusa, un fantôme au grand pouvoir, en descendit. Ce spectre pouvait revêtir n'importe quelle forme : une pierre, un animal, ou même un être humain. La seule chose qui le trahissait alors était les pattes qu'il avait à la place des jambes. Il ne pouvait pas les changer. Elles étaient semblables à celles d'un vautour, avec de la peau pendante et de grandes griffes acérées. « Depuis longtemps, j'ai envie d'une petite fille exactement comme celle-ci, se dit Capusa en voyant la gamine. Elle me tiendra compagnie dans ma maison. » Et, aussitôt, il prit l'aspect de la mère de la fillette.
Celle-ci se réjouit de revoir sa maman, car elle commençait à avoir faim. Elle ne se doutait pas que la personne à qui elle tendait la main n'était pas sa mère, car les pattes de vautour de Capusa étaient dissimulées sous sa longue jupe. « Viens avec moi, dit-il, je t'emmènerai dans un endroit où tu n'es encore jamais allée. Nous y vivrons ensemble et nous y serons bien. » Il fit un signe de la main et la Terre s'ouvrit devant eux. Un grand couloir les mena jusqu'à la maison de Capusa, où ils disparurent. Ayant retrouvé sa chèvre, la véritable mère chercha en vain sa petite fille. Pas une trace ! Elle courut chercher son mari et ses fils pour qu'ils l'aident à la retrouver. Peine perdue. Persuadés que la petite fille était tombée dans le ravin, ils la pleurèrent comme si elle était morte et firent célébrer une messe. La maison parut soudain bien vide sans les babillages de la petite fille. Mais le temps passa, les larmes des parents et des frères séchèrent petit à petit et, à la fin de l'année, ils en avaient presque fait le deuil.
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Un jour, le père partit dans la montagne avec ses fils pour chasser la perdrix. La chance ne leur avait pas vraiment souri, mais ils purent tout de même accrocher quelques oiseaux à leur ceinture. Fatigués après une longue marche, ils s'assirent dans un pré pour se reposer. Les garçons s'assoupirent mais leur père resta éveillé. Soudain, il vit une pierre bouger, puis basculer. Une route apparut alors et sur celle-ci marchait une petite fille. « Dieu miséricordieux ! C'est ma fille ! » se dit le père. Il était près de l'appeler, lorsqu'il se ravisa, persuadé qu'il devait y avoir quelque magie là-dessous.
La petite fille agissait comme si elle ne voyait ni son père ni ses frères. Elle s'assit dans l'herbe et se mit à jouer avec la poupée confectionnée par sa maman et avec des cailloux. Quelques instants plus tard, une voix venue des profondeurs de la Terre se fit entendre : « Rentre à la maison, ma petite fille, le déjeuner est servi ! » Quand il l'entendit, l'homme fit rapidement un signe de croix, car il avait reconnu la voix de sa femme ! La petite fille prit alors ses jouets et rentra sous terre. La pierre se remit aussitôt en place et tout redevint comme avant. Le père réveilla alors ses fils, leur raconta tout ce qu'il avait vu et leur dit : « Demain, à midi, nous reviendrons ici et si votre sœur réapparaît, nous l'attraperons et l'emporterons à la maison ! » Ils décidèrent de ne rien dire à leur retour, pour le moment, afin que la mère ne se désespère pas si, par malheur, ils n'arrivaient pas à arracher l'enfant au pouvoir maléfique. Le lendemain, ils se rendirent à nouveau dans le pré, se cachèrent derrière les pierres et attendirent. Soudain, l'une des pierres bougea, puis bascula, laissant apparaître un chemin. La petite fille s'installa et se mit à jouer avec sa poupée et ses cailloux. Le père et les frères s'approchèrent d'elle sans faire de bruit et l'attrapèrent par les bras et par les jambes. La petite fille se mit à crier et à appeler comme si on l'écorchait vive, car elle n'avait reconnu ni ses frères ni son père : « Maman, maman ! Viens à mon secours ! » Capusa sortit des entrailles de la Terre sous l'aspect de sa vraie mère. La ressemblance était telle que l'homme en resta comme pétrifié. « Que fais-tu là ? » laissa-t-il échapper. Il faillit lâcher sa petite fille, quand le vent, qui se mit à souffler, souleva la jupe de la femme. Apercevant les pattes de vautour de Capusa, ils comprirent tous alors à qui ils avaient affaire. « Sainte Vierge, protège-nous ! » s'écria le père en faisant un signe de croix. Ses fils firent de même et le fantôme perdit aussitôt son pouvoir. Il resta près de la pierre incapable de prononcer un mot. Le père prit la petite fille dans ses bras et se mit à courir en dévalant la pente. Mais la petite fille ne cessait pas de pleurer et continuait à répéter : « Maman, maman ! Viens à mon secours ! » Ils pensèrent que, dès qu'elle verrait sa vraie mère, la maison, le jardin, la petite fille retrouverait la mémoire. Mais elle était ensorcelée et ne reconnaissait rien de ce qui avait bercé son enfance.



En vain, sa mère la serrait dans ses bras, lui chantait des berceuses et coiffait ses cheveux. La petite fille ne faisait que pleurer et appeler sa mère. Elle ne voulait même pas manger et ne buvait que de l'eau. Aussi, elle s'affaiblissait de jour en jour. Son père décida alors d'aller voir une guérisseuse des corps et des âmes. La route fut très longue et la vieille femme demanda beaucoup d'argent pour louer ses services, mais qu'est-ce que des parents ne feraient pas pour sauver leur enfant d'une malédiction ? Le père accepta et porta la guérisseuse sur son dos afin d'être, au plus vite, de retour à la maison. Quand elle vit la petite fille couchée sur son lit, presque sans âme, la guérisseuse comprit aussitôt ce qui s'était passé. « Votre fille a été ensorcelée par Capusa. Dans son corps se trouve une ombre noire qui voile tous ses souvenirs. C'est pourquoi elle ne se rappelle pas son passé. Apportez-moi deux épis de maïs, je vais essayer de vous aider. »
Ils lui apportèrent ce qu'elle avait demandé et la femme commença à frotter le corps de la petite fille avec les épis de maïs tout en récitant des prières. Petit à petit, les grains jaunes des épis devenaient noirs. C'était l'ombre qui sortait du corps de la petite fille. Quand la dernière graine eut noirci, la petite fille ouvrit les yeux et s'écria : « Maman ! Papa ! J'ai fait un drôle de rêve ! » Tous se réjouirent de sa guérison et du fait qu'elle ne se souvenait plus de Capusa. La guérisseuse ordonna ensuite de faire brûler les épis noircis dans la cheminée, pour que le mauvais esprit soit définitivement chassé. Depuis lors, toute la famille vit heureuse. Et, comme ils racontent leur histoire à toutes les personnes qu'ils croisent sur leur chemin, les enfants apprennent ce qu'il faut faire chaque fois qu'un inconnu les interpelle. Ils doivent baisser la tête et regarder attentivement les jambes de la personne, car Capusa, ne pouvant pas les transformer, est ainsi trahi à chaque fois qu'il veut s'emparer d'un enfant.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 31 Mars 2013 à 14:16:18
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La pâquerette

Ecoutez bien cette petite histoire.
A la campagne, près de la grande route, était située une gentille maisonnette que vous avez sans doute remarquée vous-même. Sur le devant se trouve un petit jardin avec des fleurs et une palissade verte; non loin de là, sur le bord du fossé, au milieu de l'herbe épaisse, fleurissait une petite pâquerette. Grâce au soleil qui la chauffait de ses rayons aussi bien que les grandes et riches fleurs du jardin, elle s'épanouissait d'heure en heure. Un beau matin, entièrement ouverte, avec ses petites feuilles blanches et brillantes, elle ressemblait à un soleil en miniature entouré de ses rayons. Qu'on l'aperçût dans l'herbe et qu'on la regardât comme une pauvre fleur insignifiante, elle s'en inquiétait peu. Elle était contente, aspirait avec délices la chaleur du soleil, et écoutait le chant de l'alouette qui s'élevait dans les airs.
Ainsi, la petite pâquerette était heureuse comme par un jour de fête, et ce- pendant c'était un lundi. Pendant que les enfants, assis sur les bancs de l'école, apprenaient leurs leçons, elle, assise sur sa tige verte, apprenait par la beauté de la nature la bonté de Dieu, et il lui semblait que tout ce qu'elle ressentait en silence, la petite alouette l'exprimait parfaitement par ses chansons joyeuses. Aussi regarda-t-elle avec une sorte de respect l'heureux oiseau qui chantait et volait, mais elle n'éprouva aucun regret de ne pouvoir en faire autant.
"Je vois et j'entends, pensa-t-elle; le soleil me réchauffe et le vent m'embrasse. Oh! j'aurais tort de me plaindre. "
En dedans de la palissade se trouvaient une quantité de fleurs roides et distinguées; moins elles avaient de parfum, plus elles se redressaient. Les pivoines se gonflaient pour paraître plus grosses que les roses: mais ce n'est pas la grosseur qui fait la rose. Les tulipes brillaient par la beauté de leurs couleurs et se pavanaient avec prétention; elles ne daignaient pas jeter un regard sur la petite pâquerette, tandis que la pauvrette les admirait en disant : " Comme elles sont riches et belles ! Sans doute le superbe oiseau va les visiter. Dieu merci, je pourrai assister à ce beau spectacle. "
Et au même instant, l'alouette dirigea son vol, non pas vers les pivoines et les tulipes, mais vers le gazon, auprès de la pauvre pâquerette, qui, effrayée de joie, ne savait plus que penser.
Le petit oiseau se mit à sautiller autour d'elle en chantant : " Comme l'herbe est moelleuse! Oh ! la charmante petite fleur au cœur d'or et à la robe d'argent ! "
On ne peut se faire une idée du bonheur de la petite fleur. L'oiseau l'embrassa de son bec, chanta encore devant elle, puis il remonta dans l'azur du ciel. Pendant plus d'un quart d'heure, la pâquerette ne put se remettre de son émotion. A moitié honteuse, mais ravie au fond du cœur, elle regarda les autres fleurs dans le jardin. Témoins de l'honneur qu'on lui avait rendu, elles devaient bien comprendre sa joie ; mais les tulipes se tenaient encore plus roides qu'auparavant ; leur figure rouge et pointue exprimait leur dépit. Les pivoines avaient la tête toute gonflée. Quelle chance pour la pauvre pâquerette qu'elles ne pussent parler! Elles lui auraient dit bien des choses désagréables. La petite fleur s'en aperçut et s'attrista de leur mauvaise humeur.
Quelques moments après, une jeune fille armée d'un grand couteau affilé et brillant entra dans le jardin, s'approcha des tulipes et les coupa l'une après l'autre.
- Quel malheur! dit la petite pâquerette en soupirant; voilà qui est affreux; c'en est fait d'elles.
Et pendant que la jeune fille emportait les tulipes, la pâquerette se réjouissait de n'être qu'une pauvre petite fleur dans l'herbe. Appréciant la bonté de Dieu, et pleine de reconnaissance, elle referma ses feuilles au déclin du jour, s'endormit et rêva toute la nuit au soleil et au petit oiseau.
Le lendemain matin, lorsque la pâquerette eut rouvert ses feuilles à l'air et à la lumière, elle reconnut la voix de l'oiseau, mais son chant était tout triste. La pauvre alouette avait de bonnes raisons pour s'affliger: on l'avait prise et enfermée dans une cage suspendue à une croisée ouverte. Elle chantait le bonheur de la liberté, la beauté des champs verdoyants et ses anciens voyages à travers les airs.
La petite pâquerette aurait bien voulu lui venir en aide: mais comment faire ? C'était chose difficile. La compassion qu'elle éprouvait pour le pauvre oiseau captif lui fit tout à fait oublier les beautés qui l'entouraient, la douce chaleur du soleil et la blancheur éclatante de ses propres feuilles.
Bientôt deux petits garçons entrèrent dans le jardin ; le plus grand portait à la main un couteau long et affilé comme celui de la jeune fille qui avait coupé les tulipes. Ils se dirigèrent vers la pâquerette, qui ne pouvait comprendre ce qu'ils voulaient.
- Ici nous pouvons enlever un beau morceau de gazon pour l'alouette, dit l'un des garçons, et il commença à tailler un carré profond autour de la petite fleur.
- Arrache la fleur! dit l'autre.
A ces mots, la pâquerette trembla d'effroi. Etre arrachée, c'était perdre la vie; et jamais elle n'avait tant béni l'existence qu'en ce moment où elle espérait entrer avec le gazon dans la cage de l'alouette prisonnière.
- Non, laissons-la, répondit le plus grand; elle est très bien placée.
Elle fut donc épargnée et entra dans la cage de l'alouette.
Le pauvre oiseau, se plaignant amèrement de sa captivité, frappait de ses ailes le fil de fer de la cage. La petite pâquerette ne pouvait, malgré tout son désir, lui faire entendre une parole de consolation.
Ainsi se passa la matinée.
- Il n'y a plus d'eau ici, s'écria le prisonnier; tout le monde est sorti sans me laisser une goutte d'eau. Mon gosier est sec et brûlant, j'ai une fièvre terrible, j'étouffe! Hélas! il faut donc que je meure, loin du soleil brillant, loin de la fraîche verdure et de toutes les magnificences de la création!
Puis il enfonça son bec dans le gazon humide pour se rafraîchir un peu. Son regard tomba sur la petite pâquerette; il lui fit un signe de tête amical, et dit en l'embrassant:
- Toi aussi, pauvre petite fleur, tu périras ici! En échange du monde que j'avais à ma disposition, l'on m'a donné quelques brins d'herbe et toi seule pour société. Chaque brin d'herbe doit être pour moi un arbre; chacune de tes feuilles blanches, une fleur odoriférante. Ah! tu me rappelles tout ce que j'ai perdu!
" Si je pouvais le consoler ?", pensait la pâquerette, incapable de faire un mouvement. Cependant le parfum qu'elle exhalait devint plus fort qu'à l'ordinaire; l'oiseau s'en aperçut, et quoiqu'il languît d'une soif dévorante qui lui faisait arracher tous les brins d'herbe l'un après l'autre, il eut bien garde de toucher à la fleur.
Le soir arriva; personne n'était encore là pour apporter une goutte d'eau à la malheureuse alouette. Alors elle étendit ses belles ailes en les secouant convulsivement, et fit entendre une petite chanson mélancolique. Sa petite tête s'inclina vers la fleur, et son cœur brisé de désir et de douleur cessa de battre. A ce triste spectacle, la petite pâquerette ne put, comme la veille, refermer ses feuilles pour dormir; malade de tristesse, elle se pencha vers la terre.
Les petits garçons ne revinrent que le lendemain. A la vue de l'oiseau mort, ils versèrent des larmes et lui creusèrent une fosse. Le corps, enfermé dans une jolie boîte rouge, fut enterré royalement, et sur la tombe recouverte ils semèrent des feuilles de roses.
Pauvre oiseau! pendant qu'il vivait et chantait, on l'avait oublié dans sa cage et laissé mourir de misère; après sa mort, on le pleurait et on lui prodiguait des honneurs.
Le gazon et la pâquerette furent jetés dans la poussière sur la grande route; personne ne pensa à celle qui avait si tendrement aimé le petit oiseau.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 31 Mars 2013 à 14:30:58
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Le Vieux Réverbère

Il était une fois un honnête vieux réverbère qui avait rendu de bons et loyaux services pendant de longues, longues années, et on s'apprêtait à le remplacer. C'était le dernier soir qu'il était sur son poteau et éclairait la rue ; il se sentit un peu comme un vieux figurant de ballet qui danse pour la dernière fois et sait que dès le lendemain il sera mis au rancart. Le réverbère redoutait terriblement ce lendemain. Il savait qu'on l'amènerait à la mairie où trente-six sages de la ville l'examineraient pour décider s'il était encore bon pour le service ou pas. C'est là qu'on déciderait s'il devait éclairer un pont ou une usine à la campagne. Il se pouvait aussi qu'on l'envoyât directement dans une fonderie pour l'y faire fondre et dans ce cas il pouvait devenir vraiment n'importe quoi d'autre.
Quel que fût son sort, il ferait ses adieux au vieux gardien de nuit et à sa femme. Il les considérait comme sa propre famille. Il était devenu réverbère en même temps que l'homme était devenu veilleur de nuit. La femme, à l'époque, avait un comportement altier et ne s'occupait du réverbère que le soir, quand elle passait par là, mais jamais dans la journée. Au cours des dernières années, depuis qu'ils avaient vieilli tous les trois, le veilleur, sa femme et le réverbère, la femme du veilleur s'en occupait elle aussi, nettoyait la lampe et y versait de l'huile. C'étaient de braves gens, l'un comme l'autre.
Ainsi le réverbère était dans la rue pour son dernier soir et demain il irait à la mairie. Ces deux sombres pensées le hantaient et vous vous imaginez sans doute comment il brûlait. Mais d'autres idées encore lui passaient par la tête. Il ne lui viendrait jamais à l'esprit d'en parler à haute voix, car c'était un réverbère bien élevé qui ne voulait blesser personne. Mais que de souvenirs ! Par moments, sa flamme montait brusquement, comme si le réverbère avait soudainement senti : Oui, il y a quelqu'un qui se souvient de moi. Par exemple ce beau garçon autrefois ... Oh, oui, bien des années ont passé depuis ! Il était venu vers moi avec une lettre sur papier rose pâle, si fin et à bordure dorée, et si joliment écrite ; c'était une écriture de femme. Il lut la lettre deux fois puis l'embrassa. Ensuite, il leva la tête, me regarda et ses yeux disaient : " Je suis le plus heureux des hommes ! " Oui, lui et moi, nous étions les seuls à savoir ce que la première lettre de sa bien-aimée contenait ... Je me rappelle aussi d'une autre paire d'yeux ; c'est curieux comme mes pensées sautent d'un sujet à l'autre. Un magnifique cortège funèbre passa dans la rue. Dans le cercueil gisait, sur la voiture couverte de soie, une jeune et jolie femme. Que de fleurs, de couronnes et de torches brûlantes ! J'en fus presque soufflé. Sur le trottoir il y avait plein de gens qui suivaient lentement le cortège. Lorsque les torches furent hors de vue, je regardai autour de moi, un homme se tenait encore là et pleurait. Jamais je n'oublierai la tristesse de ces yeux qui me regardaient ! "
Des pensées diverses venaient ainsi au vieux réverbère qui éclairait la rue ce soir pour la dernière fois. Le factionnaire que l'on relève connaît la personne qui va le remplacer et peut même échanger quelques paroles avec elle. Le réverbère ne savait pas qui allait le remplacer et pourtant, il était à même de donner à son remplaçant quelques bons conseils, sur la pluie et la rouille par exemple ou sur la lune qui éclaire le trottoir ou encore sur la direction du vent.
Trois candidats s'étaient présentés sur le bord de la rigole, croyant que c'était le réverbère lui-même qui attribuait l'emploi. Le premier était une tête de hareng. Comme elle luisait dans l'obscurité elle pensait que si c'était elle qui montait sur le poteau, cela ferait économiser de l'huile. Le deuxième était un morceau de bois pourri, qui brillait lui aussi, et certainement bien mieux que n'importe quelle morue salée, comme il le fit entendre. D'autre part, il était le dernier morceau d'un arbre qui avait été autrefois la gloire de la forêt. Le troisième était un ver luisant. Le réverbère ne savait pas d'où il était venu, mais il était là, et même si bien là, qu'il luisait. Mais la tête de hareng et le bois pourri jurèrent qu'il ne luisait que de temps en temps et que dès lors il ne pouvait être pris en considération. Le vieux réverbère dit qu'aucun d'eux n'éclairait assez pour être réverbère. Evidemment, ils ne voulurent pas l'admettre, et lorsqu'ils apprirent que le réverbère lui-même ne pouvait attribuer sa fonction à personne, ils se réjouirent et dirent qu'ils en étaient très heureux puisque de toute façon le réverbère était vraiment bien trop sénile et donc incapable de choisir son remplaçant.
A ce moment, le vent arriva du coin de la rue, il passa au travers de la mitre du vieux réverbère et lui dit :
- Comment, j'apprends que tu vas partir demain ? Je te vois donc ici ce soir pour la dernière fois ? Il faut absolument que je te fasse un cadeau ! Je vais souffler de l'air en toi et tu te rappelleras ensuite nettement ce que tu auras vu et entendu ; tu auras la tête si claire que tu entendras tout ce que l'on dira ou lira.
- C'est formidable, marmonna le vieux réverbère, merci beaucoup. Pourvu seulement que je ne sois pas fondu !
- Tu ne le seras pas encore, le rassura le vent. Je te rafraîchirai maintenant la mémoire, et si on t'offre plusieurs petits cadeaux de ce genre, tu auras une vieillesse plutôt gaie.
- Pourvu que je ne sois pas fondu, répéta le réverbère. Est-ce que dans ce cas là aussi, je me rappellerai tout ?
- Vieux réverbère, sois raisonnable, souffla le vent.
La lune apparut à cet instant.
- Et vous, que donnez-vous ? demanda le vent.
- Je ne donnerai rien, répondit la lune. Je suis sur le déclin. Les réverbères n'ont jamais lui pour moi, c'est toujours moi qui ai lui pour eux.
La lune se cacha derrière les nuages, elle ne voulait pas être ennuyée. Une goutte d'eau tomba alors directement sur la mitre du réverbère. On aurait pu penser qu'elle venait du toit, mais la goutte expliqua qu'elle était un cadeau envoyé par les nuages gris, et un cadeau peut-être meilleur que tous les autres.
- Je pénétrerai en toi et tu auras la faculté, une nuit, quand tu le souhaiteras, de rouiller, de t'effondrer et de devenir poussière.
Mais le réverbère trouva que c'était un bien mauvais cadeau et le vent fut du même avis :
- N'aurais-tu rien de mieux à proposer? Souffla-t-il de toutes ses forces.
A cet instant, ils virent une étoile filante suivie d'une longue et fine traînée.
- Qu'est-ce que c'était ? s'écria la tête de hareng. N'était-ce pas une étoile ? Je pense qu'elle est entrée directement dans le réverbère ! Si cet emploi est convoité par de si importants personnages, il n'y a pas de place pour moi.
Là-dessus, elle s'en alla et les autres aussi. Le vieux réverbère brilla soudain avec une force étonnante :
- Quel beau cadeau ! Moi, pauvre vieux réverbère, remarqué par ces étoiles étincelantes qui m'avaient toujours tellement ravi et qui brillent avec tant d'éclat. Moi-même je n'ai jamais réussi à briller si fort malgré tous mes efforts, et j'aurais pourtant tant voulu ! Elles m'ont envoyé une des leurs avec un cadeau, et désormais tout ce que je me rappellerai et tout ce que moi-même verrai nettement, pourra être vu également par tous ceux que j'aime. Et c'est cela le vrai bonheur, car si je n'ai personne avec qui la partager, ma joie n'est pas complète.
- C'est en effet une idée très estimable, dit le vent. Mais tu n'as pas l'air de savoir que pour cela il te faudrait une bougie de cire. Si aucune bougie n'est allumée en toi, personne n'y verra rien. Et cela, les petites étoiles n'y ont pas songé. Elles pensent sans doute que tout ce qui brille a au moins une bougie à l'intérieur. Mais je suis fatigué, déclara le vent. Je vais me coucher.
Le jour suivant ... bah ! le jour suivant ne nous intéresse pas. Le soir suivant donc, le réverbère était sur un fauteuil et où ? ... Chez le vieux veilleur de nuit. Il avait réussi à garder le réverbère en récompense de ses longs et loyaux services. Les trente-six hommes s'étaient moqué de lui, mais ils le lui avaient donné, puisqu'il le désirait tant. A présent, le réverbère était couché sur le fauteuil près du poêle chaud. Il prenait presque tout le fauteuil, comme si la chaleur l'avait fait grandir. Les vieux époux étaient à table en train de dîner et, émus, jetaient de temps en temps un regard sur le vieux réverbère ; ils auraient voulu qu'il vienne s'installer à table avec eux. Ils habitaient, il est vrai, en sous-sol, à deux aunes sous terre et pour accéder au logement il fallait passer par une entrée pavée ; mais il y faisait bien bon car la porte était calfeutrée avec des bouts de tissu. Tout y était propre et rangé, le lit était couvert d'un baldaquin, de petits rideaux décoraient les fenêtres et, derrière eux, il y avait deux pots de fleurs étranges. Christian, le marin, les avait apportés des Indes orientales ou occidentales, ils ne savaient plus exactement. C'étaient deux éléphants en terre, et on mettait la terre dans leurs dos ouverts. Dans l'un d'eux poussait une très belle ciboulette - il servait de potager aux petits vieux - dans l'autre fleurissait un grand géranium -c'était leur jardin. Au mur était accrochée une image coloriée, c'était " le Congrès de Vienne ", de sorte qu'ils avaient dans leur chambre toute la cour royale et impériale ! Une pendule à lourds poids de plomb faisait " tic-tac ". Elle était toujours en avance, mais après tout cela valait mieux que si elle retardait, disaient les vieux. Le réverbère avait l'impression que le monde entier était à l'envers. Mais lorsque le vieux veilleur de nuit le regarda et se mit à raconter tout ce qu'ils avaient vécu ensemble, par la pluie et la rouille, dans les nuits d'été courtes et claires ou dans les tempêtes de neige et comme il faisait bon de rentrer dans le petit logement du sous-sol, tout se remit en place pour le vieux réverbère. Il eut l'impression de sentir à nouveau le vent ; oui, comme si le vent l'avait rallumé.
Les petits vieux étaient si travailleurs, si assidus, qu'ils ne passaient pas une seule petite heure à somnoler. Le dimanche après-midi, ils sortaient un livre, un récit de voyage de préférence, et le veilleur de nuit lisait à haute voix les pages sur les forêts vierges et les éléphants sauvages qui courent à travers l'Afrique, et la vieille femme écoutait avec beaucoup d'attention, jetant des coups d'œil sur leurs éléphants en terre qui servaient de pots de fleurs.
- C'est presque comme si j'y étais, disait-elle.
Et le réverbère souhaitait ardemment qu'il y eût une bougie de cire à portée de main et que quelqu'un songe à l'allumer et à la placer en lui, afin que la vieille femme puisse voir exactement tout comme le réverbère le voyait, les grands arbres aux branches enlacées les unes aux autres, les hommes à cheval, noirs et nus, et des troupeaux entiers d'éléphants écrasant les joncs et les broussailles.
- A quoi bon tous mes talents sans la moindre petite bougie de cire, soupirait le réverbère. Ils n'ont ici que de l'huile et une chandelle, cela ne suffit pas !
Un jour pourtant, un petit tas de restes de bougies apparut dans le petit appartement du sous-sol. Les plus grands bouts servaient à éclairer, les petits étaient utilisés par la vieille femme pour cirer son fil à coudre. La bougie de cire existait donc bel et bien, mais personne n'eut l'idée d'en mettre ne serait-ce qu'un petit bout dans le réverbère.
- Et voilà ! Je suis ici avec mes talents rares, se lamenta doucement le réverbère, j'ai tant de choses en moi et je ne peux pas les partager avec eux. Je peux transformer leurs murs blancs en superbes tentures, en forêts profondes, en tout ce qu'ils pourraient souhaiter... Et ils l'ignorent !
Le réverbère, propre et bien astiqué, était dans un coin où il se faisait toujours remarquer. Les gens disaient, il est vrai, que ce n'était qu'une vieillerie à mettre au rancart, mais les vieux aimaient leur réverbère et laissaient les gens parler.
Un jour, le jour d'anniversaire du vieil homme, la vieille femme s'approcha du réverbère, sourit doucement et dit :
- Aujourd'hui je l'allumerai.
Le réverbère grinça de son couvercle car il se dit : Enfin, la lumière leur vient !
Mais la veille femme ne lui donna pas de bougie, elle y versa de l'huile. Le réverbère brilla toute la soirée, mais il savait maintenant que le cadeau des étoiles, le plus magnifique de tous les cadeaux ne serait pour lui, dans cette vie-là, qu'un trésor perdu. Et soudain il rêva que les petits vieux étaient morts et qu'on l'amenait dans une fonderie pour y être fondu. Bien qu'il eût la faculté de s'effondrer en rouille et en poussière quand il le voudrait, il ne le fit pas. Il arriva dans la fonderie et fut transformé en bougeoir en fer, le plus beau de tous les bougeoirs pour bougies de cire. Il avait la forme d'un ange portant un bouquet dans ses mains, et on plaçait la bougie de cire au milieu du bouquet. Il avait sa place sur un bureau vert, dans une chambre bien agréable. Il y avait de nombreux livres et de beaux tableaux sur les murs. C'était la chambre d'un poète, et tout ce qu'il imaginait et écrivait apparaissait tout autour. La chambre se transformait en forêt sombre et profonde ou en pré ensoleillé traversé gravement par une cigogne ou en pont d'un navire sur une mer agitée.
- Que j'ai de talents ! s'étonna le vieux réverbère en se réveillant. J'aurais presque envie d'être fondu ! Mais non, cela ne doit pas arriver tant que les petits vieux sont de ce monde. Ils m'aiment tel que je suis. C'est comme si j'étais leur enfant, ils m'ont astiqué, m'ont donné de l'huile et j'ai ici une place aussi honorable que le Congrès de Vienne, et il n'y a pas plus noble que lui.
Et depuis ce temps, il était plus serein. Le vieux réverbère l'avait bien mérité.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 31 Mars 2013 à 15:36:07
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Le Soleil Raconte

Maintenant, c'est moi qui raconte ! dit le vent.
- Non, si vous permettez, protesta la pluie, c'est mon tour à présent ! Cela fait des heures que vous êtes posté au coin de la rue en train de souffler de votre mieux.
- Quelle ingratitude ! soupira le vent. En votre honneur, je retourne les parapluies, j'en casse même plusieurs et vous me brusquez ainsi !
- C'est moi qui raconte, dit le rayon de soleil. Il s'exprima si fougueusement et en même temps avec tant de noblesse que le vent se coucha et cessa de mugir et de grogner ; la pluie le secoua en rouspétant : «Est-ce que nous devons nous laisser faire ! Il nous suit tout le temps. Nous n'allons tout de même pas l'écouter. Cela n'en vaut pas la peine. » Mais le rayon de soleil raconta :
Un cygne volait au-dessus de la mer immense et chacune de ses plumes brillait comme de l'or. Une plume tomba sur un grand navire marchand qui voguait toutes voiles dehors. La plume se posa sur les cheveux bouclés d'un jeune homme qui surveillait la marchandise ; on l'appelait « supecargo ». La plume de l'oiseau de la fortune toucha son front, se transforma dans sa main en plume à écrire, et le jeune homme devint bientôt un commerçant riche qui pouvait se permettre d'acheter des éperons d'or et échanger un tonneau d'or contre un blason de noblesse. Je le sais parce que je l'éclairais, ajouta le rayon de soleil.
Le cygne survola un pré vert. Un petit berger de sept ans venait juste de se coucher à l'ombre d'un vieil arbre. Le cygne embrassa une des feuilles de l'arbre, laquelle se détacha et tomba dans la paume de la main du garçon. Et la feuille se multiplia en trois, dix feuilles, puis en tout un livre. Ce livre apprit au garçon les miracles de la nature, sa langue maternelle, la foi et le savoir. Le soir, il reposait sa tête sur lui pour ne pas oublier ce qu'il y avait lu, et le livre l'amena jusqu'aux bancs de l'école et à la table du grand savoir. J'ai lu son nom parmi les noms des savants, affirma le soleil. Le cygne descendit dans la forêt calme et se reposa sur les lacs sombres et silencieux, parmi les nénuphars et les pommiers sauvages qui les bordent, là où nichent les coucous et les pigeons sauvages.
Une pauvre femme ramassait des ramilles dans la forêt et comme elle les ramenait à la maison sur son dos en tenant son petit enfant dans ses bras, elle aperçut un cygne d'or, le cygne de la fortune, s'élever des roseaux près de la rive. Mais qu'est-ce qui brillait là ? Un ouf d'or. La femme le pressa contre sa poitrine et l'œuf resta chaud, il y avait sans doute de la vie à l'intérieur; oui, on sentait des coups légers. La femme les perçut mais pensa qu'il s'agissait des battements de son propre cœur. A la maison, dans sa misérable et unique pièce, elle posa l'œuf sur la table. « Tic, tac » entendit-on à l'intérieur. Lorsque l'œuf se fendilla, la tête d'un petit cygne comme emplumé d'or pur en sortit. Il avait quatre anneaux autour du cou et comme la pauvre femme avait quatre fils, trois à la maison et le quatrième qui était avec elle dans la forêt, elle comprit que ces anneaux étaient destinés à ses enfants. A cet instant le petit oiseau d'or s'envola.
La femme embrassa les anneaux, puis chaque enfant embrassa le sien ; elle appliqua chaque anneau contre son cœur et le leur mit au doigt.
Un des garçons prit une motte de terre dans sa main et la fit tourner entre ses doigts jusqu'à ce qu'il en sortît la statue de Jason portant la toison d'or.
Le deuxième garçon courut sur le pré où s'épanouissaient des fleurs de toutes les couleurs. Il en cueillit une pleine poignée et les pressa très fort. Puis il trempa son anneau dans le jus. Il sentit un fourmillement dans ses pensées et dans sa main. Un an et un jour après, dans la grande ville, on parlait d'un grand peintre.
Le troisième des garçons mit l'anneau dans sa bouche où elle résonna et fit retentir un écho du fond du cœur. Des sentiments et des pensées s'élevèrent en sons, comme des cygnes qui volent, puis plongèrent comme des cygnes dans la mer profonde, la mer profonde de la pensée. Le garçon devint le maître des sons et chaque pays au monde peut dire à présent : oui, il m'appartient.
Le quatrième, le plus petit, était le souffre-douleur de la famille. Les gens se moquaient de lui, disaient qu'il avait la pépie et qu'à la maison on devrait lui donner du beurre et du poivre comme aux poulets malades ; il y avait tant de poison dans leurs paroles. Mais moi, je lui ai donné un baiser qui valait dix baisers humains. Le garçon devint un poète, la vie lui donna des coups et des baisers, mais il avait l'anneau du bonheur du cygne de la fortune. Ses pensées s'élevaient librement comme des papillons dorés, symboles de l'immortalité.
- Quel long récit ! bougonna le vent.
- Et si ennuyeux ! ajouta la pluie. Soufflez sur moi pour que je m'en remette. Et le vent souffla et le rayon de soleil raconta :
- Le cygne de la fortune vola au-dessus d'un golfe profond où des pêcheurs avaient tendu leurs filets. Le plus pauvre d'entre eux songeait à se marier, et aussi se maria-t-il bientôt.
Le cygne lui apporta un morceau d'ambre. L'ambre a une force attractive et il attira dans sa maison la force du cœur humain. Tous dans la maison vécurent heureux dans de modestes conditions. Leur vie fut éclairée par le soleil.
- Cela suffit maintenant, dit le vent. Le soleil raconte depuis bien longtemps. Je me suis ennuyé !
Et nous, qui avons écouté le récit du rayon de soleil, que dirons-nous ? Nous dirons : «Le rayon de soleil a fini de raconter».

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 31 Mars 2013 à 16:31:59
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LES FEMMES CYGNES DE LA MER

A Rinn-Culuisge (Roaringwater Bay), à l'ouest du comté de Cork, la mer pénètre profondément dans les terres, comme un fleuve, et les garçons qui demeurent dans le voisinage ont l'habitude de se réunir pour jouer, sur le bord, pendant les beaux jours.

Un jour, un garçon d'environ quatorze ans était seul sur le rivage et regardait sans crainte sur la mer ou il y avait des lueurs vertes produites par l'éclat du soleil, et pas un souffle de vent dans l'air.
Il s'était assis souvent avant ce jour au bas du flot qui battait maintenant contre les pierres au-dessous de lui, mais il pensa qu'il n'avait jamais vu l'eau plus belle et plus séduisante, et il se dit à lui-même que s'il avait un bateau, il aimerait à aller faire une promenade ; mais il n'y avait pas de bateau en vue.

Après avoir regardé quelque temps à l'entour, il aperçut une planche de bois tout prêt de lui, et en même temps il vit trois cygnes nager à la surface du golfe et venir vers lui.
Ils tournèrent deci delà, mais au bout de peu de temps ils arrivèrent devant lui.
Le garçon fut pris d'une grande joie en voyant la forme des oiseaux.
Il rassembla toutes les miettes de pain qu'il avait dans sa poche et les leur donna à manger. Il pensa qu'ils n'étaient pas sauvages ; ils semblaient si doux et si familiers! Ils s'avancèrent tout près de lui, mais chaque fois qu'il essayait de les prendre, il ne réussissait pas à les toucher. Ils n'étaient pas depuis longtemps auprès de lui qu'ils semblèrent devenir encore plus beaux et plus brillants, et son désir de les prendre s'accrut.
Pour satisfaire son désir, il prit la planche de bois, s'assit dessus et suivit les cygnes. Il dirigea la planche à sa volonté en plongeant rapidement les mains dans l'eau, comme on fait d'ordinaire avec les rames. Les cygnes continuèrent à aller devant lui, mais il ne pût les atteindre. En peu de temps, il se trouva au milieu de la mer.

Il était fatigué et il s'arrêta de ramer ; alors il changea de couleur, de crainte de ne pouvoir regagner la terre.
Mais les oiseaux s'approchèrent et se rassemblèrent autour de lui comme s'ils cherchaient à le remettre de son trouble, et ils firent en sorte qu'il oublia le danger ou il était. Plein d'affection pour eux, il étendit rapidement la main pour prendre le plus beau de la bande, mais il porta trop lourdement sur le bord de la planche, il manqua son coup et il tomba dans les vagues de la mer.

Quand il s'éveilla du saisissement qu'il avait éprouvé, il était étendu sur un lit de plumes, dans le château le plus beau qu'eût jamais vu oeil humain et trois dames se tenaient au pied de son lit.
L'une d'entre elles prit la main du jeune garçon et lui demanda aimablement comment il se faisait qu'il fût là.
- Je n'en sais rien, dit le jeune garçon, et il leur raconta le ma!heur qui lui était arrivé en route.
- Consens-tu a rester auprès de nous, enfin? dit la plus jeune, nous te souhaitons la bienvenue. Mais si tu restes ici pendant trois jours, tu ne pourras jamais plus demeurer dans ton pays, car le vent et le soleil te gêneraient.

Il était si charmé dans son coeur par la beauté du lieu qu'il promit de ne pas se séparer d'elles. Elles le conduisirent de chambre en chambre dans la maison ; chaque chambre l'emportait sur l'autre en beauté et en richesse ; elles étaient pleines de monceaux d'or et de riches soieries.
Il avait souvent lu des descriptions du Paradis et il se demanda à lui-même si c'était là l'endroit qu'on appelait de ce nom.
II resta avec un grand plaisir dans son nouveau pays pendant cinq ans, mais au bout de ce temps il fut pris du désir de retourner voir ses parents et les gens de sa famille. Il craignait qu'il ne lui fût pas possible de le faire, et son coeur se remplit de tristesse et de trouble sans que les dames en eussent connaissance.

Un jour qu'il était couché au pied d'un arbre et que des larmes coulaient sur ses joues, une vieille sans dents vint à lui et lui dit:
- Si tu me promets de m'épouser, je te conduirai chez toi demain.
- Je ne t'épouserai pas, dit-il, quand même tu aurais la moitie des richesses du monde.
Elle ne l'eut pas plus tôt entendu dire ces mots qu'elle bondit hors de sa vue. En même temps, les trois dames, qui étaient à l'ombre d'une tour près de lui à écouter sa conversation, 1'abordèrent: elles le remercièrent de la réponse qu'il avait donnée à la vieille femme, et lui dirent qu'en récompense, elles le feraient remonter chez lui.

Au moment ou le soleil se leva, le jour d'après, en s'éveillant, il se trouva assis sur un monticule, au bord de la mer, à peu de distance de la maison de son père.
Lorsqu'il regarda devant lui, il vit les trois cygnes qui nageaient dans le même bas-fond ou ils étaient cinq ans auparavant. Ils lui faisaient signe de la tête, comme s'ils lui disaient :
— Adieu, ami de notre cœur.
Ce faisant, ils plongèrent sous l'eau et ils partirent sans qu'on sût ce qu'ils étaient devenus.
II se rendit chez lui, et il raconta l'histoire qui est rapportée ici.

Comme son père et sa mère n'avaient pas d'autre enfant que lui, on peut s'imaginer comme ils furent joyeux de son retour, qu'ils n'espéraient pas. Les gens qui entendirent son histoire s'émerveillèrent mais ne le crurent pas, bien que ce fût la pure vérité.
Au bout de peu de temps, il fut pris du désir d'aller au beau pays qu'il avait quitté pour revoir l'endroit ou il avait demeuré, et ses amies, mais il ne savait comment accomplir son projet. Son père et sa mère se désolèrent qu'il voulut les quitter, eux qui n'avaient que lui, mais il ne voulut pas suivre leur conseil.

II alla au bord du golfe et se mit à pleurer, mais ce fut en vain, car il n'avait ni connaissance, ni information, ni secret sur l'endroit ou étaient allés les cygnes. On ne put le forcer à s'éloigner de là et à n'y pas retourner, jusqu'à ce qu'il mourut a cette place même.

Texte de Douglas Hyde puis traduit du Gaelique en Français par Georges Dottin
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 01 Avril 2013 à 14:30:38
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L'ondine de l'étang

Il y avait une fois un meunier qui vivait heureusement avec sa femme. Ils avaient de l'argent et du bien, et leur prospérité croissait d'année en année. Mais le malheur, dit le proverbe, vient pendant la nuit; leur fortune diminua d'année en année, comme elle s'était accrue, et à la fin le meunier eut à peine le droit d'appeler sa propriété le moulin qu'il occupait. Il était fort affligé, et, quand il se couchait le soir après son travail, il ne goûtait plus de repos, mais s'agitait tout soucieux dans son lit. Un matin, il se leva avant l'aube du jour et sortit pour prendre l'air, imaginant qu'il se sentirait le cœur soulagé. Comme il passait près de l'écluse de son moulin, le premier rayon du soleil commençait à poindre, et il entendit un peu de bruit dans l'étang. Il se retourna, et aperçut une belle femme qui s'élevait lentement du milieu de l'eau. Ses longs cheveux, qu'elle avait ramenés de ses mains délicates sur ses épaules, descendaient des deux côtés et couvraient son corps d'une éclatante blancheur. Il vit bien que c'était l'ondine de l'étang, et, tout effrayé, il ne savait s'il devait rester ou s'enfuir. Mais l'ondine fit entendre sa douce voix, l'appela par son nom et lui demanda pourquoi il était si triste. Le meunier resta muet d'abord; mais, l'entendant parler si gracieusement, il prit courage et lui raconta qu'il avait jadis vécu dans le bonheur et la richesse, mais qu'il était maintenant si pauvre qu'il ne savait plus que faire.
« Sois tranquille, répondit l'ondine, je te rendrai plus riche et plus heureux que tu ne l'as jamais été; seulement il faut que tu me promettes de me donner ce qui vient de naître dans ta maison.
— C'est quelque jeune chien ou un jeune chat sans doute, » se dit tout bas le meunier. Et il lui promit ce qu'elle demandait.
L'ondine se replongea dans l'eau, et il retourna bien vite, consolé et tout joyeux, à son moulin. Il n'y était pas arrivé encore, que la servante sortit de la maison et lui cria qu'il n'avait qu'à se réjouir, que sa femme venait de lui donner un garçon. Le meunier demeura comme frappé du tonnerre : il vit bien que la malicieuse ondine avait su ce qui se passait et l'avait trompé. La tête basse, il s'approcha du lit de sa femme, et, quand elle lui demanda : « Pourquoi ne te réjouis-tu pas de la venue de notre beau garçon? » Il lui raconta ce qui lui était arrivé et la promesse qu'il avait faite à l'ondine. « A quoi me sert la prospérité et la richesse, ajouta-t-il, si je dois perdre mon enfant? » Mais que faire? Les parents eux-mêmes, qui étaient accourus pour le féliciter, n'y voyaient nul remède.
Cependant le bonheur rentra dans la maison du meunier. Ce qu'il entreprenait réussissait toujours; il semblait que les caisses et les coffres se remplissaient tout seuls, et que l'argent se multipliait dans l'armoire pendant la nuit. Au bout de peu de temps, il se trouva plus riche que jamais. Mais il ne pouvait pas s'en réjouir tranquillement : la promesse qu'il avait faite à l'ondine lui déchirait le cœur. Chaque fois qu'il passait près de l'étang il craignait de la voir monter à la surface et lui rappeler sa dette. Il ne laissait pas l'enfant s'avancer près de l'eau. « Prends garde, lui disait-il ; si tu y touches jamais, il en sortira une main qui te saisira et t'entraînera au fond. » Cependant comme les années s'écoulaient l'une après l'autre et que l'ondine ne reparaissait pus, le meunier commença à se tranquilliser.
L'enfant avait grandi, était devenu jeune homme, et on le plaça à l'école d'un chasseur. Quand il eut pris ses leçons et fut devenu lui-même un chasseur habile, le seigneur du village le fit entrer à son service. Il y avait dans le village une belle et honnête jeune fille qui plut au chasseur, et quand son maître s'en fut aperçu, il lui fit présent d'une petite maison : ils célébrèrent leurs noces et vécurent heureux et tranquilles, s'aimant de tout leur cœur.
Un jour, le chasseur poursuivait un chevreuil. L'animal ayant débouché de la forêt dans la plaine, il le suivit, et d'un coup de feu retendit enfin par terre. Il ne remarqua point qu'il se trouvait tout près du dangereux étang, et, quand il eut vidé l'animal, il vint laver dans l'eau ses mains toutes tachées de sang. Mais à peine les avait-il plongées que l'ondine sortit du fond, l'enlaça en souriant dans ses bras humides et l'entraîna si vite que le flot se referma sur lui en jaillissant.
Quand le soir fut venu et que le chasseur ne rentra pas chez lui, sa femme entra dans une grande inquiétude. Elle sortit pour le chercher, et, comme il lui avait souvent raconté qu'il était obligé de se tenir en garde contre les embûches de l'ondine de l'étang et qu'il n'osait se hasarder dans le voisinage de l'eau, elle eut le soupçon de ce qui était arrivé. Elle courut à l'étang, et, quand elle vit près du bord sa gibecière, elle ne put plus douter de son malheur. Se lamentant et se tordant les mains, elle appela son bien-aimé par son nom, mais inutilement; elle courut de l'autre côté de la rive, l'appela de nouveau, adressa à l'ondine les plus violentes injures, mais on ne lui fit aucune réponse. Le miroir de l'eau restait tranquille, et la face à demi pleine de la lune la regardait sans faire un mouvement.
La pauvre femme ne quittait point l'étang. D'un pas précipité, sans prendre de repos, elle en faisait et en refaisait le tour, tantôt en silence, tantôt en poussant de grands cris, tantôt en murmurant à voix basse. Enfin ses forces furent épuisées, elle s'affaissa sur la terre et tomba dans un profond sommeil. Bientôt elle eut un rêve.
Elle montait tout inquiète entre deux grandes masses de roches; les épines et les ronces piquaient ses pieds, la pluie battait son visage et le vent agitait ses longs cheveux. Quand elle eut atteint le sommet de la montagne, un aspect tout différent s'offrit à elle. Le ciel était bleu, l'air tiède, la terre s'abaissait par une pente douce, et au milieu d'une prairie verdoyante et tout émaillée de fleurs était une jolie cabane. Elle s'en approcha et ouvrit la porte; au dedans était assise une vieille en cheveux blancs qui lui fit un signe gracieux. Au même instant la pauvre femme s'éveilla. Le jour était déjà levé, et elle se décida à faire aussitôt ce que lui conseillait son rêve. Elle gravit péniblement la montagne, et elle trouva tout semblable à ce qu'elle avait vu dans la nuit.
La vieille la reçut gracieusement et lui indiqua un siège où elle l'invitait à s'asseoir. « Sans doute tu as éprouvé quelque malheur, dit-elle, puisque tu viens visiter ma cabane solitaire. »
La femme lui raconta, tout en pleurant, ce qui lui était arrivé. « Console-toi, lui dit la vieille, je viendrai à ton secours : voici un peigne d'or. Attends jusqu'à la pleine lune, puis rends-toi près de l'étang, assieds-toi sur le bord, et passe ce peigne sur tes longs cheveux noirs. Quand tu auras fini, dépose-le sur le bord, et tu verras ce qui arrivera alors. »
La femme revint, mais le temps lui dura beaucoup jusqu'à la pleine lune. Enfin le disque arrondi brilla dans le ciel, alors elle se rendit près de l'étang, s'assit et passa le peigne d'or dans ses longs cheveux noirs; et quand elle eut fini, elle s'assit au bord de l'eau. Bientôt après, le fond vint à bouillonner, une vague s'éleva, roula vers le bord et entraîna le peigne avec elle. Le peigne n'avait eu que le temps de toucher le fond, quand le miroir de l'eau se partagea : la tête du chasseur monta à la surface. Il ne parla point, mais regarda sa femme d'un œil triste. Au même instant, une seconde femme vint avec bruit et couvrit la tête du chasseur. Tout avait disparu, l'étang était tranquille comme auparavant, et la face de la lune y brillait.
La femme revint désespérée, mais un rêve lui montra la cabane de la vieille. Le matin suivant elle se mit en route et conta sa peine à la bonne fée. La vieille lui donna une flûte d'or et lui dit : « Attends jusqu'au retour de la pleine lune; puis prends cette flûte, place-toi sur le bord, joue sur l'instrument un petit air, et, quand tu auras fini, dépose-la sur le sable, tu verras ce qui se passera alors. »
La femme fit ce que lui avait dit la vieille. A peine avait-elle déposé la flûte sur le sable, que le fond de l'eau vint à bouillonner; une vague s'éleva, s'avança vers le bord et entraîna la flûte avec elle, bientôt après l'eau s'entr'ouvrit,et non-seulement la tête du chasseur, mais lui-même jusqu'à la moitié du corps monta à la surface. Plein de désir il étendit ses bras vers elle, mais une seconde vague vint avec bruit, le couvrit et l'entraîna au fond. « Ah! dit la malheureuse, que me sert de voir mon bien-aimé pour le perdre encore? »
La tristesse remplit de nouveau son cœur, mais le rêve lui indiqua une troisième fois la maison de la vieille. Elle se mit en route, et la fée lui donna un rouet d'or, la consola et lui dit : « Tout n'est pas fini encore; attends jusqu'à ce que vienne la pleine lune, puis prends le rouet, place-toi au bord, et file jusqu'à ce que tu aies rempli ton fuseau ; quand tu auras achevé, place le rouet près de l'eau, et tu verras ce qui se passera alors. »
La femme suivit ce conseil de point en point. Dès que la nouvelle lune se montra, elle porta le rouet d'or au bord de l'eau, et fila diligemment jusqu'à ce que son lin fût épuisé et que le fil eût rempli le fuseau. A peine le rouet fut-il déposé sur le bord, que le fond de l'eau bouillonna plus violemment que jamais ; une forte vague s'avança et emporta le rouet avec elle. Bientôt la tête et le corps tout entier du chasseur montèrent à la surface. Vite il s'élança sur le bord, saisit sa femme par la main et s'enfuit. Mais à peine avaient-ils fait quelques pas, que l'étang tout entier se souleva avec un horrible bouillonnement et se répandit avec une violence irrésistible dans la plaine. Déjà les deux fuyards voyaient la mort devant leurs yeux, quand la femme dans son angoisse appela la vieille à son aide, et en un instant ils furent changés, elle en crapaud, lui en grenouille. Le flot qui les avait atteints ne put les faire périr mais il les sépara et les entraîna très-loin l'un de l'autre.
Quand l'eau se fut retirée et qu'ils eurent remis le pied sur un terrain sec, ils reprirent leur forme humaine. Mais aucun des deux ne savait ce qu'était devenu l'autre; ils se trouvaient parmi des hommes étrangers, qui ne connaissaient pas leur pays. De hautes montagnes et de profondes vallées les séparaient. Pour gagner leur vie, tous deux furent obligés de garder les moutons. Pendant plusieurs années ils conduisirent leurs troupeaux à travers les bois et les champs, accablés de tristesse et de regret.
Une fois, comme le printemps venait de refleurir, tous deux sortirent le même jour avec leurs troupeaux, et le hasard voulut qu'ils marchassent à la rencontre l'un de l'autre. Sur la pente d'une montagne éloignée, le mari aperçut un troupeau et dirigea ses moutons de ce côté. Ils arrivèrent ensemble dans la vallée, mais ne se reconnurent point ; pourtant ils se réjouissaient de n'être plus seuls. Depuis ce temps-là ils faisaient paître chaque jour leurs troupeaux l'un près de l'autre : ils ne se parlaient pas, mais ils se sentaient consolés. Un soir, comme la pleine lune brillait au ciel et que les moutons reposaient déjà, le berger tira sa flûte de son sac et en joua un air gracieux, mais triste. Quand il eut fini, il remarqua que la bergère pleurait amèrement. « Pourquoi pleures-tu? lui demanda-t-il.
— Ah! répondit-elle, c'est ainsi que brillait la pleine lune lorsque je jouai pour la dernière fois cet air sur la flûte, et que la tête de mon bien-aimé parut à la surface de l'eau. »
Il la regarda et ce fut comme si un voile était tombé de ses yeux; il reconnut sa femme bien aimée; et en la regardant, comme la lune brillait sur son visage, elle le reconnut à son tour.Ils se jetèrent dans les bras l'un de l'autre, s'embrassèrent, et s'ils furent heureux, qu'on ne le demande point.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Avril 2013 à 14:13:19
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L'Etoile et le Bouleau

Je vais vous raconter l'histoire de deux enfants qui traversèrent la vie, n'ayant qu'un but dans la vie. C'était il y a environ cent cinquante ans. Une grande famine régnait en Finlande. La guerre étendait ses ravages partout. Les villes étaient incendiées, les moissons détruites. Beaucoup de malheureux émigraient.
Des membres d'une même famille furent partout dispersés ; les uns furent emmenés prisonniers par l'ennemi, les autres se cachèrent dans les forêts ou gagnèrent la Suède. Souvent la femme ignorait le sort de son mari, le frère celui de sa soeur, le père celui de ces enfants. Aussi, la paix une fois conclue, lorsque chacun rejoignit son foyer, il était rare qu'on n'eût pas à pleurer l'absence ou la mort d'un des siens.
Parmi ceux qui avaient été emmenés dans un autre pays, se trouvaient deux jeunes enfants, le frère et la soeur. Ils furent recueillis par de braves gens qui prirent d'eux le plus grand soin.
Les années passèrent. Les enfants grandirent entourés d'affection ; mais, malgré leur vie heureuse, ils ne pouvaient oublier ni leurs parents, ni leur patrie.
Lorsque les enfants apprirent que la paix était rétablie en Finlande, et que ceux qui le désiraient pouvaient y rentrer, leur éloignement leur devint si insupportable, qu'ils demandèrent la permission de retourner chez eux.
Leurs amis se mirent à rire en disant :
"Rentrer chez vous ! Enfants, vous n'y pensez pas ! Vous auriez plus de cent lieues à marcher !
- Cela ne fait rien ! répondirent les enfants, pourvu que nous arrivions à la maison.
- Mais n'avez-vous pas trouvé un bon foyer chez nous ? Vous avez tout en abondance, des fruits et du laitage exquis, une jolie demeure et des amis qui vous chérissent ! Que voulez-vous de plus ?
- C'est vrai, répondirent les enfants, mais nous voulons retourner chez nous.
- Dans votre patrie vous trouverez une grande misère ; les forêts de sapins seront votre abri, la mousse vous servira de lit ; le froid et la neige seront votre lot, un pain grossier sera votre nourriture. Depuis longtemps vos parents et vous amis sont morts, et quand vous les chercherez, vous ne trouverez que la trace des loups qui rôdent autour des ruines de vos chaumières.
- C'est vrai, dirent les enfants, mais nous voulons retourner chez nous.
- Mais il y a dix ans que vous êtes arrivés ici. Vous étiez tout petits ; vous n'aviez que quatre et cinq ans et vous ne pouviez vous souvenir de grand'chose. Maintenant, vous avez quatorze et quinze ans, mais vous connaissez peu la vie : vous avez oublié la maison paternelle et le chemin qui y mène. Vous avez oublié vos parents et ils vous ont oubliés.
- Oui, dirent les enfants, mais nous voulons retourner chez nous.
- Qui vous indiquera le chemin ?
- Je me souviens qu'il y a devant notre maison un grand bouleau où les oiseaux chantent à l'aurore.
- Et moi, dit la soeur, je me souviens que, le soir, une étoile luit à travers le feuillage du bouleau."
On leur défendit de penser davantage à leur départ. Mais plus on leur défendait, plus les enfants y pensaient.
Une nuit, le jeune garçon, qui ne pouvait fermer les yeux, dit à sa soeur :
"Dors-tu ?
- Non, répondit-elle, je ne puis dormir, car je pense à la maison.
- Moi aussi, dit son frère. Faisons un paquet de nos vêtements, et partons.
Et tous deux partirent sans bruit.
La lune brillait sur les sentiers. La nuit était splendide. Quand ils eurent marché un moment, la jeune fille dit :
"Mon frère, j'ai peur que nous nous égarions !"
Le jeune homme répondit :
"Allons toujours du côté de l'ouest, là où le soleil se couche tous les soirs pendant l'été. Notre pays est de ce côté. Quand nous verrons le bouleau devant la maison et l'étoile qui brille dans le feuillage, nous saurons que nous avons retrouvé notre foyer."
Le jeune garçon s'arma d'un solide bâton, pour le cas où ils seraient attaqués.
Cependant il ne leur arriva aucun mal.
Un jour, ils de trouvèrent à un carrefour et ils ne surent quelle route prendre.
Tout à coup, deux petits oiseaux se mirent à chanter sur la route de gauche.
"C'est par ici, dit le jeune garçon ; ce sont les oiseaux qui le disent."
Ils poursuivirent leur route, guidés par les oiseaux qui voletaient devant eux de branche en branche. Ils se nourrissaient de baies sauvages ; s'abreuvaient aux sources fraîches et reposaient la nuit sur un lit de mousse ; chose merveilleuse, ni les fruits, ni le refuge pour la nuit ne leur manquèrent jamais.
A la fin, la soeur se sentit lasse et dit :
"Ne crois-tu pas que nous devrions nous mettre à la recherche du bouleau ?
- Non, dit le frère, pas avant d'entendre parler la langue que parlaient notre père et notre mère."
Un soir, après avoir marché sans interruption toute la journée, ils furent très las. Au crépuscule, ils atteignirent une ferme isolée. Dans la cour, une petite fille était occupée à éplucher des navets.
"Voudrais-tu nous donner un de tes navets ? demandèrent les enfants.
- Bien volontiers, répondit la petite. Mais, entrez chez nous, maman y est, elle vous donnera à manger."
A ces mots, le jeune garçon battit des mains et se jeta au cou de la petite fille en l'embrassant et en pleurant de joie.
"Pourquoi es-tu si content ? lui demanda sa soeur.
- Comment ne le serais-je pas ? Cet enfant parle la même langue que parlaient nos parents : maintenant, nous pouvons nous mettre à la recherche du bouleau et de l'étoile."
Ils entrèrent dans la maison où ils furent bien reçus. On leur demanda d'où ils venaient. Le jeune garçon prit la parole.
"Nous venons de très loin, et nous voulons retrouver notre foyer. Mais nous ne savons qu'une chose, c'est que, devant notre maison, il y a un bouleau où les oiseaux chantent à l'aurore et où une étoile brille le soir, à travers le feuillage.
- Pauvres enfants ! fut la réponse. Il y a sur la terre des centaines de bouleaux et au ciel des milliers d'étoiles ! Comment vous serait-il possible de ne pas vous tromper !"
Les deux enfants répondirent :
"Dieu nous aidera !
Les enfants remercièrent alors ceux qui les avaient reçus et reprirent leur chemin. Cependant, à partir de ce moment, ils n'eurent plus besoin de dormir dans les bois et purent demander l'hospitalité de maison en maison ; quoique le pays fût dévasté et la misère générale, ils trouvèrent toujours du pain et un gîte, car chacun avait compassion d'eux. Mais l'étoile et le bouleau restaient introuvables. Il y avait bien des bouleaux et des étoiles devant les maisons, mais ce n'étaient jamais ceux qu'ils cherchaient.
"Ah ! soupirait la soeur, la Finlande est si grande et nous sommes si petits ! Jamais nous ne retrouverons la maison !"
Il y avait deux ans qu'ils étaient en route. C'était le soir de la Pentecôte, à la fin mai, et les arbres commençaient à se couvrir de leur première verdure. En entrant dans la cour d'une ferme où ils espéraient se reposer, ils virent un grand bouleau orné de sa parure printanière, et à travers son feuillage d'un vert tendre, brillait dans la nuit naissante l'étoile du soir. Le crépuscule était si clair qu'on ne distinguait que cette seule étoile dans tout le firmament.
"Voilà notre bouleau ! s'écria le jeune garçon, sans hésiter.
- Voilà notre étoile !" s'écria sa soeur, en même temps.
Ils se jetèrent dans les bras l'un de l'autre en répandant des larmes de joie.
"Voici l'écurie où notre père mettait ses chevaux ! dit le frère.
- Voici le puits où notre mère venait abreuver le troupeau, dit la soeur.
- Il y a deux petites croix au pied du bouleau, dit le frère. Qu'est-ce que cela peut signifier ?
- J'ai peur d'entrer dans la maison, dit la soeur. S'ils ne nous reconnaissaient pas ! Entre le premier, mon frère..
- Restons un moment derrière la porte !" dit le jeune garçon, dont le coeur battait à grands coups.
Un homme et une femme étaient assis dans une chaumière. Ils n'étaient très âgés ni l'un ni l'autre, mais les soucis et la misère avaient prématurément ridé leurs fronts.
"Pour nous, disait l'homme, il n'y a plus de consolation ; nos quatre enfants sont partis, deux dorment sous le bouleau, deux ont été emmenés en pays ennemi. Ceux-ci ne reviendront sans doute jamais."
Ils parlaient encore, lorsque les enfants entrèrent. Ils dirent qu'ils venaient de loin et qu'ils avaient faim.
"Approchez-vous, dit le père ; vous passerez la nuit avec nous et vous aurez à manger. Si nos enfants avaient vécu, ils seraient aussi grands que vous.
- Quels gentils enfants ! dit la femme. Les nôtres seraient aussi gentils qu'eux, s'ils avaient vécu !"
Et le père et la mère se mirent à pleurer. Alors les enfants, n'y tenant plus, se jetèrent au cou de leurs parents.
"Ne nous reconnaissez-vous pas ? s'écrièrent-ils ! Nous sommes vos enfants !"
Les parents, débordants de reconnaissance, pressèrent leurs enfants sur leur coeur. Ils se racontèrent tout ce qui leur était arrivé. Mais tout était oublié, la joie inondaient leurs coeurs.
Le père se réjouissait de retrouver son fils grand et fort. La mère caressait les cheveux noirs de sa fille et couvrait de baisers ses joues fraîches.
"Je pensais bien, dit-elle, qu'il arriverait quelque chose d'heureux aujourd'hui. Deux oiseaux inconnus sont venus ce matin chanter de joyeuses chansons dans notre bouleau.
- Je les connais, dit la petite ; ce sont les deux oiseaux qui nous ont conduits jusqu'ici, et ils se réjouissent avec nous.
- Ma soeur, dit le jeune garçon, allons saluer encore ce l'étoile et le bouleau. C'est là que reposent nos petits frères. Je le comprends maintenant.
"Ces oiseaux qui nous ont guidés dans notre voyage, les oiseaux qui ont chanté dans le bouleau, ce sont leurs petites âmes blanches. Ce sonte eux qui nous ont répété : "Retournez à la maison, retournez à la maison, pour consoler "notre père et notre mère". Ce sont eux qui, dans les plaines désertes, ont pris soin d'apaiser notre faim et nous ont protégés pendant  notre sommeil. Ils ont aplani toutes les difficultés devant nous, jusqu'à ce qu'ils nous aient dit :
"Voici votre bouleau et voici votre étoile."

Légende finlandais de Zacharias Topélius.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Avril 2013 à 16:31:00
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Le dernier Rêve du Chêne.

Au sommet de la falaise haute et ardue, en avant de la forêt qui arrivait jusqu'aux bords de la mer, s'élevait un chêne antique et séculaire. Il avait justement atteint trois cent soixante-cinq ans ; on ne l'aurait jamais cru en voyant son apparence robuste.
Souvent, par les beaux jours d'été, les éphémères venaient s'ébattre et tourbillonner gaiement autour de sa couronne ; une fois, une de ces petites créatures, après avoir voltigé longuement au milieu d'une joyeuse ronde, vint se reposer sur une des belles feuilles du chêne.
- Pauvre mignonne ! dit l'arbre, ta vie entière ne dure qu'un jour. Que c'est peu ! Comme c'est triste !
- Triste ! répondit le gentil insecte, que signifie donc ce mot que j'entends parfois prononcer ? Le soleil reluit si merveilleusement ! l'air est si bon, si doux ! je me sens tout transporté de bonheur.
- Oui, mais dans quelques heures, ce sera fini ; tu seras trépassé.
- Trépassé ? s'écria l'éphémère. Qu'est-ce encore que ce mot ? Toi, es-tu aussi trépassé ?
- Non, j'ai déjà vécu bien des milliers de jours ; nos journées ce sont, à dire vrai, des saisons entières. Mais comment te faire comprendre cela ? C'est une telle longueur de temps que cela doit dépasser tout ce que tu peux imaginer.
- En effet, je ne me figure pas bien, reprit l'insecte, ce que cela peut durer, mille jours. N'est-ce pas ce qu'on appelle l'éternité ? En tout cas, si tu vis si longtemps, mon existence compte déjà mille moments où j'ai été joyeux et heureux. Et, quand tu mourras, est-ce que tout ce bel univers périra en même temps ?
- Non certes, répliqua le chêne, il durera bien plus longtemps que moi ; à mon tour, je ne puis me le figurer.
- Eh bien ! alors nous en sommes au même point, sauf que nous calculons d'une façon différente.
Et l'éphémère reprit sa danse folle et s'élança dans les airs, s'amusant de l'éclat de ses ailes transparentes qui brillaient comme le plus beau satin ; il respirait à pleins poumons l'air embaumé par les senteurs de l'églantier, des chèvrefeuilles, du sureau, de la menthe et par l'odeur du foin coupé ; et l'insecte se sentait comme enivré, à force de respirer ces parfum. La journée continua à être splendide ; l'éphémère se reposa encore plusieurs fois pour recommencer à tournoyer en ronde avec ses compagnons. Le soleil commença à baisser et l'insecte se sentit un peu fatigué de toute cette gaieté ; ses ailes faiblissaient, et tout lentement il glissa le long du chêne jusque sur le doux gazon. Il vint à choir sur la feuille d'une pâquerette, et souleva encore une fois sa petite tête pour embrasser d'un regard la campagne riante et la mer bleue. Puis ses yeux se fermèrent ; un doux sommeil s'empara de lui : c'était la mort.
Le lendemain, le chêne vit renaître d'autres éphémères ; il s'entretint avec eux aussi et il les vit de même danser, folâtrer joyeusement et s'endormir paisiblement en pleine félicité. Ce spectacle se répéta souvent ; mais l'arbre ne le comprenait pas bien ; il avait cependant le temps de réfléchir : car si, chez nous autres hommes, nos pensées sont interrompues tous les jours par le sommeil, le chêne, lui, ne dort qu'en hiver ; pendant les autres saisons, il veille sans cesse. Le temps approchait où il allait se reposer ; l'automne était à sa fin. Déjà les taupes commençaient leur sabbat. Les autres arbres étaient déjà dépouillés, et le chêne aussi perdait tous les jours de ses feuilles.
« Dors, dors, chantaient les vents autour de lui. Nous allons te bercer gentiment, puis te secouer si fort que tes branches en craqueront d'aise. Dors bien, dors. C'est ta trois cent soixante-cinquième nuit. En réalité, comparé à nous, tu n'es qu'un enfant au berceau. Dors, dors bien ! Les nuages vont semer de la neige ; ce sera une belle et chaude couverture pour tes racines.
Et le chêne perdit toutes ses feuilles, et, en effet, il s'endormit pour tout le long hiver ; et il eut bien des rêves, où sa vie passée lui revint en souvenir.
Il se rappela comment il était sorti d'un gland ; comment, étant encore un tout mince arbuste, il avait failli être dévoré par une chèvre. Puis il avait grandi à merveille ; plusieurs fois, les gardes de la forêt l'avaient admiré et avaient pensé à le faire abattre pour en tirer des mâts, des poutres, des planches solides. Il était cependant arrivé à son quatrième siècle, et aujourd'hui personne ne songeait plus à le faire couper ; il était devenu l'ornement de la forêt ; sa superbe couronne dépassait tous les autres arbres; et, de loin on l'apercevait de la mer et il servait de point de repère aux marins. Au printemps, dans ses hautes branches, les ramiers bâtissaient leur nid; le coucou y était à demeure et faisait, de là, résonner au loin son cri monotone. L'automne, quand les feuilles de chêne, toutes jaunies, ressemblent à des plaques de cuivre, les oiseaux voyageurs s'assemblaient de toutes parts sur ce géant de la forêt et s'y reposaient une dernière fois avant d'entreprendre le grand voyage d'outre- mer.
Maintenant donc, l'hiver était venu ; après avoir longtemps résisté aux aquilons, les feuilles du chêne étaient presque toutes tombées ; les corbeaux, les corneilles venaient se percher sur ses branches et taillaient des bavettes sur la dureté des temps, sur la famine prochaine qui s'annonçait pour eux.
Survint la veille du saint jour de Noël, et ce fut alors que le vieux chêne rêva le plus beau rêve de sa vie. Il avait le sentiment de la fête qui se préparait partout sur la terre, là où il y a des chrétiens ; il sentait les vibrations des cloches qui sonnaient de toutes parts. Mais il se croyait en été, par une splendide journée. Et voici ce qui lui apparut :
Sa haute et vaste couronne était fraîche et verte; les rayons de soleil y jouaient à travers les branches et le feuillage, et projetaient des reflets dorés. L'air était embaumé de senteurs vivifiantes; des papillons aux milles couleurs voltigeaient de toutes parts et jouaient à cache-cache, puis à qui volerait le plus haut. Des myriades d'éphémères donnaient une sarabande.
Voilà qu'un brillant cortège s'avance : c'étaient les personnages que le vieux chêne avait vus tour à tour passer devant lui pendant la longue suite d'années qu'il avait vécues. En tête marchait une cavalcade, des pages, des chevaliers aux armures étincelantes, qui revenaient de la croisade, des châtelains vêtus de brocart sur des palefrois caparaçonnés, et tenant sur la main des faucons encapuchonnés; le cor de chasse retentit, la meute aboyait, le cerf fuyait. Puis arriva une troupe de reîtres et de lansquenets, aux vêtements bouffants et bariolés, armés de hallebardes et d'arquebuses; ils dressèrent leur tente sous le vieux chêne, allumèrent le feu et, au milieu d'une orgie, ils entonnèrent des chants de guerre et des refrains bachiques.
Toute cette bande bruyante disparut, et l'on vit s'avancer en silence un jeune couple; ils avaient des cheveux poudrés et la dame était couverte de rubans aux couleurs tendres; et le monsieur tailla dans l'écorce du chêne les initiales de leurs deux noms; et ils écoutèrent avec ravissement les sons doux et étranges de la harpe éolienne qui était suspendue dans les branches de l'arbre.
Et, tout à coup, le chêne éprouva comme si un nouveau et puissant courant de vie partant des extrémités de ses racines le traversait de part en part, montant jusqu'à sa cime, jusqu'au bout de ses plus hautes feuilles.
Il lui semblait qu'il grandissait comme autrefois, que, du sein de la terre, il puisait une nouvelle vigueur; et, en effet, son tronc s'élançait, sa couronne s'étendait en dôme, et montait toujours plus haut vers le ciel; et plus le chêne s'élevait, plus il éprouvait de bonheur, et il ne désirait que monter encore au-delà, jusqu'au soleil, dont les rayons brillants le pénétraient d'une chaleur bienfaisante. Et sa couronne était déjà parvenue au-dessus des nuages qui, comme une troupe de grands cygnes blancs, flottaient sous le bleu firmament.
C'était en plein jour, et cependant les étoiles devinrent visibles ; elles luisaient de leur plus bel éclat ; elles rappelaient au vieux chêne les yeux brillants des joyeux enfants qui souvent étaient venus s'ébattre autour de lui.
Au spectacle de cette immensité, on était transporté de la félicité la plus pure. Mais le vieux chêne sentait qu'il lui manquait quelque chose; il éprouvait l'ardent désir de voir les autres arbres de la forêt, les plantes, les fleurs et jusqu'aux moindres broussailles enlevées comme lui et mises en présence de toutes ces splendeurs. Oui, pour qu'il fût entièrement heureux, il les lui fallait voir tous autour de lui, grands et petits, prenant part à sa félicité.
Et ce sentiment agitait, faisait vibrer ses branches, ses moindres feuilles ; sa couronne s'inclina vers la terre, comme s'il avait voulu adresser un signal aux muguets et aux violettes cachés sous la mousse, aussi bien qu'aux autres chênes, ses compagnons.
Il lui sembla apercevoir tout à coup un grand mouvement ; les cimes de la forêt se soulevaient, les arbres se mirent à pousser, à grandir jusqu'à percer les nues. Les ronces, les plantes, pour s'élever plus vite, quittaient terre avec leurs racines et accouraient au vol. Les plus vite arrivés, ce furent les bouleaux; leurs troncs droits et blancs traversaient les airs comme des flèches, presque comme des éclairs. Et l'on vit arriver les joncs, les genêts, les fougères, et aussi les oiseaux qui, émerveillés du voyage, chantaient à tue-tête leurs plus beaux airs de fête. Les sauterelles juchées sur les brins d'herbes jouaient leur petite musique, accompagnées par les grillons, le susurrement des abeilles et le faux bourdon des hannetons. Tout ce joyeux concert faisait une délicieuse harmonie.
- Mais, dit le chêne, où est donc restée la petite fleur bleue qui borde le ruisseau, et la clochette, et la pâquerette ?
- Nous y sommes tous, tous ! disaient en chœur les fleurettes, les arbres, les plantes, les habitants de la forêt.
Le vieux chêne jubilait.
- Oui, tous, grands et petits, disait-il, pas un ne manque. Nous nageons dans un océan de délices ! Quel miracle !
Et il se sentit de nouveau grandir; soudainement ses racines se détachèrent de terre. « C'est ce qu'il y a de mieux, pensa-t-il ; me voilà dégagé de tous liens ; je puis m'élancer vers la lumière éternelle et m'y précipiter avec tous les êtres chéris qui m'entourent, grands et petits, tous !
- Tous ! dit l'écho. Ce fut la fin du rêve du vieux chêne. Une tempête terrible soufflait sur mer et sur terre. Des vagues énormes assaillaient la falaise, enlevant des quartiers de roche; les vents hurlaient et secouaient le vieux chêne; sa vigueur éprouvée luttait contre la tourmente, mais un dernier coup de vent l'ébranla et l'enleva de terre avec sa racine; il tomba, au moment où il rêvait qu'il s'élançait vers l'immensité des cieux. Il gisait là; il avait péri après ses trois cent soixante-cinq ans, comme l'éphémère après sa journée d'existence.
Le matin, lorsque le soleil vint éclairer le saint jour de Noël, l'ouragan s'était apaisé. De toutes les églises retentissait le son des cloches; même dans la plus humble cabane régnait l'allégresse. La mer s'était calmée; à bord d'un grand navire qui, toute la nuit, avait lutté, tous les mâts étaient décorés, tous les pavillons hissés pour célébrer la grande fête.
- Tiens, dit un matelot, l'arbre de la falaise, le grand chêne, qui nous servait de point de repère pour reconnaître la côte, a disparu. Hier encore, je l'ai aperçu de loin; c'est la tempête qui l'a abattu.
- Que d'années il faudra pour qu'il soit remplacé, dit un autre matelot. Et encore, il n'y aura peut-être aucun autre arbre assez fort pour grandir, comme lui.
Ce fut l'oraison funèbre prononcée sur la fin du vieux chêne, qui était étendu sur la nappe de neige qui lui servait de linceul; elle était toute à son honneur et bien méritée, ce qui est si rare.
A bord du navire, les marins entonnèrent les psaumes et les cantiques de Noël, qui célèbrent la délivrance des hommes par le Fils de Dieu, qui leur a ouvert la voie de la vie éternelle: « La promesse est accomplie, chantaient-ils. Le Sauveur est né. Oh! joie sans pareille ! Alléluia ! alléluia ! »
Et ils sentaient leurs cœurs élevés vers le ciel et transportés, tout comme le vieux chêne, dans son dernier rêve, s'était senti entraîné vers la lumière éternelle.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Avril 2013 à 16:41:45
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La Plume et l'Encrier

Que de choses dans un encrier ! disait quelqu'un qui se trouvait chez un poète ; que de belles choses ! Quelle sera la première œuvre qui en sortira ? Un admirable ouvrage sans doute.
- C'est tout simplement admirable, répondit aussitôt la voix de l'encrier ; tout ce qu'il y a de plus admirable ! répéta-t-il, en prenant à témoin la plume et les autres objets placés sur le bureau. Que de choses en moi ... on a quelque peine à le concevoir ... Il est vrai que je l'ignore moi-même et que je serais fort embarrassé de dire ce qui en sort quand une plume vient de s'y plonger. Une seule de mes gouttes suffit pour une demi-page : que ne contient pas celle-ci ! C'est de moi que naissent toutes les œuvres du maître de céans. C'est dans moi qu'il puise ces considérations subtiles, ces héros aimables, ces paysages séduisants qui emplissent tant de livres. Je n'y comprends rien, et la nature me laisse absolument indifférent ; mais qu'importe : tout cela n'en a pas moins sa source en moi, et cela me suffit.
- Vous avez parfaitement raison de vous en contenter, répliqua la plume ; cela prouve que vous ne réfléchissez pas, car si vous aviez le don de la réflexion, vous comprendriez que votre rôle est tout différent de ce que vous le croyez. Vous fournissez la matière qui me sert à rendre visible ce qui vit en moi ; vous ne contenez que de l'encre, l'ami, pas autre chose. C'est moi, la plume, qui écris ; il n'est pas un homme qui le conteste et, cependant, beaucoup parmi les hommes s'entendent à la poésie autant qu'un vieil encrier.
- Vous avez le verbe bien haut pour une personne d'aussi peu d'expérience ; car, vous ne datez guère que d'une semaine, ma mie, et vous voici déjà dans un lamentable état. Vous imagineriez-vous par hasard que mes œuvres sont les vôtres ? Oh ! la belle histoire ! Plumes d'oie ou plumes d'acier, vous êtes toutes les mêmes et ne valez pas mieux les unes que les autres. A vous le soin machinal de reporter sur le papier ce que je renferme quand l'homme vient me consulter. Que m'empruntera-t-il la prochaine fois ? Je serais curieux de le savoir.
- Pataud ! conclut la plume.
Cependant, le poète était dans une vive surexcitation d'esprit lorsqu'il rentra, le soir. Il avait assisté à un concert et subi le charme irrésistible d'un incomparable violoniste. Sous le jeu inspiré de l'artiste, l'instrument s'était animé et avait exhalé son âme en débordantes harmonies.
Le poète avait cru entendre chanter son propre cœur, chanter avec une voix divine comme en ont parfois des femmes. On eût dit que tout vibrait dans ce violon, les cordes, la chanterelle, la caisse, pour arriver à une plus grande intensité d'expression. Bien que le jeu du virtuose fût d'une science extrême, l'exécution semblait n'être qu'un enfantillage : à peine voyait-on parfois l'archet effleurer les cordes ; c'était à donner à chacun l'envie d'en faire autant avec un violon qui paraissait chanter de lui-même, un archet qui semblait aller tout seul. L'artiste était oublié, lui, qui pourtant les faisait ce qu'ils étaient, en faisant passer en eux une parcelle de son génie. Mais le poète se souvenait et s'asseyant à sa table, il prit sa plume pour écrire ce que lui dictaient ses impressions.
« Combien ce serait folie à l'archet et au violon de s'enorgueillir de leurs mérites ! Et cependant nous l'avons cette folie, nous autres poètes, artistes, inventeurs ou savants. Nous chantons nos louanges, nous sommes fiers de nos œuvres, et nous oublions que nous sommes des instruments dont joue le Créateur. Honneur à lui seul ! Nous n'avons rien dont nous puissions nous enorgueillir.»
Sur ce thème, le poète développa une parabole, qu'il intitula l'Ouvrier et les instruments.
- A bon entendeur, salut ! mon cher, dit la plume à l'encrier, après le départ du maître. Vous avez bien compris ce que j'ai écrit et ce qu'il vient de relire tout haut ?
- Naturellement, puisque c'est chez moi que vous êtes venue le chercher, la belle. Je vous conseille de faire votre profit de la leçon, car vous ne péchez pas, d'ordinaire, par excès de modestie. Mais vous n'avez pas même senti qu'on s'amusait à vos dépens !
- Vieille cruche ! répliqua la plume.
- Vieux balai ! riposta l'encrier.
Et chacun d'eux resta convaincu d'avoir réduit son adversaire au silence par des raisons écrasantes. Avec une conviction semblable, on a la conscience tranquille et l'on dort bien ; aussi s'endormirent-ils tous deux du sommeil du juste.
Cependant, le poète ne dormait pas, lui ; les idées se pressaient dans sa tête comme les notes sous l'archet du violoniste, tantôt fraîches et cristallines comme les perles égrenées par les cascades, tantôt impétueuses comme les rafales de la tempête dans la forêt. Il vibrait tout entier sous la main du Maître Suprême. Honneur à lui seul !

Conte d'Andersen
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 05 Avril 2013 à 16:33:44
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Une Rose de la Tombe d'Homère

Dans tous les chants d'Orient on parle de l'amour du rossignol pour la rose. Dans les nuits silencieuses, le troubadour ailé chante sa sérénade à la fleur suave.
Non loin de Smyrne, sous les hauts platanes, là où le marchand pousse ses chameaux chargés de marchandises qui lèvent fièrement leurs longs cous et foulent maladroitement la terre sacrée, j'ai vu une haie de rosiers en fleurs. Des pigeons sauvages volaient entre les branches des hauts arbres et leurs ailes scintillaient dans les rayons de soleil comme si elles étaient nacrées.
Une rose de la haie vivante était la plus belle de toutes, et c'est à elle que le rossignol chanta sa douleur. Mais la rose se tut, pas une seule goutte de rosée en guise de larme de compassion ne glissa sur ses pétales, elle se pencha seulement sur quelques grandes pierres.
- Ci-gît le plus grand chanteur de ce monde, dit la rose. Au-dessus de sa tombe je veux répandre mon parfum, et sur sa tombe je veux étaler mes pétales quand la tempête me les arrachera. Le chanteur de l'Iliade est devenu poussière de cette terre où je suis née. Moi, rose de la tombe d'Homère, suis trop sacrée pour fleurir pour n'importe quel pauvre rossignol.
Et le rossignol chanta à en mourir.
Le chamelier arriva avec ses chameaux chargés et ses esclaves noirs. Son jeune fils trouva l'oiseau mort et enterra le petit chanteur dans la tombe du grand Homère ; et la rose frissonna dans le vent. Le soir, la rose s'épanouit comme jamais et elle rêva que c'était un beau jour ensoleillé. Puis un groupe de Francs, en pèlerinage à la tombe d'Homère, s'approcha. Il y avait parmi eux un chanteur du nord, du pays du brouillard et des aurores boréales. Il cueillit la rose, l'inséra dans son livre et l'emporta ainsi sur un autre continent, dans son pays lointain. La rose fana de chagrin et demeura aplatie dans le livre. Lorsque le chanteur revint chez lui, il ouvrit le livre et dit : Voici une rose de la tombe d'Homère.
Tel fut le rêve de la petite rose lorsqu'elle s'éveilla et tressaillit de froid. Des gouttes de rosée tombèrent de ses pétales et, lorsque le soleil se leva, elle s'épanouit comme jamais auparavant. Les journées torrides étaient là, puisqu'elle était dans son Asie natale. Soudain, des pas résonnèrent, les Francs étrangers qu'elle avait vus dans son rêve arrivaient, et parmi eux le poète du nord. Il cueillit la rose, l'embrassa et l'emporta avec lui dans son pays du brouillard et des aurores boréales.
Telle une momie la fleur morte repose désormais dans son Iliade et comme dans un rêve elle entend le poète dire lorsqu'il ouvre le livre : Voici une rose de la tombe d'Homère.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 05 Avril 2013 à 18:28:18
L'ingratitude

La famine régnait alors dans tout le pays. Un homme sort de chez lui, pour aller se promener en brousse. Il arrive au bord d'un vieux puits. Il se penche pour voir s'il y avait de l'eau, et il découvre, au fond du puits, un homme entouré d'un lion, d'un singe et d'un serpent. Il décide de les sortir de là.

Il part chercher de longues lianes. Il attache une extrémité des lianes à une grosse branche située près du puits, et il jette l'autre extrémité dans le puits. Le singe se précipite et sort le premier du puits. Il est bientôt suivi du lion, puis du serpent. Il ne reste plus que l'homme à tirer d'affaire. Les animaux sortis du puits conseillent alors notre promeneur :

« Attention, surtout ne laisse pas cet homme sortir du puits ! »

Mais notre homme réplique : « Comment çà ? Je vous ai aidés à sortir, et j'abandonnerai mon semblable au fond de ce puits ! ». Et il aide l'homme à sortir du puits. Tous remercient notre promeneur, et lui promettent qu'ils n'oublieront jamais ce qu'il a fait pour eux.

Quelques jours plus tard, la famine sévissait toujours. Notre homme décide d'aller à nouveau en brousse, en quête de fruits sauvages. Il rencontre le singe qui lui demande : « N'est-ce pas toi qui nous a aidés à sortir du puits, l'autre jour ? ». L'homme lui répondit : « C'est bien moi ! ». Alors le singe lui rappelle qu'il lui avait promis de l'aider quand l'occasion se présenterait. Puis il invite notre homme à s'asseoir. Le singe appelle alors ses congénères qui arrivent nombreux. Il leur dit :

« Cet homme m'a sauvé la vie. Allez chercher les fruits du néré, et apportez-moi tout ce que vous aurez trouvé. ». Ils partirent aussitôt. Ils apportèrent une telle quantité de gousses de néré, que notre homme n'a pas réussi à emporter le tout à la maison.

Quelques jours plus tard, notre homme sort de chez lui, pour parcourir la brousse à la recherche de nourriture. Il croise le lion qui lui demande :

« N'est-ce pas toi qui nous a aidés à sortir du puits, l'autre jour ? ». L'homme lui répond : « C'est bien moi ! ». Alors le lion se met à rugir longuement, et une foule d'animaux sauvages se rassemble. Le lion leur dit : « Écoutez bien ma parole. C'est un ordre que je vous donne. Retournez en brousse, et rapportez moi sans tarder du gibier. »

Peu de temps après, les animaux sauvages reviennent avec quantité de gibier. Et voici notre homme, tout heureux, qui retourne à la maison ployant sous le poids du gibier.

Bientôt, il entend parler de l'homme qu'il avait sauvé. Ce dernier s'était mis au service d'un homme riche et puissant. Comme la famine sévissait toujours, il se dit qu'il va aller le trouver pour lui demander son aide.

Il arrive dans le village de cet homme riche et puissant au moment où la fête battait son plein. Il croise l'homme qu'il avait sauver du puits. Mais le regard haineux de celui-ci en dit long sur ses intentions ! Cet homme connaissait bien le chef du village. Il va le trouver pour lui dire : « Prends garde à toi. Un étranger vient d'entrer dans ton village. C'est un homme mauvais. Chaque fois qu'il entre dans un village, ce n'est que malheurs et destructions pour tous les villageois. Le seul remède : Il faut l'attraper, le ligoter et l'abandonner sur une haute colline. Trois jours après il faudra l'égorger et faire une fête en l'honneur des esprits du village pour écarter le malheur. »

Le roi suit aussitôt ces conseils. Et notre homme se retrouve sur la colline qui domine le village, sous un soleil brûlant. Il ne peut pas bouger. Les cordes avec lesquelles il a été ligoté le font souffrir, et le blessent cruellement. Parfois il gémit, parfois il hurle de souffrances. Un serpent passait par là. Il entend notre homme et s'approche : « N'est-ce pas toi qui nous a aidés à sortir du puits, l'autre jour ? ». L'homme lui répondit : « C'est bien moi ! ».

Le serpent reprend : « Je vais te donner un remède, une feuille magique. A l'aide de cette feuille, tu iras ressusciter le fils du chef de village que je vais aller mordre mortellement tout de suite. Toi, pour l'instant, n'arrête pas de crier ceci : ' Chez nous, un serpent ne peut pas nous faire de mal. S'il mord l'un d'entre nous, notre médicament le protégera ou le ressuscitera. »

Et le serpent entre au village. Il n'a pas de mal à trouver le fils du chef qu'il mort à la jambe, et bientôt notre homme entend les pleurs et les cris qui montent jusqu'à lui depuis la cour du chef. Au même moment, une vielle femme passe devant lui : elle rentre de la brousse avec son fagot de bois sur la tête. Elle entend notre homme qui crie : « Chez nous, un serpent ne peut pas nous faire de mal. S'il mord l'un d'entre nous, notre médicament le protégera ou le ressuscitera ».

Quand elle a déposé son fardeau, on lui annonce la mort du fils du village, mordu par un serpent. Elle va trouver le chef et lui rapporte les cris de notre homme ligoté et abandonné sur la colline : « Chez nous, un serpent ne peut pas nous faire de mal. S'il mord l'un d'entre nous, notre médicament le protégera ou le ressuscitera. »

Le chef ordonne alors d'aller détacher notre homme, de lui donner à boire, et de le conduire auprès de son fils. Bientôt notre homme se trouve auprès de l'enfant du chef, étendu sur une natte, sans vie. Il pose la feuille que le serpent lui a donné sur la tête de l'enfant. Celui-ci commence par éternuer, puis il se relève comme s'il sortait d'un profond sommeil.

Le chef se tourne alors vers notre homme pour le remercier, et lui promet de lui offrir tout ce qu'il demandera. Celui-ci, réclame alors la cervelle de celui qui a menti sur son compte. Ce dernier se trouvait alors auprès du chef. Celui-ci ordonne aussitôt de le saisir et de le mettre à mort, pour en donner la cervelle à notre homme. Ce qui fut fait sur le champ.

Conte en boore (apparenté au bwamu) - région de Bomborokuy - Zékuy : Nord-Ouest du Burkina Faso.
     
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Avril 2013 à 13:57:51
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Les Fleurs de la Petite Ida

Les pauvres fleurs sont tout à fait mortes ! dit la petite Ida, elles étaient si belles hier soir, et maintenant toutes les feuilles pendent ! Pourquoi ? demanda-t-elle à l'étudiant assis sur le sofa.
Elle l'aimait beaucoup, l'étudiant, il savait les plus délicieuses histoires et découpait des images si amusantes : des cœurs avec des petites dames au milieu qui dansaient ; des fleurs et de grands châteaux dont on pouvait ouvrir les portes, c'était un étudiant plein d'entrain.
- Eh bien ! sais-tu ce qu'elles ont ? dit l'étudiant. Elles sont allées au bal cette nuit, c'est pourquoi elles sont fatiguées.
- Mais les fleurs ne savent pas danser ! dit la petite Ida.
- Si, quand vient la nuit et que nous autres nous dormons, elles sautent joyeusement de tous les côtés. Elles font un bal presque tous les soirs.
- Est-ce que les enfants ne peuvent pas y aller ?
- Si, dit l'étudiant. Les enfants de fleurs, les petites anthémis et les petits muguets.
- Où dansent les plus jolies fleurs ? demanda la petite Ida.
- N'es-tu pas allée souvent devant le grand château que le roi habite l'été, où il y a un parc délicieux tout plein de fleurs ? Tu as vu les cygnes qui nagent vers toi quand tu leur donnes des miettes de pain, c'est là qu'il y a un vrai bal, je t'assure!
- J'ai été dans le parc hier avec maman, dit Ida, mais toutes les feuilles étaient tombées des arbres et il n'y avait pas une seule fleur ! Où sont-elles donc ? L'été, j'en avais vu des quantités.
- Elles sont à l'intérieur du château, dit l'étudiant. Dès que le roi et les gens de la cour s'installent à la ville, les fleurs montent du parc au château et elles sont d'une gaieté folle.
- Mais, demanda Ida, est-ce que personne ne punit les fleurs parce qu'elles dansent au château du roi ?
- Personne ne s'en doute. Parfois, la nuit, le vieux gardien fait sa ronde. Il a un grand trousseau de clés. Dès que les fleurs entendent leur cliquetis, elles restent tout à fait tranquilles, cachées derrière les grands rideaux et elles passent un peu la tête seulement. "Je sens qu'il y a des fleurs ici", dit le vieux gardien, mais il ne peut les voir.
- Que c'est amusant ! dit la petite Ida en battant des mains, est-ce que je ne pourrai pas non plus les voir ?
- Si, souviens-toi lorsque tu iras là-bas de jeter un coup d'œil à travers la fenêtre, tu les verras bien. Je l'ai fait aujourd'hui, il y avait une grande jonquille jaune étendue sur le divan, elle croyait être une dame d'honneur !
- Est-ce que les fleurs du jardin botanique peuvent aussi aller là-bas ?
- Oui, bien sûr, car si elles veulent, elles peuvent voler. N'as-tu pas vu les beaux papillons rouges, jaunes et blancs, ils ont presque l'air de fleurs, ils l'ont été du reste. Ils se sont arrachés de leur tige et ont sauté très haut en l'air en battant de leurs feuilles comme si c'étaient des ailes et ils se sont envolés. Et comme ils se conduisaient fort bien, ils ont obtenu le droit de voler aussi dans la journée, de ne pas rentrer chez eux pour s'asseoir immobiles sur leur tige. Les pétales, à la fin, sont devenus de vraies ailes.
- Il se peut du reste que les fleurs du jardin botanique n'aient jamais été au château du roi, ni même qu'elles sachent combien les fêtes y sont gaies.
- Et je vais te dire quelque chose qui étonnerait bien le professeur de botanique qui habite à côté (tu le connais). Quand tu iras dans son jardin, tu raconteras à une des fleurs qu'il y a grand bal au château la nuit, elle le répétera à toutes les autres et elles s'envoleront. Si le professeur descend ensuite dans son jardin, il ne trouvera plus une fleur et il ne pourra comprendre ce qu'elles sont devenues !
- Mais comment une fleur peut-elle le dire aux autres fleurs ? Elles ne savent pas parler.
- Evidemment, dit l'étudiant, mais elles font de la pantomime ! N'as-tu pas remarqué quand le vent souffle un peu comme les fleurs inclinent la tête et agitent leurs feuilles vertes ? C'est aussi expressif que si elles parlaient.
- Est-ce que le professeur comprend la pantomime ? demanda Ida.
- Bien sûr. Un matin, comme il descendait dans son jardin, il vit une ortie qui faisait de la pantomime avec ses feuilles à un ravissant œillet rouge. Elle disait : « Tu es si joli, et je t'aime tant !» Mais le professeur n'aime pas cela du tout, il donna aussitôt une grande tape à l'ortie sur les feuilles qui sont ses doigts, mais ça l'a terriblement brûlé et depuis il n'ose plus jamais toucher à l'ortie.
- C'est amusant, dit la petite Ida en riant.
- Comment peut-on raconter de telles balivernes, dit le conseiller de chancellerie venu en visite et qui était assis sur le sofa. Il n'aimait pas du tout l'étudiant et grognait tout le temps quand il le voyait découper des images si amusantes : un homme pendu à une potence et tenant un cœur à la main, car il avait volé bien des cœurs.
Le conseiller n'appréciait pas du tout cela et il disait comme maintenant : «Comment peut-on mettre des balivernes pareilles dans la tête d'un enfant ? Quelles inventions stupides !»
Mais la petite Ida trouvait très amusant ce que l'étudiant racontait et elle y pensait beaucoup.
La tête des fleurs pendait parce qu'elles étaient fatiguées d'avoir dansé toute la nuit, elles étaient certainement malades. Elle les apporta près de ses autres jouets étalés sur une jolie table, dont le tiroir était plein de trésors. Dans le petit lit était couchée sa poupée Sophie qui dormait, mais Ida lui dit : « Il faut absolument te lever, Sophie, et te contenter du tiroir pour cette nuit ; ces pauvres fleurs sont malades, et si elles couchent dans ton lit, peut-être qu'elles guériront ! » Elle fit lever la poupée qui avait un air revêche et ne dit pas un mot, elle était fâchée de prêter son lit.
Ida coucha les fleurs dans le lit de poupée, tira la petite couverture sur elles jusqu'en haut et leur dit de rester bien sagement tranquilles, qu'elle allait leur faire du thé afin qu'elles guérissent et puissent se lever le lendemain. Elle tira les rideaux autour du petit lit pour que le soleil ne leur vînt pas dans les yeux.
Toute la soirée, elle ne put s'empêcher de penser à ce que l'étudiant lui avait raconté et quand vint l'heure d'aller elle-même au lit, elle courut d'abord derrière les rideaux des fenêtres dans l'embrasure desquelles se trouvaient, sur une planche, les ravissantes fleurs de sa mère, des jacinthes et des tulipes, et elle murmura tout bas: «Je sais bien que vous devez aller au bal ! »
Les fleurs firent semblant de ne rien entendre.
La petite Ida savait pourtant ce qu'elle savait ...
Lorsqu'elle fut dans son lit, elle resta longtemps à penser. Comme ce serait plaisant de voir danser ces jolies fleurs là-bas, dans le château du roi.
- Est-ce que vraiment mes fleurs y sont allées ?
Là-dessus, elle s'endormit.
Elle se réveilla au milieu de la nuit ; elle avait rêvé de fleurs et de l'étudiant que le conseiller grondait et accusait de lui mettre des idées stupides et folles dans la tête.
Le silence était complet dans la chambre d'Ida, la veilleuse brûlait sur la table, son père et sa mère dormaient.
«Mes fleurs sont-elles encore couchées dans le lit de Sophie ? se dit-elle. Elle se souleva un peu et jeta un coup d'œil vers la porte entrebâillée. Elle tendit l'oreille et il lui sembla entendre que l'on jouait du piano dans la pièce à côté, mais tout doucement. Jamais elle n'avait entendu une musique aussi délicate.
- Toutes les fleurs doivent danser maintenant ! dit-elle. Mon Dieu ! que je voudrais les voir ! Mais elle n'osait se lever.
«Si seulement elles voulaient entrer ici », se dit-elle.
Mais les fleurs ne venaient pas et la musique continuait à jouer, si légèrement. A la fin, elle n'y tint plus, c'était trop délicieux, elle se glissa hors de son petit lit et alla tout doucement jusqu'à la porte jeter un coup d'œil.
Il n'y avait pas du tout de veilleuse dans cette pièce, mais il y faisait tout à fait clair, la lune brillait à travers la fenêtre et éclairait juste le milieu du parquet. Toutes les jacinthes et les tulipes se tenaient debout en deux rangs, il n'y en avait plus du tout dans l'embrasure de la fenêtre où ne restaient que les pots vides. Sur le parquet, les fleurs dansaient gracieusement.
Un grand lis rouge était assis au piano. Ida était sûre de l'avoir vu cet été car elle se rappelait que l'étudiant avait dit : « Oh ! comme il ressemble à Mademoiselle Line ! » et tout le monde s'était moqué de lui. Maintenant Ida trouvait que la longue fleur ressemblait vraiment à cette demoiselle, et elle jouait tout à fait de la même façon qu'elle.
Puis elle vit un grand crocus bleu sauter juste au milieu de la table où se trouvaient les jouets. Il alla droit vers le lit des poupées et en tira les rideaux. Les fleurs malades y étaient couchées mais elles se levèrent immédiatement et firent signe aux autres en bas qu'elles aussi voulaient danser.
Ida eut l'impression que quelque chose était tombé de la table. Elle regarda de ce côté et vit que c'était la verge de la Mi-Carême qui avait sauté par terre. Ne croyait-elle pas être aussi une fleur ?
Il était très joli, après tout, ce martinet. A son sommet était une petite poupée de cire qui avait sur la tête un large chapeau.
La verge de la Mi-Carême sauta sur ses trois jambes de bois rouge, en plein milieu des fleurs. Elle se mit à taper très fort des pieds car elle dansait la mazurka, et cette danse-là, les autres fleurs ne la connaissaient pas.
Tout à coup, la poupée de cire du petit fouet de la Mi-Carême devint grande longue, elle tourbillonna autour des fleurs de papier et cria très haut : « Peut-on mettre des bêtises pareilles dans la tête d'un enfant ! Ce sont des inventions stupides ! » Et alors, elle ressemblait exactement au conseiller de la chancellerie, avec son large chapeau, elle aussi était jaune et aussi grognon. Les fleurs en papier lui donnèrent des coups sur ses maigres jambes et elle se ratatina de nouveau et redevint une petite poupée de cire.
Le fouet de la Mi-Carême continuait à danser et le conseiller était obligé de danser avec. Il n'y avait rien à faire : il se faisait grand et long et tout d'un coup redevenait la petite poupée de cire jaune au grand chapeau noir.
Les fleurs prièrent alors le martinet de s'arrêter, surtout celles qui avaient couché dans le lit de poupée, et cette danse cessa.
Mais voilà qu'on entendit des coups violents frappés à l'intérieur du tiroir où gisait Sophie, la poupée d'Ida, au milieu de tant d'autres jouets. Le casse-noix courut jusqu'au bord de la table, s'allongea de tout son long sur le ventre et réussit à tirer un petit peu le tiroir. Alors Sophie se leva et regarda autour d'elle d'un air étonné.
- Il y a donc bal ici, dit-elle. Pourquoi ne me l'a-t-on pas dit ?
- Veux-tu danser avec moi ? dit le casse-noix.
- Ah ! bien oui ! tu serais un beau danseur !
Et elle lui tourna le dos. Elle s'assit sur le tiroir et se dit que l'une des fleurs viendrait l'inviter, mais il n'en fut rien : alors elle toussa, hm, hm, hm, mais personne ne vint.
Comme aucune des fleurs n'avait l'air de voir Sophie, elle se laissa tomber du tiroir sur le parquet dans un grand bruit. Toutes les fleurs accoururent pour l'entourer et lui demander si elle ne s'était pas fait mal, et elles étaient toutes si aimables avec elle, surtout celles qui avaient couché dans son lit.
Elle ne s'était pas du tout fait mal, affirmait-elle, et les fleurs d'Ida la remercièrent pour le lit douillet. Tout le monde l'aimait et l'attirait juste au milieu du parquet, là où scintillait la lune, on dansait avec elle et toutes les fleurs faisaient cercle autour. Sophie était bien contente, elle les pria de conserver son lit.
Mais les fleurs répondirent :
- Nous te remercions mille fois, mais nous ne pouvons pas vivre si longtemps. Demain nous serons tout à fait mortes. Mais dis à la petite Ida qu'elle nous enterre dans le jardin, près de la tombe de son canari, alors nous refleurirons l'été prochain et nous serons encore plus belles.
- Non, ne mourez pas, dit Sophie en embrassant les fleurs.
Au même instant la porte de la salle s'ouvrit et une foule de jolies fleurs entrèrent en dansant. Ida ne comprenait pas d'où elles pouvaient venir, c'étaient sûrement toutes les fleurs du château du roi. En tête s'avançaient deux roses magnifiques portant de petites couronnes d'or : c'étaient un roi et une reine. Puis venaient les plus ravissantes giroflées et des œillets qui saluaient de tous côtés. Ils étaient accompagnés de musique : des coquelicots et des pivoines soufflaient dans des cosses de pois à en être cramoisies. Les campanules bleues et les petites nivéoles blanches sonnaient comme si elles avaient eu des clochettes. Venaient ensuite quantité d'autres fleurs, elles dansaient toutes ensemble, les violettes bleues et les pâquerettes rouges, les marguerites et les muguets. Et toutes s'embrassaient, c'était ravissant à voir.
A la fin, les fleurs se souhaitèrent bonne nuit, la petite Ida se glissa aussi dans son lit et elle rêva de tout ce qu'elle avait vu.
Quand elle se leva le lendemain matin, elle courut aussitôt à la table pour voir si les fleurs étaient encore là, et elle tira les rideaux du petit lit ; oui, elles y étaient mais tout à fait fanées, beaucoup plus que la veille.
Sophie était couchée dans le tiroir, elle avait l'air d'avoir très sommeil.
- Te rappelles-tu ce que tu devais me dire ? demanda Ida.
Sophie avait l'air stupide et ne répondit pas un mot.
- Tu n'es pas gentille, dit Ida et pourtant elles ont toutes dansé avec toi.
Elle prit une petite boîte en papier sur laquelle étaient dessinés de jolis oiseaux, l'ouvrit et y déposa les fleurs mortes.
- Ce sera votre cercueil, dit-elle, et quand mes cousins norvégiens viendront, ils assisteront à votre enterrement dans le jardin afin que l'été prochain vous re- poussiez encore plus belles.
Les cousins norvégiens étaient deux garçons pleins de santé s'appelant Jonas et Adolphe. Leur père leur avait fait cadeau de deux arcs, et ils les avaient apportés pour les montrer à Ida. Elle leur raconta l'histoire des pauvres fleurs qui étaient mortes et ils durent les enterrer.

Hans Christian Andersen
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Avril 2013 à 16:16:05
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L'Écureuil

Il y avait une fois, au Cazal de Chalabre, une pauvre femme qui gagnait péniblement sa vie. Elle avait un fils qui s'appelait Gros-Jean. Il était beau et paresseux. Elle l'adorait ; elle disait à tout le monde :
– Mon Gros-Jean ne sera pas comme moi, misérable. Je saurais lui trouver un métier qui fait devenir riche.
Mais tout le monde lui riait au nez. Ces gens pauvres et simples pour qui la vie n'était qu'une longue fatigue, ne pensaient qu'il fût possible à des paysans de s'évader de leur misère.
Or, un soir dans la forêt de Sainte-Colombe, notre bonne femme fit rencontre d'un sorcier qui lui dit :
– J'ai ton affaire. Je me charge d'enseigner à ton fils l'art de se changer en toutes sortes d'animaux et de reprendre chaque fois sa forme humaine après six jours. Je le garderais trois ans, et te le rendrai alors, si seulement tu peux le reconnaître. Sinon, il restera à mon service.
– Que je ne reconnaisse pas mon Gros-Jean, s'écria la bonne femme, moi qui lui ai donné la vie, qui l'ai nourri et qui ne l'a jamais quitté !
Elle le laissa sans trop de crainte et, après lui avoir fait ses adieux, retourna au Cazal, soutenue, à présent, par l'espérance que son fils connaîtrait un jour le métier qui fait devenir riche.

Quand les trois ans furent passés, elle prit le chemin de la forêt. Dans une clairière, elle vit le sorcier au milieu d'un grand nombre de vaches.
– Tu viens chercher ton fils ? dit-il. C'est une de ces vaches. Regardes-les. Tu sais mes conditions. Elles n'ont pas changées.
La pauvre femme fut perplexe. Elle fit le tour de la clairière, regarda les vaches l'une après l'autre dans les yeux, et enfin elle dit :
– Celle-là est mon fils !
– Tu as raison, dit le sorcier. J'ai perdu. Emmène-la, elle est à toi.
La bonne femme revient toute heureuse au village. Elle pensait :
– Mon Gros-Jean connaît à présent la magie. Au bout de six jours, il redeviendra un jeune homme. En attendant, j'aurai son lait. Je lui ai donné le mien quand il était petit ; maintenant, c'est lui qui va me nourrir.
En effet, il resta vache pendant six jours, puis redevint Gros-Jean comme devant, mais plus grand et plus beau.
Sa mère l'embrassa, lui fit fête, puis elle lui dit :
– Tous ces jours-ci, mon fils, j'avais ton lait en abondance et j'étais presque riche. Qu'allons-nous devenir à présent ?
– Ne te mets pas en peine, petite mère, dit Gros-Jean. Attendons l'occasion.

Cette année-là, décembre fut splendide. Le ciel était bleu, il faisait doux et tout le monde était dehors. La fille du château, la jolie Nathalie, qui venait juste d'avoir vingt ans, passa par le Cazal ; elle aperçut notre Gros-Jean, et se dit :
– Ce garçon est plus beau que tous mes prétendants ; c'est dommage qu'il ne soit qu'un paysan...
Gros-Jean, lui aussi, avait vu Nathalie et leurs regards s'étaient croisés ; mais jamais il n'aurait osé lui parler. Pensez donc : la fille du château !
Cependant, il ne dormit pas de la nuit, il n'avait qu'elle devant les yeux. Le lendemain matin, il dit à sa mère : je serai absent quelques jours, attends-moi.
Et la mère pensa : Mon Gros-Jean va chercher aventure.
Il partit vers Chalabre. En chemin, il se changea en écureuil, sauta de branche en branche et arriva dans le parc du château. Au pied de l'arbre où il était, il entendit une voix douce qui disait :
– Je voudrais aimer un jeune homme qui soit bon et beau. Tous ceux qui sont venus à moi me déplaisent. Je ne suis cependant pas difficile, et je ne suis pas fière. Ce paysan que j'ai vu hier au Cazal, me plairait : il est plus beau que les fils des seigneurs... Je voudrais aimer et être aimée...
Alors l'écureuil descendit de l'arbre et se posa devant la jeune fille. Elle tendit la main pour le caresser. L'animal se laissa faire.
– Que vous êtes joli, mon petit écureuil, disait-elle. Beaux yeux étincelants, fourrure soyeuse, queue en panache ; que vous êtes joli !
Folle de lui, elle l'emporta au château et le garda constamment auprès d'elle. Tout le jour elle jouait avec lui. Quand il lui caressait avec sa queue les lèvres ou le cou, elle éclatait de rire. Le soir, elle le prenait dans son lit et lui disait : " Bonne nuit, mon petit ami, dormez bien, jusqu'à demain matin. "

Ce beau manège avait duré six jours.
Or la sixième nuit, qui était la nuit de Noël, Nathalie, après avoir assisté à la messe de minuit, et convenablement réveillonné, monta dans sa chambre et coucha, comme les autres soirs, l'écureuil auprès d'elle. Elle vit ses paupières trembler. Elle pensa qu'il avait la fièvre, et le serra contre son cœur.
Or ce n'était pas de fièvre que l'écureuil tremblait. C'était d'inquiétude. Il savait qu'il allait redevenir Gros-Jean cette nuit même, et il se demandait s'il était décent de rester en forme de jeune homme dans le lit de cette jeune fille.
– Bonne nuit, mon petit ami, dormez bien jusqu'à demain matin. L'écureuil ferma les yeux et Nathalie s'endormit tout de suite parce qu'il était très tard.
Bientôt, elle sentit des lèvres qui baissaient les siennes. Elle crut que c'était un rêve que le petit Jésus lui envoyait, un joli rêve de Noël ; et le baiser continuait très long, très doux. Elle n'ouvrit pas les yeux, pour ne pas que le rêve s'envole. Elle se sentait embrassée, caressée, enlacée de plus en plus étroitement.
– Je dors encore, disait-elle, quand je serais tout à fait éveillée, hélas, tout cela s'en ira...
Elle finit bien par se réveiller, et elle vit qu'elle était dans les bras d'un vrai jeune homme, elle eut honte, et voulu se lever et s'enfuire... mais elle se sentit plus faible que l'autre ; et cet autre avait des yeux très beaux et des regards très doux ; à la lueur de la veilleuse rouge, elle le reconnu : c'était le grand jeune homme qu'elle avait admiré au Cazal... Ils restèrent un instant silencieux et inquiets, puis se demandèrent l'un et l'autre pardon. De quoi ? ils ne savaient pas bien, mais ils se pardonnèrent et causèrent gentiment jusqu'au matin.

Et à peine levée, Nathalie alla dire à son père :
– Si vous vouliez me donner pour mari, ce jeune homme, j'en serai très heureuse.
– Pour mari ? ma fille. Il est fort bien, sans doute, et d'agréable mine ; mais qui est-il ? d'où vient-il ? Je ne le connais pas !
– Il n'est encore que Gros-Jean du Cazal, mais il sera comte si vous voulez, puisque de fils, vous n'avez point.
Les noces eurent lieu une semaine après, juste le premier jour de l'an. Gros-Jean alla chercher sa mère, l'installa au château, et tout le monde fut heureux.
Et les paysans disaient entre eux, avec un air malin :
– La mère de Gros-Jean est une fine mouche. Elle a trouvé pour son fils, le métier qui fait devenir riche...

Conte de l'Aude
PIERRE VALMIGÈRE
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Avril 2013 à 15:30:50
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La légende de la reine épine

Il était une fois, il y a bien longtemps, un minuscule pays qui était si petit qu'il n'y avait trace de lui dans aucune carte. Ce pays, le monde fantastique, était gouverné par la reine des fées. C'était une dame magnifique, elle avait de longs cheveux blonds, de grands yeux gris et un sourire radieux. Ce pays était très prospère, on ne connaissait ni la peur, ni la faim, ni la soif, ni la misère, ni les guerres.


Ses habitants vivaient en harmonie avec les animaux et leur seule nourriture était faite de pétales de fruits ou de roses dont chaque espèce ou couleur apportait un pouvoir ou une essence naturelle indispensable à leur survie.

Les lacs d'eau, intarissables, étaient si clairs et si transparents que l'on pouvait voir les milliers de poissons couleur de feu qui y vivaient. Dans les forêts, le soleil se reflétait sur les branches en or ou en argent. Les gens ne connaissaient pas la misère car chaque fruit était enrobé d'une matière précieuse: toutes les cerises étaient recouvertes d'une enveloppe de diamant, les framboises de saphir, les poires de rubis, les pommes d'émeraudes, les pêches d'aigue-marine... une fois la précieuse enveloppe retirée, on pouvait manger le fruit juteux.


Les plumes des oiseaux étaient de soie, et la fourrure des animaux était de satin. Les robes des demoiselles étaient le plus souvent de tulles et plus rarement de soie ou de satin car il fallait attendre qu'un animal meurt de mort naturelle pour lui ôter sa fourrure ou son plumage. Les coutures ou broderies étaient de fils d'or blanc, et ornées de milliers d'éclats de cristal. les chapeaux étaient cousus fil par fil à la main, et les écharpes ou les gants n'existaient pas, car l'hiver n'existait pas.

Dans ce pays toutes les femmes étaient différentes mais toutes plus belles les unes que les autres et les hommes, tous des seigneurs, ne connaissaient pas la jalousie.


Mais ce pays était si petit que personne, sauf ses habitants, ne pouvait le trouver, les terriens en firent donc une légende. Idéalisé, le pays devint une véritable quête et une obsession pour le reste de la planète qui connaissait le froid, la peur et la misère.

Le monde, à cette époque, ne s'organisait alors qu'autour de la perspective de trouver ce beau pays. Les habitants du monde fantastique se faisaient de plus en plus de soucis à cause de cette frénésie qui touchait la planète.

La reine des fées, qui était la dernière de son espèce se tourmentait à ne savoir que faire. Si les terriens venaient à trouver le pays ils le pilleraient, tueraient toutes les bêtes, voleraient toutes les richesses, emporteraient toutes les femmes, videraient l'eau des lacs, et couperaient tous les arbres.

Leur terre ne serait plus et leur prospérité ne serait plus qu'une légende. La seule solution pour que le pays ne fusse pas envahie, était pour la reine de vivre comme le commun des mortels et de se marier avec un terrien qui serait aussi bon que les gentils hommes de son royaume. Mais la reine ne pourrait jamais tomber amoureuse, car les reines ne pouvaient pas.


Elle décida alors de quitter ses beaux atours et de s'habiller en terrienne, mais une fois le moment venu de partir elle dut laisser son cheval à l'écurie car sa robe couleur de neige et ses crins couleur de lune les trahiraient tous deux.

Elle fit donc ses adieux à son peuple, qui pour la première fois connut la douleur et la tristesse. elle prit son sac dans lequel elle avait emporté quelques sortilèges et quelques trésors et partit à pied sur le long chemin qui la mènerait hors de son royaume. Elle marcha pendant 100 jours et 100 nuits dans les forêts sombres et la neige froide que connaissait le monde extérieur. Puis elle arriva enfin à une auberge, où elle demanda une chambre pour la nuit.

Le lendemain elle partit très tôt pour la ville. Dans celle-ci où tout lui semblait plus dure, elle demanda, loua une chambre pour une année, dans un modeste logis.


Cinq mois étaient déjà passés, et déjà dans tout le pays tout le monde ne parlait que de cette merveilleuse femme qui tous les jours achetait une centaine de roses. Personne ne savait d'où elle venait, et personne n'avait vu si grande beauté. On dirait même que ses cheveux étaient d'or et que ses yeux étaient de diamants. Bientôt tous les hommes du royaume voulurent l'épouser, si bien que la reine des fées dut s'enfermer dans sa chambrette pour n'en sortir que la nuit ou dissimulée sous une cape. Elle allait chercher de l'eau fraîche et des roses pour se nourrir.


Un jour le fils du roi qui ne pouvait se marier tant il trouvait laide et sotte les demoiselles de son pays, entendit parler de la désormais légendaire beauté de la reine qu'on surnommait Epine, du fait de ses achats de roses.

Il décida de faire le plus grand et le plus beau bal que le monde n'ai jamais vu. Il envoya une carte à Epine qui lassée de cette banale vie de mortel décida d'aller au bal. pour l'occasion elle cassa l'écorce d'une cerise, et échangea l'écorce de diamant contre la plus belle robe de tous le royaume. C'était
une robe bleu couleur de ciel sur laquelle elle fit accrocher des éclats de diamants.


Elle brossa ses longs cheveux et loua un carrosse ou elle partit pour le bal. Quand elle arriva, tout le monde comprit qu'elle était la belle Epine. le roi l'aperçut et après avoir faillit s'étouffer il la désigna à son fils. Epine comprit que la fête avait été réservée en son honneur car le sol, les tables et les murs étaient recouverts de roses de toutes les couleurs, et bien qu'elle en eu l'eau à la bouche elle ne laissa rien paraître.

Quand le prince s'approcha de la fée, il eut les yeux brûlés par sa beauté. Il sut alors qu'il avait enfin trouvé la femme de sa vie. En effet, il avait entendu dire que la dame était d'une intelligence et d'une culture rare. Quant à elle, la reine qui n'avait que 20 ans, n'était pas dupe et sut qu'elle ne pouvait tomber amoureuse.


Deux mois passèrent, et le mariage d'Epine et du prince Constant fût célébré. La reine avait accomplie sa mission, et son royaume ne serait pas envahie, car désormais, le monde ne tournait qu'autour de la merveilleuse beauté de la fée. Même si son mari était très beau, gentil et très attentif à ses moindre désir, Epine souffrait de l'absence de son peuple, de ses amis, et de son magnifique cheval.

Elle savait qu'elle ne pourrait revenir chez elle qu'après avoir donné une fille aussi belle qu'elle, et qui aurait hérité de ses vertus magique. D'année en année, Epine s'attacha à son mari, ils s'entendaient merveilleusement bien et elle savait que si elle pouvait elle serait amoureuse de lui. Dix ans plus tard, la futur princesse soufflait ses cinq bougies. Mais les deux autres enfants n'étaient jamais venu au monde.


La reine, de plus en plus triste, demanda à son mari de la laisser retourner d'où elle venait pour une année avec leur fille, et elle jura qu'après elle reviendrait. Le prince accepta et la reine revint dans son pays ou elle éleva sa fille pour qu'elle puisse s'accoutumer à ses futurs taches de reine. L'année suivante elle revint avec sa fille et décida de repartir chez elle avec son mari.

Elle se dit qu'elle lui dirait toute la vérité, mais que si il ne voulait pas garder le secret elle devrait le tuer.


Epine, de son surnom, expliqua alors dans une conversation qui dura 10 jours et 10 nuits à son époux son histoire, et enfin lui demanda de venir avec elle. Il lui dit qu'il devait réfléchir, elle lui accorda une année entière pour qu'il puisse se décider. L'année suivante, la petite princesse qui se nommait Sarrinna avait 7 ans, et le temps était venu pour son père de donner sa réponse à sa femme.

Il accepta de partir avec elle. quand ils arrivèrent dans le monde fantastique, le prince pleura devant tant de beauté. 3 années plus tard la princesse prit le pouvoir et la reine des fées eu alors le droit d'aimer, car le royaume n'était plus à sa charge. Elle eut enfin droit au pur bonheur, elle aimait sa fille, son mari et tous deux l'aimaient aussi.


Quant au reste de la planète, les gens ne consacrèrent leur attention que sur la belle histoire, qui devint légende du prince et de la belle Epine qui disparurent un beau matin de printemps.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 11 Avril 2013 à 18:03:58

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COMPERE LAPIN ET LE GRAND DIABLE

(Extrait de "Contes créoles" de Marie-Thérèse Lung-Fou)
David Kurt
       
Les enfants et la femme de Lapin mouraient de faim, car celui-ci n'avait rien à leur donner pour se mettre sous la dent Il se décida à aller leur chercher un peu de liane douce, mais par manque d'attention il pénétra sur les terres du Grand Diable. Dès qu'il s'en rendit compte, ce dernier se précipita et brutalement lui demanda:

- Que faites-vous ici ?
- Je prends quelques branches pour nourrir ma famille !
-Vous ne savez donc pas que vous êtes sur mes terres ? et que je vais vous manger ?

Lapin répliqua:

- Mais Patron, un petit animal comme moi ne remplirait qu'un tout petit coin de votre estomac! Vous gagneriez davantage à me faire travailler pour votre compte.
- Ce que vous dites est fort juste, reprit le Diable... Faite-moi donc trois planches d'eau... Si à mon retour ce n'est pas fait, alors je vous mangerai et ce sera sans appel...
Et il s'en alla... Lapin réfléchissait et pensait que c'était impossible à réaliser. Il ne voyait pas comment échapper à la mort et pensait à sa femme et à ses enfants.

Il était donc là, bien abattu, quand Commère la Criquette vint à passer:

- Alors, Compère Lapin, comme vous voilà triste... Avez-vous perdu quelqu'un des vôtres?
- Oh que non, dit Lapin, j'ai que le Grand Diable exige de moi, sous peine de mort, que je lui fasse trois planches d'eau.
- Trois planches d'eau, dites-vous ?... Et vous voilà anéanti à cette pensée! Mais, mon cher, vous êtes un sot..!
- Moi, un sot ?... répliqua Lapin, comment l'entendez-vous ma commère ?...Ce n'est pas vous qui risquez d'être mangée.
- Eh compère, quand le Grand Diable viendra réclamer les planches d'eau, vous n'aurez qu'à lui dire qu'elles sont prêtes, mais qu'il vous faut pour les lui porter une torche de fumée.

Commère Criquette s'en alla, laissant Lapin bouche bée.
Quand le Grand Diable arriva pour réclamer les planches d'eau, Lapin lui fit la réponse suggérée par son amie.
Le Grand Diable fit appel à tous ses amis diables et diablotins pour lui faire de la fumée, mais personne ne put réaliser la torche de fumée. Alors, il demanda à Lapin:
- Comment peut-on faire une torche de fumée?

Lapin lui répondit:
- De la même manière qu'on peut réaliser les planches d'eau.
Le Diable resta planté à la même place, perplexe, et Lapin put s'en aller retrouver sa femme et ses enfants.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Avril 2013 à 14:25:11
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La spirituelle fille du pauvre homme

Il était une fois un homme pauvre qui pour survenir vendait du bois et de la paille. Il parvenait ainsi à obtenir un peu de pain et de fromage pour lui et sa fille unique. Un jour, alors qu'il passait sur le port, il vit le roi qui, debout sur son bateau, tenait à la main une manne remplie de pièces d'or. Il proposait des énigmes à son peuple et promettait à celui qui pourrait les résoudre l'ensemble de ce trésor. Hélas ! les questions étaient telles que personne n'y parvint. Le pauvre homme essaya, réfléchit, tourna mille fois les questions dans sa tête mais ne trouva rien. Il rentra chez lui, tout en rêvant à la manne pleine d'or. A peine entré, sa fille remarqua qu'il se passait quelque chose. Elle lui demanda :
"Père, mon bon père, mais qu'as-tu donc? Ton regard est perdu dans des songes et tu rentres plus tard qu'à l'ordinaire. Que t'est-il arrivé?"
"Ah! ma fille, répondit l'homme, je reviens du port où le roi propose des énigmes au peuple et promet à qui pourra les résoudre une manne pleine d'or. Si je pouvais résoudre ces trois énigmes, nous serions riches."
"Dis-moi ces énigmes, mon bon père. Peut-être pourrai-je les résoudre et ramener un peu de lumière dans cette maison."
"Volontiers. Voici la première : Qui embrasse le monde entier et ne rencontre personne qui lui ressemble?"
"Mais c'est le soleil, dit la jeune fille. Il embrasse le monde entier et ne rencontre personne qui lui ressemble. Quelle est la deuxième?"
"Qui est celle qui nourrit ses petits enfants et dévore les grands?"
"Mais c'est la mer. Elle dévore les grands fleuves. Et quelle est la dernière?"
"Quel est l'arbre à demi noir et à demi blanc?"
"Mais c'est l'année, mon bon père, avec ses nuits et ses jours. Va, retourne sur le port et donne ces trois réponses au roi."
L'homme courut au port, il s'agitait, levait les bras et, une fois arrivé, cria:
"Je connais les réponses, noble sire!"
Le roi incrédule écouta le pauvre homme. Lorsqu'il entendit les réponses, il regarda l'homme et dit:
"Cela ne se peut. Ton cerveau vieux et fatigué ne pouvait trouver les solutions. Qui t'a donné les réponses?"
Le vieillard se laissa tomber à genoux sur le sol et dit:
"C'est ma fille, noble sire. Elle a résolu les énigmes."
"C'est bien, dit le roi. J'aimerais voir, à présent, si ta fille est vraiment aussi spirituelle. Amène-la moi afin qu'elle tue cette pierre devant tout le peuple. Je veux qu'elle la tue de manière à ce que le sang en coule."
Sur le port, les gens s'esclaffaient. Ils attendaient la fille du pauvre homme. Leur attente ne fut pas très longue. Déjà la fille s'avançait vers le roi, son couteau à la main.
"Voici mon couteau, noble sire, je vais tuer ta pierre mais avant cela, il faut que tu lui donnes une âme, car seul ce qui est vivant saigne. Si après cela, je ne la tue pas, fais-moi couper la tête."
Le roi rit à cette réponse et dit:
"Je crois que tu es la plus intelligente de mon royaume."
Et comme en plus d'être intelligente, la fille du pauvre homme était aussi très belle, le roi ajoute :
"J'aimerais faire de toi ma reine. D'ici trois jours, tu devra être dans mon château. J'y mets cependant trois conditions : Tu dois chevaucher et ne pas chevaucher, m'apporter un cadeau et ne pas l'apporter. Nous tous, petits et grands, nous sortirons pour t'accueillir, et il te faudra amener les gens à te recevoir et pourtant à ne pas te recevoir."
La jeune fille revint chez elle et demanda à son père de l'aider à attraper quatre lièvres et deux pigeons vivants. Au troisième jour, elle mit les lièvres dans un sac, les donna à porter à son père et dit:
"Quand je te dirai de les laisser partir, fais-le!" De son côté, elle les deux pigeons, s'assit à califourchon sur une chèvre et s'en alla vers le château du roi.
Entendant qu'elle approchait, le roi et toute sa maison sortirent de la ville à sa rencontre.
Lorsque la jeune fille ne fut plus très loin et qu'elle aperçut les ministres, les hauts dignitaires et les courtisans, le peuple rassemblé, elle dit à son père de laisser s'en aller les lièvres. Aussitôt, tous se mirent à les poursuivre, afin de les rapporter. La jeune fille, assise à califourchon sur la chèvre, tantôt marchait sur ses pieds, la chèvre entre les jambes, tantôt, levait les pieds et chevauchait sur le dos de la chèvre. Elle s'avança vers le roi en tirant les deux pigeons de sa poche et les lui tendit. Au moment où il voulut s'en saisir, la fille ouvrit la main et les pigeons s'envolèrent.
"Me voici, noble sire. Les gens m'ont reçu et pas reçu. Je t'ai apporté un cadeau et pas apporté. J'ai chevauché et pas chevauché."
Le roi la souleva de la selle et dit:
"Tu seras ma reine, car une femme intelligente m'est plus précieuse qu'une femme riche et de haute naissance. Je dois encore te faire promettre une chose: je voudrais qu'à aucun moment tu ne te mêles pas des affaires d'Etat, car je tiens à gouverner seul."
La jeune fille lui promit et il vécurent un grand bonheur.
Il arriva qu'un jour, alors que de pauvres paysans gardaient des chevaux dans la prairie, le roi vint à passer. Les paysans s'étaient endormis et un cheval s'élança sur le roi en tuant son cheval, une belle jument grise. Il entra dans une immense colère et ordonna qu'on jette les paysans en prison, en attendant de leur faire couper la tête.
Un grand désespoir saisit les femmes des paysans qui ne voyaient d'autre solution que de s'adresser à la femme du roi qu'on disait bonne et sage. Elles arrivèrent près de la reine, tombèrent à genoux et la prièrent, au nom de Dieu et de leurs enfants, de les aider.
"Que puis-je faire pour vous être utile ? Le roi m'a défendu de me mêler des affaires de l'Etat. Je ne peux que vous donner un conseil. Ce soir, placez-vous avec vos enfants sur la plage. Tenez-vous sous la fenêtre tournée du côté de la mer et pleurez, gémissez toute la nuit. Il ne recevra pas son soporifique et vous pourrez lui dire :
"Le monstre marin est venu pour nous dévorer. Sauve-nous, ô noble sire. Nous prierons pour qu'une longue vie te soit accordée!"
Il vous répondra:
"Malheureuses, bien que je sois le roi, il n'est pas en mon pouvoir d'empêcher le monstre marin de tuer."
Vous lui direz alors:
"Ô noble sire, tu ne peux nous sauver du monstre marin, bien que tu sois le roi. Et tu veux faire tuer nos maris qui n'ont pas pu empêcher un cheval d'en tuer un autre."
Et le roi vous dira:
"Prenez cette clef, allez à la prison et délivrez les."
Les femmes firent comme la reine le leur avait dit, et tout se passa exactement comme elle l'avait prédit. Le lendemain matin, en se réveillant, le roi dit à sa femme:
"Tu peux me donner mon soporifique, afin que je rattrape le sommeil perdu. Lorsque je me réveillerai, je ne veux plus te voir au château. Tu a le droit d'emporter en partant ce qui t'est le plus cher et le plus précieux dans cette maison."
"Bien volontiers, mon roi!"
Elle lui présenta son verre d'eau. Il le but et s'endormit. La reine enveloppa soigneusement le roi dans une couverture, en fit un paquet et dit à son serviteur:
"Emporte ce paquet dans la maison de mon père. Prends garde, il est rempli de porcelaine. Il faut le déposer doucement afin de ne rien casser."
Elle s'en alla vers la maison de son père, et y arriva peu avant le réveil du roi. Lorsque celui-ci se réveilla dans un lit inconnu, dans une maison étrangère, il dit:
"Où suis-je? Qui m'a apporté ici?"
La reine lui répondit:
"C'est moi, noble sire. Tu m'as permis d'emporter du château ce qui m'y était le plus cher et le plus précieux. Il n'y a pour moi rien de plus précieux que toi, mon roi."
"Rentrons au château, ma mie, s'écria le roi en se levant. Il n'existe nulle part sur terre une femme plus spirituelle que toi, et je t'appartiens comme tu m'appartiens."
Il l'emmena et rejoignit le château en sa compagnie. Ils y vécurent très heureux et qui sait s'ils ne vivent encore ?
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 16 Avril 2013 à 13:24:43
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L'homme gris

On raconte que dans le royaume d'Islande, il y a bien longtemps, si longtemps que personne ne sait plus quand cela était, vivaient un roi, son épouse, la reine et leur fille unique. Le roi était très riche en argent et en biens, et aussi en bétail. A cette époque, juste derrière le château royal, vivaient dans leur petite cabane, un très vieil homme et sa très vieille femme. Le vieil homme ne possédait qu'une seule vache et c'est d'elle qu'il tirait toute sa subsistance.

Un dimanche, le pauvre vieil homme se rendit à l'église avec sa femme, comme ils le faisaient chaque semaine. Ce jour là, le pasteur parla de la charité : "Celui qui donne, disait-il, recevra au centuple." Cela fit beaucoup d'effet sur le vieil homme qui se mit à réfléchir. En chemin, il ne put s'empêcher d'en parler à sa femme :
-"Tu as entendu ce qu'a dit le pasteur ?"
-"Evidemment, j'étais à côté de toi mais je t'en prie ne prend pas ses paroles au pied de la lettre. Ce n'était qu'une image", dit sa femme qui avait la tête sur les épaules. Mais l'homme n'était pas satisfait. Il ne pouvait oublier ces paroles, et, tout le jour, il les retourna dans tous les sens dans sa tête.

Le lendemain, après avoir passé une très mauvaise nuit, il résolut de donner sa seule et unique vache. Il appela des ouvriers et leur demanda de construire une étable qui pourrait contenir cent vaches. Sa femme se fâcha et le traita de sot. C'était leur première dispute après tant d'années de mariage.
Mais malgré la querelle, le vieillard ne changea pas d'avis et se posa la question de savoir à qui il allait donner sa vache. Il pensa d'abord au roi. Il lui serait facile d'en rendre cent sur le champs. Mais finalement, il se dit que le mieux serait encore de la donner au pasteur qui voudrait faire honneur à sa parole et se montrerait par conséquent le plus charitable.

Il prit sa vache et s'en alla chez le pasteur.

Ce dernier fut très surpris de le voir arriver en compagnie de sa vache. Lorsque le vieillard lui eut raconté l'objet de sa visite, il se fâcha et se moqua même de lui en lui disant:
- "Que tu es sot. Tu n'as vraiment rien compris à mon sermon !"

Le pauvre vieux, tout penaud, s'en retourna chez lui...

Chemin faisant, une violente tempête se leva. La neige se mit à tomber en rafales. Le vent soufflait si fort que l'homme ne pouvait avancer qu'avec peine. Tout en luttant contre les éléments, il pensait au pasteur et à ses paroles. Il avait le cœur lourd et des larmes lui piquaient les yeux. Tout à coup, un homme surgit devant lui. Il portait un grand sac sur son épaule, et lui demanda:
-"Où te rends-tu ainsi, avec ta vache?"
Le vieillard s'arrêta et lui raconta toute son histoire.
-"Oh ! dit l'étranger. Il vaut mieux que tu prennes mon sac en échange de ta vache, car qui sait ce qui peut lui advenir par une pareille tempête! Et certainement, je suis certain que tu ne le regretteras pas."
Le vieux aurait bien voulu savoir d'abord ce qu'il y avait dans le sac mais l'étranger ne voulait rien dire. Le vieux était tiraillé entre l'envie de garder sa vache et celle de voir le contenu du sac. N'en pouvant plus, il prit le sac, donna sa vache, et chacun s'en alla de son côté. Le sac était vraiment très lourd. Le vieux imaginait ce qu'il pouvait contenir : de la nourriture, des vêtements, des objets en argent, des pièces d'or, des bijoux... Finalement, il opta pour la nourriture.

Arrivé chez lui, couvert de neige, il cria à sa femme :
-"Mets vite mettre une marmite d'eau sur le feu, car au lieu de la vache, je rapporte quelque chose à faire cuire..." Lorsque l'eau se mit à bouillir, le vieux ouvrit le sac et y trouva quelque chose qui remuait, quelque chose de vivant. Un homme, tout gris de la tête aux pieds, en sortit.
-"Eh! l'ami s'écria celui-ci, si tu songes à faire cuire quelque chose, je te conseille de prendre autre chose que moi!"
Le vieil homme était tellement surpris et effrayé qu'il ne savait que dire. Sa femme se mit en colère pour la seconde fois :
-"D'abord, tu donnes notre unique vache, qui nous donnait du lait, du beurre et du fromage, et voilà que tu introduis à présent un étranger dans la maison, pour que nous le nourrissions."
Sans dire un mot, l'homme gris sortit et revint peu de temps après, avec un gras agneau dans ses bras. Il le tua et le mit à rôtir. Les deux vieux prirent peur. L'agneau n'avait-il pas été volé ? Comme il ne leur restait plus rien, ils le mangèrent. Le manège dura un certain temps ainsi. Dès qu'un agneau était mangé, l'homme gris en apportait un autre, le préparait et les deux vieux vivaient l'estomac plein. Chaque matin, ils remerciaient Dieu de leur avoir envoyé l'homme gris qui était devenu leur fournisseur de nourriture.

Vous vous demandez, j'en suis certaine, d'où venaient les agneaux ? La réponse est simple : l'homme gris les volaient dans les troupeaux du roi. Il pensait que celui-ci était bien assez riche et qu'il pouvait faire un geste en faveur de ses sujets les plus pauvres.

Agneau après agneau, le troupeau diminuait et le berger préposé à leur garde lorsqu'il s'en aperçut, se rendit chez le roi et lui raconta que des agneaux disparaissaient de son troupeau. Le roi fut très étonné et très irrité.
-"Ce ne peut être qu'un étranger, dit-il. Depuis que je règne, jamais personne encore n'a volé dans mon royaume." Il fit aussitôt rechercher dans toutes les maisons si un étranger était venu. C'est de cette façon, qu'il fut informé que depuis un soir d'hiver, un homme gris avait emménagé chez les deux vieux qui habitaient juste derrière le château royal. Le roi le convoqua. Et l'homme gris vint.
Dans leur cabane, les deux vieux gémissaient et pleuraient: "Maintenant, il va certainement être tué. C'est notre faute. Nous aurions dû être attentifs et savoir d'où venaient les agneaux..."

-"M'as-tu volé des agneaux?" demanda le roi.
-"Certes, dit l'homme gris, c'est moi qui l'ai fait."
-"Pourquoi? demanda le roi. Ne sais-tu pas que c'est un délit?"
-"Je l'ai fait pour les deux vieux qui habitent juste derrière le château royal. Sire roi, tu possèdes plus de bêtes que tu ne peux manger. N'est-ce pas justice que de prendre aux riches pour donner aux pauvres ? Sans cela, les deux vieux seraient morts de faim autrement."
Le roi se mit à réfléchir :
- "N'as-tu rien appris d'autre que voler ? N'es-tu pas capable de travailler ?"
L'homme gris expliqua au roi qu'il ne volait pas comme un voleur. Il ne faisait qu'enlever un peu à celui qui en avait trop. Il aimait ce qu'il faisait et il voulait devenir un maître-voleur dans le genre.
-"Maître-voleur ce n'est pas un métier et tu seras mis à mort pour l'exemple. Où en arriverons-nous si l'un enlève ce qui appartient à l'autre au motif que l'un est plus pauvre que l'autre ?" Soudain le roi s'arrêta. Une idée lumineuse venait de lui traverser l'esprit. "Je pourrais te faire grâce si tu sais réellement voler avec art, et que tu le fasses, naturellement, avec mon autorisation."
L'homme gris dit qu'il voulait bien essayer et demanda ce qu'il lui faudrait voler.
-"Demain, dit le roi, je ferai garder mon plus beau bœuf par tous mes serviteurs. Tente de le voler pendant qu'il sera dans la forêt."
L'homme gris accepta la proposition et rentra chez les deux vieux qui étaient bien heureux de le voir de retour. Sans une explication, il demanda une corde et s'endormit jusqu'au lendemain matin.

Dès potron-minet, il se rendit dans la forêt et se suspendit par la corde à un arbre, juste à l'endroit où il savait que devaient passer les serviteurs du roi avec le bœuf. Lorsque ceux-ci virent l'homme gris suspendu tout en haut de l'arbre, ils se dirent qu'il avait dû voler d'autres gens encore, que ceux-ci l'avaient tué. Ils étaient très heureux car ils pensèrent qu'ils n'avaient plus besoin de veiller avec tant d'attention sur le bœuf...
Mais, à peine les serviteurs se furent-ils éloignés, que l'homme gris courut à un autre endroit où il savait que devaient passer les serviteurs du roi avec le bœuf. Il alla se suspendre aux branches d'un autre arbre. Cette fois, les serviteurs furent stupéfaits. "Y avait-t-il donc deux hommes gris dans le royaume, où bien était-ce de la magie? Ils décidèrent d'éclaircir le mystère. Ils attachèrent le bœuf à un arbre et s'en retournèrent vers le premier arbre voir le premier homme gris.
Pendant ce temps, l'homme gris délia le bœuf et le mena dans la cabane des deux pauvres vieux. Il tua le bœuf, lui enleva la peau, et, de son suif, fit des bougies.
Quant aux serviteurs, lorsqu'ils ne retrouvèrent plus le premier homme gris, ils retournèrent vite vers le bœuf et s'aperçurent alors que celui-ci avait disparu tout comme le second homme gris. Ils rentrèrent au château et annoncèrent au roi la perte du bœuf.
Le roi fit aussitôt appeler l'homme gris. Dans leur cabane, les deux vieux pleuraient en disant:
-"Cette fois, on le tuera sûrement, gémirent les deux pauvres gens. Nous n'aurions pas dû manger le bœuf !"

Au palais, le roi était assis sur son trône et il s'adressa en ces termes à l'homme gris:
-"Ainsi donc, tu as volé mon bœuf."
-"Oui, Sire, pour sauver ma vie."
-"Bien, bien, je te fais grâce. Mais, je vois que la tâche était beaucoup trop facile. Je voudrais que tu me donnes un second échantillon de ton art. Cette nuit, j'aimerais que tu enlèves nos draps de lit, à la reine et à moi! "
-"Oh, s'écria l'homme gris, c'est bien difficile ce que vous me demandez!"
Le roi leva les yeux au ciel et dit : "Cela te regarde! "
L'homme gris rentra chez les deux vieux qui étaient bien heureux de le voir de retour. Sans une explication, il demanda de la farine et fit cuire un pot d'épaisse bouillie. Puis, il ferma solidement le pot et s'en alla vers le château. Sans se faire voir, il s'y glissa et y resta caché.

Le soir, les portes du château furent verrouillées avec soin. La garde fut renforcée mais il y avait bien longtemps que le rusé homme gris se trouvait à l'intérieur.
Vers dix heures, le roi et la reine allèrent se coucher. Lorsqu'ils furent endormis, l'homme gris s'approcha de leur lit et versa l'épaisse bouillie sur le drap, juste entre le roi et la reine. Puis, il se cacha de nouveau. Quand la reine sentit l'humidité du drap, elle s'éveilla et s'écria:
-"Mais, mon cher ami, tu as mouillé le lit! Qu'est-ce donc?"
-"Je n'y songe guère, s'indigna le roi, c'est toi qui l'a mouillé! "
Une violente querelle s'éleva entre les souverain. Longtemps, ils se rejetèrent la faute. Mais, comme ils étaient fatigués, ils prirent les draps et les jetèrent dans un coin. A aucun moment, ils ne songèrent à l'homme gris. A peine furent-ils endormis de nouveau, que l'homme gris s'approcha et emporta les draps. Rusé comme il était, il réussit à sortir du château et rentra chez les deux vieux qui furent bien étonnés de voir les draps royaux chez eux.
Le matin lorsque le roi s'éveilla et il vit que ses draps de lit avaient disparu. Il fit aussitôt appeler l'homme gris. Dans leur cabane, les deux vieux pleuraient en disant: "C'est notre faute. Maintenant, il va certainement être tué. Un roi ne peut pardonner cela!"

Mais au château, le roi accueillit l'homme gris en souriant.
-"Tu es réellement presque un maître-voleur, dit-il. Mais je n'ai toujours pas encore éprouvé suffisamment ton art. Si tu veux vraiment devenir un maître voleur, il te faut, cette nuit, nous enlever nous-mêmes, la reine et moi, de notre lit." Evidemment, le roi savait cette tâche impossible et il ricanait en pensant que cette fois, l'homme gris serait défait.
L'homme gris rentra chez les deux vieux qui étaient bien heureux de le voir de retour. Sans une explication, il mit sur sa tête le grand chapeau usé du vieux et en remplit les trous avec les bougies tirées du suif du bœuf abattu. Ensuite, il prit un sac plein d'écrevisses et beaucoup de petites bougies.

Lorsque minuit sonna, il fixa une petite bougie sur le dos de chacune des écrevisses et les laissa courir dans le cimetière attenant à l'église. de son côté, il se mit à sonner les cloches et alluma tous les cierges de l'église. Le roi et la reine furent réveillés par le son des cloches et s'approchèrent de la fenêtre. Ils virent que de dizaines de petites lumières dansaient sur les tombes et que l'église était toute illuminée, cependant que les cloches n'arrêtaient pas de sonner. Sous le portail de l'église, ils virent une étrange silhouette et ils pensèrent qu'un ange était descendu du ciel leur apporter quelque message. Ils se précipitèrent tels qu'ils étaient, en chemise de nuit.
Arrivés devant l'église, ils tombèrent à genoux et demandèrent ce que tout cela signifiait.
-"Le dernier jour est venu, dit la figure immobile. Voyez les âmes des morts, qui se rendent au ciel pour implorer le pardon de leurs péchés."
-"Que nous faut-il faire pour l'obtenir nous aussi?" demanda le roi.
-"Il vous faut entrer dans ce sac, dit l'homme gris, afin que je vous conduise jusqu'aux portes du ciel car je suis un ange." Et il ouvrit tout grand le sac dans lequel il avait apporté les écrevisses et les bougies.
Le roi entra donc dans le sac et la reine le suivi. Aussitôt, l'homme gris referma le sac et s'écria:
-"Je ne suis nullement un ange, mais l'homme gris, et j'ai accompli ce que vous m'avez ordonné. Maintenant, que vous êtes en mon pouvoir, je pourrais vous rendre ridicules devant tout votre peuple, mais j'ai un marché à vous proposer : je voudrais que vous preniez les deux pauvres vieux auprès de vous et que vous partagiez avec eux tout ce dont vous avez de trop et eux pas assez. Pour moi, je vous demande votre fille unique pour femme, ainsi que la moitié de votre royaume et je vous promets de ne plus jamais voler."
Le roi était tellement effrayé qu'il accepta le marché ainsi l'homme gris les reconduisit dans leur lit. Lorsque le roi se retrouva sous sa chaude couverture et qu'il fut un peu remis de ses émotions de la nuit, il dit:
-"Qui es-tu donc, en réalité? Et d'où viens-tu?"
L'homme gris lui révéla qu'il était le fils du roi voisin. Son père l'avait envoyé dans le monde pour y apprendre quelque chose de bien. En chemin, il avait entendu parler des deux pauvres gens et il avait vu le vieux qui conduisait sa vache. Il avait simplement voulu accomplir le désir du vieux, et justifier ainsi les paroles du pasteur.

Dès le lendemain, le roi prit les deux vieux auprès de lui, et veilla à ce que personne dans son royaume n'eût jamais plus faim. Il célébra les noces de l'homme gris avec sa fille. Et aucun homme, dès lors, ne vola plus, car tous avaient suffisamment.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 16 Avril 2013 à 16:22:49
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La Clef d'Or

C'était l'hiver. Une épaisse couche de neige recouvrait la terre. Le gel avait
figé dans un sommeil sans fin la nature. Un pauvre homme sortit de sa maison
avec un traîneau pour aller chercher du bois mort dans la forêt.
Or, le froid était si intense dans la forêt, que quand il eût chargé son traîneau
avec tout le bois qu'il avait pu ramasser, il se trouva incapable de rentrer chez
lui tant il était transi. Il décida de faire un petit feu pour se réchauffer avant de
poursuivre sa route.
Il balaya la neige pour installer quelques branchettes, et, tout en raclant le sol,
il trouva une petite clef d'or.

Croyant que là où était la clef, il devait y avoir aussi la serrure, il creusa la terre.
Il creusa encore et encore au point que la sueur tombait de son front jusque dans
ses yeux. Il creusa longtemps, des heures et des heures.

Enfin, il trouva une cassette de fer.
- Pourvu que la clef aille ! pensa-t-il. La cassette contient sûrement un trésor.
Il chercha et chercha encore pendant des jours et des jours. Mais il ne vit pas le
moindre trou de serrure. Il en découvrit un, mais si petit que c'est tout juste si on
le voyait. Maintenant, il fallait essayer la clef.
Il essaya pendant des semaines, des semaines et des mois. Et la clef alla dans
la serrure ! Il était tellement réjoui qu'il n'avait toujours pas froid.
Mais il fallait encore soulever le couvercle. Il s'y employa pendant des années.
Et il y est encore.
Donc, il nous faut attendre qu'il ait fini de soulever le couvercle. Alors, nous saurons nous aussi quelles choses merveilleuses sont contenues dans la cassette !


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Avril 2013 à 16:42:34
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L'histoire de Dragon Vert

Il était une fois, dans un pays lointain, un peuple de petits hommes heureux de vivre dans leur vallée verdoyante. D'un côté de cette vallée, une haute montagne abrupte et aride qui les protége du vent du nord, de l'autre, une colline ensoleillée toute la journée, on peut voir les chèvres et les vaches paître paisiblement à l'ombre des cerisiers en fleurs. L'herbe est grasse et tout pousse facilement dans cette terre riche. Un joli ruisseau s'écoule en son milieu, tantôt chantant, tantôt roucoulant. Il vient de là-bas le joli ruisseau, tout là-haut au bout de la vallée. Un éboulement de gros rochers empêche nos amis de passer par là, mais lui, le joli ruisseau, passe où il veut entre les cailloux. Il dévale la pente douce, arrose les petits jardins devant des maisonnettes en bois et poursuit son chemin au bout de la vallée.

Ah, ce bout de vallée ! cet espace vers l'inconnu ! personne ne l'a jamais vu. On dit qu'il existe un grand ruisseau, très large et très bleu qu'on appelle la mer, on dit que la montagne se jette dans la mer, on dit beaucoup d'histoires le soir à la veillée mais personne n'a pu s'aventurer de l'autre côté de la vallée à cause de DRAGON VERT.

Dragon vert vit dans une grotte cachée dans le flan de la montagne, juste au bout de la vallée. Il garde le passage et chaque fois qu'un habitant essaye de passer devant la grotte, il sort en claudiquant d'une patte sur l'autre, lourdement mais vivement. Il ouvre sa grosse gueule et lance d'immenses flammes rouges, bleues, jaunes dans un bruit infernal d'ouragan en dévastant tout autour de lui.
Malheur à celui qui se trouve sur son passage, car dragon vert brûle tout se qui passe à sa portée.

Dans ce village si tranquille habite Pékù, c'est un garçon intelligent et très curieux. C'est pour cela qu'il voudrait bien voir ce qui se passe au bout de la vallée. Les histoires de grandes personnes ne l'intéresse pas, ce qu'il veut lui, c'est découvrir le monde et les habitants. Il paraît qu'il y a des hommes très grands, des hommes noirs et même des blancs, lui il est plutôt jaune avec des yeux bridés. Tout cela l'intrigue, et sa colère monte contre Dragon vert qui les empêche de passer.

Comme tous les enfants, Pékù se rend tous les matins au ruisseau y puiser l'eau dans un grand seau. Il en profite pour observer le monstre. Celui-ci ne quitte son refuge que pour griller quelques herbes ou quelques animaux et s'en régaler avant de retourner à sa tanière. Il ne va jamais bien loin, en tout cas jamais assez pour espérer passer sans être vu près de lui.

Un matin, Pékù s'approche un peu plus que d'habitude et voit son ennemi pointer le bout de sa gueule derrière le rocher, les naseaux s'écarquillent, les mâchoires s'entrouvrent, un bout de langue se montre puis la pointe d'une flamme. Pékù retient son souffle. Un œil apparaît puis les deux yeux se tournent vers lui. La peur lui sert le ventre et sentant la chaleur des flammes qui commencent à fuser, il prend de l'élan et lance le contenu du seau qu'il vient de remplir dans la gueule du monstre.


Un crépitement sinistre se fait entendre, Péku ne bouge pas. Il ne peut pas, la peur l'en empêche. Un raclement de gorge le réveille soudain de sa torpeur et il n'en croit pas ses yeux : l'énorme dragon vert tousse et crache des nuages de fumée noire et supplie :
- « de l'eau, de l'eau »
Pékù récupère son seau, le remplit vivement et jette à nouveau toute l'eau dans la gueule du monstre.
- « Merci, merci Pékù, tu viens de me rendre un fier service.
- Mais tu parles dragon ?
- Eh oui, et c'est même pour cela que j'ouvre la gueule chaque fois qu'un homme passe. Malheureusement, chaque fois ce sont des flammes qui sortent et je ne parviens pas à me faire comprendre.
- Pauvre dragon, comme tu as dû souffrir tout seul dans ta grotte !
- Oh oui Pékù. Veux tu devenir mon ami ?
- Mais bien sûr et si tu veux je t'emmène avec moi parcourir le monde.

Et c'est ainsi que Pékù et dragon vert s'en allèrent à la découverte de l'univers.

Mais les petits hommes de la vallée restèrent sagement dans leur village merveilleux ; ils racontent encore le soir à la veillée l'histoire de Péku et du dragon vert.


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Avril 2013 à 15:14:16
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Belle comme la lune

L'on raconte qu'aux temps anciens, il était une jeune femme très belle, aussi belle que la lune. Et cette femme, les nuits de pleine lune, se fardait, peignait et parfumait ses longs cheveux, revêtait ses habits les plus riches, se parait de tous ses bijoux et sortait.

Pour mieux découvrir le ciel, elle gagnait une hauteur. Et là, elle levait son visage resplendissant vers la lune et lui demandait :

Qui de nous est la belle, Ô lune, qui de nous est la belle ? Et la lune lui répondait :

Toi et moi sommes également belles, mais la fille que tu portes en toi nous passera en beauté. Et la jeune femme se lamentait et maudissait l'enfant qui était dans son sein.

Pendant des mois, elle se tourna ainsi vers la lune pour lui demander :

Qui de nous est la belle, Ô lune, qui de nous est la belle ? Et chaque fois la lune répondait :

Toi et moi sommes également belles, mais la fille que tu portes en toi nous passera en beauté.

Au terme de sa grossesse, elle mit au monde une fille à la chevelure d'or, une fille aussi belle que lune en plein ciel. On l'appela Jedjiga : Fleur. Chaque jour augmentait sa beauté. Les voisines disaient à sa mère :

Certes, belle tu l'es. Mais la beauté de ta fille éclipsera la tienne.

Et la jeune femme, en entendant ses mots, sentait le poignard de la jalousie la transpercer. Elle se dit dans son cœur :

Lorsque cette enfant sera devenue adolescente, nul ne me regardera plus.

L'enfant avait huit ans. Elle était pleine de vie et de grâce. Sa mère lui dit un soir :

Demain, nous mettrons sur le métier une grande couverture. Nous irons planter les montants dans la campagne. La voisine nous accompagnera.

Au matin, elle prit deux montants bien solides et une grosse pelote de laine. Elle appela la

voisine et toutes deux partirent emmenant la fillette. Elles laissèrent le village loin derrière elles et atteignirent une colline. Elles s'arrêtèrent. La mère dit alors à l'enfant :

Nous allons enfoncer les montants dans la terre. Toi, tu feras courir la laine entre nous. Te voici grande, tu pourras bien tenir la pelote ?

La mère savait bien ce qu'elle faisait. La fillette se mit à faire courir la laine.

Plus vite ! Plus vite ! lui dit sa mère.

La pelote était lourde. Elle s'échappa des mains de l'enfant et se mit à rouler.

Cours et rattrape-la ! Cria la mère.

L'enfant s'élança. La mère coupa le fil et la pelote roula plus vite, encore plus vite, entraînant Jedjigha vers le ravin. Puis brusquement, la pelote disparût.

La fillette la chercha vainement dans les ronces et les buissons. Revenir en arrière ?... Elle avait perdu son chemin. Alors elle marcha au hasard sur ses petites jambes. Elle marcha longtemps, elle marcha jusqu'à l'orée de la forêt. C'est alors qu'elle découvrit, à demi-masquée par une épaisse végétation, l'entrée d'une caverne. Elle se fraya un passage et entra. La caverne était profonde. Lorsqu'elle eut fait quelques pas et qu'elle se fût habituée à la pénombre, l'enfant vit, enroulé sur lui-même comme un énorme bracelet, un serpent. Elle poussa un cri. Il dressa la tête, ouvrit les yeux comme des étoiles et la regarda. Il regarda la petite fille que Dieu seul avait pu créer. La course avait rendu son visage semblable à une rose ; les épines avaient égratigné ses pieds et ses mains. Ses vêtements étaient déchirés. Tant de beauté éblouit le serpent ; tant de grâce et de faiblesse l'émut. Il remercia Dieu dans son cœur. L'enfant tremblait. Il lui dit :

Ne crains rien, je ne te ferai aucun mal. Mais dis-moi, petite fille, ce qui t'a conduite jusqu'à moi.

Elle était sur le point de pleurer mais entendant le serpent lui parler dans un langage humain, elle se sentit rassurée. Elle lui dit :

Je tenais une pelote de laine : elle était lourde. Elle est tombée de mes mains et elle a roulé , roulé. Je l'ai suivie...Je l'ai perdue de

vue et j'ai continué à marcher jusqu'ici.

Il prit de l'eau pour lui laver le visage, les mains et les pieds. Il la fit asseoir et lui servit à manger. Elle mangea de la galette de blé et but du lait. Dans un endroit bien abrité, il lui étendit une couche et l'y conduisit pour qu'elle se reposât.

Il faut dire que ce serpent n'était pas un véritable serpent. D'abord, il avait commencé par être un homme heureux : il possédait une maison, une femme, de nombreux champs et toutes sortes de biens et de richesses. Mais une nuit, par mégarde, il marcha sur un serpent. Ce serpent le regarda, se dressa et lui soufflant son haleine au visage, lui dit :

Tu m'as écrasé. Tu deviendras serpent comme moi et tu le resteras tant que je vivrai, afin que les hommes te foulent aux pieds !

C'est ainsi qu'il fut changé en serpent. Il abandonna sa famille, sa maison et tous ses biens. Il déserta le monde et se réfugia dans la forêt. Il se rapprocha des bêtes, se mit à vivre à leur façon, à se nourrir de chair et de sang. Mais si son corps était celui d'un serpent, son cœur et son esprit étaient restés ceux d'un homme. Il n'avait fui ses semblables que dans la crainte d'être écrasé par eux. Mais la solitude lui était amère. Elle le minait. Depuis longtemps il n'avait vu l'ombre d'un être humain lorsque lui apparût la fillette. C'est pourquoi, à la vue de son visage de rose et de ses petits membres fatigués, le cœur du serpent se fondit de tendresse.

L'enfant s'était endormie. Il sortit, tua deux perdrix, cueillit des légumes et des fruits , et rentra. Il alluma le feu, mit en train le repas et alla réveiller la fillette. Il lui demanda avec douceur :

Quel est ton nom ? Quel est le nom de ton village et celui de tes parents pour que je te conduise vers eux ?

Elle répondit :

Je m'appelle Jedjiga, mais je ne sais ni le nom de mes parents ni celui de mon village.

Le serpent qui ne pouvait reparaître aux yeux des humains se tut. Il réfléchit longuement, promena ses regards autour de lui et finit par dire :

Tu resteras ici jusqu'à ce que Dieu t'ouvre un chemin. J'épouse ta faim et ta soif : tu seras mon enfant . Mais tu devras m'obéir et ne jamais dépasser le seuil de la caverne. Nous sommes ici dans le royaume des bêtes ; il pourrait t'arriver malheur si tu t'aventurais.

Le serpent l'éleva. Il fut pour elle à la fois un père et une mère. Il lui apprit à préparer les repas et à aimer l'ordre. Il la combla, l'entoura de tendresse. Elle lui obéit tant qu'elle était petite ; devenue adolescente, elle connut l'ennui. Elle eut la nostalgie du ciel, du soleil. Elle voulut découvrir le monde.

Le serpent la laissait souvent seule pour aller chasser et couper du bois : elle mit à profit ces absences. Tout d'abord elle se contenta de regarder timidement au travers des hautes herbes et des branches qui cachaient l'entrée de la caverne. Et puis elle s'aventura au dehors. Mais elle rentrait toujours avant que le serpent ne revint.

Un jour, un bûcheron l'aperçut et fut émerveillé. Comme il approchait pour la mieux considérer, elle disparut. De retour au village, il raconta son aventure à qui voulait l'entenre :

J'allais couper du bois dans la forêt lorsque je vis sortir de terre une créature, une créature... une nappe d'or la couvrait jusqu'aux pieds. La lumière qui en émanait m'éblouit. Sans doute était-ce la fée gardienne de la forêt ? Je voulus m'approcher pour voir son visage, mais elle avait déjà disparu !

Cette histoire, de l'un à l'autre colportée, arriva aux oreilles du prince qui n'hésita pas à interroger le bûcheron.

Prince, répondit le bûcheron, une créature m'est bien apparue à l'orée de la forêt. Elle était debout, contre un arbre. Etait-ce un ange, une fée ?... Son visage défiait la lumière. Une

nappe d'or l'habillait. Quand je voulus regarder de plus près, je m'aperçus qu'elle n'était plus là !

Demain, au point du jour, tu me conduiras où elle t'est apparue, dit le prince.

L e lendemain, la jeune fille finit par se montrer à l'entrée de la caverne. La nappe d'or qui l'habillait, c'étaient ses cheveux. Et c'est tout ce que virent d'elle le prince et le bûcheron qui la guettaient à travers le feuillage. Le prince décida de rester seul pour savoir si l'étrange créature était mortelle ou fée.

La jeune fille demeura longtemps sur le seuil et puis elle rentra. Peu après, le prince vit cette chose qui le stupéfia : le serpent qui avançait debout, portant des légumes, des fruits et du gibier car, lorsqu'il était chargé, il ne rampait pas ! Le serpent déjeuna, fit la sieste(c'était l'été) et sortit à la fraîcheur pour faire sa promenade. Alors, le prince put approcher de la caverne et contempler la jeune fille. Elle se tenait appuyée à un arbre, et elle portait à sa bouche des grains de raisin. Il pensa : "puisqu'elle mange, je puis l'aborder !" Il écarta les branches et lui dit en s'avançant :

Au nom de Dieu, je t'en prie, dis-moi qui tu es, créature !

Elle répondit :

Je suis un être comme toi. Je suis la fille du serpent.

Il la regarda tandis qu'elle parlait, s'émerveillant de son visage épanoui comme une rose. Il l'interrogea sur son village, sur ses parents. Elle répondit :

C'est ici, dans cette caverne, que j'ai vécu et grandi. Le serpent m'a élevée : je suis sa fille. Mais c'est à son insu que je sors. Ne va pas le lui dire, ni lui raconter que tu m'as vue surtout ! Et elle rentra.

Le prince s'en alla trouver son père ; il lui déclara :

Je veux épouser la fille du serpent.

Le roi s'indigna. Le prince tomba malade d'un grand mal. La fièvre ne le quitta ni jour ni nuit. Le roi finit par demander :

Mon fils, qu'est-ce qui te guérirait ?

Laisse-moi épouser la fille du serpent, dit le prince, et tu verras que je guérirai.

Comme le prince dépérissait de jour en jour, le roi céda. Il se rendit chez le serpent et lui dit :

Donne-moi ta fille pour mon fils.

Le serpent répondit :

Roi, il y a sept ans qu'elle est venue à moi. Je l'ai élevée comme ma fille. Elle m'est plus chère que le haut-ciel. Mais puisque, ô roi, tu la veux, la voici : je te la confie. Comble-la de présents et veille sur elle comme je l'ai fait moi-même jusqu'ici. Quant à moi, je ne te demanderai qu'une chose : une outre de sang.

Le jour où elle devait se séparer de lui pour suivre le roi à la cour, le serpent dit à la jeune fille :

Va ma fille, sois vaillante, va et ne regarde surtout pas en arrière mais toujours en avant !

Elle monta une jument toute caparaçonnée de soie et le roi l'escorta. Mais au bout d'un moment elle s'écria :

J'ai oublié mon peigne !

Elle descendit de sa monture et courut vers la caverne où elle surprit le serpent en train de se repaître de sang. Elle le vit changer d'expression. Il lui dit, tout honteux :

Ne t'avais-je pas recommandé de ne pas revenir en arrière ?...Tu t'en repentiras !

Elle s'en retourna tout effrayée vers le roi.

Elle vécut heureuse à la cour durant quelques mois. Le prince, son mari l'aimait tendrement. A la grande joie de toute la famille royale, elle mit au monde un enfant aux cheveux d'or, un enfant à sa ressemblance. Elle garda le lit quarante jours et puis, un matin, elle se leva pour se mêler à la vie de la cour. Lorsqu'elle revint vers l'enfant, il avait disparu. On le chercha partout, on remua ciel et terre pour le retrouver mais en vain.

L'année suivante, elle eut un nouvel enfant, un enfant comme le premier, à la belle chevelure d'or. Au bout de quarante jours, il disparut aussi. Le roi et la reine dirent alors à leur fils :

Remarie-toi ! Quel bien peut-il nous venir de la fille du serpent ?

Mais le prince qui mettait son espoir en Dieu répondit à la reine et au roi :

J'ai choisi Jedjiga pour elle-même et non pour les enfants qu'elle me donnerait.

La jeune princesse eut successivement sept garçons, sept garçons à la chevelure d'or qui tous, lui furent ravis quarante jours après leur naissance. Elle fut surnommée : "celle qui croque ses enfants". Mais le prince l'aimait toujours.

Huit ans s'étaient écoulés depuis que Jedjiga avait quitté la caverne du serpent pour la cour du roi quand un soir, elle dit au prince :

Demain, conduis-moi vers mon père, afin qu'il me pardonne... Il fit selon son désir.

Comme ils arrivaient près de la caverne, le prince et la princesse virent six petits garçons aux cheveux d'or qui jouaient et se poursuivaient de façon charmante. Un vieillard élevait dans ses bras le septième enfant aux cheveux d'or.

La princesse cherchait des yeux le serpent. Alors le vieillard s'avança et lui dit :

Ne le cherche pas, c'est moi. Il y a longtemps, une nuit, j'ai marché sur un serpent par mégarde. Il s'est vengé en me rendant serpent comme lui. Mais il est mort et son pouvoir sur moi est mort. Il dit encore :

Le jour où tu m'as quitté pour aller vers ton époux, je t'avais recommandé de ne pas revenir en arrière. Tu es revenue et tu m'as surpris en train de boire du sang. Tu m'as humilié et je t'ai dit : "Tu t'en repentiras".

Il tendit à la princesse le bébé qu'il avait dans les bras et se tourna vers le prince :

C'est moi, prince, qui suis venu chercher tes enfants les uns après les autres pour punir ma fille. Je les ai élevés avec tendresse, comme j'ai élevé leur mère. Sept fois, prince, tu t'es trouvé devant un berceau vide et tu n'as pas humilié ma fille. Tu l'as aimée au contraire et tu l'as protégée. Voici tes enfants... je te les rends. Et il poussa vers lui les six enfants aux cheveux d'or.

Mon conte est comme un ruisseau, je l'ai conté à des seigneurs...

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Avril 2013 à 16:54:24
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Balajoudh et l'Ogresse Tseriel

Mieux vaut dormir la nuit en ayant des soucis qu'en ayant des remords
Balajoudh vivait dans les montagnes de Kabylie. Il n'était pas bien riche. Il avait en tout et pour tout 3 sous en poche. Un jour, il va au marché, et après avoir bien regardé, il s'achète une figue Elle n'était pas bien grosse, alors il l'a dégustée jsuqu'à la dernière bouchée. A la fin il ne lui restait dans les mains qu'une petite queue.

Il est allé dans son jardin et il l'a semée en lui disant :
Toi demain, il faut que tu aies germé, sinon prends garde à toi.

Et le lendemain, la petite queue avait pris racine Alors il lui a dit :
Toi demain, il faut que tu aies poussé, sinon prends garde à toi !

Le lendemain, dans son jardin, une belle pousse sortait de terre avec des petites feuilles vertes. Balajoudh lui a dit.
Toi demain, il faut que tu sois devenue un figuier sinon prends garde à toi.

Et le lendemain, au beau milieu de son jardin se trouvait un magnifique figuier. Balajoudh lui a alors dit :
Toi demain, il faut que tu me donnes de belles figues bien mûres, sinon prends garde à toi.

Et le lendemain matin, les branches de son figuier croulaient sous le poids des figues elles étaient tellement grosses et appétissantes que d'en parler j'en ai l'eau à la bouche !

Alors Balajoudh est monté sur son figuier pour goûter à ses belles figues. Il en a mangé une, puis deux et quand il a été rassasié, il s'est mis à crier :
Qui veut des figues, de belles figues bien mûres !

Seulement, il était midi, l'heure la plus chaude de la journée. Il faisait une chaleur à tuer un âne et les gens étaient chez eux.

Les gens oui, mais pas l'ogresse TSERIEL qui rôdait dans les parages. Lorsqu'elle a entendu Balajoudh, elle s'est approchée et lui a dit :
Moi, mon fils, donne-moi de tes bonnes figues

Balajoudh a bien reconnu Tsériel (qui ne la connaît pas dans le pays ! Et il sait qu'il faut s'en méfier. Seulement, on lui a enseigné le respect qu'il doit aux anciens. Alors il lui dit :
Ces figues sont à toi, vieille mère, tu n'as qu'à te servir. Mais Tsériel lui répond.
Mon fils, tu sais bien que je suis vieille et à moitié aveugle. Allez, cueille-moi quelques figues.

Balajoudh a cueilli quelques figues qu'il a tendues à Tsériel. Aussitôt, elle l'a attrapé par le bras, l'a fourré dans un grand sac avec les figues, a mis le sac sur ses épaules et la voilà partie. Dans le sac, Balajoudh se disait.
Pauvre de moi qui vais mourir si jeune, moi qui aime tellement la vie.

Et voilà qu'il entend un clapotis.... Mais oui, c'est la rivière qui se trouve au pied de la colline. Alors, il demande à Tsériel.
Vieille mère, as-tu fait ta prière ? Tsériel s'arrête.
Non pour sûr je n'ai pas fait ma prière aujourd'hui ! Et la voila qui pose le sac, et qui se met à faire ses ablutions comme on doit faire avant la prière.

Pendant ce temps, Balajoudh s'empresse de sortir du sac et de le remplir de pierres. Puis, il prend ses jambes à son cou. Lorsque Tsériel a fini sa prière, elle remet le sac sur ses épaules et continue sa route. En chemin elle dit :
Eh mon fils, tu es bien plus lourd que tout à l'heure, tu as dû manger les figues. Mais, retire donc tes genoux et tes épaules, ils me font mal..

Une fois rendue chez elle, elle appelle sa fille Vetelis. Il faut que je vous dise que Vetelis est une beauté... Eh oui, elle n'a qu'un oeil et pas n'importe quel oeil : un oeil blanc signe suprême de beauté chez les ogres. Tsériel dit à sa fille :

Fais chauffer la marmite, le repas est dans le sac. Lorsque l'eau fût bouillante, Tsériel a versé le contenu du sac qui l'a éclaboussée et a cassé la marmite :
Ah maudit Balajoudh, il m'ajoué un méchant tour mais je me vengerais.

Le lendemain elle est retournée dans le jardin de Balajoudh. Il était perché sur son figuier et il criait à qui voulait l'entendre.
Qui veut des figues des belles figues bien mûres ?
Moi, mon fils s'écrie Tsériel. Baljoudh sait qu'il doit se méfier et il sait aussi le respect qu'il doit aux anciens.

Alors il lui dit :
Tu n'as qu'à te servir, vieille mère !
Mais mon fils, tu sais bien que je suis vieille et à moitié aveugle alors s'il te plaît... Balaloudh cueille quelques figues et quand il les tend à Tsériel, elle l'attrape par le bras, le fourre dans son sac et pose le sac sur ses épaules et la voilà partie.

"Pauvre de moi qui aime tant la vie et vais mourir si jeune" se lamentait Balajoudh. Et voilà qu'il entend le clapotis de la rivière. Il dit à Tsériel :
Vieille mère as-tu fait ta prière aujourd'hui ? Tsériel s'arrête et répond.
Demain mon fils, je la ferai demain. Et elle reprend sa route. Arrivée chez elle, elle appelle Vetelis.
Prépare la marmite, le repas est dans le sac...

Balajoudh tente le tout pour le tout et dit à Tsériel :
Regarde vieille mère comme je suis maigre Fais moi grossir etje serais bien meilleur à manger.
Tu as raison, mon fils, tu n'es pas bien gros.

Et à ces mots elle le plonge dans une grande jarre en terre remplie de dattes et elle lui dit :
Mange mon fils, autant que tu voudras. Dans une semaine je viendrais voir si tu as grossi.

La semaine passe, bien trop vite pour Balajoudh, et quand Tsériel lui demande de passer un doigt hors de la jarre. (© publié par Tamurth.net)Balajoudh ne passe pas son doigt, non non il tend une épine qu'il avait dans sa poche et lorsque Tsériel la touche, elle lui dit :
Tu es encore trop maigre mon fils, reste encore une semaine et surtout n'oublie pas de bien manger !

Balajoudh mange et la semaine passe encore trop vite pour lui. La semaine passe, Tsériel s'approche de la jarre et lui demande de montrer un doigt. Balajoudh lui tend une brindille cette fois. Tsériel s'écrie :
Mais cela ne va pas du tout, mon fils, tu es encore trop maigre. Ecoute je te laisse encore une semaine dans la jarre et dans une semaine, que tu sois gros ou maigre je te mangerais.
Pauvre de moi, pensait Balaj oudh, pour qui le temps passait trop vite.

A la fin de la semaine, Tsériel dit à sa fille :
Prépare le couscous, tue balajoudh, coupe-le en petits morceaux et mets-le à mijoter dans une bonne sauce avec des épices. Moi je vais chercher le reste de la famille pour les inviter au festin.

Aussitôt Tsériel partie, Vetelis a sorti Balajoudh de lajarre. Elle tenait un couteau à la main. Balajoudh qui n'avait rien à perdre lui dit :
On parle de ta beauté jusque dans notre village et je sais comment te rendre encore plus belle.

L'oeil blanc de Vetelis est devenu rouge de plaisir et elle lui a dit :
Dis-moi comment tu fais ?
Eh bien, je peux te faire des tatouages avec du henné. Mais il me faut un couteau.

Vetelis n'a pas réfléchi, elle a tendu son couteau à Balajoudh qui s'en est emparé et... l'a tuée. Puis il a enfilé sa robe et mis son foulard sur la tête. Et il s'est mis au travail. Il a coupé Vetelis en petits morceaux, Il l'a mise a cuire avec des épices, de temps en temps, il tournait bien pour que ça n'attache pas. La table était mise et le repas servi quand Tsériel est arrivée avec la famille. Ils étaient aussi nombreux que vous aujourd'hui.

Tout le monde s'est installé pour manger. A un moment, un petit cousin s'est écrié :
Oh, on dirait bien la main de la cousine Vetelis. Tout le monde a levé la tête et s'est arrêté de manger

Alors Tsériel a dit :
Mange donc et arrête de faire ton intéressant.

Plus tard, une petite cousine s'est écriée :- Oh mais c'est l'oeil blanc de la cousine Vetelis et là, silence et l'on a fait passer l'oeil blanc. Et oui, c'était bien l'oeil de Vetelis. Mais alors, où était donc la cousine Vetelis ?

Eh bien, elle n'était plus là, parce que Balajoudh avait pris les jambes à son cou.

Et le conte dit que depuis ce jour Tsériel lui court après mais qu'elle ne l'a toujours pas rattrapé.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Avril 2013 à 14:44:21
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Le sultan

... Le sultan et sa femme, qui avaient peur de mourir sans laisser d'enfant mâle, priaient jours et nuits, faisaient des aumônes, consultaient les plus illlustres médecins, visitaient tous les marabouts du pays, mais en vain. Après bien des années, la sultane mit au monde un garçon. La veille de sa naissance, alors que la sultane faisait sa sieste, un vieillard à barbe blanche lui apparut en rêve et lui dit :
« Tu auras un fils, il aura toutes les qualités attendues chez un prince. Il sera beau, intelligent, courageux, téméraire, mais lorsqu'il atteindra l'âge adulte il tombera si gravement malade que sa vie sera en danger et qu'il ne il sera guéri que si vous consentiriez un gros sacrifice. » Et il disparut laissant la pauvre femme ébranlée.

« Comment faire ? » se lamentait-elle, elle dont la joie provoquée par la naissance du prince commençait à s'émousser. « Comment faire pour aider mon fils ? » Les années passèrent. Le garçon grandissait en beauté, courage et témérité, comme l'avait prédit le vieillard.

Lorsqu'il fut en âge de prendre femme, son père demanda et obtint pour lui la main de la fille du sultan voisin. Le mariage devant être célébré à la fin de l'été après les moissons, tout le pays s'activait en vue des noces qui devaient être inoubliables, car le jeune prince était aimé et estimé de tous autant pour sa bonté et sa générosité que pour sa bravoure et son intelligence. La sultane voyant son fils en bonne santé oublia le rêve et avec lui ses craintes jusqu'au jour ou le prince qui revenait à travers champs vit une jeune fille qui avançait en titubant une cruche sur la tête.
Elle fit encore quelques pas puis s'écroula. La cruche en tombant se cassa en plusieurs morceaux et l'eau se répandit sur le sol. Le prince se précipita et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il découvrit une éblouissante jeune fille aux longs cheveux d'un noir d'ébène éparpillés autour d'elle. Toute la beauté et toute la grâce étaient gravées sur ses traits et sa silhouette mais ses vêtements quoique propres étaient ceux d'une miséreuse. Le prince, émerveillé, la contempla longtemps puis se secoua comme s'il sortait d'un rêve. Il l'aida à se relever. En voyant sa cruche cassée elle éclata en sanglots.

«
Oh, ma cruche, ma belle cruche que mon père m'a ramenée du souk. Que vais-je lui dire pour me justifier ? »
N'ayez crainte, lui dit le prince, des cruches semblables, il y en a plein le souk.
Hélas, mon bon seigneur, hélas nous sommes pauvres et mon père, pour m'acheter cette cruche, s'est privé durant une semaine d'un remède qu'il prend lorsqu'il fabrique le charbon. Mon père, seigneur, est charbonnier, et c'est lui qui alimente tout le palais en charbon.
N'ayez crainte vous dis-je, demain à l'aube une cruche aussi belle vous attendra devant chez vous.

Rassurée, elle partit. Le prince resta longtemps debout à l'endroit ou elle était tombée puis il partit à son tour. Il envoya sur le champ un domestique au souk, avec ordre d'acheter une cruche et de la déposer devant la maison du charbonnier.

Toute la journée, le prince fut obsédé par la vision de la jeune fille, et le soir il ne put fermer l'oeil tant cette vision était vivace dans son esprit. Cet état de chose dura plusieurs jours, au point que le jeune homme en perdit le goût du sommeil et ne se restaurait que rarement. Sa situation était sans issue, car il ne voulait pas se marier avec la fille du sultan mais avec la fille du charbonnier. Au bout de quelques temps, le prince tomba gravement malade, ne trouvant aucune solution à son problème. Ses parents affolés firent venir tous les médecins du pays, mais aucun ne put déceler la nature de cette mystérieuse maladie. Il dépérissait à vue d'oeil sous le regard impuissant de ceux-ci.

«
De quoi souffres-tu mon cher petit ? » lui demandaient-ils. «
Le mal dont je atteint, nul ne peut le guérir à moins d'un sacrifice que je suis incapable de vous demander » répondit-il.

Ils eurent beau le questionner, il ne leur révéla absolument rien. La fille du charbonnier eut vent de cette maladie, car les serviteurs, étant très bavards, racontaient à qui voulait les entendre que le prince était possédé. Moyennant une pièce d'argent, elle pria une servante chargée de l'entretien de la chambre où il reposait de lui permettre de lui rendre visite au moment où il serait seul. Aussitôt qu'il la vit, il se sentit mieux et lui fit part de ses sentiments.

«
Oubliez-moi sire, oubliez-moi, je ne suis pas digne d'être votre femme car je suis de condition très modeste. Je suis moi-même très perturbée depuis que je vous ai vu mais hélas je me fais une raison.

Rendez-moi au moins visite, la pria le prince, en l'absence de mes parents ; j'en donnerai moi-même l'ordre à la servante. » Elle le lui promit et partit. Un jour, alors que la sultane somnolait près de la couche de son fils, le vieillard réapparut et lui dit : « Votre fils peut guérir à condition que vous acceptiez de lui donner la fille du charbonnier pour épouse. En bon fils, il ne veut pas vous faire de la peine mais votre peine sera beaucoup plus grande si vous refusez et qu'il mourra ». La sultane se réveilla en sursaut en psalmodiant le nom de Dieu et maudissant Satan. « La fille du charbonnier ? Mais qui est donc cette fille qui a rendu mon fils si malade ? Mérite-elle au moins un pareil sacrifice ? Dès demain j'irai la voir ».

Le lendemain, très tôt et sans rien dire à personne, elle se déguisa et partit vers la maison du charbonnier qui se trouvait à l'entrée de la forêt. En voyant la maison si vétuste, ellle frissonna, se cacha derrière un arbre et attendit. Un moment après, une jeune fille belle comme le jour apparut sur le seuil. « Ah ! Je comprend pourquoi mon fils est si malade, dit-elle. Mais une telle alliance est impossible. Il faut qu'elle et ses parents quittent le pays ; alors l'envoûtement quittera le corps de mon fils. ». Toujours déguisée, ellle se présenta à eux et leur dit :« La sultane, ma maîtresse m'envoie vous dire que son fils est tombé en léthargie depuis qu'il a vu votre fille. Vous comprenez aisément qu'il lui est impossible de vous demander sa main, alors elle vous demande de quitter le pays à moins que... à moins que votre fille ne tisse une étoffe de soie si légère et si belle qu'elle n'aura pas son pareil dans tout le royaume. Mais si l'étoffe n'est pas prête dans deux jours alors vous vous en irez ».Elle partit laissant la jeune fille et ses parents désemparés. Peu après, la jeune fille reçut la visite de la servante qui lui dit que son maître désirait la voir. Elle la suivit et raconta au prince tout ce qui venait d'arriver.

«
Va, lui dit le prince, va dans la forêt et raconte tout au grand mûrier.
Mais comment un arbre pourra-t-il m'aider ? lui dit-elle.
Va, répond le prince et fais-moi confiance. »

Arrivée devant le mûrier, elle se mit à pleurer à chaudes larmes. « Mon Dieu, mon Dieu comment vais-je m'en sortir ? Comment vais-je faire pour éviter l'exil à mes parents ? ». Alors le mûrier eût pitié d'elle ; il secoua très fort ses branches afin de réveiller tous les vers à soie qui s'y trouvaient et leur tint ces propos : « Je veux que vous vous mettiez tous à l'ouvrage et que vous tissiez très vite la plus belle étoffe qu'il m'ait été donné de voir, sinon je dessécherai toutes mes feuilles et vous n'aurez plus rien à manger ». Les vers à soie, apeurés, commencèrent à tisser, à tisser la plus belle et la plus arachnéenne étoffe qui pût exister. Ils travaillèrent tant et si bien qu'au bout de deux jours, la toile fût finie. Lorsque la sultane, toujours déguisée, la vit, elle blêmit et dit : « Tout ceci est fort bien mais ma maîtresse désire cette fois que vous récupériez le collier de perles qu'elle portait et qui s'est cassé l'an dernier près du bassin derrière le palais ».

Cette fois-ci, la jeune fille dit au prince qu'il lui était impossible de surmonter cette nouvelle épreuve.

«
La solution se trouve au seuil de ta maison, répondit-il ; va, que Dieu t'assiste et te vienne en aide. »

L'esprit ailleurs, elle marcha, marcha jusqu'à la maison de ses parents. Alors, du pied et sans le vouloir, elle foula une fourmilière. Sentant alors quelques fourmis sur sa jambe, ellle s'agenouilla pour réparer les dégâts. Tout en s'excusant, elle leur fit part des raisons de son chagrin. La reine des fourmis ordonna alors à ses ouvrières de restituer les perles qui se trouvaient au fond de la fourmilière. Les perles retrouvées, la sultane n'ayant plus aucune excuse accepta que son fils épouse l'humble fille. Les noces prévues pour la fille du sultan furent célébrées en grandes pompes en l'honneur de la fille du charbonnier.

Et le prince, guéri et heureux, vécut très longtemps avec celle qui lui était destinée depuis sa naissance.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 20 Avril 2013 à 17:04:56

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L'amitié des deux chacals

Conte d'Egypte



Il y a fort longtemps, vivaient dans l'immensité du désert deux chacals qui s'aimaient d'une amitié sincère, un peu comme s'aiment deux frères. Ils s'entraidaient et chacun pouvait compter sur l'autre en cas de coup dur. Ils partageaient les mêmes peines mais aussi les mêmes joies. Ils ne frayaient avec aucun autre animal préférant passer tout leur temps ensemble. Ensemble, ils recherchaient leur nourriture. Ensemble ils buvaient et mangeaient. Ensemble ils se rafraîchissaient à l'ombre des mêmes rares arbres du désert lorsque le soleil les tourmentaient de ses ardents trop ardents.


Or un jour, alors qu'ils étaient à la recherche de nourriture, l'un à côté de l'autre, sur un terrain aride et brûlé de soleil, ils virent surgissant devant eux un lion affamé qui était lui aussi à la recherche d'une proie. Plutôt que de fuir, les deux amis s'immobilisèrent et firent face à l'ennemi avec opiniâtreté. Le lion fort surpris ne put s'empêcher de leur demander :
- Eh bien, pourriez-vous m'expliquer par quel prodige vous ne vous êtes pas enfui à mon approche ? Etes-vous inconscients ? Ne voyez-vous pas que je suis affamé et à la recherche de nourriture ?
L'un des deux chacals prit la parole et dit :
- Pour sûr, ô seigneur ! Nous sommes fort conscients de cet état de fait. Nous avons vu que tu étais en chasse et que tu allais te jeter sur nous et nous dévorer. Nous avons cependant décidé de ne pas fuir. Quoi que nous fassions, aussi vite que nous puissions courir, tu nous rattraperais. Nous avons donc décidé de ne pas fuir. Nous préférons que tu ne sois pas épuisé au moment où tu décideras de nous dévorer. Nous préférons mourir rapidement et non souffrir par une mort lente.



Le lion qui avait écouté avec attention les paroles du chacal lui dit :
- Le roi des animaux n'est pas en colère d'entendre des paroles sincères. Il sait reconnaître le courage et l'audace de ses sujets. Il se doit d'être grand et généreux envers ses sujets sans défense.



Sur ce, le roi du désert disparut et depuis ce jour, il accorda la paix aux deux chacals.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Avril 2013 à 17:51:26
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Le masque géant

- Tschäggäta ! Tschäggata !

Ils surgissent avec leur masque de bois. Et leur peau de bouc ou de chèvre, ou de mouton, qu'ils ceinturent d'un collier de vache avec la cloche.
Ils courent, ils sautent, ils dansent et la cloche sonne.
Ils ont des yeux qui louchent, des nez tordus, pointus, crochus, des bouches qui grimacent, qui rient, avec des dents de taureaux.
On dirait des bêtes-hommes, des hommes-démons. Ils se promènent dans les ruelles, tout seuls, ou bien à deux ou trois, ou bien en troupes.

- Tschäggätä ! crient les enfants.

Les enfants les regardent, les suivent, les aiment. Les enfants ont peur des masques. Les enfants aiment avoir peur.
Un jour, un masque est sorti de la forêt. Les enfants ont levé la tête. Ils ont dû beaucoup lever la tête : le masque était encore plus grand que les plus grands sapins.

- Ho ! ...

Le Masque descendait vers eux. Sur son énorme face de bois violet, une chevelure de queues de renard flottait. Pour recouvrir son corps, il avait fallu coudre ensemble au moins quatre peaux de moutons bruns et quatre peaux de chèvres noires, et sa cloche était aussi grosse que celle du clocher.
Comme elle sonnait ! Sonnait !
Tout le monde se rassembla sur la place.

- Ho ! Ho ! ... répétèrent les parents.

Et ils ne dirent plus rien parce qu'ils tremblaient.
A longues enjambées, le Masque s'approcha. Il entra dans le village. Les hommes, les femmes, les enfants, vite, se cachèrent dans la maison . Ils fermèrent à clé les portes. Ils guignèrent à travers les carreaux.
On entendit un horrible craquement. Le géant s'était assis sur le toit d'un chalet. La vieille Apolline et sa fille sortirent comme deux souris.
Le géant eut un gros rire. Il tendit la main vers la fontaine, il l'arracha remplie d'eau, il souleva un peu son menton de bois violet et se mit à boire.
Glouc, glouc, glouc.
Il enfonça le bras dans la cave d'Apolline, en retira un fromage rond comme la lune et le mangea. Il enfonça le bras dans la cheminée, en décrocha trois cuissots de boeuf séché qu'il suspendit à sa ceinture. Puis il remonta vers la forêt. Longtemps sa chevelure rousse flamboya au-dessus des arbres. Enfin il disparut dans la haute montagne.

- C'est un géant ! C'est un revenant ! C'est le diable !

Tout le monde était très excité.

- Aujourd'hui, les revenants ne reviennent plus, heureusement ! dit le président.

- Aujourd'hui, le diable n'apparaît plus ... hélas ! soupira le curé.

- Et mon fromage ? Et mes jambons ? protesta la vieille Apolline d'une voix aiguë.
Ils existaient ou pas ?

- Alors ? firent les femmes. On a rêvé.

Et les hommes rallumèrent leurs pipes .
Mais les enfants ne furent pas d'accord. Ils étaient sûrs, eux, de la réalité du Masque géant.
Et même ils commençaient à l'aimer.

Jaloux, les masques du village se consultèrent. Ils repeignirent les visages de bois. Ils renouvelèrent les fourrures mitées et paradèrent en cortège.
Mais aucun enfant n'accourut à leur rencontre, pas un seul ne cria : "Tschäggätä!"
Ils furent très dépités.
Le Masque géant revint.
Les parents terrifiés rentrèrent dans leurs demeures. Et de nouveau, ils guignèrent à travers les carreaux.
Il se tenait debout au milieu de la place.
Les enfants restèrent autour de lui. A le regardes. A l'admirer.

- Comme tu es grand !
- Comme tu es fort !
- Comme tu es beau !

Ils avaient pourtant un peu peur, mais ce n'était pas désagréable.
Le Masque géant s'assit dans la neige et répondit en hochant la tête.
Mais quand il vit Maria, la fille de la vieille Apolline, il lui passa son gant plein de suie sur la figure.

Il était reparti. Il avait fait un grand trou dans la neige, là où il s'était assis, et l'on aperçut la terre.

- Il n'est pas très méchant, reconnurent les gens.
- Il est rigolo ! dirent les enfants.
- Il est même gentil ... chuchota la petite Suzanne.
- Nous allons le suivre ! ordonna son frère Croquin.

Et ils se mirent tous en marche.
Les parents les appelèrent mais ils n'obéirent pas. Les enfants montaient toujours mettant les pieds dans les traces du géant. Il dépassa la forêt. Sur les alpages recouverts de neige, ses pas déclenchèrent une avalanche.
L'avalanche ensevelit les enfants.
D'en bas, les parents avaient tout vu.
Les sauveteurs vinrent en hélicoptères, avec des sondes et de gros chiens saint-bernard qui portaient un tonnelet à leur collier.
Les chiens, d'une bonne langue chaude, léchaient la figure froide des enfants et tous ressuscitaient. Ils riaient, buvaient les grogs des tonnelets. Puis les chiens les emportaient sur leur dos.
Le Masque géant choisit une nuit bien noire pour redescendre au village. Il avait mis de la paille autour du battant de sa cloche et une hotte à son épaule. Il ouvrit en silence les caves et remplit le fond de sa hotte de fromages, de jambons, de petits pots de miel des sapins. En passant devant l'écurie du président, il enleva la plus belle des vaches; dans l'étable d'Apolline, il prit un veau tout rouge et frisé; dans le parc aux moutons, encore une brebis. Le coq du curé faisait le malin sur une barrière, il le saisit par les pattes.
La vache, le veau, la brebis et le coq s'arrangèrent tant bien que mal ensemble dans la hotte.
Les villageois avaient entendu ! Furieux, ils sortirent avec leurs fusils et tirèrent sur le géant. Mais les balles ne lui faisaient rien du tout.
Une nappe épaisse de brouillard recouvrit la montagne. Et les hommes se perdirent et tournèrent en rond jusqu'au matin.
Il revint une quatrième fois. Les enfants dansèrent une ronde autour de lui.

- Bon géant des monts,
Beau masque-démon !
Fais sonner ta cloche ...
Claquer tes galoches.

En riant, ils grimpèrent le long de ses jambes, se pendirent à sa ceinture, s'assirent à califourchon sur ses épaules. Le géant les laissaient faire. Mais quand ils demandèrent de les emmener au sommet de la montagne, il dit non ! de la tête.
Mais Croquin réussit à se cacher dans la grosse cloche de sa ceinture, et comme elle était bellement renflée il s'y sentit bien. Il s'accrochait très fort au battant et le faisait sonner de temps à autre pour que le géant ne s'aperçut de rien. Du haut de la montagne, Croquin vit son village, pas plus grand qu'une fourmi noire dans une saucière de faïence blanche.
Il eut un regret en songeant à Suzanne, à son père, à sa mère et à son petit lit, mais son coeur était plein de curiosité.
Le géant pénétra dans une caverne, Croquin fut ébloui. Elle était tapissée de cristaux. Et là se trouvait une grande paillasse. Le Masque géant s'y laissa tomber et tout de suite ronfla très fort. Croquin ne tarda pas à s'endormir.
Il s'éveilla le lendemain à l'aube. Le petit garçon était resté cramponné au battant de la cloche, couché dans le renflement de bronze comme dans un berceau. Et maintenant, il était balancé par les pas du Masque géant qui redescendait dans la vallée.
Croquin reconnut son village. Il eut juste le temps de dégringoler le long d'une jambe et de courir vers son chalet.
Sauf la petite Suzanne, personne ne s'était aperçu de son absence. Il lui raconta son voyage clandestin à l'intérieur de la cloche et tout ce qu'il avait vu dans la montagne.

- Je voudrais y aller aussi, dit-elle.

- C'est trop dangereux pour les filles ! répondait Croquin.

Mais les villageois étaient très fâchés contre le Masque géant qui se moquait d'eux, les volait à tour de bras, et ne souffrait nullement de leurs coups de fusils.
Quand il revint pour la cinquième fois, les hommes roulèrent des tonneaux de vin à ses pieds. Et ce vin, fait avec un raisin mûri sous les roches ensoleillées, était tellement bon que le géant ne put s'arrêter d'en boire. Il vida les tonneaux.
Et il ne put plus se relever. Il restait étendu de tout son long dans la rue du village. Alors les paysans attachèrent les bras et les jambes de géant avec de solides cordes.

- Il ne pourra plus repartir et nous lui ferons son procès ! dirent-ils.

Et ils lui passèrent encore une corde autour du ventre et la fixèrent au clocher.
La neige tomba. Les flocons épais comme des pelotes de laine recouvrirent le corps de Masque géant.
Mais Croquin et Suzanne allèrent pendant la nuit, avec leurs canifs, couper les cordes du prisonnier. Puis ils se cachèrent dans sa cloche, où ils purent se loger tous les deux en se serrant.
Ils avaient oublié de trancher la corde qui reliait le géant au clocher. Quand il se releva , le clocher s'écroula et ses cloches roulèrent dans le torrent avec un carillon épouvantable.
Croquin et sa soeur pénétrèrent ainsi dans le domaine du Masque géant et purent tout à loisir en admirer les merveilles.
Le géant fut bien heureux de faire leur connaissance. Il les remercia de l'avoir délivré. Il leur donna une très jolie chambre tapissée de cristaux roses, verts et bleus, et leur ouvrit une armoire taillée dans le roc, ornée de stalactites aux formes de fleurs. Elle était pleine de jouets.
Mais Croquin fut très étonné d'y voir le ballon qu'il avait perdu un jour, et Suzanne d'y reconnaître sa poupée qu'elle avait tant pleurée ! Ils retrouvèrent encore le petit tracteur de leur ami Damien, la boîte à ouvrage de leur cousine et le fichu brodé de la fille d'Apolline. Et quand le géant se mit à faire cuire la soupe sur un feu de bois, ils constatèrent que le chaudron de cuivre était celui de leur grand-mère.

- Il est un peu voleur tout de même ... chuchota Suzanne à l'oreille de Croquin.


Au village, on devina ce qui s'était passé. Et quand le Masque géant revint pour la sixième fois, les parents le supplièrent à genoux de leur rendre leurs chers petits enfants.
- Les chers petits enfants me tiennent compagnie, répondit-il. J'aime leur babil.
Ils sont polis, serviables. J'aime beaucoup ces chers petits enfants.

- Rendez-les nous ! Et nous vous donnerons tout ce que vous voudrez !

- Je n'ai besoin de rien. J'ai tout ce qu'il me faut. Et pendant l'été, les
chers petits enfants iront garder dans ma prairie, ma vache, mon veau, mon coq
et ma brebis.

Alors les parents lui apportèrent des tonnelets d'une liqueur faite avec l'armoise des rochers. Et cette liqueur était si délicieuse que le géant ne sut y résister.
Il finit par tomber raide au milieu de la rue, et il l'obstrua si complètement que les villageois durent faire un détour pour rentrer chez eux. Cette fois, ils l'attachèrent avec des chaînes et cette fois ils mirent quatre hommes pour le garder. Mais ces quatre hommes avaient aussi bu quelques gouttes de la liqueur et ils s'endormirent.
Quand ils se réveillèrent, le géant était toujours étendu et il continuait à barrer la rue. L'un des gardiens dit :

- Il dort encore !

- Enlevons - lui le masque, je voudrais voir sa vraie figure ... dit le second.

- Nous aussi,firent les deux autres, on voudrait bien la voir.

Le masque de bois était si lourd qu'ils avaient beaucoup de peine à le soulever.

- Hi-hu! Hi-hu ! soufflaient -ils.

- Tu as sûrement abattu le roi des sapins pour te tailler un masque pareil !

- Hi-hu ! Enfin ...

Mais derrière le masque, il n'y avait rien.
Rien. Personne.
Rien non plus dans la tunique en peaux de boucs et de chèvres.
Il n'y avait qu'une petite place vide au milieu de toutes ces fourrures, ces rembourrages, ces rouages , ces poulies et ces ficelles, rien qu'un vide où pouvait tout juste se glisser un corps d'homme.
Les quatre gardiens s'y glissèrent à tour de rôle.

- Alors, s'étonnèrent-ils, c'était un homme pas plus grand que nous ?
Un homme comme nous !

A cette nouvelle, la stupeur emplit le village.
Qui était cet homme ?

- C'est peut-être Zéphyrin ... dit un vieux.

- C'est Zéphyrin !

- On le croyait parti aux Amériques. Un pauvre orphelin !
Et les villageois n'avaient pas toujours été bons pour lui. Ils avaient même été méchants.
On se souvint aussi qu'il avait demandé la fille d'Apolline en mariage et qu'elle lui avait ri au nez.
Et chacun commençait à regretter ses torts .... lorsqu'on entendit un joyeux bruit de cloches.
De la montagne descendait Zéphyrin, redevenu un homme comme tout le monde, pas plus grand que tout le monde. Mais avec un petit sourire pas comme tout le monde. D'une main,il tenait la jolie Suzanne et, de l'autre, le courageux Croquin.
Et venait derrière eu x: la vache du président, le veau d'Apolline, la brebis du conseiller, le coq du curé.

- Bonjour, bonjour! dit Zéphyrin. Je vous ramène les chers petits enfants.

Et le coq poussa un sonore cocorico, car le soleil se levait.


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Avril 2013 à 14:30:31
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A livre ouvert

Approche, approche, n'ai pas peur. Oui c'est bien à toi que je parle, toi qui tiens ce livre entre tes mains. Non, surtout ne le ferme pas, je ne te veux aucun mal. Tu ne peux pas savoir comment cela me fait plaisir de te rencontrer, de pouvoir enfin parler à quelqu'un. Il fait si sombre ici.
Oh non ne tremble pas, je ne suis qu'un petit elfe inoffensif. La vilaine sorcière Sirata m'a jeté un sort alors que j'errais dans la forêt à la recherche de champignons pour le dîner. Depuis je suis enfermé dans ce livre dans l'attente que quelqu'un l'ouvre pour enfin me délivrer. Et te voilà. Je suis si heureux.
Comment? Tu veux savoir comment je m'appelle? Citronie. Je te vois sourire. Tu le trouves marrant comme nom. Il m'a été donné en rapport avec le citron que je porte toujours sur le dos et qui me sert de nid douillet. Tournes la page et regardes, il s'ouvre par le milieu et je m'y glisse comme ça. On y est très confortable. Tu dis? Tu veux aller dedans. Promis, des que je sors d'ici, je te laisse pénétrer dans mon petit nid en forme de citron. Pour l'heure il va falloir que tu m'aides. Mais surtout n'en parles jamais à personnes, ça doit rester secret, et si tu tiens promesse, on pourra se revoir autant de fois que tu le souhaiteras et je te ferais visiter mon monde. Je vois ces étincelles dans tes yeux. Non ne dis rien, je sais. Alors écoute moi bien.
Pendant que j'étais enfermé dans ce livre, j'ai traversé et pénétré chacune de ces pages et j'y ai rencontré du monde, plus ou moins sympatiques, des monstres même que j'ai du affronter pour passer à la page suivante, et arrivé à la page 112, ah oui la page 112, je ne l'oublierai jamais cette page là, se tenait devant moi un druide. Je m'approcha de lui et m'apprêtais à lui raconter mon histoire quand celui-ci m'interrompit pour me dire qu'il savait tout. Depuis que j'avais été enfermé dans ce livre, il avait senti ma présence et lu dans mes pensées et il m'attendait. Et c'est là qu'il me délivra le secret pour sortir d'ici. Alors voilà, ouvre bien grand tes oreilles. Il faudrait que tu trouves de l'eau, mais pas n'importe laquelle, pas de l'eau du robinet ni celle que l'on trouve dans les rivières, lacs ou mers mais de l'eau de pluie. Pourquoi tes yeux s'attristent ? Il fait un grand soleil dehors. Oh non, c'est vraiment pas de chance. Pourquoi le sort s'acharne encore contre moi. Je suis désemparé, je... Ah qu'est ce qui se passe ? Arrête de crier, que t'arrives t'il ? Tu dis ? Le temps est en train de se couvrir. Il se met à pleuvoir. Oh ! Miracle. Serait ce un tour du druide ? Oui j'en suis sûr, merci Mr le druide, je sais que vous m'entendez, merci, merci, merci. Allez mon petit sauveur, va vite cherche de l'eau de pluie que tu déposeras sur ton doigt. Tu as fait vite dit donc. Maintenant fait la tomber sur moi et je serais enfin hors de ce livre.
Wouah ! Je peux enfin bouger, courir, sauter. Merci, vraiment merci, je vais vite rejoindre les miens qui doivent s'inquiéter et promis, je reviens te voir demain et te ferais découvrir mon monde. A demain mon petit sauveur.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Avril 2013 à 14:36:34
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Le voyage de la souris bleue

Au temps où les grandes prairies vibraient sous les sabots de milliers de bisons, un petit peuple de souris vivait dans une clairière odorante. L'été à l'abri des grandes ombelles de carottes sauvages et l'hiver dans de chaudes galeries protégées du froid par une épaisse couche de neige.

Les souris se réunissaient le soir pour couiner doucement en choeur. La journée elles travaillaient efficacement à ramener graines, pignes et cosses boursouflées. Elles s'aimaient aussi, quand la saison le voulait et élevaient leurs petits avec des gestes ancestraux ponctués de quelques tendresses.

L'un d'entre eux, la souris bleue, était né un jour de printemps dans l'herbe tendre. Eduquée patiemment par ses aînées, elle savait, aujourd'hui, danser avec ses compagnes et mesurer son pas dans les sentiers.

Un matin, alors qu'elle fouinait dans la corolle d'un pissenlit, ses oreilles se dressèrent. Mêlée au sifflement de la brise une rumeur se logea au fond de sa poitrine et ne la quitta plus. Elle l'entendait imperceptiblement, comme parfois le battement de son cœur, le soir, avant de s'endormir.

" Entends-tu ce bruit bizarre ? "
demanda-t-elle à l'une de ses sœurs.
Mais cette dernière, trop occupée, ne lui répondit pas.

" Dis-moi, entends-tu comme moi ce bruit, tout là-bas vers la lisière ? "

" C'est le bruit de cette racine qui croque sous ma dent !" objecta, moqueuse, une seconde souris.

La troisième lui dit qu'elle était folle, qu'il n'y avait aucun bruit dans la clairière et qu'elle ferait mieux de s'occuper de ses affaires de souris.

Elle décida alors d'oublier cette mélodie. Son museau fouilla la terre chaude et elle remplit trois paniers tressés de graines dodues. Dans une hutte d'herbe elle retrouva quelques-unes de ses sœurs pour préparer le repas. Sous les pattes agiles les enveloppes des graines craquaient et les langues allaient bon train.

C'est en profitant d'un rayon de soleil échappé à la chaleur de midi que, discrètement, la musique rattrapa la souris bleue. A l'heure de la sieste, alors que toutes ses sœurs étaient calfeutrées dans leur sommeil, elle s'aventura, seule, jusqu'à la lisière de la forêt.

S'enroulant autour des vieux arbres, se faufilant entre les troncs un cortège de notes émergeait des profondeurs du bois.

" D'où venez-vous ? " - " Qui vous chante ainsi ? " s'exclama-t-elle en bondissant de l'une à l'autre. Puis elle s'arrêta.
Devant elle se tenait un lièvre aux yeux vifs et brillants comme deux étoiles:
" Pourquoi veux-tu le savoir, petite ? "

" Pour prouver à mes sœurs que je ne suis pas folle et comprendre ce qui me remplit le cœur ! "
balbutia-t-elle.

" Alors viens et suis-moi ! "

En faisant volte-face le lièvre s'élança vers l'obscurité de la forêt. La souris bleue hésita. Une note caressa son oreille et elle se retrouva trottant derrière son guide. Une humidité froide raidissait ses poils. Du sol spongieux montait la senteur de l'humus et des champignons.

Quand l'herbe remplaça la mousse sous les pattes roses de la souris, le lièvre, d'un bond, disparut. Les arbres s'espacèrent et Souris Bleue continua son chemin. En débouchant à l'orée de la forêt, elle reçut la réponse à sa question. Au fond d'un petit vallon verdoyant se déroulait un long ruban bleu duquel naissait ce chant qui l'avait mise en marche. Des notes cascadaient hautes et claires, d'autres, sourdes et profondes, roulaient jusqu'à elle.

Médusée, elle descendit sur la rive et s'installa sous un iris jaune.

" Bienvenue à toi petite sœur ! "
croassât une grenouille.

" Oh ! Qui es-tu ? "

" Je suis la gardienne de la rivière."

"Tu habites le plus bel endroit du monde ! "

C'est vrai !
Ma rivière est belle mais les montagnes sacrées, là où jaillit sa source, sont infiniment plus belles.

"Montre-les-moi ! "

La grenouille éclata de rire.
" Pour les apercevoir, tu devras sauter plus haut que le plus haut de tous ces arbres. "

"J'y parviendrai. Apprends-moi ! "

Le soleil se coucha, la lune se leva et traversa les quartiers du ciel. A l'aube, sous l'éclat de la dernière étoile, après toute une nuit d'intense préparation, la souris bleue comprit qu'elle était prête.

Un rayon d'or frappa les montagnes sacrées. Elle sauta encouragée par la grenouille. Une force sans nom la projeta dans l'air. Elle monta, monta, au-delà des brumes, au-delà des cimes bruissantes de la forêt. Les montagnes étaient là, majestueuses et immobiles.

Fugace vision. Un instant plus tard, Souris Bleue retombait dans le courant de la rivière. Elle suffoquait. Le poids de sa fourrure mouillée l'entraînait vers les profondeurs. Affolée, elle se débattait pour maintenir sa tête hors de l'eau. Elle eut la vie sauve grâce à un roseau auquel elle s'agrippa et qu'elle utilisa pour rejoindre la terre ferme.

" Pourquoi tu m'as fait ça ! ? J'ai failli mourir ! Tu savais que je retomberais dans la rivière, Grenouille ! "

" Regarde ! Tu es saine et sauve. Ne laisse pas la peur t'emporter et la colère te noyer ! Qu'as-tu vu là-haut ? "

La souris s'apaisa.
" J'ai vu les montagnes sacrées. Bleues ! Elles sont bleues, comme moi ! "

"Oui "
dit la grenouille
" Aujourd'hui je te nomme " Celle qui saute ".
Va et n'oublie pas ta vision.

" Je n'oublierai pas et je pars.
Je suis très impatiente de partager avec mes sœurs cette découverte que je te dois. "


Dans la clairière aux souris les petits animaux prenaient le repos vespéral. La souris bleue arriva, bondissante, une flamme claire dans le regard.

" Sœurs, mes sœurs écoutez-moi ! L'aventure que je viens de vivre est si étrange. La musique ! La musique... je sais : l'eau est sa mère et la grenouille sa gardienne. Ecoutez-moi, écoutez-moi ! "

Tout doucement les souris se rapprochèrent l'une de l'autre en se lançant des regards étonnés. Cette créature qui cabriolait par-dessus les herbes sèches en tenant des propos incohérents était-ce bien Souris Bleue ? Ses yeux brillaient d'une drôle de lueur et elle avait un comportement si bizarre... elle était sûrement dangereuse... oui, c'était cela... elle était folle... et si c'était contagieux ?

La pauvre petite souris eut beau parler, s'expliquer, seul le vent l'écoutait. Elle était maintenue à l'écart. Chacun la fuyait.

Peu à peu elle dût s'y résoudre, ses sœurs ne l'accueilleraient plus.

Une nuit, silencieusement elle quitta le monde des souris.


Si plate, si large, si sèche : La plaine

A présent, une étendue jaune séparait la souris bleue des montagnes qui fermaient l'horizon. Comment ferait-elle pour traverser, pour rejoindre, comme elle se l'était promis, cette fabuleuse chaîne.

Gorgée de courage, elle plongea dans l'immensité de la plaine. Elle courait droit devant elle, sans réfléchir, déterminée, les oreilles aplaties sur sa nuque, lorsqu'elle buta dans une masse brune et laineuse que les hautes herbes avaient dissimulée à sa vue ; un bison. Une bête au poil terne et mité, couchée sur le flanc, haletante et sans force. Son front était surmonté de robustes cornes noires et un voile nacré, sur ses yeux, cachait son regard. Le cœur de la souris s'émut de pitié :

" Pauvre bison, comme te voilà fait ! Tu as l'air si malade. De quoi aurais-tu besoin pour te remettre ? "

" Je suis aveugle, je ne peux m'orienter. Un long jeûne m'a affaibli et mon voyage s'arrête ici. Je vais bientôt mourir. A toi donc je dirai le remède. Seul l'œil d'une souris pourrait me rendre la Vie."

L'émotion la noua.

" Oh non ! Pas ça ! Donner un de mes yeux ? Devenir borgne ! "

Ventre à terre, la souris s'enfuit. Puis s'arrêta.

" Et pourquoi pas ? J'aurai toujours mon deuxième oeil ! "

Elle revint sur ses pas. Elle n'était qu'à quelques mètres de l'animal gémissant, quand son oeil droit, quittant son orbite, alla se ficher instantanément dans celle du bison. Le maître de la plaine se leva ayant retrouvé toute sa force et sa beauté.

" Souris, tu m'as sauvé la vie ! Où tes pas vont-ils se diriger maintenant ? "

" Vers les montagnes de l'horizon. "

" C'est bien loin ! Grimpe sur mon dos ! Je galoperai pour toi jusqu'à leur pied."

La petite souris se nicha dans le cou du bison, là où les poils sont si doux et la grosse bête s'élança.

A travers la plaine une nuée s'éleva sous le galop fracassant du bison. Grisée par la vitesse et le vent, Souris Bleue, folle de joie, s' agrippait de toutes ses forces à la toison de son vigoureux guide.

" Plus vite, plus vite ! ..."

Et le bison filait. Même les étoiles, marraines du sommeil ne l'arrêtèrent pas. La souris perdit la notion du temps.

Une aube se levait lorsque le silence l'éveilla. Le bison, fourbu, était agenouillé.

" Nous y voici, mon amie."

Etourdie, la souris contempla le pan vertigineux de la plus haute des montagnes bleues qui se dressait devant eux.

" Ici s'arrête mon domaine. Je dois te quitter petite souris."

" Bison mon ami, je n'ai plus qu'un seul oeil et ces montagnes sont si hautes. Comment faire pour arriver jusqu'aux sommets qui cachent la source de la rivière ? "

" Cultive en toi le profond désir de cette réponse. Adieu ! "

Et bientôt le bison n'était plus que roulement de sabots et point brun à l'horizon.

" Celle qui saute " se remit courageusement en route. La roche était coupante et dure à ses pattes fragiles, la pente raide la laissait essoufflée. La beauté d'une fleur d'argent, le ciselé délicat d'une feuille, captés par son oeil unique, la remplissait d'espoir.

Elle ne s'arrêta qu'au crépuscule lorsqu'elle entra dans l'ombre d'une grande silhouette grise. Un loup était devant elle, immobile. Elle resta pétrifiée.

" J'ai peur ! "
finit-elle par dire dans un souffle.

La silhouette du loup s'assombrit mais il ne broncha pas.

Elle reprit :

" Je suis " Celle qui saute " et j'aimerais ardemment rejoindre la source de la rivière. Me laisseras-tu poursuivre ma quête ? "

" Ne craint rien de moi. Je suis ici pour mourir et je ne t'attendais plus. "

La souris fut interloquée.
" Le loup l'avait-il donc attendue ? "

" Oui bien sûr puisque seul l'œil d'une souris pourrait me redonner vigueur et santé."

Une sorte de grande douceur triste envahit le corps et le coeur de " Celle qui saute ". Assise sur ses pattes arrières, elle ne bougeait pas. Son oeil coula sans bruit dans sa main et la nuit devint son univers.

Elle était aveugle.

Elle trembla. Puis, comme au ralenti, elle lança son oeil en direction de ce loup qu'elle ne voyait plus.

" Mon territoire va jusqu'au Grand Lac tout en haut des montagnes "

La voix du loup, claire et chaleureuse, vibrait d'une énergie retrouvée.

" Viens Souris Bleue, je te conduirai jusque là, je serai tes yeux et ton pas "

Tout en parlant le loup s'était approché de sa bienfaitrice. Avec délicatesse il la saisit entre ses crocs et s'éloigna. D'escarpements en ravins, d'éboulis crissants en sentiers à peine marqués, il avançait. Le cri aigu d'un oiseau, un caillou qui roule, le grondement d'un orage lointain ricochaient de paroi en paroi. L'écho d'une mystérieuse vie nocturne accompagnait leur voyage.

Dans la chaleur moite de la gueule du loup, la souris aveugle s'était détendue. Elle sentait le balancement de la course. La froideur de l'air fripait son museau si elle le dardait hors de son abri. Ses yeux étaient grand ouverts mais la lune avait beau se refléter en mille éclats sur le cristal des rochers, aucune lueur ne perçait plus la nuit de " Celle qui saute ".

De sa foulée tranquille le loup les avait amenés au bord du Grand Lac. Il déposa la souris sur une pierre plate, réchauffée par toute une matinée de soleil.

Elle reconnut immédiatement le chant qu'elle avait entendu, un après-midi, aujourd'hui si lointain, dans sa clairière natale. Les notes joyeuses et rafraîchissantes jaillissaient de la source sacrée dévalant les abîmes de la montagne.

" Cette nuit j'étais ton pas Souris Bleue. Maintenant, écoute mes yeux "

Pour elle le loup raconta le lac et la magie de ses verts profonds, la fougue et la transparence de la source. Les galets tout de douceur arrondie qui se laissent façonner par les vagues au cours des millénaires. Il dit les pics griffant le ciel, qui formaient une sentinelle sur la rive Nord du lac. En bas, la plaine jaune s'étendant vers le Sud, traversée d'un lacet miroitant. " Celle qui saute " réalisa alors tout le chemin qu'elle avait parcouru. Puis le loup se tut.

Bien avant qu'il se remette à parler la souris avait deviné son message.

" Ici s'arrête mon chemin, ma sœur. Je dois te quitter" .

" Loup mon ami, je n'y vois plus et l'aigle plane, à la recherche de nourriture. Comment pourrais-je lui échapper ? "

" Consens et tu connaîtras la liberté de ta conscience. Adieu "

Plaquée sur la pierre chaude, la souris sans yeux entendit le battement des grandes ailes qui s'appuyaient sur l'air. L'aigle royal. Sa peur enfla, monta de son ventre, envahit sa gorge et explosa dans sa nuque. Puis, plus rien. Tout peut arriver et tout est bien.

Quand l'aigle la saisit entre ses serres, elle s'évanouit.

Un éclair fendit les ténèbres. La lumière mangea l'obscurité tout entière. Le bleu, le jaune et le rouge, projetés de l'infini, se percutèrent pour exploser en une pluie scintillante de couleurs. L'air tourbillonnait dans un courant qui passa d'un froid mortel à la chaleur réconfortante de la Vie.

" Je vois. Je vois de nouveau "

Oui " Celle qui saute ", tu vois ! Et maintenant saute ! Saute comme je te l'ai appris.

C'était la voix de la Grenouille.
La souris n'y comprenait plus rien mais avec une force venue du plus profond d'elle-même elle s'élança. Elle se retrouva planant dans les nuages au-dessus des montagnes bleues. De sa vue perçante la souris aperçut un bison qui galopait dans hautes herbes et un loup qui zigzaguait entre les roches de la montagne. Et plus elle montait, plus le monde au-dessous d'elle mariait le lac à la montagne, la montagne à la plaine, la plaine aux forêts lointaines. La rivière, comme un fils chantant, les unissait les uns aux autres.

De chauds courants ascendants la berçaient. Elle était devenue Aigle.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Avril 2013 à 13:07:34
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La reine des abeilles

Il y avait une fois deux fils de roi qui s'en allèrent chercher les aventures et se jetèrent dans les dérèglements et la dissipation, si bien qu'ils ne revinrent pas à la maison paternelle. Leur frère cadet, qu'on appelait le petit nigaud, se mit à leur recherche; mais, quand il les eut retrouvés, ils se moquèrent de lui, qui, dans sa simplicité, prétendait se diriger dans un monde où ils s'étaient perdus tous deux, eux qui avaient bien plus d'esprit que lui.
S'étant mis ensemble en chemin, ils rencontrèrent une fourmilière. Les deux aînés voulaient la bouleverser pour s'amuser de l'anxiété des petites fourmis, et les voir courir de tous côtés en emportant leurs œufs; mais le petit nigaud leur dit : « Laissez en paix ces animaux, je ne souffrirai pas qu'on les trouble. »
Plus loin ils trouvèrent un lac sur lequel nageaient je ne sais combien de canards. Les deux aînés en voulaient prendre un couple pour les faire rôtir; mais le jeune s'y opposa en disant ; « Laissez en paix ces animaux ; je ne souffrirai pas qu'on les tue. »
Plus loin encore ils aperçurent dans un arbre un nid d'abeilles, si plein de miel qu'il en coulait tout le long du tronc. Les deux aînés voulaient faire du feu sous l'arbre pour enfumer les abeilles et s'emparer du miel. Mais le petit nigaud les retint et leur dit : « laissez ces animaux en paix; je ne souffrirai pas que vous les brûliez. »
Enfin les trois frères arrivèrent dans un château dont les écuries étaient pleines de chevaux changés en pierre; on n'y voyait personne. Ils traversèrent toutes les salles et parvinrent à la fin devant une porte fermée par trois serrures. Au milieu de la porte il y avait un petit guichet par lequel on apercevait un appartement. Ils y virent un petit homme à cheveux gris, assis devant une table. Ils l'appelèrent une fois, deux fois, sans qu'il parût entendre; à la troisième, il se leva, ouvrit la porte et sortit au-devant d'eux ; puis sans prononcer une parole, il les conduisit à une table richement servie, et, quand ils eurent bu et mangé, il les mena chacun dans une chambre à coucher séparée.
Le lendemain matin, le petit vieillard vint à l'aîné des frères, et lui faisant signe de le suivre, il le conduisit devant une table de pierre, sur laquelle étaient écrites trois épreuves dont il fallait venir à bout pour désenchanter le château. La première était de chercher dans la mousse, au milieu des bois, les mille perles de la princesse, qu'on y avait semées ; et, si le chercheur ne les avait pas trouvées toutes avant le coucher du soleil, sans qu'il en manquât une seule, il serait changé en pierre. L'aîné passa tout le jour à chercher les perles ; mais, quand arriva le soir, il n'en avait pas trouvé plus de cent, et il fut changé en pierre, comme il était écrit sur la table. Le lendemain, le second frère entreprit l'aventure; mais il ne réussit pas mieux que son aîné : il ne trouva que deux cents perles, et il fut changé en pierre.
Enfin vint le tour du petit nigaud. Il chercha les perles dans la mousse. Mais comme c'était bien difficile et bien long, il s'assit sur une pierre et se mit à pleurer. Il en était là, quand le roi des fourmis auquel il avait sauvé la vie, arriva avec cinq mille de ses sujets, et il ne fallut qu'un instant à ces petits animaux pour trouver toutes les perles et les réunir en un seul tas.
La seconde épreuve consistait à repêcher la clef de la chambre à coucher de la princesse, qui était au fond du lac. Quand le jeune homme approcha, les canards qu'il avait sauvés vinrent à sa rencontre, plongèrent au fond de l'eau et en rapportèrent la clef.
Mais la troisième épreuve était la plus difficile : il fallait reconnaître la plus jeune et la plus aimable d'entre les trois princesses endormies. Elles se ressemblaient parfaitement, et la seule chose qui les distinguât était qu'avant de s'endormir, l'aînée avait mangé un morceau de sucre, tandis que la seconde avait bu une gorgée de sirop, et que la troisième avait pris une cuillerée de miel. Mais la reine des abeilles que le jeune homme avait sauvées du feu vint à son secours: elle alla flairer la bouche des trois princesses, et resta posée sur les lèvres de celle qui avait mangé du miel : le prince la reconnut ainsi. Alors, l'enchantement étant détruit, le château fut tiré de son sommeil magique, et tous ceux qui étaient changés en pierres reprirent la forme humaine. Le prétendu nigaud épousa la plus jeune et la plus aimable des princesses, et il fut roi après la mort de son père. Quant à ses deux frères, ils épousèrent les deux autres sœurs.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Avril 2013 à 14:59:16
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Le collier de perles noires

Il était une fois une jeune fille très belle qui s'appelait Hina. Toutes les fées du ciel s'étaient penchées sur son berceau et l'avaient dotée de toutes les qualités : la grâce, la beauté, l'intelligence, la gentillesse. Jamais l'île de Raiatea n'avait connu de reine qui rassemblât autant de qualités.
À vingt ans, son cœur n'était pas encore pris, malgré la cour assidue que lui faisaient de nombreux prétendants. Un jour vint pourtant où Hina rencontra le jeune homme qui fit battre son cœur. Elle se fiança sans attendre et annonça la date prochaine de son mariage. En gage d'amour, le fiancé, très épris, lui offrit le cadeau le plus extraordinaire qui n'avait d'égal que les sentiments très purs qu'il lui portait. En découvrant son présent, Hina fut émerveillée. Ni tout l'or de son palais, ni les diamants de sa couronne, ni la splendeur de ses maisons, n'égalaient une telle merveille. De toute la Polynésie, nul pêcheur n'avait jamais imaginé que des perles d'une telle taille, d'une telle perfection pussent exister. Noires, elles étincelaient de mille éclats au cou de la reine, qui jura ne jamais plus se séparer de ce collier que tout l'or du monde n'aurait pu lui arracher.

Bien qu'elle en mourût d'envie, Hina, en accord avec son fiancé, décida cependant de ne porter ce collier qu'à partir du jour où leur mariage serait célébré. En attendant, ce collier inestimable serait gardé par des hommes en armes, qui le veilleraient jour et nuit.

Un jour, alors que Hina donnait audience à ses sujets, elle refusa la requête d'un homme, comme cela arrivait lorsque la demande ne lui paraissait pas justifiée. Or, cet homme n'était autre que Hiro, le roi des voleurs.

Après avoir été un prétendant éconduit de la jeune reine, Hiro subissait ici un second affront, qu'il ne pût supporter. Se sentant humilié, sa jalousie se transforma rapidement en haine, et Hiro résolut de se venger en s'attaquant à ce que la reine avait de plus cher : son collier de perles. Maître en matière de vols, après avoir déjoué tous les pièges et trompé la surveillance des gardes armés, il parvint par mille ruses à s'emparer du précieux bijou.

Tenant sa vengeance en main, et avant même que l'alerte ne fût donnée, Hiro gagnait déjà l'île voisine de Huahine, en pirogue.

Sur Raiatea, dès que le vol fut découvert et annoncé à la reine, Hina s'effondra, terrassée par une tristesse infinie. Avec le vol de son collier, c'est une partie de son cœur qu'on venait de lui prendre... et le voleur le savait !

Aussitôt, elle devina qui se cachait derrière ce méfait. Il n'y avait sur terre qu'une seule personne aussi audacieuse et capable de braver la surveillance de la garde royale. C'était bien sûr le terrible Hiro, le roi des voleurs. Sans plus tarder, Hina prit les recherches en mains et décida de lancer aux trousses du malfaiteur le plus impressionnant de ses molosses, une bête dont la force et le flair extraordinaires n'avaient d'égal que son imposante stature.

Immédiatement, le superbe animal se dirigea vers le bord de l'eau, pointant déjà le museau en direction de Huahine.
Sur cette île, Hiro se croyait à l'abri. Dès son arrivée, il avait dissimulé son prestigieux butin sous une pierre d'un poids impressionnant. « À cet endroit, pensa-t-il, nul ne saura jamais débusquer mon butin. Il n'existe personne sur terre qui soit aussi malin que Hiro, le roi des voleurs ! » Mais déjà s'approchait des rives de Huahine le molosse de la reine... La truffe grosse comme une noix de coco au vent, son travail apporta très rapidement ses fruits. Fuyant dans la montagne où se tenait son repère, Hiro était loin de se douter d'une conclusion aussi rapide... Le molosse s'arrêta à l'endroit même où Hiro avait dissimulé le précieux collier et, comme pour marquer le lieu précis où se cachait le trésor, il posa sa lourde patte sur la pierre. Une fois la pierre soulevée, Hina reprit son collier et épousa, comme il se doit, son fiancé bien aimé...

Depuis ce jour, on peut voir, sur l'île de Huahine, l'empreinte d'une patte d'un animal de taille impressionnante gravée dans cette roche bien connue.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Avril 2013 à 15:45:12
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Hervé le Noir

La mer grondait sur les récifs, le vent faisait rage dans la nuit, et la neige tourbillonnait à travers l'espace ; aussi les habitants du village de Penmark se tenaient-ils calfeutrés dans leurs maisonnettes bien chauffées.
Ce soir là, il y avait veillée chez la vieille Janik Le Kéroude; ; et tout en filant au coin du feu, les jeunes filles babillaient gaiement, tandis que les jeunes gens regardaient monter au plafond la fumée bleue de leurs pipes en bois."Oui ! dit tout à coup la vieille Janik d'un ton sentencieux, si nous avons ce temps affreux, c'est parce que Hervé le Noir, le magicien des temps passés, a tenté de ravir méchamment la Princesse Anne aux cheveux d'or, afin de s'emparer de ses richesses immenses. Car il fut un époque lointaine où ni le vent, ni la neige, ni la mer n'existaient ; et, sans doute, si Hervé le Noir s'était tenu tranquille en ses donjons, rien de tout cela n'existerait encore ; nous nous vivrions, comme les hommes des âges écoulés, sans connaître le froid ni les tempêtes."
Voici en effet ce que conta Janik, tandis que le jeunes filles déposaient leurs quenouilles et que les jeunes gens cessaient de fumer.
Jadis, à l'époque où la race des magiciens et des sorcières inondait le monde, vivait en ces contrées lointaines un enchanteur cruel qui se nommait Hervé le Noir. Les méfaits de ce méchant homme étaient innombrables. Par dessus tout, il avait soif d'or ; dans ses châteaux fortifiés, il entassait les trésors les plus rares volés par lui dans le monde entier. Or, au même moment, régnait sur une partie de l'Europe, un roi dont les richesses dépassaient toute imagination : le magicien les convoitait. Mais comment s'en emparer ? Des gardes armés veillaient autour de coffres pleins de diamants, et la puissance d'Hervé s'avanouissait devant les éclairs bleus d'une lame d'acier. L'enchanteur chercha longtemps et trouva un stratagème, comme le roi avait une fille merveilleusement belle, la Princesse Anne, le magicien imagina de la demander en mariage. Ainsi se disait-il, je recevrai une dot sans pareille, et je remplirai mon château de ces richesses nouvelles. Mais le roi refusa.
"Va-t-en, méchant ! s'écria-t-il. Ni ma fille, ni mon or ne sont pour toi. Et si tu entreprends contre nous quelque action traîtresse, prends garde à toi : j'ai un fils ! Tu connais la valeur du Prince Edgard ; il est aussi beau et aussi brave que Saint-Michel. Je le jure par mon épée et par mon sceptre, il saura, si puissant que tu sois, faire siffler son glaive autour de tes oreilles !"
Le magicien se retira, la rage dans le coeur : sa ruse aviat échoué. Il résolut alors d'enlever par la force la Princesse, pour ne la rendre ensuite que contre toutes les richesses de son père. Il partit donc.
Il s'en alla tout d'abord en des pays mystérieux, où nulle route connue des hommes ne conduisait. Dans ces régions lointaines, entamant le granit et le fer, creusant des fossés, élevant des tours, il bâtit un château fort à six enceintes.
"C'est là, dit-il que je l'enfermerai !"
Lorsque son terrible manoir fut édifié, durant la nuit, il traversa l'espace avec la vitesse de l'écalir et pénétra par une lucarne dans le château du roi. Les pas d'Hervé le Noir étaient silencieux comme le vol de la chauve-souris : nul ne put l'entendre. Le magicien, dont l'eoil perçait les ténèbres, entra sans encombre dans la chambre où dormait la jeune fille ; il la souleva si doucement dans ses bras qu'elle ne se réveilla même pas ; puis, prenant son élant, il franchi d'un bond formidable des milliers de lieues, et déposa la Princesse dans ses redoutables donjons. Qui pourrrait dépeindre le désespoir et la terreur de la jeune fille lorsqu'elle se réveilla ? Gémissant et sanglotant, elle supplia le magicien d'avoir pitié d'elle et de la rendre à ses parents bien-aimés. Mais rien ne put attendrir l'enchanteur.
"Vous allez écrire au roi votre père, dit-il, qu'il ait à faire transporter dans la plaine d'Armor en Bretagne, toutes ses richesses, sans en excepter le moindre collier de perles. J'irai les y prendre et vous renfrai la liberté. Mais si dans huit jours vous ne lui avez pas écrit, je vous tue !"
Sur cette menace, il s'éloigna, roulant des yeux farouches.
Mais la princesse Anne refusa d'écrire et se mit à prier.
Pendant ce temps, on la cherchait au château paternel. Les gardes parcouraient la campagne ; les suivantes allaient visiter tous les recoins du manoir ; tous les échos retentissaient du nom de la jeune fille. Qu'était-elle devenue ? Comment, pendant la nuit, avait-elle disparu ? On se perdait en vaines conjectures, et le roi et son fils silencieusement pleuraient.
Quatre jours s'écoulèrent. La Princesse Anne était toujours enfermée dans le donjon d'Hervé. Un matin, comme le soleil se levait, elle s'agenouilla dans sa chambre, tournée vers le bel astre radieux, et pria longtemps, implorant tout à tour les saints et les saintes du paradis. Puis elle s'accouda, triste et seule, sur l'appui d'une fenêtre qui dominait des rochers à pic hauts de cents pieds, songeant à ceux qu'elle aimait et qu'elle n'espérait plus revoir. Or, comme elle se rappelait les jours d'autrefois, un long soupir s'échappa de ses lèvres. Oh ! miracle ! Le faible soupir de la Princesse aux cheveux d'or, ce souffle léger sorti de ses lèvres roses, s'enfla, grossit éperdument, traversa l'espace, gronda sous le ciel, secouant les forêts et balayant le sommet des montagnes !... Dieu, de ce soupir, avait formé le vent impétueux... Le vent traversa le monde, et il alla gémir devant les fenêtres du château royal, où pleurait le père de la Princesse. Et ce dernier n'y prit pas garde. Mais Edgard entendit le bruit insolite et tressaillit.
"Oh ! s'écria-t-il avec désespoir, c'est le souffle de ma soeur aînée qui s'en est venu jusqu'à moi ! Où donc est Anne ? Où donc est la Princesse aux cheveux d'or ?"
... La Princesse était demeurée tout ensemble stupéfaite et émerveillée du miracle qui venait de s'accomplir.
"Hélas ! se disait-elle, puisque maintenant mon souffle parcourt au loin la terre, pourquoi ne lui confierais-je pas mon manteau de soie blanche ? Peut-être le prendrait-il pour le porter jusqu'à mon père."
La jeune fille, alors, détacha de ses épaules son grand manteau blanc, et le jeta par la fenêtre. Or, voici que le manteaux se sépara en mille parcelles, et ces parcelles en mille autres encore... Du manteau blanc, Dieu avait fait des flocons de neige qui maintenant tourbillonnaient dans l'espace...
La neige traversa le monde, elle aussi ; et elle alla couvrir de ses blancheurs le château royal, où pleurait le père de la Princesse. Edgard, immobile d'étonnement, reconnut soudain le doux parfum qui toujours s'exhalait des voiles de sa soeur.
"C'est elle, s'écria-t-il, c'est elle qui m'appelle à son aide ! Oh ! mon Dieu, exaucez-moi ! Où donc est la Princesse aux cheveux d'or ?..."
Seule à la haute fenêtre, les yeux perdus dans le ciel où le vent grondait, où la neige tournoyait, la princesse Anne, pleine de tristesse, gémissait toujours.
"Hé quoi ! murmurait-elle, me faudra-t-il dépouiller mon père ou mourir ici ? Mon Edgard, mon frère bien-aimé, ne pourrait-il me sauver ?"
Or, ses larmes coulaient et, sans qu'elle s'en aperçût, formaient des ruisseaux, puis des rivières, puis, tout à coup, une nappe d'eau immense et houleuse qui s'étendit à perte de vue devant elle. Dieu, de ses larmes, venait de créer la mer qui couvrit aussitôt la moitié du monde, et tout à coup les derniers flots allèrent lécher la muraille du château royal, où le père de la jeune princesse songeait à son enfant perdue. Edgard, l'adolescent aussi beau, aussi brave que Saint-Michel, comprit le miracle. Dans un transport de bonheur, il s'écria :
"Voici la route que je dois prendre ; je vais chercher ma soeur Anne !"
Au même instant, les flocons de neige tombant sur l'eau de la mer se rapprochèrent, se confondirent, et bientôt un bateau blanc se balança sur les ondes. Edgard sortit du château, monta dans la nef, ceint de son éblouissante épée, et le vent l'emporta vers le château du magicien...
Hervé le Noir, terrifié par tous ces prodiges où il reconnaissait un pouvoir supérieur au sien, tremblait comme une feuille.  Lorsqu'il vit arriver le jeune homme, il comprit que Dieu seul pouvait l'avoir amené jusque là. Il sortit alors du château et, lâchement, vint s'agenouiller devant lui pour demander grâce. Mais Edgard, sans presque le regarder, d'un coup d'épée lui trancha la tête. Au même instant, toutes les portes du manoir s'ouvrirent, les murailles se fendirent, et la Princesse Anne vint se jeter, souriante et radieuse, dans les bras de son frère... Quelques minutes après l'esquif de neige les emportait vers le château paternel...
Vous dire que le roi fut heureux, vous dire que la Princessse et le Prince Edgard continuèrent à s'aimer, vous dire que ce dernier devint un grand souverain et gagna beaucoup de batailles, vous dire enfin que tous trois vécurent dans la joie, adorés de leus sujtes, serait chose superflue, conclut la vieille Janik. Retenez seulement que c'est ainsi que naquirent le vent qui souffle, la neige qui tournoie, la mer qui gronde.

A. BAILLY
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Avril 2013 à 15:55:52
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La petite princesse Hildburg

Il y avait une fois au pays des Frisons un prince puissant et sage nommé Gockinga. Ce prince aimait beaucoup la pêche, ce qui n'est pas étonnant, car, dans ce pays humide et plongé dans les eaux, petits et grands pêchent du matin au soir et même du soir au matin.
La Frise, au temps du prince Gockinga, s'étendait bien plus loin qu'aujourd'hui la province de ce nom, elle était couverte de grands lacs et de sable. On y voyait peu d'arbres verdoyants, peu d'oiseaux, mais beaucoup d'eau aux flots transparents et beaucoup de poissons dans cette onde. - Dans le domaine du prince Gockinga se trouvait un vaste lac, où il se plaisait à surveiller les grandes pêches de ses vassaux et à les diriger lui-même, ce à quoi il s'entendait très bien, car il était savant en toutes choses.
Un jour qu'on devait donner un grand coup de filet, le prince fit préparer son chariot aux roues d'or et prit avec lui sa fille unique pour lui faire voir la belle pêche.
La princesse Hildburg n'avait que huit ans ; c'était la plus jolie enfant qu'on pût rencontrer. Elle n'était ni épaisse ni lourde comme la plupart des enfants de la contrée, mais mince et svelte comme une ondine, avec de longs cheveux plus soyeux que le lin et des yeux bleus à merveille. Son teint était si rose et si blanc qu'il surpassait en fraîcheur le teint de toutes les blonde Frisonnes.
Le père d'Hildburg aimait extrêment sa fille, il était veuf et n'avait pas d'autre enfant. Il voulait qu'on la parât des plus riches atours, souvent il envoyait ses vaisseaux sur mer jusqu'à Constantinople, tout exprès pour lui faire acheter de la soie ou du velours brodé.
Elle portait toujours une riche coiffure d'or, avec une croix de perles au cou et, comme elle aimait beaucoup le bleu, couleur du ciel, on avait soin de la vêtir d'une belle tunique azur. Elle avait une escarcelle au côté, des bottines de cuir jaune et une grande pelisse doublée de martre.
C'était en vérité, une jolie petite princesse et encore meilleure que jolie.
Elle aimait par dessus tout les pauvres... si sales, si déguenillés qu'ils fussent, elle se plaisait à les approcher, à leur parler familièrement et quand sa nourrice l'en reprenait elle disait :
- Ne vois-tu donc pas briller au milieu de leurs haillons, l'image de notre Sauveur ?
Hildburg était très pieuse ; quand on la conduisait à l'église, elle joignait ses petites mains devant l'autel et se plongeait dans une prière si fervente qu'on avait peine à l'en tirer.
Cela ne l'empêchait pas d'être gaie et rieuse, de folâtre dans le palais comme un charmant petit agnelet. Aussi on pense combien son père se complaisait en cet unique enfant.
Ce jour-là, assise près de lui sur son chariot, elle se tenait gravement et modestement comme une petite reine, saluant par un sourire ceux qui les saluaient en chemin, de sorte que les gens disaient :
"Le roi de France, l'enverra bien sûr demander pour être la femme de son fils, car il n'y aura pas sur la terre de princesse aussi accomplie que la nôtre, quand viendront ses quinze ans."
Le chariot aux roues d'or s'étant arrêté non loin du lac, le prince alla rejoindre les pêcheurs, et les dames de la cour conduisirent Hildburg dans un beau pavillon tendu de soie. Elles lui proposèrent de regarder les préparatifs de la pêche par une fenêtre grillée d'or, mais Hildburg préférait se promener dans la campagne.
Elle courut ça et là, cherchant des coquillages, ou s'amusant à marquer l'empreinte de son petit pied sur le sable fin.
Or, il advint qu'en jouant ainsi, elle s'écarta un peu de la rive et se trouva sur la lisière d'un pré où fleurissaient de jolies fleurs rose, blanches et jaunes, dont elle avait bien envie de cueillir un bouquet.
Comme elle allait entrer au milieu des hautes herbes, elle entendit un douloureux gémissement. Un petit garçon, qu'elle n'avait pas remarqué, était assis sur le bord du chemin ; il tenait sa jambe gauche à deux mains, son visage était couvert de larmes et ses cheveux en désordre... Il semblait bien pauvre et bien malheureux.
- Pourquoi pleures-tu ? demanda la petite princesse tout émue de compassion, tu t'es donc fait mal ?
- Hélas ! repris l'enfant, une couleuvre m'a piqué ; je voudrais faire saigner la plaie, mais je n'y parviens pas et ma jambe enfle déjà !
- Sais-tu ce qu'il faut faire ? demanda vivement Hildburg, il faut sucer le poison.
Et comme le petit pauvre hésitait, elle s'agenouilla bravement devant lui, posant ses lèvres sur la piqûre violacée.
En ce moment sa nourrice et quelques dames qui la cherchaient accoururent tout inquiètes... Elles s'arrêtèrent frappées d'admiration.
- Cela ne sera rien ! leur dit la petite princesse en se relevant, et ne me fera pas mal bien sûr !
Quant au mendiant, il s'était mis soudain sur ses deux jambes.
- Je suis guéri !.... s'écria-t-il, puis jetant un regard rayonnant de reconnaissance sur sa bienfaitrice, il disparut si vite qu'on ne put dire de quel côté il s'était dirigé.
- Pourquoi n'a-t-il pas attendu mes piécettes ? demandait Hildburg avec désappointement, il avait l'air si pauvre !
Ses femmes s'empressèrent de l'emmener pour lui faire boire du lait de brebis et des compositions médicales. Mais ces précautions étaient heureusement inutiles, le venin n'eut aucune action sur la charitable enfant.
Cependant on commençait à retirer le grand filet, Hildburg courut au rivage et s'amusa infiniment à regarder les beaux poissons, de toutes les formes et de toutes les couleurs, qui frétillaient sur le sable...
Tout à coup, un enfant, se faisant jour à travers la foule des pêcheurs, vint déposer aux pieds de la petite princesse un charmant poisson mince et argenté qui pendait au bout de sa ligne.
Hildburg jeta un cri de surprise : elle avait reconnu le petit mendiant et s'étonnait de le retrouver si beau. Ses cheveux dorés formaient comme une auréole autour de son front, son visage semblait tout céleste, à sa jambe nue se voyait encore une cicatrice rouge, mais il marchait si rapidement que ses pieds ne touchaient pas même le sable. Il sourit, montra le lac du geste, puis disparut, à la grande surprise de tous les assistants.
Hildburg prit le petit poisson qui s'agitait devant elle. Jamais on n'en avait vu de semblable dans la contrée, jamais on n'en avait pêché de cette espèce dans les eaux du lac.
La princesse courut le porter à son père.
A cette vue, Gockinga pâlit...
- Regardez, mon seigneur et père, disait Hildburg, les jolies écailles d'argent.
- Ce poisson vient-il du lac ? demanda le prince d'une voix tremblante.
- Oui, reprit un pêcheur, j'ai vu l'enfant le prendre tout au bord, avec sa ligne.
Le prince fit alors plusieurs questions sur l'enfant et sur cette pêche extraordinaire ; puis, quand on lui eut tout raconté, il ôta gravement sa toque, se tourna vers le peuple et dit :
- Remercions Dieu, mes enfants, un grand malheur nous menace, mais la divine bonté nous en avertit à temps ; nous pourrons au moins sauver nos vies.
Ce poisson que vous voyez, n'est autre que le hareng, habitant de la mer du Nord.
S'il a pu pénétrer dans ce lac et vivre dans ses eaux, c'est qu'une communication s'est établie avec la mer. Une grande inondation est prochaine... Dans quelques jours peut-être, nous aurions été tous engloutis, sans cette annonce d'en haut.
"C'est l'ange gardien de la princesse Hildburg que le bon Dieu a envoyé pour nous sauver !" murmura la foule.
Et tous, se jetèrent à genoux. - Les pêcheurs baisaient le bord de la tunique bleue de la petite princesse dont la charité avait fait descendre les anges du ciel pour le salut de son peuple.
Les mesures les plus sages furent prises par le prince, on recula devant le fléau, et, quelques jours après, quand la mer fut venue rejoindre le lac, elle n'engloutit sur son passage que des maisons abandonnées. La population tout entière s'était retirée avec ses bestiaux et ses meubles.
Plus tard, d'autres inondations achevèrent de submerger le pays, le golfe de Zuyderzée s'étendit là, où se trouvait la terre ferme et habitée, mais on oublia jamais, sur ses bords, la charité d'Hildburg, ni la prudence de son père Gockinga.
Aujourd'hui les ingénieurs hardi veulent entreprendre le dessèchement du Zuyderzée...
Espérons que la reconnaissance ne se tarira point avec les eaux ; c'est un sentiment qui honore un peuple.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Avril 2013 à 16:42:16
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Le voyage d'une goutte d'eau

Il y avait une fois une goutte d'eau.
La plus jolie goutte d'eau que vous ayez jamais vue, pure, transparente, brillante comme une perle liquide. Elle était tombée du ciel, avec beaucoup d'autres gouttes, un soir d'hiver qu'il pleuvait. Elle s'était arrêtée sur une feuille de rosier sauvage et se tenait là, immobile, toute ronde. Un vent froid avait dissipé les nuages ; la pluie avait cessé. Dans le ciel pur et glacé, la lune brillait, et ses pâles rayons faisaient étinceler notre goutte.
"Quelle froide nuit ! pensa la pauvrette. Je me sens geler !"
Elle gelait en effet. Et, quand vint l'aurore, quand le pâle soleil d'une matinée d'hiver éclaira la terre toute blanche de givre, la petite goutte d'eau était devenue une perle de glace, dure et limpide comme du verre.
Cependant, à mesure que le soleil montait sur l'horizon et versait sur la nature entière ses rayons tièdes, le froid devenait moins vif, l'air moins âpre.
"Tiens ! se dit la petite goutte d'eau, il me semble que je me dégourdis, que je redeviens une jolie gouttelette, libre de rouler, de courir où bon me semble."
En effet, le givre craquait de toute part, il fondait et s'égouttait de partout. Notre goutte d'eau toute joyeuse se pénétrait de chaleur, achevait de fondre. La voilà fondue, la voilà libre !
La première chose qu'elle fit, fut de se laisser rouler le long de la feuille du rosier et de tomber à terre. Elle avait aperçu, à quelques pas, une jolie mare pleine d'eau claire, où barbotaient les canards d'une ferme voisine. C'est là qu'elle voulait aller.
Tantôt roulant le long des brins de gazon, tantôt serpentant à travers les pierres, après mille détours, notre voyageuse finit par arriver sur le bord. Elle se laissa aller à la pente, et la voilà mêlée, confondue parmi les millions de gouttes qui formaient la petite mare.
Combien d'heures, combien de jours passa-t-elle dans cette paisible retraite ? Elle ne l'a jamais su. Les petites gouttes d'eau ne savent pas compter. Elles ne savent que courir joyeusement au gré du hasard.
Un matin, la fermière apparut au bord de la mare, un baquet à la main. Elle le plongea dans l'eau, le remplit et l'emporta : notre goutte d'eau y était prisonnière.
La fermière trempa dans le baquet un paquet de linge sale, le lava, le savonna, puis, quand il fut bien propre, elle alla l'étendre sur la haie du jardin, pour qu'il séchât. Notre amie la gouttelette était justement cachée dans la trame d'une grande nappe blanche.
Le soleil donnait en plein sur la haie, ses rayons frappaient le linge, qui s'échauffait peu à peu et commençait à fumer.
"C'est singulier, se disait notre goutte d'eau. Je me sens devenir plus grande et plus légère et je ne tiens pas en place, il me semble que je vais m'envoler.
C'est ce qu'elle fit en effet. La chaleur du soleil séchait le mouchoir. Chacune des gouttes d'eau que renfermaient les mailles se changeait en une légère buée, en une vapeur semblable au brouillard et se perdait dans l'atmosphère. Notre petite amie faisait comme les autres. Elle s'élargissait, elle devenait une petite vapeur, elle quittait le mouchoir et la haie et la terre, elle montait dans le ciel bleu comme un fin brouillard.
Comme elle monta haut ! Plus haut que le toit de la ferme, plus haut que le clocher de l'église, plus haut que ne volent les hirondelles, toujours plus haut.
A force de monter, elle arriva près d'un grand nuage gris qui flottait dans le ciel et se promenait doucement, poussé par la brise.
La petite goutte, en approchant, vit qu'elle était dans un pays de connaissance : ce gros nuage était fait d'un multitude de petites gouttes d'eau que le soleil avait changées, comme notre amie, en de légères vapeurs, et qui étaient montées comme elle dans le ciel.
Toute heureuse, elle se mêla à la troupe de ses compagnes, elle devint un petit morceau du nuage et commença à planer tranquillement, dans le ciel immense, au-dessus des champs, des collines et des bois.
Que devint-elle ensuite ?
C'est ce que nous verrons une autre fois.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Avril 2013 à 13:24:24
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Le génie des montagnes

On approchait de l'époque à laquelle, chaque année, les oiseaux du Nord émigrent vers le Sud, en traversant les hautes montagnes. Le Génie qui les gouverne était tout pensif : tous les ans malgré les ordres très sévères qu'il publiait, un véritable massacre d'émigrants avait lieu. Le peuple toujours rebelle des aigles, des éperviers, des milans et des gerfauts trouvait sans cesse de nouveaux prétextes pour désobéir. Une année, les rapaces inventèrent que le rossignol s'était moqué d'eux ; une autre fois, qu'une grande troupe d'hirondelles, se croyant fortes par leur nombre, avait voulu leur livrer bataille.
De sorte que, tous les ans, quand le Génie des montagnes descendait dans la plaine pour prévenir les oiseaux migrateurs que la route était libre, et qu'il leur garantissait protection et assistance, il avait grand'peine à pleinement tenir parole. Et de là, récriminations, plaintes, et grande méfiance. Cet état de choses était fait pour mortifier le Génie des montagnes ; il alla donc demander conseil au Génie des eaux, lequel, voyageant beaucoup, en savait plus long que tous les autres.
"Descends tout d'un trait ves la plaine, dit le Génie des eaux, tu y trouveras une belle chaumière, où travaillent deux hommes. Regarde bien, et tu sauras !"
Le Génie des eaux disparut.
"Quel original !" se dit le bon Génie des montagnes, qui, lorsqu'il devait donner conseil, était moins laconique et plus courtois.
Toutefois, comme il savait qu'il est interdit aux Génies de se moquer les uns des autres, il ne douta pas que les paroles de son frère ne renfermassent le germe d'une idée précieuse : il se mit en route. Il marcha, marcha et arriva en vue de la grande chaumière annoncée. Il entendit une respiration rythmée et forte qui sortait de l'intérieur, et il lui vint une bouffée d'air qui le renversa presque.
"Diantre ! Diantre ! fit le Génie, que se passe-t-il donc là ?"
Il vit, en réalité, un prodige qu'on n'avait pas encore aperçu : la chaumière s'ouvrit et il en sortit, avec un grand bruit, un immense oiseau d'or qui, au premier abord, ressemblait à une cigogne de gigantesques proportions.
L'oiseau passa rapidement, en effleurant le sol, puis, léger et frémissant, il s'éleva, volant droit et hardi comme une flèche ! Avant que le Génie eût eu le temps de rien comprendre, il disparut au loin dans le ciel. Son vol était léger, paisible et majestueux comme celui du condor ! Mais une aile de condor, bien qu'appartenant au plus grand des oiseaux de proie, n'avait encore jamais atteint une aussi fantastique dimension, et le Génie des montagnes, qui s'y connaissait, n'en n'avait pas encore vu un qui fût apprivoisé et qui consentît à porter deux hommes sur son dos.
"Oh ! oh ! murmura le géant, qui demanda aussitôt des explications à son ami le Vent qui passait par là."
"Explique-moi cette aventure ? dit le Génie, je crois avoir rêvé :"
- Tu veux parler de ces deux hommes à cheval sur leur oiseau ! Ce sont deux amis à moi. Nous faisons là-haut des courses ensemble.
"Si tu savais tous les mauvais tours que j'ai joués à mes amis, avant qu'ils ne fussent mes amis ! A vrai dire, il me déplaisait fort de voir des étrangers pénétrer dans mon domaine. Depuis que le monde est monde, j'ai toujours été libre seigneur de l'air et les seuls oiseaux avaient l'autorisation d'y séjourner avec moi. Il y eut bien quelques essais tentés par les hommes : ils lancèrent une certaine bulle de savon, extrêmement grande, au-dessous de laquelle était accroché un panier qui les portait. Ce fut vraiment d'un haut comique ! Ils voulaient aller d'un côté, et je les emportais de l'autre ; ils voulaient s'élever, et je les forçais à descendre.
- Je comprends, dit le Génie, pensif.
- Cela n'a pas pu durer lorsque les hommes irrités inventèrent les oiseaux. Depuis lors, nous sommes devenus amis. Si, parfois (tu sais que je ne suis pas toujours poli), il m'arrive de prendre mes longues jambes dans leurs engins et de faire quelque maladresse, je t'affirme que je n'en suis pas le bon marchand. Ce qu'il y a de sûr, c'est que si, comme tu le prétends, je suis un sauvage, j'ai toujours admiré l'intelligence et le courage. Vois plutôt comme j'agis avec les hommes des bateaux à voiles ?
- C'est entendu, mais quelquefois pourtant tu arraches la voile et tu fais sombrer la barque, dit le Génie qui avait bonne mémoire et qui ne voulait pas qu'on lui en fît croire. tu as été barbare et tu l'es encore. Mais, revenons à nos affaires ; pourrais-tu me faire causer avec cet oiseau colossal, me faire parler à cette cigogne ?
- Il s'appelle aéroplane, et non pas cigogne ! Et il y en a plus d'un, le sais-tu ?
- Il y en a plus d'un ?
- Il y en a une légion !"
Maintenant que le Génie des montagnes avait appris ce qu'il désirait savoir, il osait faire de nouveau la grosse voix.
Il retourna en toute hâte dans ses terres, il grimpa d'un trait jusqu'au sommet du Pic de l'Aigle, et, faisant de ses mains devant sa bouche un porte-voix, il cria avec tout ce qu'il put réunir de souffle :
"J'ordonne à tous mes sujets de venir ici pour tenir conseil."
Puis il s'assit sur un rocher, pensant à son dur métier.
Il attendit pendant trois jours et trois nuits. Au bout de ces trois fois vingt-quatre heures, les aigles, les éperviers, les milans, les gerfauts et les autres membres du clan des voraces ailés se décidèrent à obéir. Ils vinrent par groupe, en volant : leur mauvaise humeur rendait leur bec plus crochu que jamais et ils aiguisaient leurs griffes sur des roches : ils formèrent tous un grand cercle autour du Pic des Aigles où était assis leur suzerain, et le plus vieil épervier s'avança, et dit avec dignité :
"Tu peux parler."
Le Génie des montagnes parla. Il fit un magnifique discours, digne d'un grand diplomate ; il faut pourtant avouer qu'il renfermait de nombreux mensonges.
"Mes chers sujets, vous savez combien je vous aime ; vous n'avez de même pas besoin de m'affirmer votre soumission, votre fidélité à obéir aux lois, et l'empressement avec lequel vous exécutez toujours mes ordres. A peine vous ai-je appelés et vous voilà déjà réunis ici, ce qui est la preuve évidente du respect que vous éprouvez pour moi. Vous me donnez de même la plus grande preuve de respect, en protégeant, chaque année, à cette époque, la foule des pauvres oiseaux migrateurs qui traversent mon territoire, et que je confie à votre escorte.
"Je viens de prendre la résolution de vous accorder, comme récompense solennelle pour tant de services rendus, un repos bien mérité. A partir d'aujourd'hui, la défense des oiseaux voyageurs est confiée à une légion d'oiseaux beaucoup plus grands et plus forts que vous, que j'ai enrôlés à cet effet. Vous voilà avertis.
"Remerciez-moi de la bonté que j'ai eue de penser à vous épargner de nouvelles fatigues, et éloignez-vous tous, non sans avoir crié, ainsi qu'il convient à des sujet dévoués : "Vive le Génie des montagnes, notre maître bien aimé !"
Ce discours ne manqua pas son effet. Ils crièrent tous ensemble :
"A bas le Génie des montagnes !"
Toutefois, le Génie paraissait si convaincu d'avoir prononcé des phrases persuasives, que le vieil épervier, après avoir jeté, autour de lui, un coup d'oeil intimidant à tous le silence et l'attention, s'avança et entama la discussion :
"Tu dois savoir, mon cher Génie, que, depuis que le monde est monde, les moucherons n'attaquent pas les aigles. Donc, si tu crois que nous redoutons les condors...
- De quels condors parlez-vous ? dit le Génie en s'esclaffant, car il éprouvait une immense jouissance à entendre ce rodomont traiter de moucheron un oiseau ayant le double de sa taille. Le condor se distinguerait à peine à côté des oiseaux que j'ai engagés."
Le vieil épervier ouvrit le bec, mais il le referma tout de suite, par prudence : si le condor disparaissait auprès de ces êtres extraordinaires, la chose méritait d'être examinée.
"Sachez, telle fut la conclusion du Génie, que ce sont les condors des géants !"
"Miséricorde !" se dit tout bas le vieil épervier. La foule des rapaces vit rouler ses yeux. Il s'éleva un tumulte : "Le vieil épervier a peur ! Il a peur !" On sait que la peur est la pire maladie qui puisse frapper un épervier, d'autant plus qu'elle est contagieuse, et que les aigles, les milans et les gerfauts en meurent tout comme nous pouvons mourir d'indigestion.
Le Génie satisfait profita de ce bouleversement général pour décamper. Il entendait d'ailleurs venir le Vent, qui, en fieffé menteur, semait la terreur sur sa route pour la rendre libre et sûre.
"Je les ai vus ! Moi-même, je les ai vus ! Ce sont les oiseaux des hommes, et leur respiration fait le bruit du tonnerre, tant ils sont grands et forts ! Les voici ! Ils accourent en masse derrière mes épaules. Sauvez-vous !"
Ce fut une déroute générale parmi les voraces. Au lieu d'élever leur vol dans l'espace, ils furent emportés par la panique dans les abîmes, ils se réfugièrent dans quelque grotte assez étroite pour que leurs ennemis n'y pussent pas pénétrer. Ils s'y tapirent tout tremblants, en silence, comme un essaim de guêpes mis en fuite par un simple coup de serviette.
"Et ce fut ainsi, raconta le bon Génie, gonflant ses joues de satisfaction, car les génies eux-mêmes sont un peu vaniteux, que, sans avoir troublé un seul aéroplane, j'ai fait la guerre aux aigles, aux éperviers, aux milans et aux gerfauts ; et maintenant, il ne m'arrivera plus d'attendre trois jours et trois nuits... s'il me reprend jamais la fantaisie de réunir mon peuple en conseil. !"
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Avril 2013 à 13:38:32
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Visage de Rose - Légende Egyptienne

Depuis que le monde existe, et qu'il y a des enfants à bercer et à distraire, les mamans et les nourrices racontent de belles histoires. Ces histoires simples et gracieuses, crées par l'imagination populaire et transmises de bouche en bouche, se retrouvent souvent les mêmes dans les pays les plus éloignés les uns des autres. Elles ne se distinguent entre elles que par des différences de détails, qui proviennent de la diversité des moeurs et des coutumes. Aujourdh'ui je vous donne l'histoire de Cendrillon telle qu'on la racontait il y a quatre mille ans aux enfants d'Egypte.

En ce temps-là vivait à Naucratis, tout au nord de l'Egypte, une fillette charmante on appelait Rhodopis ou Rhodia, c'est-à-dire Visage-de-Rose.
Elle était très jolie, et également instruite dans l'art de la danse, qui était fort cultivé alors, et dans celui de la musique qui n'était pas moins apprécié. Elle savait un peu d'histoire, dessinait au pinceau des figures habiles sur des bandes de papyrus, et portait toujours dans sa tunique des petites tablettes enduites de cire, où elle gravait à l'aide d'un fin stylet d'argent des pensées naïves et brèves.
Mais si Rhodophe avait des qualités sans  nombre, un grand charme et le plus doux sourire, elle avait cependant un défaut : le plus gracieux défaut, il est vrai, mais enfin... elle était coquette.
Or, sa coquetterie était très particulière, car elle se manifestait par un choix continuel de sandales neuves : la fillette avait l'orgueil de ses deux petits pieds.
Il faut dire que jamais, il est vrai, on ne vit sur terre deux plus mignons et gentils pieds que ceux de Rhodopis.
« Rhodia, disait un jour son amie Peitho, a pour marcher deux lotus blancs qui ont des ailes. »
La jeune fille était fière de cette beauté originale et rare, et elle regardait souvent ses pieds agiles avec un peu trop de complaisance.
Mais c'était aussi la seule faiblesse qu'on pût lui reprocher : il faut avouer qu'elle était bien inoffensive.
Encore Rhodope ne rêvait-elle de chaussures nouvelles qu'à cause des louanges dont, sans cesse, elle était l'objet. Il ne manquait pas de personnes pour flatter sa manie : les marchands étrangers, par exemple, venus de Perse ou de Syrie, qui lui vendaient cher des souliers de tous les pays bottines de cuir rouge ou babouches brodées, puis des lanières de peau et des rubans écarlates pour nouer les semelles, et qu'on enroulait autour des jambes.
Un jour, vers la fin d'une après-midi très chaude, Visage-de-Rose, couchée parmi des coussins, sur la terrasse de sa maison, regardait au loin des navires entrer dans le port et les bateaux légers, qu'on nommait canges, descendre ou remonter le Nil. A force de regarder toujours, les yeux se fatiguent : les paupières de Rhodope s'abaissèrent et bientôt elle s'endormit.
Un de ses souliers avait glissé et brillait sur le tapis comme un petit soleil. On lui avait apporté la paire quelques heures auparavant ; c'étaient deux mules de cuir et d'or, où s'incrustaient des pierreries.
Rhodope reposait depuis quelque temps déjà, et son sommeil était si profond qu'elle ne sentit pas une ombre descendre sur sa tête, toujours davantage. Cela avait  été d'abord un tout petit point dans le ciel, puis une tache noire, et, enfin, si la fillette s'était éveillée, elle aurait pu reconnaître un aigle, un aigle superbe qui frappait l'air de ses larges ailes.
Tout à coup, comme attiré par quelque objet éclatant, il vint s'abattre au milieu de la terrasse... Bientôt, il reparut dans le ciel clair, tenant dans son bec la petite pantoufle de Rhodope, et il s'envola avec elle, bien loin, bien loin dans la direction du fleuve...
Visage-de-Rose dormait toujours.
Le roi Amasis, qui régnait sur l'Egypte, se tenait alors, avec toute sa suite au bord d'un lac, sur une colline de Memphis.
Ce jour-là, il rendait la justice dans une des cours de son palais. Il était assis sur un trône de granit, le front ceint de la vipère sacrée, semblable en son immobilité attentive à quelque dieu de bronze.
Deux hommes venaient d'être amenés devant lui, et il abaissait vers l'un d'eux son sceptre d'or couver d'hiéroglyphes, lorsqu'il lui parut qu'un mouvement de curiosité animait la foule, d'ordinaire muette et respectueuse.
Les têtes renversées regardaient le ciel.
A ce moment, il sentit une ombre planer au-dessus de lui, et tout à coup un mystérieux petit objet franchit les airs et roula sur ses genoux, entre les plis de son manteau, tandis qu'un grand oiseau s'éloignait dans l'espace, en continuant sa route vers le sud.
Le Pharaon fut bien surpris. Ses mains royales tournaient et retournaient avec précaution le présent si étrangement venu. C'était un ravissant petit soulier, si menu que le roi Amasis s'en émerveilla, et que les assistants, qui s'étaient bruyamment pressés autour du trône, s'émerveillèrent avec lui.
L'étrangeté de l'aventure émut le roi tout puissant. Il voulut savoir à quelle femme de ses Etats une si minuscule chaussure appartenait. Des messagers partirent dans toutes les directions...
Visage-de-Rose, à son réveil, avait été bien fâchée de ne plus retrouver sa pantoufle d'or aux pierres de couleur.
Elle l'avait cherchée partout, ne pouvant concevoir qu'elle eût disparu pendant son sommeil d'une si singulière façon.
Ses esclaves, accourues, l'aidèrent de leur mieux, car elles aimaient leur jeune maîtresse qui était bonne et généreuse.
On eut beau tout remuer, on ne retrouva pas la jolie pantoufle. Rhodope avait trop d'esprit pour se lamenter en vain ; elle reprit ses pinceaux, sa harpe et ses tablettes ; mais, tout en cherchant à se distraire, elle regretta beaucoup sa mule si mignonne.
Aussi, lorsqu'elle vit, un matin, entrer deux messagers étrangers, et qu'entre les mains de l'un d'eux, elle reconnut la chaussure perdue, elle poussa un cri de plaisir, et se mit à sauter dans la chambre pour exprimer sa joie.
Le messager, s'agenouillant, passa l'étui d'or constellé au petit pied qu'il moula parfaitement. Rhodope, aussitôt, mit la pantoufle jumelle qu'elle avait précieusement gardée dans un coffret de santal. Et les envoyés du roi, prosternés, crièrent  par trois fois :
« Gloire à toi, au nom du Seigneur Pharaon ! »
Puis, entraînant la jeune fille stupéfait, ils la mirent sur leur chat qui les emporta vers Memphis, au galop des chevaux.
Lorsque Visage-de-Rose parut devant le Pharaon, tous les yeux se fixèrent sur elle, et le Roi admira qu'elle fût si petite.
Elle, devant lui, attendait immobile.
Si près du maître de l'Egypte, dont le nom seul faisait courber les têtes, Rhodope ne témoignait aucune crainte.
Elle n'avait pas fait le mal. De quoi aurait-elle eu peur ? Elle était seulement très contente de voir ainsi, de près, le Pharaon. Son sourire était toujours aussi doux, mais ses yeux plus brillants se fixaient sur le roi avec une curiosité joyeuse. Alors le roi Amasis, devant ce calme heureux, s'attendrit. Il voyait pour la première fois un être humain qui ne tremblait pas devant lui. Et qui était-ce ? Une toute jeune fille, toute simple et menue, qui se tenait là, devant lui, tranquillement, et qui lui souriait.
Le Pharaon réfléchissait. Il songeait qu'une si jolie personne, avec un cœur si brave, était vraiment digne d'un royal pouvoir, et il résolut de l'épouser. Toujours silencieux, il se leva. Il descendit les marches du trône. Il s'approcha de Rhodope et la regarda. Puis la prenant par la main, il remonta les marches avec elle, et la fit asseoir à sa place.
Les noces, peu de temps après furent célébrées avec magnificence.
Et toute l'Egypte acclama la jeune reine qu'un aigle lui avait donnée.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Avril 2013 à 14:14:14
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L'homme de fumée

De fumée ! Oh non ! Il était parfaitement en chair et en os, et il le prouvait de toutes façons. On l'appelait « l'homme de fumée » parce qu'il jouissait du don de produire en parlant une sorte de fumée qui prêtait à sa personne un charme irrésistible. Et ce don, qu'il tenait d'une fée, produisait son effet chaque fois que l'homme parlait de lui-même ou qu'il se trouvait en cause d'une façon ou d'une autre.. Dans ces deux cas, il mettait un tel feu dans sa parole que la fumée ne tardait pas à poindre. Elle venait l'envelopper d'un voile protecteur et couvrir ses faiblesses, au point qu'elles paraissaient autant de qualités agréables. On le voyait alors si gai de tout son effort, si aimable, que son meilleur ami risquait d'être sacrifié pour amuser l'auditoire un instant, si rempli d'esprit qu'il trouvait dans son imagination les argument du fait : - toutes choses qui le faisaient rechercher comme convive. Son écot ainsi que les notes de son tailleur se payaient en fumée.

Comme l'homme pouvait, malgré tout, sembler quelque peu vaporeux, il connaissait le secret de faire grand bruit aux moindres entreprises de la vie.

Longtemps, grâce à ces dons, il réussit et à se tenir en dehors des vicissitudes de l'existence et à s'en moquer, tant en planant au-dessus des peines trop souvent communes. Trop souvent aussi l'homme céda au plaisir d'exhaler sa fumée en bavardant, lorsqu'il eût été mieux inspiré de témoigner d'un peu de charité envers son prochain. Mais il s'aveuglait et s'étourdissait de parti pris, et les envieux purent parler de sa vanité et de son égoïsme sans l'effrayer. Il vit de même les années peser sur lui, et le forcer à produire nuages de fumée pour maintenir sa réputation du plus aimable  des garçons. Tout changeait autour de lui : - il restait immuable, satisfait de lui comme au temps de ses premiers succès.

Un jour pourtant il remarqua qu'il était négligé. Le monde se lassait donc de ses charmes avant qu'il n'eût envie de cesser de briller et de consacrer sa vie aux agréments sans fin ? Il se trouvait seul alors que d'autres se recueillaient dans la famille qu'ils avaient fondée, et il payait, aux jours de vieillesse, cette liberté qu'il montrait autrefois, dans un glorieux défi, à ceux qui peinaient pour élever leurs enfants.

Et lorsque la maladie vint : « Ah ! se dit-il, mes amis n'abandonneront pas celui qui leur a fait passer tant d'heures agréables ! » Vite il les appela : l'un lui fit répondre qu'il partait en voyage avec son enfant, l'autre qu'il veillait sur sa femme malade, celui-ci qu'il allait être grand-père, celui-là qu'il mariait sa fille : - toutes raisons suffisantes pour laisser à lui-même l'homme de fumée.

Le délaissé eut tout à coup comme une vision de la vérité. Il vit que non seulement, dans sa vanité égoïste, il n'avait vécu que pour lui ; mais il s'aperçut encore que le gaspillage d'une existence de fumée et de bruit n'avait attaché à lui aucun de ceux qu'il connaissait autrefois. Pas un ! A cette pensée son cœur se serra. « Ah ! s'écria-t-il, qui viendra verser sur moi une larme de regret sincère ? Qui viendra réchauffer ma main dans la sienne, pour me sauver du désespoir ? » Il attendit vainement. Tout à coup, une terrible angoisse saisit tout son être, une angoisse qui sécha instantanément sa peau sur les os !

On conserva longtemps l'homme ainsi desséché ; mais un jour une vieille femme qui ne savait que parler de son prochain voulut le voir, et s'approcha si près avec la lumière qu'elle mit le feu à l'homme qui avait constamment parlé de lui-même et qui disparut, une dernière fois, en fumée !

CH. SCHIFFER - 1880
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Avril 2013 à 14:39:51
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Nénuphars

Cela se passait il y a bien longtemps. Tout alors était encore beau et bon sur la terre. On n'y connaissait ni la haine, ni la guerre. Les hommes ne faisaient qu'une grande famille. Ils s'aimaient, ils aimaient les animaux qui vivaient avec eux et ceux-ci aimaient les hommes et ne les craignaient pas. Il n'y avait pas d'hiver avec bourrasques et froid pénétrant, et l'on ne parlait pas encore de foudre ni d'orage.
Les arbres et les buissons étaient toujours couverts de fruits magnifiques que l'on pouvait manger sans risque. Le gibier abondait dans les forêts et le maïs dans la plaine.
Les fleurs parsemaient les prairies, croissaient sur le flanc des montagnes et au bord des rivières. Elles embaumaient l'air de leur parfum et le chant des oiseaux semblait une musique divine.
Les indiens vivaient sur cette terre bénie. Heureux, ils passaient le temps à chasser et s'entraînaient à différents sports. Ils aimaient surtout aller sur les rivières, dans des canots qu'ils construisaient avec soin et patience ; souvent, le soir, les jeunes gens, réunis en groupe, contemplaient le ciel et admiraient les étoiles. Ils pensaient qu'elles étaient les demeures des esprits bons et généreux qui avaient comblé de leurs dons la race rouge.
Un soir, ils s'aperçurent qu'une de ces étoiles semblait s'être rapprochée de la terre. Elle brillait d'un éclat magnifique, à peu de distance du sommet du pic dont la pointe se dressait au-delà des montagnes du Sud.
Ils crurent remarquer qu'elle se rapprochait un peu plus chaque nuit. Intrigués et curieux, ils attendaient impatiemment la fin du jour pour voir où elle apparaîtrait dans le ciel.
Le fait est que bientôt on l'aperçut de moins en moins au Sud et de plus en plus près de la terre des Indiens. Elle finit par se poser au-dessus des grands arbres de la forêt voisine.
Cette approche de l'étoile avait éveillé la curiosité générale. Des jeunes gens partirent en courant afin de la voir de plus près.
A leur retour, ils assurèrent que sa forme rappelait les ailes d'un oiseau. Les sages de la tribu, interrogés à ce sujet, ne surent que répondre.
Peut-être l'étoile était-elle le présage des malheurs qu'on avait autrefois prédits ; mais un astre si beau pouvait-il présager un malheur ?
Plusieurs lunes passèrent ainsi. L'étoile au-dessus de la forêt projetait un éclat de plus en plus brillant, comme s'il en émanait un désir de plus en plus ardent d'attirer l'attention des hommes.
Or, une nuit, un des jeunes Indiens fit un rêve : il vit auprès de  lui une jeune fille d'une beauté sans égale. Elle était vêtue de blanc. Tout autour d'elle, resplendissait de clarté.
- Jeune brave, dit-elle, je trouve si belle la terre de tes ancêtres, avec ses fleurs et ses oiseaux, ses lacs et ses rivières, que j'ai décidé de quitter mes soeurs et de venir habiter parmi vous. Demande aux Sages de la tribu ce que je dois faire pour être des vôtres.
Le jeune homme s'éveilla. Il vit l'étoile qui brillait dans le ciel. Sa clarté était la même que celle qu'il avait vue s'irradiant de la belle visiteuse.
Le lendemain, il raconta aux Sages le rêve qu'il avait fait. Tous comprirent que l'étoile voulait vivre parmi eux.
Cinq jeunes Indiens furent donc choisis parmi les plus beaux et les plus braves. Ils devaient aller à la rencontre de l'étoile.
Ils partirent par les chemins du Sud. Lorsqu'elle commença à descendre vers eux, ils lui souhaitèrent la bienvenue et lui présentèrent le calumet où brûlaient des herbes odorantes choisies pour elle. L'étoile prit le calumet puis, étendant ses grandes ailes blanches, elle suivit ses amis jusqu'au village.
Toute la nuit, et les nuits suivantes on la vit au-dessus de wigwams et des tentes, où elle restait jusqu'à l'aube. Sous les traits de la belle visiteuse précédemment vue en rêve, elle apparut de nouveau au jeune Indien endormi.
- Mon désir le plus ardent, lui dit-elle, est de vivre toujours parmi nous, près de vous, d'être aimée de vous tous, de faire réellement partie de votre existence. Demande aux Sages quelle forme je dois prendre et où je peux me poser.
Les sages tinrent de nouveau conseil. Où pouvait se poser l'étoile ? Au sommet d'un arbre ? au creux d'un rocher ? dans le coeur d'une fleur ?
Indécis, ne sachant quel conseil donner à leur amie, ils lui répondirent que partout elle serait la bienvenue. C'était à elle de choisir l'endroit où elle se sentirait vraiment heureuse.
L'étoile choisit d'abord le coeur de la rose blanche des montagnes ; mais elle se trouvait ainsi loin des hommes, isolée et cachée à leurs yeux. Ce n'était pas ce qu'elle désirait.
Elle devint fleur de la prairie, mais comprit vite son imprudence : les chevaux, qui ne la voyaient pas, la meurtrissaient ou l'écrasaient dans leur course.
Elle se réfugia sur le rocher mais, trop haut perchée, les enfants ne pouvaient la voir ni l'atteindre. C'est alors qu'elle eut l'idée de vivre sur la rivière, dans les étangs et sur les lacs. Elle verrait les petits jouant au bord de l'eau, les jeunes hommes vigoureux conduisant leurs canots. Elle serait avec eux, jeunes et adultes, lorsqu'ils s'ébattraient, en riant de plaisir, dans la fraîcheur de l'onde et elle sourirait aux vieux restés sur le rivage.
"Oui, c'est vraiment là que je serai heureuse", pensa l'étoile. Et le lendemain, à l'aube, on vit des centaines de nénuphars d'une blancheur immaculée, qui parsemaient les cours d'eau et les lacs.
Les Indiens reconnurent immédiatement leur amie et se réjouirent à la pensée de l'avoir toujours parmi eux sous la forme des nénuphars.
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Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Avril 2013 à 16:04:32
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Le petit ramoneur et le vieux savant

M. Cabassol, avait consacré toute son existence à l'étude des anciennes civilisations de l'Egypte. Après de nombreuses années passées à parcourir la vallée du Nil, il était venu se retirer dans sa ville natale de Carpentras ; là, au milieu des trésors qu'il avait rapportés de la terre des Pharaons, il s'était mis à écrire de volumineux ouvrages, où il exposait les résultats de ses découvertes.
N'ayant à son service qu'une vieille bonne à moitié sourde, il vivait dans une antique maison aux vastes pièces, pleines de bibelots étranges, de débris de sculptures, de poteries, véritable musée, dont les connaisseurs admiraient particulièrement la grande salle du rez-de-chaussée ; elle renfermait, cette salle, des centaines et des centaines de petites statuettes, toutes les divinités de l'ancienne Egypte, que M. Cabassol avait rapportées de ses voyages ; il y en avait de toutes les tailles, de toutes les formes, les unes finement polies par des artistes aux doigts agiles, les autres grossièrement taillées et qui dataient d'un temps où les hommes n'avaient à leur disposition que des outils rudimentaires.
Un soir, M. Cabassol, qui était allé dîner chez son ami M. Gribiche, le receveur des contributions, rentrait chez lui. C'était en plein hiver, par un beau clair de lune qui éclairait la ville jusque dans ses moindres recoins. Il soufflait un vent glacé, et, dans la plaine, M. Cabassol apercevait les grands roseaux et les cyprès qui se courbaient en gémissant. Le vieux savant réfléchissait, en marchant, au chapitre trente-huitième de son grand ouvrage sur les Pyramides qu'il était en train d'achever, et, chaudement emmitouflé dans sa pelisse, il luttait contre le vent, quand, tout à coup, il crut apercevoir une forme humaine couchée sur le pas de la porte. Bien qu'il fît très froid, et qu'en s'attardant il s'exposât aux reproches de sa vieille servante Honorine, M. Cabassol se détourna de son chemin, monta sur le trottoir, et regarda.
Il poussa une exclamation d'étonnement et de pitié.
C'était un enfant d'une douzaine d'années, un petit ramoneur comme il en passe tous les hivers dans les villes de province, et qui, malgré le froid, dormait, dormait du sommeil profond des enfants.
M. Cabassol se baissa, s'agenouilla presque, et le secouant par le bras :
"Qui es-tu ? Que fais-tu là ?" demanda-t-il.
L'enfant ouvrit les yeux, souffla dans ses petites mains transies, puis, sans se faire prier, raconta son histoire.
Il faisait partie d'une troupe de Savoyards, et depuis des mois, des années, il arpentait les routes, traversant les villages, les villes, dormant en pleins champs, soupant de quelques fruits ; las enfin de poursuivre cette terrible destinée, il s'était séparé de ses compagnons, il était venu tomber là, devant cette porte.
M. Cabassol, qui l'avait écouté avec attention, lui demanda :
"Comment t'appelles-tu ?
- Friquet.
- Eh bien, Friquet, lève-toi, tu vas venir coucher chez moi."
C'est ainsi que le vieux savant rentra au logis ramenant un petit ramoneur. Dresser un lit dans la grande salle, ce fut, grâce à l'empressement maternel d'Honorine, l'affaire d'n instant ; à minuit, l'enfant, brisé de fatige, s'endormit.
Quand, le lendemain matin, il se réveilla, il poussa un cri de surprise ; il se trouvait entouré de tout un petit peuple d'êtres grimaçants, contrefaits, à tête d'oiseau, de boeuf, de chacal, ornés d'ailes largement étendues, et qui semblaient avoir veillé sur son sommeil. Qu'était-ce là ? Friquet eût été bien étonné si on lui avait dit qu'il avait affaire à tout autre chose que des marionnettes !
M. Cabassol le tira de sa contemplation. Il avait profité de sa matinée pour lui trouver du travail chez un cultivateur des environs qui cherchait justement quelqu'un pour conduire ses bêtes aux champs : l'enfant aurait cinq francs par mois, une blouse neuve pour la Saint-Sylvestre, serait couché, nourri, blanchi.
Ils partirent ; l'affaire fut rapidement conclue, et M. Cabassol, après avoir fait ses dernières recommandations à son protégé, rentra chez lui, triste un peu, éprouvant pour la première fois de sa vie le sensation qu'il était pénible de vieillir seul, sans autre société que celle d'une vieille bonne avec qui il échangeait à peine deux paroles dans toute la journée.
M. Cabassol visitait ses collections chaque jours ; quelque temps après cette aventure, il se promenait un matin dans la grande salle de son musée, allait d'une vitrine à l'autre, lorsque, soudain, il s'arrêta surpris. Entre une statuette de marbre et une statuette de bronze, il venait d'apercevoir une petite poupée de deux sous, comme celles qu'on vend dans les bazars, et dont les yeux bleus, les joues roses, font la joie des enfants. D'où pouvait-elle venir ? Qui l'avait apportée là ?
Mais où la surprise du savant se changea en stupéfaction, ce fut quand, le lendemain matin, il s'aperçut qu'au même endroit, pareille à la première, une seconde poupée l'attendait. Cette fois, M. Cabasso se rappelait pourtant fort nettement qu'en sortant de son musée, la veille, il en avait fermé la lourde porte à double tout. Alors ? Par quel chemin cette étrange visiteuse avait-elle bien pu venir ? Par la fenêtre ? Il n'y fallait pas songer ; un solide grillage la protégeait de toute incursion du dehors.
Décidément, M. Cabassol se trouvait en présence d'une troublante énigme.
Et le plus étonnant de l'affaire, ce fut le lendemain, le surlendemain, les deux ou trois jours qui suivirent, chaque matin, régulièrement, M. Cabassol trouva, pour l'accueillir dans la salle des divinités égyptiennes, une petite poupée de deux sous, tantôt blonde, tantôt brune, vêtue d'une robe bleue, un jour rose. M. Cabassol n'y comprenait rien ; en dépit de portes et serrures, chaque nuit, une petite créature venait s'installer dans son domicile.
A la fin, le vieux savant résolut d'en avoir le coeur net. Ayant fait pousser un fauteuil dans la grande salle de son musée, il se coiffa d'un bonnet de coton, se couvrit de chaudes couvertures et se promit de passer la nuit à faire le guet. Neuf, dix, onze heures sonnèrent. M. Cabassol, déjà, sentait sa tête s'alourdir, ses paupières se fermer, il allait partir pour le pays des rêves, quand, tout à coup, un bruit insolite, qui semblait venir de la cheminée, l'arracha à son demi-sommeil. M. Cabassol s'était levé, il allait appeler à l'aide, lorsqu'il vit bondir dans la cendre du foyer un petit animal tout noir, agile comme un singe, qui tenait dans sa main la petite poupée quotidienne ; c'était Friquet, - Friquet qui utilisait son chemin habituel, l'obscur conduit de la cheminée.
"Comment ! c'est toi ! s'exclama M. Cabassol, stupéfait. C'est toi qui, chaque nuit, au risque de te rompre les os, viens m'apporter des poupées ! Quelle idée t'est venue ?"
Alors, Friquet, d'un geste embarrasé, montrant les quatre ou cinq cents dieux de terre cuite, de bois, de marbre ou de bronze dont M. Cabassol avait empli la vaste salle :
"J'ai vu, monsieur, dit-il, la nuit où j'ai couché chez vous, que vous aimiez les poupées. En remerciement de ce que vous avez fait pour moi, je vous en apporte d'autres, pour compléter votre collection."
L'histoire finit ici.
M. Cabassol, ému, ouvrit ses bras : le petit ramoneur s'y précipita. Il avait bien besoin d'un père, le vieux savant avait bien besoin d'un enfant. C'est ce qui explique qu'ils ne se quittèrent plus jamais, que M. Cabassol éleva Friquet, à qui, par la suite, beaucoup plus tard, il légua, en même temps que sa fortune, ses merveilleuses collections.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Avril 2013 à 13:20:02
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Les fleurs rouges


Louis Cestan était en vacances. Il était même en villégiature. Sans doute ses parents étaient pauvres, et l'on eut été fort en peine de trouver au fond de la vieille armoire assez d'écus pour payer les voyages et les notes d'hôtel. Ce fils d'humbles paysan avait pourtant une maison de campagne. Elle n'avait qu'une salle, un peu basse, mais large et longue et toute pleine des parfums délicieux du foin.
C'était l'immense étable où tous les soirs, en balançant lentement leurs clochettes, les troupeaux qui paissent sur la montagne rentrent pour passer la nuit. L'hiver, les vaches descendent dans la vallée de Luchon, à l'abri des tourmentes et du froid. L'été venu, toutes remontent vers les hauts pâturages, au-dessus même des forêts, sur les pentes et les plateaux que dominent les neiges éternelles.
Pour garder ces vastes troupeaux où s'unissent parfois toutes les bêtes d'un village, il y a, à l'ordinaire, plusieurs jeunes bergers qui passent ainsi leurs jours entre le ciel et la terre.
Louis n'avait que douze ans, mais il était fort, réfléchi et prudent. Il connaissait par leur nom toutes ses bêtes pacifiques et dociles. Il était donc toujours de ceux que l'on choisissait pour grimper les sentiers en lacets et veiller à la fortune du village.
Cette année-là, l'hiver s'est prolongé plus longtemps. Pendant de longues semaines les près sont restés blancs de neige, muets et tristes. Enfin, toute cette neige a ruisselé en eau claire ; plus rapides et plus belles, dirait-on, les fleurs ont poussé. Depuis huit jours Louis passe ses journées dans les pâturages, plus heureux qu'un roi.
Il y est en joyeuse compagnie. Ses amis Jacques, Léon, André, sa camarade Germaine gardent avec lui le troupeau.
Les enfants ne trouvent guère les heures longues. Ils vont chercher au fond des vallons, dans le lit des torrents et sur les pentes, les fraises et les framboises parfumées, les champignons qui se cachent sous les feuilles.
Quand les matinées sont fraîches, on allume de grands feux clairs autour desquels les bergers courent et dansent joyeusement.
Louis même n'a pas besoin de ces jeux-là. Parfois, il reste des heures coucher dans l'herbe à regarder les horizons qui l'entourent. Un grand silence l'enveloppe ; un air vivifiant passe en souffles odorants. On n'entend que les clochettes des vaches qui errent à pas lents sur la prairie.
Malgré les jeux auxquels il se livre avec ses camarades, Louis ne perd pas son troupeau de vue. Il suit ses lentes promenades sue les sommets arrondis de la montagne. Il surveille surtout Franor, le grand taureau blanc au large cou et aux flancs minces, qui le guide orgueilleusement.
Franor n'est pas méchant. C'est une bête tranquille et sûre, et ses cornes pointues n'ont jamais fait courir aux enfants le moindre danger. Seulement, comme tous les taureaux, il déteste la couleur rouge. Il a faillit mettre à mal un ami de Louis qui s'était approché du troupeau avec un béret dont la couleur écarlate luisait en plein soleil.
Louis n'ignore pas ce défaut de Franor. Un jour, d'ailleurs, où il était allé jusqu'à la ville de Toulouse, un oncle l'a conduit à une course de taureaux. Il a vu dans l'arène les bêtes furieuses se précipiter sans relâches sur les drapeaux rouges que l'on agitait devant leurs yeux.
Aujourd'hui, Franor est tranquille, et le troupeau paît tranquillement sur un large plateau. Point de béret rouge à l'horizon. Louis peut se mêler en toute tranquillité aux jeux de ses camarades. Germaine n'est pas là. Une grosse fièvre la retient couchée dans le village ; elle est triste ; elle pleure. Louis se demande ce qu'il pourrait lui apporter le soir pour la consoler.
Il n'y a plus sur la montagne ni fraises ni framboises. Il n'y a point d'or ou de pierreries. Du moins, Louis ira cueillir un bouquet, le plus beau qu'il pourra trouver.
"Allons cueillir des fleurs, dit-il ; nous les donnerons à Germaine.
Tous les garçons suivent. La bande traverse le plateau où les vaches pâturent. Bientôt le plateau s'abaisse en pente rapide ; une brusque coupure l'arrête : c'est un précipice immense. On l'a bordé d'une légère barrière en branches de sapin. Les vaches, sagement, ne s'aventurent jamais par là ; mais si elles glissaient et brisaient la barrière, on ne pourrait même pas aller chercher leur corps.
Il faut tourner légèrement sur la gauche. Le terrain se relève et se creuse en un pli où commencent les bois. Tous les enfants se sont arrêtés. Ils ont trouvé une fourmilière superbe. Les fleurs de Germaine sont oubliées. Seul, Louis pense à son amie. Il s'enfonce dans le bois. C'est là qu'il trouvera les plus belles fleurs.
Les heures passent. Louis cherche avec ardeur. Il n'a vu que des fleurs communes, non celles qu'il rêve pour consoler vraiment la malade. Enfin, au creux d'un ravin il découvre ce qu'il voulait ; des fleurs magnifiques qui dressent dans l'ombre verte des corolles d'un rouge éclatant. Il en emplit ses bras, et il revient vers le troupeau entouré d'une auréole écarlate.
Mais il n'a pas vu le que le ciel s'est lentement couvert. Là-bas, derrière le glacier de Crabioules, de lourds nuages ont monté, se sont épaissis, ont envahi tout le ciel. Un jour terne et sinistre a remplacé le radieux soleil.
Des grondements lointains se font entendre. Dans la demi-obscurité, les fleurs ont l'air d'une flaque de sang.
Louis hâte le pas. Il craint l'orage, les rafales de vent et la pluie violente. Il veut arriver à l'étable avant que la tourmente n'éclate, et le chemin est long.
Des éclairs luisent. Un vent violent passe en gémissant sur la montagne. Louis marche plus vite. Il court. Enfin, là-bas, tout au loin il apeçoit la tache blanche du troupeau. Soudain un fracas horrible le cloue sur place. Il semble que le ciel tout entier se déchire, et que la montagne s'écroule. Un jet de feu traverse l'air jusqu'à la prairie. Et à peine Louis a-t-il repris ses sens, à peins ses yeux sont-il remis de leur éblouissement qu'un autre bruit l'arrête : c'est un galop frénétique qui ébranle tout le sol de la prairie, le galop de bêtes affolées et déchaînées.
Ce sont les vaches du village, plus de cent bêtes épouvantées par ce coup de foudre, qui accourent de toutes leurs forces, tête baissée. En tête, Franor, le grand taureau blanc, galope, le museau tendu, en meuglant sourdement.
Où vont-ils ? Où vont-ils ? Louis le voit maintenant, et l'épouvante le paralyse. Ils vont passer à côté de lui, à côté du pli de terrain, atteindre la pente fatale, arriver comme une trombe sur la barrière. Toute la fortune du village court à l'abîme !
Et sur le bord, autour de leur fourmilière, qui sait si ses camarades ne sont pas là ? Le troupeau va passer sur eux, les entraîner...
Les bêtes au galop s'approchent, elles arrivent... Et soudain, Louis se souvient des arènes de Toulouse, du drapeau rouge que l'on agitait pour attirer le taureau. Violemment, il brandit le bouquet de fleurs écarlates ; il bondit vers le taureau.
Franor l'a vu ; ses yeux clignotent. Il pousse un meuglement de fureur. Il tourne à gauche ; il suit d'un galop féroce le bouquet que Louis dresse sur sa tête en courant dans le vallon. Tout le troupeau suit aveuglément.
Louis court de toutes ses forces, haletant. Derrière lui, sur la pente, le piétinement se rapproche. Affolées, les bêtes se pressent, heurtent, tombent, mais la masse du troupeau suit toujours le taureau qui fonce tête baissée vers l'enfant.
Les forces vont manquer à Louis. Il croit déjà sentir sur son cou l'haleine de la bête, dans ses reins la pointe de ses cornes. S'il évites ses atteintes, le troupeau roulera sur lui, le piétinera, l'écrasera.
En une seconde, il revoit la chaumière paternelle, toutes les choses chères à son enfance. Il voit une civière qu'on apporte, sa mère affolée. Ses forces sont épuisées ; il s'abandonne, il va rouler à terre.
Mais les premiers arbres du bois sont là. Machinalement, il tourne derrière un chêne. Il saisit une branche d'arbre qui s'abaisse à portée de main. Il s'enlève. Il est sauvé.
Franor, à son tour butte, tombe. Le troupeau haletant se heurte aux arbres, s'embarrasse dans les taillis, s'arrête tout entier...
"Garde bien ces fleurs, dit Louis, le soir, en racontant son histoire à son amie Germaine : ce sont elles qui ont sauvé le troupeau du village, la fortune de tous les nôtres, et probablement la vie de Jacques, de Léon et d'André.
- Ce ne sont pas les fleurs qui les ont sauvés, répond tendrement Germaine. C'est ton amitié pour moi, et la douce pensée qui t'a fait quitter tes jeux pour songer à une pauvre petite malade."

D. MORNET

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Avril 2013 à 13:38:13
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Coyote et le soleil

C'était au temps où il se passait sur terre des choses que nous avons peine à comprendre aujourd'hui.
Dans ce temps-là, le pays de l'Ouest, que traverse la Sierra Nevada, était plongé dans une obscurité profonde. Le soleil n'y brillait jamais, et, parce qu'il n'y avait pas de soleil, on n'y trouvait ni fleurs, ni fruits, ni chansons, ni gaieté : tout y était triste, morne et lent.
C'est là que vivait un grand chasseur. Il s'appelait Coyote. Entraîné par la chasse, il s'aventura un jour loin, très loin, et arriva dans une région qui lui sembla merveilleuse. Là, le soleil éclairait la terre pendant le jour, la lune brillait pendant la nuit. Il y avait des fruits et des fleurs sur les arbres, dans les buissons, et jusque sur le bord des rivières et des étangs ; les plumes des oiseaux étaient de couleurs éclatantes : bleu, jaune, rouge, Ceux-ci chantaient dès l'aube jusqu'au crépuscule, et les enfants et les femmes chantaient aussi.
Revenu chez lui, Coyote raconta au vieux chef ce qu'il avait vu, mais le vieux chef, qui ne pouvait s'imaginer de telles chose, ne le crut pas ; aussi Coyote, dont le cerveau se trouvait de nouveau peu à peu engourdi par l'obscurité, Coyote en vint à douter lui-même de ce qui était arrivé.
Voulant toutefois en avoir le coeur net, il décida, un beau matin, d'essayer de retourner vers ce pays enchanteur, pour s'assure que ce qu'il avait raconté de si bonne foi existait vraiment.
Il reprit don le même chemin, traversa les montagnes, les forêts, la grande prairie. Il revit les fleurs, les fruits, les oiseaux, les enfants heureux et le soleil qui semblait présider une fête continuelle. Plus de doute. Tout cela était réel. Ce n'était ni un rêve, ni une invention.
Revenu dans ses montagnes obscures, il raconta donc, de nouveau, son histoire.
Il la raconta à tous ceux qui voulaient l'entendre, mais nul ne pouvait comprendre. On le croyait un peu fou et on commençait à le tourner en ridicule.
Coyote, lui, ne pouvait oublier. Le souvenir de cette lumière brillante, de cette douce chaleur et de la gaieté devenait une obsession. Non seulement il pensait au soleil pendant le jour, mais il croyait le voir même pendant la nuit.
N'y tenant plus il partit de nouveau, résolu à rapporter chez lui cet astre merveilleux, capable de faire de si belles chose. Pour la troisième fois, il quitta ses montagnes.
Arrivé au bout de son voyage, il se cacha dans un buisson et, de là, pendant plusieurs jours, épia soigneusement ce qui se passait.
Il découvrit que, pendant la nuit, le chef du village gardait le soleil chez lui. C'est d'ailleurs chez lui qu'il gardait aussi la lune.
Un soir donc, Coyote, voyant revenir la femme du chef, se transforma en branche d'arbre bien sèche, après s'être placé au beau milieu du chemin, à quelques pas de la demeure.
La squaw se baissa, ramassa la branche et l'emporta.
"Voilà, pensa-t-elle, de quoi allumer mon feu."
C'était exactement ce que souhaitait Coyote.
Une fois dans la place, il se tint bien tranquille, mêlé au bois qui devait servir le lendemain à l'aube. Il vit entrer le chef. Celui-ci tenait à la main le soleil qu'il posa près de lui, à la place de la lune que sa femme emporta pour l'accrocher dans le ciel, comme elle le faisait chaque soir.
Tout était tranquille. Bientôt le chef, fatigué par une journée de chasse, s'endormit. Sa femme rentra, se coucha à côté de lui et s'endormit à son tour.
Lorsqu'il fut certain que tous deux étaient plongés dans un profond sommeil et ne pouvaient pas l'entendre, Coyote reprit sa forme primitive, saisit le soleil, sortit de la hutte le plus doucement possible et, une fois dehors, se sauva à toutes jambes.
Malgré ces précautions, il avait dû faire un peu de bruit en partant, car le chef se réveilla. Il s'aperçut immédiatement du vol, sortit en hâte, appela ses hommes, qui tous se mirent à la poursuite du voleur. Mais Coyote courait si vite que l'on finit par perdre sa trace.
Revenu dans ses montagnes, il montra le soleil à ses amis et au chef de la tribu. Ni celui-ci, ni aucun autre d'ailleurs, n'avait jamais rien vu de semblable. Le chef toucha du pied la boule éblouissante et demanda :
- A quoi cela peut-il servir ?
- Cela va servir à nous donner de la chaleur et de la lumière, répondit Coyote. Nous allons le faire marcher haut dans le ciel, afin que toute la terre puisse en profiter.
Et Coyote monta sur la plus haute des montagnes. Il lança le soleil au-dessus des nuages et lui ordonna de traverser le soleil de l'Est à l'Ouest pendant le jour.
C'est depuis ce temps-là que le soleil nous prodigue à tous ses rayons, sa chaleur et sa lumière.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Avril 2013 à 14:12:38
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FORTUNEE

Il était une fois un pauvre laboureur qui, se voyant sur le point de mourir, ne voulut laisser dans sa succession aucun sujet de dispute à son fils et à sa fille, qu'il aimait tendrement. "Votre mère m'apporta, leur dit-il, pour toute dot, deux escabelles et une paillasse : les voilà, avec ma poule, un pot d'oeillets et un jonc d'argent qui me fut donné par une grande dame, qui séjourna dans ma pauvre chaumière. Elle me dit, en partant "Mon bonhomme, voilà un don que je vous fais ; soyez soigneux de bien arroser les oeillets, et de bien serrer la bague ; au reste, votre fille sera d'une incomparable beauté ; nommez-la Fortunée, donnez-lui la bague et les oeillets pour la consoler de sa pauvreté -; ainsi, ajouta le bonhomme, ma chère Fortunée, tu aura l'un et l'autre, le reste sera pour ton frère."
Les deux enfants du laboureure parurent contents. Il mourut, ils pleurèrent, et les partages se firent sans procès. Fortunée croyait que son frère l'aimait, mais ayant voulu prendre une des escabelles pour s'asseoir : "Garde tes oillets et ta bague, lui dit-il d'un air farouche, et  pour mes escabelles, ne les dérange point." Fortunée se mit à pleurer, et demeura debout pendant que Bedou (c'est le nom de son frère) était assis. L'heure de souper vint ; Bedou avait un excellent oeuf frais de son unique poule, il en jeta la coquille à sa soeur. "Tiens, lui dit-il, je n'ai pas autre chose à te donner." Fortunée pleura encore, et puis elle entra dans la chambre.
Elle la trouva toute parfumée, et ne doutant point que ce fût l'odeur de ses oeillets, elle s'en approcha tristement, et leur dit :
- Beaux oeillets, dont la variété me fait un extrême plaisir à voir, ne craignez point que je vous laisse manquer d'eau, j'aurai soin de vous.
En achevant ces mots, elle prit la cruche et courut au clair de lune jusqu'à la fontaine, qui était assez loin. Comme elle avait marché vite, elle s'assit au bord ; mais elle y fut à peine, qu'elle vit venir une dame, dont l'air majestueux répondait bien à la nombreuse suite qui l'accompagnait. Six filles d'honneur soutenaient la queue de son manteau ; elle s'appuyait sur deux autres ; ses gardes marchaient devant elle ; elle portait un fauteuil de drap d'or, où elle s'assit : en même temps on dressa le buffet. On lui servit un excellent souper au bord de la fontaine.
Fortunée se tenait dans un petit coin, n'osant remuer ; au bout d'un moment, cette grande reine dit à l'un de ses écuyers :
- Il me semble que j'aperçois une bergère ; faites-la approcher.
Aussitôt Fortunée s'avança, fit une profonde révérence à la reine, prit le bas de sa robe qu'elle baisa ; puis elle se tint debout devant elle.
- Que faites-vous ici, la belle fille ? lui dit la reine ; ne craignez-vous point les voleurs ?
- Hélas ! madame, dit Fortunée, je n'ai qu'un habit de toile.
- Vous n'êtes donc pas riche ? reprit la reine en souriant.
- Je suis si pauvre, dit Fortunée, que j'e n'ai hérité de mon père que d'un pot d'oeillets et d'un jonc en argent.
- Mais, dites-moi, continua la reine, avez-vous bien soupé ?
- Non, madame, dit Fortunée, mon frère a tout mangé.
La reine commanda qu'on lui servît ce qu'il y avait de meilleur.
- Je voudrais bien savoir, lui dit la reine, ce que vous venez faire si tard à la fontaine ?
- Madame, répondit-elle, je venais quérir de l'eau pour arroser mes oeillets.
En parlant ainsi, elle se baissa pour prendre sa cruche qui était auprès d'elle ; mais lorsqu'elle la montra à la reine elle fut bien étonnée de la trouver d'or, toute couverte de gros diamants, et remplie d'une eau qui sentait admirablement bon. Elle n'osait l'emporter, craignant qu'elle ne fût pas à elle.
- Je vous la donne, Fortunée, dit la reine ; allez arroser vos fleurs, et souvenez-vous que la reine des bois veut être de vos amis.
A ces mots, la bergère se jeta à ses pieds.
- Madame, lui dit-elle, je vais vous quérir la moitié de mon bien, c'est mon pot d'oeillets ; il ne peut jamais être en meilleures mains que les vôtres.
- Allez, Fortunée, lui dit la reine.
Fortunée prit sa cruche d'or et courut dans sa petite chambre ; mais pendant qu'elle en avait été absente, son frère Bedou avait pris le pot d'oeillets et mis à la place un grand chou. Quand Fortunée aperçut le malheureux chou, elle tomba dans la dernière affliction et elle se détermina à retourner à la fontaine. Se mettant à genoux devant la reine :
- Madame, lui dit-elle, Bedou m'a volé mon pot d'oeillets, il ne me reste que mon jonc ; je vous supplie de le recevoir.
La reine prit le jonc de Fortunée, et le mit à son doigt ; aussitôt elle monta dans un char magnifique. Fortunée retourna chez Bedou. La première chose qu'elle fit, en entrant dans sa chambre, ce fut de jeter le chou par la fenêtre. Mais elle fut bien étonnée d'entendre une voix qui criait : "Ah ! je suis mort."
Dès qu'il fit jour, Fortunée descendit pour chercher son pot d'oeillets, et la première chose qu'elle trouva, ce fut le malheureux chou ; elle lui donna un coup de pied, en disant :
- Que faisais-tu dans ma chambre ?
- Si l'on ne m'y avait pas porté, répondit le chou, je ne me serais pas avisé de ma tête d'y aller ; elle frissonna , mais le chou ajouta :
- Si vous voulez me reporter avec mes camarades, je vous dirai, en deux mots, que vos oeillets sont dans la paillasse de Bedou.
Fortunée replanta le chou, et ensuite elle prit la poule favorite de son frère et lui dit :
- Méchante bête, je vais te faire payer tous les chagrins que Bedou me donne.
- Ah ! bergère, dit la poule, laissez-moi vivre, et je vais vous apprendre des chose surprenantes.
- Vous n'êtes pas fille du laboureur chez qui vous avez été nourrie ; la reine qui vous donna le jour avait six filles ; son mari et son beau-père lui dirent qu'il la poignarderaient, à moins qu'elle ne leur donnât un héritier. La pauvre reine affligée fut enfermée dans un château et l'on mit auprès d'elle des gardes, avec ordre de la tuer si elle avait encore une fille. Cette princesse avait une soeur qui était fée ; elle lui écrivit, et celle-ci lui apprit qu'elle attendait elle-même un fils.
"Quand celui-ci fut né, elle chargea les zéphyrs d'une corbeille où elle l'enferma bien proprement et leur donna ordre qu'ils portassent le petit prince dans la chambre de la reine, afin de le changer contre la fille qu'elle aurait : cette prévoyance ne servit à rien, parce que la reine profita de la bonne volonté d'un de ses gardes, qui la sauva avec une échelle de corde. Dès que vous fûtes venue au monde, la reine affligée, cherchant à se cacher, arriva dans cette maisonnette ; j'étais fermière, dit la poule, et bonne nourrice ; elle me chargea de vous, et me raconta ses malheurs, et elle mourut sans avoir le temps de nous ordonner ce que nous ferions de vous.
"Comme j'ai aimé toute ma vie à causer, je n'ai pu m'empêcher de dire cette aventure à une belle dame : aussitôt, elle me toucha d'une baguette, et je devins poule, sans pouvoir parler davantage : mon mari à son retour me chercha partout ; enfin, il crut que j'étais noyée ou que les bêtes des forêts m'avaient dévorée. Cette même dame passa une seconde fois par ici ; elle lui ordonna de vous appeler Fortunée, et lui fit présent d'un jonc d'argent et d'un pot d'oeillets ; mais, comme elle était céans, il arriva vingt-cinq gardes du roi votre père, qui vous cherchaient avec de mauvaises intentions : elle dit quelques paroles, et les fit devenir des choux verts, du nombre desquels est celui que vous jetâtes hier au soir par votre fenêtre."
La princesse demeura bien surprise des merveilles que la poule venait de lui raconter, et lui dit :
- Vous me faites grande pitié, ma pauvre nourrice , je voudrais vous rendre votre première figure, et elle alla chercher ses oeillets.
Lorsqu'elle approcha de la paillasse de Bedou, elle vit, tout d'un coup, une quantité de rats prodigieux. Fortunée n'osait approcher, car les rats se jetaient sur elle, la mordaient, et la mettaient à sang.
Elle s'avisa tout d'un coup que, peut-être, cette eau si parfumée qu'elle avait dans un vase d'or aurait une vertu particulière ; elle en jeta quelques gouttes sur le peuple souriquois, qui se sauva, et la princesse prit ses beaux oeillets ; elle versa dessus toute l'eau qui était dans le vase d'or, et elle les sentait avec beaucoup de plaisi, lorsqu'elle entendit une voix fort douce, qui sortait des branches, et qui lui dit "Incomparable Fortunée, voici le jour heureux et tant désiré de vous déclarer mes sentiments : sachez que le pouvoir de votre beauté est tel, qu'il peut rendre sensible jusqu'aux fleurs."
Bedou arriva là-dessus : quand il vit que Fortunée avait trouvé ses oeillets, il la traîna jusqu'à la porte, et la mit dehors. Elle y était à peine, qu'elle aperçut auprès d'elle la reine des bois.
- Vous avez un mauvais frère, dit-elle à Fortunée, voulez-vous que je vous venge.
- Non, madame, lui dit-elle.
- Mais, ajouta la reine, j'ai un pressentiment qui m'assure que ce gros laboureur n'est pas votre frère.
- Toutes les apparences me persuadent qu'il l'est madame, répliqua modestement la bergère.
- Non, continua le reine : vous êtes princesse, et il n'a pas tenu à moi de vous garantir des disgrâces que vous avez éprouvées jusqu'à cette heure.
Elle fut interrompue en cet endroit par l'arrivée d'un jeune adolescent plus beau que le jour ; il avait une couronne d'oeillets, ses cheveux couvraient ses épaules. Aussitôt qu'il vit la reine, il la salua respectueusement.
Ah, mon fils, mon aimable oeillet, lui dit-elle, le temps fatal de votre enchantement vient de finir, par le secours de la belle Fortunée.
Elle le serra étroitement entre ses bras ; et, se tournant ensuite vers la bergère :
- Charmante princesse, lui dit-elle, je sais tout ce que la poule vous a raconté, mais ce que vous ne savez point, c'est que les zéphyrs que j'avais chargés de mettre mon fils à votre place le portèrent dans un parterre de fleurs : pendant q'uils allaient chercher votre mère, qui était ma soeur, une fée, avec laquelle je suis brouillée depuis longtemps, épia si bien le moment qu'elle avait prévu de la naissance de mon fils, qu'elle le changea sur-le-champ en oeillet. Dans le chagrin où j'étais réduite, je ne trouvaie point de remède plus assuré que d'apporter le prince-oeillet dans le lieu où vous étiez nourrie, devinant que, lorsque vous auriez arrosé les fleurs de l'eau délicieuse que j'avais dans un vase d'or, il parlerait, il vous aimerait,et qu'à l'avenir rien ne troublerait votre repos. Ainsi, ma chère Fortunée, si mon fils vous épouse, votre félicité sera permanente ; voyez à présent si le prince vous paraît assez aimable pour le recevoir pour époux.
- Madame répliqua-t-elle en rougissant, je reconnais tout ce que je vous dois. Mais vous dirai-je mon incertitude ? je ne connais point son coeur, et je commence à sentir, pour la première fois de ma vie, que je ne pourrrais être contente si le prince-oeillet ne m'aimait pas.
- Nayez point d'incertitude là-dessus, belle princesse, lui dit le prince ; il y a longtemps que vous avez fait sur moi l'impression que vous y voulez faire à présent.
La reine, qui ne souffrait la princesse vêtue en bergère qu'avec impatience, la toucha, lui souhaitant les plus riches habits qui de fussent jamais vus.
Bedou qui retournait au travail, voyant Fortunée parée comme une déesse, l'appella avec beaucoup de bonté, et pria la reine d'avoir pitié de lui.
- Quoi ! après vous avoir si mal traitée ! dit-elle.
- Ah ! madame, répliqua la princesse, je suis incapable de me venger.
- Pour vous contenter, ajouta la reine, je vais enrichir l'ingrat Bedou.
Sa chaumière devint un palais meublé et plein d'argent ; ses escabelles ne changèrent point de forme, non plus que sa paillasse, pour le faire souvenir de son premier état ; mais la reine des bois lima son esprit ; elle lui donna la politesse ; elle changea sa figure. Bedou se trouva capable de sentiments de reconnaissance.
Ensuite, par un coup de baguette, les choux devinrent des hommes, et la poule une femme : le prince-oeillet devint l'heureux époux de la princesse. La reine des bois, ravie d'un si heureux mariage, ne négligea rien pour que tout y fût somptueux ; cette fête dura plusieurs années, et le bonheur de ces tendres époux dura autant que leur vie.

Par la comtesse d'Aulnoy
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Avril 2013 à 14:31:36
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Papillonne

Ah ! ça ma fille, s'écria maître Globulus, en piquant sur un bouchon de liège un magnifique papillon encore vivant, n'auras-tu pas bientôt fini de pleurnicher ainsi toute seule, dans ton coin ?...
Celle à qui s'adressait cette petite admonestation paternelle n'était autre que Myrtille, une adorable fillette d'une dizaine d'années, dont les yeux clairs et bleus comme un matin d'avril, laissaient, malgré les larmes qui les noyaient, apparaître un regard plein de douleur et de bonté.
Les remontrances de son père ne firent qu'accroître le chagrin de l'enfant, et de gros sanglots la secouèrent des pieds à la tête.
"Oh ! père, père, s'écria-t-elle, se peut-il, vous qui êtes si bon pour moi, que vous soyez aussi cruel pour ces inoffensives petites bêtes que sont les papillons ?... Se peut-il que vous vous plaisiez à les martyriser ainsi, sous prétexte d'en enrichir votre collection ?..."
Maître Globulus, qui était un naturaliste enragé, haussa les épaules et éclata de rire.
"Voyons, ma fille, dit-il, comment pourrais-je étudier les papillons, si je n'en attrapais point, et si je ne les collectionnais ensuite, de façon à les comparer entre eux ?... Je t'en prie, mon enfant, calme cet excès de sensibilité, et prouve-moi, en te montrant plus courageuse, que tu es digne d'être la fille du grand savant que je suis !..."
Et, ce disant, l'inlassable collectionneur aligna, dans une des nombreuses vitrines qui l'entouraient, le bouchon sur lequel le beau papillon agonisait lentement, sans même pouvoir se débattre, car ses ailes fragiles, pour éviter d'irréparables brisures, avaient été, comme son corps, transpercées et immobilisées par de longues épingles.
C'est à peine maintenant si on pouvait s'apercevoir, aux battements angoissés de ses minuscules antennes, que le joli petit insecte respirait encore !... Quelques secondes de plus, d'ailleurs, et il exhalait, en un dernier souffle, tout le parfum subtil et pénétrant des dernières fleurs butinées !...
Myrtille ne put supporter cette vue, et, se cachant les yeux de ses deux mains, elle s'enfuit, éperdue, à travers la campagne. Elle courut ainsi, d'une seule haleine, jusqu'au moment où, épuisée par cette course, elle se laissa tomber, à l'entrée d'un petit bois, au pied d'un chêne séculaire.
Lorsqu'elle releva la tête, une jeune femme, d'une beauté merveilleuse, se trouvait devant elle. Sa chevelure semblait faite des rayons du soleil, et la robe légère qui la drapait, de toutes les couleurs insaisissables de l'arc-en-ciel.
La fillette ne put réprime un cri de surprise, en apercevant la belle inconnue, mais son étonnement fut plus grand encore, lorsque celle-ci se pencha vers elle et lui demanda, d'une voix pleine de douceur, la cause de son chagrin.
"Je pleure, répond Myrtille, parce que je pense à tous les jolis papillons que mon père fait si cruellement souffrir !"
La belle dame sourit :
"Mon enfant, fit-elle, je vois avec joie que tu as bon coeur, et je veux te récompenser, pour ta gentillesse et pour ta bonté !... Fais un voeu, exprime un souhait, et ce voeu, ce souhait, sera aussitôt exaucé !...
- Qui êtes-vous donc pour me parler ainsi ? demanda Myrtille tout étonnée.
- Que t'importe mon nom ! répondit la dame. Sache seulement que je suis une fée, et, ce qui vaut mieux, une bonne fée !..."
Cette histoire se passait en effet - le conteur avait oublié de le dire - à cette époque, incertaine et charmante, où les enfants, suivant qu'ils avaient été sages ou méchants, rencontraient sur leur chemin de bonnes ou mauvaises fées !...
Myrtille réfléchit donc quelques secondes à ce qu'elle allait demander, et, le visage éclairé par le plus gracieux sourire :
" Je voudrais, dit-elle, que les papillons qui se trouvent dans les collections de mon père soient tous rendus à la vie et à la liberté !
- Rien ne m'est plus facile que de satisfaire ton généreux désir !... répondit la fée. Tu n'as qu'à rentrer chez toi, et, après  avoir ouvert toutes grandes les portes et les fenêtres de la maison, à chanter trois fois : "Papillon vole !..." Les papillons ressusciteront aussitôt à ton ordre et s'envoleront comme par enchantement.
- Oh ! merci, bonne fée, merci !" s'écria joyeusement Myrtille.
Et, sans même attendre que la belle dame eût disparu dans les profondeurs sombres et verdoyantes de la forêt, elle rentra chez elle, en courant.
On pense si Myrtille avait hâte de suivre le conseil que lui avait donné la fée !... Dans sa joie, elle ne réfléchissait pas au chagrin qu'elle allait causer à son père, fervent collectionneur, en le privant ainsi de ses papillons.
Maître Globulus, lorsque sa fille franchit le seuil de la maison, était justemetn en train de mettre de l'ordre dans sa collection, et il avait ouvert toute la série de vitrines où s'étalaient, ailes contre ailes, les beaux papillons morts.
La fillette, sans avoir l'air de rien, en fit immédiatement autant des fenêtres et des portes ; après quoi, le coeur tremblant d'émotion, elle se réfugia dans un coin de la pièce, et chanta trois fois, comme il était convenu, mais à mi-voix :
"Papillon vole !... Papillon vole !... Papillon vole !..."
Aussitôt, renaissant tout à coup à la vie et échappant comme par miracle aux épingles qui les clouaient, les papillons s'envolèrent de toutes parts, en un essaim multicolore, et ce fut dans la chambre comme une joyeuse ronde diaprée, comme une merveilleuse farandole aérienne de pierreries vivantes... Sous les rayons du soleil qui irisaient leurs ailes, les papillons zigzaguaient et tourbillonnaient, tout heureux, après un aussi long emprisonnement, de reconquérir soudain leur liberté...
"Mes papillons !... Mes papillons !..." s'écriait maître Globulus, suffoqué par la fureur et l'émotion, en voyant ainsi les plus belles pièces de sa collection lui échapper les unes après les autres.
Mais les papillons avaient autre chose à faire qu'à écouter les appels effarés de celui qui avait été leur bourreau, et, par les fenêtres et les portes ouvertes, ils s'empressèrent de prendre leur vol et de gagner la campagne, endormie sous les chauds rayons du soleil d'été.
Cette minute-là fut une minute inoubliable de bonheur pour la jolie petite Myrtille, qui était toute fière, sinon d'avoir joué un tour à son papa, du moins d'avoir accompli, sans intérêt, une bonne action.
Quant aux papillons, pour prouver leur reconnaissance à celle qui les avait sauvés, ils prirent, à partir de ce jour, la gracieuse habitude de lui faire escorte, au cours de ses promenades champêtres. Du plus loins qu'ils apercevaient l'enfant, ils accouraient vers elle avec mille grâces câlines, et rien n'était alors plus joli que de voir Myrtille, épanouie par la joie, courir à travers les pelouses fleuries, au milieu de cet essaim voltigeant.
"Papillon vole !... Papillon !..." répétait-elle en gambadant.
Et les quelques papillons, qui s'étaient oubliés sur le calice des fleurs, prenaient à leur tour leur vol, pour faire à leur petite reine un plus nombreux cortège.
On appela plus dès lors Myrtille, dans tout le pays, que du joli surnom de Papillonne.
Mais les mauvais jours ne tardèrent pas à arriver, et aux beaux mois d'été succédèrent bientôt les mois, plus âpres, de l'automne.
Papillonne, puisqu'elle se nommait maintenant ainsi, n'en continuait pas moins ses promenades à travers champs et forêts, mais elle constatait, avec un gros serrement de coeur, que le nombre de papillons de son escorte diminuait de jour en jour.
"Est-ce que, par hasard, les papillons mourraient aux approches de l'hiver ?" se demanda-t-elle alors, toute songeuse.
Et elle fut bien forcée de répondre : oui, à la question qu'elle s'était posée, car, maintenant que l'hiver était venu et qu'il n'y avait plus de feuilles aux branches et de fleurs dans les prairies, il n'y avait plus de jolis papillons, pour danser gaiement autour de leur petite protectrice.
Or, un après-midi que Myrtille, après avoir erré longuement à travers la campagne désolée, s'était un peu trop éloignée de la maison paternelle, la neige se mit tout à coup à tomber autour d'elle à gros flocons.
"Ah ! mon Dieu ! s'écria la petite fille, aveuglée par la tourmente, je me suis perdue !"
Et, de fait, la rafale, était si violente, et les flocons de neige s'abattaient en tourbillons si épais, qu'il devint bientôt tout à fait impossible à Myrtille de reconnaître la direction à prendre pour rentrer chez son père.
La pauvre enfant, se laissant tomber au bord du chemin, se mit à fondre en larmes, et elle était là à sangloter, depuis quelques seconde, lorsque, tout à coup, la bonne fée qui lui avait déjà apparu une fois, lui apparut de nouveau parmi la tourmente de neige.
"Petite Papillonne, dit la fée, sèche tes yeux et ne pleure plus !... Tu as accompli, il y a quelques mois une bonne action, et, comme toute bonne action est à son heure récompensée, la tienne va l'être aujourd'hui ! Tu as sauvé les papillons ! Les papillons ne l'ont pas oublié : appelle-les, et ils s'empresseront d'accourir à ton secours !..."
Cela dit, la bonne fée disparut, tandis que Myrtille, comme aux beaux jours de l'été, se mit à chanter :
" Papillon vole !... Papillon vole !... Papillon vole !..."
Aussitôt, un prodige merveilleux se produisit. Le soleil apparut tout à coup dans le ciel, et les flocons qui tourbillonnaient se transformèrent immédiatement en de merveilleux papillons éblouissants de couleurs. Myrtille ne réprimer un cri de surprise et se redressa vivement. Mais déjà les papillons s'étaient tous élancés dans la même direction, indiquant à la fillette le chemin qu'elle avait à suivre pour rentrer chez elle.
Les papillons accompagnèrent leur petite reine jusqu'au seuil de sa maison, et lorsqu'ils se furent acquittés de la dette de reconnaissance qu'ils avaient contractéd envers elle, ils reprirent leur vol vers le ciel, redevenu gris, et ils s'y transformèrent de nouveau en flocons de neige.

Henri DE GORSSE
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 01 Mai 2013 à 13:32:35
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Les muguets

Deux muguets, Blanchette et Rosette, croissaient à la lisière d'un bois, à flanc de coteau. Elles étaient soeurs et portaient de ravissantes robes qui brillaient comme de la soie. On sait que les muguets ont des voix fines comme la timbre d'une clochette, et c'est un plaisir de les entendre jaser aux derniers rayons du soleil couchant. Or la robe de rosette était striée d'un rose tendre, tandis que Blanchette portait une toilette de la blancheur éclatante de la neige ; on ne pouvait rien voir de plus lumineux.

Elles s'aimaient d'amour tendre et pourtant, comme il arrive entre frères et soeurs trop souvent, hélas, un soir les deux soeurs se prirent de querelle au sujet de leurs robes,chacune prétendant avoir la plus belle.

Rosette se mit tout à coup à crier :

" Ma robe est bien plus belle que la tienne."
" Penses-tu" répliqua vivement Blanchette, "la mienne vaut cent fois la tienne".

Peut-on se laisser dire cela ? La dispute s'envenima et les voix, d'ordinaire si gentilles et douces, se firent criardes comme le croassement des corbeaux. Ah, cela vous faisait mal à les entendre.


Tel était probablement le sentiment de M. Strobile, un cône de sapin gros et brun, qui pendait à une branche bien au-dessus des deux fleurs. Les cris qui montaient du pré lui donnaient tellement sur les nerfs qu'il finit par trembler de rage. N'y tenant plus,il bondit sur le sol.

Patati,le voici par terre, couché sur le dos comme un hanneton qui ne peut plus se retourner. Il avait voulu sauter entre les deux fleurs qui se disputaient, pour les séparer sans doute, mais dans son aveugle colère, il avait mal calculé son élan et était tombé trop à gauche.

C'était terrible !

Naturellement, plus moyen pour lui de retourner sur son sapin. La dispute des deux clochettes lui sonnait dans les oreilles sans qu'il pût s'y soustraire. Il avait beau protester, gémissant et grognant, les deux fleurs ne l'écoutèrent pas et n'en continuèrent pas moins leur sotte discussion.

Mais le vent, qui avait facilité sa descente de l'arbre, eut pitié de lui et voulut intervenir en fourrant ses grosses pattes dans les cheveux des deux fleurs. Rien n'y fit.

" Blanc bec ", cria rose à Blanchette;
Crête de coq ", répondit l'autre d'une voix railleuse.

Que fit le vent ?

Avec ses bottes de sept lieues, il courut derrière les montagnes où son frère, M. Tonnerre, et son cousin, M. l'Eclair se trouvaient justement réunis.

"Venez", leur cria-t-il, "vous allez vous amuser" !

Empressés, les deux se levèrent, disant à leur domestique, la Pluie, de les suivre et, en compagnie du Vent, ils passèrent par-dessus la montagne.

Arrivés au-dessus des muguets qui se querellaient toujours, ils se cachèrent derrière un nuage noir, pour mieux écouter les deux fleurs qui étaient maintenant comme deux chats prêts à se griffer et à se cracher à la figure.

Ce spectacle peu édifiant indisposa d'abord M. le Tonnerre qui poussa un sourd grognement. M. l'Eclair enfonça sa lance dans le nuage et fit une large déchirure, qui apparaissait comme une tâche jaune.

A cet instant, M. le Tonnerre, toujours plus irrité, éclata en grondements forts et le Vent, soufflant à pleines joues, fit rouler son ami Strobile sous une pierre où il serait à l'abri, car la Pluie versa de grosses larmes sur les deux fleurs querelleuses ; c'étaient de véritables cascades

Ah, que les deux clochettes tremblaient ! L'envie de se disputer leur avait passé depuis un bon moment ; elles ne sentaient plus que l'eau et le froid, elles courbaient leurs petites têtes, si orgueilleuses tout à l'heure ! Lorsque le Tonnerre, l'Eclair et la pluie eurent fait leur oeuvre, il ne restait à ces pauvres fleurs de toute leur splendide toilette que de misérables loques trempées et sales.

" Bonté divine, comme te voilà arrangée ", dit rosette, d'une voix lamentable.
" Et toi," répliqua Blanchette, "on dirait un ramoneur".

Elles s'affaissèrent sur l'herbe et leurs âmes affligées se réfugièrent dans la terre, glissant jusque dans les racines.

M. Strobile, le cône de sapin, avait assisté sous sa pierre à cet effrayant spectacle dont la fin était si triste. Il plaignit les deux petites fleurs, puis son âme s'envola sur le sapin, car les âmes des plantes ne meurent pas ; Les végétaux et les fruits passent, mais l'âme des plantes, selon leur essence, s'en retourne d'où elle est venue, dans les racines sous la terre, dans les troncs des arbres et des buissons.

Après cela, tout rentra dans le calme pour des mois. Il y avait longtemps que le Tonnerre, l'Eclair et la Pluie s'étaient retirés derrière les montagnes.

L'hiver vint.

La place où les muguets avaient poussé était recouverte d'une neige profonde; de nuit, le renard rouge, qui fouine partout, arrivait là pour causer avec sa cousine, la chouette, de tout ce qui s'était passé dans cet endroit. Mais un beau jour, bien plus tard, un bel oiseau noir au bec doré était perché sur le sapin débarrassé de neige; et il chantait, cet oiseau, lançant en trilles mélodieux la belle promesse :

"Le printemps revient".

Le joli mois de mai revint dans le pays et les âmes des muguets se réveillèrent.


Le jour vint où Rosette et Blanchette, les deux muguets, se dressaient de nouveau dans l'herbe à la lisière du bois. Ces deux fleurs avaient des robes merveilleuses; l'une était rose et l'autre pâle comme la neige. Les deux se regardaient. Mais leur humeur était changée, il semblait à chacune que jamais elle n'avait aimé autant sa soeur.

Comme dans un rêve, Blanchette commença à faire tinter sa clochette, et comme en rêve, Rosette se mit à vibrer à l'unisson :

"C'est le joli mois de mai ! c'est le joli mois de mai !"

Quelle musique, on aurait dit des cloches véritables !


M. Strobile, le cône de sapin, se trouvait de nouveau sur sa branche et entendit tout cela .Cela lui faisait un effet, comment vous dire ?

Il en était un peu grisé et, patati, il tomba de l'arbre et, pour cette fois, droit au milieu des deux fleurs. Rosette, effrayée, poussa un cri :

"Eh mon Dieu !"

Mais le Vent lui susurra à l'oreille :

"Du calme, du calme !
Il ne vous fera pas de mal. Il vous aime."

Blanchette reprit sa sonnerie et Rosette l'accompagna. Le cône poussa un soupir de contentement et sa poitrine se gonfla de joie. Tout à coup, on entendit gronder derrière la montagne. C'étaient des éclats de voix qui firent peur à Blanchette, mais M. le Vent, prenant sa voix la plus douce, chuchota.

"Du calme ! Ne vous alarmez pas. Est-ce que vous n'entendez pas que M. le Tonnerre rit ?"

Alors les muguets surent qu'ils n'avaient rien à craindre, ils se penchèrent sur le brun M. Strobile et lui chantèrent une chanson après l'autre. Le soleil se glissait à travers les sapins et se faisait radieux. M. Strobile, le cône , transpirait de plaisir. Celui qui, en mai, monte dans la forêt à flanc de coteau peut l'y voir encore.

Mais ne le touchez pas !

Un cône de sapin qui transpire est gluant.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 02 Mai 2013 à 14:00:44
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Petite reine

Orpheline et ne possédant rien au monde, Marie-AngèleMarie-Angèle avait été, vers sept ans, confiée à une parente très éloignée, qui se nommait Mme Maubec, était repasseuse de son métier, et logeait au coin d'une étroite et sombre rue, à Paris. L'appartement était au rez-de-chaussée et se composait d'une cuisine pas beaucoup plus large qu'un placard, d'une chambre pas beaucoup plus vaste que la cuisine et d'une humide boutique qui s'ouvrait sur la sombre rue que j'ai dite... Brrr... Lorsque je pense à cette maison et à cette rue, un frisson me court le long du dos.
Quelles tristes heures Marie-AngèleMarie-Angèle passait là ! Jamais de soleil, c'était dur : pourtant elle souffrait moins de ce manque de lumière que de l'absence de toute affection. Mme Maubec, en effet, ne l'aimait pas. "Tu me coûtes, lui disait-elle, les yeux de la tête (elle exagérait), et, pauvre comme je suis, je n'avais pas besoin de ça (ça, c'était vrai) d'une bouche de plus à nourrir." En outre, la repasseuse était jalouse de la petite. Pourquoi jalouse ? Parce que ses quatre enfants, à elle, avec leur quatre nez en trompette et leurs huit oreilles trop grandes, ne ressemblaient pas à des chérubins, tandis que Marie-AngèleMarie-Angèle avait un angélique visage. Ses cheveux noirs formaient de jolies boucles ; ses yeux étaient admirables, et son habitude d'avoir du chagrin lui donnait un air grave et réfléchi. Quand ils la voyaient revenant de l'école ou y allant, les voisins lui souriaient.
"On croirait une princesse", pensaient-ils, et alors, parce que personne ne les remarquait, les jeunes Maubec prenaient en haine la mignonne, et la tourmentaient d'autant mieux que leur mère déclarait toujours : "C'est bien fait !"
... Et maintenant que vous savez tout cela, écoutez, mes amis, ce qui arriva à Marie-AngèleMarie-Angèle, le 6 janvier de l'année dernière.
C'était une très froide journée ; l'eau à mesure qu'elle coulait des fontaines, se changeait en glace dans les ruisseaux, un aigre vent balayait les rues et piquait, comme avec des épingles, la figure des passants. Le ciel, néanmoins, demeurait clair, et la neige, qui était tombée la veille, brillait sur les arbres, des jardins.
Dans la cuisine de Mme Maubec, où il y avait jute place pour une table et pour un fourneau ronflant, la table était mise. Midi sonnait. Autour d'un saladier plein de pommes de terre en robe de chambre et d'un plat où s'étalait fumant un morceau de lard fumé, toute la famille réunie : la repasseuse qui passait et repassait à chacun sa portion ; puis, par rang d'âge, les quatre Maubec : Flavie, méchante gamine de treize ans, Didier, un lourdeau aux grosses pattes rouges, Justin et Guillaume ; enfin, au bout de la table, Marie-AngèleMarie-Angèle se tenait assise, maniant une fourchette qui n'avait plus que deux dents. Personne ne parlait ; chacun jouait des mâchoires.
Lorsque le lard fumé eut disparu, et qu'il resta que la robe de chambre des pommes de terre, on se transporta dans la pièce d'à côté, et Mme Maubec dès qu'on y fut, tira d'une commode un gâteau rond, le montra aux cinq enfants et dit :
"C'est aujourd'hui le jour des Rois. Partagez-vous ce gâteau. Il y a une fève dedans."
Ayant ainsi parlé, elle alla travailler dans la boutique, et bientôt on l'entendit remuer les fers sur le réchaud et bousculait des paquets de linge.
Pendant ce temps Flavie coupait le gâteau. Comme elle avait envie d'être reine, elle s'adjugea la plus grosse part, ses frères reçurent ensuite chacun leur morceau, et Marie-AngèleMarie-Angèle se vie gratifié d'une moitié de tranche tellement mince qu'il semblait impossible que le fève s'y trouvât.
Eh bien (quelle surprise !) elle s'y trouvait... Ce fut, pour Marie-AngèleMarie-Angèle, un vrai ravissement ; ses beaux yeux brillèrent, et elle s'écria, battant des mains :
"C'est moi la reine ! C'est moi la reine !
- Toi ? gronda Flavie, rouge de colère... Penses-tu que nous allons, nous autres, élever au trône une poupée de ton espèce, une étrangère qu'on a recueillie par charité ? Jamais de la vie !... Tant que tu resteras dans notre maison, tu n'auras qu'à obéir, entends-tu !"
Et Flavie, s'élançant sur la fillette, lui arracha la fève brutalement, après quoi elle saisit la tringle d'un rideau tombé à terre, s'installa sur une haute chaise, et proclama, affectant de son mieux un air princier :
"C'est moi qui règne... La tringle que voici est mon sceptre... Que chacun se prosterne devant Flavie Ire, reine d'Andalousie et d'Auvergne !... Attention ! Je vais distribuer des places et des fonctions. Toi, Didier, parce tu es fort comme un turc, je te nomme capitaine de gendarmerie ; toi, Justin, tu seras ministre de la justice ; toi, Guillaume, je te charge de la direction des postes et télégraphes, et toi, Marie-AngèleMarie-Angèle, tu ne seras rien du tout. Ca te va-t-il ?"
Non, ma foi, ça ne lui allait point, et même elle pleurait à chaudes larmes, la pauvre petite détrônée, et ne cessait de dire à l'usurpatrice :
"Rends-moi la fève, Flavie Ire !"
Mais l'autre, levant son sceptre (la tringle !), répondait, autoritaire :
"Si tu ne te tais pas, tu vas voir ce que tu va voir !
- La fève... Rends-moi la fève !
- Intolérable rébellion !... Où est mon ministre de la justice ?
- Présent ! cria Justin.
- Je vous ordonne, monsieur le ministre, de galoper, toute affaire cessante, vers le directeur des postes et télégraphes...
- Ousqu'il demeure ?
- Hôtel de la Poste.
- Bon...
- Et de lui enjoindre, en mon nom, d'envoyer une dépêche au capitaine de gendarmerie pour qu'il arrive ici au plus vite."
En moins d'un clin d'oeil la dépêche parvint au capitaine. Il enfila des bottes imaginaires, tordit sa moustacha absente, coiffa le tricorne qu'il n'avait pas, accourut devant le trône, salua militairement et idt :
"J'attends les ordres de ma monarque.
- Mettez la main au collet de la révolutionnaire Marie-Angèle, et fourrez-la-moi dans le coin noir où maman met son charbon."
Didier saisit la fillette par le bras et tâcha de l'entraîner : mais elle résista avec énergie, et le gros garçon fut obligé d'appeler à la rescusse sa soeur et ses frères. Alors le tapage devint affreux ; des hurlements terribles furent poussés ; une table tomba et plusieurs chaises. Avertie par le tumulte, Mme Maubec s'élança dans la chambre en coup de vent. Quel tableau l Le directeur des postes et télégraphes gigotait, les quatre fers en l'air ; le gendarme, cramoisi et dépeigné, poussait vers le trou au charbon sa prisonnière ; le ministre de la justice jouait des poings en grinçant des dents, et la reine d'Andalousie et d'Auvergne, brandissant la tringle (son sceptre !) tapait dans le tas furieusement.
La voix de la repasseuse domina cette guerre civile.
"Qu'y a-t-il encore, démons ?
- C'est Marie-Angèle, affirma Flavie... Elle nous empêche de nous amuser, veut me reprendr la fève du gâteau, et nous à tous griffés ou mordus...Demandez à mes frères si ce n'est pas vrai.
- Très vrai, dirent en choeur les trois polissons.
Mme Maubec pinça les lèvres, enleva brusquement Marie-Angèle, traversa la boutique au pas de charge, et ne s'arrêta qu'au milieu du trottoir. Là, elle mit l'enfant à terre en criant :
"Tu attendras pour rentrer que je t'appelle !"
Collée contre le mur de la maison, la fillette croisa les bras, résignée. Elle ne pleurait plus, et pensait :
"Jamais reine ne fut aussi à plaindre que moi !" Son coeur batait à grands coups ; peu à peu le froid la pénétrait ; le vent glacial agitait autour d'elle ses cheveux ; sa pâleur augmentait encore l'éclat de ses yeux bruns aux longs cils, et vous ne sauriez croire à quel point, malgré sa souffrance, elle était jolie.
Tandis, que, grelottante, elle songeait à ses peines, vint à passer, emmitoufflée de riches fourrures, une dame sur le visage de qui la bonté et l'intelligence resplendissaient. A la vue de la petite, elle s'approcha soudain, regarda avec attention, et murmura, se parlant à elle-même :
"Le voilà donc, ce modèle que j'ai tant cherché !"
Puis, s'adressant à la pauvrette, elle demanda :
"Que fais-tu dehors, par un tel temps ? La place n'est pas tenable.
- On m'y a mise.
- Qui ?... Ta maman ?
- Je n'ai plus de maman.
- La personne qui s'occupe de toi, où loge-t-elle ?
D'un signe de tête, l'enfant indiqua l'obscur magasin de la repasseuse. La dame y entra tout aussitôt, et ne tarda guère à reparaîte, accompagnée de la mère Mauber, qui disait de sa voix mauvaise :
"Oui, certes, vous pouvez l'emmener et la garder jusqu'à ce soir ou même jusqu'à demain... Oh ! elle ne nous manquera pas, et je voudrais bien trouver quelqu'un qui me débarrassât pour toujours."
A l'instant, sa main dans la main gantée de l'inconnue, Marie-Angèle partit. Au coin de la triste rue, une voiture attendait : on y monta, et, moins d'un quart d'heure après, on arrivait devant une magnifique maison. La fillette s'assit dans une sorte de boîte capitonnée (un ascenseur !) qui, rapidement, quitta le sol, s'éleva très haut, s'arrêta au seuil d'une pièce étrange et somptueuse. Ah ! c'était là, mes amis, qu'il faisait clair ! L'une des parois était en verre ; des tableaux garnissaient les trois autres, et partout brillaient des étains et des cuivres, foisonnaient des meubles précieux.
Deux servantes accoururent, et une collation fut apportée, miraculeuse. Puis, la dame ayant donné un ordre, les femmes de chambre s'emparèrent de Marie-Angèle, et remplacèrent son humble robe déteinte par un vêtement de soie surchagé de broderies ; ensuite on la coiffa comme le sont les princesses dans les anciennes estampes, on posa sur sa tête une petite couronne d'or, et on lui mit enfin entre les doigts, non pas un sceptre, mais une rose - une énorme et merveilleuse rose rouge.
Pendant ce tmps, la dame (c'était, sachez-le, une illustre artist peintre, remplie de génie), avait roulé en pleine lumière un chevalet que supportait une large toile. On y pouvait voir, mais encore à l'état d'ébauche, un parc royal, des ombrages, des statues, des routes qui aboutissaient à un gigantesque palais. Au premier plan, tout près d'un bassin où nageaient des cygnes, marchait une fillette couronnée. Elle avait un costume splendide, mais on visage était à peine esquissé.
Ayant pris une palette et des pinceaux, la dame fit monter Marie-Angèle sur un tabouret, et dit :
"Redresse-toi, mignonne, et regarde fièrement... Attention ! tu t'appelles dona Maria, fille de Philippe II, roi d'Espagne, et tu te promènes, une rose à la main, dans les jardins de l'Escurial... Allons, soit majestueuse, petite reind !"
Le pinceau, à l'instant, caressa la toile, et Marie-Angèle, éblouie et charmée, vit peu à peu sa propre figure apparaître sur le tableau, en sorte que la princesse en peinture et elle-même se ressemblaient exactement.
Jusqu'à l'heure où le jour commença à s'obscurcir, l'artiste travailla avec ardeur, puis, au coucher du soleil, elle quitta sa palette, sourit au modèle, lui donna une grosse pièce d'argent, et déclara :
"On va te reconduire chez toi."
L'enfant ne répondit rien : une larme coulait le long de sa joue ; elle l'essuya discrètement. Cette larme, pourtant, l'aimable dame l'avait remarquée ; elle réfléchit une minute, et prononça, très émue :
"Eh bien, je te garderai jusqu'à ce que le tableau soit achevé."
Mais, pour achever le tableau, il ne fallut pas moins de trois mois, et, pendant ces trois mois-là, Marie-Angèle devint si chère à sa bienfaitrice que celle-ci, un matin d'avril, finit par dire :
"Mme Maube ne tient pas à toi ; moi, j'y tiens : ma foi, la belle infante, restons ensemble toujours."

Ivan D'URGEL

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Mai 2013 à 11:05:15
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Le singe et le crabe

Il était une fois un singe et un crabe. Un jour qu'ils se promenaient ensemble, le crabe trouva par hasard dans l'herbe une boulette de riz. Le singe, envieux de la chance du crabe, voulait aussi trouver quelque chose et examinant le sol, découvrit une graine de kaki. Mais il n'était pas satisfait avec sa graine de kaki, et voulait manger la boulette de riz que le crabe avait trouvée, aussi lui dit-il :

"Compère crabe, ne veux-tu pas échanger ta boulette de riz contre ma graine de kaki ? Une fois que tu auras mangé la boulette de riz, il ne te restera rien, mais si tu l'échanges contre ma graine de kaki, tu pourras manger de bons kakis tous les ans."

Le crabe réfléchit un peu, et se dit qu'effectivement il valait mieux avoir la graine de kaki; ils échangèrent donc leurs trouvailles. Le singe gourmand mangea immédiatement la boulette de riz, et chacun rentra chez soi.

Le crabe, une fois rentré chez lui, planta la graine de kaki dans un coin de son jardin. Tous les jours il l'arrosait, la cajolait, l'entourait de soins mais aussi la menaçait :

"Vite, vite, graine de kaki, fais des bourgeons; si tu ne te dépêches pas, je te pincerai!", et la graine de kaki se dépêcha de faire sortir ses bourgeons.

Ensuite, le crabe la pressa encore :

"Vite, vite, graine de kaki, deviens un bel arbre; si tu ne te dépêches pas, je te pincerai!", et la graine devint un bel arbre.

Et le crabe dit encore à l'arbre :

"Vite, vite, fais des fruits; si tu ne te dépêches pas, je te pincerai!", et l'arbre se dépêcha de faire pousser ses fruits. Les kakis mûrirent, et le crabe se dit :

"Enfin, je vais pouvoir manger des kakis. Comme ils ont l'air bons!"

Il commença à grimper à l'arbre, cliquetant de toutes ses pinces, mais il glissait sur le tronc et retombait par terre. Il eut beau essayer encore et encore, il retombait à chaque fois.

Sur ce, le singe arriva et voyant les beaux kakis, il eut envie d'en manger. Il dit au crabe :

"Comme c'est moi qui ait ramassé cette graine, j'ai le droit de manger des kakis."

Le singe grimpa lestement à l'arbre, et commença à se goinfrer de kakis, choisissant les meilleurs fruits, les plus rouges. Le crabe resté au pied de l'arbre lui demanda :

"Envoie-moi quelques fruits, je veux en manger aussi!"

Le singe choisit un fruit encore vert, tout dur, et le lança de toutes ses forces sur le crabe, dont la carapace vola en mille morceaux. Constatant que le crabe était mort, le singe s'enfuit.

Les enfants du crabe sortirent alors de sous la carapace brisée de leur pauvre maman et se mirent à pleurer.

Entendant les petits crabes pleurer, une abeille vint leur demander ce qui leur arrivait.

"Petits crabes, pourquoi pleurez-vous donc?"

"Notre mère est morte; le singe l'a tuée.", répondirent-ils en pleurant.

"Quel méchant singe.", pensa l'abeille.

A ce moment, une châtaigne arriva et s'enquit de ce qui se passait :

"Petits crabes, pourquoi pleurez-vous donc?"

Quand la châtaigne apprit que le singe avait tué la mère des petits crabes, elle pensa, comme l'abeille, que le singe était bien méchant. L'abeille et la châtaigne se disaient qu'il fallait punir le singe, lorsqu'un mortier arriva. Elles lui racontèrent comment était mort le crabe, et tout le monde était d'accord qu'il fallait punir le singe. Enfin une bouse de vache vint se joindre à eux, et ils décidèrent tous ensemble de venger la mort du crabe. Les compagnons partirent donc pour la maison du singe.

Les petits crabes, l'abeille, la châtaigne, le mortier et la bouse de vache arrivèrent chez le singe. Celui-ci était absent, et ils profitèrent de cette aubaine pour tendre leur piège : la châtaigne se cacha dans le foyer, les petits crabes dans le baquet d'eau et l'abeille se posta au-dessus de la porte. Enfin, le mortier s'installa sur le toit de la maison et la bouse de vache sur le pas de la porte. Chacun se tint silencieusement à son poste, attendant le retour du singe.

Le singe rentra enfin, grommelant

"Brr, qu'il fait froid ici!".

Il s'assit au coin du feu pour se réchauffer, et à ce moment, la châtaigne brûlante lui sauta sur le dos.

"Aïe, aïe!". Le singe, gémissant de douleur, se précipita vers le baquet d'eau pour asperger sa brûlure; alors les petits crabes sortirent de l'eau et le pincèrent de toutes leurs forces. Le singe, poussant des hurlements, s'enfuit et lorsqu'il arriva à la porte, l'abeille qui se tenait prête le piqua très fort sur la tête. Le singe fou de peur et de douleur tenta de s´échapper, glissa sur la bouse de vache qui se trouvait sur le pas de la porte, et s'étala de tout son long. Le mortier qui attendait, sur le toit, tomba dans un grand fracas et aplatit le singe comme une crêpe.

C'est ainsi que les compagnons vengèrent la mort du crabe.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Mai 2013 à 11:51:29
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Les Morgans de lîle Ouessant

Assise sur le haut d'un rocher, face à la mer, Mona contemplait les vagues, qui s'écrasaient dans des gerbes d'écume juste au-dessous d'elle. Elle plissa les yeux pour tenter de voir dans l'eau, pour tenter d'apercevoir enfin le château des Morgans, dont on lui avait tant parlé. Mais la mer toujours agitée refusait de laisser percer son secret.
Mona soupira.
Les Morgans, disait-on, étaient les êtres les plus beaux qui soient, des cheveux blonds et bouclés, des yeux bleus et brillants... Mona en rêvait. On disait que parfois, au clair de lune, ils venaient sur le rivage faire sécher leurs pierres pré­cieuses, leurs pièces d'or et leurs fils de soie. Ils les éten­daient sur des draps très blancs, et on pouvait regarder, à condition de ne pas battre des paupières, car dès que l'oeil les quittait un seul instant, les trésors disparaissaient.

Si Mona Kerbili s'intéressait tant aux Morgans, ce n'était pas à cause de leurs richesses, mais parce qu'on murmurait dans le pays qu'elle était sans doute la fille d'un Morgan.
C'était complètement faux, bien sûr : elle était simplement la fille de Fanch Kerbili, et de sa femme Jeanne, c'est ce que Jeanne s'usait à répéter.
- Allons, chuchotait-on derrière son dos, cette petite Mona est beaucoup trop jolie pour être la fille d'un homme de l'île.
- Pour être aussi belle, il faut bien qu'elle ait pour père un Morgan.

Ces paroles étaient venues aux oreilles de Mona, et elle commençait à y croire, malgré les affirmations de sa mère, car il est toujours agréable de s'imaginer qu'on vaut mieux que tous.
Mona n'était pas mauvaise fille, mais la conscience qu'elle avait de sa beauté avait fini par lui gâter le jugement. Main­tenant qu'elle avait dix-sept ans et qu'elle était en âge de se marier, elle ne voyait pas un garçon qui fût digne d'elle.
C'est du moins ce que disaient les mauvaises langues. Mais allez savoir ? Peut-être que, tout simplement, il n'y avait dans l'île aucun garçon qui lui plaise, aucun dont elle aurait pu tomber amoureuse. Il faut dire que le choix n'était pas bien grand, et que les garçons à marier ne se comptaient pas par milliers.
Alors, Mona se promenait au bord de l'eau, et elle soupi­rait.

C'est ainsi qu'un jour qu'elle scrutait l'eau pour découvrir enfin le fameux château, elle se prit à rêver tout haut.
- Le mari qu'il me faudrait, murmura-t-elle, c'est un Morgan.
Mais à peine avait-elle prononcé ces mots, qu'elle se sen­tit glisser vers l'eau. Elle poussa un cri effaré : un vieux Morgan la tenait par la taille, et l'entraînait vers le fond.
Mona tenta de se débattre, d'appeler, mais personne ne l'entendit.
- De quoi as-tu peur ? grimaça le Morgan en la tirant derrière lui. N'as-tu pas ce que tu voulais ?
Mona ravala ses larmes. Elle regrettait. Comme elle re­grettait d'avoir prononcé ces sottes paroles !
Les algues lui chatouillaient le visage, l'eau semblait s'éclairer sur son passage... Quand le château apparut à ses yeux, elle commença à se consoler. Tout était si beau ici !
- Voici mon château, dit le vieillard. Je suis le roi des Morgans, et je t'offre l'hospitalité.
- C'est que... murmura Mona, ma mère va s'inquiéter...
- Il fallait y penser avant, grogna le vieux roi.
Il allait ajouter que cela faisait longtemps qu'il guettait Mona, car il avait remarqué sa grande beauté, quand son fils parut.
Mona demeura suffoquée. Jamais elle n'avait de sa vie vu si beau jeune homme. Lui, la regardait aussi, tout éton­né, et sans pouvoir détourner son regard d'un si charmant visage.
- Oh mon père, dit le jeune homme. Est-ce là l'épouse que vous me destinez ?
Le roi des Morgans se redressa de toute sa hauteur
- Du tout ! Du tout ! gronda-t-il d'un air fâché.
Mais, se trouvant soudain bien sot devant son fils, il n'osa avouer qu'il avait fait le projet d'épouser lui-même cette jeune personne, et se contenta de grommeler :
- Un Morgan ne se marie pas avec une fille de la Terre.
- Je vous en prie, mon père, reprit le jeune Morgan, rien que de la voir, je me sens tout ému, et si par hasard elle m'aimait aussi...
- Suffit ! cria le père. J'ai ramené cette fille de la Terre pour en faire une servante, c'est tout. Il y a chez nous suffi­samment de jolies Morganès pour que tu puisses en choisir une qui te plaise !
Maintenant qu'il avait prononcé ces mots, le vieux roi ne pouvait plus prétendre épouser lui-même Mona. Il en était fâché, ulcéré, malade, si furieux qu'il en devint épouvan­table. D'abord, il tenta d'enfermer Mona, pour que son fils ne puisse l'apercevoir, mais cela ne servit qu'à faire dépérir le jeune homme.
Alors son père prit la décision de le marier, pour qu'il ou­blie la fille de la Terre. Peine perdue : le jeune homme ne re­garda même pas sa fiancée, et continua de demander comme chaque jour à son père de lui donner Mona pour femme.
Jamais ! Jamais ! Jamais ! Le vieux roi ne céderait pas, et plutôt que de voir la jeune fille de la Terre au bras de son fils, il préférait la voir morte.
Voilà, sa décision était prise. Il fit venir son fils, et lui dit
- Ta fiancée a assez attendu. Demain, tu l'épouseras. Quant à Mona, si elle veut rester en vie, il lui faudra prou­ver qu'elle est une excellente servante, car je ne veux pas ici de bouche inutile. Elle préparera le repas de noce. S'il n'est pas bon, elle mourra.

Le lendemain, Mona fut convoquée aux cuisines. Le vieux roi lui donna quelques grandes coquilles de mer vides et lui ordonna de préparer le meilleur des repas. Puis, sans écouter la jeune fille, il rejoignit le cortège de la noce qui se dirigeait vers l'église.
Le cortège s'étirait tout au long de la Voie Royale, la plus belle route du royaume. Le jeune Morgan marchait devant.
Il avait l'air détendu, presque gai, ce qui rassura bien son père. Mais voilà que soudain, il s'arrêta et se frappa le front en riant
- Oh mon père, c'est trop d'étourderie : j'ai oublié les al­liances sur la table ! Je cours les chercher et je reviens.
Et avant que son père n'ait pu l'en empêcher, il fit demi­-tour.
Comme il arrivait aux cuisines, il aperçut Mona qui pleurait. Elle se jeta dans ses bras.
- Je dois faire le repas, sanglota-t-telle, et on ne m'a rien donné pour cela : ni feu, ni rien à faire cuire.
- Ne pleurez pas, ma douce, je suis là. Je vais vous aider.
Il tendit le doigt vers le foyer, et le feu s'alluma aussitôt. Il toucha les marmites, et elles se remplirent de poisson fi­nement cuisiné et de succulentes sauces aux crustacés. Puis il dit :
- Je vous sauve la vie, ma douce, mais hélas je vous perds, car je me marie ce matin. Sachez pourtant que je n'aime que vous, pour toujours.
Ils pleurèrent tous deux. Mais les larmes ne pouvaient servir de rien, et le Morgan dut repartir pour l'église.

- Alors ! grogna le vieux Morgan en pénétrant dans les cuisines. Voilà le mariage célébré. Tout est-il prêt, Mona ?
Il jeta un coup d'oeil aux marmites, resta stupéfait, puis serra les dents. Il l'aurait juré : la magie de son fils était pour quelque chose dans ce repas trop bien préparé.
- Tu m'as trompé, dit-il à Mona d'un air mauvais, mais tu ne perds rien pour attendre. Ce soir, tu veilleras à l'en­trée de la chambre de mon fils et de sa femme, en portant un cierge. Si par malheur tu laisses s'éteindre le cierge, alors tu mourras.
Mona se sentit devenir de glace : forcément, la flamme s'éteindrait quand la cire serait entièrement consumée. Elle se dit qu'elle allait mourir, et voulut prévenir le jeune Mor­gan. Hélas, toutes les portes étaient closes. Elle était enfer­mée dans les cuisines, tandis que son ami était bloqué dans la grande salle par le festin d'où il ne pouvait s'échapper.
Alors, Mona fondit en larmes. Elle s'excusa en pensée auprès de ses parents, de sa mère dont elle avait douté, de son père qu'elle avait méprisé, et recommanda son âme à Dieu.

Le soir venu, le vieux roi accompagna son fils jusqu'à sa chambre :
- Comme c'est la coutume, annonça-t-il, quelqu'un mon­tera la garde devant votre porte, en tenant une chandelle. Ne vous inquiétez donc pas si vous entendez du bruit.
Le jeune Morgan voulut demander qui monterait la gar­de, mais son père était déjà parti. Le jeune homme se dit qu'il s'agissait forcément d'un des serviteurs du château, et n'insista pas.
Toutefois, au bout d'un moment, il crut entendre parler dans le couloir. Le vieux roi ne savait pas chuchoter. On percevait sa voix étouffée, qui demandait :
- Le cierge est-il bientôt consumé ?
- Pas encore, répondit une voix douce, que le jeune Mor­gan aurait reconnue entre mille.
Quelques minutes passèrent.
- Le cierge est-il bientôt consumé ?
Le jeune Morgan se demandait ce qu'était cette histoire de cierge, à laquelle il ne comprenait rien.
N'y tenant plus, ils se tourna vers sa femme et dit :
- Il fait froid ici. J'entends que Mona est dans le couloir, voulez-vous bien aller lui dire de venir allumer le feu. Pen­dant ce temps-là, vous tiendrez sa chandelle.
À peine Mona eut-elle refermé la porte, qu'un courant d'air éteignit le cierge. Surprise, la jeune mariée resta un moment sans bouger. Elle entendit alors une voix qui s'in­quiétait :
- Le cierge est-il bientôt consumé ?
- Il s'est éteint, répondit-elle.
Et avant qu'elle n'ait eu le temps de comprendre, une épée lui avait tranché la tête.

Quand le jeune Morgan découvrit sa femme morte sur le pas de la porte, il devina ce qui s'était passé.
Alors il réfléchit et alla voir son père :
- Vous avez tué ma femme, accusa-t-il sévèrement.
- Votre femme... bredouilla le vieux roi qui commençait à comprendre sa méprise. Mais je n'ai pas...
- Vous avez tué ma femme. Maintenant, en réparation,
vous me donnerez l'épouse que je veux.
- Il n'en est pas question
- Je veux Mona, décida le Morgan d'un ton sans réplique en saisissant la main de la jeune fille.
Et sans égard pour le roi qui étouffait de colère, il sortit avec elle et courut vers l'église.

Quelques années passèrent. Mona était heureuse avec le jeune Morgan, elle l'aimait de plus en plus. Pourtant, cer­tains jours, elle regrettait le soleil de là-haut, les gens de là­-haut.
- Pourquoi êtes-vous si triste, ma mie ?
- C'est que je suis inquiète. Je voudrais revoir mes pa­rents, les rassurer. Ils m'aimaient tant...
Le Morgan était désolé que son amour ne suffise pas à sa femme, mais il n'en dit rien. Il ne voulait pas la tenir en prison.
- Si vous voulez aller les voir, dit-il, allez, mais revenez-­moi vite, je vous en supplie.
- Vous n'avez rien à craindre, dit Mona. Je vous aime plus que tout au monde, et ne saurais vivre sans vous.
- Alors allez vite, ma mie, souffla le Morgan, que mon père ne vous voie pas.
Et d'un geste de la main, il dessina un pont immense qui rejoignait la terre.
Malheureusement, à peine Mona eut-elle posé le pied sur le pont, que le vieux Morgan apparut. Voyant ce qui se passait, il menaça aussitôt du doigt :
- Ah ! tu t'en vas !... Eh bien va ! Mais je te préviens : si par hasard tu embrasses un homme, tu ne reviendras plus ici, jamais.
- Je n'embrasserai aucun homme, dit Mona sans regar­der le vieux.
Et elle se mit à courir sur le pont.

Quand Mona arriva à la maison de son père, personne ne la reconnut, tant elle avait gagné en beauté, tant elle était richement vêtue. On la prit pour une apparition, une fée, et on eut peur.
Mona était désolée : plus elle parlait, plus ses parents croyaient à un tour joué par les mauvais esprits. Ils étaient sûrs que leur fille Mona s'était noyée, et qu'elle était morte depuis longtemps.
Alors, les larmes ruisselèrent sur les joues de la jeune femme, et elle dit :
- J'ai eu tort de croire que j'étais la fille d'un Morgan.
Vous l'avez toujours dit, ma mère, je suis votre fille, et celle de Fanch Kerbili.
À ces paroles, ses parents la reconnurent. Sa mère la serra dans ses bras, la cajola, son père l'embrassa en pleu­rant. Alors, si heureuse d'être enfin redevenue leur fille, Mona leur rendit leurs baisers...
Las ! À peine eut-elle embrassé son père, qu'elle oublia tout de sa vie chez les Morgans. Elle se réinstalla dans la maison de ses parents, et reprit sa vie d'antan comme si rien, jamais, ne s'était passé.

Le temps coula doucement. Au fond de la mer, le jeune Morgan se désespérait. Il comprenait que sa femme était perdue. Il errait tout le jour sans but. Le soir, il posait le pied sur le rivage, et contemplait la maison de sa bien-ai­mée, sans pouvoir rien faire.
Chez les Kerbili, la vie avait repris son cours, et plus d'un garçon rôdait autour de la maison, faisant sa cour à la plus belle des belles, Mona Kerbili. La réputation de sa beauté était même parvenue si loin, que des jeunes gens vinrent du continent pour avoir le privilège de l'approcher.
Pourtant, Mona ne pouvait attacher son coeur à aucun. Sans savoir pourquoi, elle ne parvenait même pas à les re­garder et se surprenait souvent à soupirer, le coeur plein d'un désespoir qu'elle ne s'expliquait pas.
La nuit, couchée dans son petit lit, elle entendait des gé­missements dans le vent. Ce sont les âmes des pauvres noyés, croyait-elle, qui se plaignent. Alors elle s'agenouillait au pied de son lit, et priait pour que ces pauvres âmes trou­vent enfin le repos.

Une nuit de tempête, Mona fut réveillée par un long sanglot porté par le vent. Les embruns de la mer frappaient sa fenêtre, la mer s'était déchaînée, on l'entendait mugir, s'acharnant violemment contre les rochers de la côte. Il fal­lait se blottir au plus profond de son lit, et prier le ciel pour les pauvres marins qui étaient dans la mer

Pourtant, Mona sentait en elle comme de l'exaltation. Au lieu de la terrer dans son lit, voilà que la tempête semblait l'attirer au dehors.

Elle sortit. Sur le pas de la porte, elle fut assaillie par le vent et la pluie, et l'écume de la mer qui fouettaient son pauvre corps, et dans le souffle mouillé qui balayait la lan­de, elle entendit une voix chaude, une voix aimée qui gé­missait. Alors tout lui revint. Son coeur se gonfla : son mari bien-aimé l'appelait désespérément. Elle courut vers le ri­vage.

De ce jour, on ne revit plus jamais Mona Kerbili. On crut qu'elle était devenue folle, et s'était précipitée dans la mer en furie. Seuls ses parents devinèrent ce qui s'était passé, car ils avaient le premier jour reconnu sur elle des vête­ments de Morgans. Mais ils ne dirent rien. Certains soirs, on les voyait se promener le long du rivage. Malgré leur tristesse, ils ne pleuraient point, car ils savaient que leur fille, enfin, était heureuse.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Mai 2013 à 11:04:45
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Le prince transformé en tulipe

Il était une fois un roi qui avait un fils unique. Un jour, le fils dit à son père :
« Mon cher père, maintenant je m'en vais et je ne reviendrai pas tant que je n'ai pas trouvé la fille la plus belle au monde.
- Vas-y, mon fils, dit le père, je te souhaite bonne chance. »

Le prince suivit un chemin qui le mena dans une forêt dense. Dans un buisson plein d'épines, une corneille croassa désespérément. Elle n'arrivait pas à se dégager des branches épaisses et épineuses.
Le prince, qui avait bon cœur, l'aida à se libérer. La corneille lui dit:
« Tire une des plumes de mon aile et si un jour tu rencontres des difficultés, lance-la en l'air et j'arriverai tout de suite à ton aide. »

Le prince rangea la plume et continua son chemin. En avançant sur la route, il aperçut un petit poisson qui s'agitait dans le creux asséché tracé par une roue de charrette. Le prince eut pitié du petit poisson, l'amena au lac et le jeta dans l'eau. Le poisson lui dit:
« Prends une écaille sur mon dos et si un jour tu rencontres des difficultés, jette l'écaille dans l'eau, et j'arriverai tout de suite à ton aide. »

Plus loin, sur son chemin, il aperçut un vieil homme qui avait faim et soif. Le prince lui donna de bon cœur à boire et à manger. Le vieil homme lui dit:
« Arrache deux de mes cheveux et si un jour tu rencontres des difficultés, lâche-les et j'arriverai tout de suite à ton aide. »

Le prince reprit son chemin et le troisième jour, il arriva à la lisière d'un village. Il entendit dire des villageois qu'un vieux roi y habitait. Il avait une très belle fille et celui qui voulait l'épouser, devrait se cacher trois fois de manière à ce que la princesse ne le retrouve pas.
« Alors, je tente ma chance », pensa le prince.

Il alla chez la princesse et la demanda en mariage. Elle lui dit qu'il devrait se cacher trois fois et que s'il réussissait à le faire au moins une fois sans qu'elle le retrouve, alors elle l'épouserait.

Le prince jeta en l'air la plume. Les corneilles arrivèrent en grand nombre et l'amenèrent au sommet d'une grande montagne. Mais la princesse y alla directement, le retrouva et se moqua de lui.

Le lendemain, le prince jeta l'écaille dans un lac. Un immense poisson nagea vers le bord du lac. Le prince se cacha dans son ventre, mais la princesse arriva avec une épuisette, pêcha le poisson et trouva le prince. Elle se moqua de lui.
Le troisième jour, il libéra les deux cheveux. Le vieil homme arriva et caressa le prince qui se transforma en tulipe. Le vieil homme fixa la tulipe sur le bord de son chapeau. La princesse le chercha en vain.

Le soir, elle annonça officiellement que son prétendant restait introuvable. A ce moment-là, le vieil homme se présenta devant la princesse et lui donna la tulipe rouge. La belle princesse donna un baiser à la fleur qui redevint immédiatement prince.
« Tu es à moi, je suis à toi », dit la princesse.

Les noces eurent lieu le soir même.

Le prince trouva ainsi la plus belle fille au monde et l'amena chez lui, dans son village.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Mai 2013 à 11:22:01
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L'oiseau vert

Ecoutez-moi, je vous raconte l'histoire d'un sultan.

Autrefois, il y avait une jeune fille, dont la beauté était à l'image du jour. Ses parents l'entouraient de tous leurs soins, et s'inclinaient devant tous ces caprices.

Vint un jour, où se trouvant dans le jardin, elle aperçut un colporteur qui disait :
« Je vends du malheur,
à tout acheteur.
Prenez madame.
Pour quelques dirhams . »

Intriguée, elle courut retrouver sa mère, et lui conta ce qu'elle avait entendu, laquelle, pour la calmer lui dit :
« Ma chère enfant un tel désir peut-il être raisonnable ?
Je serai heureuse de le voir », lui répondit-elle.
La mère s'étonna que sa fille désirât un tel achat, elle voulut la raisonner, mais en vain ! La jeune fille insista tant et si bien que la mère consentit et interpella le marchand :
« Ô marchand, que vends-tu ?
Du basilic », répondit-il.
Aussitôt, un plant fut acheté, et la jeune fille le mit en terre dans le jardin.
Le lendemain, la première pensée de la jeune fille fut pour le basilic, et elle s'empressa d'aller l'arroser. Mais à cet instant, un magnifique oiseau vint se poser près d'elle, son plumage était vert, couleur de paradis, son cou gracieux bordé d'une collerette soyeuse, sa tête était couronnée d'une huppe, et, au fond de ses yeux bleus, miroitaient doucement, toutes les couleurs de l'arc-en-ciel...
Il interpella la jeune fille en ces termes :
« Maîtresse du basilic,
Toi qui le lave et le nettoie.
Dis-moi dans son bouquet
Combien de feuilles il déploie ? »

Pour toute réponse, elle ôta de son poignet un bracelet d'or fin, et lui lança. L'oiseau s'envola, et disparut dans le ciel, le bracelet dans son bec.
Le lendemain, et tous les autres jours, la même scène se répéta. L'oiseau renouvelait sa question, et la jeune fille renouvelait son offrande : bagues, colliers, bracelets, boucles, tous ses bijoux y passèrent, jusqu'au jour où elle n'eut plus le moindre breloque à lancer. Dès lors, le bel oiseau cessa de venir.
Angoissée par la perte de ses bijoux, et inquiète, à l'idée de ne plus voir son beau visiteur, la jeune fille fut alors en proie à la plus profonde affliction ; sa santé s'altéra tant qu'elle en perdit le manger, le boire et le sommeil.
Désespérés, ses parents firent venir à son chevet les plus éminents docteurs, les plus illustres talebs, les plus brillants magiciens, mais le mal mystérieux triomphait. Le père, enfin proposa une fortune à quiconque guérirait sa fille bien-aimée.
Ce fut alors qu'une vieille se présenta et demanda à être en tête à tête avec la jeune fille ; celle-ci lui conta l'histoire de l'oiseau vert ; la vieille femme lui dit :
« Tu devras te rendre à la forêt et là, tu chercheras une grotte, pénètres-y, assieds-toi et attends. Une caravane de chameaux passera par là et s'arrêtera pour s'abreuver ; lorsque les chameaux s'agenouilleront, tu monteras l'un d'eux, ils te mèneront chez l'oiseau vert, et ta maladie disparaîtra ».
la jeune fille suivit scrupuleusement les conseils de la vieille femme, et tout se passa comme elle le lui avait dit.
A l'endroit indiqué, les chameaux vinrent, s'abreuvèrent, s'agenouillèrent, et lorsque la jeune fille monta l'un d'eux, la terre s'ouvrit, et la caravane se trouva transportée par enchantement devant un palais si somptueux, si beau, que la jeune fille en fut éblouie.
Le cœur battant, elle se précipita vers l'une des pièces et se dissimula derrière un rideau. A cet instant, le bel oiseau entra par la fenêtre, et ô merveille, se métamorphosa en être humain. Après un moment d'effroi, la jeune fille se réjouit et éprouva un immense bonheur lorsqu'elle eut reconnu le marchand qui lui avait vendu le plant de basilic.
Il sortit d'un meuble, un coffret d'argent, l'ouvrit, et la jeune fille - toujours dissimulée derrière le rideau - reconnut ses bijoux ; il se mit alors à pleurer, et à se lamenter :
« Pleurez avec moi,
partagez ma peine,
pleurez, palais et roi,
pleurez votre reine. »

Mais les objets, les habitants, tout le palais, qui d'ordinaire partageaient sa peine et s'associaient à ses pleurs, répondirent, cette fois-ci, par des rires joyeux !
Le prince - car c'était le fils d'un roi - comprit qu'une personne étrangère s'était introduite dans son palais ; il dit :
« Qui es-tu ? Djinn ? ou humain ? » Troublée, la jeune fille sortit de sa cachette, et grande fut la joie de leurs retrouvailles.
« Je vous ai rejoint,
dans ce pays lointain
et nous voici réunis
à jamais, pour la vie... »

Mais ce bonheur fut de courte durée... Le destin, implacable, allait s'abattre sur les deux jeunes gens.
Le roi dont le palais se trouvait en amont de la rivière, préparait les festivités pour célébrer les noces de son fils ; une belle princesse avait était choisie par le roi, et celui-ci, en informa son fils par un pli qu'il jeta à la rivière.
Ce jour-là, le prince et sa bien-aimée se trouvaient au bord de l'eau ; la jeune fille dormait, la tête posée sur les genoux de son prince. Portés par les flots argentés, le pli scellé parvint en aval, là où se trouvait le palais du prince ; surpris, celui-ci le prit, l'ouvrit et lut :
« Le bain nuptial chez vous.
Les cérémonies chez nous. »

Le prince pâlit et comprit l'ordre envoyé par le roi son père. « Que faire ? se dit-il, convient-il d'informer sa bien-aimée ? Serait-il préférable de n'en rien faire ? »
Après une longue et douloureuse hésitation, il souleva délicatement la tête de la jeune fille, la posa sur une pierre et partit sans faire de bruit.
Au contact de la pierre froide sous sa joue, elle se réveilla et ne trouvant personne fut fort inquiète et se mit à pleurer.
Elle chercha longtemps le prince et longtemps elle l'appela, hélas, seul le lointain écho répondait à ses appels !
Soudain, un vieillard surgit au bout du chemin, à son aspect la jeune fille comprit que c'était un marchand de sel ; en effet, près de lui trottait un petit âne, chargé de gros sacs de sel.
Elle s'empressa de lui faire part de l'objet de ses recherches mais il répondit n'avoir pas rencontré âme qui vive.
Il s'enquit alors : Qui était-elle ? Que faisait-elle là seule ?
« J'étais endormie près de la rivière, lui répondit-elle, et à mon réveil, mon compagnon avait disparu.
Et toi, qui es-tu ?
Je suis le pourvoyeur de sa majesté en sel et je dois me rendre au palais royal car aujourd'hui, nous fêtons les noces du prince ! »
Une immense tristesse envahit le cœur de la jeune fille ; elle comprit que ce prince qui convolait en justes noces, était son bien-aimé. Elle voulut à tout prix le rejoindre et supplia le vieillard d'accepter de lui donner, en échange de ses bijoux, ses vêtements, son turban, l'âne et son fardeau de sel.
Le vieillard hésita longtemps, mais alléché par le lucre, il finit par céder et lui donna ses habits dont elle se vêtit. Puis, il lui indiqua le chemin à suivre pour se rendre au palais.
Méconnaissable sous son déguisement, la jeune fille passa devant les gardes du palais qui lui ordonnèrent de se présenter au plus vite devant le prince qui, au préalable, en avait donné l'ordre dans l'espoir d'avoir quelque nouvelle...
Enfin parvenue à la salle du trône, elle le trouva assis, la mariée à ses côtés ; le visage du prince était triste, et les larmes brillaient dans ses yeux.

La voix tremblante, il lui demanda :
« N'as-tu pas rencontré,
O pourvoyeur de sel !
Dans cette contrée
Quelque mortel ? »

La jeune fille lui répondit avec désespoir :
« J'ai vu,
J'ai vu et admiré,
Une jeune fille étonnante de beauté,
Assise sur un trône doré... »

Plusieurs fois le prince répéta sa question et chaque fois il obtint la même réponse.
Désespéré, le prince sortit dans le parc, et à une branche d'arbre il se pendit.
La jeune fille qui l'avait suivi, voyant son bien-aimé mort n'eut qu'un seul désir : le rejoindre.

Elle s'adressa au citronnier :
« O citronnier,
Prête-moi une branche
Pour y laisser ma vie ! »

Mais l'arbre lui répondit :
« Non Lalla.
Je donne la vie,
Et prends soin de mes fruits.
Mais je crains le châtiment divin... »

Tour à tour, le pommier, l'oranger et tous les arbres qu'elle sollicita lui firent la même réponse.
Enfin, elle s'adressa au chêne qui lui tendit sa branche et elle s'y pendit et mourut.
La mariée, intriguée par l'absence prolongée du prince, sortit alors dans le par cet grande fut sa surprise lorsqu'elle vit le couple : car la jeune fille lui apparut alors dans toute sa beauté ; les haillons et le turban qui la déguisaient étaient tombés à terre, et seulement la cascade de ses cheveux la paraît dans une irréelle et éternelle splendeur...
La mariée, craignant quelque accusation, se pendit à son tour à une branche d'arbre.
Alors vinrent le roi, les convives, les gardes et les festivités se transformèrent en funérailles. On se demanda qui était cette jeune fille si belle et on comprit qu'elle était le faux marchand de sel. Les trois jeunes gens furent enterrés dans le par cet sur chacune des tombes alignées poussa une plante ; sur la tombe de la mariée, une ronce épineuse, sur celle du prince, un lys, et sur celle de la jeune fille, une rose...
Le jardinier vint un jour à passer par là ; un chuchotement de voix l'attira vers les tombes et il entendit le murmure des voix qui disait :
« Un lys, une rose.
Pourquoi cette ronce.
Près de nous ? »

Inlassablement le lys et la rose enlacés répétaient à l'envie leur murmure amoureux...

Le jardinier troublé, s'empressa d'aller quérir son maître le roi. Celui-ci vint : il vit et entendit le chant d'amour qui venait d'outre-tombe.

Alors le souverain ordonna de transférer la troisième tombe ailleurs,
plus loin...
Le murmure se tut,
le lys et la rose s'enlacèrent pour l'éternité...

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 08 Mai 2013 à 14:29:08
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La vieille maison

Au beau milieu de la rue se trouvait une antique maison, elle avait plus de trois cents ans : c'est là ce qu'on pouvait lire sur la grande poutre, où au milieu de tulipes et de guirlandes de houblon était gravée l'année de la construction. Et on y lisait encore des versets tirés de la Bible et des bons auteurs profanes ; au-dessus de chaque fenêtre étaient sculptées des figures qui faisaient toute espèce de grimaces. Chacun des étages avançait sur celui d'en dessous ; le long du toit courait une gouttière, ornée de gros dragons, dont la gueule devait cracher l'eau des pluies ; mais elle sortait aujourd'hui par le ventre de la bête ; par suite des ans, il s'était fait des trous dans la gouttière. Toutes les autres maisons de la rue étaient neuves et belles à la mode régnante ; les carreaux de vitre étaient grands et toujours bien propres ; les murailles étaient lisses comme du marbre poli. Ces maisons se tenaient bien droites sur leurs fondations, et l'on voyait bien à leur air qu'elles n'entendaient rien avoir de commun avec cette construction des siècles barbares. " N'est-il pas temps, se disaient-elles, qu'on démolisse cette bâtisse surannée, dont l'aspect doit scandaliser tous les amateurs du beau ? Voyez donc toutes ces moulures qui s avancent et qui empêchent que de nos fenêtres on distingue ce qui se passe dans la baraque. Et l'escalier donc qui est aussi large que si c'était un château ! que d'espace perdu ! Et cette rampe en fer forgé, est-elle assez prétentieuse ! Comme ceux qui s y appuient doivent avoir froid aux mains ! Comme tout cela est sottement imaginé ! " Dans une des maisons neuves , bien propres, d'un goût bien prosaïque, celle qui était juste en face, se tenait souvent à la fenêtre un petit garçon aux joues fraîches et roses ; ses yeux vifs brillaient d'intelligence. Lui, il aimait à contempler la vieille maison ; elle lui plaisait beaucoup, qu'elle fût éclairée par le soleil ou par la lune. Il pouvait rester des heures à la considérer, et alors il se représentait les temps où, comme il l'avait vu sur une vieille gravure, toutes les maisons de la rue étaient construites dans ce même style, avec des fenêtres en ogive, des toits pointus, un grand escalier menant à la porte d entrée, des dragons et autres terribles gargouilles tout autour des gouttières ; et, au milieu de la rue, passaient des archers , des soldats en cuirasse, armés de hallebardes. C'était vraiment une maison qu'on pouvait contempler pendant des heures. Il y demeurait un vieillard qui portait des culottes de peau et un habit à grands boutons de métal, tout à fait à l'ancienne mode ; il avait aussi une perruque, mais une perruque qui paraissait bien être une perruque, et qui ne servait pas à simuler habilement de vrais cheveux. Tous les matins, un vieux domestique venait, nettoyait, faisait le ménage et les commissions, puis s'en allait. Le vieillard à culottes de peau habitait tout seul la vieille maison. Parfois il s'approchait de la fenêtre ; un jour, le petit garçon lui fit un gentil signe de tête en forme de salut ; le vieillard fit de même ; le lendemain ils se dirent de nouveau bonjour, et bientôt ils furent une paire d'amis, sans avoir jamais échangé une parole. Le petit garçon entendit ses parents se dire : " Le vieillard d'en face a de bien grandes richesses ; mais c'est affreux comme il vit isolé de tout le monde. " Le dimanche d'après, l'enfant enveloppa quelque chose dans un papier, sortit dans la rue et accostant le vieux domestique qui faisait les commissions, il lui dit : " Ecoute ! Veux-tu me faire un plaisir et donner cela de ma part à ton maître ? J'ai deux soldats de plomb ; en voilà un ; je le lui envoie pour qu'il ait un peu de société ; je sais qu'il vit tellement isolé de tout le monde, que c'est lamentable. " Le vieux domestique sourit, prit le papier et porta le soldat de plomb à son maître. Un peu après, il vint trouver les parents , demandant si le petit garçon ne voulait pas venir rendre visite au vieux monsieur. Les parents donnèrent leur permission, et le petit partit pour la vieille maison. Les trompettes sculptées sur la porte, ma foi, avaient les joues plus bouffies que d'ordinaire, et si on avait bien prêté l'oreille, on les aurait entendus, qui soufflaient dans leurs instruments : " Schnetterendeng ! Ta-ra-ra-ta : le voilà, le voilà, le petit schnetterendeng !" La grande porte s'ouvrit. Le vestibule était tout garni de vieux portraits de chevaliers revêtus de cuirasses, de châtelaines en robes de damas et de brocart ; l'enfant crut entendre les cuirasses résonner et les robes rendre un léger froufrou. Il arriva à un grand escalier, avec une belle rampe en fer tout ouvragée, et ornée de grosses boules de cuivre, où on pouvait se mirer ; elles brillaient comme si on venait de les nettoyer pour fêter la visite du petit garçon, la première depuis tant d'années. Après avoir monté bien des marches, l'enfant aperçut, donnant sur une vaste cour, un grand balcon ; mais les planches avaient des fentes et des trous en quantité ; elles étaient couvertes de mousse, d'herbe, de sedum, et toute la cour et les murailles étaient de même vertes de plantes sauvages qui poussaient là sans que personne s'en occupât. Sur le balcon se trouvaient de grands pots de fleurs, en vieille et précieuse faïence ; ils avaient la forme de têtes fantastiques, à oreilles d'âne en guise d'anses ; il y poussait des plantes rares ; c'étaient des touffes de feuilles, sans presque aucune fleur. Il y avait là un pot d'oeillet tout en verdure, et il chantait à voix basse : "Le vent m'a caressé, le soleil m'a donné une petite fleur, une petite fleur pour dimanche. " Ensuite, le petit garçon passa par une grande salle ; les murs étaient recouverts de cuir gaufré, à fleurs et arabesques toutes dorées, mais ternies par le temps. " La dorure passe, le cuir reste, " marmottaient les murailles. Puis l'enfant fut conduit dans la chambre où se tenait le vieux monsieur, qui l'accueillit avec un doux sourire, et lui dit : "Merci pour le soldat de plomb, mon petit ami ; et merci encore de ce que tu es venu me voir." Et les hauts fauteuils en chêne, les grandes armoires et les autres meubles en bois des îles craquaient, et disaient : " knick, knack, " ce qui pouvait bien vouloir dire : "Bien le bonjour !" A la muraille pendait un tableau, représentant une belle dame, jeune, au visage gracieux et avenant ; elle était habillée d'une robe vaste et raide, tenue par des paniers ; ses cheveux étaient poudrés. De ses doux yeux elle regardait l'enfant. " Qui cela peut-il donc être ; dit-il. D'où vient cette belle madame ?
De chez le marchand de bric-à-brac, répondit le vieux monsieur. Il a souvent des portraits à vendre et pas chers. Les originaux sont morts et enterrés ; personne ne s'occupe d'eux. Cette dame , je l'ai connue toute jeune ; voilà un demi-siècle qu'elle a quitté ce monde ; j'ai retrouvé son portrait chez le marchand et je l'ai acheté. " Au-dessous du portrait, se trouvait sous verre un bouquet de fleurs fanées ; elles avaient tout l'air d'avoir été cueillies juste cinquante ans auparavant. " On dit chez nous, reprit l'enfant, que tu es toujours seul, et que cela fait de la peine, rien que d'y penser.
Mais pas tant que cela, dit le vieux monsieur. Je reçois la visite de mes pensées d'autrefois, et je revois passer devant moi tous ceux que j'ai connus. Et, maintenant, toi tu es venu me rendre visite ; je me sens très heureux. " Il tira alors d'une armoire un grand livre à images, et les montra au petit garçon ; c'étaient des fêtes et processions des siècles passés ; d'énormes carrosses tout dorés, des soldats qui ressemblaient au valet de trèfle de nos cartes ; des bourgeois, habillés tous différemment selon leurs métiers et professions. Les tailleurs avaient une bannière où se voyaient des ciseaux, tenus par deux lions ; celle des cordonniers représentait un aigle à deux têtes, parce que chez eux il faut toujours la paire. Oui, c'étaient de fameuses images, et le petit s'en amusait tout plein. Le vieux monsieur alors alla chercher dans l'office des gâteaux, des confitures, des fruits. Qu'on était bien dans cette vieille maison ! " Je n'y tiens plus, s'écria tout à coup le soldat de plomb qui était sur la cheminée. Non, c'est par trop triste ici, celui qui a goûté de la vie de famille ne peut s'habituer à une pareille solitude. J'en ai assez. Le jour déjà ne semble pas vouloir finir ; mais la soirée sera encore plus affreuse. Ce n'est pas comme chez toi, mon maître ; ton père et ta mère causent joyeusement ; toi et tes frères et soeurs vous faites un délicieux tapage d'enfer. On se sent vivre au milieu de ce bruit. Le vieux, ici, jamais on ne lui donne de baisers, ni d'arbre de Noël. On lui donnera un jour un cercueil et ce sera fini. Non, j'en ai assez.
Il ne faut pas voir les choses du mauvais côté, répondit le petit garçon. A moi, tout ici me paraît magnifique, et encore n'ai-je pas vu toutes les belles choses que les vieux souvenirs font passer devant les yeux du maître de céans.
Moi non plus, je ne les aperçois, ni ne les verrai jamais, reprit le soldat de plomb. Je te prie, emporte-moi.
Non, dit le petit, il faut que tu restes pour tenir compagnie à ce bon vieux monsieur. " Le vieillard, qui paraissait tout rajeuni et avait l'air tout heureux, revint avec d'excellents gâteaux, des confitures délicieuses, des pommes, des noix et autres friandises ; il plaça tout devant son petit ami, qui, ma foi, ne pensa plus aux peines du soldat de plomb. L'enfant retourna chez lui, s'étant diverti à merveille. Le lendemain, il était à sa fenêtre, et il fit un signe de tête au vieux monsieur, qui le lui rendit en souriant. Une neuvaine se passa, et alors on revint prendre le petit garçon pour le mener à la vieille maison. Les trompettes entonnèrent leur schnetterendeng, ta-ta-ra-ta. Les chevaliers et les belles dames se penchèrent hors de leur cadre pour voir passer ce petit être, si jeune ; les fauteuils débitèrent leur knik-knak ; le cuir des murailles déclara qu'il était plus durable que la dorure ; enfin tout se passa comme la première fois ; rien ne changeait dans la vieille maison. " Oh ! Que je me sens malheureux ", s'écria le soldat de plomb. " C'est à périr ici. Laisse-moi plutôt partir pour la guerre, dussé-je y perdre bras et ambes, ce serait au moins un changement. Oh, emmène-moi ! Maintenant je sais ce que c'est que de recevoir la visite de ses vieux souvenirs, et ce n'est pas amusant du tout à la longue. " " Je vous revoyais tous à la maison, comme si j'étais encore au milieu de vous. C'était un dimanche matin, et vous autres enfants vous étiez réunis, et les mains jointes vous chantiez un psaume ; ton père et ta mère écoutaient pieusement. Voilà que la porte s'ouvre et que ta petite soeur Maria, qui n'a que deux ans, fait son entrée. Elle est si vive et elle est toujours prête à danser quand elle entend n'importe quelle musique. Cette fois vos chants la mirent en mouvement, mais cela n'allait guère en mesure ; la mélodie marchait trop lentement ; l'enfant levait sa petite jambe, mais il lui fallait la tenir trop longtemps en l'air ; cependant elle dandinait comme elle pouvait de la tête. Vous gardiez votre sérieux, c'était pourtant bien difficile. Moi, je ris tant, qu'au moment où une grosse voiture vint ébranler la maison, je perdis l'équilibre et je tombai à terre, j'en ai encore une bosse. Cela me fit bien mal ; mais j'aimerais encore mieux tomber dix fois par jour, chez vous, que de rester ici, hanté par ces vieux souvenirs. Dis-moi, chantez-vous encore les dimanches ? Raconte-moi quelque chose de la petite Maria ! Et mon bon camarade, l'autre soldat de plomb ? Doit-il être heureux, lui ! Ne pourrait-il pas venir me relever de faction ? Oh, emmène-moi ! "
Tu n'es plus à moi, répondit le petit garçon. Tu sais bien que je t'ai donné en cadeau au vieux monsieur. Il faut te faire une raison. " Cette fois le vieillard montra à son petit ami des cassettes où il y avait toutes sortes de jolis bibelots des temps passés ; des cartes à jouer, grandes et toutes dorées, comme on n'en voit même plus chez le roi. Le vieux monsieur ouvrit le clavecin, qui, à l'intérieur, était orné de fines peintures, de beaux paysages avec des bergers et des bergères ; il joua un ancien air ; l'instrument n'était guère d'accord, et les sons étaient comme enroués. Mais on aurait dit que le portrait de la belle dame, celui qui avait été acheté chez le marchand de bric-à-brac, s'animait en entendant cette antique mélodie ; le vieux monsieur la regardait, ses yeux brillaient comme ceux d'un jeune homme ; un doux sourire passa sur ses lèvres. " Je veux partir en guerre, en guerre ! ", s'écria le soldat de plomb de toutes ses forces ; mais, à ce moment, le vieux monsieur vint prendre quelque chose sur la cheminée et il renversa le soldat qui roula par terre. Où était-il tombé ? Le vieillard chercha, le petit garçon chercha ; ils ne purent le trouver. Disparu le soldat de plomb ! "Je le retrouverai demain", dit le vieux monsieur. Mais, jamais, il ne le revit. Le plancher était rempli de fentes et de trous ; le soldat avait passé à travers, et il gisait là, sous les planches, comme enterré vivant. Malgré cet incident la journée se passa gaiement, et, le soir, le petit garçon rentra chez lui. Des semaines s'écoulèrent, et l'hiver arriva. Les fenêtres étaient gelées, et l'enfant était obligé de souffler longtemps sur les carreaux, pour y faire un rond par lequel il pût apercevoir la vieille maison. Les sculptures de la porte, les tulipes, les trompettes, on les voyait à peine, tant la neige les recouvrait. La vieille maison paraissait encore plus tranquille et silencieuse que d'ordinaire ; et, en effet, il n'y demeurait absolument plus personne : le vieux monsieur était mort , il s'était doucement éteint. Le soir, comme c'était l'usage dans le pays, une voiture tendue de noir s'arrêta devant la porte ; on y plaça un cercueil, qu'on devait porter bien loin, pour le mettre dans un caveau de famille. La voiture se mit en marche ; personne ne suivait que le vieux domestique ; tous les amis du vieux monsieur étaient morts avant lui. Le petit garçon pleurait, et il envoyait de la main des baisers d'adieu au cercueil. Quelques jours après, la vieille maison fut pleine de monde, on y faisait la vente de tout ce qui s'y trouvait. Et, de la fenêtre, le petit garçon vit partir, dans tous les sens, les chevaliers, les châtelaines, les pots de fleurs en faïence, les fauteuils qui poussaient des knik-knak plus forts que jamais. Le portrait de la belle dame retourna ches le marchand de bric-à-brac ; si vous voulez le voir, vous le trouverez encore chez lui ; personne ne l'a acheté, personne n'y a fait attention. Au printemps, on démolit la vieille maison. " Ce n'est pas dommage qu'on fasse disparaître cette antique baraque", dirent les imbéciles, et ils étaient nombreux comme partout. Et, pendant que les maçons donnaient des coups de pioche, qui fendaient le coeur du petit garçon, on voyait, de la rue, pendre des lambeaux de la tapisserie en cuir doré, et les tulipes volaient en éclats, et les trompettes tombaient par terre, lançant un dernier schnetterendeng. Enfin, on enleva tous les décombres et on construisit une grande belle maison à larges fenêtres et à murailles bien lisses, proprement peintes en blanc. Par devant, on laissa un espace pour un gentil petit jardin qui, sur la rue, était entouré d'une jolie grille neuve : "Que tout cela a bonne façon ! " disaient les voisins. Dans le jardin, il y avait des allées bien droites, et des massifs bien ronds ; les plantes étaient alignées au cordeau, et ne poussaient pas à tort et à travers comme autrefois, dans la cour de la vieille maison. Les gens s'arrêtaient à la grille et regardaient avec admiration. Les moineaux par douzaines, perchés sur les arbustes et la vigne vierge qui couvrait les murs de côté babillaient de toutes sortes de choses, mais pas de la vieille maison ; aucun d'eux ne l'avait jamais vue : car il s'était passé, depuis lors, bien du temps, oui, tant d'années que, dans l'intervalle, le petit garçon était devenu un homme, et un homme distingué qui faisait la joie de ses vieux parents. Il s'était marié et il habitait, avec sa jeune femme, justement la belle maison dont nous venons de parler. Un jour, ils étaient dans le jardin, et la jeune dame plantait une fleur des champs qu'elle avait rapportée de la promenade, et qu'elle trouvait aussi belle qu'une fleur de serre. Elle raffermisssait, de ses petites mains, la terre autour de la racine, lorsqu'elle se sentit comme piquée aux doigts. " Aïe ! " s'écrie-t-elle, et elle aperçoit quelque chose qui brille. Qu'était-ce ? Devinez-vous ? C'était le soldat de plomb, que le vieux monsieur avait cherché vainement et qui était tombé là pendant les démolitions, se trouvait sous terre depuis tant d'années. La jeune dame le retira, et, sans lui en vouloir de ce qu'il l'avait piquée, elle le nettoya avec une feuille humide de rosée, et le sécha avec son mouchoir fin, qui sentait bon. Et le soldat de plomb était bien aise, comme s'il se réveillait d'un long évanouissement. " Laisse-moi le voir ", dit le jeune homme, en souriant. Puis il hocha la tête et continua : "Non, ce ne peut pas être le même ; mais il me rappelle un autre soldat de plomb que j'avais lorsque j'étais petit. " Et il raconta l'histoire de la vieille maison, et du vieux monsieur, auquel il avait envoyé, pour lui tenir compagnie, son soldat de plomb. La jeune dame fut touchée jusqu'aux larmes de ce récit, surtout quand il fut question du portrait qui avait été acheté chez le marchand de bric-à-brac. " Il serait cependant possible, dit-elle, que ce fût le même soldat de plomb. Je veux le garder avec soin ; il me rappellera ce que tu viens de me conter. Tu me conduiras, n'est-ce pas, sur la tombe du vieux monsieur ?
Je ne sais pas où elle se trouve, répondit-il ; j'ai demandé à la voir, personne n'a pu me l'indiquer. Tous ses amis étaient morts. Je sais seulement que c'est très loin d'ici ; au moment où on a emporté le cercueil, je n'ai pas questionné ; j'étais trop petit pour aller si loin y porter des fleurs.
Oh ! Comme il a été seul, dans sa tombe également ! dit la dame, personne n'en aura pris soin.
Moi aussi, j'ai été longtemps bien seul, se dit le soldat de plomb ; mais, quelle compensation aujourd'hui ; je ne suis pas oublié ! " Comme la dame l'emportait dans la maison, il jeta un dernier regard sur l'endroit où il était resté tant d'années ; que vit-il, ressemblant à de la vulgaire terre ? Un morceau de la belle tapisserie. La dorure, elle, avait entièrement disparu. Et, de sa fine oreille, le soldat entendit un murmure où il distinguait ces paroles : " La dorure passe, mais le cuir reste. " S'il avait pu, il aurait volontiers haussé les épaules ; chez lui, couleur et dorure étaient restées.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Mai 2013 à 11:49:11
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Il était une fois


Il était une fois


Une petite fée appelée Rosaline

Elle était aussi petite qu'une abeille, avait deux ailes transparentes et brillantes et une robe couleur de rosée.


Dans le bois tout le monde l'aimait, car non seulement Rosaline était belle, mais elle était bonne et gentille

Rosaline avait une ennemie très féroce,
Arachné, la méchante araignée qui haïssait tout le monde, et qui aurait voulu dévorer tout ce qui était plus petit qu'elle.

C'était la terreur des mouches et de tout ce qui volait tranquillement dans le bois. La petite fée avait bien peur car sa baguette magique ne pouvait rien contre Arachné

Un jour Rosaline faisait la sieste, son lit était au milieu d'une rose sauvage qui parfumait l'air aux alentours.

Tout à coup, arriva une abeille blonde qui pleurait désespérément.

Où est Rosaline ? demanda-t-elle à la petite rose sauvage.

La fleur ouvrit ses pétales de roses et là, au beau milieu,
l'abeille vit la petite fée.

Rosaline, Rosaline !
cria l'abeille blonde en se baissant vers la fée endormie.

Rosaline s'éveilla, frotta ses beaux yeux et demanda de sa voix douce:

Que veux-tu ?

Rosaline, pitié pour ma petite soeur Miellette !
Elle est prisonnière des filets d'Arachné !
Rosaline bondit hors de son lit parfumée en poussant un cri de terreur.

Mais tu sais, chère petite abeille, que je ne peux rien contre Arachné.

Utilise ta baguette magique !

Ma baguette magique n'a aucun pouvoir contre l'araignée!

Que faire ? demanda la pauvre abeille désespérée. Miellette va mourir.

Volons tout de suite vers elle! cria Rosaline.

Enlacées l'une à l'autre, elles volèrent vers la toile d'Arachné.

La maison de l'araignée était fort belle, elle semblait faite en fils d'argent qui brillaient au soleil. Mais sur les beaux fils, il y avait la colle qui emprisonnait tout ce

qui s'approchait.

Et là, au beau milieu des fils brillants,
il y avait la pauvre Miellette qui se débattait en hurlant de terreur.

Heureusement Arachnée était absente pour le moment, autrement Miellette aurait été définitivement perdue, enveloppée dans le sac de soie qu'Arachné employait pour lier étroitement ses prisonniers

Rosaline et l'abeille s'approchèrent de la toile argentée.

Miellette pleurait:

Délivre-moi petite soeur !

Et plus elle bougeait, plus ses petites pattes se prenaient dans le filet.

Ne t'approche pas, autrement tu seras prisonnière comme Miellette cria Rosaline à l'abeille blonde.

Miellette à moitié morte, gisait maintenant sur les fils d'argent.

Rosaline s'approcha doucement, allongea sa baguette magique,
toucha la toile de l'araignée.....
Mais la baguette resta prisonnière. comme Miellette.

La petite fée essaya de libérer sa précieuse baguette, mais elle perdit l'équilibre et tomba, elle aussi, au milieu des fils.

L'abeille blonde et Miellette se mirent à crier:

Au secours, au secours ! Rosaline est prisonnière
d'Arachné !
Tous les animaux de la forêt entendirent leurs cris, mais hélas, Arachné
les entendit elle aussi !
Avec ses pattes poilues elle commença à grimper vers sa demeure

Plus elle grimpait et plus elle riait, riait, riait....

Je vais la prendre, l'envelopper du sac de soie et. ..adieu Rosaline !
Ah ! Toi qui ne voulais pas que les insectes tombent dans mes filets!

Maintenant t'y voilà ! Ah! Ah! Ah!

Pendant qu'Arachné courait plus vite qu'elle pouvait, Jean et Monique,
deux bons enfants, arrivèrent devant la toile d'araignée.

Regarde, Jean, il y a une abeille prisonnière.

Et. puis, oh! Monique, il y a aussi la petite fée des bois!
Sauvons-les cria Jean.
Deux petits doigts suffirent pour libérer les prisonnières.


Miellette oublia de remercier les enfants et s'envola avec sa soeur.

Rosaline sourit doucement
et embrassa les petits sur la joue.

Merci beaucoup !

dit-elle tandis que la méchante Arachné, arrivée à bout de souffle dans sa toile, regardait d'un air furibond les fils brisés et la maison vide.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Mai 2013 à 12:11:59
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Harfang des neiges et le corbeau

Le grand corbeau et le harfang des neiges

Autrefois, les oiseaux étaient blancs, tout blancs. Un matin, Corbeau et Harfang s'amusaient ensemble sous l'iglou. Comme chaque jour, ils jouaient avec les petits os d'une nageoire de phoque à inugait, un jeu que les Inuit aiment beaucoup. Ils disposaient les os sur le sol et les assemblaient, tantôt pour reconstituer la nageoire, tantôt pour représenter un traîneau avec des chiens ou un iglou et toute une famille.
Mais les deux amis se lassèrent et décidèrent de changer de jeu : « J'ai une idée ! Si on jouait à se peindre le plumage ! » proposa Corbeau à Harfang.
« Oh oui ! Ce serait très drôle ! Mais comment faire ? »
Dans leur iglou, bien sûr, ils n'avaient pas de peinture sous la main. Mais Corbeau et Harfang étaient des oiseaux très malins. Ils mélangèrent la suie de la lampe à huile avec du gras de phoque et obtinrent ainsi une sorte de peinture noire très onctueuse. Ils la versèrent dans un petit récipient en pierre à savon. Leur nouveau jeu pouvait commencer !
C'est Corbeau qui se lança le premier. Il tira une longue plume de son aile gauche, la plongea dans la peinture noire, et se mit à l'ouvrage. Il s'appliqua tant et si bien qu'aujourd'hui, Harfang porte encore les magnifiques touches noires que Corbeau lui a peintes sur les ailes !
« Ça y est ! J'ai fini ! Tu peux maintenant te regarder dans la glace ! »
Harfang s'approcha du bloc d'eau douce gelée qui dans l'iglou sert de fenêtre et de miroir. Il admira son reflet : ses nouvelles ailes, noires et blanches, lui plurent tout de suite.
« Oh, bravo ! C'est magnifique ! »
Et pour remercier Corbeau, Harfang lui offrit une très belle paire de kamik, les bottes inuit en peau de phoque. Corbeau les enfila et se mit à sauter de joie en criant : « Merci ! Merci Harfang pour ce beau cadeau ! Je ne vais plus les quitter, elles sont vraiment très belles !
— Bien, mais maintenant, c'est à mon tour de te peindre. Calme-toi un peu, que je puisse moi aussi te dessiner un beau plumage. »
Harfang tira à son tour une plume de son aile, la trempa dans le récipient de peinture noire et tenta de peindre les ailes de Corbeau. Mais Corbeau, fou de joie, continuait de sauter, de bouger, de danser avec ses nouvelles bottes.
« Arrête de bouger ! Comment veux-tu que je m'applique ? J'en mets partout ! » se plaignait Harfang.
Mais Corbeau continuait de plus belle. Et plus Corbeau était joyeux, plus il dansait, et plus il dansait, moins Harfang réussissait à peindre de jolis motifs.
Au bout d'un moment, excédé, Harfang prit le récipient plein de peinture noire et le renversa rageusement sur la tête de Corbeau.
Depuis ce jour, les corbeaux sont noirs, tout noirs.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Mai 2013 à 12:26:08
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L'Arbre à légendes

L'arbre à légendes

Il est un arbre qui se souvient encore de Merlin, de Viviane et de la merveilleuse forêt de Brocéliande.

J'ai vu le chêne sacré, gardien d'orage et de justice, cacheur d'oiseaux et de fées, cacheur d'aurores très anciennes, je chante le vieux chêne des routes de poussière.

Aux soirs des plus hauts étés, dans le suspens où montent les ténèbres, Merlin parle encore dans son ombre et Viviane a des palais sous sa ramure.

A leur pas lumineux s'offre une mousse plus fine que poil de taupe.
J'ai embelli le monde aujourd'hui, dit Merlin, j'ai coloré des pommes dans les vergers.

Mon regard a muri les froments et j'ai tendu cette paix mauve sur les toits des villages; ô bien aimée, ouvre-moi tes châteaux.

Viviane entend et des voiles se forment. On voit tourner un portail de buée, on voit Merlin baiser une main d'or.
Mais l'arbre est seul à savoir les battements de ces coeurs.

Un chevreuil blanc viendra goûter l'herbe qui pousse entre ses racines, un chevreuil blanc viendra lisser son pelage à l'écorce.

Je chante l'arbre légendaire. Je dis qu'il règne et qu'il le père de ces champs et de ces collines.

Le ciel qui passe avec son front rapide a fait le signe et le grand chêne a répondu de tout son lourd feuillage.

Ici fut scellée l'amitié, ici la parole fut dite, ici l'anneau fut échangé, ici la coupe fut vidée, ici fut jeune une antique chanson.

Qui sait aimer cet arbre est aimé du silence.
Et l'oiseau bleu qui vit en ramée couve jalousement la légende future au goût de sève et de rosée.

Géo Norge (1898-1990)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Mai 2013 à 11:01:41
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Pluie d'étoiles

Caché, loin de la civilisation de l'homme blanc, vit un petit village amérindien que l'on appelle "esprit de nuit". Derrière la porte de cet univers mystérieux, l'amour le respect et la vie, font de cet endroit un lieu magique.

L'azur revêt son habit de nuit aux teintes d'orange, de lilas, de rose, qui s'enlacent aux ailes du souffle.

Les tepees disposés en cercle comme symbole de l'unité, dégagent par leur feu, une douce chaleur maternelle.

Le bruissement du vent, la mélodie de l'eau et le pas feutré des animaux, éveillent la force de l'esprit qui vit à travers ses habitants.

Mais à chaque tombée du jour, ce clan de "l'Esprit de nuit" se réunit pour l'avènement de leur protectrice...

C'est le signal ! Sœur lune dans sa blancheur argentée annonce la venue de la cérémonie...

Assis en tailleur autour du grand feu qui les enveloppent de ses flammes ardentes, les hommes, les femmes et les enfants entament leurs chants au rythme du tam-tam. La vibration profonde de ses sons, amène la quiétude et la paix de l'aigle silencieux.

Le grand chef, serviteur doué et homme de pensée, s'élève à la gloire de ces ancêtres.

Soudain, une lumière éblouissante illumine de ses rayons ce clair de lune sans étoiles ! Les enfants charmés, figés en statue de pierre, s'émerveillent par tant de féerie, tandis que les adultes s'inclinent à l'apparition de leur Gardienne "pluie d'Étoiles".

Ses longs cheveux d'ébène ornés de rubans de cuir, incrustés de plumes aux feux multicolores, embrassent la délicatesse de son visage. Ses yeux de l'océan dont l'écume poétise son regard, recèle un trésor de bonté. Sa robe d'azur fluide d'une brise d'été, offre cette finesse que seul l'univers détient la grâce. Ses bijoux de perles célestes, symboles des dieux, ornent la pureté de son cœur.

Elle tient aux creux de ses bras," la jarre des cieux", le coffre du secret des étoiles d'où l'on aperçoit l'espace de la création de la nuit. De sa main légère de l'oiseau-mouche, elle plonge dans l'abîme de la cruche et d'un mouvement de l'aile de l'ange, couronne le ciel de milliards d'étoiles...

L'obscurité éclate de ces libellules lumineuses comme la pluie qui déverse ses larmes de joie. Le firmament nuancé de pervenche et saphir, gratifie cet artifice de diamants. "Pluie d'étoiles" louangée par les villageois, du bout de son doigts dessine, des comètes aux traînées vertueuses pour rendre hommage à l'Amour que lui portent ses Enfants.

Vous devez vous demander, pourquoi lorsque le soleil se couche et que sœur Lune de sa tristesse apparaît, les étoiles ne brillent pas à leur tour ?
Il y a très longtemps le sorcier du village "Ours Sauvage" était l'homme médecine respecté du clan. Son pouvoir grandissait de plus en plus et son orgueil ayant soif de grandeur, tombait dans le piège de" l'Esprit Noir". Un soir de pleine lune il voulut donner en sacrifice la fille du chef, mais sauvée de justesse par les "guerriers de Lumière" il ne put terminer son œuvre abominable. L'ours symbole de sagesse, de puissance et d'éveil spirituel, aux yeux des habitants ne représentait plus ses croyances par leur guérisseur et le bannissaient du clan, pour que puisse revenir l'Harmonie Éternelle. 
Avant de partir pour le monde de l'exil, "Ours sauvage" prophétisa cette malédiction : "Que les étoiles meurent par la flèche de mes griffes, Que leurs lumières sombrent dans le ventre du serpent !" Depuis ce jour, les étoiles se consument avant leur apparition et les villageois à la tombée du clair-obscur, invoquent le Grand Esprit pour que la voûte céleste revive de nouveau... Le Grand Manitou fier du clan " l'Esprit de nuit" par leur combat contre le mal, envoie sa fille tous les soirs baigner le village du scintillement d'une pluie étoilée ! Et ce petit peuple, n'oubliant jamais les ténèbres que lui fit subirent le noir sorcier, reçu le plus beau cadeau que "L'esprit de la nature" puissent offrir "Aux Marches sur Terre"... Les Étoiles "Enfants de la Lune", la Vie tout simplement...


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Mai 2013 à 11:25:43
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La légende de la Licorne

D'où nous vient cet animal mythique et médiéval, est-ce une réminiscence de la Chimère grecque, monstre à la fois lion et serpent, à corps de chèvre et qui aurait été tué par le héros Bellerophon sur son cheval Pégase. Est-ce une vue de l'esprit ayant pour origine le rhinocéros vivant dans le mythique royaume du Prêtre Jean (qui se serait trouvé quelque part entre l'Inde et l'Ethiopie...) Toujours est-il qu'à cette époque médiévale, la croyance populaire affirmait que la Licorne était un superbe cheval blanc, possédant parfois une tête de cerf, tandis que ses pattes étaient celle d'une chèvre ou d'un bouc avec les sabots assortis (nombreux sont ceux affirmant l'avoir vue !).  La particularité essentielle de cet animal était la corne unique et torsadée qui ornait son front. On disait d'elle : " C'est le plus bel animal, le plus fier, le plus terrible et le plus doux de la terre..." Des auteurs médiévaux assurent également qu'elle était cruelle et redoutable et que personne ne pouvait la tuer, ni la capturer vivante, hormis une vierge pure, car la bête venait se réfugier dans son giron (entre ses jambes !) et s'endormait... Alors le chasseur, le Chevalier pouvait la tuer. Elle pouvait être féroce, on la représente combattant le lion, symbole de la force (aussi symbole alchimique). Sa corne était très recherchée (cadeau royal à Charlemagne par exemple !) en effet elle servait d'antidote aux poisons, elle était censée purifier l'eau, et réduite en poudre elle guérissait toutes les blessures... De nombreux guerriers partaient au combat avec un bout de Licorne dans leurs fontes, fragment acheté fort cher chez un homme de l'art, sorcier, aphoticaire... (salut à toi Honorius !)  Il faudra attendre le XVIII siècle pour qu'enfin on découvre que la fameuse corne n'était rien d'autre qu'une corne de Narval, aussi nommé Licorne de mer ! Reste une belle légende... Et qui sait peut être une réalité d'un autre monde, celui du petit peuple et des animaux légendaires, qui sont retournés de l'autre coté du miroir... Loin de notre monde incrédule...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Mai 2013 à 10:56:59
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Félicia la petite fée sans pouvoir

Par un bel après midi d'été un petit lutin malin se baladait tout près d'une
forêt enchantée. Il souriait à la vie en écoutant les oiseaux chantés, lorsqu'il
entendit un gémissement. C'était Félicia, une petite fée, qui pleurait à chaudes
larmes. Il s'approcha :
- « Mais pourquoi pleures-tu petite fée ? », demanda-t-il.
- « Je suis désespérée, j'ai perdue tous mes pouvoirs magiques », dit la Félicia en sanglotant.
- « Comment est-ce arrivé ? »
- « Je n'en sais rien, en fait, ce matin un Troll m'a demandé d'exhausser l'un de ses vœux et je n'ai pas pu le réaliser ».
- « Et quel était ce vœu ? », dit le lutin.
- Il voulait devenir le Troll le plus puissant et le plus riche de la montagne noire, et au moment d'exhausser son vœu rien ne s'est passé », dit la petite se mettant à pleurer de plus belle.
- « Ne t'inquiète pas petite Fée. Tu as de la chance, nous sommes à l'orée de la Forêt enchantée. On dit qu'une balade dans ces bois éclaire les esprits. Nous allons y entrer et essayer de trouver pourquoi tu as perdu tes pouvoirs. »

Félicia et le lutin malin entrèrent dans la forêt. Après quelques minutes de marches, ils furent interpellés par des craquements et une voix très grave.

- « Bonjour les amis », dit un grand chêne.
- « Bonjour Monsieur le chêne », répondirent-ils.
- « Que faites vous ici ? »
- « Je suis à la recherche de mes pouvoirs », dit timidement Félicia.
- « Pour trouver tes pouvoirs tu dois savoir d'où tu viens? » dit le grand chêne avant de redevenir un simple bout de bois.

Les deux amis restèrent un moment sans parler et puis le lutin malin demanda :

- « Eh bien Félicia ! Répond à la question. D'où viens-tu ? »
Félicia commença doucement :
- « Je viens des plaines dorées situées de l'autre côté de la montagne noire. Là d'où je viens les gens s'entraident, nous partageons nos biens, nous vivons en communauté. Mes parents sont des êtres formidables qui m'ont donné tout l'amour dont j'avais besoin. »

Ils marchaient en direction d'un lac où ils s'arrêtèrent pour continuer la conversation.

- « Tu as énormément de chance, Félicia d'avoir eu une vie si remplie d'amour », dit le lutin.
- « Oui tu as bien raison », dit une voix venue du fond du lac.
- « Mais qui est-ce? », s'étonna Félicia.
- « C'est moi la dame du Lac. »

Les deux amis se penchèrent au dessus de l'eau et virent un visage qui leur souriait.

- « Bonjour les amis, que faites-vous ici ? »
- « Je suis à la recherche de mes pouvoirs », répéta Félicia.
- « Pour trouver tes pouvoirs tu dois savoir qui tu es? » dit la voix du lac.

Félicia qui regardait toujours le fond du lac vit peu à peu le visage de la dame disparaître pour laisser place à sa propre image. Le lutin malin qui prenait plaisir à connaître sa jeune amie, lui demanda :
- « C'est vrai qui es-tu ? »
- « Je suis une fée qui en temps normal a des pouvoirs magiques. »
- « Oui mais encore, Félicia, qu'est ce qui te caractérise, quelles sont tes qualités et tes défauts », demanda le lutin.
- « Je suis prévenante, j'aime bien rendre service, aider les gens les rendre heureux. Je manque parfois de confiance en moi »

Ils arrivaient à la sortie du bois, Félicia découragée dit : « Nous voilà à la sortie du bois et je n'ai toujours pas retrouvés mes pouvoirs.

A ce moment le vent souffla :
- « Que cherches-tu ? Pour trouver la réponse écoute ton cœur. »

Le lutin malin, lui dit :
- « Répond à la question que te souffle le vent. »
- « Je chercher à retrouver mes pouvoirs. »
- « Mais pourquoi les cherches-tu ? », insista le lutin malin.
- « Pour pouvoir aider les gens ... »
- « Eh bien voilà, jolie Félicia, je crois moi que tu n'as pas perdu tes pouvoirs qu'ils ont toujours été en toi ! »
- « Ah bon mais comment se fait-il, que je n'ai pas pu aider le troll alors ? »
- « N'as-tu pas compris chère fée, Ton don dois servir à aider les autres à leur apporter bonheur et amour. Le Troll n'avait tout simplement pas besoin de toute cette puissance et de tout cet argent. »
- « Je te remercie, mon cher lutin malin, sans toi, je n'aurais pas compris. Tu sais petit lutin, toi aussi tu as un don, tu m'as aidé à retrouver mes pouvoirs magiques.

Les nouveaux amis sortirent de la forêt main dans la main, ils savaient maintenant que l'essentiel était de croire en soi pour que tout deviennent possible.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Mai 2013 à 13:52:26
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Merlin l'enchanteur

Sans Merlin, aucune des aventures de la Table Ronde n'aurait été possible. Et Merlin lui-même n'aurait pas existé si le Diable n'avait décidé un jour de jouer un mauvais tour aux mortels. Pour cela, ayant pris forme humaine, il vint sur Terre et parvint à se faire aimer d'une fille naïve et belle. Puis il disparut sans laisser d'adresse...

Quel ne fut pas l'effroi de la pauvrette quand elle découvrit qu'elle allait être mère! Elle ne pouvait révéler le nom du père de l'enfant, l'ignorant elle-même : Elle fut donc condamnée à mort, comme l'exigeaient les lois de son temps. Pourtant, les juges décidèrent de sauver l'enfant qui, somme toute, était innocent. Aussi enfermèrent-ils la jeune fille dans une tour où elle attendit le moment de l'accouchement. Enfin le nouveau-né vint au monde. Ce garçon vigoureux fut prénommé Merlin. Mais il était velu à faire peur, si bien qu'aucune nourrice ne voulut l'allaiter. On le laissa quelque temps à la pauvre mère, puis vint le sinistre jour où les bourreaux voulurent exécuter la sentence.

Ce fut alors que se produisit le premier prodige : Merlin, qui n'avait jusque-là émis que des vagissements bruyants, mais tout à fait ordinaires vu son âge, pris la parole et, devant les bourreaux stupéfaits, défendit sa mère avec éloquence. Peu après, tous deux quittèrent la prison sains et saufs.

Durant sept années, Merlin grandit auprès de sa mère, étonnant son entourage en révélant de nouveaux talents prodigieux tels que le don de lire dans la pensée d'autrui ou celui de prédire l'avenir. Son jeu préféré consistait à se métamorphoser en un clin d'oeil sous les yeux ébahis de ses compagnons.
Tout ceci se passait en Bretagne la Bleue, aujourd'hui appelée Grande-Bretagne, où régnait Vortigern, un ancien sénéchal qui avait usurpé le pouvoir à la mort du roi Constant. Pour cela, il avait dû se débarrasser des deux héritiers légitimes du trône, Moine et Uter Pendragon. Il avait bien réussi à tuer l'aîné, Moine, mais le cadet lui avait échappé pour se réfugier sur le continent.

Vortigern l'usurpateur vécut alors dans la hantise du retour d'Uter Pendragon et décida de faire construire une tour imprenable pour s'y réfugier en cas d'alerte. Mais, curieux sortilège, le chantier ne progressait pas, car la tour s'écroulait dès qu'elle atteignait une certaine hauteur. Consultés, les devins du royaume ordonnèrent de mêler au mortier le sang d'un enfant né sans père et âgé de sept ans. Aussitôt, des valets d'armes partirent à la recherche d'un tel enfant.

En traversant un village, ils entendirent deux garçon se quereller avec virulence, et l'un criait à l'autre: « Né sans père, tu n'es qu'un né sans père! » C'était bien sûr Merlin qui, ayant deviné les intention de Votigern, s'était arrangé pour se faire insulter de la sorte devant ses émissaires.

Mais, pour ne pas être tué sur-le-champ, il demanda à être conduit au palais pour faire d'importantes révélation au roi. Il apprit en effet à Vortigern que deux dragons logeaient sous terre à l'emplacement de la future tour et que celle-ci s'écroulait à chacun de leur mouvements.

Beaucoup, et les devins les premiers, ricanèrent en écoutant cet enfant qui prétendait en savoir si long sur le mystère de la tour. Mais le roi ordonna de creuser le sol, et, à la surprise générale, on y découvrit deux dragons endormis, l'un rouge et l'autre blanc, qui, aussitôt réveillés, se jetèrent férocement l'un sur l'autre en crachant des flammes. Pour finir le dragon brûla mortellement le rouge, avant de succomber à son tour à ses blessures.

Alors, Merlin expliqua au roi le sens de ce combat symbolique, qui préfigurait un affrontement prochain entre Vortigern et Uter Pendragon. Effectivement, celui-ci débarqua quelques jours plus tard, obtint le ralliement de la population et incendia une forteresse où Vortigern s'était retranché : l'usurpateur, comme le dragon rouge, périt dans les flammes.

Uter monta sur le trône et Merlin fut pour lui une sorte de conseiller, l'aidant par des enchantements à repousser les invasions ennemies. Mais Uter Pendragon devint brusquement triste et perdit tout courage. Pris d'un fol amour pour dame Ygerne, l'épouse du duc de Tintagel, il en avait perdu le sommeil. Pour l'aider, Merlin lui donna pendant quelques heures l'apparence du mari, et Ygerne put recevoir le roi sans le savoir. De cette rencontre décisive naquit Arthur, le célèbre roi de la Table Ronde.

     
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Mai 2013 à 16:16:09
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Les petites naïades


Dans la forêt immense et verdoyante d'une région inconnue du bout du monde coulait une rivière sans fin. La légende disait qu'elle traversait des mondes différents les uns des autres où vivaient des créatures fantastiques. D'ailleurs personne ne savait où se trouvait vraiment le passage qui menait de l'autre côté, il semblerait que certaines personnes s'y soient retrouvées sans le vouloir mais n'en étaient jamais revenues. Était-ce leur choix ou n'avaient elles pas pu faire demi tour ? personne ne pouvait répondre à cette question. C'était un des grands mystères de la forêt.

Un parmi tant d'autres...car elle était habitée par des elfes, des fées, mais aussi des petits lutins, diablotins ainsi que d'autres occupants tous aussi surprenants et différents les uns que les autres. Tous faisaient en sorte de ne pas se croiser le long des chemins, c'était le prix à payer pour vivre en paix. Et cela marchait plutôt bien jusqu'à...l'arrivée de Marina et Océane.

Nul n'aurait pu imaginer que deux si petites créatures puissent bouleverser à ce point la tranquillité d'une forêt aussi immense que la forêt magique comme tout le monde l'appelait.

Marina et Océane étaient deux petites naïades. Deux jeunes filles extrêmement belles et gracieuses qui vivaient au bord de l'eau et même pour ainsi dire dans l'eau car elles y passaient la plus grande partie de la journée. Mais ce qui faisait la particularité de ces deux naïades c'est qu'elles n'étaient pas plus grandes qu'un doigt. Petites de taille mais curieuses de tout et d'une très grande intelligence.

Elles étaient amies depuis...depuis...elles ne le savaient plus ! car elles s'étaient toujours connues. Les naïades avaient une durée de vie si longue qu'elle leur semblait éternelle. Elles passaient tout leur temps ensemble mais quelque fois le temps était long et il leur fallait trouver de nouvelles passions pour les occuper et cela la forêt magique n'en manquait pas. Chaque jour elles découvraient quelque chose de nouveau et cela les enthousiasmait toujours autant.

Marina et Océane s'entendaient comme les deux doigts de la main, jamais une dispute, aucun nuage n'avait assombri leur belle amitié et aucune des deux n'auraient pu envisager vivre sans l'autre et pourtant...La forêt leur réservait des surprises que jamais elles n'auraient pu imaginer.

En cet après midi de printemps le soleil est généreux et réchauffe de ses rayons toute la forêt magique et ses alentours. Marina et Océane barbotent joyeusement dans le creux d'une feuille de nénuphar et s'arrosent à tour de rôle en poussant des cris a faire frissonner la forêt toute entière. Après leur bain elles s'allongent gracieusement sur les pétales d'une marguerite sauvage pour s'y faire sécher.

Alors qu'elles profitent de la chaleur bienfaitrice de la fin de journée, un bruit étrange les fait bondir Inquiètes elles se rapprochent l'une de l'autre sachant qu'en cas de danger elles seront plus fortes à deux car les dangers dans la forêt ça ne manquent pas ! Elles se regardent et, sans parler car les naïades ont le don de télépathie, elles décident de découvrir ce qui a bien pu provoquer ce bruit.

A peine ont-elles fait trois pas qu'un énorme animal se déplace en les frôlant. Elles en tremblent de peur d'autant plus que le souffle tiède de son passage les a projetées à plusieurs mètres de l'endroit où elles se trouvaient. Elles sont complètement tétanisées et ne peuvent plus bouger ni l'une ni l'autre. Jamais elles n'ont vu pareil animal dans la forêt magique ! il était aussi grand qu'un arbre ! c'est vraiment étrange. Pensent les deux naïades en se consultant par la pensée.

Océane qui avait des cheveux aussi rouges que les pétales de coquelicots qui entouraient sa taille minuscule dit à Marina :
- As tu vu dans quelle direction il allait?
- Non, j'ai eu tellement peur que je me suis cachée sous une feuille ! lui répond son amie encore toute tremblante.

Marina était aussi peureuse que son amie était téméraire. Des deux c'était toujours Océane qui prenait les décisions et Marina lui faisait entièrement confiance se laissant guider aveuglément. Océane n'avait peur de rien et était toujours partante pour de nouvelles aventures au grand désespoir de Marina qui serait bien restée à longueur de journée à paresser au soleil. Mais toutes deux s'adoraient et se complétaient et ne pouvaient pas imaginer de vivre l'une sans l'autre.
- Marina, il faut découvrir quel est cet animal ! s'écrie Océane, déterminée.
- Mais puisqu'il est parti...autant ne plus s'en occuper...réplique timidement Marina.
- Je te reconnais bien là ! dit la petite naïade les mains posées sur les hanches. Alors tu préfères ignorer ce qui va peut être devenir un danger pour toute la forêt plutôt que de savoir ce que c'est et préparer ainsi notre défense ?
- Heu...non ! non ! pas du tout ! je me disais simplement que l'on pourrait peut être prendre nos cliques et nos claques et s'enfuir aussi vite que l'on pourra de cet endroit maléfique ! Mais si je dis cela c'est aussi pour notre protection évidemment.
-Bien sûr...évidemment...et puis quoi encore ? s'énerve d'un seul coup Océane, tu préfères attendre que ce monstre nous dévore toutes crues sans savoir de qui il s'agit ?

Mais avant que Marina n'ait le temps de répondre un coup de tonnerre fracassant vient briser le silence qui les entoure. Et ce qu'elles découvrent les laisse sans voix... Quatre énormes pattes poilues passent près d'elles. Cet animal est immense, très haut et a une démarche de félin. Elles lèvent les yeux et découvrent qu'il a des yeux énormes et vert émeraudes. Elles ont l'impression qu'un château se déplace, c'est vraiment effrayant pour elles qui sont si petites.
Mais Océane ne perd pas le nord et attrape Marina par la main pour l'entraîner malgré elle à la poursuite du monstre. Mais alors qu'elles s'approchent de celui ci, sans vraiment pouvoir déterminer ce qu'il est exactement, celui ci disparaît comme il est venu sous les yeux étonnés des deux petites naïades.

- Alors ça c'est incroyable ! dit Océane. Tu as vu ça ? dit elle encore en se tournant vers son amie.
- Non, lui répond celle ci, j'avais les yeux fermés ! j'avais trop peur, j'ai préféré ne pas regarder !
- Tu veux dire que tu as couru les yeux fermés ? lui demande Océane.
- Et bien oui...lui répond-elle légèrement gênée.

Elles se regardent toutes les deux et ne peuvent s'empêcher d'éclater de rire. Un rire cristallin qui s'entend à des lieux alentours, ce qui est surprenant vu leur petite taille. C'est un des pouvoirs cachés des naïades.
Ces demoiselles bien que minuscules sont dotées de pouvoirs surnaturels. Elles sont par exemple capable de voler si le besoin s'en fait ressentir en déployant deux ailes invisibles à l'œil nu. Elle peuvent ainsi voler à une vitesse qui dépasse l'entendement. Elle ont aussi une force extraordinaire. Cela n'est qu'un petit aperçu de ce que l'on connaît d'elles car elles-mêmes ne connaissent pas l'étendue de leurs pouvoirs et sont bien souvent surprises d'accomplir des choses dont elles ne seraient jamais crues capables.

Surprise de la disparition aussi soudaine qu'inattendue du monstre les deux amies regardent partout autour d'elles.
- Un animal de cette grandeur ne peut pas disparaître comme ça !! il doit y avoir une sortie quelque part ou je ne sais quoi ! s'interroge Océane.

Pendant ce temps Marina commence à s'éloigner s'agitant dans tous les sens et en appelant son amie de toujours :
- Et bien s'il a disparu c'est tant mieux pour tout le monde ! au moins le problème est réglé !! dit elle joyeuse.

Mais Océane ne l'entend pas de cette oreille et rappelle énergiquement son amie.
- Qui te dit qu'il ne va pas réapparaître juste à l'endroit où tu te trouves en ce moment ?

Elle n'a pas fini sa phrase que Marina revient près de son amie aussi vite qu'elle est partie. Alors commence une inspection minutieuse des lieux.
- Il a disparu alors qu'il passait derrière cette rangée d'arbres millénaires, explique Océane.
- Peut être est-il derrière caché dans un buisson ? demande Marina.
- Dans son cas c'est une forêt qu'il faudrait pour le cacher Marina, tu as vu sa taille ?

Elles regardent partout, en bas, en haut, derrière chaque arbre pour repérer des traces du passage de ce monstre et au bout d'un moment...
- Je n'avais jamais remarqué qu'il il y avait un précipice à cet endroit ! dit Marina.

Océane réfléchit et décide de survoler l'endroit car il lui semble qu'en hauteur il leur sera bien plus facile de découvrir quelques indices. A ce moment là elles s'élèvent à la verticale dans les airs et peuvent visualiser la forêt de la cime des arbres et ce qu'elles voient est impressionnant. Ce que Marina a prit pour un précipice est en fait une empreinte de patte et quelle patte !!! elle est énorme !

Mais elles ne sont pas au bout de leurs surprises car au même moment l' animal gigantesque réapparaît comme par enchantement et à leur grande étonnement cet animal est un... chat, un énorme chat qui se met a miauler si fort que les arbres sont secoués de toutes leurs branches, un feu d'artifice provenant de la vallée des fées s'élève dans le ciel tandis que des boules de fumées noires comme du charbon éclatent de toutes parts, dirigées par les diablotins. C'est la panique dans la forêt magique, le chat écrase tout sur son passage et personne n'a le temps de réagir. Résultat : Les fées désorientées se retrouvent chez les diablotins tandis que ces derniers se réfugient chez les elfes. C'est la grande cohue dans la forêt magique et plus personne ne sait où il habite.

Marina et Océane se regardent stupéfaites et se demandent que faire, mais alors qu'elles observent l'animal de leur hauteur un phénomène incroyable se produit, le chat disparaît de nouveau mais progressivement, d'abord la tête puis l'avant de son corps et l'arrière train, puis la queue comme si celui ci venait de franchir un mur invisible.

Sans plus réfléchir Océane descend en piquet afin de suivre l'animal:
- Suis moi Marina! Il faut découvrir ce qui se cache de l'autre côté!

Mais dans sa course folle elle ne s'aperçoit pas que son amie effrayée est toujours suspendue dans les airs. Elle se précipite sans se retourner pour traverser un immense mur de vibration électrique jaune orangée, Le choc est si violent qu'elle en perd connaissance...

Marina quant à elle, est complètement pétrifiée. Elle voit son amie disparaître sous ses yeux sans pouvoir y faire quoi que ce soit et dans le même temps la forêt s'immobilise petit à petit. Chaque branche d'arbre, chaque brin d'herbe, chaque fleur se figent d'un seul coup. La forêt toute entière semble perdre le souffle de la vie.

Que se passe-t-il? se demande Marina qui est la seule à n'être pas atteinte par cette immobilisation générale, toute à son désespoir et encore suspendue au dessus de la forêt .

Marina se pose sur le sol complètement déboussolée, Elle regarde tout autour d'elle, plus rien ne bouge, il règne un silence total, pas un bruit, pas un chant d'oiseau, même le bruissement de l'eau n'existe plus. Mais que se passe-t-il? Pense-t-elle, que vais je devenir sans Océane? Si elle était là elle saurait quoi faire! C'est toujours elle qui prend les décisions d'habitude. Elle s'approche malgré sa peur de l'endroit où son amie a disparu. Un immense mur électrique s'élève à l'infini et s'étend au delà de la forêt.

Elle se demande qui pourrait bien l'aider, mais elle se rend vite compte en survolant la forêt magique qu'il n'y a plus âme qui vive. Elle se souvient d'un seul coup qu'il n'y a sans doute qu' une seule créature qui n'a sans doute pas changé, c'est mama la roche éternelle. Mama était là avant même l'existence de la forêt, elle pourrait sans doute l'aider. Marina décide donc d'aller la voir sur le champ et alors même qu'elle le pense, sans s'y attendre elle se retrouve près d'elle. Jamais elle n'avait fait cette expérience auparavant.

Mama est plus qu'une simple roche comme son nom l'indique, c'est une montagne qui héberge toutes sortes de vies. Petits animaux magiques tels que les mandalinos des petits écureuils dotés d'ailes qui peuvent voler comme les oiseaux ou bien encore les piplettes , de minuscules lutins qui parlent sans cesse à tous ceux qui les croisent et qui finissent par les endormir debout. Sans parler des toudoux petites créatures toutes rondes et blanches semblables à des peluches toutes douces qui chantent à longueur de journée.

Mais surtout mama est la montagne de la sagesse. Elle aide, réconforte et soutient chaque être de la forêt qui a besoin d'elle sans exception. De plus elle parle à chacun des ses habitants sans que ceux ci ne se déplacent forcément près d'elle. Elle communique par télépathie et c'est sans doute pour cette raison que Marina s'est retrouvée près d'elle lorsqu'elle en a eu besoin.
- Mama j'ai besoin de toi! s'écrie Marina vers la montagne.
- Je le sais Marina, ton amie a disparu et toute la forêt est figée. La porte d'un autre monde s'est ouverte. C'est votre rire à toutes les deux qui a déclenché la vibration électrique et magnétique assez puissante pour qu'une fissure se crée dans l'espace temps.
- Mais Mama, dit Marina, nous rions toujours toutes les deux et cela depuis longtemps! Comment est-ce possible?
- Simplement parce que la coïncidence a fait que vous vous trouviez à l'endroit même de l'intersection invisible de deux mondes, cela est très rare, mais ça arrive, il y a de nombreux endroits comme ceux là dans la forêt magique et c'est pour cela que des êtres disparaissent quelquefois, néanmoins aucun n'a pu en revenir.
- Mais toi Mama, tu sais comment faire n'est-ce pas pour remédier à ça ? et aussi comment faire revivre la forêt ? implore la petite naïade.
- Il existe une solution mais elle est risquée et les conséquences sont irréversibles, explique Mama.
-Je suis prête à tout pour retrouver mon amie et rendre la vie et la gaieté à notre forêt, répond Marina.
- Alors il va te falloir prendre un morceau de ma roche, puis la jeter à l'endroit même où Océane a disparu. A ce moment là il te suffira de t'engouffrer dans la brèche qui va s'ouvrir. Celle ci ne le restera que quelques secondes, c'est le temps qu'il te faudra pour retrouver ton amie et la ramener. Une fissure ne s'ouvre qu'une seule fois vers un autre monde et se referme ensuite pour l'éternité.
- Mais si je ne reviens pas à temps? demande Marina.
- Alors tu resteras coincée de l'autre côté, pour toujours, conclut Mama.
- Mais qu'y a-t-il de l'autre côté ? interroge encore la petite naïade.
- Nul ne le sait, pas même moi! C'est le risque à prendre pour retrouver ton amie! À toi de prendre ta décision.

Marina n'a pas besoin de réfléchir, sa décision est immédiate. Elle se saisit d'un morceau de roche, puis s'envole vers le lieu maudit, source de tous les problèmes, bien déterminée à en finir une fois pour toutes quoi qu'il arrive. Arrivée à l'endroit du passage dans un autre monde Marina lance de toutes ses forces la petite roche éternelle dans le mur étincelant de lumières jaunes et orangées.
A ce moment là un immense éclair blanc fracasse le mur électrique qui se sépare en deux. N'écoutant que son courage, Marina se précipite sans réfléchir dans la brèche et perd à son tour connaissance.

Combien de temps s'est-il écoulé, nul ne le sait! Mais lorsque Marina ouvre à nouveau les yeux la première personne qu'elle voit est son amie Océane.
- Tu as oublié notre bain de minuit? lui demande celle-ci.

Marina n'en croit pas ses yeux, son amie est là, devant elle! Elle s'élance et la prend dans ses bras:
- Océane! Que c'est bon de te retrouver, j'ai eu tellement peur de te perdre pour toujours!
- De quoi parles-tu voyons! Et d'abord que deviendrais-tu sans moi ? Je me le demande ! lui dit Océane.
- Mais je parle du mur invisible qui sépare nos deux monde et puis de ton passage de l'autre côté et puis le monstre que nous avons vu et que tu as suivi, enfin tu sais bien ? Et où sommes-nous? Vite, vite il faut partir sinon la brèche va se refermer!s'écrit Marina complètement affolée.
- Calmes-toi marina, tout cela est seulement dans ton imagination. Il n'y a pas de brèche, ni de monstre! Le seul petit monstre que nous ayons c'est mininou! Alors là c'est vrai que ce chaton lilliputien ne fait que des bêtises et nous fait tourner en rond, mais il est vraiment adorable. De plus tu as dormi tout l'après midi au soleil, paresseuse que tu es.
-J'ai dormi tout l'après midi? s'exclame Marina étonnée.
-Oui et crois moi un bon bain de minuit te feras le plus grand bien, j'en suis sure ! lui répond Océane.

Marina ne sait plus quoi penser, tout cela la laisse perplexe, mais elle regarde tout autour d'elle et effectivement, rien a changé, elle a bel et bien rêvé! Elle pousse un grand soupir de soulagement.

La voyant réagir comme ça, Océane se met à rire ; Marina d'un seul coup inquiète attrape son amie par la main et sans crier gare s'envole loin, très loin dans le ciel.

Alors qu' Océane surprise lui demande ce qui lui prend tout à coup, celle ci lui répond simplement que pour une fois elle a envie de prendre des initiatives et désire se baigner dans la grande fontaine argentée située a quelques kilomètres de là.
- De plus, ce lieu ne me plait pas beaucoup, j'ai envie de changer d'endroit ! dit Marina.

Surprise de la détermination de son amie, Océane ne la contredit pas et lui répond simplement :
- Eh bien en route pour la fontaine argentée, ça fait longtemps que nous n'y sommes pas allées!

Sur ces paroles Océane prend son élan et précède Marina. Avant de suivre son amie, marina se retourne pour regarder derrière elle, car avant de s'envoler, il lui a semblé entendre un bruit...

De loin elle aperçoit un énorme chat qui semble chercher sa route, puis il disparaît comme il est venu. Un grand éclair blanc déchire le ciel puis se referme en libérant une lumière jaune orangée. Puis tout disparaît, tout redevient normal. Elle jette un dernier regard pour s'assurer que tout va bien dans la forêt magique.

Tout est parfait, un rire de plus et le pire serait arrivé. Heureusement ce rêve l'a averti du danger à temps, car les naïades ont aussi le don de voir les évènements avant qu'ils ne se produisent.

Elle a au moins découvert une chose : le courage n'est pas de faire n'importe quoi au mauvais moment et pour de mauvaises raisons. La témérité n'a rien à voir avec le courage puisque le risque n'est pas calculé à l'avance et que le téméraire agit sans réfléchir. Le vrai courage est de prendre un risque en toutes connaissances de cause et cela elle n'aurait pas hésité à le faire pour son amie et pour la forêt qu'elle aime tant.


Alors qu'importe ce que l'on peut bien penser d'elle, car elle sait au fond d'elle même qu'elle a assez de ressources et de courage pour venir en aide à son amie en cas de besoin et c'est tout ce qui compte.

                                                         .............Fin
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Mai 2013 à 08:45:49
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La dame aux chapeaux

Elle aimait qu'on l'appelle ainsi, portant avec l'élégance des ses quatre vingt printemps de jolis chapeaux qu'elle choisissait avec coquetterie afin qu'ils soient assortis à ses tenues. Elle avait la légèreté et l'insouciance d'une jeune fille à certains moments et cela en agaçait plus d'un. Marie-Ange avait hérité de l'accent chantant de ses origines nord africaine et de la faculté d'inonder ceux qui l'entouraient du soleil qu'elle avait au fond du cœur. Elle aimait chanter et sa voix envoûtante en avait conquis plus d'un. Elle allait tous les jours à la même heure s'asseoir sur un petit banc de bois sous un grand chêne qui la rafraîchissait de son ombre bienfaisante au plus fort de l'été. Elle attendait patiemment on ne sait quoi, on ne sait qui jusqu'à ce que son visage s'éclaire d'un seul coup et qu'elle engage une conversation avec un interlocuteur invisible. Alors tout s'animait, ses mains parlaient pour elle, son sourire et son rire cristallin ainsi que ses chants qui n'en finissaient pas de charmer ceux qui, par le plus grand des hasards, passaient par là. C'était devenu un rituel et pour rien au monde Marie-Ange ne l'aurait manqué.

Ce rendez-vous peu ordinaire inquiéta fortement sa fille Sarah qui, il faut bien le dire, n'avait jamais partagé quoi que ce soit avec sa mère. Elles étaient tellement différentes toutes les deux. Sarah était cartésienne et il n'y avait pas de place dans sa vie pour le rêve ou la fantaisie. Quant aux arts quels qu'ils soient, elle n'y avait jamais pensé. Seule sa vie routinière comptait , une vie bien tracée, métro, boulot, dodo et calculée à la seconde près . Sa mère lui avait bien souvent semblé inconséquente voir même irresponsable de par sa façon de voir les choses de la vie. La vie, la mort, rien avant, rien après, un début et une fin, c'est tout. Voilà comment Sarah concevait les choses. Elle voyait bien souvent sa mère froncer les sourcils lorsqu'elle en parlait de cette manière mais elle faisait comme si de rien n'était, comme pour le reste d'ailleurs. Sa mère avait des rêves de petites filles ni plus ni moins, c'est ce qu'elle en avait conclu.

Marie-Ange avait un regard tout autre sur la vie et l'après vie. Pour elle il n'y avait pas de début ni de fin mais une boucle à jamais inachevée et un éternel recommencement. Elle n'en avait pas une vision restreinte mais beaucoup plus large et intemporelle. Elle n'aurait pas su dire pourquoi ni comment mais elle le savait tout simplement. Marie-Ange aimait méditer pendant des heures parfois au grand dam de sa fille qui ne comprenait pas que l'on puisse perdre son temps à ce point là. Il y avait tant de choses a faire ! lui disait-elle '' et toi tu restes là a attendre que ça se passe ! '' ajoutait-elle souvent en colère. Pourtant Marie-Ange n'avait pas la sensation de perdre son temps et il lui semblait même que c'était le contraire. Ne lui fallait-il pas se connaître et se comprendre elle-même pour comprendre le monde ?

Mais quand elle tentait de l'expliquer à sa fille, celle-ci la regardait avec de grands yeux étonnés et ne savait que lui répondre. Il y avait un énorme gouffre d'incompréhension entre elles deux et elles devenaient comme des étrangères un peu plus chaque jour.

Très soucieuse pour sa mère, Sarah décida de la suivre discrètement afin de découvrir l'auteur de ces fameux rendez-vous. Alors elle se cacha derrière un buisson et attendit patiemment. Elle fut bien déçue de ne rien voir venir, pourtant il lui semblait que sa mère s'agitait comme si elle était en grande conversation... alors elle s'approcha, ne résistant pas à l'envie de savoir à qui elle parlait mais la trouva seule. Sortant de sa cachette elle demanda subitement:

- mais à qui parlais-tu donc ?

- à ta grand-mère, lui répondit Marie-Ange le plus naturellement du monde avec le sourire.

Déconcertée par sa réponse Sarah lui dit avec arrogance:

- qu'est-ce que tu racontes voyons maman ? tu dis vraiment n'importe quoi ! on ne peut pas parler à quelqu'un qui n'est plus, lui dit Sarah forte de ses certitudes, grand-mère nous a quitté depuis longtemps déjà et tu es en train de parler dans le vide !

- elle a quitté notre monde, ajoute Marie-Ange mais elle m'attend dans l'autre et c'est de là qu'elle me parle, lui répond Marie-Ange avec un aplomb que sa fille ne lui connaissait pas. Et puis il n'y a pas que ta grand-mère qui me parle il y a d'autres personnes aussi.

Sarah très embarrassée et ne voulant pas engager une conversation à son avis stérile, lui dit soudain:

- il faut rentrer maintenant, il se fait tard, je te raccompagne,.

Marie-Ange ne répond rien, elle se lève péniblement et regarde tristement sa fille. Dans son regard il y a tout le désespoir de l'amour et de l'incompréhension. Elle avance difficilement et ses jambes lui semblent plus lourdes que d'habitude. Pour la première fois le chemin qu'elle parcourt chaque jour avec tant de plaisir devient une souffrance. Elle regarde autour d'elle et tout devient sombre et flou. Elle se sent étrangère d'un seul coup et se demande ce qu'elle fait là puis tout s'écroule. Elle a la sensation de tomber dans un puits sans fond pourtant elle n'a pas peur. Soudain elle aperçoit des silhouettes qui l'attendent en lui ouvrant les bras. Tout est lumière et apaisement et c'est avec un soulagement profond qu'elle retrouve tous ceux qu'elle a aimé. Elle quittait sans regrets ce monde dans lequel elle n'avait plus sa place pour rejoindre celui qu'elle avait déjà maintes fois aperçu.

Pendant ce temps si long et si court à la fois, Sarah prise de panique maintenait comme elle le pouvait sa mère dans ses bras. Prise d'un malaise elle s'était effondrée subitement. Elle se mit à crier de toutes ses forces alertant les gens qui passaient par là et qui téléphonèrent aussitôt aux secours. Une fois sur place le médecin ne put que constater le décès de la dame aux chapeaux.

Sarah était inconsolable de la perte de sa mère qu'elle aimait pourtant mais qu'elle n'avait jamais compris. Elle aussi aurait aimé penser qu'elle la retrouverait lorsque le temps serait venu pour elle de partir vers d'autres cieux mais elle ne croyait en rien. Les mois et les années passèrent depuis cette séparation douloureuse dont Sarah ne s'était jamais remise, pleurant encore le souvenir de sa mère qu'elle voyait différemment au fur et à mesure que le temps passait. Elle revint par nostalgie s'asseoir sur ce petit banc de bois installé sous ce grand chêne qui protégeait autrefois Marie-Ange des rayons brûlants du soleil de l'été. Elle pensait fortement à elle en oubliant totalement ce qu'il pouvait y avoir tout autour jusqu'au jour où il lui sembla l'apercevoir faiblement. La vision se fit plus nette et les traits plus fins. Elle revit la dame aux chapeaux avec son sourire éternel et sa voix cristalline, il lui sembla même l'entendre. Alors elle se surprit à dire :

- maman ? tu es là ?

Et elle vit sa mère sourire avec compassion et amour. A partir de ce moment là, chaque jours de sa vie Sarah vint s'asseoir sur le petit banc de bois et rien au monde n'aurait pu l'en empêcher. Elle avait besoin de ce rendez-vous particulier qui la rapprochait de celle qu'elle avait tant aimé mais qu'elle n'avait jamais compris de son vivant. Elle attendait dorénavant de retrouver ceux qu'elle avait aimés et rien qu'en fermant les yeux elle pouvait déjà les rejoindre. Elle aussi parlait dans le vide aux yeux du monde des vivants et pourtant elle souriait et se mettait à rire souvent sous l'œil étonné des badauds qui se demandaient si elle avait bien toute sa raison.

Qui peut juger au fond de la véracité des convictions de chacun quand celles ci sont tellement ancrées qu'elles en deviennent réalité ? Qui peut dire avec certitude où commence et où s'arrête la vie ? Et qui peut affirmer en toute sincérité n'avoir jamais eu envie de croire que rien ne s'arrête finalement ?
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Mai 2013 à 09:01:20
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Par le trou de la serrure

Qui n'a jamais eu envie un jour ou l'autre de regarder par le trou de la serrure ? ...Et si ce que l'on y découvrait ne correspondait en rien à ce que l'on aurait pu imaginer?
Gwendoline allait en faire l'expérience et en garderait un goût amer. Voilà où l'a mené sa curiosité...

C'était un jour de pluie en plein été... Gwendoline âgée de dix ans passait ses grandes vacances chez sa grand mère qui vivait seule depuis longtemps. Son grand-père était allé rejoindre les anges du paradis. Sa grand- mère avait une grande maison, si grande que l'on pouvait s'y perdre. C'était néanmoins un grand bonheur pour la petite fille que de déambuler dans les couloirs et de grimper dans les étages à la découverte de nombreuses pièces inhabitées où s'accumulaient depuis longtemps toutes sortes d'objets plus ou moins hétéroclites. Elle pouvait y passer des heures, curieuse de tout, cherchant dans les moindres recoins de la maison on ne sait quoi ! Il lui semblait que cette maison recelait des trésors cachés qu'elle ne se lassait jamais de chercher. Elle avait accès à toutes les pièces... sauf une... sa grand-mère la lui avait interdite. Malgré ses questions incessantes, Mamie-douce, comme elle l'avait surnommé, ne lui en avait pas donné la raison, c'était comme ça, un point c'est tout ! Il ne fallait pas qu'elle cherche à comprendre... oui mais... cette réponse accentuait la curiosité de Gwendoline qui ne pensait qu'à une seule et unique chose : qu'y avait-il derrière cette porte...

Elle avait surprise de nombreuses fois sa grand-mère sortir de la pièce interdite , puis la refermer à double tours avec une très grosse clé qu'elle enfonçait au fond de sa poche. Non, vraiment ! Il fallait qu'elle sache ! Elle n'en pouvait plus. Elle décida de braver l'interdiction de mamie-douce et de découvrir ce qui se cachait derrière la porte...

Elle retourna le problème dans tous les sens, comment faire pour y entrer ? Sans clé c'était difficile, puis finalement elle en était arrivée à la conclusion qu'elle ne voulait pas forcément y entrer, mais simplement voir ce qu'il y avait à l'intérieur. Pour cela il n'y avait qu'une solution qui était des plus simples d'ailleurs : regarder par le trou de la serrure...

Alors elle s'approcha prudemment, regardant de tous les côtés de peur d'être prise en faute. Puis elle s'abaissa pour poser son œil sur le trou de la serrure impatiente de découvrir ce que cachait cette pièce. Car elle avait tout imaginé, une ancienne chambre, un grenier encombré de meubles poussiéreux, puis finalement elle s'était dit qu'il n'y avait sans doute rien qui n'en vaille la peine, mais... elle voulait quand même en avoir la certitude.

Alors le moment tant attendu arriva,  elle allait enfin voir ce qu'il y avait derrière cette porte. Au moment où elle s'apprête à poser son œil sur le trou de la serrure, elle voit un petit filet de lumière qui s'en échappe, une lumière blanche très vive. Elle a un mouvement de recul... mais ne peut pas résister à l'envie de savoir. Alors elle pose de nouveau son œil sur le trou de la serrure et enfin elle voit !! mais ce qu'elle voit est étonnant.

Elle ne voit pas une pièce fermée car il lui semble que le derrière de la porte se trouve... au dehors !!! Pourtant il y a le mur de la maison pense-t-elle. Ce qu'elle voit ne ressemble en rien à ce qu'il y a derrière la maison de sa grand-mère... mais qu'est ce que ça veut dire ? Quel est ce lieu ? Une luminosité étrange se dégage de cet endroit, c'est comme dans les contes de fées, cela semble irréel... mais pourtant...
Toute à ses réflexions, Gwendoline ne s'était pas rendue compte qu'une présence se tenait derrière elle et l'observait. Une présence indiscernable à l'œil nu.

Au même moment La porte du bas claque avec fracas la faisant sursauter. Elle se recule rapidement de la porte, puis regarde autour d'elle. Elle entend sa grand-mère monter et se cache alors derrière une vieille commode poussiéreuse. Elle est stupéfaite de ce qu'elle vient de découvrir. Comment est-ce possible ? De quoi s'agit-il? Peut-être est elle en train de rêver. Mais non ! Sa grand-mère arrive et l'appelle:
- Gwendoline ? Où es tu ?
Elle ne répond pas, très embarrassée. Au contraire elle se recroqueville encore plus et si elle pouvait se faire encore plus petite elle le ferait. Sa grand-mère n'insiste pas et finit par partir, au grand soulagement de la petite fille.
Gwendoline sort de sa cachette et s'approche de nouveau de la porte, perplexe. Qu'y a t-il derrière cette porte ? On dirait un autre monde ! Cela lui fait un peu peur, mais sa curiosité prend le dessus. Elle veut encore voir, alors elle s'approche de nouveau puis regarde par le trou de la serrure. Il lui semble apercevoir des silhouettes dont elle ne discerne pas exactement la physionomie. Elles se déplacent en flottant dans les airs, au dessus d'un épais brouillard, si épais qu'on dirait des nuages.

A ce moment là un souffle glacial saisit Gwendoline et ses cheveux voilent ses yeux. Elle se redresse inquiète, ne comprenant pas d'où peut bien provenir cet air glacial en plein été. Elle rejette ses cheveux en arrière, regarde autour d'elle, puis ne voyant rien d'anormal se penche de nouveau pour regarder dans le trou de la serrure... Mais cette fois elle ne voit plus rien ! Que du noir. Elle se relève déçue. Puis elle essaie d'ouvrir la porte, on ne sait jamais... pense-t-elle. Mais au moment où elle pose sa main sur la poignée celle-ci lui brûle les doigts. Elle pousse un cri... qui alerte sa grand-mère qui se précipite dans l'instant à l'étage.
- est-ce que tout va bien ? s'empresse mamie-douce auprès de Gwendoline confuse.
- oui, ça va, lui répond-elle embarrassée.
- il me semble que je t'avais interdit de venir près de cette pièce, lui dit sévèrement sa grand-mère.
- qu'y a-t-il derrière cette porte ? lui demande Gwendoline ignorant la remarque que vient de lui faire sa grand-mère.
- quelque chose qu'il vaut mieux ne pas connaître crois moi !! lui répond celle-ci agacée et visiblement inquiète.
Puis elle entraîne énergiquement la petite fille loin de la porte pour redescendre au rez de chaussée de la maison en ajoutant:
- ne retournes plus jamais devant cette pièce et n'essaies jamais d'y entrer ! Je sais que cela peut te sembler bizarre mais crois en mon expérience, je te dis ça pour ta sécurité.
Sur ces paroles obscures, la grand-mère de Gwendoline s'éloigne laissant la petit fille songeuse et inquiète.

Elle n'a cependant pas l'intention de renoncer aussi facilement, il lui semble qu'il lui faut vraiment découvrir ce qui se cache derrière cette porte. Elle décide d'attendre la nuit pour subtiliser la clé qui lui permettra de lever le mystère qui plane autour de cette pièce.

La nuit venue, Gwendoline se faufile à pas de velours dans la maison endormie. Tout est sombre et silencieux, même inquiétant. Elle regarde autour d'elle et voit des ombres défiler sur les murs. Elle frissonne puis se dit que c'est son imagination qui lui joue des tours. Elle se dirige vers la chambre de sa grand-mère bien déterminée à récupérer la clé qui lui permettra enfin de savoir ce que cache la pièce interdite. Au moment même où elle s'apprête à entrer dans sa chambre, la poignée de la porte se bloque, impossible de l'ouvrir... c'est d'autant plus curieux que cette porte n'a pas de serrure et ne se ferme pas à clé. Elle a la désagréable impression que... quelqu'un l'empêche d'ouvrir la porte. Elle essaie de nouveau, mais rien n'y fait ! Elle renonce et tourne les talons. Elle réfléchit, elle tourne en rond, elle s'énerve puis décide de remonter dans les étages, l'inspiration lui viendra peut être lorsqu'elle sera devant la porte !! il lui faut trouver la solution pour entrer dans cette pièce, cela devient une obsession.

Quelle n'est pas sa surprise de découvrir... la clé sur la porte !! mais elle a quelque chose d'étrange, elle est rouge foncée et une lumière grise s'en dégage émanant une odeur nauséabonde d'un seul coup... Elle s'était déjà aperçue qu'un filet de lumière s'échappait du trou de la serrure, mais elle était différente de celle-ci. Néanmoins Gwendoline semble hypnotisée par cette clé et même attirée. Elle ressent une envie irrésistible de s'emparer d'elle. Il faut qu'elle tourne cette clé, il le faut. Elle fait un pas en avant quand quelque chose d'invisible se met en travers de sa route, elle ne peut plus avancer, mais elle résiste contre cette force. Elle fixe de plus en plus la clé qui semble lui parler et l'appeler, pourtant elle sent quelque chose la repousser vivement en arrière. Une force plus importante encore l'attire vers la porte et d'un seul coup elle est projetée en avant et elle percute celle-ci  si violemment qu'elle s'ouvre sans avoir à tourner la clé...

A ce moment là, à sa grande frayeur, un souffle infernal l'aspire malgré elle, puis elle tombe en tournoyant à une vitesse prodigieuse dans un énorme trou noir. Elle voit défiler autour d'elle tous ceux qu'elle connaît, ses amis, les membres de sa famille dont les images s'envolent dans une poussière multicolore, mais elle continue de tomber de plus en plus vite. Elle se met à hurler de terreur ne sachant comment arrêter cette chute qui n'en finit pas. Plus elle tombe et plus il fait sombre. Elle entend d'un seul coup des plaintes qui s'élèvent autour d'elle, dont elle ne comprend pas l'origine, puis d'un seul coup sa chute stoppe net........

Elle ignore où elle se trouve, mais elle sent que ce qui l'entoure est hostile. Il y règne un silence pesant et oppressant. Elle flotte dans le vide et ne voit rien au-dessus d'elle, ni en-dessous et cela la terrifie. Elle se met à hurler aussi fort qu'elle le peut:
- Mamie-douce !! au secours !! vite viens m'aider !!!
Mais personne ne répond à son appel désespéré, elle reste là à flotter dans le vide, dans ce nulle part, seule dans le silence et elle se met à pleurer toutes les larmes de son corps, regrettant amèrement sa désobéissance.

Pendant ce temps sa grand-mère dormait profondément ne se doutant pas un seul instant que sa petite fille se trouvait dans une situation aussi terrible. La maison restait silencieuse et aucun son ne pouvait s'échapper de la porte interdite... qui s'était refermée toute seule...

Gwendoline arrêta d'hurler, se rendant compte que cela ne servait à rien. Elle attendait dans le noir complet et se demandait comment faire pour se sortir de là, mais elle ne trouvait aucune solution. Quand elle vit un point de lumière tourner autour d'elle... un tout petit point brillant comme un diamant. Immédiatement intriguée et sans savoir pourquoi elle demanda:
- qui es-tu ?
Alors le point s'élargit progressivement, puis s'en dégagea une forme d'abord floue, qui prit de la consistance jusqu'à devenir un être aux traits fins et lumineux. Il émanait de lui une douceur infinie, une grâce hors du commun et un halo de lumière blanche diffuse l'enveloppait complètement.

Gwendoline se sentit en sécurité d'un seul coup. Toutes ses peurs s'envolèrent laissant place à un sentiment curieux . Elle ne connaissait pas cette présence, mais pourtant elle lui semblait familière. La présence lui sourit, ce qui la rassura aussitôt tandis que, sans que ses lèvres ne bougent, elle entendit ce que celle-ci lui disait.
- Pour trouver la porte de sortie il faut que tu remontes au plus profond de tes souvenirs. Ne revis que les bons moments, laisses toi guider par ton cœur et tes bons sentiments. Ne te laisses pas submerger par la colère, ni par la haine ou la rancœur. Penses à ceux que tu aimes et demandes de tout ton être à les rejoindre. La porte s'ouvrira d'elle-même.

Tout se passait dans le regard, aucun mot n'avait été prononcé et pourtant Gwendoline entendait tout ce que lui disait cette présence réconfortante. Elle eut subitement un doute et osa demander:
- Mais si je n'y arrive pas ...que se passera-t-il ?
- Alors tu resteras bloquée dans le puits de l'oubli pour l'éternité, sans que jamais personne ne sache ce qu'il t'est arrivé... lui répondit la voix, puis elle ajouta :
- Je te fais confiance ma petite fille.
Surprise de cette réponse, Gwendoline demanda:
- Pourquoi m'appelles tu ma petite fille ? Serais-tu... mon grand-père ?
- Oui et j'ai essayé à plusieurs reprises de te protéger, mais tu n'as pas fait attention à mes avertissements, lui répond l'être tout en flottant dans le vide.
- Je ne comprends pas ! lui lance Gwendoline, de quels avertissements parles-tu ?
- De l'air glacial que tu as senti te frôler, du souffle qui a ramené tes cheveux devant tes yeux, de la poignée brûlante et enfin de la porte que j'ai bloquée pour t'empêcher de subtiliser la clé de ta grand-mère.
- Mais je n'ai pas eu à prendre la clé de mamie-douce puisqu'elle l'avait oublié sur la porte, lui répond Gwendoline.
- Cette clé n'était pas celle de ta grand-mère, c'était une illusion maléfique pour t'attirer vers la porte. C'est un mauvais esprit qui t'a joué ce tour. D'ailleurs souviens toi ! Tu n'as pas eu à la tourner dans la serrure ! Mais tu t'es approchée si près de cette porte qu'il a été facile pour les mauvais esprits de t'attirer à l'intérieur.
- Mais pourquoi faire une chose pareille ? demande la petite fille.
- Qui sait ? Peut-être simplement pour faire du mal ! Pour s'amuser ! les raisons peuvent être nombreuses et nul ne les connaît exactement. Moi-même je suis en danger ici et je vais devoir partir sinon je risque d'être moi aussi bloqué ici. Saches néanmoins une chose, c'est que je suis toujours là pour veiller sur toi et pour veiller aussi sur ma perle de rose.
- Qui est perle de rose ? demande Gwendoline surprise.
- Perle de rose c'est le petit surnom que je donnais autrefois à ta grand-mère.

C'est alors qu'un souffle foudroyant fait disparaître la présence et la petite fille se retrouve à nouveau seule dans la nuit sombre et silencieuse. Elle se rappelle ce que vient de lui dire son grand-père :se souvenir des bons moments. Alors son imagination s'envole, elle se revoit à toutes les fêtes d'anniversaires entourées de ses parents, de sa sœur, de son petit frère et de tous ses amis. Puis elle revoit tous les noëls , les vacances en famille, tous ces moments de bonheurs que l'on garde toujours en mémoire tout le long d'une vie et qui gardent vivants ses souvenirs d'enfant. Elle se sent le cœur léger, sereine et elle sourit aux anges, oui ! Aux anges !! quand d'un seul coup elle se sent portée délicatement par un souffle léger et délicat, un souffle qui la soulève doucement et progressivement vers une lumière de plus en plus vive et douce à la fois. Elle se sent bien, comme endormie, mais en même temps elle voit tout ce qui se passe autour d'elle comme dans un rêve éveillé. Elle voit une porte s'ouvrir et elle la franchit sans difficulté aucune. Puis tout s'éteint d'un seul coup quand elle entend son prénom:
- Gwendoline ? Gwendoline ?? réveilles toi ma chérie ! Tu es malade ? Je n'arrivais pas à te tirer de ton sommeil ! Je commençais sérieusement à m'inquiéter !

Gwendoline sort de sa torpeur aussi brutalement qu'elle y est entrée. Sa grand-mère se penche au dessus d'elle. Elle se rend compte qu'elle est allongée sur son lit. Elle regarde autour d'elle, elle est dans sa chambre, entourée de ses objets familiers.
- C'est fini ? dit-elle, en s'adressant à sa grand-mère.
- Qu'est ce qui est fini ? lui demande celle-ci surprise d'une telle question.
- Je suis sortie du puits de l'oubli ! Je suis de retour !
- Mais qu'est-ce que tu racontes,  lui demande sa grand-mère en éclatant de rire, le puits de l'oubli ?? tu as vraiment trop d'imagination, tu as rêvé ma chérie ! Allons, remets toi et lèves toi maintenant il est déjà midi tu sais !!
- Mais mamie, je t'assures... ça n'était pas un rêve ! Je suis allée dans la pièce interdite et je suis tombée dans le puits de l'oubli !! là où il y a des mauvais esprits ! Je comprends pourquoi tu ne voulais pas que j'y entre !
- Mais enfin Gwendoline si je t'ai interdit d'entrer dans cette pièce c'est simplement parce qu'elle est vétuste et dangereuse. Le plafond s'effondre et le plancher aussi, c'est pourquoi je la ferme à clé. D'ailleurs j'ai toujours la clé sur moi, donc tu n'as pas pu y entrer !!
- Oui je sais grand-mère, mais je suis entrée quand même malgré les avertissements de grand-père qui a essayé de me protéger, réplique Gwendoline.
- Mais qu'est-ce que tu racontes encore, tu n'as pas connu ton grand-père de toute façon ! Comment pourrais-tu le reconnaître même dans tes rêves d'ailleurs !! vraiment tu as trop d'imagination, lui répond sa grand-mère avec un grand nuage de tristesse dans les yeux.
- Il m'a dit qu'il nous protégerait toujours toutes les deux, il t'a appelée sa perle de rose.

A ce moment là sa grand-mère la regarde stupéfaite. Comment Gwendoline peut-elle connaître le surnom que seuls elle et son mari connaissaient ? Cette révélation la trouble mais elle reste néanmoins sceptique. Sans rien dire elle décide de monter dans les étages pour en avoir le cœur net. Arrivée devant la porte en question une chose étrange se produit, devant ses yeux ébahis elle voit se construire un mur qui emprisonne la porte à tout jamais. Plus aucune trace ne subsiste, seul un mur lisse s'étend tout le long du couloir, sans laisser soupçonner l'existence de la porte. Trois petits mots se dessinent sur le mur. Mamie-douce s'approche et peut lire : Perle de rose...

Alors elle sait que Gwendoline a dit vrai, elle sait que son grand-père a veillé sur elle, peut-être est-ce son ange gardien, qui sait ??

                                                      ............   Fin
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Mai 2013 à 08:48:49
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Comment Coyote apporta le feu

Il y a bien longtemps, le Peuple des Animaux n'avait pas de feu. Jour et nuit, ils s'entassaient dans leur gîte, dans l'obscurité et mangeaient leur nourriture crue. En hiver, ils avaient si froid que du givre recouvrait leur fourrure. Oh ! ils étaient bien misérables ! Mais un jour, le très vieux et sage Coyote réunit tout le monde.
- Nous avons tous entendu parler du feu, dit-il, mais ce feu est très loin en amont de la rivière... au bout du monde... Il est gardé par les Sœurs-aux-Vestes-Jaunes qui habitent le sommet d'une montagne enneigée. Elles sont mauvaises et ne veulent pas le partager... Mais écoutez tous ! Si nous nous aidons, si nous nous serrons les coudes, nous pourrons alors voler ce feu.
Des murmures de crainte au sujet des Sœurs-aux-Vestes-Jaunes, fusèrent de toutes parts dans l'assemblée – mais tout redevint calme lorsque Coyote leur exposa son plan.
Une fois ceci fait, il s'en alla.

Grand-père Coyote escalada lentement et patiemment la montagne du bout du monde. Quand enfin, il arriva à la maison des trois Sœurs-aux-Vestes-Jaunes, il aperçut de la fumée qui sortait du conduit de cheminée. Coyote regarda à l'intérieur et vit, assises autour du feu, les trois vieilles sœurs.
Coyote leur dit alors sur le ton le plus amical qui soit :
- Si vous me laissez entrer, je vous rendrai belles.
Suspicieuses, les trois sœurs rapprochèrent leur tête et répondirent :
- Entre... mais surtout... pas de mauvais tours, hein ? !.
Le vieil homme-coyote s'assit alors avec elles près du feu et prit entre ses doigts de pied un gros morceau d'écorce de chêne qu'il tint dans les flammes. Lorsque ce dernier fut transformé en charbon, il s'en servit pour dessiner sur le visage et le corps jaunes des trois sœurs, des rayures noires qui les embellirent.
- Maintenant, dit-il, si vous fermez les yeux, je vous ferai belles à jamais.
C'était là, la chance que Coyote devait saisir !... Dès que les Sœurs-aux-Vestes-Jaunes fermèrent leur yeux, il prit entre ses dents une braise de chêne, et aussi silencieux que la lune dans le ciel, se faufila au dehors.
Il dévala la montagne en courant, aussi rapide que le vent. Lorsque les trois sœurs s'aperçurent que Coyote les avait trompées, elle hurlèrent comme des folles – et comme elles aussi, volaient comme le vent et elles ne mirent pas longtemps pour rattraper Coyote. Elles étaient presque sur lui, lorsque Coyote trébucha et roula comme une boule de neige, atterrissant avec fracas au pied d'Aigle.
Attrapant la braise avec ses serres, Aigle étendit ses ailes et s'envola dans le ciel. Bien que l'aigle fut rapide, les Sœurs-aux-Vestes-Jaunes ne tardèrent pas à le rejoindre. Aigle soudainement, laissa alors tomber la braise. Au-dessous de lui, Lion des Montagnes la ramassa avec ses longues dents et bondit dans la neige. Toujours aussi furieuses, les trois sœurs se lancèrent à sa poursuite.
Elles étaient à deux doigts d'attraper Lion des Montagnes lorsque que Renard, surgissant de nulle part, s'empara de la braise enflammée et s'échappa à travers les cèdres et les pins géants. Le renard courut et courut encore jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus ; il était si essoufflé que sa respiration créait des nuages qui trahissaient sa piste. Très vite, les trois sœurs descendirent en piqué vers lui – mais au dernier moment, Ours apparut, s'empara du feu et s'élança parmi les ronces.
L'ours aussi était très rapide – mais les Sœurs-aux-Vestes-Jaunes ne l'étaient pas moins et l'ours finit lui-aussi par tomber d'épuisement. Juste à cet instant, Long-Ver-de-Terre prit le feu et s'en allant, étirant son corps entre les crêtes de trois montagnes.
Là, encore une fois, les trois sœurs, ne mirent pas beaucoup de temps pour le rattraper. Mais Juste sous leurs yeux, Tortue se faufila, prit le feu dans sa gueule et s'enfuit.
Mais la tortue était lente et l'une des sœurs ne mit pas longtemps à l'atteindre et la piqua à la queue.
- Aïe ! Aïe ! Aïe ! fit la tortue rentra aussitôt ses pattes et sa tête et se laissant rouler jusqu'au bas de la colline.
- Flump ! Flump ! Flump ! faisait sa carapace en roulant le long de la pente.
Les Sœurs-aux-Vestes-Jaunes s'affairaient déjà autour d'elle, lorsque la grenouille sauta de la rivière.
- Gulp ! fit-elle en avalant la braise – et elle replongea à nouveau dans la rivière.
Les trois sœurs prirent d'assaut la rivière, l'encerclèrent et coururent tout autour, une fois, deux fois, trois fois ; elle couraient si vite que la surface de l'eau en était toute agitée. Elles attendaient que la grenouille réapparaisse enfin – mais cette dernière, au fond de l'eau, retenait le feu et sa respiration.
Finalement, découragées – renonçant à la poursuite – les trois sœurs s'envolèrent et retournèrent au sommet de leur montagne du bout du monde.
Aussitôt qu'elles furent parties, la grenouille surgit de l'eau et pour pouvoir prendre sa respiration, recracha la braise brûlante qui atterrit dans les racines d'un saule, qui poussait sur la rive. L'arbre avala le feu et le Peuple des Animaux fut bien embêté.
Coyote alerté par les lamentations du Peuple des animaux, s'en vint et demanda :
- Que se passe-t-il ici ?
- Grand-Père, le saule a avalé le feu... peux-tu nous montrer comment le récupérer ?
- Bien sûr ! fit le très vieux et sage Coyote – qui connaît toutes choses en ce monde.
Il ramassa deux morceaux de saule, mit peu de mousse sèche sur l'un et avec l'autre frotta le premier à l'endroit où il avait déposé la mousse. Aussitôt le feu réapparut.
- Oooooh ! fit le Peuple des Animaux, émerveillé.
C'est depuis ce jour-là, où les êtres ont appris à faire du feu avec du bois, qu'ils peuvent se chauffer et cuisiner leur nourriture. Et ainsi, la nuit quand revient la saison du froid, ils s'assoient tous en cercle autour du feu et écoutent les Anciens raconter les vieilles histoires...Légende amérindienne


                           

 
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Mai 2013 à 09:30:33
Mon nom est Pierre Lapin, j'ai été imaginé par mon amie Béatrix Potter. Elle a si souvent raconté mes histoires et parlé de moi... Aujourd'hui c'est à moi de faire de même.
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J'ai vécu auprès de Béatrix Potter tout au long de sa vie. J'ai traversé ses joies, ses peines, ses moments de désespoir. Sa vie n'a pas toujours été facile mais elle a toujours été pour moi une femme extraordinaire et forte, mon modèle. Je suis né en 1893, pendant l'époque Victorienne différente de la notre sur plusieurs points comme le statut de la femme, son rôle à la maison, sa manière de s'habiller et de se tenir en public. Cette époque fut un tournant dans l'histoire, le fossé creusé entre les hommes et les femmes était à son apogée. Les hommes travaillaient et s'occupaient de la politique, les femmes s'occupaient de la vie domestique. Je fais là une généralité, le statut de la femme était différent selon la classe sociale.

Ma créatrice est née à Londres dans une famille bourgeoise qui a fait fortune grâce à l'industrie du coton. Elle a été élevée par des gouvernantes qui lui ont enseigné la musique et l'art. C'est lors de vacances d'été en Écosse qu'elle a découvert son amour inconditionnel pour la nature et c'est à ce moment-làqu'elle a commencé à explorer la forêt, à s'intéresser aux animaux. Avec son frère Bertram, ils avaient de nombreux animaux ''domestiques''. Elle s'est mis à peindre et à dessiner tout ce qu'elle voyait en prenant soin de n'oublier aucun détail. C'est à la suite de ses observations qu'elle a imaginé mes histoires et celles de mes compagnons : Flopsaut, Trotsaut, Queue-de-coton, Tom Chaton, Sophie Canetang et tant d'autres. C'est ainsi que je suis devenu le petit lapin curieux et désobéissant que tout le monde connaît aujourd'hui ! Nous nous sommes tellement amusés à travers mes aventures, malgré quelques petites frayeurs dans le jardin de Monsieur McGregor...

Elle refusait de se marier, elle aspirait à une réelle histoire d'amour et refusait que ses parents lui choisissent un époux, ce qui était contraire aux coutumes de l'époque car les femmes étant cantonnées aux rôles de mère et de maîtresse de maison. Nous étions à cette époque ses seuls amis. Elle a ensuite voulu faire éditer ses histoires pour les partager avec les enfants, mais étant donné qu'elle n'était pas un homme, ce ne fut pas simple... Elle avait 36 ans à l'époque et vivait toujours chez ses parents. Elle a envoyé ses histoires à de nombreux éditeurs qui ont tous refusé de la publier parce que selon eux, elle n'était pas à sa place... En effet, les femmes à cette époque n'avaient ni le droit d'exercer une fonction autre qu'enseigner ni d'avoir un compte bancaire à elles. C'est lorsqu'elle a décidé de le faire elle-même en 1902 que la maison d'édition Frederick Warne a accepté d'éditer mon histoire qui est devenue l'une des plus célèbres jamais écrites. On raconte même que Conan Doyle avait acheté le livre pour ses enfants.

Je suis très fier du combat de ma très chère amie Béatrix qui, malgré son statut de femme et son milieu social, a su manifester son désaccord, partager son opinion et prendre des décisions. Par exmple, elle a choisi les dimensions du livres, et beaucoup d'autres détails concernant l'édition. Elle est aujourd'hui reconnue pour l'anthropomorphisme de ses petits animaux, et considérée comme naturaliste grâce aux croquis de plantes qu'elle a réalisés. Il faut bien comprendre que pour une femme de cette époque, elle n'était pas "commode", elle bravait les interdits et préférait prendre des décisions elle-même. Après son mariage en 1913 avec un notaire, Williams Heelis, elle est partie vivre à la campagne dans la région des Grands lacs [1]. Elle y a élevé de nombreux moutons et a eu des lapins dont elle disait d'ailleurs qu'ils étaient mes descendants. Elle a donc arrêté d'écrire, et je dois dire qu'elle nous a mis de côté, mais je ne lui en veux pas car après toutes ses souffrances et des années difficiles, son bonheur était mérité.

Elle nous a quittés le 22 Décembre 1943... Je regrette qu'elle ne soit pas avec moi pour traverser le temps, mais encore aujourd'hui quand je vois des gens qui se souviennent d'elle et de ses combats, cela me comble de joie. J'imagine à quel point elle serait heureuse de savoir que les histoires de mes amis Jeremy Fisher le Crapaud, Cecily Parsley, Miss Moppet et bien d'autres existent toujours. C'est ce qu'elle aurait voulu.
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Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 16 Mai 2013 à 10:06:42
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La légende de Sethos

L'histoire de Sethos, fils d'un batelier du Nil et, plus tard, ministre du roi Mykerinos, nous est très connue. Elle nous est contée tout au long par une fresque brune qui se déroule autour des murailles de son tombeau.
Le père de Sethos dirigeait, tout le jour, une barque qui transportait le long du Nil de lourdes pierres de granit, les charges de blé et les jarres pleines d'huile de palme. Deux boeufs patauds tiraient la barque sur la rive.
Sethos jouait tout le jour entre le ciel bleu et l'eau claire. Il cueillait les lotus que la barque frôlait ; ou bien il jetait des pierres aux crocodiles qui dormaient et, comme des troncs d'arbres rugueux, se laissaient aller à la dérive.
Parfois Sethos s'ennuyait, parce qu'il voyait toujours les mêmes rives plates et que le bruit de l'eau lui semblait monotone. Mais un jour, tandis qu'il dormait, son père posa entre ses bras une bête au corps velu.
C'était un petit lion dont les chasseurs avaient tué la mère. En passant ils avaient donné le lionceau au batelier. Sethos l'appela Aken, obtint qu'on le nourrit avec du lait, et bientôt ils devinrent deux grands amis. Quand Sethos dormait, Aken veillait gravement sur lui et passait longuement sa langue rugueuse sur les petites mains croisées.
Malheureusement Aken grandit. Il aimait toujours Sethos, qui ne craignait ni ses griffes puissantes, ni sa gueule énorme. Mais Aken était violent. Quand il descendant sur la rive, il terrassait parfois les chiens des villageois et, un jour, il égorgea un âne qu'il avait surpris au coin d'un champ.
Il fut décidé qu'on le tuerait. Sethos pleura beaucoup en serrant entre ses petits bras la tête rugueuse de son ami. Aken immobile et pensif semblait comprendre qu'un danger le menaçait, et il regardait mélancoliquement la ligne jaune du vaste désert que ses yeux ne devaient plus revoir.
La barque s'était arrêtée dans une anse, à l'ombre des hauts papyrus. Sethos, lui aussi, regardait le désert.
"Aken, dit-il, sauve-toi. Comprends-tuComprends-tu ? Tu es maintenant trop fort et trop sauvage. Mon père t'aime bien, mais il sera puni à cause de tes méfaits. Oublie ton ami Sethos. Sauve-toi. Retourne au désert, où tu ne craindras plus les hommes.
Aken se leva, bâilla, fronça son mufle, regarda Sethos qui lui causait tendrement. Puis, en quelques bonds, il s'enfonça entre les collines. La nuit suivante, l'enfant entendit vibrer dans l'air des rugissements lointains : le lion célébrait sa délivrance.
Les jours passèrent.
Sethos, d'abord triste, finit par oublier son ami lion. Il était plus fort maintenant, et il aidait son père à ranger les marchandises du bateau ou à aiguillonner les boeufs indolents. La vie coulait, monotone, sous le même ciel bleu, sur les mêmes eaux tranquilles.
Vint le temps où le père de Sethos dut payer les impôts au roi Mykerinos. Or, les Égyptiens ne connaissaient pas l'argent. Ils donnaient aux intendants du roi le blé de leurs champs, l'huile de leurs celliers ou le travail de leurs bras.
Mykerinos construisait l'immense pyramide qui porte son nom. Toute une armée de travailleurs taillait dans les montagnes les blocs de granit, les charriait par les chemins, les amenait par les bateaux du Nil, les hissait, d'assises en assises, toujours plus haut. Les hommes haletaient sous le soleil éclatant, mais la volonté du maître et les coups de bâton les redressaient.
Le père de Sethos, pendant toute une lune, devait amener des pierres depuis les carrières, jusqu'aux chantiers. Malheureusement un des boeufs mourut. Tout le jour, à côté de celui qui survivait, le batelier tendait ses muscles pour haler la barque. Pourtant elle n'avançait pas vite. Le besogne était en retard.
"Homme, dit le chef des ouvriers d'un air dur, achète un autre boeuf. Il faut que le travail de Mykerinos s'achève.
- Je n'ai ni blé, ni huile, ni marchandises pour le payer. Je n'ai pas pu travailler.
- Fais tirer ta femme et ton fils. Si ces pierres ne sont pas amenées au chantier à la date fixée, tu seras emprisonnés."
Le batelier reprit tristement sa besogne sur le Nil. La prison, c'était, pour sa femme et son enfant, la misère et la fin. Il faudrait vendre la barque et s'en aller mendier par les bourgs sous les risées des gamins et les moqueries des vieilles femmes. Au lieu de dormir, il voulut continuer la nuit son travail. Sous la clarté froide de la lune, au milieu du silence universel, on entendait le grincement du cordage, le pas lent du boeuf et le halètement du batelier. Les pierres s'amoncelaient sur le chantier. Le chef des ouvriers serait satisfait, et l'on pourrait pendant des mois et des mois reprendre la vie heureuse et les lents voyages tranquilles sur le Nil. Mais un jour, sous le soleil plus ardent, le boeuf s'affaissa. En vain on essaya de le relever. Le travail de la nuit l'avait tué comme son camarade.
Désespéré, le batelier s'assis sur la rive. La nuit était froide et claire. Un sphinx gigantesque allongeait jusqu'au Nil son ombre énigmatique. Seul, tandis que sa femme et Sethos dormaient, l'homme fixait sur sa barque ses yeux désespérés. Elle était maintenant immobile pour toujours et, dans quelques jours, le chef des ouvriers viendrait réclamer son dû.
La prison l'attendait. Plus de nuits lumineuses et de journées éclatantes. Plus de vie libre et joyeuse, mais les murs froids d'un cachot, et la misère quand il sortirait. Le batelier pleura de longues heures.
Le jour vint. Sethos éveillé regardait avec de grands yeux étonnés le boeuf étendu, son père assis d'un air morne, et la barque immobile sur le bord du Nil. Puis il comprit à son tour, et comme son père il pleura.
Il essaya bien de joindre ses forces à celles de son père, mais la barque avançait à peine, et il aurait fallu des jours et des jours pour achever la tâche commandée.
Les villageois plaignirent les infortunés, mais la tyrannie de Mykerinos les opprimait eux aussi, et ils n'avaient pas trop de toutes leurs ressources pour satisfaire ses intendants.
Le jour passa. Une nouvelle nuit survint. Le batelier, résigné à son sort, restait assis sans bouger sur la rive du fleuve. Il regardait au loin la silhouette de la gigantesque pyramide sortir des brouillards du matin ou s'enfoncer dans la brume du soir, et il lui semblait que tout le poids de ses pierres pesait sur ses épaules.
Sethos dormait à ses pieds, brisé de tristesse et de fatigue et, comme toutes les nuits, la lune ronde montait au-dessus des collines.
Soudain un rugissement violent déchira l'air, si soudain et si proche que le pauvre homme, sa femme et son fils, réveillés en sursaut, eurent la sensation qu'ils ne pouvaient plus échapper et que le lion était sur eux.
Et ils restaient immobiles, serrés les uns contre les autres, glacés d'épouvante et les yeux grands ouverts.
Un bâillement rauque troubla le silence à nouveau. Une forme noire bondit. Sethos ferma les yeux... et il sentit un mufle humide qui caressait sa poitrine, une langue chaude et rugueuse qui cherchait ses mains.
"Aken ! Aken !" cria-t-il.
La minute d'après il pleurait dans la crinière du lion accroupi près de lui, et il lui racontait ses misères, la mort des boeufs et les menaces du chef des ouvriers.
"Si tu voulais, disait-il,... si tu voulais... Tu es fort, Aken, plus fort que dix boeufs. Tu pourrais tirer notre barque pendant quelques jours, et tu retournerais au désert après avoir sauvé ton ami Sethos. Sans doute ce n'est pas le métier d'un lion de traîner une barque avec licol au cou. Mais tu la traîneras la nuit, et je serai si heureux !"
Sans doute Aken comprenait, car il regardait Sethos avec de larges yeux bienveillants.
Il le suivit docilement quand il s'approcha de la rive du fleuve, docilement il se laissa passer au cou le cordage tressé.
Le lendemain matin, plein d'étonnement et d'épouvante, le chef des ouvriers vit arriver sur le bord du chantier un lion qui halait gravement une barque sur le Nil, et, parmi les pierres de granit, Sethos qui dansait de joie en chantant les louanges d'Aken.
Ce fut là le commencement de la fortune de Sethos, qui plus tard prit le nom de Touthemès Salen ou "le fils du lion".
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 16 Mai 2013 à 10:29:56
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Le trésor du buttereau

Toutes les côtes du Saint-Laurent ont été témoins de nombreux naufrages et de navigation suspecte. En effet, il y avait des pirates autrefois même au Québec! La tradition orale veut qu'il arrivait que des poursuites ou des tempêtes empêchaient les pirates d'emporter leur butin à bord. Alors, on enfouissait les trésors sous terre dans un lieu isolé avec l'idée de revenir le chercher plus tard. Pour garder le trésor, le capitaine du navire faisait tirer les matelots à la courte paille. Il tranchait la tête de celui qui était ainsi désigné et on l'enterrait à côté du coffre pour qu'il veille à ce que personne ne vienne s'en emparer. Aux Îles-de-la-Madeleine, de nombreuses histoires circulent qui racontent les aventures de plusieurs téméraires qui tentèrent de s'approprier des trésors enfouis par les corsaires. Les buttes et les buttereaux sont des collines sans arbres.

Il était une fois, un jeune garçon, Étienne Lapierre, qui habitait aux îles à quelques pas de la mer et qui n'avait peur de rien. Quand il n'allait pas aider les pêcheurs qui rentraient avec leurs prises au quai, il allait se promener sur les buttes rondes de l'île du Havre-aux-maisons et il explorait les petits bois de conifères qui résistaient au vent furieux de ce pays. Un jour qu'il arpentait une butte en regardant la mer, il vit venir vers la côte un bateau qu'il ne connaissait pas. Il n'avait pas l'allure des goélettes de pêche qui vont, en saison, pêcher le hareng ou le homard.

Étienne regarda le bateau approcher et se diriger vers une petite baie protégée, cachée par un buttereau escarpé. Il alla se cacher derrière un rocher et attendit. Bientôt, le bateau accosta. Étienne comprit en voyant les matelots et en les écoutant parler qu'ils n'étaient pas des pêcheurs des îles ni du Cap Breton mais bien des pirates!
Il se cacha encore mieux entre deux gros rochers et observa leurs mouvements. Une chaloupe fut mise à la mer avec trois marins qui transportaient un gros coffre qui semblait lourd. Les trois marins accostèrent et Étienne vit qu'ils avaient aussi une pioche et une pelle avec eux.

Ils escarpèrent le buttereau et l'un d'eux se mit à piocher. Ils piochèrent à tour de rôle et creusèrent un trou qui semblait bien grand au petit Étienne. Bien à l'abri dans les rochers, il tressaillait de peur, car il avait compris que ces gens allaient sans doute enfouir le coffre dans la terre du buttereau voisin et que sans aucun doute, celui-ci contenait un trésor. Ah! Si l'on avait le malheur de le surprendre, il n'était pas mieux que mort!

Et la suite confirma ses doutes. Tout d'un coup, l'un des marins sortit un grand couteau et dans le plus parfait silence, il trancha le cou de l'autre. La tête, elle, dégringola sur les rochers abrupts et tomba dans la mer. Aussitôt les deux qui restaient saisirent le corps sans tête et le déposèrent au fond du trou avec le coffre. Étienne fut tellement surpris de ce qu'il vit qu'il resta figé dans l'horreur, seuls les battements de son coeur témoignaient qu'il était encore en vie. Les deux hommes remplirent le trou avec de la terre et des cailloux, sans dire un mot. Puis, quand le buttereau eut repris son aspect habituel, le plus grand des deux hommes qui portait un grand chapeau posa sur le monticule une grosse roche et dit à son compagnon :

Maintenant, c'est fait. Le trésor est en sécurité.
Mais il est bien gardé par un gardien sans tête, est-ce bien?
Sans aucun doute, le diable se chargera de faire fuir quiconque aurait la hardiesse de creuser ici. Il fera sortir l'homme sans tête de terre...
Le compagnon frissonna. Le soleil était couché depuis longtemps et bientôt il ferait nuit. Les deux hommes jetèrent un dernier coup d'oeil à l'endroit où ils avaient enfoui leur butin et descendirent vers la chaloupe pour repartir vers le bateau. Étienne entendit distinctement le plus grand, qui devait être le capitaine, dire :

Quand le coq labourera et que la poule hersera, le trésor pourra être levé. Mais pas avant! Et personne ne pourra rien entreprendre autrement.
On reviendra dans un an ou deux quand on aura fini les tournées dans le golfe, répliqua son compagnon.


Et les deux hommes quittèrent le rivage.

Étienne mit du temps avant de reprendre ses esprits et de sortir de sa cachette. Il faisait nuit noire lorsqu'il rentra chez lui. Il ne souffla mot à personne de son secret. Il n'oubliait pas les mots qu'ils avaient entendus.

Le temps passa, les saisons se succédèrent et Étienne allait souvent rôder non loin du buttereau pour voir si la terre était remuée et si l'on était venu lever le trésor. Mais rien ne semblait avoir bougé et la grosse pierre était toujours à sa place. De temps en temps, pour ne pas oublier, Étienne répétait : « Quand le coq labourera et la poule hersera », en attendant son heure.

Dans les villages de pêcheurs de toute l'île du Havre-aux-maisons, des rumeurs commençaient à circuler à l'effet que l'on avait vu errer un homme sans tête la nuit sur le buttereau. L'effet fut instantané : on ne sortit plus après le coucher du soleil. Les gens savaient bien ce que ce phénomène voulait dire : un trésor avait dû être enfoui là avec son gardien. Et c'était ce pauvre bougre qui, possédé par le diable, tentait de se dénicher une meilleure sépulture.

Bientôt, toute l'île parlait du fantôme du buttereau. Le curé alla en procession avec quelques paroissiens bénir le lieu maudit, mais l'homme sans tête continua d'errer au bord des falaises. Étienne tenta à plusieurs reprises de soulever la grosse pierre sur le buttereau. Mais on aurait dit qu'elle avait triplé sa masse : on ne pouvait la bouger. La terre tout autour était devenue si compacte à cause des pluies et des neiges, qu'elle était dure comme du ciment, et aucune pioche, aucune pelle n'auraient pu l'entamer.

Puis, un jour, Étienne qui avait dix-huit ans décida que le temps était venu d'agir. Il confia son secret à son frère en qui il avait une confiance absolue. Et les deux se mirent à l'oeuvre.

Ils choisirent d'abord, dans la basse-cour, un coq et une poule bien grasse. Puis, étant adroits de leurs mains, ils fabriquèrent une charrue, miniature bien sûr, et une herse de format réduit. Leur père, qui voyait faire, était exaspéré par leurs enfantillages :

Vous feriez mieux d'empiler le foin dans la baraque au lieu de jouer comme des enfants.
Vous allez voir, mon père, que nos jeux vont être utiles, répliqua Étienne.
Attendez encore un jour et vous aurez une belle surprise, renchérit son frère.
Enfin, tout fut prêt. Un soir, Étienne et son frère s'en allèrent en cachette à la dune du Sud avec le coq, la poule et leur attirail. Ils se rendirent sur la plage, attelèrent le coq et lui firent labourer un bon petit carré de sable, ce qu'il fit très bien. Ensuite, ils attelèrent la poule à la herse et, à son tour, elle hersa la portion que son compère venait de labourer.

De retour à la maison, ils dirent à leurs parents :

Maintenant, venez avec nous. Il est temps d'aller lever le trésor du buttereau?
Quoi? fit la mère. Le trésor du buttereau? Vous allez nous faire mourir de peur!
Avec le corps sans tête qui errait encore hier au soir! s'écria le père.
Le fantôme ne nous fera pas de mal. Nous en sommes sûrs.
Le père et la mère se demandaient si leurs deux fils n'étaient pas un peu fous, mais ils consentirent à les suivre au buttereau. Arrivés là, Étienne commença par enlever la grosse pierre, ce qu'il fit sans aucune difficulté. Puis, ils se mirent tous les deux à creuser la terre meuble et bientôt ils touchèrent quelque chose de très dur. C'était le coffre!

La nuit arrivait et les parents redoutaient l'apparition du corps sans tête; mais les garçons, trop occupés par leur tâche, ne s'en souciaient guère. Ils n'eurent aucun mal à déterrer le coffre qu'ils transportèrent séance tenante dans leur logis. Ils allumèrent la lampe et déposèrent leur fardeau au milieu de la cuisine. Étienne ouvrit le couvercle. Le coffre était rempli de pièces d'or et d'argent. Il y avait là une fortune. Étienne et sa famille n'en croyait pas leurs yeux. Ils ne savaient pas très bien ce qu'on doit faire quand on est riche. Alors, ils allèrent se coucher.

Le lendemain matin, au lever, la mère trouva sur la galerie un squelette sans tête allongé sur le banc. Un billet auprès de lui disait : « Enterrez-moi au cimetière. Ma tâche est accomplie. »

La famille Lapierre, qui n'était pas mesquine, partagea ses biens avec tous les gens de l'île et l'on parla pendant de longues années encore du fameux trésor du buttereau qu'Étienne Lapierre avait réussi à déterrer.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 16 Mai 2013 à 11:05:24
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La tour des fées

C'est une histoire qui date d'il y a bien longtemps, d'un temps où vivait à Quissac une petite fille qui était muette et qui s'appelait Bertine ; cette petite fille, orpheline de père et de mère, avait été élevée par sa grand-mère ; comme la vieille était bonne comme la pluie d'été, Bertine avait été heureuse quoique l'une et l'autre vécussent pauvrement ; jusqu'à ce matin-là où la grand-mère ne se réveilla point ! Voilà Bertine seule au monde, sans ressources, obligée de tendre la main pour survivre. Elle s'en alla par sentes et chemins, de villages en hameaux, et de mas en masets mendier une pièce de menue monnaie par-ci, un quignon de pain rassi par-là.
   
Un jour, poussée par la nécessité, elle s'aventura plus loin que de coutume dans la forêt de Coutach. Lorsque le soir ne fut plus loin, elle ne parvint pas à retrouver le chemin du village ;  plus elle marchait, plus le bois devenait menaçant, les arbres immenses masquaient le ciel et les buissons se pressaient les uns contre les autres au point qu'on ne pouvait s'y mouvoir qu'avec les plus grandes difficultés. Bertine se voyait déjà la proie des loups, quand elle vit un sentier qui l'amena près d'une maison de rondins de bois couverte d'un toit de chaume ; elle frappa ; comme personne ne répondit, elle décida d'entrer. Qui que ce fût qui logeât là, il devait être bien riche car l'or et l'argent, les bijoux jonchaient le sol de terre battue, au milieu du plus incroyable désordre que la petite eût jamais vu : de grands plats sales et des os de toutes natures et de toutes grandeurs encombraient la table de chêne massif. Elle était là, à contempler la pièce, quand la porte de la chaumière s'ouvrit avec fracas, et une main velue s'abattit sur son épaule, pendant qu'un rire gigantesque faisait trembler les vitres sales :
- Petite, tu n'as décidément pas de chance : tu auras échappé aux loups pour tomber entre les pattes du Galavard !
   
LE GALAVARD ! Bien sûr Bertine connaissait de réputation l'ogre qu'on disait habiter la forêt de Coutach : sa grand-mère lui avait assez répété de ne jamais s'aventurer seule dans les bois, sous peine de rencontrer le géant. L'ogre tâta le bras de l'enfant, et fit la moue :
- Tu es bien maigre : je ne ferais de toi qu'une demi-bouchée. Qu'à cela ne tienne : je t'engraisserai ; et pour ne pas te nourrir à ne rien faire, tu feras mon ménage, ma vaisselle et ma lessive en attendant que je te trouve assez dodue pour faire un repas convenable.
Qu'en dis-tu, petite ?
Bertine expliqua par gestes qu'elle était bien incapable de répondre, mais qu'elle acceptait de devenir la servante du Galavard.
- Bien ! Mais pour te passer l'envie de me fausser compagnie, sache que si je dors la nuit, les loups, eux veillent ; le jour, j'aurai tôt fait de te rattraper : regarde ce qui t'arriverait !


Le Galavard se boucha la narine gauche et souffla le feu par celle de droite : de grandes et belles flammes sortirent de la narine, qui auraient grillé l'enfant si l'ogre n'avait détourné la tête ; puis il se boucha la narine droite et souffla le froid par celle de gauche : sous l'haleine gelée le sol, les meubles et les murs se couvrirent de glace.
   
Du temps passa ! Bertine s'honorait de bonne grâce à servir le Galavard. De l'aube jusqu'à nuit faite, elle lavait, brossait, lessivait, repassait, rangeait la maison de l'ogre ; elle posa des rideaux aux fenêtres, orna les meubles de napperons de dentelle et fit de grands bouquets de fleurs des champs qu'elle mit dans des pots : soit que l'ogre la trouvât toujours assez peu dodue, soit qu'il appréciât d'habiter un logis bien propret et bien rangé, toujours est-il qu'il remettait toujours au lendemain d'en faire son déjeuner !
   
Un soir de pleine lune, alors que l'astre de nuit bleuissait toutes choses aux alentours, Bertine s'installa près de la fenêtre pour admirer le paysage. Tout à coup, elle vit descendre de chacun des arbres une lumière ; il y en avait des centaines qui toutes convergeaient vers un bâtiment de la forêt qu'on appelait la tour des fées. Intriguée, et parce que les animaux sauvages apeurés se détournaient, la petite suivit les lumières jusqu'à la tour ; elle y pénétra après elles ; là, elle vit que chacune des lumières se transformait en une petite bonne femme, bien jolie, toute lumineuse, avec des ailes de libellule dans le dos et guère plus grande que la main ; elle vit que les fées ( car bien entendu il ne pouvait s'agir que de fées ! ) formaient une ronde, et qu'elles tentaient d'ébaucher quelques pas de danse. Soudain la plus belle et la plus lumineuse des fées ( la reine sans l'ombre d'un doute ! ) vit Bertine et s'approcha pour la fixer droit dans les yeux ; elle y lut que la petite avait le coeur pur et qu'elle ne dissimulait en elle aucune méchanceté.

La reine des fées sourit à l'enfant, et lui dit :
- Sois la bienvenue parmi nous, fillette ! Vois-tu, nous sommes les fées de la forêt de Coutach - chaque arbre à la sienne, sans laquelle il ne pourrait vivre - et à chaque mois lunaire, c'est à dire tous les vingt-huit jours, lorsque la lune est pleine, nous pouvons quitter nos arbres et venir ici pour célébrer par nos danses la nouvelle lune.
Tu nous vois là dans un grand embarras : figure-toi que les fées sont incapables de jouer de quelque instrument que ce soit.
Toi, accepterais-tu de jouer pour nous ?

Bertine expliqua par gestes qu'elle était bien incapable de parler, ou de chanter, et qu'elle ignorait tout de l'art de jouer de quelque instrument que ce soit !
- C'est sans importance, dit la reine des fées, nous ne sommes point fées pour rien et nous possédons assez de pouvoir magique pour t'y aider. Vois-tu ce noisetier qui pousse au milieu de la grand-salle de la tour des fées ? Eh bien tu devras en couper une branche.
Bertine coupa la branche !
- Bien ! Maintenant courbe la branche et attaches-y un de tes cheveux à la manière d'un arc, puis tends-en un second, un troisième, un quatrième, un cinquième, un sixième, un septième : n'est-ce point l'instrument de musique que les hommes appellent une harpe ?
Bertine sourit tristement : cette harpe-là était bien trop fragile pour que quiconque pût en jouer !

La reine des fées commanda :
   

" Souffle souffle laridou ;
souffle souffle laridourida ! "

   
    À peine Bertine eut-elle soufflé sur la harpe de bois, que celle-ci se transforma en une harpe d'or, et que la harpe d'or se mit à jouer une première danse ; après quoi il suffit à la petite fille de souffler de nouveau pour que les danses s'enchaînassent aux danses, toute la nuit durant.
Les premières lueurs du jour incendièrent les murs de la grand-salle de la tour des fées ; les fées redevinrent lumières ; elles s'enfuirent, chacune laissant derrière elle une traîne de boutons d'or sur le sol moussu !
Bertine, quant à elle, regagna bien vite la maison de rondins ; elle y cacha la harpe d'or sous sa paillasse en attendant la lune pleine et le prochain bal des fées.

Pendant quelques jours Bertine se garda bien de toucher à la harpe magique ; puis, une nuit, n'y pouvant plus tenir, elle sortit sans bruit de la maison de rondins, et s'en écarta assez pour ne point être entendue ; du moins le croyait-elle, car aussi doucement qu'elle fît, elle réveilla l'ogre.
Ce dernier n'aimait pas qu'on jouât de quelque instrument que ce soit, ou qu'on chantât, mais intrigué quant à l'origine de la harpe d'or, il se garda bien d'intervenir ; il surveilla l'enfant chaque nuit jusqu'à ce que la lune pleine bleuît de nouveau les alentours.

Cette nuit-là l'ogre vit les lumières descendre des grands arbres, et se diriger vers la tour des fées ; il vit Bertine qui les suivait en serrant contre elle l'instrument et, marchant sur leurs traces, il vit les lumières se transformer dans la grand-salle, puis il vit les fées qui se prenaient la main pour danser après que l'enfant eut soufflé sur la harpe magique.

Comme le Galavard détestait autant les fées que la musique, il se jeta sur elles ; avant qu'elles ne fussent revenues de leur surprise, se bouchant la narine droite, il souffla le froid par celle de gauche : les fées s'immobilisèrent, pétrifiées, puis elles s'éteignirent peu à peu, et enfin elles s'évanouirent ! Alors l'ogre se saisit de la harpe, et il la brisa, puis il prit l'enfant par l'oreille, et il la raccompagna jusqu'à la maison de rondins en lui promettant, dodue ou pas, de la manger sans plus attendre si elle s'avisait d'encore lui désobéir.
Un nouveau mois lunaire passa, pendant lequel Bertine désespérait de jamais revoir les fées et de jamais rejouer de la harpe d'or ; elle désespérait d'autant que les arbres, orphelins de leurs fées, dépérissaient et qu'ils perdaient leur beau feuillage ; encore un peu, et la forêt de Coutach ne serait plus qu'une forêt d'arbres morts ! Lorsque la lune pleine bleuit de nouveau la nuit et les bois, la petite se dirigea, malgré les menaces de l'ogre, vers la tour des fées afin de leur rendre un dernier hommage ; là, dans la grand-salle de la tour, elle vit des centaines de boutons d'or, et elle entendit résonner une voix cristalline, la voix de la reine des fées :


" Souffle souffle laridou ;
souffle souffle laridourida ! "


    Bertine souffla sur chacune des fleurs, et chacune des fées renaissait dans un éclat de rire ; après quoi la fillette cueillit une autre branche de noisetier ; elle en fit d'abord un arc avec un premier cheveu, puis elle en tendit un second, un troisième, un quatrième, un cinquième, un sixième, un septième ; elle forma une harpe. La reine des fées prononça la formule magique :
   

" Souffle souffle laridou ;
souffle souffle laridourida ! "

   
    Bertine souffla, la harpe de bois se mua en harpe d'or qui joua une première danse, puis une seconde... ; de danse en danse, les premières lueurs de l'aube incendièrent les murs de la grand-salle ; les fées redevinrent lumières ; elles s'enfuirent, laissant derrière chacune d'entre elles une traîne de boutons d'or, et Bertine courut pour regagner la maison de l'ogre avant qu'il ne se réveillât. Soudain la porte de la maison de rondins s'ouvrit avec fracas ; le Galavard se précipita en écumant vers la petite fille ; comme il allait l'atteindre, celle-ci entendit une voix qui venait du plus beau, du plus grand des arbres, et cette voix disait :
   

" Souffle souffle laridou ;
souffle souffle laridourida ! "

   
    Bertine souffla sur le Galavard ; ce dernier se transforma en un énorme nuage noir qui crachait des éclairs, et le nuage s'éleva, s'éleva, s'éleva bien haut au-dessus de la forêt de Coutach ; il eut beau tonner, et cracher toute la pluie dont il était capable, la petite qui s'était mise à l'abri dans la maison de rondins s'en moquait. Quant aux arbres, qui avaient retrouvé leurs fées, ils n'en reverdirent que plus vite. La fureur du Galavard était telle que les eaux du Vidourle montèrent, montèrent, montèrent ; et que la vidourlade inonda les bas quartiers de Quissac et de Sommières !
   
   
Bertine vécut longtemps dans la forêt de Coutach ; on dit même qu'elle y épousa un gentil bûcheron qui aimait les arbres, et qu'ils vécurent à l'abri du besoin grâce au trésor du Galavard ; on dit encore que certaines nuits Bertine glissait quelques pièces sous la porte des plus pauvres parmi les Quissacois. Toute sa vie, chaque nuit de pleine lune, elle s'en alla animer le bal des fées avec sa harpe d'or ; et quand s'en venait l'été, elle saluait le soleil en jouant de la harpe d'or. Quand le bûcheron et Bertine furent devenus bien vieux, si vieux que Bertine n'avait plus assez de souffle pour animer la harpe d'or ; la reine des fées transforma le bûcheron en arbre, et Bertine en une petite bête, pas plus grande que mon petit doigt, une petite bête qui étreint les arbres lorsque l'été s'en vient, une petite bête qui joue pour saluer le soleil, et cette petite bête c'est... LA CIGALE !



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 16 Mai 2013 à 11:43:48
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La licorne et le saltimbanque

Dans le temps d'on ne sait quand, au pays d'on ne sait d'où, un seigneur déjà vieillissant habitait un château en haut d'une montagne.
Ce seigneur avait un trésor, jalousement gardé dans la partie la plus reculée de sa fastueuse demeure. Son trésor était une bête fabuleuse, une licorne à la crinière d'or qu'il avait capturé dans les bois alentour du château.
Chaque soir, à l'heure du crépuscule, il se faisait apporter un candélabre et allait rendre visite à sa captive.
Celle-ci était très belle : son pelage blanc semblait fait de soie douce, sa crinière et sa queue, glissaient jusqu'au sol en une cascade d'or...Et ses yeux immenses et noirs disaient toute sa détresse.
Chaque fois, le seigneur s'asseyait près d'elle et lui disait :
" Beauté de mes rêves, lumière de mon cœur, douceur de ma vie...Vous le savez- que je vous aime ? Pourquoi n'avez-vous encore rien mangé aujourd'hui ? "
Car le seigneur remarquait tout de suite que le foin était restée intact dans le râtelier d'argent, qu'aucune pomme n'avait disparu du saladier de nacre, et qu'il restait encore tout les épis de maïs offert à la belle.
Invariablement, la licorne qui savait parler répondait :
" Oui, je le sais que vous m'aimez, seigneur. Mais votre amour n'est pas celui que j'attends. "
Et invariablement, le flambeau tremblait dans la main du seigneur, l'animal détournait la tête et l'homme s'éloignait, le dos voûté, le cœur en peine.

Par un après-midi de neige, sur le chemin menant au château, un vieux cheval tirait une roulotte rouge et bleue bringuebalante et conduite par un jeune homme qui chantait à tue-tête sans souci des flocons qui tombaient. Près de lui, emmitouflé dans une redingote à brandebourgs dorés, un shako mal arrimé au sommet du crâne, un petit singe grimaçait en se donnant des airs de cocher indispensable ! Derrière, une chèvre suivait la roulotte avec philosophie ; une très vieille chèvre qui avait fini par se croire la plus intelligente de son espèce parce qu'elle l'entendait dire chaque soir de représentation.
Ce cirque de " trois fois rien " arriva à la porte du château alors que la tempête redoublait. Le petit singe tira à quatre mains la chaîne de la cloche et la grille s'ouvrit aussitôt. Le vieux cheval, fourbu, n'aurait pas fait un pas de plus !
En échange de l'hospitalité, le saltimbanque promit des merveilles sans fin. Le soir même, dans une grande salle illuminée de chandelles, il donna une représentation au châtelain et à sa domesticité. Sur la croupe du cheval tant bien que mal galopant, il exécuta des culbutes, il réussit des équilibres, des pirouettes gracieuses, des voltiges musclées. Il offrit des rires en liberté, dont le seigneur avait perdu souvenance. Il incarnait la jeunesse et la joie de vivre.
La chèvre compta jusqu'à dix, fière de montrer son savoir ; et le singe fit mille courbettes et grimaces, imitant les domestiques et le seigneur.
Le public s'extasiait, riait de bon cœur et applaudissait à tout va !
- " Vous nous avez bien divertis, jeune étranger, lui dit le seigneur à la fin du spectacle. Ce château est à vous aussi longtemps qu'il vous plaira d'y demeurer. Vous pouvez visiter toutes les pièces, des caves jusqu'aux combles. Toutes sauf une. N'ouvrez jamais, s'il vous plait, la porte rouge frappée d'un fer à cheval en or ! "
Ainsi, tout l'hiver ils restèrent à l'abri et au chaud.
Le jeune homme visita tout le château de fond en comble comme son hôte le lui avait permis. Il parcourut les salons aux portraits de nobles dames dans leurs cadres somptueux. Il monta des escaliers, descendit sur des rampes ouvragées. Il traversa des chambres, des salles de garde, des cuisines remplies de marmites et de marmitons, des écuries peuplées de fiers alezans ; et au bout de sa course, il buta sur la porte rouge frappé d'un fer à cheval d'or !
Il y revint plusieurs fois, refusant de manquer à la parole donnée. Mais la curiosité et l'ennui furent les plus fort. Il envoya une nuit son ami singe à la recherche de la clef qui ouvrait la porte interdite. Celui-ci la trouva posée sur la table de nuit, juste à côté du roi endormit.
Il entra donc.
La licorne leva la tête.
Il vit d'abord sa robe pure autant que les neiges qui tombaient encore sur les forêts, sa crinière plus blonde qu'une coulée de lumière, ses yeux au regard de nuit et sa corne torsadée sur le front.
Elle vit sa silhouette souple, son air rieur que ne gâtait en rien le fait d'avoir désobéi. Elle décela un parfum de jeunesse, une odeur d'herbe nouvelle, de fruit acidulé, et de petit matin ensoleillé.
Il s'approcha. Elle le regarda s'approcher. Il avança la main, elle avança la tête. Et chacun sentit son cœur fondre de plaisir, et d'amour.
Ainsi, tout l'hiver, à l'insu du seigneur, le jeune homme rendit visite à la licorne ; qui de désir de vivre avait retrouvé l'appétit !

Mais à chacune de ses visites, le seigneur voyait que quelque chose avait changé. Il était heureux qu'elle mange à nouveau, et de voir la lumière revenir dans ses yeux. Il s'imaginait qu'enfin elle s'était habituée, et peut-être aussi qu'elle l'aimait un peu...
Un soir où il la trouva encore plus rêveuse qu'a l'accoutumé, il lui demanda :
- " Belle, pourquoi ne pas m'accueillir avec davantage de joie ? Vous savez qu'on vous aime et...
- Si vous m'aimez...
- Oui, coupa le seigneur (qui entendait mentionner son amour pour la première fois)
- Alors, laissez-moi partir avec lui !
- Vous, partir ? jamais !
- Je vous en prie ! Je pourrais remplacer son vieux cheval quand il sera fatigué. Laissez-moi partir !
- Vous voulez, belle à la robe blanche, tirer une roulotte branlante en compagnie d'une vieille chèvre, d'un singe déguisé et de ce jeune..... ?
Le regard de la licorne se fit si doux, si humble, si suppliant que le seigneur n'osa pas terminer sa phrase. Mais très vite, il reprit :
- Vous voulez, vous, la reine de ma vie, tourner sur un tapis élimer, affubler votre corne d'un panache mité comme un cheval de cirque... ? ? ?.
Le regard de la licorne se fit plus doux encore. Jamais le châtelain ne l'avait vu ainsi. Il enfouit son visage dans ses mains, puis dit :
- Pourquoi ?
La licorne avait fait un pas en avant :
-Par ce que...Je l'aime !
Un long silence s'installa entre eux.
Finalement, le vieillard se leva et se dirigea lourdement vers la porte, les épaules voûtées. Il entrouvrit la porte, comme pour sortir, hésita, puis se tourna vers la licorne et lui dit :
- Faites-moi auparavant, une promesse, s'il vous plait !
- Laquelle seigneur ?
- Promettez-moi de revenir vers moi chaque année jusqu'au jour de ma mort, et de me rapporter chaque fois les couleurs de l'ailleurs que vous aurez goûté.
La licorne alors s'approcha de lui, et posant ses tendres naseaux sur son épaule, elle murmura
- Je promets !
Le vieux seigneur esquissa un geste léger sur les naseaux de velours et eut un pauvre sourire. Puis il ouvrit en grand la porte et s'effaça pour laisser passer sa belle. Celle-ci s'élança et son galop résonna dans les couloirs avant de diminuer, diminuer, diminuer.....

Elle courut rejoindre le jeune homme et sa petite troupe qui se préparaient à quitter le château.
Dés qu'ils se furent assez éloignés, la belle licorne se transforma en une jeune fille aux longs cheveux d'or, à la peau tendre et soyeuse et aux grands yeux noirs.
Désormais, elle vécue heureuse avec le jeune homme ; mais jamais elle n'oublia sa promesse, et jusqu'au jour de la mort du vieux châtelain, elle revint chaque année lui offrir les fruits cueillis en chemin ; reprenant pour l'occasion son apparence de licorne.

A la fin de l'histoire, quand la licorne revient voir le vieux seigneur, elle lui chante cette petite ritournelle:

R1 Tu laisses bien passer le vent
Tu le laisses vivre en liberté
Tu ne peux l'attraper
Tu ne pourra jamais l'arrêter

1- Licornes des légendes
Elfes des bois ou jolies fées,
Se cachent sur la lande
Et laisse moi te le chanter

R 2 Ils sont comme le vent
Laisses les vivre en liberté,
Tu ne peux pas les attraper
Tu ne pourras jamais les arrêter!

2-Les gnomes, les farfadets
Les lutins ou bien les géants,
Qui peuplent les forêts
Des histoires qu'on dit aux enfants!

R 3 Ils sont comme le vent
Laissons les vivre en liberté
Personne ne peut les attraper
Rien ne pourra jamais les arrêter!
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Mai 2013 à 14:43:17
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YMIR, LE GEANT DES GLACES

YMIR, LE GEANT DES GLACES

A l'aube du temps, l'espace n'était qu'un abîme sans fond, stérile et désert, limité au nord par le pays des glaces et au sud par le pays du feu. Du premier, monde de nuées et de ténèbres, coulaient douze fleuves de glace. Au coeur du pays de feu naissaient au contraire des rivières d'eau chaude qui se couvraient de givre à l'approche des régions froides avant de se figer, prisonnières de l'immensité glacée. Ainsi, l'Abîme originel fut il comblé peu à peu par des masses d'eau solidifiée par le froid.

Sur cette banquise désolée, le vent du sud se mit à souffler, un vent tiède qui réchauffa la surface gelée. La glace commença à fondre. Une première goutte d'eau se forma, suivie d'une deuxième , puis de beaucoup d'autres, et le miracle se produisit: animées d'un souffle mystérieux, les gouttelettes se rassemblèrent pour former le corps d'un géant, Ymir. Par quel prodige eut-il chaud dans cet univers glacial ? Nul ne le sait, mais il se mit à transpirer, et de sa sueur naquirent deux autres géants, un homme et une femme. Tandis qu'ils s'éveillaient lentement à la vie, de nouvelles gouttes d'eau ruisselèrent à la surface des blocs de glace et un quatrième être vivant apparut, la vache Audumla. De ses pis gonflés coulaient quatre ruisseaux de lait, auxquels se nourrirent Ymir et ses descendants, les géants. La vache Audumla en léchant les blocs de glace qui l'entouraient découvrit un cinquième être vivant: Buri qui épousa bien vite la géante. De leur union naquirent les premiers dieux du monde: Odin, Vili et Vé.

Entre les géants et les dieux, ce fut la guerre, violente, impitoyable. Les géants y trouvèrent la mort, mais l'un d'eux réussit à prendre la fuite avec sa femme vers les régions les plus désolées du pays de givre où ils perpétuèrent leur race. Inerte, le corps d'Ymir gisait sur le sol, recouvrant de sa masse gigantesque l'amas chaotique des blocs de glace. Les dieux étaient bien content de demeurer seuls maîtres de l'univers. Mais quel univers ! En regardant le paysage triste, morne et glacial qui les entouraient, ils décidèrent de le transformer et de créer un nouveau monde. Ils utilisèrent le corps de leur ancien ennemi le géant Ymir pour façonner une lourde masse sans vie qu'ils lâchèrent dans l'ether: Le Plan Matériel.

Du corps du géant naquirent les montagnes, les mers, les rivières et les lacs. Ses cheveux prirent racines et devinrent des arbres puis des forets. Posant ensuite le crâne d'Ymir sur quatre piliers, les dieux en firent la voûte céleste. Ils la décorèrent de milliers d'étincelles qu'ils trouvèrent au pays de feu et la plus grosse flammèche devint le soleil. Il mirent de l'ordre dans leur création en réglant la succession des saisons, des jours et des nuits.

Fort content de leur travail, ils s'accordèrent un peu d'amusement et de distraction. Ils édifièrent un merveilleux palais céleste, plus vaste qu'une ville où ils organisèrent des fêtes somptueuses qui rassemblaient un grand nombre de dieux et de déesses. De temps en temps, ils descendaient sur le Plan Matériel en empruntant les arc en ciel qui leur servaient de ponts.

Longtemps, la surface de la terre ne fut habitée que par les nains, race de petits êtres pétris dans la chair du géant Ymir. Ils creusaient des galeries et ils vivaient sans voir le soleil, forgeant sans cesse les matériaux qu'ils trouvaient. Un jour, alors qu'ils se promenaient le long d'une plage du Plan Matériel, Odin, Hoener et Lodur trouvèrent deux troncs d'arbres secs.
Odin proposa de leur donner la vie et leur fit dont du souffle vital, Hoener leur fit cadeau de l'âme et de la raison et Lodur les réchauffa et les peignit aux couleurs de la vie.
Les troncs s'animèrent, changèrent d'aspect et devinrent le premier couple d'êtres humain.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Mai 2013 à 15:14:44
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Le conte de Gougaud

"Il était un roi d'Arabie, un roi aux bottes rouges, à la démarche lente, aux cheveux nuageux. Il avait nom Shanyar, mais chacun le nommait Shanyar le bienveillant, car c'était un homme bon.
Il avait une fille insouciante et vive, fraîche comme le matin à l'heure de la rosée. Son rire était pareil au chant des sources, son nom semblable au bruit du vent dans le feuillage. On l'appelait Zhara. Elle était belle, si belle que la lumière l'aimait. Quand le soleil se couchait le soir, ses dernières lueurs enveloppaient son corps et ne la quittaient plus. Et chaque matin en la voyant paraître, le roi, son père, disait d'elle : " Trois choses dans la vie ouvrent le cœur et chasse le chagrin : le vin, les fleurs et la beauté de Zhara " Il n'en était pas un qui ne l'approuve pas.
Or, un jour de sa dix-huitième année, comme la princesse Zhara, de la fenêtre de sa chambre, contemplait à ses pieds la cité aux cents minarets, elle se prit à rêver à un conseil étrange qu'elle avait reçu un jour, d'un vieux mendiant :
" Si tu ne peux construire une ville, construis un amour "
Et, comme elle souriait, pensant à ses mots simples et pourtant mystérieux, son père vint à elle avec ses conseillers.
" Fille aimée, lui dit-il, j'ai aujourd'hui à te donner un ordre qui m'émeut. Comme l'affirme le proverbe : " Peigne ta fille jusqu'à 12 ans, veille sur elle jusqu'à 18 ans, puis hâte-toi de la marier ! " Oh, certes, je crains que tu ne t'offusques, farouche et pure comme je te sais. " Saveur et bon vin, couleur en beau drap, pudeur en vraie fille " disent les sages. Mais il est dit aussi :
" Les poules et les donzelles, à trop errer se perdent "
Donc, tu dois prendre un époux. Que tu sois amoureuse, ou non, qu'importe. Un mariage heureux ne saurait se réduire à 4 jambes sous une couette ! Donc, parmi les princes de ce pays, je te conjure de choisir celui qui saura te prendre fermement par les hanches et me donner les 10 garçons que je n'ai pas pu avoir de ta mère ! Pour le reste, il paraît que mari et femme ne font qu'un. Eh bien, si tu sais t'y prendre, ce un-là, ce sera toi ! J'ai dit ! "
La princesse Zhara écouta sagement cette solennelle harangue, puis, elle resta longtemps pensive, sourit enfin et répondit ceci :
" L'homme que j'aime est loin d'ici. Si loin que je ne sais pas où. Pourtant, il me viendra un jour. Un jour, mais je ne sais pas quand. Mon père, tu l'as dit, le temps d'enfance est à son terme. Je dois donc de mes mains construire ma maison, celle où j'attendrais cet amour, sans lequel je ne peux pas vivre. "
Elle dit ces mots, salua le roi et ses conseillés ; tourna les talons, quitta le palais, traversa la ville et s'en fut droit devant elle, dans le désert. Elle chemina jusqu'au crépuscule. Et quand elle fut au crépuscule, elle s'arrêta, et là, elle bâtit sa maison. Oh certes, ce n'était qu'une humble maison de pierres sèches, mais c'était la sienne, élevée de ses mains. Et quand elle fut bâtie, elle s'enferma dedans.

Aussitôt, le bruit courut dans la ville que la princesse Zhara s'était recluse dans une maison du désert pour y attendre l'amour. Qui ne connaissait pas beauté de Zhara ? Qui ne la savait pas plus désirable que les milles palais du paradis des purs ? Tous les hommes en âge de désir accoururent, espérant, à sa porte fermée !
Au premier qui frappa à la porte, la princesse Zhara demanda :
" Qui est là ? "
L'homme droit sur le seuil répondit :
" C'est moi ! "
Alors il entendit la voix de Zhara qui murmurait ces mots derrière la porte fermée :
" Il n'y a pas de place pour toi et moi dans la même maison. Dis-moi ton nom, homme, et va-t'en. "
L'homme lui dit son nom, et il s'en retourna. Et tandis qu'il s'éloignait sur le chemin de la ville, la princesse Zhara broda le nom de l'amoureux éconduit sur son manteau de laine bleue.
Le lendemain, un autre lui vint qui lui aussi frappa à la porte et lui aussi entendit : " Qui est là ? "
Comme son frère de la veille, il lança fièrement : " C'est moi ! "
Comme son frère de la veille ces mots lui répondirent : " Il n'y a pas de place pour toi et moi dans la même maison. Dis-moi ton nom, l'homme et va-t'en ! " Le nom fut dit, et fut brodé sur le manteau de laine bleue.
Ils vinrent cent, ils vinrent mille, ils vinrent cent jour, puis vingt années...
À chacun elle demanda son nom et chacun répondit :
" C'est moi, Hassan, c'est moi, Ali, c'est moi, tel prince, tel marchand, tel coureur de sable ou de vent " Elle broda chaque nom sur son manteau de laine bleue, et les nuits et les jours passèrent, et les saisons et les années ; jusqu'au jour où parvint à la maison bâtie sur des cailloux brûlants un voyageur perpétuel.

Il s'appelait Moktar. En langue d'Occident, son nom était l'élu. Moktar n'avait rien, que ses deux mains ouvertes, mais tous les trésors du monde brillaient dans ses yeux. Lui aussi frappa à la porte. Lui aussi, derrière la porte fermée entendit ces trois mots mille fois répétés : " Qui est là ? "
Mais Moktar, droit sur le seuil, ne répondit pas. Il y eu un long silence. Une deuxième fois, ces mots lui vinrent encore : " Qui est là ? "
Moktar sourit, mais ne répondit pas.
Alors, derrière la porte fermée, la princesse Zhara approcha sa bouche d'une fente dans le bois, et pour la troisième fois, elle demanda : " Qui est là ? "
Il y eu encore un long silence, puis, Moktar sur le seuil approcha sa bouche de la même fente dans le bois et répondit :
" C'est toi-même ! " et la porte s'ouvrit.
Moktar entra. Il s'avança vers Zhara, les bras ouverts.
Mais, qu'était devenue Zhara, après tant d'années d'espérance ?
Une vieille femme, blanchie, ridée, courbée dans son manteau de laine bleue qui portait tant de noms brodés.
Moktar vit-il ses rides, ses cheveux neigeux, sa fatigue ? Non, il n'eut pas ce souci-là. Il la désirait trop, avec trop d'impatience. Il l'aimait depuis si longtemps ! Il la prit aux épaules, et la prenant ainsi, il aperçut un fil au bout de la dernière lettre d'un nom brodé sur le manteau.
Il tira le fil. Le nom se défit. Il lança le fil par la porte ouverte. Le fil se changea en oiseau. Il en tira un autre. Encore un nom de moins. Encore un oiseau dans le ciel. Un long, un court, et celui d'un marchand et celui d'un guerrier. À chaque fil tiré, à chaque nom défait, une ride s'effaçait sur le visage de Zhara. Son teint reprenait son éclat, et ses yeux leur vivacité. Et quand il n'y eut plus un seul nom brodé sur le manteau de laine bleue, quand
le soleil eut disparu derrière la nuée d'oiseaux qui avaient envahi le ciel, Zhara était de nouveau jeune et belle, comme au premier jour. Alors, elle prit la main de Moktar, et tous les deux sortirent sous le ciel du désert.

Ce qu'il advint d'eux ne peut-être dit. C'est un secret.
Ces mots seuls sont permis au conteur, pour finir :
Vous venez d'entendre l'histoire de l'Une qui est Un et de l'Un qui est Une !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Mai 2013 à 11:58:56
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La légende du loup blanc

L'histoire que je vais vous raconter remonte à la nuit des temps.

A cette époque, la terre était recouverte de vastes forêts sans fin, certaines étaient inextricables et les voyageurs égarés retrouvaient rarement leur chemin.
En ces temps là, les loups vivaient nombreux, ils formaient des clans très hiérarchisés, intelligents, forts et courageux, ils n'avaient d'autres ennemis que les hommes.

Les hommes quant à eux nourrissaient une haine profonde envers les loups et lorqu'ils se trouvaient face à face, il était rare que tous deux survivent à cette rencontre.
A peine l'enfant des hommes marchait, qu'il avait appris à haïr le loup.

Chaque décennie écoulée, les loups, uniquement les chefs de clan et quelques élus entreprenaient le grand voyage. De toutes les régions du Nord de l'hémisphère, ils convergeaient en un même lieu, une vaste clairière au centre d'une forêt profonde et noire, quelque part dans un pays que l'on appellera plus tard la FRANCE.
Certains venaient de très loin, c'était le grand rassemblement au cours duquel les loups mâles et femelles encore solitaires allaient sceller une nouvelle alliance, ils venaient là trouver le compagnon d'une vie.
Les chefs partageaient leur savoir et les jeunes bâtissaient leur descendance.

Cette année là, LOUPBLANC, chef de clan encore solitaire venait pour y trouver une compagne, chemin faisant il pensait au lourd secret qui était le sien.

Quelques mois plus tôt, au cours d'une chasse, il avait découvert une jeune femme évanouie dans la neige fraîche. Il s'était approché d'elle doucement, avec méfiance comme on lui avait toujours appris, de longues minutes s'étaient écoulées ainsi, quand soudainement la jeune femme bougea, elle entrouvrit les yeux et loin d'être terrifiée par la vue du loup, elle lui sourit.

Elle tendit une main et caressa la fourrure de l'animal, celui-ci accueillit cette marque d'affection d'abord avec surprise puis bientôt avec plaisir. Sans savoir qu'il pouvait la comprendre, elle lui expliqua sa peur lorsqu'elle s'était vue égarée dans la forêt, en entendant du bruit, elle s'était mise à courir sans voir une grosse branche qui barrait le chemin, elle avait trébuché lourdement et s'était évanouie.

Tout en lui parlant elle n'avait cessé de le caresser. Elle le regarda droit dans les yeux et lui demanda de l'emmener jusqu'au village, seule dit-elle, je ne retrouverai jamais ma route.

LOUPBLANC s'exécuta, il la reconduisit jusqu'à l'entrée du village et longtemps il resta là, à la regarder partir, même lorsqu'il ne pouvait plus la voir.
De retour dans la tanière du clan, il comprit qu'il ne serait plus jamais le même, jamais plus il ne verrait les hommes de la même manière.
Il se prit même à revenir guetter l'entrée du village dans l'espoir de l'apercevoir.

A de nombreux kilomètres de là, une louve et son frère cheminaient au côté d'un chef de clan, ils faisaient eux aussi route vers le grand rassemblement.

La louve CALYPSONE venait y faire alliance, elle l'espérait depuis longtemps mais depuis l'été dernier, elle était habitée par la peur, son chemin avait croisé celui d'un gentilhomme blessé, au lieu de le dénoncer à la meute comme il se doit, elle l'avait caché, recouvert de feuilles et de branchages et l'avait nourri jusqu'à ce qu'il puisse se débrouiller seul.

L'homme n'avait jamais manifesté la moindre crainte face à la louve, au contraire il aimait à lui parler, à la caresser, il lui faisait des confidences comme il l'aurait fait à un des ses semblables. Il rêvait d'un monde où les hommes et les loups feraient la paix, un monde où la haine de l'autre n'existerai plus.

Un soir alors que Calypsone venait le retrouver, il était parti en laissant sur le sol son écharpe, un peu de son odeur qu'elle prit plaisir à renifler.
Souvent, depuis lors, elle venait s'allonger au pied de l'arbre qui avait été le témoin de leur amitié.

La clairière sacrée était prête, tous les participants s'étaient rassemblés en plusieurs cercles, au milieu se trouvaient les solitaires, il était de coutume de s'observer et lorsqu'un loup mâle trouvait une louve à sa convenance, il s'avançait au milieu du cercle, puis de là en rampant il se dirigeait vers l'élue.

Ce soir sacré, lorsque CALYPSONE aperçu LOUPBLANC, elle reconnut immédiatement le compagnon qui habitait ses rêves, celui qu'elle avait toujours attendu.
Aussi, bousculant toutes les règles, elle s'avança vers lui, sans crainte, le regardant au fond de ses prunelles dorées.

LOUPBLANC, comme s'il avait toujours su ce qui allait arriver, accepta CALYPSONE comme compagne sans se formaliser de la façon cavalière qu'elle avait utilisée pour arriver à ses fins.

La nuit même leur union fût scellée. Le grand sage donna son accord après avoir vérifié qu'ils n'appartenaient pas au même clan et que leurs deux statures s'harmonisaient entre elles.
La louve fit ses adieux au clan qui l'avait vu grandir et se prépara au voyage de retour.
Leur périple fût sans histoire.
Inconsciemment ou pas, LOUPBLANC construisit leur gîte non loin de l'endroit où il avait découvert la jeune femme l'hiver dernier.

Au printemps de l'année qui suivit, CALYPSONE donna naissance à deux louveteaux, un mâle et une femelle. Avant de mettre bât, elle avait avoué à LOUPBLANC le parjure qu'elle avait fait à sa race en cachant et en nourrissant un humain. LOUPBLANC lui avait à son tour confié son secret et depuis lors ils ne formaient plus qu'un.

Une nuit, ils furent réveillés par des cris qui les fit sortir de leur tanière, ils aperçurent au loin une fumée épaisse, un incendie embrasait le ciel. Les cris durèrent longtemps et au petit jour une odeur âcre parvint jusqu'à eux.
La magie des loups en ces temps là était grande et leur haine des humains encore plus grande, plusieurs clans s'étaient unis pour détruire un village qui avait tué plusieurs des leurs. Ceux qui n'avaient pas péris dans l'incendie, furent dévorés pas les loups.

LOUPBLANC rassembla sa compagne et ses petits et décida de s'éloigner à tout jamais de ces contrées barbares, il voulait un monde différent pour sa descendance.
Au même moment, un homme et une femme, seuls survivants du massacre fuyaient eux aussi l'horreur de la nuit.

La légende dit que la route des loups croisa celle des humains
Que LOUPBLANC reconnu la jeune femme qu'il avait secouru de même que CALYPSONE reconnu l'homme comme étant celui qu'elle avait caché dans les bois.
On dit aussi qu'ils firent chemin ensemble jusqu'à une grande clairière.

Uniquement avec leur courage, ils bâtirent un monde nouveau où tous ceux qui vivaient sans haine furent les bienvenus... Les humains comme les loups...

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Mai 2013 à 09:29:12
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Le huart à collier

On dit que chaque lac du Québec a son huart, un oiseau marin qui porte un collier de plumes blanches sur sa robe noire. Voici cette légende amérindienne qui nous raconte d'où vient ce collier.

Les forêts québécoises abritent une multitude de lacs. Au bord d'un de ces lacs vivait autrefois une tribu amérindienne. Le chef Onas habitait la plus grande loge avec sa femme Niska et son fils Napiwa.

La forêt donnait du gibier en abondance, le lac des poissons en quantité, et le maïs cultivé de quoi nourrir tout le monde à satiété. Chacun accomplissait les tâches dictées par la tradition: la vie se déroulait paisiblement au rythme des saisons.

Mais une croyance respectée par tous semait l'angoisse parmi les membres de la tribu, grands et petits. Cette croyance voulait que le dieu huart règne en maître sur la nuit. À la tombée du jour, lorsque son chant parvenait aux oreilles des hommes, c'était le signe que personne ne devait sortir de sa loge ou de son abri de trappe. Le Grand Huart punirait sévèrement celui qui braverait ses lois car la nuit était son royaume exclusif.

Le sorcier de la tribu entretenait cette crainte en parlant de punitions terribles:

- "Si l'un de vous ose sortir, il sera emporté dans le royaume de la nuit et jamais plus il ne reverra les siens", répétait-il à tout moment.

Ainsi quand, à la brunante, on sentait descendre l'obscurité, chacun attendait le chant du huart en achevant ses tâches. Aussitôt que le chant mélodieux se faisait entendre, on s'empressait de ranger les canots au sec et tous se réfugiaient à l'intérieur des loges. Personne n'avait jamais osé sortir et regarder la nuit en face.

Or Onas avait un fils à qui il enseignait avec fierté tout ce qu'il faut savoir pour devenir un grand chasseur et, plus tard, un chef sage et courageux.

Sa femme Niska aimait beaucoup son fils. Elle passait ses journées à le regarder grandir et à lui broder de beaux mocassins et d'amples tuniques de peau.

Napiwa avait quinze ans et il avait déjà fait ses preuves comme chasseur et comme guerrier. Tous vantaient sa valeur et son endurance. Depuis quelque temps Napiwa s'était mis à réfléchir.

Il était terriblement agacé de voir sa tribu accorder foi aveuglément à cette croyance à propos du dieu huart et de la nuit. Il refusait d'y croire. Il interrogeait les anciens, il essayait de discuter, de comprendre ; mais tout le monde prenait peur quand il abordait le sujet.

Alors, un jour, n'y tenant plus, il dit tout haut ce qu'il pensait:

- "Je ne crois pas ce que nous enseigne le sorcier à propos du Grand Huart !"

- "Comment?" s'écria son père, "tu oses contredire le sorcier ? Malheur à toi mon fils. Que le Grand Huart ne t'entende pas !" Napiwa n'osa pas répondre à son père. Mais pour lui tout seul il pensa: "Cette nuit je sortirai voir la lune et les étoiles que je ne connais pas. Au diable le Huart."

Lorsque tout le monde fut endormi, Napiwa se leva sans bruit et sortit de la loge. Le cœur battant, il regarda la lune et admira les étoiles. Il prit un canot et un aviron et s'enfuit sur le lac.

Au matin, un des chasseurs courut avertir le chef qu'il manquait un canot. Onas se leva.

- "Quelqu'un a-t-il quitté le village ?" demanda-t-il.

- "Je ne sais pas", répondit le chasseur.

Alertée par le bruit des voix, Niska se retourna vers le lit de branches de sapin où dormait Napiwa. Il était vide ! Avant même de regarder, elle avait su dans son cœur que Napiwa était allé braver le Huart. Elle n'osa rien dire. Mais quand Onas constata l'absence de son fils, il se fâcha.

- "À cette heure-ci, il doit être déjà mort. Le sorcier va préparer la cérémonie des morts", dit-il sans manifester d'émotion.

Le sorcier se retira dans sa loge pour faire ses préparatifs et invoquer les esprits.

- "L'offense est grave", dit-il. "Il faudra soigner les offrandes aux dieux pour réparer la faute de Napiwa."

Mais Niska refusa d'accepter si vite la mort de son fils chéri.

- "Le huart l'a peut-être épargné. Pourquoi ne pas envoyer quelqu'un le chercher ?"

- "Où chercher ? Au royaume de la nuit ?" répondit Onas irrité de son audace.

- "Sur le lac", dit Niska.

Mais elle voyait bien que ni les chasseurs, ni le sorcier, ni son mari ne conservaient l'espoir de retrouver Napiwa. Leur crainte du Grand Huart était telle qu'ils ne pouvaient que s'incliner devant sa puissance. Tandis que pour elle, sa tendresse pour son fils l'emportait sur tous les autres sentiments. Bien sûr elle aussi craignait et respectait le dieu huart et la puissance des manitous. Mais son cœur de mère refusait d'accepter la fatalité et la perte de son fils.

- "Quand le soleil sera droit sur nos têtes, si Napiwa n'est pas de retour, j'enverrai un canot à sa recherche", dit enfin Onas pour calmer sa femme.

Puis chacun, au village, reprit ses activités. Niska, rongée par l'inquiétude, s'en alla au bord du lac. Elle marcha longtemps sur la berge, scrutant l'eau profonde, là-bas au milieu du lac, où chaque soir le huart lançait son chant-signal.

Elle chercha en vain un indice qui lui révélerait la présence de son fils. "Était-il pensable qu'un manitou puisse tuer un jeune homme si beau, si plein de promesses ?" se demandait-elle. "Non, ce n'était pas possible: le Huart ne pouvait être cruel à ce point."

Tout en marchant, Niska ramassa sur la grève un caillou blanc. Elle se mit à le tourner et à le retourner dans sa main comme pour combattre par ce geste son angoisse et son inquiétude. Puis elle frotta le caillou contre une pierre dure, tout en continuant d'épier le moindre mouvement autour du lac.

Lorsque le soleil fut au zénith, Onas envoya un canot avec deux des meilleurs chasseurs de la tribu à la recherche de Napiwa.

Tout le temps qu'ils furent partis, Niska continua de polir le caillou blanc, qui devint lisse et brillant. Machinalement, elle y perça un trou et l'enfila sur une lanière de cuir qu'elle glissa à son cou.

Le soir arriva et les chasseurs revinrent au village sans Napiwa. Niska et les autres se dépêchèrent de rentrer avant la tombée de la nuit. Onas essaya de la raisonner. Mais elle ne voulait pas accepter la mort de son fils.

- "Demain, tu enverras encore un canot le chercher", pria Niska.

Onas accepta malgré sa résignation, car lui aussi avait beaucoup de chagrin d'avoir perdu son fils. Pendant les cinq jours qui suivirent Onas envoya un canot, puis deux canots à la recherche de Napiwa. Ils partaient le midi et revenaient le soir sans rien rapporter.

Niska, elle, marchait, marchait autour du lac sans jamais perdre espoir. Chaque jour, elle ramassait un caillou blanc sur la grève et le frottait contre une pierre pour s'occuper. Le soir elle le perçait d'un trou et l'enfilait sur sa lanière.

Le sixième jour, bien avant le coucher du soleil, Niska entendit des voix venir du lac et le bruit des pagaies dans l'eau. Son cœur bondit dans sa poitrine. Elle se mit à courir. Toute la tribu descendit vers le lac pour accueillir les canots. Même le sorcier qui avait été forcé de retarder la cérémonie des morts vint voir ce qui se passait. On avait retrouvé Napiwa vivant !

Napiwa sortit du canot et marcha dans l'eau vers le rivage. Tous le regardaient avancer en silence. Niska s'élança vers lui pour l'embrasser. Puis on l'entoura et il se mit à raconter :

- "Le ciel était noir, noir, mais des milliers d'étoiles brillaient. Je ne me lassais pas de les regarder mais mon canot a chaviré. Je ne voyais rien, je ne sentais rien. J'ai essayé de nager mais d'étranges remous m'ont emporté. Mon canot a disparu. J'ai crié puis... je ne sais plus. Quand j'ai ouvert les yeux j'étais au sec dans un nid de branches et de feuilles. Le Grand Huart se tenait près de moi. Il m'a parlé tout doucement. Il m'a apporté du poisson à manger et de l'eau à boire. Petit à petit mes forces sont revenues. Le huart ne semblait pas offensé de ma bravade, au contraire. Je me sentais bien chez lui ; je ne pensais même pas à partir. Puis aujourd'hui, j'ai vu les canots et je me suis souvenu..."

Niska se leva et alla vers son fils.

- "Viens", dit-elle.

Elle l'entraîna vers le rivage et lui fit signe de ne pas bouger. Sous les yeux de tous, Niska prit un canot et s'en alla toute seule vers le milieu du lac. Personne n'osait rien dire, pas même Onas, pas même le sorcier. Sur le visage de Napiwa, qui la suivait du regard, se dessinait un sourire.

Niska fila sur l'eau et le chant modulé du huart retentit tout à coup. Tous les gens massés sur la grève frissonnèrent. Le huart lançait son signal et pourtant la nuit était encore loin !Qu'est-ce que ça voulait dire ?

Niska continua d'avancer. Sans même agiter la surface de l'eau, le huart apparut devant le canot. Niska s'arrêta de pagayer. Elle retira de son cou le collier de cailloux blancs qu'elle avait polis et repolis tout au long de sa douloureuse attente. Elle se pencha vers le huart qui se tenait immobile sur l'eau sombre. Puis elle lui glissa au cou le collier qu'elle avait façonné. Elle murmura:

- "Merci"

On dit que c'est depuis ce jour que les huarts ont autour du cou un magnifique collier de plumes blanches.



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Mai 2013 à 10:04:31
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La légende des papillons!

Comment les papillons apprirent à voler ( Légende amérindienne ).

Quand la Terre était jeune, aucun papillon ne volait ça et là dans les airs et n'illuminait les jours de printemps et d'été de leurs ailes portant les couleurs de l'arc-en-ciel. Il y avait des reptiles, qui furent les ancêtres des papillons, mais ils ne savaient pas voler ; ils ne savaient que ramper par terre. Ces reptiles étaient magnifiques, mais le plus souvent les humains, lorsqu'ils se déplaçaient, ne baissaient pas les yeux vers la terre, aussi ne voyaient-ils pas leur beauté.

En ces temps-là, vivait une jeune femme qui s'appelait Fleur de Printemps et qui était une joie pour tous ceux qui la connaissaient. Elle avait toujours le sourire et un mot gentil à la bouche, et ses mains étaient semblables au printemps le plus frais pour ceux qui étaient atteints de fièvre ou de brûlures. Elle posait ses mains sur eux et la fièvre aussitôt quittait leur corps. Quand elle atteignit l'âge adulte, son pouvoir devint encore plus fort et, grâce à la vision qu'elle avait reçue, elle devint capable de guérir les gens de la plupart des maladies qui existaient alors. Dans sa vision, d'étranges et belles créatures volantes étaient venues à elle et lui avaient donné le pouvoir de l'arc-en-ciel qu'ils portaient avec eux. Chaque couleur de l'arc-en-ciel avait un pouvoir particulier de guérison que ces êtres volants lui révélèrent. Ils lui dirent que pendant sa vie elle serait capable de guérir et qu'au moment de sa mort elle libérerait dans les airs des pouvoirs de guérison qui resteraient pour toujours avec les hommes. Dans sa vision, il lui fut donné un nom : Celle-qui-tisse-dans-l'air-des-arcs-en-ciel.

Tandis qu'elle avançait en âge, Celle-qui-tisse-dans-l'air-des-arcs-en-ciel continuait son travail de guérisseuse et dispensait sa gentillesse à tous ceux qu'elle rencontrait. Elle rencontra aussi un homme, un voyant, et elle le prit pour mari. Ils eurent ensemble deux enfants et les élevèrent pour qu'ils soient forts, sains et heureux. Les deux enfants avaient aussi certains pouvoirs de leurs parents et eux-mêmes devinrent plus tard des guérisseurs et des voyants. Tandis qu'elle vieillissait, le pouvoir de Celle-qui-tisse-dans-l'air-des-arcs-en-ciel grandit encore et tous ceux qui vivaient dans les environs de la région où elle habitait vinrent à elle avec leurs malades, lui demandant d'essayer de les guérir. Elle aidait ceux qu'elle pouvait aider. Mais l'effort de laisser passer en elle tout le pouvoir finit par l'épuiser et un jour elle sut que le moment de remplir la seconde partie de sa vision approchait. Tout au long de sa vie, elle avait remarqué que des reptiles magnifiquement colorés venaient toujours près d'elle quand elle s'asseyait par terre. Ils venaient contre sa main et essayaient de se frotter contre elle. Parfois l'un deux rampait le long de son bras et se mettait près de son oreille.

Un jour qu'elle se reposait, un de ces reptiles vint jusqu'à son oreille. Elle lui parla, lui demandant si elle pourrait faire quelque chose pour lui, car elle avait remarqué que lui et ses frères et soeurs lui avaient toujours rendu service. "Ma soeur, dit Celui qui rampait, mon peuple a toujours été là pendant que tu guérissais, t'assistant grâce aux couleurs de l'arc-en-ciel que nous portons sur le corps. A présent que tu vas passer au monde de l'esprit, nous ne savons comment continuer à apporter aux hommes la guérison de ces couleurs. Nous sommes liés à la terre et les gens regardent trop rarement par terre pour pouvoir nous voir. Il nous semble que si nous pouvions voler, les hommes nous remarqueraient et souriraient des belles couleurs qu'ils verraient. Nous pourrions voler autour de ceux qui auraient besoin d'être guéris et laisserions les pouvoirs de nos couleurs leur donner la guérison qu'ils peuvent accepter. Peux-tu nous aider à voler ?" Celle-qui-tisse-dans-l'air-des-arcs-en-ciel promit d'essayer. Elle parla de cette conversation à son mari et lui demanda si des messages pourraient lui venir dans ses rêves.

Le matin suivant il se réveilla, excité par le rêve qu'il avait fait. Quand il toucha doucement Celle-qui-tisse-dans-l'air-des-arcs-en-ciel pour le lui raconter, elle ne répondit pas. Il s'assit pour la regarder de plus près et il vit que sa femme était passée au monde des esprits pendant la nuit. Pendant qu'il priait pour son âme et faisait des préparatifs pour son enterrement, le rêve qu'il avait eu lui revint en mémoire et cela le réconforta. Quand le moment fut venu de porter Celle-qui-tisse-dans-l'air-des-arcs-en-ciel à la tombe où elle serait enterrée, il regarda sur sa couche et, l'attendant, se trouvait le reptile qu'il pensait y trouver. Il le ramassa avec précaution et l'emporta.

Tandis que l'on mettait le corps de sa femme en terre et qu'on s'apprêtait à le recouvrir, il entendit le reptile qui disait : "Mets-moi sur son épaule à présent. Quand la terre sera sur nous, mon corps aussi mourra, mais mon esprit se mêlera à l'esprit de celle qui fut ta femme, et ensemble nous sortirons de terre en volant. Alors nous retournerons vers ceux de mon peuple et leur apprendrons à voler de façon à ce que se poursuive le travail de ton épouse. Elle m'attend. Pose-moi à présent." L'homme fit ce que le reptile lui avait dit et l'enterrement se poursuivit. Quand tous les autres furent partis, l'homme resta en arrière quelques instants. Il regarda la tombe, se souvenant de l'amour qu'il avait vécu. Soudain, de la tombe sortit en volant une créature qui avait sur ses ailes toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Elle vola vers lui et se posa sur son épaule. "Ne sois pas triste, mon époux. A présent ma vision s'est totalement réalisée, et ceux que j'aiderai désormais à enseigner apporteront toujours aux autres la bonté du coeur, la guérison et le bonheur. Quand ton heure viendra de te transformer en esprit, je t'attendrai et te rejoindrai."

Quand l'homme changea de monde, quelques années plus tard, et fut enterré, ses enfants restèrent en arrière après que tous les autres s'en furent allés. Ils remarquèrent une de ces nouvelles créatures magnifiques qu'ils appelaient papillons, voletant près de la tombe. En quelques minutes un autre papillon d'égale beauté sorti en volant de la tombe de leur père, rejoignit celui qui attendait et, ensemble, ils volèrent vers le Nord, le lieu du renouveau. Depuis ce temps-là les papillons sont toujours avec les hommes, éclairant l'air et leur vie de leur beauté.

Si vous voulez que votre souhait se réalise, vous n'avez qu'à le souffler au papillon. N'ayant pas de voix, il ira porter votre souhait au ciel jusqu'au grand Manitou, où il sera exaucé.

NOTE : Les enseignements traditionnels des amérindiens passaient jadis par des légendes comme celle-la que les anciens du village racontaient autour du feu le soir de pleine lune. Les enfants adoraient les écouter.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Mai 2013 à 09:36:07
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La petite grenouille rouge

Les hommes sont mécontents, il pleut sans arrêt depuis trois jours. La mare de la ferme inonde les près, les vaches rouspètent : meu...meu...meu... elles s'enfoncent dans la boue pour rentrer à l'étable.

Les gros nuages éclatent encore, dans la mare, les grenouilles sont à la fête. Il faut les entendre le soir ! Coaaa...coaaa....Quel tapage ! Il y a les grenouilles vertes, les rousses et les têtards qui sont les bébés. Tout ce petit monde plonge, saute, fait la couse ou se cache dans les roseaux.

Soudain ! Mon Dieu ! Les grenouilles n'en croient pas leurs yeux ! Une grenouille "rouge" quelle horreur, veut prendre part aux jeux.

Toutes ces demoiselles grenouilles entourent la nouvelle arrivée.

- Pourquoi es-tu rouge ? demande la plus bavarde.

Je ne sais pas, répond timidement la nouvelle.

- Elle n'est pas normal, crie la plus sotte.

- C'est vrai ! Dit la plus nigaude, elle a les pattes bleu.

- Et regardez, elle a des points bizarres sur tout le corps, montre la plus ignorante.

- C'est peut-être une grenouille martienne, dit la plus petite.

Et toutes ces vilaines moqueuses rient à s'en faire mal au ventre.

- Moi, je la trouve très mignonne, déclare le Crapaud, elle met un peu de couleurs parmi nous.

Vexées, que le crapaud préféré de ces demoiselles, trouve une autre grenouille plus belle qu'elles, les vilaines jalouses crient en choeur.

- Elles n'est pas normaleee, elle n'est pas normaleeee;

Tout ce chahut fait sortir les commères grenouilles cachées sous les herbes.
Quand elles découvrirent la petite grenouille rouge, elles furent stupéfaites.

- Elle a sûrement une maladie, déclara une très vieille grenouille radoteuse, je n'ai jamais vu ça de toute ma vie.

- Non ! je ne suis pas malade, je ne suis pas malade, criait la petite.

- Les enfants ! Venez immédiatement, elle est peut-être contagieuse, coassèrent toutes les commères.

Non ! Je ne suis pas malade, pleurait la petite grenouille rouge, regardez comme je saute bien, comme je nage vite. Pour faire sa démonstration la petite allait plonger, quand une grosse voix la figea sur place.

- Je t'interdis de plonger, croaaa, croaaa,

Tout le groupe se tourna vers le plus gros et le plus prétentieux crapaud qui venait de donner cet ordre.

- Tu es malades, tu vas polluer notre mare, ajouta-il, tu dois partir.

- Non ! supplia la petite, ne me chassez pas, je ne connais personne ici.

- Tu n'as pas compris, se fâcha le gros crapaud, et sa terrible voix fit trembler tous les têtards. J'ai dit : tu pars.

- D'où viens-tu ? Interrogea un audacieux têtard.

- D'où je viens ?

- Oui ! De quel pays es-tu ?

- Je ne sais pas, je jouais avec mes copines quand brusquement ! J'ai été kidnappée et emmenée dans un filet.

-Bon ! C'est assez ! Si tu n'es pas comme nous, c'est que tu n'es pas normale, conclue le gros crapaud.

- On ne peut pas la laisser seule, osa protester une sympathique grenouille rousse.

- Et moi je pense qu'elle a été kidnappée, justement parce qu'elle était malade, dit une grenouille verte très agressive.

- C'était pour la mettre en quarantaine, dit une autre.

- Il ne faut pas la garder ici, dit la doyenne.

- Nous pourrions demander à Sénégal, il a beaucoup voyagé, il connait peur-être...

- croaa croaa non ! Sénégal est un vieux fou. IL raconte avoir vu des vers de terre gros comme des poteaux ! il appelle ça "des cobras", laissons Sénégal en dehors de tout cela.

- Attendez ! Ici, Nous sommes différentes, il y a les vertes et les rousses. Pourquoi n'y en aurait-il pas d'autres.

- Et bien ! Nous allons voter, décida la doyenne, et gare à celles que ne voteront pas bien.

- Votons à patte levée, annonça le gros crapaud. Que celles qui sont pour le départ de la grenouille rouge qui est sans doute contagieuse, lève la main.

- Tu n'as pas les droit d'influencer les votants, lance le jeune crapaud.

- Toi ! Le contestataire, tu te tais, laisse les adultes décider.

Au vote, un grand nombre de pattes se levèrent. Le gros crapaud déclara que la petite grenouille rouge devait partir immédiatement.

Désespérée, la petite mit tout son grand courage dans ses pattes bleu et parti.

Le jeune crapaud, le contestataire, que ses copines appelaient Testar, rattrapa en quelques bonds la petite qui sanglotait à gros bouillons.

-Hello ! Cria Testar, comment vas-tu ma petite fraise ?

- Je ne vais pas bien du tout, et ne t'approche pas, peut-être que les autres ont raison, je suis peut-être malade.

- Ecoute, dit Testar, malade ou pas, je veux rester avec toi. Et puis, Sénégal a vu des oiseaux bleu, rouge, je suis certain que c'est ta couleur.
Une superbe couleur, on dirait une robe de grand couturier.

Confuse, la petite devint encore un peu plus rouge. En cheminant, ils trouvèrent une jolie petite mare, où les nénuphars et les roseaux massettes formaient des parasols.

Les mois passèrent, Testar et la petite fraise s'aimaient de plus en plus fort. Cependant, un gros souci les inquiétait, un soleil implacable asséchait leur mare. Devant ce désastre, Testar décida de se rendre à la grande mare. La petite fraise ne voulut pas y aller et décida de l'attendre.

Arrivé devant ce qui était la grande mare, Testar fut bien étonné, il n'y avait plus une goutte d'eau et plus une grenouille. Seul le gros crapaud tout desséché agonisait. Les autres avaient dû se mettre sous la terre, pour y trouver un peu de fraîcheur.
Testar repartit, il venait d'arriver et racontait son voyage à la petite grenouille, quand ils entendirent une voix d'enfant :

- papa ! viens voir une grenouille rouge.

- Une grenouille rouge par ici ?

- Oui ! Regarde.

- Mon fils, dit le papa, tu as devant toi, un très beau spécimen de grenouille, qui vit dans les pays lointains. C'est une grenouille fraise, on l'appelle ainsi parce qu'elle ressemble à une fraise.

- On la prend papa ? Ici elle va mourir.

- Nous allons l'emporter dans notre mare qui ne tarit jamais.

- Et je vais prendre le crapaud qui est juste à côté, ils sont peut être copain.

- Si tu veux.

Et la petite grenouille fraise et son ami Testar, vécurent longtemps et heureux dans la mare qui ne tarit jamais.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Mai 2013 à 09:51:01
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Ils sont redevenus sages

Depuis plusieurs mois les familles, les maîtres, les maitresses d'école se plaignent ; tous les enfants sont coquins. Tout a été essayé : les retenues en classe, les punitions, les privations; rien n'a réussi ; les petits sont devenus de vrais petits diables. Mais... Mais ... Que se passe-t-il tout à coup................?
La pluie cesse de tomber, le soleil se met à briller ; quelle belle journée et comme ce grand clown est beau ! La beauté règne brusquement sur la ville, transforme aussitôt ces plantes déssechées en merveilleux massifs fleuris, pare de milles couleurs les devantures des magasins, auréole de magie ce magnifique "farceur", assis au centre du village. Aussitôt, tout le monde crie au miracle.
-"Bonjour chers parents et professeurs ; J'ai appris votre tristesse et vos colères dit le clown.
Je me présente : je m'apelle BOZZO, spécialiste de la gentillesse, diplômé en éducation et recommandé par tous les grands-parents désespérés de l'attittude de leurs petits-enfants."
-"Bienvenue cher BOZZO, es-tu venu nous aider ? répond le maire de la commune ;
A ce jour, tous nos enfants sont des garnements, des petites pestes qui ne nous obéissent plus, ne respectent aucune discipline à l'école et tous, nous sommes très malheureux"
-"Ne vous inquiètez plus, mais à votre tour de me donner un coup de main pour les réunir dans ce grand bus".
Aussitôt dit, aussitôt fait... Tous les petits, assis dans le car, chantent car BOZZO les conduit au cirque..
"- Alors les enfants, contents....."
"- Oui, Oui, crient-ils tous en choeur, en tapant dans leurs mains.... Mais
Monsieur le Clown, est-ce bien vrai que nous allons voir des animaux....?"
"- Oh Oui, d'ailleurs, ils sont vos amis et vous réservent de belles surprises...."
Les voilà arrivés, installés sous le chapiteau et BOZZO annonce la parade de belles Girafes. Elles défilent devant les petits, mais qu'est ce qui arrive?...Grâce à leurs grands cous, elles plongent leurs têtes dans le jeune public et tirent les cheveux des enfants.
-"Arrêtez, au Secours BOZZO, faites partir les girafes, crient les enfants
Mais BOZZO est bien décidé à poursuivre le spectacle et après les girafes il présente la compagnie des "Petits Singes". Ces derniers s'élancent de cordes en cordes, et en vrais acrobates accomplissent des pirouettes , mais qu'est ce qui arrive?.......
-" Arrêtez, au secours BOZZO, éloignez les singes, hurlent les spectateurs .....
Nous ne pouvons plus être "bombardés" de cacahuettes, celà fait trop mal. STOP, STOP,STOP......... BOZZO, AU SECOURS....."

Et oui, après les girafes qui ont tiré les cheveux de nos petits amis, les singes sont en train de les "mitrailler" avec des cacahuettes.

Alors le clown BOZZO ordonne à tous les ouistitis et guenons de repartir dans leurs cages et demande dans un roulement de tambour si tous veulent voir la revue des éléphants.

-"Oui, disent-ils mais alors ils ne vont pas nous faire de mal, nous tirer les cheveux ou nous lancer des cacahuettes ....?"

-"Non pas cette fois-ci, ils vont juste vous......A R R O S E R......

et en même temps que le clown finit d'éppeler le verbe, tous les éléphants, dont la trompe est remplie d'eau,visent les enfants pour une douche ininterrompue et très froide....

-"BOZZO, Sauves-nous, Nous sommes tous mouillés, aies pitié.....
S'il te plait, pourquoi toutes ces misères....... On te promet....

-"Quoi, j'ai entendu que vous vouliez promettre quelque chose...

-"Oui, fais partir les éléphants et nous promettons d'être sages"

BOZZO fit rentrer les éléphants dans leurs cages et depuis la piste du cirque demanda aux enfants :

-"Etes-vous sûrs de tenir vos promesses?...." De respecter vos parents et professeurs? d'Obéir , d'être sages à compter de ce jour ?"

-" OUI, BOZZO, nous serons toujours gentils car même,si les animaux ne parlent pas, nous les avons bien compris : sans même une parole, les girafes, singes et éléphants nous ont fait comprendre que la méchanceté n'est pas la BEAUTE , la VRAIE VIE N'EST QUE SAGESSE.

ET TOI QUI LIT CE PETIT CONTE, AIMES-TU LES ANIMAUX ? ES-TU SAGE ? OUI, TRES BIEN, CAR BOZZO AIMES BIEN LES GARNEMENTS ET LES PETITES PESTES, IL LES AIME TANT QU'IL LES AMENE AU CIRQUE .........................
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Mai 2013 à 11:02:08
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Vent, ouragan et vent-de-glace

Loin, vers le nord, il y avait un royaume enneigé où régnait un roi vieux et sage. Il habitait un palais de cristal aux mille fenêtres.
Derrière chaque fenêtre, scintillait le reflet froid et bleuté d'une étoile.

Ce roi avait trois fils. L'aîné, Vent, était sage et pondéré comme son père. Le cadet, Ouragan, était impétueux comme le tonnerre. Le plus jeune, Vent-de-glace, n'avait pas bon caractère. Il était malveillant, violent et, ce qu'il se mettait en tête d'avoir, il devait l'obtenir à tout prix.

Le vieux souverain était fatigué de régner. Il gouvernait déjà depuis bientôt trois siècles et était à présent décidé à léguer son palais de cristal et tout son territoire enneigé à l'un de ses fils. Mais lequel ?

« Je dois les faire venir. Celui qui démontrera qu'il possède les meilleures qualités pour diriger un royaume, celui-là sera un bon souverain »,
décida-t-il.
Et il appela ses fils. Il leur donna à chacun trois ducats et déclara :

« Celui d'entre vous qui fera fructifier cet argent en un minimum de temps héritera de mon palais de cristal et de tout le royaume. »

Le premier à partir sans plus attendre fut le benjamin, Vent-de-glace.

Partout où il se rendait, il laissait derrière lui une traînée glacée. Il survolait les villages et emprisonnait les lacs dans les glaces, ainsi que les rivières et les moindres ruisseaux. Quand il passait au-dessus des villes, il gelait toutes les fontaines.

Un jour, près d'un bourg, il croisa un traîneau en chemin. Il était conduit par un riche marchand qui revenait de la foire, emmitouflé dans une fourrure de renard.

Vent-de-glace souffla vers lui de toutes ses forces et hurla :

« Donne-moi trois ducats ou je te gèle jusqu'à l'os ! »

Mais, à travers l'épais bonnet de fourrure de mouton qu'il avait sur les oreilles, le marchand ne l'entendit pas et se contenta de relever son col.

Vent-de-glace se fâcha. Il s'engouffra sous les fourrures, transperça le manteau et même la chemise du pauvre bougre pour le geler jusqu'à l'os. L'homme, à demi mort, roula au bas du traîneau.

« Eh bien ! Je ne puis plus tirer de toi le moindre ducat, bon à rien ! » ricana méchamment Vent-de-glace en s'envolant ailleurs.

En bordure de la forêt, il aperçut alors un bûcheron en train d'arracher des souches d'arbres.

« Je pourrai bien extirper un ducat à celui-ci », se réjouit Vent-de-glace en examinant le paysan.

Mais le bûcheron s'affairait tant avec sa hache que Vent-de-glace ne savait par quel bout l'attraper. Alors, comme à dessein, l'homme ôta sa pelisse, retira ses gants et se mit en devoir de glisser sous sa chemise les racines qu'il avait extraites, afin de mieux pouvoir les rompre à l'abri du froid.

« Ah ! Je te tiens enfin ! » siffla rageusement Vent-de-glace en s'introduisant dans les gants délaissés. « Lorsque tu les enfileras, tes doigts deviendront aussi durs que des glaçons. »

Et en effet, les gants se transformèrent en morceaux de glace en un instant et devinrent durs comme la pierre.

Comme le bûcheron rapportait la dernière souche, il eut envie de rentrer chez lui. Il revêtit sa pelisse, coiffa son bonnet en peau de mouton et voulut enfiler ses gants. Mais ils étaient durs comme de la corne.

« Bon sang ! » s'exclama-t-ii, « on dirait de l'os. Je ne pourrai point m'y réchauffer les mains. Je dois donc les ramollir un peu en les triturant. »

Il posa les gants sur un tronc d'arbre et entreprit de les battre avec le manche de sa hache. A l'intérieur, Vent-de-glace qui s'était caché faillit être tué. Il se sauva si vite de sa cachette qu'il en perdit en route les trois ducats que lui avait donnés son père.

Après une telle aventure, il n'avait plus envie de poursuivre sa route et rentra tout honteux à la maison.

« Tu vois ... tu vois, mon fils ! » dit tristement le roi en accueillant son benjamin. « L'argent que je t'avais confié t'a échappé et tu n'as plus que des meurtrissures. Tu auras tout au moins appris que l'homme qui travaille durement a la main rude ! Et rappelle-toi bien ceci : nous devons aider le peuple et non lui causer du mal ! »

Les deux frères aînés approuvèrent de la tête et ne plaignirent point le plus jeune.

« A présent, je vais vous montrer la façon dont on doit aider le peuple », déclara le frère cadet Ouragan, en s'élançant bruyamment dans le monde.
Il se dirigea vers le sud. Il souffla jusqu'à un village où, dans une grange, on battait les moissons. Le paysan et sa famille étaient justement en train de séparer le grain de la paille.

Ouragan leur proposa son aide.

« Pourquoi pas ? » accepta le paysan, « nous en aurons fini plus tôt. »

Et comment ! Ouragan souffla si puissamment sur la récolte qu'il la dispersa instantanément de tous côtés, grains, épis et sable compris. Et ce ne fut pas tout ! Il enleva même le toit de la grange et l'emporta au loin dans les champs. Le paysan cria, pesta, tempêta avec raison. Que de dégâts !
La moisson envolée, la grange sans toit ... Ouragan dut lui remettre aussitôt un ducat en guise de dédommagement pour l'empêcher d'aller se plaindre au seigneur du lieu.

Puis Ouragan se rendit à la mer. Justement, dans le port, les pêcheurs se préparaient à embarquer et hissaient les voiles.

« Les gars, je vais vous aider à naviguer ! » proposa complaisamment

Ouragan et il souffla de toutes ses forces au point qu'il arracha les voiles et propulsa le bateau loin du rivage à la vitesse de l'éclair.
Les marins n'eurent pas le temps de se saisir de la barre. Le navire fonça droit sur un écueil et le heurta.
Les pêcheurs maudirent celui qui avait prétendu les aider et le forcèrent à donner un ducat pour réparer les dégâts qu'il avait causés.
A défaut de quoi, ils l'auraient attaché avec un câble d'acier au rocher afin de l'empêcher de produire de nouveaux méfaits.

« Je vais encore essayer de faire quelque chose pour le meunier », se dit Ouragan.

« Lorsque j'aurai soufflé une journée entière sur les ailes de son moulin, il m'offrira bien quelque chose en récompense. »

Mais là non plus il n'eut guère de succès. Lorsqu'il eut lancé son souffle effréné contre les ailes du moulin, celles-ci volèrent en éclats et se rompirent.

Le meunier s'en arracha les cheveux de désespoir. Puis il exigea aussi un dédommagement. Que pouvait faire Ouragan ? Il se dessaisit de son dernier ducat et rentra chez lui les mains vides.

Le roi hocha tristement la tête au récit des malheurs de son fils cadet.
Puis il dit :

« Tu es ainsi, Ouragan, plein de bonnes intentions mais incapable de les réaliser calmement. Ensuite bien sûr, tu dois payer cher pour réparer tes bêtises. »

A son tour, le fils aîné se lança dans le monde. Le premier jour, il parvint dans un hameau. On y battait le blé et toute la famille triait le grain devant la grange.

Vent descendit sur l'aire de battage, souffla tranquillement et fit s'envoler les fétus de pailles loin de la grange comme s'il se fut agi d'un essaim de mouches.

Le fermier n'eut plus qu'à remplir son sac de bons grains. Ils travaillèrent ainsi jusqu'au soir. Quand la tâche fut terminée, la récolte de l'été était en sacs, prête à être moulue.

« Je l'emporterai demain au moulin. Quant à toi, Vent, je te remercie beaucoup. Sans ton aide, nous n'aurions pas été prêts avant la fin de la semaine », dit le paysan avec satisfaction. Et il remit un ducat d'or au vent.

Vent poursuivit alors son chemin. Le second jour, il aperçut une barque au large de la mer. De toutes leurs forces, les marins ramaient mais le navire chargé n'avançait pas plus vite qu'un escargot. Il semblait même faire du sur-place. Vent souffla. Vite, les matelots hissèrent les voiles et parvinrent sans encombre, le soir, au port avec leur chargement. Ils éprouvaient une grande joie et offrirent deux ducats à Vent en remerciement de son aide généreuse.

Le troisième jour, Vent parvint à une basse colline sur laquelle se dressait un moulin. Ses ailes pendaient lamentablement dans le calme plat. Le pauvre meunier était monté depuis un moment au sommet de la colline et guettait dans le ciel la moindre apparition du vent.

Vent se mit en mouvement et fit tourner les ailes du moulin. Il souffla jusqu'au soir, tant et si bien que le meunier put moudre la farine de tout le village pour tout le restant de l'hiver. Il était si content qu'il donna trois ducats à Vent en remerciement de son aide, lorsqu'ils se quittèrent.

Vent rentra chez lui. Il étala toutes les pièces d'or devant son royal père : celles qu'il lui avait données avant de partir et celles qu'il avait gagnées. Il raconta d'ailleurs comment il les avait acquises.

Le roi le félicita. Il hocha la tête avec satisfaction et dit à ses trois fils :

« Vous avez vu par vous-mêmes lequel d'entre vous est le meilleur, je décide donc de léguer à Vent mon royaume de neige et mon palais de cristal. Tu gouverneras sans doute avec sagesse et justice. »

Aussitôt dit, aussitôt fait.

Ouragan, furieux, tourna les talons et sortit sans plus réfléchir. Depuis ce temps, il erre comme un perdu de par le monde, sans abri.

Vent-de-glace devint un peu meilleur, après cette aventure. Il s'élance de temps à autre sur le monde, gèle ça et là un lac ou une rivière, souffle une neige tendre sur les collines, permettant ainsi aux enfants de patiner, de faire de la luge ou du ski ... Et, lorsqu'il entend leurs cris de joie, il s'en retourne, content, dans son royaume enneigé.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Mai 2013 à 09:24:05
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Le pinceau

- Ti Liang vivait il y a longtemps très longtemps dans une province de Chine. Orphelin il ramassait des fagots de bois qu'il revendait aux paysans pour un bol de riz. Ti Liang avait une passion : il aimait peindre mais il était bien trop pauvre pour s'acheter ne serait-ce qu'un pinceau. Il allait au bord du ruisseau et là, avec une brindille et un peu de boue il dessinait sur un caillou. Il dessinait les fleurs, les arbres, les oiseaux, les nuages. Il dessinait même le vent.
Un jour, par la porte ouverte du palais du Mandarin Ti Liang entendit un maître de peinture faire sa leçon. Tout doucement ......Ti Liang rentra dans la maison :
« Bonjour Maître ! pourriez vous me donner un pinceau, le plus vieux de vos pinceaux. J'aime tellement peindre ! !
- Comment ? ? hurla le Mandarin. Toi ! ! ! un misérable orphelin tu oses rentrer chez moi et tu veux apprendre la peinture, cet art réservé aux nobles ? ? Sors d'ici avant que je ne jette dans mes cachots ! ! ! »
Ti Liang le cœur gros sortit et alla au bord de la rivière dessiner son chagrin.
« Ti Liang ! Ti Liang ? ?»
Ti Liang se retourna tout doucement et il aperçut un très vieil homme avec son manteau de maître de peinture
« Ti Liang, je connais ton cœur généreux et ton désir d'apprendre la peinture. Viens ! »
Ti Liang se leva, suivit le vieillard, qui, une fois arrivait chez lui, lui présenta trois pinceaux. Un en or recouvert de pierres précieuses, le deuxième en argent tout ciselé, le troisième en bois laqué de noir. C'est ce dernier que choisit Ti Liang.
« Tu as fais le bon choix, dit en souriant le vieil homme.
Et pendant des semaines, pendant des mois Ti Liang apprit tous les secrets de la peinture. Un matin, Ti Liang se retrouva tout seul dans la maison et il comprit qu'il était temps pour lui de partir sur les routes afin d'accomplir son destin.

Il marcha pendant une heure environ et son chemin croisa celui d'un homme assis, désespéré, au bord d'un champ, sa charrue cassée. Il savait, cet homme, qu'au soir tombé son travail ne serait pas terminé, et le Mandarin le ferait jeter dans ses prisons. Ti Liang pris son pinceaux et ses peinture et à même le sol dessina une charrue. A peine eut-il tracé le dernier trait qu'elle prit forme et l'homme tout heureux put continuer son travail. Ti Liang le cœur léger poursuivit son chemin. Peu de temps après il rencontra une femme, en pleur, un râteau cassé à la main. Elle aussi était terrorisée à l'idée de ne pas pouvoir finir son travail dans les champs, comme tous elle avait peur de la colère du Mandarin. Ti Liang pris son pinceau et ses peintures et sur le banc dessina un râteau. A peine eut-il tracé la dernière dent, que le râteau pris forme. Ainsi la femme put finir sa corvée.
A midi, Ti Liang poussa la porte délabrée d'une auberge. L'aubergiste, veuve, n'avait plus servi de repas depuis longtemps, depuis la mort de son mari. Ce fut un bonheur pour elle de servir un bol de riz avec quelques morceaux de poisson séché. Quand Ti Liang eut fini, il prit son pinceau et ses peintures, s'approcha du mur et là, il dessina une cigogne. A peine eut-il peint la dernière plume que l'oiseau étira ses pattes, secoua ses ailes et se mit à danser. De ce jour l'auberge ne désemplit plus et on venait des provinces lointaines pour voir ce prodige. Tout ce ceci arriva un jour aux oreilles du mandarin, qui jaloux, ordonna à ses serviteurs d'aller chercher cet oiseau pour l'emmener dans son palais. Mais ils revinrent bredouilles. La cigogne avait bien compris leur intention et dés qu'ils avaient poussé la porte elle s'était envolée par la fenêtre restée ouverte.
Le mandarin rentra dans une violante colère et fit appeler ses soldats :
« Allez me chercher ce Ti Liang. Et plus vite que cela ! ! ! ! »
Lorsque Ti Liang fut devant le mandarin, ce dernier lui ordonna de dessiner une montagne d'or.
L'enfant avec un doux sourire refusa.
« Comment tu ne veux pas dessiner une montagne d'or ?
- Non ! répondit Ti Liang
- Je veux que tu me dessine une montagne d'or, hurla le mandarin
- Non dit Ti Liang, vous êtes assez riche, vous n'avez pas besoin d'une montagne d'or.
- Tu oses refuser quelque chose à moi qui suis mandarin ! ! Tu ne veux pas me peindre une montagne d'or. Qu'on fasse appeler mon maître de peinture et donnez lui le pinceau et les couleurs de ce misérable. »
Le maître de peinture prit le pinceau et les peintures de Ti Liang et par terre dessina une montagne d'or. A peine eut-il peint la dernière pierre que la montagne d'or se changea en un tas de charbon. Il recommença une fois, deux fois, dix fois, et une fois deux fois dix fois au dernier coup de pinceau l'or se changeait en charbon. Le mandarin tremblant de rage jeta Ti Liang dans un cachot. Là, étaient enfermés depuis des années quatre hommes, quatre hommes qui avaient osé défier le mandarin. A la nuit tombée un rayon de lune passa à travers une minuscule fente permettant à Ti Liang de prendre son pinceau et ses peintures. Et sur les pierres humides de la prison Ti Liang ....dessina..... Un ciel de nuit.... avec la lune et les étoiles........ Un champ avec en son milieu deux rangés d'arbres qui abritaient un chemin, puis une porte avec sa clef. Ti Liang ouvrit la porte et invita ses compagnons à prendre le chemin de la liberté.
Ti Liang repartit sur les routes aidant les plus déshérites. Mais un jour il apprit que depuis sa fuite le mandarin enfermait chaque jour une personne, la privant de tout. Ti Liang se rendit au palais du mandarin.
« Je savais bien que tu finirais par te rendre. Dessine une montagne d'or et je rendrai la liberté à tous ceux que j'ai mis en prison. »
Ti Liang pris son pinceau et ses peintures, s'approcha du mur et il dessina le ciel avec un magnifique soleil et un tout petit nuage blanc. Sous le ciel il dessina la mer.
« Ce n'est pas la mer que je veux c'est une montagne d'or ! ! ! »
Au milieu de la mer Ti Liang dessina une île.
« Ce n'est pas une île que je veux c'est une montagne d'or ! ! ! »
Au centre de l'île Ti Liang dessina une montagne d'or.
« Et maintenant comment vais-je pouvoir aller chercher l'or ? Dessine un bateau.
Alors Ti Liang dessina une plage.
« Ce n'est pas une plage que je demande ! ! C'est un bateau ! ! ! »
Ti Liang dessina un embarcadère. Puis une jonque. Le mandarin se précipita à bord du magnifique voilier.
« Je veux que le vent souffle hurla le mandarin. »Et Ti Liang dessina une jolie brise.
« Plus vite, plus vite. »
Ti Liang pris de la couleur noire et il dessina de gros nuages qui bientôt cachèrent le soleil il dessina des vagues énormes et un terrible typhon. Le bateau au milieu de la mer tanguais dangereusement et les cris du mandarin étaient recouverts par le grondement incessant du tonnerre. Soudain une vague plus grosse que les autres recouvra la jonque emmenant au fond de la mer le mandarin. Ti Liang trempa son pinceau dans la couleur bleu redessina le ciel avec un petit nuage blanc et tout se calma.
Personne ne regretta la mort du mandarin et tous voulurent que Ti Liang prenne sa place. Mais Ti Liang refusa et proposa un des hommes qu'il avait rencontré dans le cachot, sachant qu'il était un sage. Puis il repartit sur les routes.
Si un jour vous trouvez au fond d'un placard, dans une vieille trousse ou au bord d'un chemin si vous trouvez un vieux pinceau à la peinture noire écaillée, c'est peut-être le pinceau magique de Ti Liang.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Mai 2013 à 09:55:01
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Les baies d'amour

Il y a de cela longtemps, très très longtemps,
vivaient un homme et une femme ..
Ils s'aimaient tendrement et partageaient chaque instant de la vie.
Ils passaient leurs journées à découvrir les merveilles de la Terre
et ils passaient leurs nuits à découvrir le plaisir d'être ensemble.

Mais un jour, cet homme et cette femme se disputent violemment
à propos de rien ou de pas grand chose.
D'ailleurs ils ne se rappellent même plus le sujet de leur dispute !
Mais ils se disent des mots durs, se mettent en colère, se lancent
des mots de plus en plus violents .. et finalement, la femme tourne
le dos, quitte la maison et s'en va vers l'est, vers le soleil levant.

L'homme reste seul dans sa maison. Alors sa solitude devient
lourde et sa colère le quitte pour faire place à un terrible désespoir
et à un grand chagrin.
Un esprit qui passait par là, voit cet homme pleurer et il a pitié de
lui. Il se transforme alors de manière à ce que l'homme puisse le
voir et lui demande : Homme, pourquoi pleures-tu ?
- Ma femme m'a quitté.
- Pourquoi est-elle partie ?
L'homme soupire et ne dit rien.
- Tu t'es querellé avec elle ?
- Oui !
- Est-ce que tu te disputeras encore avec elle ?
- Non, ma colère est tombée .. et je voudrais tant qu'elle revienne
pour vivre à nouveau heureux ensemble !
- C'est bien, dit l'esprit, j'ai vu ta femme, elle marche vers le soleil
levant.
Alors l'homme se lève et se met en chemin pour rejoindre sa femme,
mais il ne peut la rattraper .. car tout le monde sait qu'une femme
en colère marche très vite !!
Alors l'esprit lui vient en aide : Je vais aller au-devant de ta femme
et je vais voir si je peux ralentir un peu sa course.

L'esprit va au-devant de la femme, la trouve qui chemine d'un pas
rapide et contrarié, le regard fixe, droit devant elle, et souffrant
dans son coeur.
L'esprit regarde autour de lui. Le long du chemin pousse des
broussailles. D'un geste de la main sur les buissons, il fait éclore
des fleurs, puis il les fait s'épanouir et fait mûrir des fruits.
Mais la femme ne peut rien voir d'autre que sa colère, elle a
le regard fixé droit devant elle. Ne regardant ni à droite, ni à
gauche, et ses pas n'en sont pas ralentis.

L'esprit fait alors appel aux arbres. Des pêches, des poires, des
pommes et des cerises sauvages surgissent tout autour de la femme.
La forêt toute entière éclate en fleurs et mûrit en fruits.
Mais la femme ne peut toujours rien voir d'autre que sa colère,
elle a les yeux fixés droit devant elle.
Ne regardant ni à droite, ni à gauche, elle ne voit pas ces fleurs et
ces fruits.

Finalement, l'esprit se dit : Je vais créer une espèce de fruit
entièrement nouvelle. Une espèce qui pousse vraiment au ras du
sol. La femme devra se baisser un instant pendant lequel elle
oubliera sa colère.
Il fait alors un mouvement de la main et un épais tapis vert
commence à pousser sur le chemin.
Ensuite le tapis se couvre de toutes petites fleurs blanches et
chaque fleur s'ouvre et mûrit, jusqu'à devenir un fruit de la
couleur et de la forme du coeur humain.
En marchant dessus, la femme écrase un de ces fruits et un
délicieux parfum arrive jusqu'à ses narines.

Elle s'arrête pour examiner d'où provient cette odeur si suave
et si nouvelle. Elle baisse les yeux et voit ces fruits rouges et
mûrs, en forme de petits coeurs. Elle en ramasse un, le goûte
et la saveur en est aussi douce que l'amour lui-même.
C'est le meilleur fruit de la terre, se dit-elle en le mangeant,
je vais en ramasser de quoi remplir un bol.
Elle cueille alors une large feuille, en fait un bol qu'elle commence
à remplir des plus beaux fruits ramassés alors qu'elle marche de
droite et de gauche.
Or ces fruits poussent de plus en plus nombreux, la ramenant
vers l'ouest, vers son mari ..

Quand son bol est rempli, elle se relève et .. voit son mari qui
arrive sur le chemin. La colère n'est plus dans son coeur et tout
ce qui reste là, c'est l'amour qu'elle a toujours connu.
Elle se dépêche d'aller à sa rencontre et lui tend le bol.
- Regarde les délicieux fruits que j'ai ramassés pour toi, ce sont
les meilleurs qui poussent par ici !
Ils les mangèrent ensemble, ensemble aussi ils retournèrent à
leur maison et là ils vécurent en paix, dans le bonheur et l'amour.

Voilà comment les toutes premières fraises du monde
apportèrent la paix entre l'homme et la femme, et voilà
aussi pourquoi certains appellent ces fruits : des baies d'amour !

(selon un Conte Cherokee)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Mai 2013 à 14:48:02
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Le luthier de Venise

Descendant d'un rayon de lune, Pierrot croise une mendiante. C'est une conteuse: conviée à un duel entre mots et musique par un prince, au risque que les poèmes connus et inconnus soient engloutis. La voilà à court de mots, mais le prince lui a accordé un sursis. Pierrot va l'aider. Autour d'eux le peuple vénitien s'agite. Soudain inspiré, Pierrot commence l'histoire du "Luthier de Venise".

Dans une rue de Venise, la boutique d'un luthier donnait d'un côté sur un canal, de l'autre sur un jardin où poussait un grand arbre. Un chat tenait compagnie à l'artisan, chassant les oiseaux venant dans l'arbre. Un jour, l'arbre mourut et perdit ses feuilles. Le luthier envoya le chat chercher des bûcherons pour l'abattre. Une fois abattu, le bois fut stocké dans la boutique. Le temps passa, l'artisan devint vieux. Il se souvint du bois, qui était sec et entreprit d'en faire le plus parfait des violoncelles. A la veille du carnaval, l'instrument était prêt.

Les masques défilent et le luthier se demande qui saura faire chanter son violoncelle. Entre un célèbre artiste, masqué, accompagné de ses admirateurs et admiratrices. Il veut jouer l'instrument. Le luthier l'en dissuade: seul un artiste talentueux et sincère y parviendra. L'instrument lui résiste. Vexé, il s'obstine. Tous s'en vont, même le chat, et le violoncelliste reste seul avec l'instrument. Incarnation de l'âme du violoncelle, la mendiante apparaît. L'instrument joue et quelques branches poussent au bout du manche.

Sauvée par ce nouveau récit, la mendiante s'en retourne conter au prince une histoire où mots et musique sont réconciliés. Venise vivra pour l'éternité.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Mai 2013 à 09:06:59
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La bohémienne et le lutin.

Sur les chemins de la forêt enchantée se promenait joyeusement les cheveux au vent , une bohémienne. Elle cheminait seule depuis des années , vivant de ses danses et du tirage de ses cartes dans les villes qu'elle traversait.

Un soir , épuisée par sa marche , elle s'assit sur une pierre du chemin et posa sur l'herbe son sac à dos plein de souvenirs, mais surtout d' histoires du monde entier. Elle retira ses espadrilles et commença longuement à se masser vigoureusement les pieds.
Elle aimait la solitude des routes , aucune attache ne la liait , libre comme le vent , elle accompagnait souvent un bout de chemin les gens qu'elle croisait.

Quand même, parfois , cette solitude lui pesait.

Et ce soir là était justement un soir où cette dernière pesait lourdement sur ses frêles épaules .

Tout à coup la demoiselle vit avec stupéfaction son sac à dos marcher tout seul !
Du fait de son amitié avec tous les êtres fabuleux du monde païen , le mystère ne l'étonna pas et reprit son sac et dos d'un geste preste.

Dessous, ce tenait un lutin malicieux tout penaud d'être ainsi à découvert.

-« Lutin , tu exagères de profiter ainsi de ma fatigue pour me voler mes histoires » dit la bohémienne.
-« Hum ! répondit -il, sois heureuse que cela ne soit que ton sac à dos, car j'aurai tout aussi bien pu te lutiner. »
-« Je sais, les gens du « petit-peuple » aiment faire des farces et lutiner les fées , mais je ne suis pas une fée. »
-« De toute façon, en fait actuellement, je suis plus un lutin chagrin qu'un lutin coquin .

Je sais bien que tu n'es pas une fée mais je sais aussi que dans ce sac tu en enfermes beaucoup et j'ai un grand besoin de lutiner une fée».
-« Oh là , lutin voleur que se passe- t- il ? »
-« je suis trop petit et laid, et cela me rend coléreux , têtu, hargneux ...et chagrin. D'ailleurs suis-je encore un lutin ? »
-« Trop petit ? Mais tu es plus grand que bon nombre de lutins que je connais !
Trop laid ?Mais diantre dans quelle eau te mires-tu pour qu'elle déforme ainsi ton image ?
Désolée pour ce que tu penses de toi mais moi je vois là, un merveilleux lutin , grand et beau. »

Le lutin se mit alors en colère , trépigna et se mit à bouder.
Il se trouvait petit et laid , un point c'était tout et aucun discours et encore moins celui d'une bohémienne y changerait quelque chose.

La bohémienne , rechaussa ses espadrilles pris son « Sacado », se leva et sans mot dire repris sa route.

« Sacado » était le nom qu'elle donnait familièrement à son compagnon de route , le sac à dos .
Derrière elle, le lutin bougonnait, mais lui avait emboîté le pas .
La bohémienne lui proposa plutôt que de marcher en ronchonnant derrière elle , de l'accompagner un bout de chemin , elle serait ainsi moins seule et lui aussi.
Le lutin accepta, mais quel chagrin la demoiselle sentait chez son compagnon de route.
Aussi, quelques heures plus tard, elle lui dit :
- « Ecoute , Lutin je connais un pays , au delà des étoiles , qui possède un étang merveilleux qui te reflétera ton vrai visage . »
- « Conduis- moi vers ce pays , bohémienne »
- « le chemin sera long et plein de difficultés, mais si tu veux enfin savoir qui tu es véritablement, il t'en faudra payer le prix. »
- « Pffffffffff au point au j'en suis , je n'ai rien à perdre de précieux, je n'ai que du « mauvais » en moi. »

La bohémienne ne répondit pas à tant de chagrin et le voyage commença ....

Ils traversèrent un champs plein de pavots et la demoiselle eut du mal à en sortir Lutin qui voulait dormir à tout jamais au milieu de l'ivresse de ces fleurs rouges, sensuelles et attirantes.
Puis un marécage , boueux , malodorant, immonde et là tout à tour lutin et bohémienne, faillirent s'y noyer , se portant secours l'un, l'autre. Ils crurent bien y restés à jamais embourbés. Seules les étoiles dans le ciel étaient leurs guides.
Enfin , ils arrivèrent sain et sauf dans une auberge au beau nom de : « l' Amitié ».
Là , ils apprirent tout deux que l'amitié peut être pour une minute , un jour , une année , toute une vie .
Le Lutin au sortir de cette auberge était « tout chose ». Lui qui ne pensait qu'à lutiner, papillonner, taquiner, comme tout bon lutin qui se respecte sans se soucier de rien, avait appris l'amitié, et que cela était chose sérieuse.

Enfin un soir ils arrivèrent tous deux en haut d'une montagne escarpée, et là à quelques pas on pouvait apercevoir le portique d'une ancienne vieille porte, donnant droit sur l'infini du ciel.
La bohémienne dit alors au lutin d'une voix triste :
- « Voilà lutin, ici s'arrête notre cheminement ensemble .
Tu dois franchir cette porte qui te conduira aux étoiles, mais seul, sans moi.
Trouve cet étang, regarde enfin ton vrai visage, celui qui te permettra de t'aimer et ainsi d' aimer véritablement l'autre, là est le secret de l'amour. »
-« Bohémienne, je sais que tu ne peux et ne veux pas m'accompagner mais reçois en cadeau mon amitié pour toute une vie »
-« Merci, Lutin mais file, va vite ...va regarder ton vrai visage »
Et Lutin de disparaître au delà de la porte des étoiles .

Plus tard , Lutin avec son vrai visage, n'a pas oublié la bohémienne , puisque parfois au détour d'un chemin, ils reprennent leurs discussions jamais terminées.
Et le Sac à dos , peut enfin se reposer en paix sur le thym sauvage s'en risque d'être volé, par un lutin coquin.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Mai 2013 à 10:30:02
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La légende du ménétrier

Un ménétrier revenait un soir, vers minuit, de la fête d'heilly. où il avait joué du violon sur la grand place.

Pour rentrer chez lui, il lui fallait traverser pendant presque 2 lieues, une grande forêt.
Mais notre homme ne s'inquiétait guère, il avait fait ce trajet maintes fois déjà sans accident; de plus, il était pauvre et n'avait rien à craindre des voleurs qui s'attaquent à tout autres gens qu'un ménétrier revenant de la fête!

La lune brillait dans tous son éclat et le ménétrier chantait une nouvelle chanson apprise depuis peu, quand il lui sembla entendre derrière lui, les hurlements d'un animal sauvage!
il se retourna, et vit un loup énorme qui le guêtait silencieusement.
La première idée du ménétrier fut de fuir, mais que pouvaient ses vieilles jambes usées face à un Loup?!

Il avait sous le bras, outre son violon, une grosse galette qui lui vait été donnée lors de la fête, et qu'il avait soigneusement gardée pour partager en famille, chez lui.
Craignant que le loup ne le dévore, pour satisfaire son appétit, il trouva qu'il n'avait rien de mieux à faire que de casser un morceau de la galette et le lui lancer.
C'est ce qu'il fit! le Loup mangea le morceau de galette, mais continua de suivre le pauvre ménétrier, qui marchait du plus vite qu'il le pouvait, sans avoir l'air de courir ou de vouloir s'échapper.

Bientôt le loup eut sembler reprendre sa première idée... il regardait l'homme d'un air affamé.
Il s'en approcha jusqu'a ce que son museau vienne éffleurer ses jambes.
Tremblant de frayeur, le pauvre ménétrier prit doucement un morceau de la galette, puis la lança un peu plus loin pour l'écarter de son chemin, et ainsi prendre un peu d'avance sur son menaçant compagnon.
Mais après avoir croqué lemorceau de galette, en quelques bonds, le loup revint auprès de l'homme.
A chacun de ses pas, le ménétrier se voyait déjà croqué tout cru par la bête; alors que la galette arrivait presque à sa fin, l'homme pensa qu'il en serait bientôt de même pour lui.
Personne au monde ne viendrait le secourir ici, en pleine nuit, au coeur de la Forêt.
Ayant ainsi accepté sa mort prochaine, faisant un dernier signe de croix, notre homme prit son violon pour y jouer un air, un dernier, afin d'y trouver un peu de courage pour ses dernières minutes de vie.
Alors que le violoneux jouait un air triste et doux, le loup s'arrêta, tout étonné et se mit à trembler.
Et comme le violoneux continuait à marcher et jouer, le loup continua de le suivre, mais en sautant, hurlant, dansant, gambadant de mille façons bizarres.

L'homme reprenant espoir et courage, s'empressa de jouer des airs plus gais, plus dansants, des airs qui lui venaient ,inconnus et merveilleux.

On ne sait jusqu'où le ménétrier aurait pu aller ainsi, si d'autres petits êtres n'étaient venus soudainement se mêler à cette scène étrange!

Mais quoiqu'il en soit, attirés par cette musique divine et enchanteresse, quelques centaines de Korrigans venaient d'envahir le chemin de notre homme, et se tenaient immobiles, muets d'admiration et de plaisir.
Quand le ménétrier les vit, il aurait, comme tout un chacun, prit ses jambes à son cou, tant la situation devenait des plus inconfortables, mais entre les mines réjouies de ces nouveaux venus, et les hurlements du Loup, il y trouva une pincée de courage, et se sentit soudainement soutenu, comme protégé!
Alors il redoubla d'aisance sur les cordes de son violon, entonnant des airs plus gais et dansants.
plus il jouait, plus les visages des korrigans s'éclaircissaient de plaisir!
Alors tous se prirent par la main, et formèrent une vaste ronde autour du Loup et du violoneux!

- allons Din-Don! toi qui est le plus agile! monte donc à dos du Loup, et conduis la danse!
En une cabriole, Din-Don sauta sur le dos de la bête.

- allez, en avant! balancez vos dames! s'écria alors le violoneux qui avait retrouvé tout son sang froid.
- et en avant Maître Loup!

Et loup et Korrigans se mirent à tourner, tourner, danser chanter.
Jamais le ménétrier ne s'était vu à pareille fête!
Les airs lui venaient il ne sait trop comment sous son archer, mais plus ça lallait, plus ils étaient magnifiques!
La ronde prenait de plus en plus de vitesse, et le loup commençait à perdre allure.
Au bout d'une heure de cette ronde folle, Il tomba à terre, épuisé, et s'endormit profondément.

Les korrigans attrapèrent la bête, et l'enfouirent dans les buissons.
alors qu'ils s'apprêtaient à reprendre leur ronde, une korrigane s'écria:
- allons, allons, amis! l'aube va bientôt paraitre! il nous faut regagner nos demeures!
- c'est vrai dit l'un d'entre eux! merci à toi, mère korrigane! mais avant de quitter notre violoneux, il nous faut lui donner récompense pour nous avoir ainsi offert une si belle fête!
- Oui, oui! crièrent les autres! donnons-lui toutes les pièces d'or que nous avons sur nous!

Et chacun d'eux donna quelquechose au ménétrier.
Les uns des pièces d'orn d'autres en argent, parfois des pierres précieuses, ou de belles vestes ornées de bijoux fantastiques, une robe de princesse pour sa femme, et un joli bonnet pour sa fille.
Ceux d'entre eux qui n'avaient rien en poche, lui offrirent alors quelques secrets sur les vertues des Plantes ou de quelques fleurs!..

Mais le plus beau cadeau, celui pour lequel le ménétrier en fut le plus touché, fut un beau vilolon tout neuf, fait d'un bois inconnu, soigneusement enfermé dans un étui fait de la main des Fées, et dont le son était...divin!

- encore une ronde! s'écria un Korrigan!
- oui! une dernière avant que le soleil ne s'éveille!

Le ménétrier prit alors son nouveau violon, et se remit à jouer les plus beaux airs!
les Korrigans se mirent à danser en tous sens, valsèrent, sautèrent, puis un à un, disparurent de branches en feuilles, de taillis en buissons... tout doucement, comme dans un bruissement léger .

Resté seul, le violoneux cessa sa musique.
regarda le loup, dans le taillis qui dormait profondément.
Les korrigans l'avaient sauvé, et royalement remercié!

Il rentra chez lui, et femme et fille écoutèrent son récit.
elles durent bien le croire lorsqu'elle virent les cadeaux des korrigans!
...on dit que depuis ce jour-là, le ménétrier vécut heureux, oui, c'est vrai, mais un évènement érange survint:
chaque soir, un loup venait roder au bas de sa fenêtre et l'écoutait jouer.
on dit qu'avec le loup, milles paires d'yeux brillaient de joie et d'amitié.
on dit aussi que chaque soir, Jean le ménétrier laisse sur le perron, quelques bols de lait, et des galettes... pour les Korrigans, et un gros pain pour le Loup.

Ainsi vécut-il en "bon voisinage" avec les Êtres de la Forêt.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Mai 2013 à 10:44:55
(http://img15.hostingpics.net/pics/605155eau.jpg)
La maison de la Lune et du Soleil

Il y a de nombreuses années, le Soleil et l'Eau étaient de très bons amis et vivaient ensemble sur la terre. Le Soleil allait voir l'Eau très souvent, mais l'Eau ne rendait jamais visite à son ami le Soleil. Comme cela durait depuis longtemps, le Soleil finit par demander à l'Eau s'il y avait un problème.

- Je me suis rendu compte, dit un jour le Soleil, que je viens toujours te rendre visite et que toi, tu ne viens jamais dans ma maison. Peux-tu m'expliquer pourquoi?
- Je sais, dit l'Eau, le problème n'est pas que je ne veux pas venir chez toi, mais que ta maison n'est pas assez grande pour me recevoir. Si je me rends chez toi avec toute ma famille, tu finirais par être délogé de ta propre demeure.
- Je comprends, dit le Soleil, mais en tout état de cause, je veux que tu viennes me voir.
- Entendu, répondit l'Eau, si tu veux que je vienne, je vais venir. Il est vrai que tu m'as très souvent honoré de tes visites. Mais pour que cela soit possible, il va falloir que tu crées un immense jardin,vraiment immense, car nous sommes très nombreux dans la famille, et nous occupons beaucoup d'espace.
- Aucun problème, je te promets de créer un jardin qui sera suffisamment grand pour t'accueillir toi et tous les membres de ta famille.

Les deux amis étaient très contents. Le Soleil rentra chez lui immédiatement retrouver la Lune, son épouse, qui l'attendait. Le Soleil expliqua à la Lune la promesse faite à l'Eau, et le lendemain, il commença à aménager un énorme jardin afin de pouvoir y recevoir l'Eau.

Lorsque les travaux furent terminés, le Soleil invita l'Eau et sa famille dans sa maison. Le lendemain, l'Eau et ses parents, les poissons et autres animaux aquatiques, frappèrent à la porte de la maison du Soleil et de la Lune.

- Nous voilà arrivés, dit l'invitée, est-ce que tout est prêt? Nous pouvons entrer sans problèmes?
- Vous pouvez entrer quand vous voulez, répondit le Soleil.

L'Eau commença donc à s'écouler dans le jardin du Soleil et de la Lune. Au bout de quelques minutes, le niveau des eaux atteignant déjà les genoux du Soleil et de la Lune, l'invitée demanda:

- Est-ce que nous pouvons continuer à nous déverser? Y-a-t-il assez d'espace?
- Bien sûr qu'il y a assez d'espace, n'ayez crainte, répondit le Soleil. Entrez tous autant que vous êtes.

L'Eau continua à inonder le jardin, et elle fut bientôt à hauteur d'homme.

- Très bien, dit l'Eau, souhaites-tu toujours que d'autres membres de ma famille entrent chez toi?

Le Soleil et la Lune se regardèrent, et convinrent qu'il n'y avait rien d'autre à faire. L'Eau et sa famille devaient entrer. Ils durent se hisser jusqu'au plafond, car il ne restait presque plus d'espace au-dessus de l'eau. L'Eau demanda de nouveau si elle et sa famille pouvaient continuer à s'écouler, et le Soleil et la Lune répétèrent qu'il n'y avait aucun problème. La maison était de plus en plus remplie. Il y avait tellement d'eau à l'intérieur, que bientôt elle dépassa le niveau du plafond, et que le Soleil et la Lune durent sortir et se réfugier dans le ciel, qu'ils n'ont plus quitté depuis ce jour.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Mai 2013 à 09:43:32
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Origine du Nain de Jardin!

Il y a bien longtemps, une famille vivait dans le sombre enchevêtrement des poutres d'un moulin à vent, au nord de la Hollande. Le meunier la connaissait bien. Un jour, il avait même sauvé la petite femelle qui risquait d'être écrasée par les meules. En échange, le gnome veillait à éviter les incendies en annonçant, en temps utile, la tempête et la pluie afin que le meunier pût caler les ailes du moulin qui, sans cela, se seraient mises à tourner follement, risquant de provoquer le feu.

Si, dans la famille du meunier, quelqu'un tombait malade, le gnome venait le voir, posait sur son front sa toute petite main ridée et laissait en partant des herbes qui, presque toujours, guérissaient.

Bref, au moulin, tout allait pour le mieux. à la fois physiquement et financièrement. C'était d'ailleurs tout naturel, car le meunier et sa femme étaient intelligents, travaillaient d'arrache-pied et avaient de gentils enfants.

Mais certaines maisons du voisinage étaient habitées par des gens bêtes et, surtout, paresseux, avec des femmes qui jetaient l'argent par les fenêtres. Ces voisins envieux répandaient le bruit que le meunier s'occupait de magie noire et que c'était la raison de sa prospérité. Dans le bon vieux temps, ce genre de calomnie pouvait avoir de très graves conséquences pour celui qui en était victime. Mais les petits et les gros fermiers des environs n'y prêtaient guère attention; ils savaient que c'était faux et, même, l'un d'entre eux avait un gnome chez lui.

Dans une de ces familles malveillantes vivait une petite fille de onze ans, aux tresses couleur de paille. C'était presque invraisemblable que des parents aussi bêtes et bornés aient pu avoir une fille pareille, mais ce sont des choses qui arrivent parfois. Elle connaissait tous les animaux et toutes les plantes et avait beaucoup de patience et de gentillesse. Plus tard, elle serait très belle, cela se voyait. Elle entendait raconter toutes ces calomnies mais, pour elle, il ne faisait aucun doute que des gnomes habitaient dans le moulin et que la magie noire n'y entrait pour rien. Elle aurait tout donné pour avoir, chez elle, ne fût-ce qu'un seul gnome, mais les gnomes avaient négligé sa maison.

Et voilà pourquoi, dans la vieille école du village, avec l'aide d'un jeune instituteur romantique, elle modela un gnome très réussi. Un potier voisin eut la bonté de le cuire dans son four, puis elle peignit son bonnet pointu en bleu (à tort, bien sûr), son sarrau en rouge et son pantalon et ses bottes en vert. Après quoi, elle le posa parmi les fleurs de son jardin, devant une petite brouette en bois dont il tenait les mancherons. Naturellement, les gnomes du moulin apprirent tout cela.
Ils vinrent voir le modelage et furent très touchés.
En récompense, dorénavant, une fois par mois, ils apportaient un petit cadeau à la fillette.

Avec le temps, sa gentillesse et sa fermeté eurent une si bonne influence sur ses parents que ceux-ci devinrent plus généreux et moins arriérés, ce qui leur permit d'améliorer leur sort.

Mais, une fois de plus, les autres imbéciles s'y trompèrent et dirent :

- Pour s'enrichir, il suffit de mettre dans son jardin un gnome de terre cuite!

...ces légendes ont la vie dure, et c'est de là qu'est venue la coutume de poser, dans certains jardins, des nains en terre cuite avec ou sans brouette...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Mai 2013 à 10:15:08
(http://img15.hostingpics.net/pics/76436984tl.jpg)
Voici la légende de "Pierre de Chateauneuf", troubadour,
ou "le chateau d'amour"

Sur notre terre, petits, la musique et les paroles des chansons sont presque aussi essentielles à la vie que le boire et le manger. Elles peuvent même accomplir des prodiges, comme ce fut le cas, un jour, sur la route qui menait à Romanin, vers un certain château d'amour...

Dans ce château d'amour, vivaient des dames de haute noblesse qui s'adonnaient aux plaisirs des arts et de la courtoisie. Sous les voûtes des plafonds, résonnaient les voix des baladins et les accords de leurs luths. Sur les pavés, glissaient agilement les chausses des danseurs et des acrobates. Dans les chambres, se chuchotaient les strophes des poèmes galants...
C'est en rentrant de Terre sainte, où il avait mené croisade contre les
Infidèles, que le seigneur de Mollégès, Pierre de Châteauneuf, entendit parler de ce lieu et des belles qui y régnaient avec grâce et délicatesse. Leurs noms mêmes le faisaient rêver : Alasacie, Ysoarde, Béatrix, Stéphanette...
Et, pour elles, il composait déjà, dans les nombreuses cours où il était invité depuis son retour en Provence, des chansons d'aube, des ballades et des pastourelles, qui faisaient se pâmer les guerriers, les écuyers ou les pages, presque autant que la gent féminine.

Son renom de poète atteignit le château d'amour et les oreilles fines des dames qui l'habitaient. Par les marchands et les saltimbanques qui sillonnaient les routes de la province, elles lui firent alors savoir qu'il serait le bienvenu entre leurs murs, où elles l'attendaient avec impatience et curiosité.
Flatté et curieux, lui aussi, de rencontrer ces femmes dont tout le monde vantait la sensibilité, le charme et l'intelligence, le vaillant homme se rendit à leur invitation et, grimpant sur son destrier, portant son luth en bandoulière, il s'en fut par monts et vallées vers ce château plein de délices.

Au cours de son voyage, il atteignit, dans les Alpilles, une forêt de chênes
d'une telle épaisseur que la lumière avait du mal à filtrer entre les branches touffues. Hormis les pas de son cheval, qui sonnaient sourdement sur la terre comme les battements d'un coeur, pas un bruit ne provenait des fourrés, comme si les oiseaux avaient cessé de chanter, les feuillages de frissonner, la brise de respirer...
La nature entière retenait son souffle devant l'imminence d'un danger imprécis. Mais, lorsque l'on a combattu de l'autre côté des mers durant
de longues années, on ne se laisse pas impressionner par un silence, fût-il dans la forêt la plus dense, poussant sur les pentes les plus escarpées que l'on ait jamais vues !
Aussi, Pierre de Châteauneuf continua-t-il son chemin en fredonnant un refrain qu'il composait à l'intention de la comtesse de Provence.

Tout à coup, une horde hurlante et menaçante surgit des buissons.
Une dizaine de brigands, hirsutes, armés jusqu'aux dents, lui barrèrent la route. Le cheval du voyageur se cabra. Mais il en fallait davantage pour désarçonner un cavalier aussi chevronné. Alors, l'un des bandits attrapa la bride et tira sur le mors.
Hennissant de douleur, l'animal bondit, rua et se cabra encore... Son maître, habitué à de plus rudes chevauchées, demeura tout de même en selle. Aussi fallut-il qu'un autre des voleurs s'accrochât à sa jambe pour le faire tomber.
Sitôt à terre le seigneur fut assailli de coups de poings et de pieds. Etouffé
par le poids de ses ennemis, il fut obligé de se rendre et de se soumettre à leur volonté. Sans scrupules, ils le dépouillèrent de sa bourse où tintaient pièces d'or et d'argent. Ils lui arrachèrent son luth, dont ils ne savaient trop quoi faire, mais qu'ils se proposaient de vendre à quelque marchand ambulant.

Enfin, ils lui ôtèrent ses habits, qu'ils trouvaient fort à leur goût.
Nu comme un ver, le preux chevalier comprit que sa dernière heure arrivait lorsqu'il vit luire les poignards entre les mains de ses agresseurs.
- Ai-je traversé indemne tant de batailles, échappé à tant de dangers dans de lointaines contrées, pour mourir sur la terre qui m'a vu naître, une chanson aux lèvres ? se dit-il avec une certaine mélancolie.

Les lames se dressaient déjà au-dessus de sa poitrine, quand une idée lui
traversa l'esprit :
- Attendez ! cria-t-il, je suis un chevalier mais, chevalier poète, je désire
affronter la mort en chantant une dernière fois, afin d'entrer au ciel sur
quelques rimes bien tournées et sur un air bien cadencé...
Suspendant leur geste, les brigands se consultèrent du regard. N'ayant jamais ouï de leur vie le son d'un luth, plusieurs d'entre eux étaient curieux d'en écouter quelques accords. Et, puisqu'il ne s'agissait que de différer le sort de leur victime le temps d'un refrain, ils accédèrent à son ultime voeu.
On rendit son instrument au seigneur et on fit cercle autour de lui pour l'entendre autant que pour le surveiller.
Aux premières vibrations des cordes, les feuillages de la forêt se remirent à frissonner et la brise à soupirer d'aise. Aux premières notes dans la gorge du chanteur, les oiseaux se mirent à l'accompagner comme s'ils connaissaient sa Chanson.

Envoûtés, les brigands laissèrent leur prisonnier improviser une
strophe, puis deux, puis trois...
Et le poète, enchaînant les vers, les rythmes et les accords, composa aussi longtemps que son imagination le lui permit une interminable ballade à la gloire de ses agresseurs. Vantant leur force, leur habileté, leur courage et leur goût de la liberté, il flatta leur orgueil autant que leurs oreilles, ponctuant du même refrain les épisodes de son chant. Bientôt, les brigands en apprirent les mots sans cesse répétés et les reprirent en choeur, à pleine voix, en frappant dans leurs mains. A la fin, alors que le chevalier se résignait enfin à mourir sous leurs coups, ils jetèrent leurs poignards pour applaudir avec tant de frénésie que quelques pierres dégringolèrent des pentes des montagnes pour venir se briser contre le tronc des arbres. Sous les ovations, on rendit à Pierre de
Châteauneuf ses vêtements, sa bourse et même sa monture.

Au lieu de s'empresser de se sauver, le chevalier s'adressa à ces coeurs
sauvages qu'il avait émus :
- Pourquoi vivre de meurtres et de pillages alors que le monde est si plein de beauté ? leur demanda-t-il.
- Parce que nous avons faim ! répliquèrent les gueux. La beauté ne nous nourrit guère...
- Venez donc avec moi ! décida le seigneur, troublé à son tour.

C'est ainsi que, sur la route de Romanin, qui menait au château d'amour, on vit arriver, caracolant sur son cheval, Pierre de Châteauneuf, vêtu de son pourpoint de velours, le luth en bandoulière, escorté d'une bande de manants dépenaillés et chantant à tue-tête. Connaissant la fantaisie du chevalier troubadour, les exquises dames ne s'offusquèrent pas de cet étrange équipage.
Elles firent baisser le pont-levis et ouvrir grand les portes de leur château où résonnèrent les sabots, les plaintes du luth et la voix du voyageur, soutenue par celles de ses compagnons.
Ceux-ci firent ripaille jusque tard dans la nuit...

On dit qu'au matin, certains d'entre eux rejoignirent les bois le ventre plein, mais que d'autres demeurèrent en ce lieu plein de délices où ils apprirent à danser, à jongler et à pousser la ritournelle pour tout le restant de leur vie.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Mai 2013 à 08:13:25
(http://img15.hostingpics.net/pics/660990bao.jpg)
LE COEUR DU BAOBAB

Un jour de grande chaleur, un lièvre fit halte à l'ombre d'un Baobab.
Il s'assit et contempla au loin la brousse bruissante sous le vent brûlant.
Il se sentit infiniment bien.
"Baobab" pensa-t-il "comme ton ombre est fraiche et légère dans le brasier de midi!"
ll leva le museau vers les branches puissantes. Les feuilles se mirent à frissonner d'aise, heureuses des pensées amicales qui montaient vers elles.
Le lièvre rit en les voyant contentes. Il resta un moment béat, puis clignant de l'oeil et claquant la langue, pris de malice joueuse et gentille dit ceci:

- Certes, ton ombre est bonne, dit-il. Assurément meilleure que ton fruit!
Je ne veux pas médire, mais celui qui me pend au-dessus de la tête m'a tout l'air d'une outre pleine d'eau tiède.

Le Baobab, dépité d'entendre ainsi douter de ses saveurs, après le compliment qui lui avait ouvert l'âme, se piqua au jeu.
Il laissa tomber son fruit dans une touffe d'herbe. Le lièvre le flaira, le gouta, le trouva fort délicieux.
Alors il dévora, s'en pourlécha le museau, hocha la tête.
Le grand Arbre, impatient d' entendre son verdict, retint son souffle.

- Ton fruit est délicieux! admit le lièvre
Puis il sourit, reprit son allegresse taquine, et dit encore:
- Assurément, il est meilleur que ton coeur! Pardonne ma franchise, mais ce coeur qui bat en toi me parait plus dur qu'une pierre.

Le Baobab, entendant ces paroles, se sentit envahi par une émotion qu'il n'avait jamais connue. Offrir à ce petit êtreses beautés les plus secrètes.
Dieu du ciel, il le désirait, mais tout à coup, quelle peur il avait à les dévoiler au grand jour!

...Et lentement, il entrouvrit son écorce.
Alors apparurent des perles, des colliers, des pagnes brodés, des bijoux d'or et de pierres précieuses!
Toutes ces merveilles qui emplissaient le coeur du Baobab se déversèrent à profusion devant le lièvre dont les yeux s'éblouirent!

- Merci, Merci!! tu es le meilleur et le plus Bel Arbre du monde, dit-il tout heureux comme un enfant comblé et ramasant fiévreusement le magnifique trésor.

Il s'en revint chez lui, l'échine lourde de tous ces biens.
Sa femme l'accueillit avec une joie bondissante. Elle le déchargea à la hâte de son fardeau, se revêtit de pagnes et s'orna des colliers, puis sortit dans la brousse, impatiente de s'y faire admirer de ses compagnes.

Elle rencontra la Hyène. Cette charognarde, éblouie par les enviables richesses qui lui venaient devant, s'en fut aussitôt à la tanière du lièvre, et lui demanda où il avait trouvé ces trésors!
L'autre lui conta ce qu'il avait fait et dit, à l'ombre du Baobab.
La Hyène y courut, les yeux allumés, avide des mêmes biens.
Elle y joua le même jeu.
Le Baobab, que la joie du lièvre avait grandement réjoui, à nouveau se plut à donner fraicheur, puis la musique de son feuillage, puis la saveur de son fruit, et enfin, la beauté de son coeur!

Mais...quand l'écorce se fendit, la hyène se jeta sur les merveilles offertes comme sur une proie, et fouillant des griffes et des crocs les profondeurs du gran Arbre pour en arracher plus encore, elle se mit à gronder:

- et dans tes entrailles, qu'y a-t-il? Je veux aussi dévorer tes entrailles!
Je veux tout de toi, jusqu'à tes racines! Je veux tout, tu entends?!

Le Baobab, blessé, déchiré, prit d'effroi et de chagrin aussitôt se referma sur ses trésors et la hyène insatisfaite et rageuse s'en retourna bredouille vers la forêt.

Depuis ce jour elle cherche désespérément d'illusoires jouissances dans les bêtes mortes qu'elle rencontre, sans jamais entendre la brise simple qui apaise l'esprit.

Quant au Baobab, il n'ouvre plus son coeur à personne. Il a peur.
il faut le comprendre : le mal qui lui fut fait est invisible, mais non moins grand.

Henri GOUGAUD
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Mai 2013 à 08:28:14
(http://img15.hostingpics.net/pics/701435grillon.png)
Le grillon chanteur

Par-delà les villages, les lueurs roses cernaient les montagnes et les vallées. La ligne indigo de l'hori­zon donnait à l'œil nu l'illusion que le ciel s'achevait avec le coucher du soleil.
C'était un soir de grandes chaleurs. Le silence régnait.
Le grillon, comme d'habitude, faisait son cri-cri nocturne dans le champ.

Or, un serpent qui dormait près de là le prit mal. Il se leva et sortit furieux de sa cachette. S'avançant sans faire de bruit, du côté d'où venait le chant, il aperçut sur un monticule terreux, un grillon, contre des feuillages, en train de crier hors de son trou :
- Griing ! Griing ! Griing !
- J'ai prêté l'oreille à tes élucubrations, l'apostro­pha le reptile, et j'ai entendu ton appel à l'affronte­ment : «Mort au serpent !»
- Il est temps que tu reprennes tes esprits, rétor­qua le grillon. Je ne chante pas : «Mort au serpent». Tu as dû mal interpréter mes propos.
- Tu m'as réveillé, dit le serpent, en exaltant ma mort. Je viens te défier.
- Je crois qu'il y a un malentendu, Griing ! Griing ! Griing ! C'est une invitation à la nuit, aux rêves et au sommeil pour les vivants, expliqua le grillon.
- Menteur ! C'est de la provocation ! Tu ne vas pas te moquer de moi très longtemps, affirma le serpent, fou de rage.

La dispute battait son plein. Le rat palmiste, gardien du village, vint à passer par là. Pressentant le danger, il conduisit les antagonistes jusqu'à la palabre.

Devant les juges, le serpent prit le premier la parole :
- J'étais dans ma maison et je dormais ! J'ai subitement entendu cet individu pousser un cri de guerre : «Mort au serpent», alors je suis sorti pour l'affronter dans un combat singulier.
Il était hors de lui et formulait des menaces. Il n'avait peur de personne.
Le grillon, extrêmement surpris d'apprendre ce que son voisin pensait de son chant, tenta de se défendre :
- Je suis né chanteur. Je suis créé pour bercer le repos du soleil, apaiser les tourments du jour et dire dans ma langue les clameurs de la nuit. Je ne crie pas : «Mort au serpent». Mon voisin, trop éloigné de mon terrier, a mal interprété mes inten­tions. J'annonce le crépuscule : si je ne le fais pas, nulle terre ne connaîtra le sommeil.
- Tu mens ! l'interrompit son adversaire.
- Je vous prie de me croire, supplia l'insecte.

Les juges ne l'écoutèrent pas et le con­damnèrent au silence. Ils avaient très peur du re­dou­table reptile qui montrait, lui, comme argument, sa méchante denture.
Pour le grillon, ce fut l'étonnement, la surprise, la douleur et la déception. Inconsolable, la mort dans l'âme, il ne se manifesta plus à la tombée du jour.

Ainsi, le soleil resta au zénith; le crépuscule disparut de l'univers, l'ombre et l'obscurité déser­tèrent la terre. Personne ne sut qu'il était temps d'aller dormir ! La nuit n'apparaissait plus.
Peu à peu, la peur et l'incertitude saisirent hommes, femmes et enfants. L'inquiétude augmen­tait. L'insomnie, l'attente désespérée du repos et la nervo­sité gagnaient chaque corps, torturaient chaque esprit. Les gens, très fatigués, s'évanouissaient les uns après les autres et plus personne n'avait envie de travailler.

La population, angoissée, fut plongée dans une grande stupeur. Elle croyait la fin du monde ar­rivée car le soleil ardent durait depuis des jours.
Le chef du village, mis au courant avec retard de ce que le grillon avait prédit, ne put retenir sa colère. Il se rendit, impatient, chez l'insecte incri­miné :
- Dis-moi, petit grillon, ton chant a-t-il un lien avec le coucher du soleil ?
- Je l'ai dit aux juges qui m'ont interdit de chanter. Maintenant, le monde est en émoi. C'est leur faute. Dans notre pays, celui qui possède la dent que l'on craint, fait la loi. Ainsi, je n'ai pu m'imposer. Les juges ont méprisé mon opinion.
- J'irai les trouver et je les remplacerai. Ce sont des incapables ! Toi, chante maintenant !
- D'accord, je vais le faire ! Mais à l'avenir, il faudra accorder aux habitants la chance de s'expri­mer et obliger les juges à écouter les deux parties.
Sitôt que le grillon eut poussé son premier cri, le soleil disparut à l'horizon. Les esprits de la nuit surgirent enfin des fourrés et des clairières. Les étoiles scintillèrent dans le firmament et toute la po­pulation s'endormit.
Depuis, l'équilibre demeure permanent entre le jour et la nuit.

Kama Sywor Kamanda
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Mai 2013 à 10:00:18
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L'arbre aux feuilles d'or

Dans une forêt, poussait un tout petit arbre que les bûcherons ignoraient; car il était beaucoup trop frêle. Sa taille, n'aurait donné qu'une faible quantité de bois; tellement il était rabougri. Les années passèrent, et il se retrouva tout seul; au milieu d'une vaste clairière. Un jour, un enfant s'arrêta devant lui; et décida de s'en occuper pour qu'il puisse s'épanouir. Quelques mois passèrent, et le petit arbre commença à grandir. L'enfant s'appelait Matthieu. Un jour, alors qu'il était en train de l'arroser; le petit arbre lui parla et lui dit :«Tu t'occupes de moi. Un jour tu seras récompensé». Il fit part de ce prodige à ses parents, qui bien évidemment ne le crûrent pas; et se moquèrent de lui. Matthieu avait de nombreux frères et soeurs, et il rêvait de les rendre heureux, car leur vie ainsi que la sienne; étaient difficiles.

Ses parents étaient très pauvres, et ils accumulaient les dettes; surtout chez l'épicier et le boulanger. À l'école, c'était un bon élève, et ses professeurs le citaient en exemple; pour la rigueur de son travail. Son père était mineur de fond, et sa mère lavandière. Elle lavait le linge de gens fortunés, mais elle ne retirait qu'un faible revenu; de ce labeur qui l'épuisait. Un jour, son père eut un accident au fond de la mine. Un coup de grisou fit exploser une partie de la galerie où il travaillait, et il y perdit la vie. C'est à partir de ce moment là, que les gros ennuis commencèrent. Le travail de sa mère, très rapidement, ne suffit plus à subvenir aux besoins d'une famille de dix personnes; et ils ne mangèrent plus à leur faim. La situation au fil des jours, devenait de plus en plus critique, et la pauvre femme; se lamentait sans cesse. Les frères et les soeurs de Matthieu, durent interrompre leur scolarité pour travailler; afin d'assurer la subsistance de la famille. Quant à Matthieu, d'un commun accord, ses frères et ses soeurs décidèrent, qu'il serait le seul à poursuivre ses études, car c'était lui le plus intelligent; et il méritait ce sacrifice. Ému aux larmes, il remercia sa fratrie, et promit qu'un jour tout le malheur qu'ils enduraient, se transformerait en bonheur. Après l'école, Matthieu s'occupait du petit arbre, qui à la longue; devint son ami et son confident. Tous les jours il lui livrait ses états d'âme, et un jour n'y tenant plus, il lui raconta le terrible drame qui venait de frapper sa famille. Le petit arbre écouta attentivement son récit, puis il répondit: «Patience! Bientôt tous les maux que vous endurez, disparaîtrons! Fais moi confiance».

Une année passa, durant laquelle, Matthieu et les siens, vécurent dans la hantise du lendemain. Chaque jour qui passait, était un véritable supplice. Un soir l'épicier et le boulanger vinrent les voir. Ils s'adressèrent à la mère de Matthieu en ces termes: «Si vous ne nous donnez pas l'argent que vous nous devez, nous irons voir les gendarmes! La somme s'élève à soixante francs, et nous ne pouvons plus attendre. Si dans une semaine vous ne vous êtes pas acquittée de votre dette, tant pis pour vous! Soixante francs à l'époque, c'était une très grosse somme d'argent. Cela équivalait à une année de salaire d'un ouvrier. La mère de Matthieu était effondrée, et aucune parole ne sortait de sa bouche. Puis l'épicier et le boulanger disparurent, aussi soudainement qu'ils étaient apparus. Le couperet venait de tomber, ne laissant aucune chance à ses pauvres victimes. Le lendemain, Matthieu fit part de la terrible nouvelle; au petit arbre qui lui répondit.
-Demain lorsque tu viendras me voir, apporte avec toi; quatre grands sacs de toile épaisse. -Pourquoi faire? Demanda Matthieu très étonné.
-Ne me pose pas de questions! Rétorqua le petit arbre, et fait ce que je te dis.
Le lendemain arriva, et comme d'habitude Matthieu partit dans la forêt; rendre visite à son ami. Lorsqu'il arriva, il ne reconnut plus les lieux. Tout avait changé !

Un joli parterre de fleurs, de toutes les couleurs jonchait le sol; et l'atmosphère embaumait. Un suave parfum y flottait. Je me suis trompé d'endroit se dit-il, et il continua son chemin. Une voix, l'arrêta net dans son élan. Non tu ne t'es pas trompé, je suis là! Matthieu revint sur ses pas, et à sa grande surprise il aperçut le petit arbre; mais celui-ci s'était métamorphosé. De lourdes feuilles d'or le recouvraient. Il n'en croyait pas ses yeux, et il se dit en lui même: «Je dois certainement rêver!». C'est alors qu'il s'approcha de l'arbre, et le toucha. il saisit une feuille, mais celle-ci lui échappa et tomba lourdement sur le sol. Le petit arbre lui dit: «Rempli tes sacs Matthieu, d'autant de feuilles qu'ils pourront en contenir»! Sans plus tarder il s'exécuta, et bientôt les sacs débordèrent. Puis un cheval blanc apparu attelé à une charrette, et deux gnomes apparurent à leur tour. Ils chargèrent les lourds sacs sur la charrette, et comme par enchantement; disparurent. Le petit arbre qui était devenu un beau chêne, dit à Matthieu: «Voilà ta récompense. Fais en bon usage». Puis à son tour l'arbre disparut. Matthieu paya les dettes que sa mère avait contracté, et après avoir mis sa famille à l'abri du besoin, il employa son immense fortune, à la construction d'hôpitaux, d'écoles, de logements sociaux et d'usines. Il permit ainsi, à beaucoup de personnes démunies; d'avoir une vie digne de ce nom.

Éric Malpas
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Mai 2013 à 08:43:38
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La roche pleureuse

Le printemps de 1806 avait été l'un des plus doux dont mémoire d'homme se souvînt. La glace ayant fondu plus vite qu'à l'accoutumée, la grande débâcle avait libéré le Saint-Laurent et permis la circulation des grands bateaux.
Charles Desgagnés, un jeune navigateur ambitieux, songeait, en fumant sa pipe au bord du quai de l'Isle-aux-Coudres, qu'il pourrait entreprendre plus tôt que d'habitude son voyage annuel vers l'Europe ou, comme il le disait lui-même, vers « les vieux pays ». Chaque printemps, en effet, il remplissait son navire de bois équarri pour le livrer dans les chantiers maritimes d'Angleterre. Il se réjouissait de la débâcle qui hâtait son départ, car il voulait être de retour en octobre, vers le dernier temps doux, pour épouser la belle Louise, sa fiancée.

Lorsque à la mi-mai les cales de son trois-mâts furent remplies, que les provisions furent hissées à bord et que le curé eut fait sa bénédiction, Charles Desgagnés s'en fut saluer sa vieille mère et partit vers la pointe de l'île, là où habitait Louise.
Il ne la trouva pas chez elle. Son père, un cultivateur bourru mais bon comme de la mie de pain, indiqua avec le bout de sa pipe le faux-fuyant que Louise avait emprunté pour rejoindre l'extrême pointe de l'île, où elle aimait se réfugier quand elle était triste.
Charles l'y découvrit bien. Elle était assise sur une roche auprès de laquelle s'élevait un orme gigantesque. La jeune fille rougit en apercevant son fiancé.
- Ne t'en fais pas, ma Louise, murmura tendrement le jeune homme, je serai de retour pour l'automne et, avant que ne finisse l'été indien, nous serons mariés.
Sur ces paroles, une affreuse corneille crailla et s'envola d'une des branches de l'orme où elle était perchée. Quel mauvais présage ! Une corneille ! Cet oiseau maudit, compagnon du diable et ami des sorcières !
Louise pâlit. Charles tâcha de ne pas laisser percer son malaise. Mais une corneille qui croasse n'augure rien de bon !
Le jeune homme, pour conjurer le mauvais sort, prit la main de Louise et y mit un petit bouquet de fleurs sauvages qu'il avait fait pour elle. Louise était contente ! Elle détacha le ruban rouge qui liait ses cheveux, l'enroula autour du bouquet qu'elle pendit à une branche du grand orme, au-dessus de la roche où elle était assise.
- Sous ce bouquet, sous cet arbre, sur cette pierre, jura la belle Louise, je viendrai sans faillir guetter ton retour !
Ils s'embrassèrent alors sans entendre le claquement des ailes de la corneille, étouffé par le bruit des vagues qui s'échouaient sur la grève.

Le lendemain, au point du jour, Charles faisait carguer les voiles et larguait les amarres pour l'Angleterre. Sur la pointe de sa roche, Louise suivit longuement des yeux le navire qui était d'abord gros comme une montagne, puis devint grand comme une colline, ensuite haut comme un talus, et qui, enfin, se confondit à l'horizon avec l'écume de la mer et les clartés rubicondes du crépuscule.

L'été et ses trois saisons s'installèrent : celle des framboises, celle des fraises et le temps des bleuets. On pouvait, par les fruits, goûter le temps qui passait ! Avec la vieille mère de Charles, Louise cuisait des tartes et faisait des desserts pour son père et ses frères occupés à construire sa future maison. Louise songeait à la décoration de chaque pièce ! Comme elle serait belle la maison qu'elle irait habiter avec son futur époux ! De la plus haute fenêtre du pignon, on pouvait apercevoir la pointe de l'île, la roche et l'orme où se balançait encore le bouquet, sec désormais. C'est dans cette pièce certainement qu'elle installerait le ber de leur premier enfant !
À l'été succéda le bel automne. Il sembla à Louise que la forêt, avec ses couleurs chatoyantes, avait endossé pour elle un habit de
noces .
Au temps des bleuets répondit celui du blé d'Inde et des épluchettes à n'en plus finir, puis le moment des pommes. Nous étions à la fin septembre et le trousseau de Louise était terminé. La maison était prête et il ne manquait plus qu'y résonnât le rire de Louise ou la voix de Charles.

Tout l'été, Louise était allée s'asseoir sur sa roche, auprès de l'orme, sous le bouquet, à la pointe de l'île. Mais à présent que la date du retour approchait, elle y passait de longues heures, le regard comme vaguement suspendu aux ondes qui froissaient l'horizon. Le soir, à la brunante, elle rentrait à pas lents chez son père qui, pour l'aider à patienter, lui disait qu'il n'était pas rare que la mer sans vent retardât un peu le retour des grands voiliers, et il lui murmurait doucement ces consolations que savent les coeurs qui ont connu de grands chagrins.

Mais l'été indien s'en fut ! Mais octobre et l'automne s'en allèrent ! Mais les volées d'outardes, après s'être attardées sur les battures, se regroupèrent et, bruyamment, passèrent au-dessus de l'Îsle-aux-Coudres ! L'horizon demeurait tristement solitaire : Charles ne revenait point...
Assise sur sa roche, Louise pleurait sans entendre le croassement moqueur de la corneille perchée à la cime de l'orme. Au village, les rumeurs, elles, voyageaient vite. Les maldisants suggéraient que Charles et son équipage étaient certainement allés courir la galipette à Plymouth, à Londres peut-être ! Qui donc pouvait savoir vraiment ? Seule sur sa roche, Louise pleurait et l'espoir était sa réponse.

Quand le temps se fut refroidi, que toute la végétation fut recouverte d'une épaisse couche de neige et que toutes les eaux du Canada furent gelées, Louise dut se contenter de scruter la mer par la fenêtre du pignon de sa maison déserte. Battu par le nordet, on continuait de voir le ruban rouge du bouquet danser au bout d'une branche et la roche faire comme un écrin de granit sur la neige immaculée.
Ce fut un long hiver sans joie. Lorsque les glaces fondirent, Louise retourna, à la pointe de l'île, assiéger sa roche, tourmenter l'horizon. Elle racontait tout bas ses malheurs et elle appelait son amoureux. Toujours elle pleurait.

Un beau soir de mai, un messager vint enfin apprendre à la vieille mère de Charles que son fils avait péri en mer.  Louise, qui se trouvait alors auprès de la vieille femme, poussa un cri et sortit de la maison en courant.
Depuis lors, nul ne la revit plus. Son père se rendit à la pointe de l'île, où elle avait coutume de s'attarder. Anxieux, il suivit le faux-fuyant qui conduisait à la grosse roche tout à côté de l'orme. Il s'y assit. De sa voix forte il appelait sa fille :
- Louise, Louise, où es-tu ? Louise, réponds à ton père !
Le silence, qui explique bien des choses, le silence expliquait au père de Louise qu'il ne reverrait jamais plus sa fille. Une fée en effet, touchée par le chagrin de la pauvre fille, l'avait changée en source,  pour qu'à travers les flots, elle puisse, dans l'océan, retrouver et s'unir à son amant perdu en mer.

L'homme regarda le filet d'eau claire, cette petite source qu'il n'avait jamais remarquée auparavant, surgir de la roche et se déverser en mer. Au-dessus de la roche, pendu à un ruban rouge, un frais bouquet de fleurs sauvages, bercé par la brise, lançait dans l'air mille parfums exotiques. Sur une branche de l'orme chantait maintenant un bel oiseau blanc.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Mai 2013 à 09:28:36
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LES VIEUX

Une lettre, père Azan ?
— Oui, monsieur... ça vient de Paris.
Il était tout fier que ça vînt de Paris, ce brave père Azan... Pas moi. Quelque chose me disait que cette Parisienne de la rue Jean-Jacques, tombant sur ma table à l'improviste et de si grand matin, allait me faire perdre toute ma journée. Je ne me trompais pas, voyez plutôt :

"Il faut que tu me rendes un service, mon ami. Tu vas fermer ton moulin pour un jour et t'en aller tout de suite à Eyguières... Eyguières est un gros bourg à trois ou quatre lieues de chez toi,— une promenade. En arrivant, tu demanderas le couvent des Orphelines. La première maison après le couvent est une maison basse à volets gris avec un jardinet derrière. Tu entreras sans frapper,— la porte est toujours ouverte,— et, en entrant, tu crieras bien fort : « Bonjour, braves gens ! Je suis l'ami de Maurice... » Alors, tu verras deux petits vieux, oh ! mais vieux, vieux, archivieux, te tendre les bras du fond de leurs grands fauteuils, et tu les embrasseras de ma part, avec tout ton coeur, comme s'ils étaient à toi. Puis vous causerez ; ils te parleront de moi, rien que de moi ; ils te raconteront mille folies que tu écouteras sans rire...
Tu ne riras pas, hein ? ... Ce sont mes grands-parents, deux êtres dont je suis toute la vie et qui ne m'ont pas vu depuis dix ans... Dix ans, c'est long ! Mais que veux-tu ? moi, Paris me tient ; eux, c'est le grand âge... Ils sont si vieux, s'ils venaient me voir, ils se casseraient en route... Heureusement, tu es là-bas, mon cher meunier, et, en t'embrassant, les pauvres gens croiront m'embrasser un peu moi-même... Je leur ai si souvent parlé de nous et de cette bonne amitié dont..."

Le diable soit de l'amitié ! Justement ce matin-là il faisait un temps admirable, mais qui ne valait rien pour courir les routes : trop de mistral et trop de soleil, une vraie journée de Provence. Quand cette maudite lettre arriva, j'avais déjà choisi mon cagnard (abri) entre deux roches, et je rêvais de rester là tout le jour, comme un lézard, à boire de la lumière, en écoutant chanter les pins... Enfin, que voulez-vous faire ? Je fermai le moulin en maugréant, je mis la clef sous la chatière. Mon bâton, ma pipe, et me voilà parti.
J'arrivai à Eyguières vers deux heures. Le village était désert, tout le monde aux champs.
Dans les ormes du cours, blancs de poussière, les cigales chantaient comme en pleine Crau.
Il y avait bien sur la place de la mairie un âne qui prenait le soleil, un vol de pigeons sur la fontaine de l'église ; mais personne pour m'indiquer l'orphelinat. Par bonheur une vieille fée m'apparut tout à coup, accroupie et filant dans l'encoignure de sa porte ; je lui dis ce que je cherchais ; et comme cette fée était très puissante, elle n'eut qu'à lever sa quenouille : aussitôt le couvent des Orphelines se dressa devant moi comme par magie...

C'était une grande maison maussade et noire, toute fière de montrer au-dessus de son portail en ogive une vieille croix de grès rouge avec un peu de latin autour. A côté de cette maison, j'en aperçus une autre plus petite.
Des volets gris, le jardin derrière... Je la reconnus tout de suite, et j'entrai sans frapper.
Je reverrai toute ma vie ce long corridor frais et calme, la muraille peinte en rose, le jardinet qui tremblait, au fond à travers un store de couleur claire, et sur tous les panneaux des fleurs et des violons fanés. Il me semblait que j'arrivais chez quelque vieux bailli du temps de Sedaine... Au bout du couloir, sur la gauche, par une porte entr'ouverte on entendait le tic tac d'une grosse horloge et une voix d'enfant, mais d'enfant à l'école, qui lisait en s'arrêtant à chaque syllabe :
- A... lors... saint... I... ré... née... s'é... cri... a... Je... suis... le... fro... ment... du... Seigneur... Il... faut... que... je... sois... mou... lu... par... la... dent... de... ces... a... ni... maux...
Je m'approchai doucement de cette porte et je regardai.

Dans le calme et le demi-jour d'une petite chambre, un bon vieux à pommettes roses, ridé jusqu'au bout des doigts, dormait au fond d'un fauteuil, la bouche ouverte, les mains sur ses genoux. A ses pieds, une fillette habillée de bleu,— grande pèlerine et petit béguin, le costume des orphelines,— lisait la Vie de saint Irénée dans un livre plus gros qu'elle... Cette lecture miraculeuse avait opéré sur toute la maison.

Le vieux dormait dans son fauteuil, les mouches au plafond, les canaris dans leur cage, là-bas sur la fenêtre. La grosse horloge ronflait, tic tac, tic tac. Il n'y avait d'éveillé dans toute la chambre qu'une grande bande de lumière qui tombait droite et blanche entre les volets clos, pleine d'étincelles vivantes et de valses microscopiques...
Au milieu de l'assoupissement général, l'enfant continuait sa lecture d'un air grave :
- Aus... si... tôt... deux... lions... se... pré...ci... pi... tè... rent... sur... lui... et... le... dé... vo... rè... rent...

C'est à ce moment que j'entrai... Les lions de saint Irénée se précipitant dans la chambre n'y auraient pas produit plus de stupeur que moi. Un vrai coup de théâtre ! La petite pousse un cri, le gros livre tombe, les canaris, les mouches se réveillent, la pendule sonne, le vieux se dresse en sursaut, tout effaré, et moi-même, un peu troublé, je m'arrête sur le seuil en criant bien fort :
— Bonjour, braves gens ! je suis l'ami de Maurice.
Oh ! alors, si vous l'aviez vu, le pauvre vieux, si vous l'aviez vu venir vers moi les bras tendus, m'embrasser, me serrer les mains, courir égaré dans la chambre, en faisant :
— Mon Dieu ! mon Dieu ! ...
Toutes les rides de son visage riaient. Il était rouge. Il bégayait :
— Ah ! monsieur... ah ! monsieur...
Puis il allait vers le fond en appelant :
— Mamette !
Une porte qui s'ouvre, un trot de souris dans le couloir... c'était Mamette. Rien de joli comme cette petite vieille avec son bonnet à coque, sa robe carmélite, et son mouchoir brodé qu'elle tenait à la main pour me faire honneur, à l'ancienne mode... Chose attendrissante ! ils se ressemblaient. Avec un tour et des coques jaunes, il aurait pu s'appeler Mamette, lui aussi.
Seulement la vraie Mamette avait du beaucoup pleurer dans sa vie, et elle était encore plus ridée que l'autre.
Comme l'autre aussi, elle avait près d'elle une enfant de l'orphelinat, petite garde en pèlerine bleue, qui ne la quittait jamais ; et de voir ces vieillards protégés par ces orphelines, c'était ce qu'on peut imaginer de plus touchant.
En entrant, Mamette avait commencé par me faire une grande révérence, mais d'un mot le vieux lui coupa sa révérence en deux :
— C'est l'ami de Maurice...
Aussitôt la voilà qui tremble, qui pleure, perd son mouchoir, qui devient rouge, toute rouge, encore plus rouge que lui... Ces vieux ! ça n'a qu'une goutte de sang dans les veines, et à la moindre émotion elle leur saute au visage...
— Vite, vite, une chaise... dit la vieille à sa petite.
— Ouvre les volets... crie le vieux à la sienne.
Et, me prenant chacun par une main, ils m'emmenèrent en trottinant jusqu'à la fenêtre, qu'on a ouverte toute grande pour mieux me voir. On approche les fauteuils, je m'installe entre les deux sur un pliant, les petites bleues derrière nous, et l'interrogatoire commence :
— Comment va-t-il ? Qu'est-ce qu'il fait ? Pourquoi ne vient-il pas ? Est-ce qu'il est content ? ...
Et patati ! et patata ! Comme cela pendant des heures.
Moi, je répondais de mon mieux à toutes leurs questions, donnant sur mon ami les détails que je savais, inventant effrontément ceux que je ne savais pas, me gardant surtout d'avouer que je n'avais jamais remarqué si ses fenêtres fermaient bien ou de quelle couleur était le papier de sa chambre.
— Le papier de sa chambre ! ... Il est bleu, madame, bleu clair, avec des guirlandes...
— Vraiment ? faisait la pauvre vieille attendrie ; et elle ajoutait en se tournant vers son mari : C'est un si brave enfant !
— Oh ! oui, c'est un brave enfant ! reprenait l'autre avec enthousiasme.
Et, tout le temps que je parlais, c'étaient entre eux des hochements de tête, de petits rires fins, des clignements d'yeux, des airs entendus, ou bien encore le vieux qui se rapprochait pour me dire :
— Parlez plus fort... Elle a l'oreille un peu dure.
Et elle de son côté :
— Un peu plus haut, je vous prie ! ... Il n'entend pas très bien...
Alors j'élevais la voix ; et tous deux me remerciaient d'un sourire ; et dans ces sourires fanés qui se penchaient vers moi, cherchant jusqu'au fond de mes yeux l'image de leur Maurice, moi, j'étais tout ému de la retrouver cette image, vague, voilée, presque insaisissable, comme si je voyais mon ami me sourire, très loin, dans un brouillard.
Tout à coup le vieux se dresse sur son fauteuil :
— Mais j'y pense, Mamette..., il n'a peut-être pas déjeuné !
Et Mamette, effarée, les bras au ciel :
— Pas déjeuné ! ... Grand Dieu !
Je croyais qu'il s'agissait encore de Maurice, et j'allais répondre que ce brave enfant n'attendait jamais plus tard que midi pour se mettre à table. Mais non, c'était bien de moi qu'on parlait ; et il faut voir quel branle-bas quand j'avouai que j'étais encore à jeun :
— Vite le couvert, petites bleues ! La table au milieu de la chambre, la nappe du dimanche, les assiettes à fleurs. Et ne rions pas tant, s'il vous plaît ! et dépêchons-nous...
Je crois bien qu'elles se dépêchaient. A peine le temps de casser trois assiettes le déjeuner se trouva servi.
— Un bon petit déjeuner ! me disait Mamette en me conduisant à table ; seulement vous serez tout seul... Nous autres, nous avons déjà mangé ce matin.
Ces pauvres vieux ! à quelque heure qu'on les prenne, ils ont toujours mangé le matin.
Le bon petit déjeuner de Mamette, c'était deux doigts de lait, des dattes et une barquette, quelque chose comme un échaudé ; de quoi la nourrir elle et ses canaris au moins pendant huit jours... Et dire qu'à moi seul je vins à bout de toutes ces provisions ! ... Aussi quelle indignation autour de la table ! Comme les petites bleues chuchotaient en se poussant du coude, et là-bas, au fond de leur cage, comme les canaris avaient l'air de se dire : « Oh ! ce monsieur qui mange toute la barquette ! »
Je la mangeai toute, en effet, et presque sans m'en apercevoir, occupé que j'étais à regarder autour de moi dans cette chambre claire et paisible où flottait comme une odeur de choses anciennes... Il y avait surtout deux petits lits dont je ne pouvais pas détacher mes yeux. Ces lits, presque deux berceaux, je me les figurais le matin, au petit jour, quand ils sont encore enfouis sous leurs grands rideaux à franges. Trois heures sonnent. C'est l'heure où tous les vieux se réveillent :
— Tu dors, Mamette ?
— Non, mon ami.
— N'est-ce pas que Maurice est un brave enfant ?
— Oh ! oui c'est un brave enfant.
Et j'imaginais comme cela toute une causerie, rien que pour avoir vu ces deux petits lits de vieux, dressés l'un à côté de l'autre...

Pendant ce temps, un drame terrible se passait à l'autre bout de la chambre, devant l'armoire. Il s'agissait d'atteindre là-haut, sur le dernier rayon, certain bocal de cerises à l'eau-de-vie qui attendait Maurice depuis dix ans et dont on voulait me faire l'ouverture. Malgré les supplications de Mamette, le vieux avait tenu à aller chercher ses cerises lui-même ; et, monté sur une chaise au grand effroi de sa femme, il essayait d'arriver là-haut... Vous voyez le tableau d'ici, le vieux qui tremble et qui se hisse, les petites bleues cramponnées à sa chaise, Mamette derrière lui haletante, les bras tendus, et sur tout cela un léger parfum de bergamote qui s'exhale de l'armoire ouverte et des grandes piles de linge roux... C'était charmant.

Enfin, après bien des efforts, on parvint à le tirer de l'armoire, ce fameux bocal, et avec lui une vieille timbale d'argent toute bosselée, la timbale de Maurice quand il était petit. On me la remplit de cerises jusqu'au bord ; Maurice les aimait tant, les cerises ! Et tout en me servant, le vieux me disait à l'oreille d'un air de gourmandise :
— Vous êtes bien heureux, vous, de pouvoir en manger ! ... C'est ma femme qui les a faites... Vous allez goûter quelque chose de bon.
Hélas sa femme les avait faites, mais elle avait oublié de les sucrer. Que voulez-vous ? on devient distrait en vieillissant. Elles étaient atroces, vos cerises, ma pauvre Mamette... Mais cela ne m'empêcha pas de les manger jusqu'au bout, sans sourciller.
Le repas terminé, je me levai pour prendre congé de mes hôtes. Ils auraient bien voulu me garder encore un peu pour causer du brave enfant, mais le jour baissait, le moulin était loin, il fallait partir.
Le vieux s'était levé en même temps que moi.
— Mamette, mon habit ! ... Je veux le conduire jusqu'à la place.
Bien sûr qu'au fond d'elle-même Mamette trouvait qu'il faisait déjà un peu frais pour me conduire jusqu'à la place ; mais elle n'en laissa rien paraître. Seulement, pendant qu'elle l'aidait à passer les manches de son habit, un bel habit tabac d'Espagne à boutons de nacre, j'entendais la chère créature qui lui disait doucement :
— Tu ne rentreras pas trop tard, n'est-ce pas ?
Et lui, d'un petit air malin :
— Hé ! hé ! ... je ne sais pas... peut-être...
Là-dessus, ils se regardaient en riant, et les petites bleues riaient de les voir rire, et dans leur coin les canaris riaient aussi à leur manière... Entre nous, je crois que l'odeur des cerises les avait tous un peu grisés.
...La nuit tombait, quand nous sortîmes, le grand-père et moi. La petite bleue nous suivait de loin pour le ramener ; mais lui ne la voyait pas, et il était tout fier de marcher à mon bras, comme un homme.

Mamette, rayonnante, voyait cela du pas de sa porte, et elle avait en nous regardant de jolis hochements de tête qui semblaient dire :
« Tout de même, mon pauvre homme ! ... il marche encore. »


Alphonse Daudet

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Mai 2013 à 11:36:57
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Selenan le Rêveur

Selenan vivait au cœur de la forêt de Brocéliande, dans une région que l'on appelle aujourd'hui la Bretagne. C'était une forêt où la magie se trouvait partout, en chaque arbre, en chaque fleur, en chaque être vivant.
La tribu des Elfes de Brocéliande était renommée pour son habileté à la chasse, et Selenan était le meilleur archer de sa tribu. Il était capable de toucher une pomme en son centre à plus de cinquante mètres. Il gagnait tous les concours.
Pourtant, il était très mauvais chasseur. Car il passait son temps à penser à autre chose. Pendant que les faisans s'envolaient, il imaginait qu'il grimpait sur les nuages et oubliait de tirer. Pendant que les daims s'enfuyaient, il se voyait en train de chevaucher un dragon, et il oubliait de tirer. Pendant que le lièvre courait dans son terrier, il imaginait sauter de montagnes en montagnes, et il oubliait de tirer. Pendant que ... Bref, il vivait dans son imagination, et oubliait tout le temps de tirer.
Les anciens de la tribu étaient désolés qu'un tel talent soit gaspillé ainsi. Ils avaient beau le sermonner, lui dire qu'il perdait du temps, que l'on ne mangeait pas ce que l'on créait dans son esprit, rien n'y faisait. Pendant que les anciens lui parlaient, Selenan imaginait qu'il avait des ailes et qu'il partait vers la Lune, et il oubliait d'écouter.

Le magicien de la tribu lui avait bien donné des plantes magiques, du genre de celles qui donnent meilleure vue. Mais elles ne faisaient aucun effet dans son cas, sinon lui donner encore de meilleurs yeux pour voir ce qu'il imaginait. Elles avaient eu l'effet inverse, et Selenan trouvait ses aventures imaginaires encore plus réelles pour lui. Alors il passait de plus en plus de temps à imaginer son monde merveilleux. À vivre des aventures extraordinaires, rien qu'en laissant voyager son esprit.

Le magicien, qui était très vieux et très sage, eut alors une idée. Si sa magie à lui ne marchait pas, il devrait essayer d'aller voir les fées, qui connaissaient la magie de la forêt mieux que quiconque.
Il réussit à convaincre non sans mal Selenan de le suivre, et ils partirent pour le Lac des Fées.
Ces petits êtres magiques vivaient en effet sur un petit lac au milieu de la forêt, établissant leurs maisons au milieu de l'eau, sur des nénuphars. Leurs maisons étaient faites de pétales de fleurs qui se reflétaient dans l'eau, couvrant le lac de millier de couleurs. Il est bien dommage qu'on ne trouve plus aujourd'hui de villages de fées sur les lacs, ce devait être un spectacle extraordinaire.

À peine arrivés en vue du lac, les deux elfes entendirent un léger bourdonnement, et virent arriver trois fées qui volaient vers eux avec grâce. Selenan ne put s'empêcher de s'imaginer en train de voler au-dessus du lac, avec les mêmes ailes de libellule dans le dos. Et comme il était perdu dans son imagination, il n'entendit pas ce que les fées et le magicien se disaient. Il revint à la réalité seulement pour entendre le rire flûté des fées qui le regardaient, ce qui était un bien joli bruit.
Les fées décidèrent d'amener cet étrange elfe à leur reine.

Sindelyne était la troisième reine des fées depuis l'Aube du Monde, elle était très ancienne, et allait bientôt avoir cent mille ans. Elle connaissait toute l'histoire de la forêt, et des Esprits qui veillaient sur elle. Elle leur parlait souvent, et comprenait aussi le langage des plantes et des animaux.

Elle arriva à la rencontre des elfes sur un radeau étrange, fait de nénuphars tirés par des grenouilles dorées, car elle ne volait plus depuis mille ans, elle était trop vieille. Elle regarda longuement Selenan avec ses yeux dorés, emplis d'une grande sagesse.
Le magicien n'eut pas besoin de lui raconter, elle vit tout de suite ce qui se passait dans l'esprit du petit elfe. Elle réfléchit longuement, en silence. Seulement lorsque le soleil se coucha, elle parla, d'une voix très forte et claire, ce qui est toujours surprenant pour un être si petit.
- Tu te trompes, Magicien, ce petit elfe qui est là n'a aucune maladie, n'a aucun sort jeté sur lui, n'a aucune faiblesse. C'est au contraire un grand talent qu'il possède, celui de modifier le monde qui l'entoure, celui de créer un monde plus varié, son monde. Il serait dommage qu'un tel talent disparaisse, même si cela est en mon pouvoir.
Cependant, je reconnais qu'un tel don est gênant pour la vie de chaque jour. Ce petit artiste ne peut plus avoir une vie dans le vrai monde. Alors, il faudrait trouver un moment où il puisse s'épanouir sans causer de problèmes.
Les yeux du magicien brillèrent, il cria :
- La nuit ! Oui, c'est cela, la nuit ! Pendant qu'il dort son monde ne gênera pas le nôtre.

Les fées furent bien étonnées, car elles ne dormaient pas, elles vivaient le jour et la nuit, sans se reposer. Un grand sourire éclaira le petit visage de la reine :
- Tu es sage, magicien. Il n'y a en effet pas de meilleur moment que celui où vous reposez votre corps. Alors qu'il en soit ainsi, jeune elfe, pendant que ton corps se reposera, ton esprit pourra voyager.

Alors, la magie de la forêt envahit le petit corps, la reine des fées s'emplit de lumière multicolore, une lumière qui grossit, et grossit encore, illuminant le lac. Sur un geste de la reine, une petite parcelle de lumière s'engouffra dans le corps de Selenan, et la magie se dispersa. Puis la reine ordonna à ses grenouilles de la ramener à sa maison de pétales sans plus dire un mot.
Selenan ne sentit pas de différence en lui, et il regardait le magicien avec un air triste, pensant que les pouvoirs de la fée avaient été inefficaces. Mais le vieux mage le regardait avec un sourire énigmatique, il connaissait un peu la magie des fées.
Sur la route du retour, ils croisèrent trois lièvres, et trois fois, Selenan sortit son arc et abattit le lièvre. Au moment où il mettait le troisième dans sa gibecière, le magicien le regarda en riant et dit :
- Pas mal pour un elfe qui n'a jamais pu toucher une tortue de sa vie.
C'est alors que Selenan se rendit compte du changement, et il éclata d'un grand rire de soulagement.

Il devint un grand chasseur, le meilleur de sa tribu, et la nuit, pendant que son corps dormait, son esprit voyageait dans des aventures extraordinaires. Il prit même l'habitude de les raconter aux autres elfes. Alors certains pensèrent que ce devait être merveilleux, et ils lui demandèrent de leur apprendre son talent. Ce qu'il fit avec plaisir.
Selenan était devenu le Voyageur de la Nuit, ce qui se dit Raevelar en langage elfe. Bientôt toute la tribu apprit comment voyager la nuit. Et de ce fait, ils étaient beaucoup plus attentifs au monde le jour.

On raconte dans le monde elfe qu'un humain aurait rencontré un apprenti de Selenan un jour, et qu'il avait appris de lui le voyage de la nuit. Une fois rentré dans son village, il a commencé à faire partager ce nouveau talent, et au bout de quelques centaines d'années, tous les humains surent le faire. Mais l'homme n'est pas un elfe, il a mauvaise mémoire, et la manie de toujours tout changer. Alors il oublia bien vite comment utiliser le voyage de la nuit, un talent devint une chose sans importance.
Les hommes oublièrent l'importance de rêver, ils oublièrent de profiter de ce monde à eux. La plupart du temps, ils oublient même de quoi sont faits leurs rêves. Alors ils recommencèrent à rêver de jour, parce que le jour est leur monde, et qu'ils le connaissent bien. Et certains, comme Selenan, se perdent dans leur monde, on les appelle des rêveurs.

Sébastien Verlynde

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Mai 2013 à 09:46:46
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Fleur des tropiques

Il était une fois une petite indienne prénommée Xochitl. Ce qui dans notre langage, veut dire Fleur...

Elle vivait dans la Région d'OAXACA au Mexique.

Elle avait six ans et se rendait chaque jour à l'école du village où demeuraient ses parents.

Elle avait des yeux noirs très malicieux et une impression de sagesse innée se dégageait de sa petite personne.

Ses parents possédaient une maisonnette en planches recouverte d'un toit de chaume dans un petit village de montagne.

Xochitl avait deux petits frères et, déjà, elle les avait en charge lorsque ses parents allaient au marché d'OAXACA vendre les produits de leur culture et les volailles qu'ils élevaient.

La maisonnette les abritait tous les cinq. L'intérieur était très sommaire. Sa maman faisait la cuisine sur un feu de bois à l'intérieur même et la fumée s'échappait comme elle pouvait par les interstices de la toiture ou des planches mal jointes.

La nature ici était généreuse. Avec le soleil et la pluie, les légumes et les fruits poussaient à volonté. Bien sûr, il fallait travailler la terre, semer mais ensuite, la récolte était bonne.

C'est grâce à cela que ses parents pouvaient échanger leurs produits contre quelques pesos.

Sa maman tissait également des nappes et des vêtements indiens et quelquefois, les touristes venaient lui acheter châles tissés et brodés, nappes, serviettes, poupées, ... produits de son artisanat.

Ses parents étaient très courageux et travailleurs car ici, il fallait tout cultiver à la main, sans l'aide d'aucune machine... Du champ de maïs aux légumes et aux fruits...

Un jour vint à passer une guide prénommée Graciana avec un groupe de touristes.

Cette guide vivait à Mexico. Elle était très humble et très humaine.

D'emblée, elle souhaita faire valoir l'artisanat de la maman et assurer la vente auprès de son groupe.

Chacun se plut à examiner les tissages et broderies colorées. Quelques personnes furent séduites et s'en allèrent chargées de petits cadeaux pour leur famille ou amis.

Xochitl, avec ses grands yeux attentifs et ses cheveux de jais nattés de rubans aux couleurs vives, était très remarquée.

Notre guide, Graciana, eu comme un choc en la voyant et peu à peu au cours de nouvelles visites, fut comme captivée par la fillette.

Une idée germa dans son esprit...

Et si elle la prenait avec elle à la ville, dans son appartement ? Elle serait comme sa fille adoptive. Elle lui donnerait une éducation et lui assurerait des études supérieures. L'enfant lui paraissait si douée...

Qu'adviendrait-il d'elle ici ?

Un jour, elle n'y tint plus. Et pendant que son groupe de touristes admirait les travaux de la maman, elle s'approcha de Xochitl et tout émue, lui demanda :

« Voilà, Petite fleur, je ne cesse de penser à toi. Je désire très fort t'avoir auprès de moi et t'aider... Le veux-tu ? »

La petite dont l'assurance était impressionnante, examina le visage de Graciana et planta ses yeux noirs dans les siens.

Calmement, les mains croisées sur son châle brodé, elle lui demanda :

« As-tu une vache ? »

« Je n'ai pas de vache », répondit Graciana.

« As-tu des poules ?»

« Je n'ai pas de poules non plus... » dit la jeune femme.

« As-tu des cochons ? »

« Non, pas de cochons... » Avança la guide.

« As-tu un jardin ? »

« Non », dit Graciana un peu troublée.

« As-tu une petite maison ? »...

« Je n'ai pas de petite maison, mais un appartement à Mexico » assura-t-elle.

Xochitl fronça ses sourcils, pencha sa tête sur le côté et regardant Graciana avec une grande commisération, lui dit :

« Alors, tu es pauvre... »

L'émotion embrasa le visage de la jeune guide.

Elle qui croyait avoir tant à donner ! Et bien, aux yeux de cette enfant, elle n'avait rien ! Rien à offrir à une jeune indienne riche de tous les trésors simples de la nature...

Et la jeune femme s'en fut, des larmes dans les yeux, se sentant très, très démunie et pauvre de l'essentiel...

...L'amour d'une petite princesse, Fleur des Tropiques, aux yeux si noirs et aux si brillants cheveux de jais...

Sophie Roïk
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 29 Mai 2013 à 17:09:51
Dame Trude, la sorcière
Grimm

Il était une fois une petite fille extrêmement têtue et imprudente qui n'écoutait pas ses parents et qui n'obéissait pas quand ils lui avaient dit quelque chose. Pensez-vous que cela pouvait bien tourner ?
Un jour, la fillette dit à ses parents : « J'ai tellement entendu parler de Dame Trude que je veux une fois aller chez elle : il paraît que c'est fantastique et qu'il y a tant de choses étranges dans sa maison, alors la curiosité me démange. »
Les parents le lui défendirent rigoureusement et lui dirent : « Écoute : Dame Trude est une mauvaise femme qui pratique toutes sortes de choses méchantes et impies ; si tu y vas, tu ne seras plus notre enfant ! »
La fillette se moqua de la défense de ses parents et alla quand même là-bas. Quand elle arriva chez Dame Trude, la vieille lui demanda :
- Pourquoi es-tu si pâle ?
- Oh ! dit-elle en tremblant de tout son corps, c'est que j'ai eu si peur de ce que j'ai vu.
- Et qu'est-ce que tu as vu ? demanda la vieille.
- J'ai vu sur votre seuil un homme noir, dit la fillette.
- C'était un charbonnier, dit la vieille.
- Après, j'ai vu un homme vert, dit la fillette.
- Un chasseur dans son uniforme, dit la vieille.
- Après, j'ai vu un homme tout rouge de sang.
- C'était un boucher, dit la vieille.
- Ah ! Dame Trude, dans mon épouvante, j'ai regardé par la fenêtre chez vous, mais je ne vous ai pas vue : j'ai vu le Diable en personne avec une tête de feu.
- Oh oh ! dit la vieille, ainsi tu as vu la sorcière dans toute sa splendeur ! Et cela, je l'attendais et je le désirais de toi depuis longtemps : maintenant tu vas me réjouir.
Elle transforma la fillette en une grosse bûche qu'elle jeta au feu, et quand la bûche fut bien prise et en train de flamber, Dame Trude s'assit devant et s'y chauffa délicieusement en disant : « Oh ! le bon feu, comme il flambe bien clair pour une fois ! »
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: momo15 le 30 Mai 2013 à 01:35:45
Il est six heures au clocher de l'église
Dans le square les fleurs poétisent
Une fille va sortir de la mairie
Comme chaque soir je l'attends
Elle me sourit
Il faudrait que je lui parle
A tout prix

Je lui dirai les mots bleus
Les mots qu'on dit avec les yeux
Parler me semble ridicule
Je m'élance et puis je recule
Devant une phrase inutile
Qui briserait l'instant fragile
D'une rencontre
D'une rencontre

Je lui dirai les mots bleus
Ceux qui rendent les gens heureux
Je l'appellerai sans la nommer
Je suis peut-être démodé
Le vent d'hiver souffle en avril
J'aime le silence immobile
D'une rencontre
D'une rencontre

Il n'y a plus d'horloge, plus de clocher
Dans le square les arbres sont couchés
Je reviens par le train de nuit
Sur le quai je la vois
Qui me sourit
Il faudra bien qu'elle comprenne
A tout prix

Je lui dirai les mots bleus
Les mots qu'on dit avec les yeux
Toutes les excuses que l'on donne
Sont comme les baisers que l'on vole
Il reste une rancœur subtile
Qui gâcherait l'instant fragile
De nos retrouvailles
De nos retrouvailles

Je lui dirai les mots bleus
Ceux qui rendent les gens heureux
Une histoire d'amour sans paroles
N'a plus besoin du protocole
Et tous les longs discours futiles
Terniraient quelque peu le style
De nos retrouvailles
De nos retrouvailles

Je lui dirai les mots bleus
les mots qu'on dit avec les yeux
Je lui dirai tous les mots bleus
Tous ceux qui rendent les gens heureux
Tous les mots bleus


[url]http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=LdfB8pM-qLw



j ai trouver j ai aimer je vouler partager avec toi bizz



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 30 Mai 2013 à 12:54:27
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Le Trésor

Le meunier était malheureux et lui-même n'aurait su dire pourquoi. Jamais personne ne l'avais vu sourire, ou entendu rire, puisque rien ne lui procurait de joie.

Et voilà maintenant qu'il se mettait à faire ce rêve étrange : il longeait vers le sud de la rivière où se tenait son moulin et, à trois jours de marche, il arrivait devant une ville entourée de remparts. Au coeur de cette ville, se dressait le palais du roi et pour y accéder, il fallait passer sur un pont. Le meunier rêvait qu'en creusant sous ce pont, il trouvait un trésor inestimable.

Un matin, il se réveilla après avoir fait le même songe. Il prit une pelle avec une besace contenant un peu de nourriture et ferma le moulin. L'homme marcha pendant trois jours et tandis qu'il cheminait, il s'imaginait tout ce qu'il pourrait faire grâce à ce trésor ; oh! comme il serait heureux!

A l'aube du troisième jour, il arriva devant la grande ville. Il trouva facilement le palais du roi et là, sous le mont qui y menait, à l'aide de sa pelle, se mit à creuser.

Le meunier fouillait la terre depuis une bonne heure, lorsque les gardes du palais le surprirent en pleine besogne. Ils s'emparèrent de lui et l'amenèrent devant leur capitaine.

- Nous avons trouvé cet homme en train de creuser devant le palais, lui dirent-ils, c'est un espion, sans aucun doute!

- Ah non, protesta le meunier, je ne suis pas un espion. Je cherchais un trésor caché sous le pont.

- Et pourquoi pensais-tu y découvrir un trésor? lui demanda le capitaine soupçonneux.

- Eh bien, répliqua le meunier un peu gêné, j'ai fait plusieurs fois un rêve et dans ce rêve, je déterrais un trésor enfoui sous ce pont.

Le capitaine partit d'un grand éclat de rire :

- Comment peux-tu être aussi bête pour suivre tes rêves? Si j'écoutais les miens, je marcherais vers le nord pendant trois jours en suivant la rivière et je trouverai un moulin. Il faudrait que je creuse au coeur de ce moulin pour trouver un trésor qui ferait de moi un homme immensément riche. Mais je ne suis pas fou!

Et il ordonna à ses gardes d'escorter l'homme aux portes de la ville et lui en interdit désormais l'accès. Le meunier, songeur, se hâta de retourner chez lui.

Là, il creusa au beau milieu de son moulin et déterra un petit coffre vermoulu. Il contenait seulement un vieux parchemin. En le déroulant, le meunier put y lire inscrit en lettres d'or :

"Ce qu'il y a de plus précieux au monde est à l'intérieur de toi."

Le meunier se mit à rire en comprenant le message. Il était allé bien loin chercher le trésor qu'il portait en lui depuis toujours.

Ce trésor était son coeur et tout le bonheur du monde y était contenu.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 01 Juin 2013 à 09:35:40
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L'Éternel Présent

« Quand on a le physique de l'emploi, on en a l'âme. »
MAUPASSANT

Parmi tous les phénomènes mystérieux qui existent dans l'univers, il en est un qu'on est à même de constater chez le petit brocanteur, situé rue des Miracles, qui mérite d'être notifié. À peine a-t-on franchi la porte de son arcade située au fond d'une impasse, que l'on se sent propulsé dans de multiples époques figurées par des meubles et des bibelots entassés dans cet espace restreint. Les objets paraissent contenir une foule d'informations sur des moments éclatés de l'histoire et sur les gens les ayant possédés. La vue de tant d'existences attestées par ces gages humains engourdit les sens.
En caressant d'anciens jouets restaurés bien des fois, on croirait entendre les rires des enfants les ayant manipulés. Un cheval de bois bascule imperceptiblement, comme animé par des forces invisibles ; de vieilles horloges paraissent indiquer l'heure qui leur convient ; de vieilles photographies témoignent des quartiers, des commerces, ainsi que des traditions d'une époque aujourd'hui révolue. On se doute de ce qu'il est advenu de cette famille posant pour un photographe, dont l'estampille située au dos de l'image indique une date ayant tout d'une épitaphe. Les tiroirs d'un vieux secrétaire, ayant peut-être appartenu à un notaire, renferment-ils de terribles secrets enfouis dans les tombes ? Le regard vitreux du petit chien empaillé et fixé sur un socle semble avoir cligné ; attend-il ses maîtres, hélas, aujourd'hui disparus, à qui il doit son drôle d'état ? Pareillement, une chouette vit les yeux grands ouverts, l'obscurité est pour elle permanente ; à la vue des pipes en écume de mer, alignées sur les rayonnages d'une vitrine, on pourrait encore percevoir les aspirations de grandes bouffées d'air mêlées de tabac de ceux qui s'en sont servis pour fumer ; en feuilletant les pages de vieux ouvrages empilés sur des étagères, on se laisserait facilement envahir par l'aura de ceux qui les ont écrites, il y a longtemps ; les particules de poussière, que l'on trouve jusque dans les moindres recoins, témoignent, elles aussi, d'un passé révolu.
Mais, le plus envoûtant, le plus vibrant de tous ces objets hétéroclites, ne serait-il pas celui qui arbore un visage humain ; tel l'autoportrait d'un peintre anonyme du dix-septième siècle suspendu sur le pan d'un mur ? Il s'agit de la représentation, à la fois idéaliste et réaliste d'un créateur en pleine possession de son art et de ses moyens ; celui-ci s'est lui-même représenté au centre du tableau, en pied, de trois quarts ; la pose qu'il prend suggère que le peintre a été, comme surprit, en pleine activité ; son geste est comme suspendu dans l'espace ; dans sa main droite il tient délicatement entre ses doigts longs et fins quelques pinceaux, de l'autre, il porte une palette couverte d'une boue arc-en-ciel. Le visage peint confère aux traits l'expression animée d'un individu qui s'apprête à dire quelque chose d'important. La toile inachevée au second plan, sur laquelle œuvre l'artiste, représente un paysage, dont le message paraît éternel ; les détails et le rendu de la matière apportent un relief à l'ensemble et en particulier au personnage dont on a le sentiment de pouvoir le toucher en avançant la main. On peut déceler dans le regard du peintre la vitalité de son esprit, ses yeux légèrement plissés, scrutateurs et fixes, ne laissent pas le spectateur indifférent pour ce qu'ils ont d'hypnotique.
Le brocanteur, qui n'est jamais loin, semble être l'une de ces présences fantomatiques qui hantent les lieux. L'aspect sec et presque momifié qu'il doit à son âge avancé accentue la troublante impression pouvant étreindre le spectateur réceptif. Lui, qui ne voit plus venir personne dans sa boutique, paraît s'être donné pour mission d'accompagner ces objets quelques années encore, avant qu'ils ne soient dispersés chez d'autres commerçants. Ce marchand, le dernier de sa génération, qui a une quantité invraisemblable d'enterrements à son actif, vit seul ; il n'a en vérité plus que tous ces vieux objets pour lui tenir compagnie. Ils semblent parler le même langage, un langage dont le brocanteur n'avait capté d'abord que des bribes, jusqu'à ce que la communication soit parfaitement établie entre eux ; l'homme ayant à son tour vieilli. Lui aussi allait payer son tribut à l'histoire, afin d'appartenir corps et âme au passé. Avec un peu d'imagination, on pourrait trouver entre le vieil homme et le portrait peint une certaine ressemblance pour le moins troublante ; il transparaît dans leur regard un semblable éclat, quoi qu'éteint, chez le vieil homme. Leur silhouette étant pour ainsi dire la même, on en viendrait à se demander s'il existe un lien de parenté qui relie ces deux êtres à quelques siècles d'intervalle ? Cette impression, - cette illusion fantastique - c'est bien sûr au peintre à qui il en revient tout le mérite ; ce dernier a tellement dû s'investir dans son œuvre, tellement y mettre de lui-même afin de parvenir à un résultat si criant de vérité, qu'on eût dit qu'il lui était possible, de s'extraire du tableau, de l'enjamber même ardemment, afin de s'intégrer au Présent.

William Wilson
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 02 Juin 2013 à 09:49:45
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Le collier de perle de pluie

Il était une fois une très belle princesse, du nom de Soraya. Elle était réputée pour son caractère capricieux. Son père, le Roi, aimait passionnément son unique enfant, et cherchait à satisfaire le moindre de ses désirs. Un jour, la princesse, qui s'ennuyait mortellement dans son palais, regarda distraitement la pluie tomber. Les gouttes de pluie brillaient sur le bord du balcon, et lui donnèrent une idée.
- Je veux un collier de perles de pluie, demanda-t-elle à son père.
Dans l'heure les orfèvres du royaume étaient convoqués.
- Il faut fabriquer le plus beau des colliers en perles de pluie, pour Soraya, ma fille.
Les orfèvres consternés, lui firent mille autres propositions. Soraya refusa rageusement. Le Roi eut alors l'idée de prononcer un édit, offrant mille diamants à celui qui serait capable de fabriquer ce collier. Un petit cordonnier du nom de Chaban ayant apprit la nouvelle, quitta immédiatement son village et marcha trois jours et trois nuits pour arriver au palais.
- Je peux fabriquer le collier de perles de pluie pour la princesse Soraya, annonça-t-il au Roi.
- Mais tu n'es qu'un simple cordonnier, comment feras-tu ?
- Cela me regarde, j'ai simplement une condition qu'il vous faut accepter, Ô! Roi, avant même que je commence.
- Ce que tu désires, dit le Roi, car rien n'est impossible s'il s'agit de satisfaire ma fille.
Soraya était folle de joie, c'est alors que Chaban demanda :
- Tout d'abord, je veux que la princesse enfile elle-même les perles de pluie et surtout que jamais la princesse Soraya ne porte ce collier.
- Mais pourquoi, ne devrais-je pas porter ce collier de perles de pluie ?
- Car toute personne portant un collier de perles de pluie, risque de disparaître à tous jamais dans le royaume de l'oubli. Son maître est très cruel envers des personnes qui oseraient porter ce collier de perles de pluie.
A ces mots, la princesse Soraya trembla de peur et se demanda quelle folie avait bien pu lui passer par la tête. Le cordonnier et la princesse Soraya, passèrent plusieurs de jours à confectionner ce fameux collier aux perles de pluie. Quand le collier fut enfin terminé, le cordonnier fit encore quelques dernières recommandations à la princesse Soraya.
- Surtout souvenez-vous bien de ce que je vous ai dit à propos de ce collier, il y a quelques jours. Ne le portez jamais car cette erreur de votre part pourrait vous être fatale.
C'est à ce moment-là, que le roi entra dans la pièce et dit au cordonnier:
- Voilà, la coutume veut, dans notre pays, que le jeune homme qui réussira à satisfaire la princesse, d'un rêve impossible que celle-ci en ait formulé le désir, deviendra Roi à la place de celui qui gouverne actuellement. Et c'est ce qu'il va se passer pour vous cher Chaban.
Une cérémonie eut lieu pour célébrer la victoire de Chaban simple cordonnier. Les jours et les nuits passèrent, et la princesse Soraya tomba amoureuse de Chaban. Un mois plus tard, la cérémonie du mariage de la princesse Soraya et du Roi Chaban eut lieu ; il dura pendant cinq jours et cinq nuits.
Mais un jour la princesse Soraya étant seule, alla chercher le collier de perles de pluie, qu'elle conservait dans un de ses nombreux coffrets bijoux. Elle voulait tellement ce si beau collier, qu'elle l'accrocha autour son cou, et aussitôt, elle fut entourée d'un nuage de fumée. Avant de disparaître, elle eut juste le temps de crier:
- Chaban, vient me sauver !
Et elle sombra dans le monde de l'oubli. Chaban se précipita dans la chambre de son épouse, et aperçu le coffret qui devait contenir le collier de perles de pluie, et il comprit aussitôt ce qu'il venait d'arriver à sa femme.
Il alla voir un très grand sorcier pour lui réclamer de l'aide.
Celui-ci lui répondit de sa voix tremblante :
- Voilà mon garçon, pour sauver la princesse Soraya, tu dois reconfectionner un collier de perle de pluie. Tu devras le mettre et toi-même tu seras projeté dans le monde de l'oubli. Une fois là-bas, tu devras combattre le maître des lieux.
- Ho merci, Grand sorcier, ton aide m'est toujours aussi précieuse à chaque fois que je viens te voir.
Le Roi Chaban alla donc confectionner un deuxième collier de perles de pluie. Il
se mit pendant plusieurs jours, à la construction du collier. Une fois celui-ci terminé, Chaban le mit et fut lui aussi à son tour entouré d'un nuage de fumée, et c'est ainsi que Chaban tomba dans le monde de l'oubli. Il trouva la princesse Soraya, mais juste à ce moment-là, le maître de ce monde mystérieux apparut et un combat s'engagea entre celui-ci et Chaban. Au bout de quelques heures, le Roi Chaban mit un terme à ce combat en portant un coup fatal au maître du royaume de l'oubli, qui mourut dans un dernier sursaut. Le maléfice fut rompu, et, le Roi Chaban et la princesse Soraya retournèrent chez eux. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup enfants.
Maintenant cette aventure terminée, la princesse Soraya put porter son collier de perles de pluie autant qu'elle le désira.

Virginie Fleuranceau
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 02 Juin 2013 à 10:22:14
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Le dragon

À une époque très éloignée de la nôtre, il y a bien, bien longtemps, dans un pays situé au-delà des montagnes qui bordent l'Arménie, vivait un roi.
Ce roi était très riche et très puissant. Il possédait une quantité incalculable d'or et d'argent, beaucoup de villes florissantes, une armée innombrable ; mais il n'avait pas d'enfant, et cela détruisait toute la joie qu'il aurait pu avoir de sa puissance et de ses trésors.
– Après moi, se disait-il, je ne laisserai point de postérité. À quoi bon être roi ?
Et nulle chose, dans sa vie, n'avait pour lui aucune douceur.

Un jour, il se promenait, seul et triste, dans un de ses jardins, lorsque, tout à coup, il aperçut un joli serpent qui, au milieu de sas petits, se chauffait au soleil. L'un des jeunes serpenteaux, pour jouer, s'enroulait au cou de sa mère ; un autre lui glissait sous le ventre ; un troisième lui plongeait sa tête dans la gueule ; un quatrième la léchait avec sa petite langue fourchue.
Dissimulé derrière un buisson, le roi contempla longtemps ce spectacle ; puis, en soupirant, il s'écria :
– Ainsi, même un serpent a de l'amour pour ses petits ! Il trouve sa joie à les caresser. Et moi, j'ai de l'amour plein le cœur, mais pour un enfant que je n'ai pas. Que n'ai-je au moins un petit serpent à chérir, et qui me consolerait !

Le roi avait dit ces paroles sans réflexion, et il n'y pensa plus ; mais à peine un an s'était-il écoulé, que la femme du roi mit au monde un petit serpent.
Dès que ce reptile fut né, il se mit à grandir, à grandir avec une effrayante rapidité ; en quelques instants, il devint un véritable dragon.
La reine et tous ceux qui l'entouraient, saisis de terreur, prirent la fuite. Le nouveau né, se voyant seul, commença à pleurer. Mais quelles horribles clameurs, que les plaintes de ce jeune dragon ! Elles s'élevèrent si haut que tout le monde, dans le palais, en trembla.
Personne n'osait annoncer au roi que sa femme avait mis au monde un serpent ; mais, lorsque les cris de son fils lui arrivèrent aux oreilles, il s'informa d'où venait ce bruit épouvantable. On fut bien obligé de lui dire la vérité.
Le roi se rappela ses imprudentes paroles, et, de regret, il se mordit les doigts. Puis il interrogea ses serviteurs.
– Quelle est, dit-il, la taille de ce dragon ? Est-il aussi grand qu'un homme ?
– Sire, lui répondit-on, il n'a pas encore la taille d'un homme ; mais il grandit si vite qu'il l'aura bientôt dépassée.
Le roi réfléchit un moment.
– Que décider ? dit-il. Ce qui est fait est fait ; serpent ou dragon, cet être est mon enfant. Il faut le garder et lui donner de la nourriture, pour qu'il ne meure pas.
On apporta au dragon toutes sortes d'aliments ; mais n'en voulu rien prendre et continua de pousser des plaintes effroyables.
Le roi fit venir tous les savants du royaume.
– Que faut-il faire manger au serpent ? leur demanda-t-il. Je ne veux pas qu'il meure.
– D'après ce que j'ai lu dans mes livres, répondit l'un des savants, un dragon de cette espèce ne peut manger que des jeunes filles.
Les autres confirmèrent au roi qu'il en était ainsi.
Malgré tout son désir de ne pas laisser mourir de faim son étrange fils, le roi, qui était juste et humain, jugea bien cruelle cette façon de le nourrir ; mais, pour éprouver les savants, il leur dit :
– Eh bien, je suivrai votre conseil. Commençons par la fille de celui qui a parlé le premier, et ce sera ensuite le tour des vôtres, à vous tous qui avaient approuvé ses paroles.
Alors les savants se troublèrent, et ils dirent au roi :
– Sire, nous sommes prêts à sacrifier nos filles pour assurer la vie de votre enfant ; mais, quand il les aura mangées, que ferez-vous ? Ne croyez pas que vous trouverez chez tous vos sujets le même dévouement et même dévouement et la même obéissance : quand vous en viendrez à demander au peuple ses filles, il se révoltera ; vous pouvez y perdre le trône et la vie. Envoyez plutôt des émissaires en d'autres royaumes, pour y enlever les filles et les amener ici.

Le roi n'approuva point cet avis ; mais il ne voulait pas non plus laisser périr le dragon. Sans dire une parole, il se retira, ne sachant pas ce qu'il devait faire. Comme le soir était venu, il se coucha, et, après une longue agitation, il finit par s'endormir.
Pendant son sommeil, une vielle femme lui apparut. Malgré son âge, elle était belle et douce à voir. Ses cheveux d'argent rayonnaient comme un métal en fusion et son visage, peu ridé, avait quelque chose de lumineux. Ce qui faisait reconnaître en elle une vieille femme, c'était, avec la blancheur de ses cheveux, son regard pensif, comme celui d'une personne qui a vu beaucoup de chose et qui a longuement réfléchi. Tout, en elle, respirait la bonté.
– Tu as bien fait, dit-elle au roi, de ne pas consentir dans ton cœur au sacrifice d'innocentes jeunes filles ; mais je viens te dire que tu peux, sans mal faire, suivre l'avis de tes conseillers. Toutes les jeunes filles enlevées au loin seront rendues à leurs familles, excepté une seule, sur laquelle je veillerai.
– Qui donc es-tu, répondit le roi, toi qui m'apportes ces rassurantes paroles ?
– Je suis Arévamaïr, la mère du Soleil.
En disant ces mots, elle rayonna d'un éclat splendide, dont le roi fut ébloui, et elle disparut.

À son réveil, plein de confiance et d'espoir, il se déclara prêt à suivre le conseil des savants. Il envoya donc des émissaires au-delà des montagnes qui bornaient son royaume, en leur ordonnant d'enlever une centaine de jeunes filles au pays arménien, et de les amener le plus promptement possible.

Laissons maintenant, pendant quelques jours, le roi attendant le retour des émissaires, la reine bien malheureuse, et le dragon affamé, refusant toujours la nourriture. Tantôt il se traînait, avec des gémissements terribles, dans la vaste pièce qu'on lui avait abandonnée ; tantôt il sommeillait lourdement, pour s'éveiller tout à coup et reprendre ses plaintes. Laissons-les tous les trois dans le palais avec les serviteurs tremblants ou affligés, et parlons d'un village arménien, proche des montagnes que les envoyés du roi allaient bientôt franchir.
Parmi les habitants de ce village, il y avait un homme, qui vivait avec sa femme et ses deux filles. Il s'était marié deux fois.
L'aînée des filles était née de la première union ; sa mère était morte depuis longtemps. La plus jeune était née du second mariage de son père. Cet homme aimait bien sa première fille, sans manquer d'affection pour la seconde ; mais la femme, dont le cœur était jaloux et méchant, n'aimait que sa fille à elle et détestait profondément la fille aînée de son époux. Le nom de celle-ci était Arévahate ; sa sœur se nommait Mauchi.
Arévahate était radieusement belle ; l'autre était noire et noueuse comme un prunellier. La mère haïssait Arévahate pour sa beauté et lui en voulait de la laideur de Mauchi, comme si elle en eut été la cause. Toute la journée, cette femme l'accablait de travail : elle lui faisait cuire le pain, nettoyer la vaisselle, traire la vache, porter d'énorme tas de foin. Elle espérait que le blanc visage de la jeune fille en serait noirci, que ses mains en deviendraient ridées, que sa taille étroite se courberait, et même que, perdant la force et la santé, la malheureuse se fanerait toute jeune encore. Mais Arévahate, au contraire, était de jour en jour plus forte et plus belle, tandis que Mauchi, qui vivait sans rien faire, comme une demoiselle, devenait de plus en plus maigre et laide.
Arévahate ne redoutait nullement l'ouvrage ; elle s'y donnait de tout son cœur et, même quand elle l'aurait pu, ne restait pas une minute sans rien faire. Aussitôt qu'elle avait terminé les travaux pénibles (c'étaient parfois ceux d'un homme), elle mettait à filer ou à tricoter. À la maison, elle faisait du fil de soie ; si elle allait chercher de l'eau à la source, elle emportait l'ouvrage commencé ; et, pour ne pas rester oisive en attendant son tour, au lieu de bavarder avec les autres, elle faisait tourner son fuseau.
Elle était habile en tout : elle savait cultiver la terre, construire un puits, tisser la toile, couper des étoffes, coudre, faire la cuisine, battre le beurre, mettre toutes choses en ordre. En un mot, c'était une fille qui n'avait pas sa pareille. Par malheur, elle était tombée entre les mains d'une belle-mère, cruelle qui trouvait mal fait tout ce qu'elle faisait, et qui, à chaque instant, imaginait quelque prétexte pour la jeter à terre, la frapper à coup de pied, lui arracher les cheveux, lui mettre en sang le nez et la bouche.
Ce qui faisait le plus de peine à la fille, c'était que sa marâtre trouvait le moyen de persuader son père qu'elle était obstinée et méchante. Elle ne pouvait pas se justifier : elle aurait voulu parler, mais les sanglots la suffoquaient, lorsqu'elle voyait son père ajouter foi aux paroles de la mauvaise femme.
Chaque fois qu'il l'avait grondée, elle se rendait au cimetière. Elle s'agenouillait sur la tombe de sa mère, versait des larmes, et s'en revenait le cœur plus tranquille. Quelquefois, elle posait la tête sur le tombeau chéri, s'endormait, voyait sa mère en rêve, et lui nouait ses bras autour du cou. Elle avait son refuge dans la tendresse maternelle, ainsi retrouvée pour un instant. Sa douce mère la consolait, lui disait de rester toujours bonne et de supporter ses chagrins avec courage, elle lui promettait la fin de ses peines. La jeune fille se sentait alors au cœur une force nouvelle ; elle se rassérénait, oubliait ses chagrins et continuait à fleurir comme une rose.
Elle faisait l'aumône de façon si gracieuse que le pauvre, en recevant d'elle la moindre chose, s'en réjouissait plus que d'une riche offrande ; et il lui souhaitait de longs jours sans tristesse. Tout être innocent était heureux de la voir. Les animaux domestiques en apercevant la marâtre lui témoignaient leur antipathie : le chien aboyait contre elle, le chat essayait de la griffer, la vache ne se laissait point traire par elle, le bœuf la regardait de travers, le cheval s'effarouchait, la chèvre et le mouton s'enfuyaient ; mais ces mêmes animaux, ces braves bêtes, voyant Arévahate, l'entouraient aussitôt, la caressaient, lui léchaient les mains, se poussaient l'un l'autre pour arriver jusqu'à elle. D'elle-même, la vache se posait de façon que la jeune fille pût la traire aisément. Lorsqu'elle allait chercher de l'eau, le chien la suivait pour la défendre au besoin ; il était toujours prêt à lui obéir.
...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 02 Juin 2013 à 10:24:00
Le dragon(suite et fin)
...
Or, le bruit se répandit dans le village et dans les environs que toute jeune fille allant seule aux champs disparaissait et ne revenait plus : un dragon, à ce que l'on disait, dévorait les filles du pays. Arévahate, toujours solitaire, ignorait ce danger ; mais sa belle-mère en fut informée et en ressentit un cruel plaisir.
– Je vais envoyer cette fille aux pâturages, se dit la méchante, et elle tombera dans la gueule du dragon.
Un jour donc, elle mit la vache et le mouton devant Arévahate et lui ordonna de les mener paître.
– Voici un pain pour ta journée, lui dit-elle, et une quenouille de laine : ne rentre qu'à la nuit, lorsque toute la laine sera filée.
La jeune fille poussa devant elle la vache et le mouton jusqu'à un endroit où l'herbe était haute et drue. Voyant qu'on n'y avait pas fait paître, elle s'assit par terre et se mit à son travail, tandis que les deux animaux se reposaient et broutaient. Le chien, qui m'avait suivie, resta auprès d'elle.
Un peu avant le couché du soleil, sa quenouille était filée, Arévahate se levait pour rentrer chez elle avec les bêtes, lorsqu'elle vit tout à coup une belle et douce vieille femme auprès d'elle. C'était celle-là même qui était apparue en songe au roi, père du serpent. Bien vite, la jeune fille se mit devant le chien, pour l'empêcher de mordre l'inconnue ; mais la vieille femme dit en souriant :
– N'aie pas peur, Arévahate : le chien ne me mordra pas. Il sent bien que je suis une amie. Vois-tu comme il remue joyeusement la queue ?
– Mais, dit la jeune fille, qui donc es-tu, mané (ce joli mot signifie en arménien : bonne vieille mère) ? Je ne t'ai jamais vue. Tu n'es pas de notre village ?
– Je ne suis d'aucun village, reprit la vieille femme ; je ne suis pas de ce monde-ci. Je suis la mère du Soleil ; c'est moi qu'on appelle Arévamaïr. Tes souffrances m'ont émue ; j'aime ton innocence et ta bonté. Agenouille-toi devant moi : je veux te bénir, pour que tu puisses accomplir tes souhaits.
Émerveillée de ces paroles, Arévahate regarde plus attentivement la vieille femme et voit qu'elle ne ressemble à aucune créature terrestre. De ses yeux s'échappent des rayons semblables à ceux du soleil, bien que ne blessant point la vue ; sa façon de parler est si douce, sa voix si mélodieuse, que la jeune fille croit entendre sa propre mère. Les vêtements d'Arévamaïr étincellent : ils semblent d'or fondu, et non d'étoffes cousues.
Arévahate s'était agenouillée devant la mère du Soleil : baissant la tête, elle voulait baiser le bas de sa robe ; mais la bonne vieille femme, soulevant la tête de la jeune fille, étendit ses mains sur elle et la bénit en disant :
– Que sous tes pas fleurissent les violettes ! Que ton sourire soit pareil à la rose ! que tes larmes ressemblent aux perles ! Que sur toi ne puissent mordre ni scorpion ni serpent ! Puissé-je voir la couronne sur ton front ! Que ta demeure soit un palais aux murailles d'or et d'argent, au plafond de pierres précieuses ! Je te bénis chère enfant, pour que tu sois à l'abri du malheur, et que pas un cheveu ne soit enlevé à ta tête !
Ayant ainsi parlé, Arévamaïr releva la jeune fille et l'embrassa.
– Que ce baiser, lui dit-elle, ajoute encore à ta beauté !
Puis elle lui donna un petit paquet dans lequel il y avait un vêtement ! Il était constellé de pierreries et si fin qui semblait être fait non pas en coton ni même en soie, mais des rayons du soleil.
– Ce vêtement, dit Arévamaïr, garde-le sur ton cœur jusqu'au jour de tes noces : ce jour-là, tu t'en habilleras. Reste pure et bonne, et ne crains rien. Moi, je m'en vais : mon fils m'attend.
En achevant ces mots, elle glissa comme un nuage d'or vers l'horizon, que le soleil venait d'atteindre, et elle disparut avec lui. Arévahate, stupéfaite de cette apparition, se demanda si elle venait de faire un songe ; mais dans son vêtement, sur sa poitrine, se trouvait le présent merveilleux de la vieille femme.
– Alors, pensa-t-elle, je ne rêve pas ; et sa tristesse devint joie, son cœur se desserra, son visage s'épanouit. Elle parla gaîment au chien, elle caressa la vache et le mouton, et, leur ayant ainsi fait part de sa joie, elle reprit avec eux le chemin du logis.
Elle marche, elle marche... Soudain, elle voit s'avancer vers elle un groupe de cavaliers en armes, dont les cuirasses brillent aux derniers rayons du couchant. Le chien, très inquiet, tourne autour de sa maîtresse et la regarde ; elle-même devine que ce ne sont point là de bonnes gens. Mais comment échapper à ces hommes, s'ils veulent s'emparer d'elle ? Elle a entendu dire que des bandits, parfois, saisissent les enfants, les jeunes filles et vont les vendre au loin comme esclaves : ils en tirent un bon prix, lorsque leur marchandise humaine est vigoureuse et belle. Afin de ne pas apparaître aux cavaliers comme une riche proie, Arévahate se barbouille le visage avec de la terre mouillée par une pluie récente. Puis elle chemine, courbée, auprès de la vache.
Hélas ! la précaution est vaine. En s'approchant, les cavaliers aperçoivent une fille très laide, à ce qu'ils pensent ; mais ils se disent entre eux :
– Belle ou laide, qu'importe ! Elle n'en ira pas moins dans le ventre du dragon.
Puis l'un d'eux crie à haute voix :
– Ô fille, n'essaie pas de t'enfuir ! Tu vas monter en croupe sur le cheval de l'un de nous : il faut que nous t'emmenions !
Arévahate s'arrête. Que faire ? Lutter est impossible ; et puis, si on l'emmène au loin, y sera-t-elle plus malheureuse que dans la maison de sa marâtre ?
Elle dit adieu au chien, elle l'embrasse ; puis elle baise entre les yeux la vache et le mouton. Et la voilà sur la croupe de l'un des chevaux. La vache se met à mugir, le mouton à bêler, tandis que s'éloigne leur chère maîtresse. Le chien la suit en gémissant ; il ne peut se décider à la quitter ; mais enfin, à bout de souffle... il s'arrête, tandis que les chevaux galopent et que la jeune fille lui envoie de la main un dernier salut.
Les trois animaux s'en retournent, bien tristes à la maison.
Les ravisseurs arrivèrent à un grand rocher, descendirent de leurs montures et, par un étroit passage, introduisirent Arévahate dans une grotte spacieuse, où il y avait déjà plus de quatre-vingts jeune filles enlevées aux abords des villages environnants. D'autres cavaliers les gardaient. Les malheureuses pleuraient à faire pitié. Cependant, elles n'osaient pas élever la voix : elles étouffaient leurs sanglots et murmuraient des paroles de désespoir.
Arévahate essaya de les réconforter. Si on les vendait dans le royaume voisin, ne pourraient-elles pas s'évader et rentrer dans leur pays ? Mais beaucoup d'entre elles savaient déjà qu'on les emmenait pour les donner en pâture au dragon, car la nouvelle s'en était répandue dans toute la contrée. Arévahate, qui l'ignorait, était préparée à tout. S'il lui fallait périr, elle voulait que ce fût avec courage. Cependant, elle n'oubliait pas les promesses de la bonne vieille femme qui lui était apparue, et elle espérait échapper à la mort.
Quelques autres jeunes filles ayant été amenées dans la grotte, on les fit toutes sortir. La nuit était venue, mais la pleine lune éclairait les sentiers. À travers les vallées et les montagnes, on emmena les captives vers le royaume voisin, chacune étant attachée sur un cheval, derrière un cavalier. Elles voyagèrent toute la nuit, puis une partie de la journée suivante, et enfin elle arrivèrent à la capitale du roi, père du serpent.
Tous les habitants de la ville accoururent pour les voir. Quelle surprise et quelle merveille ! Toutes ces Arméniennes étaient plus belles les unes que les autres. Ce fut une grande pitié, de penser qu'elles allaient devenir la proie du dragon.
Seule, Arévahate paraissait bien laide, avec sa face toute couverte de boue.

Le moment était venu, pour le roi, de donner ses ordres. Il ne put s'empêcher de frémir en pensant qu'une des jeunes filles allait être laissée, seule, avec le reptile, devenu énorme, et de plus en plus affamé. Mais il avait confiance, lui aussi, dans les paroles de la splendide apparition. Il ordonna de garder les jeunes filles dans une jolie maison voisine du palais, de les bien nourrir, et d'en emmener une au dragon.
Les gardiens chargés d'exécuter les ordres du roi auraient pu tirer au sort la première victime ; mais, peu soucieux d'être justes, ils choisirent Arévahate parce qu'ils la voyaient laide et parce que, seule, elle ne montrait aucune peur.
– Emmenons d'abord celle-là, se dirent-ils : elle viendra sans résistance, cela encouragera les autres.
Ils prirent donc Arévahate par le bras et la conduisirent vers le dragon. En chemin ils lui dirent :
– Nous allons te marier. Ton fiancé est le fils du roi ; tu vas être princesse.
Tout en parlant, ils étaient arrivés dans un beau jardin, attenant à l'appartement du dragon. Au milieu de ce jardin, il y avait un bassin d'eau limpide. Les gardiens voulaient ouvrir la porte de l'appartement pour y jeter la jeune fille ; mais elle leur dit :
– Puisque vous me conduisez chez le fils du roi, laissez-moi seule un instant, afin que je puisse me laver le visage et mettre en ordre mes vêtements. Je serais trop honteuse de me présenter ainsi.
Ils y consentirent et se retirèrent hors du jardin, dont ils gardèrent la porte, afin qu'elle ne pût s'échapper.

Restée seule, Arévahate se lava le visage et les mains, se coiffa avec goût et mis le vêtement donné par la bonne vieille femme.
Au bout d'un instant, ses gardiens revinrent. Quelle ne fut pas leur stupeur, en la voyant ainsi parée ! Il leur sembla voir l'aurore se lever au milieu du jour. Pas un ne voulait croire que cette radieuse enfant fût une créature terrestre. Ils pensèrent qu'elle était venue du ciel sous la forme d'une pauvre fille, laide et souffreteuse, et que maintenant elle leur apparaissait dans sa réalité.
Arévahate leur dit :
– Pourquoi restez-vous à me regarder fixement, la bouche ouverte, avec des figures si ébahies ? Conduisez-moi où je dois aller.
Alors, frémissant d'horreur à la pensée de ce qu'ils avaient voulu faire, ils tombèrent à genoux devant elle.
– Pardon ! pardon ! lui dirent-ils. Nous ne t'avons pas amenée ici pour te marier, mais pour te livrer au dragon qui habite cette chambre. C'est lui qui est le fils du roi. Pardonne-nous notre faute, et, si tu veux, nous te sauverons, dussions-nous être pendus pour cela !
Arévahate ne fut point troublée par la peur. Elle pensa qu'Arévamaïr, sa protectrice, avait quelque secret dessein sur elle, et qu'elle ne devait point s'enfuir. Elle reprit d'un ton ferme :
– Je ne veux pas vous exposer à la mort. Donnez-moi les clés de la porte et allez-vous-en : je ne crains pas le dragon.

Elle prend les clés, ouvre la porte, traverse un vestibule, qui était vide, pénètre dans un grand salon et aperçoit, étendu sur le divan, un dragon colossal. D'abord saisie et incapable de parler, elle reprend bientôt son courage, et, se tenant à quelle distance du reptile, elle lui dit :
– Je te salue, fils du roi ! Je viens à toi de la part d'Arévamaïr, mère du Soleil. Elle te souhaite le bonheur et une longue vie.
Le dragon lève la tête et regarde la jeune fille de ses yeux flamboyants. Elle frémit ; tout son corps tremble ; ses cheveux se dressent sur sa tête ; mais elle ne recule pas et reste les yeux fixés sur lui. Voyant que son regard la terrifie, il détourne sa tête et la rapproche des anneaux monstrueux de son corps. Pourtant, il se retourne encore vers elle et de nouveau la regarde ; plusieurs fois de suite, il répète ce mouvement, et, à chaque fois, elle frissonne. Cependant, elle se rappelle qu'Arévamaïr l'a bénie, afin que ses souhaits soient exaucés.
– Fils du roi, dit-elle, pourquoi me tourmenter ainsi ? Dévore-moi sans tarder, si tu veux faire de moi ta pâture. Mais, si tu as une âme humaine sous l'apparence d'un monstre, au nom d'Arévamaïr, je te l'ordonne, sors de ta chenille !

À peine ces paroles ont-elles été prononcées que le dragon se replie sur lui-même, s'arrondit, se tasse ; puis le voilà qui tremble, qui se tord, et tout d'un coup il éclate avec un tel fracas que tout le palais est ébranlé : le roi tressaille et saute à bas de son trône.
Des serviteurs accourent de toute part pour voir ce qui se passe, et que découvrent-ils ? La dépouille du dragon a été jetée sur le sol, comme l'enveloppe informe d'où vient de se dégager un libre papillon ; et un jeune homme au noble et beau visage apparaît, habillé de lin blanc, ayant auprès de lui une jeune fille rayonnante comme le soleil et vêtue de soie, d'or et de lumière. Tous deux se regardent en souriant.
Aussitôt informés de cet événement merveilleux, le roi et la reine, ivre de bonheur, accourent pour embrasser leur fils et Arévahate ; puis ils les marièrent joyeusement. Les noces furent célébrées pendant sept jours et sept nuits. Toutes les jeunes Arméniennes y assistèrent ; après quoi, chargées de présents, elles furent ramenées dans leur pays.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Juin 2013 à 09:23:26
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Le crocus des prairies.  (Légendes manitobaines)

Wappee était le fils du chef de la tribu des Pieds Noirs. Estimé de tous, il vivait paisiblement entouré des siens. N'ayant peur de rien, à l'abri des intempéries et des bêtes féroces dans le grand tipi, il grandissait en sagesse tout en suivant attentivement les enseignements de son père.

Quand Wappee eut douze ans, son père le fit venir.

« Mon fils, le temps est venu pour toi de devenir un homme. Un jour, si les Esprits le veulent, tu seras le chef. Pour cela, tu dois te montrer à la hauteur de ton peuple. Tu dois partir dans les collines. Tu reviendras dans cinq nuits. Alors, peut-être seras-tu devenu un homme libre, capable de conduire les tiens.»

Wappee quitta la tribu le soir même et se dirigea vers les montagnes. Il s'installa sur le sommet de la plus haute colline. Seul avec les étoiles, il se sentit libre, prêt à affronter tous les obstacles.

Au matin, Wappee se leva, le cœur léger. C'était une belle journée de printemps. La neige fondait lentement sous le chaud soleil.

Wappee s'assit et médita sur son avenir. Il devait attendre qu'un Esprit bienveillant lui montre, par le biais du rêve, le chemin qui le mènerait de l'enfance vers l'âge adulte. Mais le jour progressait et Wappee ne voyait toujours rien.

Aucune vision, ni âme qui vive, ne venait troubler le silence qui l'entourait. Très vite, la solitude et la peur s'emparèrent de lui.

Le soir venu, il s'allongea à nouveau dans l'espoir d'avoir une vision. Mais rien ne vint.

Le lendemain se passa en tous points comme la veille. La journée chaude étala les couleurs de l'aube jusqu'au crépuscule pour se fondre ensuite dans la pénombre de la nuit. Wappee ne bougea pas.

Il ne lui restait maintenant que trois nuits avant de retourner chez son père pour lui annoncer qu'il n'était pas devenu un homme, mais qu'il était un lâche.

Le Grand Esprit ne lui avait pas permis de faire le rêve. Plus le temps passait, plus Wappee ressentait la douleur de l'échec.

Le matin suivant, alors qu'il observait les couleurs du soleil levant, il aperçut une petite fleur aussi blanche que la neige, qui reposait à ses côtés.

La fleur ouvrait grand ses pétales pour y laisser entrer le soleil. Elle se balança lentement dans sa direction jusqu'à ce que son esprit troublé fut calmé par la vue des montagnes bleues et de l'herbe verte des prés.

Assis non loin de la fleur, Wappee observa les corbeaux et écouta le bruit du vent. Le jour baissait. La montagne devint rose, puis magenta. Bientôt le soleil disparut, laissant place à l'obscurité.

Mais cette fois, Wappee ne se sentait plus seul. Il avait maintenant une amie : 

«  Petite sœur, dit-il, toi si fragile, que fais-tu dans cet endroit froid et venteux? Je vais me coucher près de toi pour te réchauffer. Mais je ne veux pas t'écraser. »

Et pendant qu'une partie de son esprit se reposait l'autre partie veillait sur la petite fleur blanche.

Lorsque la nuit se prépara à rencontrer le jour, la fleur parla : 

«  Écoute, Wappee. Hier, tu étais triste car tu ne connaissais pas la peur. Celui qui ne connaît pas la peur est fragile. L'homme sage apprend à vivre avec elle. »

Le jeune indien, surpris, s'approcha de la fleur pour mieux l'entendre. Mais la fleur se tût, en se balançant au gré du vent.

Toute la journée, Wappee ne cessait de penser à ce que la fleur lui avait dit.

La nuit suivante, il protégea encore la petite fleur avec son manteau de fourrure. Puis, à l'aube, la fleur parla : 

«Tu as bon cœur, Wappee. Tu iras loin.»

Puis, elle se tût jusqu'à la nuit suivante. Au lever du jour, elle dit encore : 

«La sagesse et un coeur bon sont les qualités d'un grand chef. Si tu as des difficultés, reviens vers les collines, elles t'apporteront la paix et la chaleur.»

Puis Wappee s'endormit paisiblement. Son sommeil fut peuplé de visions : devenu chef de sa tribu, il la vit heureuse et prospère.

Il était maintenant temps pour Wappee de retourner vers les siens. Cependant, avant de partir, il dit à la fleur :

« Petite sœur, pendant trois nuits, tu m'as consolé de ma solitude, tu m'as aidé à avoir des visions. Demande-moi ce que tu veux et j'irai voir le Grand Esprit pour qu'il exauce tes vœux.»

La petite fleur répondit :

«Wappee, demande au Grand Esprit de m'habiller de bleu et de violet, comme les montagnes, afin que les hommes puissent me voir et me tenir en compagnie, un petit soleil doré que je garderai tout au fond de mon cœur pour me consoler les jours de pluie, un manteau chaud pour que je puisse faire face au vent froid qui souffle et à la neige qui fond. Ainsi, j'apporterai confort et espérance à tous les hommes.»

Le Grand Esprit, qui avait entendu cette conversation fut sincèrement touché par la bonté de Wappee envers la fleur aussi, répondit-il aux souhaits de ce dernier.

La petite fleur blanche devint alors bleue et violette avec au centre un cœur chaud et doré, enveloppé d'un manteau de verdure. Cette petite fleur s'appelle le crocus des prairies.

Les hommes admirent sa force et sa fragilité, ses couleurs et sa chaleur. Elle est aujourd'hui l'emblème floral du Manitoba.



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Juin 2013 à 09:47:02
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La naissance des Sioux

A l'aube des temps, dans les grandes plaines, les esprits avaient crée la terre, l'herbe, le bison le loup, l'aigle et bien d’autres choses, mais ils n'avaient pas crée les Sioux.

Les grandes plaines étaient calmes, les animaux heureux, les esprits tranquilles. Mais Kawasma, l'Esprit Rêveur, trouvait ce monde ennuyeux.

Il se mit alors à rêver et il rêva de créatures qui marchaient sur deux pattes, qui avaient de longs cheveux noirs et qui n'étaient pas comme tous les autres animaux.

Ils portaient, comme les esprits, des vêtements de peau, ils habitaient dans de grands nids qu'ils construisaient et qu'ils appelaient des tipis.

Certains d'entrent eux parlaient la langue des esprits et les autres parlaient un le langue compliquée, très différente de celle des animaux.

Mais surtout, ces créatures aimaient rêver et faire de grandes fêtes.

Kawasma cessa de rêver et se dit qu'il fallait qu'il crée ces êtres.

Il prit une poignée de terre, de la peinture noire, des peaux et de longues herbes. Il façonna la terre et fit un corps.

Il mit sur la tête de cette créature l'herbe qu'il peignit ensuite en noir. Il peignit aussi les yeux.

Il fabriqua des habits avec les peaux et vêtit la créature.

Il la posa devant lui, et satisfait, la contempla quelques secondes avant de dire : «dans mon rêve, il y avait une créature qui ressemblait à celle-ci, mais pas tout à fait».

Il prit alors le reste de terre et créa un corps plus beau, aux traits plus fins.

Il lui mit de longs cheveux qu'il tressa et l'habilla dune longue et somptueuse tunique.

Enfin, il lui peignit les yeux. Il la posa à coté de l'autre créature et dit : « Voilà, c'est exactement comme dans mon rêve ».

Puis, il décida que l'homme et la femme naîtraient au crépuscule.

Ce fut ainsi que l'homme et la femme furent crées.

Dans les grandes plaines, l'aigle planait dans le soleil couchant et l'eau de la rivière s’agitait. Les animaux s’affolaient et se dispersaient.

Lorsque le soleil toucha l'horizon, il se fendit et l'homme en sortit.

Il s'approcha de la rivière. De l'eau qui ondulait sortit la femme comme un rayon de lumière et de beauté et elle rejoignit l'homme.

Ne venant de nulle part, une voix dit alors :

« Je suis Kawasma, l'Esprit Rêveur. C’est moi qui vous ai crées. Vous êtes les premiers Sioux. Toi, l'homme, à présent tu t’appelles Sobandko-Thai-Hi, « Fils du Soleil » et toi, femme, tu t'appelles  Shaina  Rayon de soleil ».

Merci de nous avoir donné la vie, Esprit, dit Sobandko-Tha-Hi.

Que veux-tu en échange ?

Je voudrai que vous fassiez à chaque neige, une grande fête pour rappeler ce jour solennel, qui est celui de votre naissance. Je voudrais aussi que vous n'oubliez pas de rêver et que vous respectiez la nature, que vous viviez en harmonie avec elle.

Moi, Shaina , je veillerai à ce que cela soit respecté.

Le lendemain, Sobandko-Tha-Hi et Shaina construisirent un tipi, allèrent à la chasse, firent à manger et rêvèrent.

Dans les grandes plaines, l'aigle planait dans le soleil couchant.

Sobandko-Tha-Hi et Shaina regardèrent le ciel et dirent :

« La vie est merveilleuse, Kawasma. Merci. »

Depuis ce jour, dans les grandes plaines l'aigle a plané souvent dans le soleil couchant. A chaque neige, les Sioux font une grande fête en l'honneur de Kawasma.

Du haut des cieux, l'Esprit rêveur les contemple en souriant.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Juin 2013 à 08:59:23
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Le champ de pierres de Pierre

Notre ami Pierre possédait deux grands champs. Mais, faute de temps et de bras, il ne cultivait qu'un seul de ses champs. De plus, le second champ était recouvert de pierres. Chaque jour, il regardait ses champs et chaque jour, les forces lui manquaient pour commencer à retirer ces pierres.

Un matin, cependant, le courage le prit, il regarda sa femme et lui dit: « Et bien aujourd'hui, la Marie, c'est le bon jour! J'ai décidé qu'on allait s'occuper de notre champ de pierres! »

La Marie, toute étonnée: « D'accord... Oui...pourquoi pas?! »

Voilà donc nos deux amis partis retirer toutes les pierres de leur champ. Mais, au bout de quelques heures, les bras se firent lourds et leurs forces commençaient à disparaître. Surtout quand ils prirent la peine de lever la tête et de voir que le nombre de pierres qu'ils avaient posé sur le bord du champ était ridicule!

« Eh bien, la Marie, je crois que ce n'est pas encore aujourd'hui que nous allons pouvoir nettoyer tout ce champ. »

Mais, ce que Pierre et Marie n'avaient pas vu, c'était qu'une colonie de Korrigans passait dans le fond du champ.

Remarquez, ce n'est pas étonnant car si vous aviez déjà vu un korrigan, vous sauriez qu'un korrigan est haut comme trois pommes. Et du haut du champ, il est difficile de les voir!

Donc, une colonie de korrigans passait par là.

Ah oui, il faut aussi que je vous explique ce que c'est une colonie de korrigans .
Imaginez cinq cent korrigans hauts comme trois pommes (car c'est leur taille! ) avancer les uns derrière les autres en file indienne!

Voilà ce qu'est une colonie de korrigans ! Et encore, j'en ai vu des plus grandes encore. Mais là, n'est pas le sujet.

Une colonie de korrigans passait donc par là. Et le chef des korrigans qui était en tête, surprit la conversation de Pierre et de sa Marie, et eut envie de les aider. Mais comment arrêter une colonie de cinq cents korrigans d'un seul coup ! Sans que l'on assiste à un cascade de dominos... euh non, de korrigans!

Et bien voilà, il y a le Code ! Quel code me direz-vous ? Eh bien, le Code de conduite de colonie de korrigans, que chaque korrigan doit connaître sur le bout des doigts !

Alors voilà, on se parle par signes.

Le chef des korrigans lève la main droite, ce qui signifie : STOP. Le deuxième fait le même signe, suivi du troisième, du quatrième et ainsi de suite jusqu'au dernier.

Le chef des korrigans saute en faisant un demi-tour sur lui-même et commence à enchainer tout un tas de petits gestes pour expliquer son idée d'aider Pierre. Le deuxième Korrigan se retourne lui aussi et passe le message au troisième qui le passe au quatrième, et ainsi de suite jusqu'au dernier.

Si tous les korrigans sont d'accord, il leurs suffit de lever la main gauche. Ce que firent bien sûr, tous nos amis korrigans.
Et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, nos cinq cent korrigans formèrent d'immenses chaines et commencèrent à se passer les pierres de mains en mains.

Quelle ne fut pas la surprise de Pierre et de Marie de voir se vider en un clin d'oeil leur champ de ses pierres!!! Surtout quand on on voit pas ceux qui vident le champ!
Quand tout fut fini, le chef des korrigans vint se poster devant Pierre et Marie, et les salua bien bas, geste aussitôt repris par tous les korrigans.

Pierre leur rendit leur salut, se redressa et se gratta la tête: « On ne peut pas vous laisser partir comme ça! Vous avez trop bien travailler et vous devez être affamés. Marie, il va falloir restaurer tous ces petits! Allez, suivez-nous! »
Ainsi, toute une colonie de cinq cents korrigans se mit à suivre notre Pierre et notre Marie, jusqu'à leur modeste demeure.

» Mais, dit la Marie, comment vais-je pouvoir faire pour nourrir tout ce petit monde? Je ne vais jamais avoir le temps de couper tous mes légumes avant l'heure du souper! »
Le chef des korrigans se tourna vers ses compagnons et après une série de gestes incompréhensibles pour Pierre et Marie, les cinq cents korrigans firent plusieurs colonnes.

Marie comprit de suite. Et à chaque colonne fut fourni couteaux et tas de légumes à épelucher. Et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, tous les légumes qui composent la soupe de Marie, furent prêts.
Marie mit chauffer de l'eau dans sa plus grosse marmitte. Elle y mis ses pommes de terre, ses carottes, ses navets, ses pois de... Ah c'est vrai la soupe de Marie, c'est un secret! Si vous saviez comme elle est bonne, la soupe de la Marie!
Une fois que la soupe fut prête, les korrigans s'alignèrent tous et sortirent de leur poche une écuelle et une cuillère en bois. Car tout bon korrigan qui se respecte, ne sort jamais sans son écuelle et sa cuillère de bois!

Marie se mit à servir tous nos amis qui ne laissèrent pas une goutte dans leur écuelle. Une fois tout ce petit monde repu, les korrigans reprirent le chemin de leur demeure.
Pierre et Marie étaient très heureux et décidèrent que dés demain, ils se mettraient au travail dans leur nouveau champ.

A leur retour chez eux, les korrigans étaient épuisés de cette longue journée de travail. Et quand leurs épouses korrigans les appellèrent pour se mettre à table avec toute la petite famille, quelle ne fut pas leur surprise quand leurs gourmands de maris leur répondirent qu'ils avaient déjà manger et qu'ils étaient fatigués !!!
Ces mesdames korrigans ne dirent rien mais furent très véxées!

Le lendemain, Pierre et Marie arrivèrent dans leur nouveau champ, les bras remplis de bèche pour retourner la terre et de graines à planter.
Mais voilà, ils ne s'étaient jamais rendu compte à quel point leur champ était grand!

« Oh là là, la Marie, comment allons nous pouvoir, en une journée, retourner la terre, semer et aller s'occuper de l'autre champ! »
Avant même d'avoir commencer, nos amis manquaient de courage!

Mais qui passait par là? Notre colonie de korrigans! Et comme la veille, notre chef korrigan leva la main droite, ce que fit également le deuxième korrigan, puis le troisième et ainsi de suite jusqu'au dernier!
Tous levèrent la main gauche en signe d'accord et tous partirent se mettre au travail. Et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, le champ de Pierre fut retourner et les graines semer.

De nouveau, Pierre et Marie assistèrent ébahis au spectacle.Tout comme la veille, Pierre décida de récompenser ses nouveaux. Et tout comme la veille, les korrignas se divisèrent en plusieurs colonnes pour aider Marie à préparer sa délicieuse soupe.

Marie mit de nouveau dans sa grosse marmitte, ses pommes de terre, ses carottes, ses navets, ses pois chiches, ses haricots verts... Ah mais pour le reste, c'est un secret!
De nouveau, elle servit nos amis dans leur écuelle en bois, puis rentrèrent chez eux une fois repu. Et une fois de plus, refusèrent de venir manger quand leurs épouses les conviaient à table.

Le lendemain, ça parlait beaucoup entre femmes de Korrigans : »Toi, non plus, il n'a pas souper!!! », « Je ne vois pas ce que ma soupe avait, elle était comme d'habitude!!! », « Il doit être malade!!! », ... et encore bien d'autres choses.
Les saisons passèrent et vint le temps de la récolte. Comme les fois précedentes, les korrigans étaient là pour aider notre ami Pierre. Et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, tous les légumes furent ramassés.

Comme de coutume, maintenant, Marie prépara sa bonne soupe secrète. (Ah, je ne me ferait pas avoir cette fois, je ne vous donnerais pas un ingrédients de plus!)Et tous les korrigans purent manger la bonne soupe.
De retour chez eux, aucun ne mangea et là, c'en était trop pour mesdames Korrigans! Et un grand cri de colère sortit presque à l'unisson du village Korrigan : »Qu'est-ce qu'elle a ma soupe ?? ? »
Tous les korrigans du village durent avouer à leurs femmes la raison de leur manque d'apétit.L'hiver arriva. Tout était calme dans le village des Korrigans. Plus de travail dans les champs, donc plus de bonne soupe secrète de Marie.

Quand revint le printemps, notre colonie de korrigans reprit le chemin du champ de Pierre. Et là, quel ne fut pas leur surprise de voir le champ abandonné. Les jours passaient et toujours pas de Pierre et Marie dans leur champ!!!
La nouvelle commençait à se répendre dans le village Korrigan. Mais que se passe-t-il?
Il fallait savoir. La colonie de Korrigans prit le chemin de la maison de Pierre et Marie. Rien ne bougeait. Les korrigans devaient savoir ce qui se passaient. Il formèrent alors une immense colonne pour essayer de voir par la fen^tre de la maison et là, quel ne fût pas leur surprise de voir Pierre allonger dans son lit et Marie qui pleurait à côté.

Ainsi Pierre était malade! Il fallait faire quelque chose. Tous les korrigans de Bretagne se passèrent le mot. Il fallait trouver un remède puisque les médecins humains ne trouvent pas!!! Les sorciers korrigans firent la queue devant la maison de Pierre pour tenter de le soigner. Les uns après les autres, ils lui administrèrent leur breuvage.
Mais, rien. Rien ne pouvait guérir Pierre. Et un jour, il arriva ce qu'il devait arriver. Pierre mourut. Et les korrigans furent inconsollables. Tous se mirent à pleurer. Ils pleurèrent toute la nuit. Des millions et des millions de korrigans de toute la Bretagne versèrent des larmes qui se transformèrent en rivière, puis en fleuve, puis en lacs. Voilà, comment en une nuit, les rivières, fleuves et lacs de Bretagne apparurent.

Certains vous diront que ces rivières, fleuves et lacs sont là depuis des milliers d'années. Mais, je vous le dis de source korrigane, regardez cette eau et sachez que ce sont des larmes de korrigans pour leur grand ami Pierre.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 05 Juin 2013 à 10:44:23
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Patoche

Notre ami Patoche, c'est un diminutif de Patrick car en Bretagne, quand on les aime beaucoup les Patricks, on les appelle Patoche...
Enfin, notre ami Patoche passait par la Lande désertique pour rentrer chez lui après une longue et épuisante journée de travail dans les carrières en cet hiver.

Au détour d'un chemin, il fit la rencontre d'une vieille femme vêtue de haillons et recroquevillée sur elle-même.
N'écoutant que son bon coeur, il lui dit: « Bonjour madame, que faites-vous seule par ici? »

Pas de réponse...

Patoche continua: »Il va faire très froid cette nuit, il faudrait penser à rentrer! »

Toujours pas de réponse... Notre ami Patoche, c'est pas qu'il était peureux mais il en avait entendu des histoires sur les sorcières du coin et il ne savait pas qui était cette personne! Tout de même, il n'allait pas la laisser là toute seule...

« Bon, eh ben, je peux faire un bout de chemin avec vous si vous voulez? », dit Patoche

Silence...

« Je m'en vais retourner chez moi », finit-il par dire.

Mais alors qu'il commença à prendre le chemin du retour, la vieille femme se mit à le suivre. Patoche, toujours pas rassuré, accéléra le pas, et elle l'accéléra aussi. Tant et si bien que Patoche n'était jamais rentré aussi rapidement chez lui.

Arrivé sur le pas de la porte, il ne pouvait pas faire autrement que de l'inviter à entrer.

« C'est ma maison! » dit-il comme pour se donner de la force et montrer qu'il n'avait pas peur!
A peine était-il rentrer, qu'elle aussi!

« Elle n'est pas bien grande mais elle est assez confortable... »
Elle ne prononça pas un mot mais alla s'assoir sur une chaise qui se trouvait au bout de la table.

Patoche en déduisit qu'il allait devoir partager son maigre souper mais bon, il vallait mieux éviter de prendre des risques si c'était une sorcière!!!
Il sortit donc deux écuelles, ce qui ne lui arrivait que très rarement, deux verres et mit à chauffer sa modeste soupe sur le feu. Il en versa une moitié dans chaque écuelle, partagea le reste de son vin et coupa en deux le maigre morceau de pain dur de trois jours.

Faut dire qu'il n'était pas très fortuné notre Patoche!
La nuit tomba très vite et Patoche était exténué après sa journée et il se levait tôt. »Je ne voudrais pas vous presser mais demain je me lève tôt car je travaille à la carrière et... »
Mais la vieille ne semblait pas vouloir prendre congé.

Patoche finit par sortir une couvertue de sa malle et proposa à la vieille femme de dormir sur son banc en bois.
Elle ne parut pas refuser. Sans un mot, sans un regard, elle prit la couverture et alla se coucher sur le banc.
Patoche, toujours pas rassurer, alla tout de même se coucher mais ne dormit pas à poings fermés de peur qu'elle n'utilise quelques sortillèges.

La nuit passa. Patoche se leva en espérant que tout cela n'était qu'un rêve, mais non, à son levé, elle était là, assise à table en train d'attendre le petit déjeuner.

« Bonjour » dit Patoche mais comme il s'en doutait , il n'y eut pas de réponse.

Il sortit deux bols, mit chauffer le petit déjeuner, partagea l'ensemble et se prépara pour aller travailler.

L'heure du départ approchait et Patoche se demandait comment il allait pouvoir la faire sortir sans qu'elle ne le prenne mal!

« Il va falloir que j'y aille, le travail m'attend! »
Elle se leva , Patoche ouvrit la porte avec un grand soulagement quand il vit qu'elle prenait la direction de la sortie.
Arrivée sur le pas de la porte, elle se retourna: « Tu as été bien bon avec moi hier soir! »
Patoche n'en croyait pas ses yeux et surtout ses oreilles!

« Eh bien, ne sois pas si surpris! Je disais que tu avais été bon avec moi et par conséquent, je veux te récompenser! Acceptes-tu?

- Ouououououi, dit Patoche avec hésitation.

- Bien, alors rendez-vous ce soir à 19h00 à la Roche Percée! Et sois à l'heure, je ne supporte pas les personnes en retard!!!

Et sur ces mots, elle partit. Patoche, encore sous le coup des paroles, se secoua et prit le chemin de son labeur.

Toute la journée, il pensa à ce rendez-vous mais il se dit que c'était une farce et qu'une femme pauvre comme elle, n'a rien à donner en récompense.

La journée passa très vite. Quand vint l'heure de son rendez-vous, Patoche prit la direction de la Roche Percée sans être sûr de voir cette vieille dame au lieu dit.
Quand vint le 1er coup de cloche, Patoche était à l'endroit précis. Personne... Au 7ième coup, une magnifique jeune femme vêtue d'une somptueuse robe rouge apparue. Elle s'approcha de Patoche et s'adressa à lui: « Alors, Patoche, la journée n'a pas été trop dure? »

- Excusez-moi mais, on se connaît?

- Et bien, tu as la mémoire courte! Je suis la personne que tu as gentiment accueilli chez toi hier soir!

- Mais...
- Oui, je sais, mon apparence est quelque peu différente. Je suis la Reine des Korrigans. J'aime à me promener dans la lande sous cette apparence pour voir la réaction des gens à mon égard et j'ai été agréablement surprise de ton comportement. J'ai donc pris la décision de te récompenser.

Elle se tourna vers la Roche Percée et dans une langue que Patoche ne connaissait pas, elle prononça une incantation.

Si tôt qu'elle eut fini, la Roche pivota sur elle-même et découvrit un trou.

« Voilà, dans cette grotte, tu trouveras mille et unes merveilles. Prends ce que tu veux! Mais, le temps t'est compté, tu n'as que jusqu'à minuit pour prendre ce que tu veux. Tu m'as bien compris?

- Oui!

- Pas une minute de plus!!! Sinon, tu resteras prisonnier de la roche qui se refermera sur toi! Et sur ces mots, elle disparut. Patoche entra avec prudence dans la grotte. Le chemin était étroit. Il faut imaginer que c'est un passage pour Korrigan et Patoche n'était pas une demi-portion.

Il se faufilla tant bien que mal et après bien des efforts, il arriva dans une immense salle avec des montagnes de pierreries, de pièces d'or, de diamants, et de tant de merveilles que Patoche ne savait plus où donner de la tête!

Après avoir repris ses esprits, ce qui lui prit un bon quart d'heure, Patoche saisit des sacs de toile qui se trouva là et fourra tout ce qui lui passait à portée demain.
Tant de richesses!
Il en remplit un, puis un deuxième, un troisième, un quatrième, un cinquième,... c'est arrivé au Quinzième que Patoche marqua une pause, jugea d'un coup d'oeil tous les sacs et se dit qu'il n'allait pas pouvoir tout prendre, à moins de faire plusieurs aller-retour.

Il commença donc les aller-retour. Sur le chemin de la sortie, il vit d'autres passages auxquels il n'avait pas prêté attention lors de son entrée dns la grotte. Mais, ce qui attira le plus son attention, fut la lumière qui s'échappait de certains trous. Pris par sa curiosité, Patoche laissa là, deux sacs et décida de passer par un des tunnels très très étroits. Il tomba dans une nouvelle salle où cette fois-ci, ce n'était pas des trésors mais d'étranges petites créatures qui dansaient, mangeaient et chantaient. A la vue de Patoche, aucun ne prit la fuite mais ils le prirent par la main et l'emmena dans une danse effrenée.

Les heures passait mais Patoche ne s'en souciait pas. Il continuait à danser, à chanter, à boire et manger.

Quand soudain, le premier coup de minuit sonna. Dong!... Ce qui fit sortir Patoche de sa trance!

Dong!... Il prit la direction du tunnel en s'excusant rapidement auprès de ses hôtes.

Dong!... Le passage était très difficile à franchir...

Dong!... Il est vraiment trop étroit, surtout après un bon repas!
Dong!... La sortie du tunnel est proche!
Dong!... Ca y est , il voit la grande salle!
Dong!...Mais, ses fesses restent coincées!

Dong!... Il se contorsionne et arrive enfin à se dégager!
Dong!... Il saisit les deux sacs qu'il avait laisser là!
Dong!... Pris la direction de la sortie de la Roche...
Dong!...Et quand retentit le douzième coup de minuit...

Dong!...

Patoche réussit à sortir de la grotte avant que la Roche ne se referme sous ses yeux. C'était moins une!! Ouf, il pouvait souffler maintenant.

Mais, quand Patoche voulut reprendre ses sacs pour les amener chez lui, il se rendit compte que leur poids avait diminué. Et quel fut sa surprise quand il les ouvrit!
A la place des magnifiques trésors qu'il y avait entassé, il n'y avait plus que de la poussière!!!
Patoche était fou de rage! Comment avait-il pu faire confiance à un Korrigan!
On lui avait pourtant maintes fois dit que ces petits êtres là n'étaient que des farceurs! Il se décida le coeur gros à rentrer chez lui pour dormir un peu!

Au petit matin, quelqu'un frappa à sa porte!
Quand il ouvrit, il eut la surprise de voir la Reine des Korrigans, les poings sur les hanches et le visage empourpré de colère !
Patoche la fit entrer et retourna bouder près de sa tasse à café !!

Tu es comme tous les autres! Il a fallu que tu ailles voir ce qui se passait chez mon peuple!!! »
Patoche essaya de protester mais n'émis qu'un grognement : « gneugneugneu... »

- Je t'avais dit de prendre ce que tu voulais et de ressortir ! Mais je ne t'avais pas dit de visiter mon royaume! Mais non, ça fait son malin et ça n'écoute pas !!!

Devant la moue boudeuse de Patoche, la Reine céda.

«Bon, dit-elle, je tiens tout de même à te réconpenser! Voilà, c'est pour toi!! »

Elle tendit à Patoche un plat en bois. Patoche le prit, avec un timide merci, le posa sur la table et retourna bouder.

La Reine reprit: « Eh bien, tu ne t'en sert pas? Pose-le sur le feu! »

Du bois sur le feu, se dit Patoche, elle a perdu la tête!

« Eh bien, j'attend! » dit-elle.
Patoche se décida enfin à poser le plat sur le feu et là, à sa grande surprise, le plat se remplit d'un magnifique et énorme poulet accompagné de pommes de terre. Il n'en croyait pas ses yeux et avait beau les frotter, le poulet était vraiment là! Il retira le plat du feu, le vida et le remis sur le feu!
Et de nouveau le plat se remplit et cette fois, ce fut un splendide dessert qui apparut comme par magie!

Patoche ne savait que dire !

La Reine dit: « J'espère que mon cadeau te plait!
-Oui, c'est, c'est... La chose la plus magnifique que l'on m'est offerte !!!

- Alors adieu mon ami!!!

Et dans un nuage de poussière rouge, la Reine disparut.

Bien des années passèrent.. Et malgré les périodes de famines et de disette, notre ami Patoche n'eut jamais faim. Il rencontra une femme, se maria, eut des enfants. Et quand l'heure de sa mort sonna, Patoche réunit ses enfants, leur raconta cette histoire et leur dit: « Rien n'est plus précieux que ce plat et même si j'avais pu ramener tous les trésors de la grotte, ils n'auraient pas été aussi précieux que ce plat. »

Les descendants de Patoche ne manquèrent jamais de rien dans leurs assiettes.
Ils mangèrent toujours à leur faim. et si un jour, vous allez manger chez eux, comme je le fais souvent, vous verrez que les repas qu'ils vous servent, ont toujours un goût de magie.




Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Juin 2013 à 09:54:48
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QUENTIN et la MOUCHE

Il y a bien longtemps, dans la ville de Leuven, vivait un forgeron. Le brave homme avait un fils prénommé Quentin. Enfant, Quentin connaissait déjà les rudiments du métier de forgeron, et, devenu un jeune homme, il devint expert dans la confection de fers à cheval, d'épées, mais aussi d'objets qui relevaient du domaine de l'art. Son père se réjouissait de voir que Quentin prendrait facilement la relève. Quentin n'envisageait d'ailleurs pas d'autre avenir: il avait acquis une habileté manuelle peu commune, et, surtout, un grand amour pour la lumière hésitante des flammes. Quand sa journée de travail était terminée, il s'asseyait sur un banc, devant la forge de son père, et regardait passer les gens. Quentin aimait beaucoup les observer. Un jour, ses yeux se posèrent sur une jeune fille et ne purent plus s'en détacher tant elle était merveilleuse. Bien vite, son coeur ne battait plus que pour elle, à tel point qu'il se postait chaque jour sur le banc pour avoir le bonheur de la voir passer. Les jours où elle ne passait pas, Quentin était d'humeur triste et morose, il battait le fer avec rage. Mais quand il l'apercevait, son coeur était empli de joie et de bonne humeur. N'osant pas l'aborder, il décida de la suivre pour savoir où elle habitait. Son désespoir fut immense quand il apprit qu'elle était la fille d'un peintre célèbre de la ville: jamais il n'aurait les moyens d'épouser une riche héritière... Quentin se mit alors à dépérir...
Un jour pourtant, son tourment, sa rage aussi, étaient si grands qu'il décida de se faire engager chez le peintre célèbre en tant qu'ouvrier pour mélanger les couleurs: c'était le seul moyen de côtoyer Magdeleine, sa bien-aimée. Le père de Quentin trouva cette idée absurde:
- Cette Magdeleine n'est pas une fille pour toi, elle est d'ailleurs fiancée à un jeune peintre de talent qui travaille dans l'atelier de son père. Et puis tu as un bon métier, il y a des tas d'autres filles qui seraient prêtes à faire ton bonheur! Mais Quentin suivit son projet. Les conditions de travail étaient bien difficiles, mais ce n'était rien en échange de la voir, elle, chaque jour. De plus, il apprenait beaucoup: il observait son maître et ses apprentis travailler, et, bientôt, les lois de la perspective et la recherche de la lumière n'eurent plus de secrets pour lui. Pour s'exercer, Quentin dessinait sur les murs de sa chambre, le visage de Magdeleine...
Un jour, elle entra en pleurs dans l'atelier: elle avait surpris son fiancé en train d'en courtiser une autre. Ne parvenant pas à la consoler, son père décida finalement de renvoyer cet apprenti qui, pourtant, travaillait si bien. Dans ses sanglots, Magdeleine avait laissé tomber son mouchoir. Quentin s'empressa de le ramasser et fut récompensé par un sourire de la jeune fille qui lui réchauffa le coeur.
Une place d'apprenti était donc disponible. Quentin se proposa, argumentant qu'il avait eu déjà bien le temps d'observer l'art de peindre, et qu'il avait profité des conseils donnés aux apprentis par le maître. Il ajouta:
- J'aimerais beaucoup reproduire les ombres et les lumières que j'ai regardées tant de fois quand je travaillais dans la forge.
Mais le grand peintre refusa de " laisser gâcher ses belles toiles par un broyeur de couleurs ". Ne s'avouant pas vaincu malgré les nombreux refus qu'il essuyait chaque fois auprès de son maître, Quentin continua à s'exercer en cachette sur les murs de sa chambre.
Un jour, s'estimant prêt à montrer de quoi il était capable, Quentin se mit au travail dès l'aube. Il avait choisi de travailler sur le tableau préféré de son maître, celui qui représentait " l'Annonciation ". La Vierge peinte sur cette toile ressemblait d'ailleurs étrangement à Magdeleine. Alors que toute la maisonnée dormait encore, Quentin s'affaira pendant plusieurs heures devant ce tableau.
A peine entré dans l'atelier, son maître poussa de grands cris: une mouche s'était posée sur le nez de la Vierge Marie! Il essaya par tous les moyens de la faire s'envoler, mais rien n'y faisait: la mouche restait inébranlable. Alors, le grand peintre s'approcha de plus près... Quel ne fut pas son étonnement quand il se rendit compte que cette fameuse mouche n'était pas vivante, mais peinte avec une telle précision qu'on pensait pouvoir la prendre entre ses doigts! Sa colère n'en fut que plus grande:
- Qui a osé porter la main sur le tableau dont je suis le plus fier? J'exige que celui-là se dénonce immédiatement sous peine d'être chassé de la maison sur le champ!
Inutile de vous dire que Quentin n'en menait pas large... Il se dénonça pourtant:
- C'est moi maître, je l'avoue humblement. Il me fallait absolument prouver que j'étais moi aussi capable de reproduire le monde sur une toile. Maintenant, faites de moi ce que vous voudrez...
Le maître s'adoucit et, reconsidérant l'oeuvre, reconnut que Quentin avait largement prouvé son talent. Il prit donc le jeune homme comme apprenti tout en lui prédisant une brillante carrière de peintre.
Quentin était aux anges! Son bonheur fut parfait quand il s'aperçut qu'il avait déjà conquis le coeur de Magdeleine: la jeune fille avait été touchée par la ferveur et la douceur qu'elle avait lues dans le regard du serviteur, elle était déjà amoureuse de lui. Le maître peintre ne fit d'ailleurs aucunes difficultés à leur mariage: Quentin était en effet devenu son élève préféré.
Leurs noces furent donc célébrées avec faste. Quentin devint un peintre renommé et Magdeleine fut l'une des plus grandes admiratrices de ses oeuvres. Dans la bonne ville de Leuven, les gens disent qu'ils vécurent très heureux ensemble, et que s'ils ne sont pas morts, leur bonheur est encore parfait aujourd'hui...

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Juin 2013 à 12:42:08
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La jeune fille sans mains

Il était une fois, il y a quelques jours, à l'époque où la farine des villageois était écrasée à la meule de pierre, un meunier qui avait connu des temps difficiles. Il ne lui restait plus que cette grosse meule de pierre dans une remise et, derrière, un superbe pommier en fleur. Un jour, tandis qu'il allait dans la forêt couper du bois mort avec sa hache au tranchant d'argent, un curieux vieillard surgit de derrière un arbre. "A quoi bon te fatiguer à fendre du bois ? dit-il. Ecoute, si tu me donnes ce qu'il y a derrière ton moulin, je te ferai riche.
- Qu'y a-t-il, derrière mon moulin, sinon mon pommier en fleurs ? pensa le meunier. Il accepta donc le marché du vieil homme.
- Dans trois ans, je viendrai chercher mon bien, gloussa l'étranger, avant de disparaître en boitant derrière les arbres. "
Sur le sentier, en revenant, le meunier vit son épouse qui volait à sa rencontre, les cheveux défaits, le tablier en bataille. " Mon époux, mon époux, quand l'heure a sonné, une pendule magnifique a pris place sur le mur de notre maison, des chaises recouvertes de velours ont remplacé nos sièges rustiques, le garde-manger s'est mis à regorger de gibier et tous nos coffres, tous nos coffrets débordent. Je t'en prie, dis-moi ce qui est arrivé ? " Et, à ce moment encore, des bagues en or vinrent orner ses doigts tandis que sa chevelure était prise dans un cercle d'or. "Ah", dit le meunier, qui, avec une crainte mêlée de respect, vit alors son justaucorps devenir de satin et ses vieilles chaussures, aux talons si éculés qu'il marchait incliné en arrière, laisser la place à de fins souliers. "Eh bien, tout cela nous vient d'un étranger, parvint-il à balbutier. J'ai rencontré dans la forêt un homme étrange, vêtu d'un manteau sombre, qui m'a promis abondance de biens si je lui donnais ce qui est derrière le moulin. Que veux-tu, ma femme, nous pourrons bien planter un autre pommier...
- Oh, mon mari ! gémit l'épouse comme foudroyée. Cet homme au manteau sombre, c'était le Diable et derrière le moulin il y a bien le pommier, mais aussi notre fille, qui balaie la cour avec un balai de saule." Et les parents de rentrer chez eux d'un pas chancelant, répandant des larmes amères sur leurs beaux habits.

Pendant trois ans, leur fille resta sans prendre époux. Elle avait un caractère aussi doux que les premières pommes de printemps. Le jour où le diable vint la chercher, elle prit un bain, enfila une robe blanche et se plaça au milieu d'un cercle qu'elle avait tracé à la craie autour d'elle. Et quand le diable tendit la main pour s'emparer d'elle, une force invisible la repoussa à l'autre bout de la cour. "Elle ne doit plus se laver, hurla-t-il, sinon je ne peux l'approcher." les parents et la jeune fille furent terrifiés. Quelques semaines passèrent. La jeune fille ne se lavait plus et bientôt ses cheveux furent poisseux, ses ongles noirs, sa peau grise, ses vêtements raides de crasse. Chaque jour, elle ressemblait de plus en plus à une bête sauvage.

Alors le diable revint. La jeune fille se mit à pleurer. Ses larmes coulèrent tant et tant sur ses paumes et le long de ses bras que bientôt ses mains et ses bras furent parfaitement propres, immaculés. Fou de rage, le diable hurla : "Coupe-lui les mains, sinon je ne peux m'approcher d'elle !" Le père fut horrifié : "Tu veux que je tranche les mains de mon enfant ? - Tout ici mourra, rugit le Diable, tout, ta femme, toi, les champs aussi loin que porte son regard :" Le père fut si terrifié qu'il obéit. Implorant le pardon de sa fille, il se mit à aiguiser sa hache. Sa fille accepta son sort. "Je suis ton enfant, dit-elle, fais comme tu dois." Ainsi fit-il, et nul ne sait qui cria le plus fort, du père ou de son enfant. Et c'en fut fini de la vie qu'avait connue la jeune fille.

Quand le diable revint, la jeune fille avait tant pleuré que les moignons de ses bras étaient de nouveau propres et de nouveau, il se retrouva à l'autre bout de la cour quand il voulut se saisir d'elle. Il lança des jurons qui allumèrent de petits feux dans la forêt, puis disparut à jamais, car il n'avait plus de droits sur elle. Le père avait vieilli de cent ans, tout comme son épouse. Ils s'efforcèrent de faire aller, comme de vrais habitants de la forêt qu'ils étaient. Le vieux père proposa à sa fille de vivre dans un beau château, entourée pour la vie de richesses et de magnificence, mais elle répondit qu'elle serait mieux à sa place en mendiant désormais sa subsistance et en dépendant des autres pour vivre. Elle entoura donc ses bras d'une gaze propre et, à l'aube quitta la vie qu'elle avait connue. Elle marcha longtemps. Quand le soleil fut au zénith, la sueur traça des rigoles sur son visage maculé. Le vent la décoiffa jusqu'à ce que ses cheveux ressemblent à un amas de brindilles. Et au milieu de la nuit elle arriva devant un jardin royal où la lune faisait briller les fruits qui pendaient aux arbres. Une douve entourait le verger et elle ne put y pénétrer. Mais elle tomba à genoux car elle mourait de faim. Alors, un esprit vêtu de blanc apparut et toucha une des écluses de la douve, qui se vida. La jeune fille s'avança parmi les poiriers. Elle n'ignorait pas que chaque fruit, d'une forme parfaite, avait été compté et numéroté , et que le verger était gardé ; néanmoins, dans un craquement léger, une branche s'abaissa vers elle de façon à mettre à sa portée le joli fruit qui pendait à son extrémité. Elle posa les lèvres sur la peau dorée d'une poire et la mangea, debout dans la clarté lunaire, ses bras enveloppés de gaze, ses cheveux en désordre, la jeune fille sans mains pareille à une créature de boue. La scène n'avait pas échappé au jardinier, mais il n'intervint pas, car il savait qu'un esprit magique gardait la jeune fille. Quand celle-ci eut fini de manger cette seule poire, elle retraversa la douve et alla dormir dans le bois, à l'abri des arbres.

Le lendemain matin, le roi vint compter ses poires. Il s'aperçut qu'il en manquait une, mais il eut beau regarder partout, il ne put trouver le fruit. La jardinier expliqua : "La nuit dernière, deux esprits ont vidé la douve, sont entrés dans le jardin quand la lune a été haute et celui qui n'avait pas de mains, un esprit féminin, a mangé la poire qui s'était offerte à lui." Le roi dit qu'il monterait la garde la nuit suivante. Quand il fit sombre, il arriva avec son jardinier et son magicien, qui savait comment parler avec les esprits. Tous trois s'assirent sous un arbre et attendirent. A minuit, la jeune fille sortit de la forêt, flottant avec ses bras sans mains, ses vêtements sales en lambeaux, ses cheveux en désordre et son visage sur lequel la sueur avait tracé des rigoles, l'esprit vêtu de blanc à ses côtés. Ils pénétrèrent dans le verger de la même manière que la veille et de nouveau, un arbre mit une branche à la portée de la jeune fille en se penchant gracieusement vers elle et elle consomma à petits coups de dents le fruit qui penchait à son extrémité. Le magicien s'approcha d'eux, un peu mais pas trop. "Es-tu ou n'es-tu pas de ce monde ?" demanda-t-il. Et la jeune fille répondit : "J'ai été du monde et pourtant je ne suis pas de ce monde." Le roi interrogea le magicien : "Est-elle humaine ? Est-ce un esprit ?" le magicien répondit qu'elle était les deux à la fois.

Alors le cœur du roi bondit dans sa poitrine et il s'écria : "Je ne t'abandonnerai pas. A dater de ce jour, je veillerai sur toi." Dans son château, il fit faire, pour elle une paire de mains en argent, que l'on attacha à ses bras. Ainsi le roi épousa-t-il la jeune fille sans mains. Au bout de quelque temps, le roi dut partir guerroyer dans un lointain royaume et il demanda à sa mère de veiller sur sa jeune reine, car il l'aimait de tout cœur. "Si elle donne naissance à un enfant, envoyez-moi, tout de suite un message." La jeune reine donna naissance à un bel enfant.

La mère du roi envoya à son fils un messager pour lui apprendre la bonne nouvelle. Mais, en chemin, le messager se sentit fatigué, et, quand il approcha d'une rivière, le sommeil le gagna, si bien qu'il s'endormit au bord de l'eau. Le diable sortit de derrière un arbre et substitua au message un autre disant que la reine avait donné naissance à un enfant qui était mi-homme mi-chien. Horrifié, le roi envoya néanmoins un billet dans lequel il exprimait son amour pour la reine et toute son affection dans cette terrible épreuve. Le jeune messager parvint à nouveau au bord de la rivière et là, il se sentit lourd, comme s'il sortait d'un festin et il s'endormit bientôt. Là-dessus le diable fit son apparition et changea le message contre un autre qui disait : "Tuez la reine et son enfant." La vieille mère, bouleversée par l'ordre émis par son fils, envoya un messager pour avoir la confirmation. Et les messagers firent l'aller-retour. En arrivant au bord de la rivière, chacun d'eux était pris de sommeil et le Diable changeait les messages qui devenaient de plus en plus terribles, le dernier disant : "Gardez la langue et les yeux de la reine pour me prouver qu'elle a bien été tuée."

La vieille mère ne pouvait supporter de tuer la douce et jeune reine. Elle sacrifia donc une biche, prit sa langue et ses yeux et les tint en lieu sûr. Puis elle aida la jeune reine à attacher son enfant sur son sein, lui mit un voile et lui dit qu'elle devait fuir pour avoir la vie sauve. Les femmes pleurèrent ensemble et s'embrassèrent, puis se séparèrent. La jeune reine partit à l'aventure et bientôt elle arriva à une forêt qui était la plus grande, la plus vaste qu'elle avait jamais vue. Elle tenta désespérément d'y trouver un chemin. Vers le soir, l'esprit vêtu de blanc réapparut et la guida à une pauvre auberge tenue par de gentils habitants de la forêt. Une autre jeune fille vêtue d'une robe blanche, la fit entrer en l'appelant Majesté et déposa le petit enfant auprès d'elle. "Comme sais-tu que je suis reine ? demanda-t-elle.
- Nous les gens de la forêt sommes au courant de ces choses-là, ma reine. Maintenant, reposez-vous." La reine passa donc sept années à l'auberge, où elle mena une vie heureuse auprès de son enfant. Petit à petit, ses mains repoussèrent. Ce furent d'abord des mains d'un nourrisson, d'un rose nacré, puis des mains de petite fille et enfin des mains de femme.

Pendant ce temps, le roi revint de la guerre. Sa vieille mère l'accueillit en pleurant. "Pourquoi as-tu voulu que je tue deux innocents ?" demanda-t-elle en lui montrant les yeux et la langue ? En entendant la terrible histoire, le roi vacilla et pleura sans fin. Devant son chagrin, sa mère lui dit que c'étaient les yeux et la langue d'une biche, car elle avait fait partir la reine et son enfant dans la forêt. Le roi fit le vœu de rester sans boire et sans manger et de voyager jusqu'aux extrémités du ciel pour les retrouver. Il chercha pendant sept ans. Ses mains devinrent noires, sa barbe se fit brune comme de la mousse, ses yeux rougirent et se desséchèrent. Il ne mangeait ni ne buvait, mais une force plus puissante que lui l'aidait à vivre. A la fin, il parvint à l'auberge tenue par les gens de la forêt. La femme en blanc le fit entrer et il s'allongea, complètement épuisé. Elle lui posa un voile sur le visage. Il s'endormit et, tandis qu'il respirait profondément, le voile glissa petit à petit de son visage. Quand il s'éveilla une jolie femme et un bel enfant le contemplaient. "Je suis ton épouse et voici ton enfant." Le roi ne demandait qu'à la croire, mais il s'aperçut qu'elle avait des mains. "Mes labeurs et mes soins les ont fait repousser", dit la jeune femme. Alors la femme en blanc tira les mains en argent du coffre dans le quel elles étaient conservées. Le roi se leva étreignit son épouse et son enfant et, ce jour-là, la joie fut grande au cœur de la forêt. Tous les esprits et les habitants de l'auberge prirent part à un splendide festin. Par la suite, le roi, la reine et leur fils revinrent auprès de la vieille mère, se marièrent une seconde fois.

( des frères GRIMM)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Juin 2013 à 13:40:23
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Chaudoudoux ,petit conte sur l'alchimie des sentiments,

Le conteur dit : Un jeune enfant arrive un jour sur une place de village. Il se pose sur la margelle d'une fontaine et harangue la foule en ces termes :       « Je vends des histoires ! Achetez-moi une histoire ! Un sou la triste, deux sous la joyeuse ! » Mais, soudain tous le monde se prosterne à l'arrivés d'un carrosse. C'est Le-roi-de-son-pays qui s'arrête au bourg.
           
            Ce roi est tyrannique et, entre autres lois stupides oblige ses sujets à se prosterner devant lui.  Donc tous, sauf l'enfant conteur, s'exécutent. Le tyran, voyant cela entre en courroux. Fendant la foule, il invective le garnement et n'obtient pour toute réponse que : « Je vends des histoires ! Achetez-moi une histoire ! Un sou la triste, deux sous la joyeuse ! ».
            Le tyran stupéfait, argue de sa personne, de son rang l'obligeant à des activités sérieuses, etc... Mais l'enfant une fois encore rétorque : « Je vous croyais  le maitre en tout par ici. Ne l'êtes vous pas de votre temps.  Je vends des histoires ! Achetez-moi une histoire ! Un sou la triste, deux sous la joyeuse ! ». Le tyran relève le défit et répond qu'il achète une histoire, une courte, à un sou.
            Alors, l'enfant entame une histoire en tout point semblable à ce qui vient de se passer depuis que lui et Le-roi-de-son-pays arrivèrent sur la place de ce village. Concluant par : « ... le roi était un tyran, ça tout le monde le savait. Mais, ce que l'on apprit, c'est qu'en plus il était pingre, car il n'acheta qu'une courte histoire à un sou ! ».
            Devant l'effronterie, le monarque sourit. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait plus goûté le courage chez quelqu'un qu'il en fut séduit. L'on vit alors le tyran et l'enfant s'en aller main dans la main après que Le-roi-de-son-pays eut demandé à entendre une autre histoire, mais une longue et joyeuse ce coup.
           
             Rendu au pied d'un pommier l'enfant raconta l'a même histoire, en détail, expliquant la transformation d'un tyran en être sensible par le truchement d'un conte.
            Le roi avisant des pommes proposa à l'enfant d'en manger. Chacun en prit une et le roi en voyant une dernière sur l'arbre invita l'enfant à la partager. D'accord, répondit-il, mais pas comme tu le penses.
            Il prit la pomme dans ses mains. La fendit en deux parties égales et se concentrant dessus fit de telle  sorte que les deux parties s'envolèrent dans les airs. Une derrière eux, l'autre devant.
            L'enfant dit alors : Une moitié pour tous ceux qui, se succédant, ont raconté depuis le début des temps, une moitié pour ceux qui, se succédant,  raconterons jusqu'à la fin des temps.

  Voici pour les raconteurs d'histoires, de contes, de romans, de compositions littéraires, musicales et de toutes les formes de créations quelles qu'elles soient pour peu que leurs créateurs aient eu, aient et sachent garder à cœur cette petite idée : L'art est un souffle divin gonflant les âmes comme des voiles de navires pour nous porter vers les rivages de l'harmonie. Que la source bienveillante d'harmonieuse énergie d'amour qui préside à l'équilibre de ce monde vous fournisse éternellement en chaudoudoux * afin que vous sachiez toujours offrir à chaque occasion le meilleur de vous-même !

Claude Stiener


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 08 Juin 2013 à 08:39:18
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Le voyage de la Lune

La Lune ouvrit un œil, et bailla longuement. Le tintement des clochettes des étoiles l'avait tirée de son doux sommeil. Elle s'étira avec délectation dans ses draps de Soie Lactée, profitant de ces instants de repos. Puis elle se leva tranquillement, ouvrit son armoire et contempla sa garde robe. Il y avait 3 vêtements : un blanc, réservé aux jours de pleine Lune, et deux noirs, l'un pour sa phase montante, l'autre pour sa phase descendante. Chaque jour, elle agrémentait sa robe d'une pincée de poussière d'espace, et elle devenait plus lumineuse, ou plus sombre, suivant la saison... Mais elle n'avait jamais disparu du ciel... Elle enfila sa robe de croissance, prit son bâton de bergère, et sortit. Les étoiles se dispersaient déjà dans le ciel, et commençaient à brouter les bras de Galaxies, dont elles étaient friandes. Mais déjà une s'aventurait un peu trop loin. La Lune siffla doucement, et l'étoile revint aussitôt, obéissante...Elle tourna son regard vers la Terre. Boule de lumière, qu'elle éclairait d'une lueur blafarde... Elle aurait tant aimé la visiter... Mais son troupeau d'étoiles l'accaparait entièrement. Si l'une d'elle s'approchait trop près de la Terre, le sifflement doux et les bras blanc de la Lune la ramenaient bien vite... Mais la Lune avait trop envie de venir sur la Terre... Mais on remarquerait vite son absence... La nuit passa très vite, et l'aurore rouge poussa les étoiles à se cacher, et la Lune à rentrer chez elle. Comme elle en avait envie, de visiter cet endroit !! Tous les soirs, elle le regardait. Tous les soirs, il lui révélait un nouveau visage... Enfin, elle se décida. Elle allait visiter ce monde qui lui faisait tant envie... Elle passa toute la journée, enfermée chez elle, devant sa machine à coudre, décorant une pièce de tissu gigantesque. Elle voulait être la plus jolie pour aller là bas.... Le soir venu, la Lune ouvrit sa porte, et apparut dans toute la splendeur d'une robe d'un noir de jais. Elle jeta sur le troupeau d'étoiles ce qui lui restait de poussières d'espace, pour mieux les voir, et se rendit sur Terre.

C'était plus beau que tout ce qu'elle avait pu imaginer. Les rues illuminées, les villes animées...les campagnes vides, mais si agréables... Elle contemplait le monde. Mais personne ne faisait attention à elle. Tout le monde regardait le ciel, se demandant où elle était passée. Elle sourit, et dit : « La Lune contemple le monde, et le Monde est dans la lune. »
Depuis ce jour, la nuit revêt une fois par mois sa robe noire, et descend sur terre. Si vous croisez une femme au teint pâle, habillée d'une longe robe couleur de la nuit, ne l'abordez pas... Laissez la contempler les tableaux du monde...

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Juin 2013 à 08:30:08
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Conte du lutin troubadour

Il était une fois, un lutin prénommé Trémalin qui vivait dans une forêt enchantée où régnait fraîcheur, magie et imprévu. Il y exerçait le drôle de métier de troubadour.

Ainsi, Trémalin le lutin, parcourrait la forêt enchantée en dansant, chantant et racontant à tous ses habitants des histoires merveilleuses. Nombreux étaient les habitants de la forêt que notre petit lutin voulait faire rêver, mais son art n'était pas toujours bien accueilli. Parfois les autres lutins de la forêt étaient tellement pris par leurs occupations qu'ils oubliaient de rêver et de s'ouvrir à la magie d'une histoire.

Dans la forêt, les lutins sont chargés de l'entretien: faire jaunir les feuilles des arbres à l'automne, faire pousser les fleurs au printemps, parsemer les sous bois de rosée pour abreuver les plantes... C'est un travail minutieux et important dont les lutins s'occupent fort bien. Trémalin le troubadour, avait choisi, en plus de son travail auprès des plantes, de chanter, danser et faire passer des messages à travers son art.

Cette tâche n'était pas facile, beaucoup de petits lutins en avaient assez de l'entendre.
-Quel vacarme infernal, se disaient ils. Tu dois déranger les plantes et les animaux avec tout ce cirque, lui reprochaient-ils.
Beaucoup étaient désagréables avec lui et ne supportaient plus de le voir arriver.
-Oh! Encore une histoire à dormir debout, entendait-il.
Ou alors:
-Quelle musique agaçante, lui lançait-on.

Pourtant, c'était le meilleur conteur et le meilleur musicien de la forêt enchantée. Lorsqu'il passait, les plantes resplendissaient plus encore, les animaux s'émerveillaient, les arbres se redressaient. Sans le savoir, notre petit troubadour contribuait à un équilibre essentiel dans cette forêt: celui du merveilleux et du rêve.

Beaucoup des lutins qui le critiquaient avaient oublié l'existence même du rêve, de l'imprévisible et du fantastique. Ces derniers se contentaient de faire des tâches matérielles, de réaliser leur labeur sans ne s'émerveiller de rien. Il y avait d'ailleurs derrière le grand chêne, un club de lutins ronchons très actif. Ils aimaient se retrouver pour se plaindre à n'en plus finir. Sans s'en rendre compte, les lutins ronchons dépossédaient la forêt de ses propriétés magiques, à chaque complainte, une fleur fanait, ou un animal déprimait. Mais, la joie et la tendresse que mettait Trémalin dans son art, rétablissait vite l'équilibre et la forêt enchantée gardait tout son essor.

Après bien des discutions de la part des lutins ronchons à propos de la musique de Trémalin, l'un d'entre eux, Grobéta le costaud, décida qu'il était temps de passer à l'action. Il attrapa un grand sac et se mit à la recherche de Trémalin pour le capturer et l'expédier hors de la forêt.

Ce ne fut pas difficile pour Grobéta de trouver Trémalin, il suffisait juste de suivre la musique. Lorsque  Grobéta s'approcha, Trémalin était en train de donner la sérénade à une compagnie d'oiseaux. Les oiseaux virevoltaient autour de notre ami, c'était la fête et la joie dans la clairière. Grobéta s'approcha doucement de Trémalin pour le capturer. Les oiseaux tentèrent de l'avertir, mais en moins de temps qu'il faut pour le dire, Trémalin se retrouva enfermé dans le sac du lutin costaud.

Non loin de la forêt, se trouvait une caverne. Grobéta y déposa Trémalin et poussa une grosse pierre près de l'entrée, de telle sorte que Trémalin ne puisse plus en sortir. Satisfait de lui, il retourna œuvrer dans la forêt.
Trémalin, désormais coincé dans cette caverne, décida d'y pousser la chansonnette, d'y écrire des poèmes peut être l'entendrait-on et viendrait-on le délivrer?

Mais personne ne put entendre Trémalin. Beaucoup d'habitants se demandaient où il avait bien pu passer et se mirent à sa recherche. Grobéta le costaud se garda bien de révéler la cachette où il l'avait emmené.

Plusieurs jours passèrent et personne ne pu le trouver. La forêt enchantée, sans sa présence, devenait de plus en plus triste: les couleurs s'atténuaient, les fleurs fanaient, les animaux étaient tristes et même les lutins ronchons se sentaient encore plus déprimés.

Un comité d'urgence se réunit dans la forêt pour parler de la disparition de Trémalin:
- Regardez comme la forêt est triste sans lui, disait un lutin en parlant de Trémalin. Il faut faire quelque chose pour le retrouver car sans lui la forêt enchantée deviendra la forêt déprimée.

En attendant de retrouver Trémalin, une chorale de lutins s'improvisa pour pallier au manque de musique dans la forêt. De nombreux couacs et fausses notes s'élevèrent à travers bois et clairières, mais la musique eut pour effet d'attiser le moral des troupes et de redonner un peu de vigueur aux végétaux moribonds.

Un autre comité se réunit bientôt en secret, celui des lutins ronchons qui se plaignirent plus que jamais:
-Mes fleurs ne veulent plus pousser, dit l'un d'entre eux.
-Et moi, les feuilles des arbres se mettent à tomber alors que l'on est au printemps, répondit un autre.
-Ce n'est plus possible! Il faut le délivrer, finirent par dire les lutins ronchons tous en cœur.

C'est ainsi que Grobéta retourna à la caverne pour délivrer Trémalin. Il lui présenta milles excuses et lui expliqua que la forêt avait vraiment besoin de lui pour rester merveilleuse. A leur retour, les habitants de la forêt firent une ovation à Trémalin. Ils organisèrent un grand concert et un grand bal où Trémalin se fit une joie d'interpréter ses plus belles chansons.

Grâce à cet incident, les habitants avaient compris que le rêve et la magie étaient essentiels pour préserver l'équilibre de la forêt enchantée. Ils se mirent donc, en suivant l'exemple de Trémalin, à cultiver une nouvelle philosophie. Désormais, ils ouvriraient leur cœur et accepteraient de rêver, de dispenser un peu de bonheur autour d'eux et de voir tout ce qu'il y avait de merveilleux.

Ainsi la forêt fut chaque jour plus belle, et aujourd'hui encore est la plus resplendissante de toutes les forêts enchantées.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Juin 2013 à 08:51:44
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Hermeline

Voyez vous cette fumée étrange qui s'échappe du sous sol de la petite maisonnette voisine?

C'est une petite brume mauve violacée qui s'évapore doucement.

- Qu'est ce donc? Me direz vous.

- C'est le laboratoire secret de la sorcière , vous dirais-je alors.

La sorcière Hermeline évolue en secret parmi les habitants du village. En apparence, elle ressemble à une jeune femme normale, entre vingt et trente ans, une mine radieuse et un regard d'ange. En réalité elle a 120 ans et a trouvé depuis longtemps comment garder sa jeunesse grâce à la pureté de ses pensées. Sous son air angélique, se cache la sagesse d'une femme centenaire qui a vécu bien des choses et fait de nombreuses expériences.

Elle a décidé de garder l'anonymat et vivre une vie semblable à nous tous ici bas. Il faut dire, que de nos jours, les sorcières ne sont plus tellement à la mode. On les imagine le nez crochu, se déplaçant avec un balai et jetant des sorts malfaisants les soirs d' Halloween.

-Mais pas du tout! Dirait la sorcière Hermeline lorsqu'on lui décrirait ainsi les sorcières. Une sorcière est une personne qui ressemble à tout le monde et que personne ne soupçonne. Elle œuvre parmi les gens pour réparer des erreurs du passé, rééquilibrer le monde, semer de bonnes pensées... et puis les balais c'est dépassé! Maintenant qu'il y a les mobylettes, c'est bien plus rapide et les aspirateurs bien plus efficaces que les balais. Il faut vivre avec son temps!

C'est ainsi que notre sorcière a choisi de vivre. Ah! Elle n'a pas toujours été sage et honnête, elle a jadis jeté de mauvais sorts et fabriqué de dangereuses potions magiques. Mais avec l'âge vous savez, on se lasse de faire des bêtises. Surtout que les potions malfaisantes n'intéressent plus vraiment les gens aujourd'hui. Il a fallu se reconvertir en autre chose de plus tendance, comme le bonheur.

Et oui, le bonheur est à la mode. Lorsqu'on se promène sur le marché du village d'Hermeline on entend les vendeurs crier:

-Bonheur tout frais! Qui veut du bonheur tout frais? demandez du bonheur tout frais.... .

Ne les entendez vous pas?

Hermeline distribue du bonheur tout frais gratuit, elle n'a pas besoin de le vendre. Elle est à la retraite depuis bien longtemps et a des revenus suffisants. Une retraite de sorcière c'est tout à fait correct.

Voici notre sorcière qui passe près de nous, observez la discrètement. De longs cheveux bruns soyeux, qui paraissent doux comme de la soie, une petite taille fluette, un regard doux et bienveillant qui inspire la confiance. Elle porte une jolie petite robe bleue très à la mode, avec de petits papillons verts brodés sur le côté.

Vous la voyez traverser la rue? Elle se rend à son cours de poésie. Elle s'en sert pour inventer de nouvelles formules magiques qu'elle consigne dans son grimoire. Vous savez, il faut adapter les formules à notre époque pour qu'elles soient vraiment efficaces. L'année dernière, elle a pris des cours de rap et a consigné des formules très puissantes.

Cette année, Hermeline la sorcière a décidé d'apporter un peu de raffinement à ses nouvelles potions. Elle compose ainsi des recettes magiques en alexandrins, rimes, tercets... et va chaque semaine prendre des cours de poésie pour améliorer son art.

De retour dans son atelier, elle se met au travail rapidement. Imaginez une cave, remplie d'alambics, de fioles et de couleurs. Il y a aussi l'éternel chaudron, indispensable, ainsi que ses fidèles assistants: Roméo le crapaud et Gribouille la grenouille. Tous les trois forment une équipe magique de haut vol.

Ceux qui connaissent le secret d'Hermeline n'arrêtent pas de parler d'elle ces derniers temps. Laissez moi vous raconter.

Tout a commencé lorsqu'elle a croisé le regard du facteur. Le jeune homme a bien senti qu'elle n'était pas une fille comme les autres et il a eu envie de mieux la connaître, alors il a pris le temps de bavarder.

Il était agréable, doux et lui a parlé d'un air charmant. Hermeline en a été toute retournée. Il faut dire que, jadis, notre sorcière était une grande adepte des potions de cœur d'artichaut et en a gardé des effets de manière permanente. Cette potion, très appréciée des sorcières lors des festivités produit instantanément un effet relaxant et adoucit la vie. Mais en contrepartie, elle permet à quiconque la boira de tomber très facilement amoureux, ce qui n'est pas toujours un avantage.

Hermeline ne savait pas quoi faire, cela faisait au moins 60 ans qu'elle n'avait pas vécu d'histoire d'amour et encore plus longtemps qu'elle n'avait pas côtoyé un simple garçon ordinaire. Son dernier amoureux, le sorcier noir Mordoc lui en avait tellement fait voir qu'elle avait renoncé a l'amour et décidé de vivre en solitaire auprès de Roméo et Gribouille.

La voici touchée par ce beau jeune homme. Mais elle ne savait pas quoi faire. Ni une ni deux, elle s'est enfermée dans son laboratoire pour étudier de font en comble le contenu de son grimoire. A la recherche d'une sagesse oubliée, elle cherchait à se protéger du merveilleux sourire du facteur, elle voulait l'oublier et vivre seule comme avant. Elle avait beaucoup trop peur d'être malheureuse encore une fois. Mais Hermeline n'a rien trouvé, pas la moindre formule, ni le plus petit ingrédient magique qui pourrait répondre à ses recherches.

Roméo et Gribouille l'ont rassurée, lui disant qu'une sorcière ressent des sentiments humains elle aussi.

-Tu es amoureuse, mais tu as peur, lui dit Roméo en désignant le grimoire, il y a un chapitre là dessus.

Hermeline s'est replongée dans son grimoire. On dit qu'à ce moment là, il a dégagé une montagne de poussière lorsqu'elle a tourné les pages et Roméo et Gribouillent ont éternué encore et encore.

Un chapitre entier de son grimoire était consacré à la peur. La conclusion de sa lecture était très simple: contre la peur, un seul remède: le courage.

Elle a réuni tous les ingrédients et mis son chaudron à mijoter pour faire une potion de courage. Elle y a ensuite déposé (notez bien la recette, car vous pourrez la refaire chez vous):

Une écaille de dragon peureux, un cheveu de troll froussard, trois poils de bec d'autruche, une étincelle de luciole, deux empreintes de yéti, un grand verre de peur bleue, une pincée de chair de poule, une chaussette du chevalier sans peur et sans reproche, une poignée de cheveux qui se hérissent, une feuille qui tremble, une pincée de frémissement d'horreur, un soupçon de dents qui claquent. Elle a terminé sa potion en rajoutant une fiole entière de peur du noir et a remué le tout.

Une fumée verdâtre s'est échappée du chaudron.

-Il manque un peu de goût, s'est dit Hermeline, en humant la préparation.

Elle a alors rajouté du gingembre et du citron.

-C'est parfait, s'est-elle dit en se versant une bonne lampée de potion dans sa tasse préférée.

Dès qu'elle a bu la potion, Hermeline a grelotté, sangloté, frissonné. Elle ne s'est pas sentie bien du tout.

-Au secours! A-t- elle appelé en regardant Gribouille et Roméo.

Mais sa vision s'est troublée, sa tête a tourné et Hermeline s'est effondrée par terre et est tombée, inconsciente. Ceux qui m'ont raconté cette histoire ne savent pas pourquoi elle a fait ce malaise. Certains disent qu'elle a utilisé de la peur bleue pas fraîche, d'autres pensent que le citron et l'étincelle de luciole ne vont pas ensemble...

Toujours est-il, que lorsqu'Hermeline s'est réveillée, elle se trouvait allongée sur son canapé. Elle ne savait pas ce qui s'était passé, elle avait mal à la tête, mal au ventre, mal partout. Elle s'est demandé comment elle avait bien pu arriver là alors qu'elle était dans son laboratoire,peu de temps avant.

- Ça va mieux? lui dit une voix près d'elle.

Se tournant vers son interlocuteur, Hermeline n'en croyait pas ses yeux: c'était son beau facteur qui était là, assis près d'elle.

-J'avais oublié de vous distribuer un paquet, lui a-t-il expliqué. C'est votre grenouille qui m'a prévenu que vous étiez souffrante. Je vous ai donc amenée ici et j'ai veillé sur vous.

Hermeline se sentait trop mal pour lui répondre, elle a alors exploré la situation dans sa tête:

-Il m'a trouvée dans mon laboratoire où il y a plein de potions....il n'a pas été surpris d'être accueilli par une grenouille qui parle...

-Mon grand père était un sorcier lui aussi, lui a répondu le facteur comme s'il devinait ses pensées. Mon grand père, habitait en Afrique avec un caméléon et une girafe qui parlent. Il était très connu. De nos jours, peu de gens croient encore aux bienfaits des sorciers et vous devez vous cacher. C'est dommage...

Hermeline a mis plusieurs jours à se remettre. La potion de courage n'a pas marché comme elle l'avait imaginé, mais elle s'est sentie plus légère et n'a plus eu peur de parler au facteur. Elle a compris que l'important était de se laisser porter par le destin, et que parfois il était plein de surprises. Le petit facteur a passé beaucoup de temps au chevet d'Hermeline. On m'a dit qu'il s'appelle Norbert.

Norbert et Hermeline se sont revus encore et encore. Je suis venu ici pour espionner. J'aimerais bien connaître la suite. Est ce que vous savez quelque chose? Tous ceux qui connaissent Hermeline n'ont pas voulu m'en dire plus. Est ce qu'elle est tombée sous son charme? Moi j'aimerais bien. On m'a dit qu'une sorcière amoureuse, ça distribue encore plus de bonheur gratuit.

Mais, regardez là bas : ne serais-ce pas Norbert?

Il remonte l'allée de chez Hermeline, un bouquet de fleurs à la main, on dirait qu'il vient lui rendre visite. Je vois la porte qui s'ouvre. Gribouille la grenouille l'accueille.

Tiens, j'entends une voix, c'est celle d'Hermeline:

-Bienvenu mon aimé.

La porte se referme sur eux.

Nous ne pouvons pas entrer dans la maison pour savoir ce qui s'y passe. Il ne reste pus qu'à imaginer la suite. Ils s'aiment, maintenant je le sais. Sûrement vivront-il heureux et auront plein de grenouilles qui parlent et de potions magiques?

Et si on revenait faire un tour ici de temps en temps pour voir?
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Juin 2013 à 07:59:43
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Histoire de la fée bleue qui ne savait pas qu'elle était belle

Il était une fois, une fée bleue qui était extrèmement belle. Malheureusement, elle ne le savait pas.
En effet, elle vivait au pays des fées vertes, ses origines, du pays lointain de Bleunie n'étaient pas les mêmes.

En Bleunie, les fées bleues sont extrèmement proches de la terre, de la nature et des éléments. Ces fées ont pour but de redistribuer cette énergie très maternelle et douce, que dégage la terre et de l'apporter au monde entier.

Voici, que, par quelques circonstances de la vie que nous ne connaissons pas, notre petite fée bleue se retrouve en Verdonie, pays des fées vertes. Les fées vertes sont complètement différentes et connectées au monde moderne et matériel. Parmi les fées les plus connues, il y avait: la fée du logis, la fée de l'informatique et la fée carabosse dont le passe temps favori était de jouer aux derniers jeux vidéo à la mode.

Elle avait en elle toute l'énergie et les capacités d'être proche de la terre, venant de ses origines, mais elle les avait mises de côté pour se fondre dans la société de Verdonie. Malgré tout, elle avait en elle beaucoup de maternité et de douceur, comme sa mère la terre. D'ailleurs, elle donna naissance à cinq magnifiques enfants turquoise, qui avaient en eux à la fois les capacités de Bleunie et la modernité de Verdonie.

Notre petite fée bleue se sentait en décalage avec toutes les fées vertes car elle n'avait pas leurs capacités materialistes. Elle enviait la fée du logis d'avoir sa maison toujours en ordre, elle n'était pas non plus une fée de l'informatique, quand aux jeux vidéo... n'en parlons pas! Elle déployait de nombreux efforts pour ressembler aux fées vertes, tout en oubliant qu'elle refoulait de plus en plus sa nature profonde.

Refoulant encore et encore qui elle était vraiment, la petite fée était de plus en plus mal dans sa peau. A tel point qu'un jour, elle se réveilla et avait changé de couleur... Elle était devenue toute grise. Elle n'avait plus goût à rien, elle était triste et s'enfermait sur elle même: elle avait la Grisonîte.

Cette maladie lui permit de faire un retour sur elle même et de voir ce qui se trouvait au plus profond de son coeur. Elle comprit qu'elle ne voulait pas être matérialiste ou moderne et petit à petit elle reprit ses couleurs. Je peux même vous dire, qu'avec le temps, son bleu devint de plus en plus éclatant car elle osait enfin exprimer sa nature profonde, se rapprochant ainsi de la terre, de la nature et des éléments. Non! elle ne serait jamais fée du logis, reine de la télévision, pro de la dernière console et elle en était fière. Elle était heureuse, après toutes ces années, de pouvoir être enfin elle même.

Figurez vous que ce matin, notre petite fée bleue a fait une découverte extraordinaire. Elle,qui se trouvait si laide, a enfin pu se regarder autrement dans le miroir. Elle était contente du chemin parcouru et vit qu'elle rayonnait.
- Tu es belle, se dit elle en s'adressant à son reflet.
Sans le savoir, elle venait de se faire un très beau cadeau. Elle m'a dit de vous le dire: soyez vous même et la vie vous le rendra, c'est promis!

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Juin 2013 à 08:23:05
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Légende du temps

Chronos, le dieu du temps, s'ennuyait ferme dans son atelier. Assis, les yeux posés sur son sablier il regardait s'égrainer le temps qui passe. Il était à cours d'idées. Il avait déjà inventé milles objets du temps et avait soufflé aux hommes comment les fabriquer. Ainsi, étaient nés les cadrans solaires, les montres, les calendriers lunaires, les horloges comtoises, les clepsydres et que sais je encore. Les hommes avaient tout ce qu'il falait et il ne savait plus ce qu'il pourrait bien leur souffler.

Il avait bien essayé de leur enseigner la préparation d'un élixir de jouvence, mais l'humanité n'était pas encore prête pour ça. Il gardait donc sa recette dans un coin, prêt à leur enseigner à des heures plus propices.

L'ennui le conduisit à explorer la grande bibliothèque du savoir universel, partagée par les dieux depuis le commencement des âges. Là il trouva un ouvrage, tout poussiéreux, depuis longtemps oublié sur une étagère. « Recettes du temps » put-il y lire.

Heureux de sa trouvaille, Chronos s'en retourna dans son atelier. Il était impatient de découvrir ce qui se cachait dans ce livre fort inhabituel. Feuilletant les pages, il découvrit avec stupeur des formules magiques merveilleuses, excitantes et d'autres sombres et inquiétantes. Celui qui possèderait ce livre aurait la possibilité de rendre le temps plus paisible, plus beau, construire une nouvelle éternité. Mais aussi de produire des dérèglements et perturbations.

Le temps, Chronos s'était appliqué à l'aplanir. Il avait décidé le temps paisible et les hommes vivaient en harmonie avec lui. Il décida donc d'ignorer les recettes nuisibles et d'y prendre garde.

Chronos passa des jours à lire le livre des recettes du temps. Il était insatiable. Il s'était régalé de préparer la brume du temps heureux, il s'était amusé de chanter la chanson des siècles accomplis, il s'était émerveillé de mitonner la soupe du temps des cerises. Il avait dansé la valse à trois temps des heures entières. Il s'était bien amusé.

Après avoir lu toutes les belles formules, il restait sur sa faim. Il aurait aimé apprendre des recettes du temps encore et encore. C'est alors qu'il pensa à regarder les recettes du livre pour perturber le temps. Il s'était refusé d'y jeter ne serait-ce qu'un coup d'œil, de peur de découvrir ce qu'elles contiendraient. Mais il ne lui restait que ces quelques petites pages pour terminer son ouvrage. Curieux, il décida de les lire sans rien expérimenter.

La première lecture lui glaça le sang, puis il les parcourut les une après les autre. Grêle des temps difficiles, recette du temps ennuyeux, soupe de temps gaspillé, poudre de manque de temps, incantation de retard absolu, potion de temps malmené...

Chronos n'en croyait pas ses yeux. Comment imaginer perturber le temps? Comment penser à modifier l'ordre des choses si parfait? C'était impossible! Impensable!

Il referma le livre et le rangea soigneusement au fond d'un placard.

- Mieux vaut le mettre en sécurité, pensa-t-il. Il serait préférable d'éviter qu'il ne tombe entre de mauvaises mains.

Il referma la porte de l'armoire à double tour avant d'aller se coucher.

Cette nuit là fut particulièrement agitée pour Chronos. Il fit des rêves épouvantables. Il rêva de pendules qui tournaient à l'envers, de sabliers figés, de réveils qui oublient de sonner et d' humains n'ayant jamais le temps. Ce fut une très mauvaise nuit. La pire de son existence.

Pendant son sommeil, il commença à réciter les formules magiques de perturbation du temps. Autour de lui, des monstres hideux et repoussant prenaient vie au fil des incantations. Ils étaient de plus en plus nombreux et de pus en plus repoussants.  Les monstres se regardèrent, observèrent un instant Chronos dormant, puis décidèrent de descendre sur la terre.

Alors que le monde ne connaissait que des temps paisibles, les Monstres du temps s'immiscèrent discrètement. Chaque humain se mit alors à avoir une perception du temps déformée.

Les monstres variateurs de temps accéléraient le temps à certains moments et le faisaient paraître parfois interminable, les monstres de l'ennui rendaient le temps insupportable et long, les monstres du chaos rendaient le temps incontrôlable...

Les plus virulents étaient les monstres grignoteurs de temps. Lorsqu'un grignotteur de temps s'immiscait dans la vie d'une persone, elle se retrouvait tout à coup dépassée. Chaque fois qu'elle avait une minute à elle, elle se la faisait immédiatement dévorer. On pouvait facilement reconnaître un humain contaminé. Il courait à toute allure en répétant sans cesse:

- Je suis encore en retard, je dois me dépêcher, vite, vite!

Ou encore:

- Je ne peux pas, je n'ai pas le temps, je suis débordé!

Les monstres du temps mettaient la pagaille partout sur la terre.

Lorsque Chronos se réveilla, il ne se rendit compte de rien. Il avait bien observé que sa chambre était plus en désordre que d'habitude mais il l'attribua à son sommeil agité. Sa journée se passa comme d'habitude. Il avait fort à faire. C'était la période où les jours commençaient à rallonger et il devait effectuer bon nombre de réglages.

Le soir venu il regarda la terre pour observer les hommes et découvrit avec horreur le remue ménage qui s'était installé.

Furieux, il descendit immédiatement sur terre pour tenter de réparer les dégâts. Il parcourut toute la planète pour mettre les monstres du temps hors d'état de nuire. Le temps retrouva bien vite un meilleur équilibre.

Mais les monstres étaient si nombreux qu'il n'avait pas pu tous les stopper. Pire! Beaucoup d'hommes les avaient adoptés.

Chronos remonta péniblement sur son nuage, fatigué et déçu. Observant le monde, il constata qu'il ne pouvait plus revenir en arrière et faire disparaître les monstres du temps. Les hommes se les étaient appropriés et les monstres feraient partie de leur quotidien désormais.

Alors, pour tenter de rétablir l'équilibre, Chronos donna aux humains la possibilité de gérer eux même leur temps. Ils pourraient en faire ce qu'ils voudraient. Ils pourraient faire partir consciemment les monstres du temps s'ils le souhaitaient et rétablir leur équilibre. Chronos s'etait ainsi détaché de son contrôle absolu sur le temps, pour le bien des êtres humains.

Depuis ce jour, Chronos continue de veiller sur le monde. Il observe les gens depuis le ciel. Certains humains peuvent  l'apercevoir s'ils lèvent les yeux. Ils veront alors qu'il leur adresse un clin d'œil complice et paternel depuis son nuage, alors que les humains courrent, disant qu'ils n'ont pas le temps...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Juin 2013 à 09:11:44
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Entre guillemets

Leur première rencontre se fit sur une page blanche. La lumière y était si crue que la pauvre petite fut tout éblouie, elle ne vit pas tout de suite qu'elle n'était pas seule. Dans l'espace vide se promenaient, comme des âmes en peine, d'autres créatures qui ne lui étaient pas inconnues mais qu'elle avait l'habitude de voir de loin. Le bruit était insupportable pour elle si discrète. Dans une communauté où les adeptes vivent, en général, assez coupés les uns des autres, il est bien normal qu'un tel événement sème la zizanie, les chamailleries allaient bon train.
      La veille au soir l'écrivain avait fermé son ordinateur sans crier gare, le désespoir du trou noir, l'angoisse de la page blanche, du vide, du rien, l'envahissaient comme une marée montante et malfaisante. De rage et de tristesse il avait tapoté au hasard sur son clavier avant d'aller entamer sa nuit sans sommeil.     C'est ainsi que se retrouvaient, mélangés pêle-mêle, les signes de ponctuation, émergés du clavier, orphelins des lettres de l'alphabet. Le grand désert blanc ouvrait des horizons inconnus jusqu'alors, quelque peu effrayants, il est vrai, mais également invitant à l'aventure.
      La virgule, svelte, aux courbes bien placées, était seule dans son coin. Sage et timide, elle observait ses compatriotes avec curiosité et étonnement. Qu'avaient-ils donc à se trémousser, à se pousser les uns les autres, à s'interpeller sans gentillesse, à geindre à perdre haleine ? Les pauvres petits cherchaient désespérément une place devenue incertaine; notre virgule, elle, trouvait qu'ils en faisaient un peu trop, que d'excitation pour pas grand chose !
      C'est qu 'elle, la gentille petite virgule, est habituée à toutes les situations, elle est capable de travailler sans relâche et de tenir un éventail de rôles qui ferait pâlir le plus ambitieux des hommes. Elle se sait indispensable, elle est toujours là, modestement, lorsque l'on a besoin d'elle. C'est une laborieuse, elle s'occupe de tout, des propositions, des compléments, des appositions, des pléonasmes et que sais-je encore. Elle met en valeur, elle appose, impose, précise, juxtapose, sépare, relie... en un mot, l'écrivain n'est rien sans elle ! C'est pourquoi elle ne regrette pas le manque d'inspiration de son patron qui lui permet de souffler un peu.
      Le point d'exclamation, lui, se pavane, imbu de lui-même il fait son intéressant, à tout instant il
proclame " halte là ! " Son seul but étant d'attirer l'attention, il n'est jamais satisfait de l'effet produit.
      Par contre le point d'interrogation vit dans une incertitude constante, jamais sûr de lui, il ne cesse de poser des questions. Il faut dire qu'il est très curieux et qu'il voudrait tout savoir, des sujets les plus importants aux plus futiles, tout le passionne. A courber l'échine pour ses recherches, il a attrapé une scoliose carabinée et est incapable de se tenir droit, ce qui n'ajoute rien à son sex-appeal.
      Et ces trois compères qui vont à la queue leu leu, ce sont les points de suspension, ils sont moqueurs, ne s'expriment jamais jusqu'au bout de leurs idées, peut-être parce qu'ils n'en ont pas. Leur distraction préférée est le jeu des charades, ils insinuent et allez donc deviner la suite.
      Un peu plus loin, le tiret fait de la chaise longue, il se prélasse ce paresseux. Ce n'est pas un actif, il se présente surtout dans les dialogues, se tenant un peu à l'écart, il a l'air de dire : " je suis là mais ne faites pas attention à moi, je suis dolent et il me faut rester allongé "
      Ceux qui chahutent et font le plus de bruit, ce sont les jumeaux, les deux -points. Ils ne se séparent jamais, l'un sur l'autre ils jouent à saute-mouton et sont les rois des explications, de vrais garnements qui ont un tas de choses à prouver ou à déduire.
      Les parenthèses sont beaucoup plus sérieuses, elles proposent également des informations mais en aparté, sans insister. Elles se retrouvent en ce moment, sur cette page vide de texte, alors qu'elles n'ont jamais l'opportunité d'être face à face. Un peu confuses, elles s'approchent l'une de l'autre, refermant leurs bras en un cercle d'enlacement affectueux.
      Quant aux guillemets, ils se prennent pour l'aristocratie de la ponctuation. Arrogants ils regardent les autres de haut, n'étant là que pour encadrer ou pour mettre en valeur, ce sont des oisifs invétérés, des vaniteux imbuvables.
      Le temps passe, la charmante virgule se sent, à son tour , observée. Elle explore l'espace afin de découvrir le regard investigateur. C'est celui d'un signe de petite taille, rondelet sur les bords, au sourire engageant, l'air décidé et ne doutant de rien. Comme une petite boule, il roule vers la virgule, avec beaucoup d'assurance, il est prêt à engager la conversation.
      Elle, timidement, baisse les yeux, lui, admiratif, commence à parler. Civilement il se présente, inutilement d'ailleurs car elle avait reconnu le point. Tout le monde connaît le point, il a une renommée notoire que personne ne met en doute.
      Il parle, elle écoute, il questionne, elle répond. Leurs regards se croisent, s'accrochent, se rencontrent. Il est charmé par sa délicatesse, elle est impressionnée par son assurance virile. Ils s'explorent, se racontent, découvrent qu'ils ont beaucoup de choses en commun, et que souvent ils se complètent. L'atmosphère se détend, il la fait rire, elle rougit, se laisse aller... il devient entreprenant, elle est séduite. Leurs yeux ne se quittent plus, ils se sont tus, une attirance magnétique annonce le désir... doucement il se penche au-dessus d'elle...
     Et c'est ainsi que naquit le point-virgule, grâce au manque d'inspiration d'un pauvre écrivain . Cet enfant de l'amour, engendré lors d'une rencontre fortuite, ressemble à ses deux parents comme deux gouttes d'eau, il se sent heureux et comblé lorsqu'on lui conte l'histoire de sa naissance. Point final !

Aliza Claude Lahav
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Juin 2013 à 10:06:09
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Les chemins de traverse

Les chemins de traverse

"Penser c'est suivre des lignes de sorcière." Gilles Deleuze

Le chemin m'avance.
On y laisse nos ombres de pas, des traces de doigts, une flaque de pensée jouant à la couleur, à la vie. On devient ce sentier tordu où des rencontres grandissent dans la simplicité d'un champ de coquelicots.

" J'ai descendu dans mon jardin " ...

- Donne-moi la main, viens voir parmi les fleurs.
Tiens, la voix d'Alice me prend la main, elle me guide...
- Regarde, tu vois ce monticule de terre ?
- Oui, oui Alice. Pourquoi le soleil semble pleurer ?
- C'est qu'en dessous, si tu ouvres loin ton regard, tu verras la pensée d'Antigone, tu entendras son amour.
- Antigone ? Attends, Alice, j'ai encore la mémoire lourde de gravité. Est-ce dans cet endroit qu'elle a recouvert le corps de son frère ?
- Oui. Parce que le soleil brûlait cette mort. Oui. Parce que la loi d'un père éclatait, cruelle, inhumaine.
J'essayais de lire au travers les mots d'Alice. Car avec Alice, je réapprenais le langage, je lavais cette mémoire encombrée du regard arrêté. Je lui ai demandé :
- Antigone n'a-t-elle pas enfreint une loi, n'était-elle pas révoltée ?
- Mais non, tendre une main de pitié est-ce enfreindre une loi ?
Je devinais peu à peu, surtout avec la main d'Alice accompagnant mes pas.
- Oui, Alice, c'est l'amour seulement qu'on entend respirer.
Un oiseau a fleuri. Antigone était libre maintenant de la loi de Créon. Un message virevoltait sur une feuille de verre.
Alice le prit et me le tendit...
- Oh, un dessin d'enfant. Un chapeau ! Non, je me trompe encore ...
- Regarde, n'oublie pas de " lire au travers ". Ecoute le souffle, sens les couleurs.
- Mais, oui. C'est le boa qui a mangé un éléphant.
- Est-ce que tu comprends ? C'est " l'écrit qui fond devant le non-écrit ". C'est ça, lire au travers.
L'espace du jardin s'ouvrait, le morceau de glace logé dans mon oeil était tombé dans la boue. Alice se mit à rétrécir pour se poser entière sur ma main. Petite ombre de lumière donnant vie à ma terre.

" Gentil coquelicot mesdames, gentil coquelicot nouveau "

- Oh, Alice, une ombre court sur les pétales !
- Oui, c'est celle de Peter Pan. Tu vois comme elle est éclairée .
- Il y a du Clochette dans l'air !
- Elle chantait dans le coquelicot ...
La forme de l'ombre s'approchait de ma main, son pas sentait le maintenant. Elle aimait la goutte Alice scintillant à la source de ma paume. Peter Pan et Clochette appelaient l'ombre. Ils étaient jaloux qu'une ombre veuille partir ainsi. Comment Peter Pan prendrait-il du poids ? Il pourrait voler encore plus en hauteur, encore plus en oubli. Mais tout de même cette ombre était son aile terrienne.
Comment rejoindre Wendy, sans elle ?
Peter Pan vint nous voir, se dressant sur la pointe des pieds et
demanda :
- Rendez-moi mon ombre, s'il vous plait j'en ai vraiment besoin. Toujours elle me joue des tours, elle se croit dans un manège, et va à la rencontre de voix lumineuses. Elle aime faire la fête, elle se défile, et j'en perds mes chaussures, mes pas restent gravés dans les chemins.
Alice avait caressé le poids de cette ombre, elle en tissa son corps.
- Je te la rends, car on sera toujours lié au maintenant. L'ombre et la lumière se sont enlacées, ça vibre en secret.
Peter Pan reparti heureux, avec son ombre recousue et Clochette à son cou.
Je comprenais. Une voix vint me chercher très profond au bord du chemin, sous les pas de Peter Pan. La route était recouverte de lettres et de graines, de feuilles et d'écorce. Je lisais son parchemin et entendais la chair des mots.
Je dis à Alice :
- J'ai rencontré l'espace du milieu, le coeur du regard. Un livre vivant avance.
Oui, une marée de mots roulait sous mes doigts, sur mes cils. Cette voix que je ressentais enchantait le jardin. Le même visage, toujours, s'ouvrait, souriait et faisait s'envoler les parois du livre, des pages. C'était le visage de la vie.
Le chemin initiatique, je le comprenais, était ma rencontre au visage, à la voix, au souffle des mots libres.
Je laissais mon oreille errer vers les mots de ma petite fée clairvoyante.
- Oh ! Le visage du chat et son sourire en résonance d'espace.
Seule la dent d'un sourire tournoyait dans ma main. Alice repartait en me laissant ce souvenir. Ainsi, je pourrais toujours traverser les visages des mots, ouvrir leur noyau et faire pousser des grains d'espace, toucher le lien.
Dans la dent de clarté, cette phrase d'Artaud parcourant le temps :

" lire l'oeuvre d'un poète, c'est avant tout lire au
travers car toute l'oeuvre écrite est une glace où l'écrit
fond devant le non-écrit ".




Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Juin 2013 à 08:53:24
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Tipat le millepatte qui voulait voyager

Tipat, le millepatte vivait dans une forêt lointaine. Tipat avait deux amis, Coco la coccinelle et Bizzi l'abeille. Depuis sa plus tendre enfance, alors qu'il n'était encore qu'un tout petit millepatte avec seulement une centaine de pattes, il avait un rêve : voyager de par le monde. Mais il avait besoin de beaucoup de chaussures. En fait, il lui fallait trouver pas moins de 1 000 chaussures. Ce n'était pas une mince affaire. Et Tipat se lamentait de ne pouvoir réaliser son rêve. Pour aider leur ami, Coco et Bizzi décidèrent de voler jusqu'au pays des lutins quelque part dans un coin de la forêt pour demander à Escabille, le cordonnier, de fabriquer les 1 000 chaussures. Escabille était vieux et fatigué mais comme il aimait beaucoup Tipat, il accepta. Il fabriqua les chaussures et les araignées jumelles, Filopat et Patafil tissèrent les 2 000 lacets. Un mois plus tard, tout était prêt. Tout excité Tipat, accompagné de ses amies, enfila ses chaussures. Il lui fallut beaucoup de temps, surtout pour faire les boucles des 2 000 lacets. Bizzi et Coco, pendant ce temps, s'impatientaient :
- Dépêche-toi Tipat, nous voulons te voir marcher avec tes belles chaussures avant la nuit tombée.
- Je fais ce que je peux mais ce sont ces maudits lacets. Je n'ai pas l'habitude de faire autant de boucles. C'est très compliqué. Arrêtez de voler autour de moi en criant dans mes oreilles. Vous m'énervez. Je fais de mon mieux.
- Mais ça ne va pas assez vite, déclara Coco, il faut qu'on t'aide.
Elle interpella des lutins qui se trouvaient là:
- Allez, vous autres, venez nous aider, sinon il va falloir plusieurs jours pour attacher ces maudits lacets. A plusieurs nous irons plus vite.
Les lutins des alentours vinrent aider Tipat qui bientôt fut parfaitement chaussé. Il se mit debout. Et là, patatras ! Catastrophe ! A peine eut-il tenté de faire trois pas que ses pieds s'emmêlèrent. Les pieds de droite n'avançaient pas en même temps que ceux de gauche. Ceux de derrière avançaient avant ceux de devant. C'était la pagaille. Il avait beau se concentrer, essayer toutes sortes de techniques et écouter les conseils de ses amis, rien n'y faisait. Ses pieds ne pouvaient pas avancer en bon ordre. Découragé, il repartit dans la forêt avec un grand sac rempli de ses 1 000 chaussures et ses 2 000 lacets.
Pendant plusieurs jours, Tipat essaya sans succès de discipliner ses pieds. Mais notre petit millepatte ne savait toujours pas marcher avec des chaussures. Un matin, Coco la coccinelle arriva toute affolée. Elle venait du village des lutins où elle avait appris qu'Escabille, le cordonnier était tombé très malade. Coco, Bizzi et Tipat coururent à toute allure jusqu'au village. Les lutins étaient en train de tenir conseil. Il fallait aller chercher une fleur magique qui poussait dans le jardin des délices de l'autre coté de la forêt. Mais les lutins ne pouvaient pas sortir de la forêt sinon ils se transformaient en gouttes de pluie. Tipat proposa aussitôt :
- Je vais me rendre dans ce jardin.
Il ajouta un peu gêné :
- Je me sens un peu coupable. C'est peut-être parce qu'il a trop travaillé pour fabriquer mes chaussures qu'Escabille est malade maintenant. Je voudrais l'aider.
Les lutins mirent Tipat en garde.
- La traversée de la forêt peut être dangereuse, c'est un long voyage. En plus il faut faire vite car Escabille est bien faible.
Tipat répondit tristement :
- Quel dommage que je n'arrive pas à marcher avec mes chaussures. J'irai beaucoup plus vite pourtant avec des chaussures aux pieds.
- Nous pouvons peut-être t'aider.
L'un des lutins tendit un objet à Tipat en précisant :
- Voici une flûte magique. Si tu en joues en marchant, tes pieds suivront la musique et tu pourras marcher très vite sans jamais trébucher ni tomber.
Tipat, ravi, retourna chez lui en courant. Il enfila ses chaussures avec impatience. Il appela Coco et Bizzi et tous les trois partirent sur-le-champ pour le jardin des délices. Ils jouaient de la flûte à tour de rôle. Ils arrivèrent très vite. Le jardin était magnifique avec des fleurs immenses qu'ils n'avaient encore jamais vues. Bizzi s'émerveilla :
- Regardez comme c'est beau toutes ces couleurs, toutes ces fleurs elles sentent si bon. Ce doit être un vrai régal.
En prononçant ces mots, très excitée, elle volait de fleur en fleur, en butinant de ci de là. Pendant ce temps, Coco essayait de découvrir la fleur magique décrite par les lutins : toute petite, blanche, avec des points roses et des tiges bleues. Trouver cette fleur ne serait pas facile. Coco rappela Bizzi à l'ordre:
- Nous ne sommes pas là pour nous amuser. Il faut trouver cette fleur le plus vite possible. Bizzi, cherche avec nous au lieu de butiner du pollen.
- Mais c'est tellement bon. Tu te rends compte si on avait les mêmes chez nous près de la ruche, on ferait du miel extraordinaire, répondit Bizzi attirée par ces parfums enivrants.
Tipat cria soudain:
- Je l'ai trouvée ! Elle est là. C'est vraiment la fleur la plus petite de ce jardin. Elle sent très bon mais elle ne parait pas magique du tout.
Il cueillit plusieurs pétales pendant que Bizzi récoltait du pollen de la fleur magique pour le ramener au village.
Tout joyeux d'avoir rempli si facilement leur mission, les trois amis reprirent le plus vite possible le chemin du retour. Malheureusement, dans leur précipitation, Coco fit tomber la flûte qui se brisa en plusieurs morceaux. Elle ne pouvait plus jouer la mélodie magique. Les pieds de Tipat commencèrent à s'emmêler, il ne pouvait plus avancer. Tout à coup, les trois amis entendirent un bruit curieux et effrayant derrière eux. Ils aperçurent, au loin, un monstre affreux qui venait vers eux avec un air menaçant. Ils étaient très effrayés. Il était épouvantable, très gros et tout noir, avec deux grands crochets au bout de ses pattes avant. Il se déplaçait par petits bonds, assez lentement. Terrorisé, Tipat voulait fuir avec ses amies, mais plus il s'affolait et plus ses pattes partaient dans tous les sens. Il était cloué sur place. Epuisé, il renonça et dit à ses amies de partir sans lui pour rapporter la fleur qui pouvait sauver leur ami Escabille. Soudain une douce mélodie envahit la forêt, légère comme l'air. Un immense et magnifique oiseau lyre apparut dans le ciel au-dessus d'eux. Et alors que l'oiseau sifflait son chant doux et mélodieux, Tipat sentit ses pattes se remettre en ordre. Enfin, il pouvait marcher, et courir même. Le chant magique de l'oiseau lui permettait de coordonner ses pieds et il avait aussi fait fuir le monstre. Ils arrivèrent très rapidement au village. Les lutins préparèrent la potion. Bientôt, Escabille fut complètement guéri et en pleine forme. On décida de faire une grande fête au village pour fêter le retour des trois amis et la guérison d'Escabille. Et une grande surprise attendait les amis de Tipat et tous les lutins. Avec l'aide de l'oiseau lyre, Tipat avait appris à marcher tout seul, à courir aussi et même à danser. Il fit une démonstration de fox trot, sa danse préférée. Et depuis ce jour, devinez quoi ? Tipat, le millepatte est devenu professeur de danse et on vient de tous les coins de la forêt pour suivre ses cours et assister à ses spectacles.



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Juin 2013 à 09:23:46
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La folie

La folie décida d'inviter ses amis à prendre un café chez elle. Tous les invités sont venus.

Après avoir bu le café, la folie propose : Jouons à cache-cache

Qu'est-ce que c'est ? demanda la curiosité

- Cache-cache est un jeu où je compte jusqu'à cent et ensuite je dois te trouver. Le premier à être trouvé sera le prochain à compter.

Tous ont accepté, sauf la peur et la paresse. 1, 2, 3 ..., la folie a commencé à compter...

La hâte s'est cachée en premier, dans un endroit quelconque. La timidité, timide comme toujours, se cacha tout en haut d'un arbre.

La joie alla se cacher au milieu du jardin, alors que la tristesse commença à pleurer, parce qu'elle ne trouvait pas un endroit approprié pour se cacher. L'envie a suivi le succès et se cacha près de lui, sous une pierre. La folie continuait de compter et ses amis se cachaient...

Le désespoir était désespéré en voyant la folie qui était déjà quatre-vingt-dix-neuf, cent ...

La folie cria : Je vais commencer à chercher.

La première à apparaître fut la curiosité, ne pouvant plus attendre, se demandant qui serait le prochain à compter.

En regardant sur le côté, la folie voit le doute sur un mur, hésitant, ne sachant pas de quel côté il se cacherait le mieux. Et ainsi furent trouvés la joie, la tristesse et la timidité ...

Quand ils furent tous réunis, la curiosité demanda : "Où est l'Amour ?"

Personne ne l'avait vu. La folie commença à chercher... Elle a cherché au sommet des montagnes, dans les profondeurs des rivières, sous les pierres et pas moyen de trouver l'amour. Cherchant partout, la folie vit un rosier, pris un bâton, commença à chercher parmi les branches, et soudain entend un cri. C'était le cri de l'amour, une épine lui avait percé l'œil.

La folie ne sachant quoi faire, s'excusa, implora le pardon de l'amour et lui promit de le servir pour toujours.

L'amour accepta ses excuses et depuis lors et jusqu'à aujourd'hui ... "L'amour est aveugle et la folie l'accompagne toujours".
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Juin 2013 à 09:50:44
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La forêt d'Aétos

Peu de gens se risquaient à parler à Aldek le magicien, car c'était un homme taciturne, à l'air peu engageant, qui se laissait parfois aller à des colères aussi soudaines qu'inexplicables. Il vivait à Aétos depuis des années, mais n'y avait aucun ami. Quand on le voyait arpenter les rues du village, on évitait autant que possible d'être sur son chemin. Ce matin là cependant, Aldek trouva quelqu'un sur sa route. Une fillette blonde avec d'immenses yeux verts dans une figure toute pâle, étaient assise contre un mur. Le magicien la regarda attentivement, car il ne l'avait jamais vue auparavant et il pensait bien connaître tous les petits vauriens des environs. Il s'arrêta devant elle et c'est à peine si elle leva la tête vers lui. Elle était vêtue légèrement, trop légèrement pour la saison et ses habits n'étaient plus de la première jeunesse.
« Ce doit être une vagabonde », pensa-t-il. Elle paraissait si seule, si perdue qu'il en fut ému. Il fit alors ce dont aucun villageois ne l'aurait cru capable. Il se baissa et prit l'enfant dans ses bras. Son front était brûlant de fièvre. « Pauvre petite créature », murmura-t-il en l'emportant chez lui. Il l'installa dans son propre lit, face à la cheminée. Mais malgré la chaleur, ses joues demeuraient désespérément blêmes, sa peau restait froide. Il fit venir la guérisseuse du village. La grosse femme entra en tremblant et Aldek tout étonné constata qu'il lui faisait peur.
-La malade est ici, dit-il de sa grosse voix bourrue, en la poussant près du lit.
La petite avait les yeux clos, elle respirait avec difficulté. La guérisseuse posa la main sur son front, tint son poignet quelques instants. Elle secoua la tête:
-Je ne peux rien faire, seigneur magicien, déclara-t-elle. Le mort est déjà sur elle !
-Comment ça vous ne pouvez rien faire ? Vous êtes guérisseuse oui ou non ? De quoi souffre-t-elle ?
-Je l'ignore, vous devriez demander de l'aide ailleurs...
Elle sortit précipitamment et le magicien se retrouva seul et impuissant face à l'enfant qui déclinait.
Il ne pouvait pas la laisser mourir... La guérisseuse lui avait conseillé de chercher de l'aide ailleurs. Après tout, pourquoi pas ? Aldek traça un pentagramme sur le sol et invoqua Céléna, l'esprit des bois qui régnait en maître sur les forêts et tout ce qui y vivait. Le feu se mit à crépiter plus vivement et émergeant de la terre, Céléna se tint devant lui. Elle le toisa sévèrement.
-Tu m'as appelée, mortel ? demanda-t-elle. Hâte toi, je n'ai pas de temps à perdre !
Aldek se prosterna à ses pieds.
-je t'implore divine Céléna, de rendre la santé à l'enfant qui est couchée là.
L'esprit des bois se pencha sur la fillette et son regard s'adoucit.
-Sais-tu mortel, que mes services ne sont pas gratuits ?
Le magicien jeta un rapide coup d'oeil vers la petite malade. La main de Céléna sur sa tête semblait la soulager.
-Dis moi ton prix, déclara-t-il. Quel qu'il soit, je m'en acquitterai !
-Ne crains rien, je n'exigerai rien que tu ne puisse me donner, assura-t-elle. Prends ce sac, ajouta-t-elle en lui tendant un baluchon en toile et répands en le contenu à l'extérieur de ton village. Tu concentreras ensuite tout ton pouvoir dessus. Sois prodigue de ta force et je serai prodigue de la mienne !
Aldek prit le sac et laissant l'enfant aux soins de Céléna, il se rendit au sud d'Aétos.
Il jeta à la volée tout ce que contenait le baluchon. Des graines de toutes sortes tombèrent sur la tête et s'y enfoncèrent aussitôt. Aldek ferma les yeux. Il dirigea ses pensées vers les graines. La vie qui palpitait en elles germa brusquement et les germes sortirent du sol, puis ils devinrent plantes. A mesure que les végétaux croissaient, les forces d'Aldek s'épuisaient. mais comme l'efficacité des soins de Céléna dépendaient de ses efforts, il persévéra. Les plantes se transformèrent en arbres, leurs branches se tendirent vers le ciel, couvertes de feuilles. Une forêt immense se dressait là où, quelques instants avant il n'y avait encore que des champs rocailleux. Aldek, vidé de son énergie, gisait sur le sol. Il se redressa péniblement et retourna chez lui en titubant. Céléna avait disparue, l'enfant aussi. Fou d'inquiétude, il les chercha dans tous les coins, maudissant l'esprit de la forêt de l'avoir trompé.
Sa vie solitaire reprit son cours. Les villageois se méfiaient plus que jamais de lui et il les ignorait.Un jour, l'envie le prit d'aller voir « sa » forêt. Il y pénétra, s'installa sous un arbre et se mit à somnoler. Quand il rouvrit les yeux, une merveilleuse jeune femme aux yeux couleur d'herbe l'observait en souriant.
-Je suis heureuse de pouvoir enfin te remercier Aldek ! dit-elle.
-Me remercier ? s'étonna le magicien. Mais de quoi ? Je ne t'ai jamais vue !
-Bien sûr que si, rétorqua la gracieuse créature. Je suis venue dans ton village autrefois. J'étais enfant alors et malade. Et tu as fait surgir une forêt pour me sauver. Sans toi, je serais morte car une nymphe ne peut survivre longtemps sans arbre où se réfugier !
Elle posa un baiser sur sa joue et s'évapora dans le feuillage d'un arbre. Aldek était de nouveau seul, tout seul... mais un peu plus heureux.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Juin 2013 à 08:51:07
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L'homme au manteau vide

Il était une fois un pauvre vieux village. Au bas de ses maisons était un champ de thym, dans ce champ quelques oliviers, puis des rochers, un torrent maigre. Là vivait (vivait-il vraiment ?) un homme sans corps, sans visage. Tout ce que l'on voyait, assis dans l'herbe rare, étaient son manteau, sa capuche, et ses épaules un peu voûtées. Qui était sous ce vêtement ? Peut-être quelqu'un, ou personne. Les gens l'avaient toujours vu là, les vents et les soleils aussi. Il était l'homme au manteau vide. On ne parlait guère de lui. On n'osait pas, on le craignait. On lui portait de temps en temps de quoi manger, du pain, des fruits, qu'on déposait à quelques pas. L'homme ne se retournait pas, mais une voix disait : « merci ». Alors on répondait d'un hochement de tête et on s'en retournait aux champs, à la maison, aux soins des bêtes.
Il en fut ainsi jusqu'à l'an où vient un hiver de misère. Moutons crevés, chevaux enfuis et sacs efflanqués dans la grange, on ne parlait que de cela la nuit venue, devant le feu. Ce soir-là Jeanne était assise sur le plancher près de son chien. Le menton sous ses genoux hauts elle enivrait ses yeux de flammes. Elle dit soudain :
« Demain matin, j'irai voir l'homme au manteau vide »
Tu es folle, gronda sa mère. Imagine qu'il te regarde, j'en ai froid rien que d'y penser.
Il n'a jamais mangé personne. Pourquoi me ferait-il du mal ? Je veux seulement lui parler.
Tais-toi donc, bougonna son père, le manteau est creux, il n'y a personne, que du vent.
Eh bien, répondit la petite, qu'est ce que je risque, s'il n'y a rien ? Je lui porterai nos poussins. La poule est morte. Ils vont mourir. Peut-être les sauvera-t-il.
Son père la poussa du pied.
Va te coucher, tu me fatigues.
Elle s'allongea contre le chien.
Le lendemain, dans son panier, elle mit ses dix poussins malingres et dévala la pente raide jusqu'aux rochers du bord de l'eau. Dès qu'elle vit l'homme au manteau vide elle reprit souffle et s'avança, en serrant son écharpe au col. Elle déposa les dix bestioles tout alentour du vêtement qui bougeait un peu sous le vent. Elle s'assit à côté de lui. Elle lui arrivait à l'épaule. Le capuchon resta penché. Elle lui jeta un bref coup d'oeil puis écouta le bruit de l'eau. Après longtemps une voix dit :
Que me veux-tu ?
Je ne sais pas. Peut-être peux-tu nous aider.
Le silence, encore. Longtemps. Jeanne entendit sonner des heures au loin, si loin que la présence de ce manteau sans rien dedans à côté d'elle lui parut prodigieusement rassurante. Elle en sourit, soupira d'aise. Alors la voix lui murmura :
Mets tes poussins sous mon habit et reviens dans une semaine. J'ai aimé être auprès de toi.
Oh, moi aussi, répondit-elle.
Elle remonta jusqu'au village. Elle s'attarda jusqu'à la nuit à errer sous les oliviers. Sa mère voulut tout savoir de ce qu'elle avait fait et dit, mais elle ne sut que lui répondre. Elle avait laissé les poussins là-bas, auprès du manteau vide. Et quoi d'autre ma fille ? Rien.

Six jours, six nuits, à dormir peu. Au septième matin, Jeanne courut si vite qu'elle ne sut s'il ventait, s'il faisait gris ou bleu. Elle vit de loin l'homme sans corps et les poussins autour de lui. Quelle vigueur ils avaient pris ! Elle s'assit parmi eux, au plus près de l'habit. Elle dit :
Que leur avez-vous fait ?
Je les ai réchauffés, je les ai laissé vivre.
Leur permettre d'aller ainsi sans que personne les surveille, c'est dangereux, lui dit l'enfant. Si un renard était venu ?
Ecoute, Jeanne.
Elle écouta. Le silence du manteau vide la tint au chaud jusqu'à la nuit. Le soir venu, elle soupira :
Je ne saurai comment leur dire.
Va, vis, reviens, je serai là.
Elle prit les poussins et s'en alla.
Sa mère l'attendait sur le pas de la porte. Elle s'inquiétait. Elle lui cria :
Tu me feras mourir ma fille!
En découvrant dans le panier la couvée qu'elle n'espérait plus :
D'où sortent-ils ces beaux chéris ? Qui les a nourris ? Le manteau ?
Il est vide, gronda le père. Il n'y a rien sous le capuchon. Un rien ne peut nourrir personne !
Jeanne ne lui répondit pas. Elle pensa, et ses yeux brillèrent : « Oh le silence de ce rien ! ». Puis elle entra dans la maison. Le feu flambait. Il faisait bon.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Juin 2013 à 18:45:00
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L'histoire de Petit Jean

Il y a bien longtemps, dans un pays tellement éloigné dans le temps et l'espace que nul n'en garde plus aucun souvenir, excepté quelques rares grands enfants, vivait Petit Jean.

C'était le fils dernier né d'un humble couple, si pauvre et misérable que la famille entière vivait au fin fond  d'une grotte en un lieu de broussailles ignoré de tous. Cette grotte était sombre et humide : le jour n'y pénétrait que par l'entrée fort étroite donnant sur un long couloir de granite, difficile à travailler. Mais là, demeuraient six personnes. Les parents et leurs quatre enfants. Vint à mourir le père. La mère Jacquine n'avait pour faire vivre ses enfants, trois jolies filles et un garçonnet rêveur et débrouillard, que le maigre résultat de son métier à tisser. Le chanvre ne se cultive pas facilement pour une femme seule et voyez-vous le coton était encore ignoré en ces contrées, quant à la soie, elle n'était  que le vague rêve d'un papillon ne devant éclore que quelques décennies plus tard.

Une nuit que Petit Jean s'était sauvé de la grotte familiale et qu'il rêvassait au bord de l'eau, s'imaginant vivre sur la lune dorée, il vit voltiger quantité de lucioles brillantes et pleines de gaieté dans leur sarabande effrénée. En son cerveau aussitôt une idée vit le jour « et si je ramenais ces lumières dans la grotte afin que l'on y voit et que maman et les sœurs puissent filer et tisser pendant que je ramasse le bois, les champignons et que je pêche ». Et voilà notre Petit Jean, plein d'entrain, chercher à nouer de longues herbes souples afin d'un faire une cage à mailles serrées. Il se voyait déjà tout fier ramener de la lumière et espérait-il un peu de chaleur et de gaieté dans la triste demeure.

La cage fut vite prête, mais une fois tissée, et la petite porte nouée, Petit Jean eut beau courir et sauter, les lucioles ne se laissaient pas piéger. Il courut et sauta aussi longtemps qu'il le put et les lucioles, semblant se prendre au jeu formaient autour de lui un nuage de lumière voltigeant joliment  avec lui. Au matin, les premières lueurs chassèrent les étincelles de la nuit et Petit Jean fatigué, mais toujours décidé se coucha sur la mousse. Il sombra dans le sommeil et dormit ainsi une bonne partie de la matinée. Ce furent les cris inquiets de sa mère et de ses sœurs qui le ramenèrent à la conscience. En pleurs il raconta son idée et sa vaillante poursuite nocturne. Aussitôt les filles et leur mère voyant les pieds ensanglantés et les griffures innombrables sur les bras, l'entourèrent, le consolèrent et essayèrent, en vain, de lui faire croire qu'il ne fallait pas s'inquiéter, et que « allez, on va s'en sortir et après tout on est heureux, non ? puisqu'on est tous ensemble. ».

Malgré toutes les cajoleries et les recommandations de la mère, Petit Jean retourna, la nuit suivante, au bord de l'eau guetter les lucioles. En chemin il croisa une petite araignée grise, les pattes engluées dans une sorte de résine et qui se débattait furieusement. Il lui sembla se voir se débattre dans son combat pour ramener les lucioles à la maison, les pieds collés au sol, incapable de bondir assez haut. Pris de pitié, il cueillit un brin d'herbe  et délicatement dégagea la prisonnière. Celle-ci peu farouche grimpa aussitôt sur sa main et escalada ses cheveux pour se jucher sur son oreille.

Amusé Petit Jean voulut reposer la singulière cavalière quand celle-ci se mit à parler d'une voix semblable au vent dans la prairie « Nous t'avons vu la nuit dernière »

« Oh ... » fit-il, car, que dire d'autre dans ces cas-là ?

«Je veux te remercier, ramène moi chez moi et mes sœurs et moi te tisserons un filet  léger et solide que tu jetteras sur les lucioles. Je ne sais si cela suffira, mais c'est le mieux que je puisse faire ». Petit Jean sur les indications de Chalima (et oui, les araignées aussi ont des noms !) S'enfonça dans la forêt et au cœur de celle-ci, dans un taillis impénétrable il découvrit la forteresse des araignées : un enchevêtrement argenté de toiles épaisses et presque infranchissable. À  l'orée de ces murs de toiles, il s'endormit pour la nuit pendant que les tisseuses préparaient un filet à lucioles. Au matin il fut réveillé par le chatouillis de petites pattes qui posaient devant son nez un rouleau argenté. Ravi il le déplia, fin comme une dentelle, léger comme un souffle d'air, solide comme l'acier et grand comme quatre mains : son piège était parfait.

La nuit suivante une grosse grenouille, grasse et l'œil mauvais partageait la veille de Petit Jean, blottie entre les roseaux, elle se tenait cachée de tous. Quand la danse lumineuse recommença, Petit Jean s'invita au milieu des lucioles et le jeu –qui n'en était pas un pour Petit Jean- reprit comme la veille. Les lucioles, ignorant la présence attentive de leur ennemie voltigeaient en tous sens et Petit Jean sautait, mais le filet ratait toujours les proies convoitées.  Petit Jean déçu s'assit et regarda le ballet aérien. Puis d'un coup, le nuage passa au dessus des roseaux et une longue langue suivie du bond gigantesque d'une grenouille monstrueuse captura trois lucioles. Les autres se précipitaient sur le corps de la grenouille, le bombardant de leurs petits corps, mais la grenouille narquoise ne bougeait pas et contrairement à ses congénères, ne se hâtait pas pour gober ses petites proies, semblant bien au rebours les admirer tout à loisir avant que d'en faire son repas. 

Petit Jean, sans trop bien savoir pourquoi, sinon qu'il n'était pas juste que la grenouille mange ces jolies lumières alors que lui qui les voulait seulement admirer et ramener chez lui, ne les pouvait attraper, se jeta sur la goulue. Sur un Crôâââ indignée, probablement dû au fait que Petit Jean en lui sautant dessus lui comprima l'estomac, elle se sauva, libérant les petites prises. Sonnées celles-ci tombèrent au sol, mais au lieu de les capturer, Petit Jean se mit à les regarder de plus près. Et là ! Stupeur, maintenant que les lumières étaient éteintes il put enfin les voir, pour de vrai. Il s'agissait de minuscules petits êtres semblables à des enfants avec quatre ailes transparentes. 

Décidément, rien donc dans ce monde n'était ce qu'il paraissait ? Les araignées parlaient et avaient des forteresses, les lucioles étaient des ... des quoi au fait ? Ou  qui ?

« Des fées, Petit Garçon, nous sommes des fées »

« Oh ! » Fit-il car il n'avait pas trop de conversation, ce n'était qu'un petit garçon après tout !

« Et tu viens de sauver une de mes filles, Muguet,  avec ses deux suivantes »

« Ah » Fit-il, car il n'avait toujours pas plus de conversation.

« Nos enfants sont trop faibles pour affronter la lumière du Soleil et ne peuvent sortir que la nuit, mais les dangers sont grands. »

« Euh ? .. » Toujours ce problème de conversation. Je suis sûre qu'une fille s'en serait mieux tirée.

Mais Liriandra, la reine, semblait comprendre ces sons.

« Alors, comment te remercier ? »

« Lumière ... euh, je voulais de la lumière, mais pas faire de mal. »

«Oooh .... » là, c'était la reine et elle semblait songeuse.

« .. Chalima m'a donné le filet, il est joli » dit-il passant du coq à l'âne. « Je vais le donner à maman. Je ne chercherai plus à vous capturer, c'était pour éclairer la grotte »

« Une grotte ? ?? » Liriandra semblait affolée « Malheureux, les chauves souris, sauve-toi, elles sont dangereuses !!!!!! »

« Pas pour des humains, pis, y'en a pas, alors ..., des chauves souris je veux dire. Y en a pas de chauves souris. »

Liriandra semblait intéressée au plus haut point.

« Parle-moi de cette Chalima petit garçon. »

Et Petit Jean raconta tout ce qu'il savait du peuple araignée et de la forteresse construite pour repousser tous les animaux gloutons d'araignées et de la gentillesse de Chalima.

« Rentre chez toi petit d'homme, une de mes filles te suivra pour connaître ta grotte et demain je viendrai parler à ta mère, à la tombée de la nuit »

Petit Jean rentré chez lui réveilla ses sœurs : Lizyna, Bellusine et Kossimette, ainsi que sa mère. Il leur raconta toute son histoire, l'araignée et la forteresse, et la grenouille, et les fées, et la promesse. Les quatre étaient inquiètes : et si les fées voulaient leur prendre la grotte, ou si elles estimaient que Petit Jean connaissait un secret qu'il aurait dû ignorer, et si les araignées venaient aussi. Ou si les fées venaient et trouvaient que la grotte était sale et que les humains étaient des dégoutants, ou si , ... ou si ..., ou si ...

Toute la journée, à la faible lueur venue de la fente servant à évacuer la fumée lorsqu'on faisait un feu dans la grotte,  la famille s'activa, chassant la poussière, rangeant les trois affaires, briquant les écuelles, rangeant dans un sens, puis dans l'autre, déplaçant là pour mettre ailleurs les paillasses d'herbe, puis les remettant, cueillant des roseaux pour joncher le sol, ramassant quelques coucous pour faire un bouquet.

De tout ce temps,  la mère et les sœurs ne purent filer ou tisser tant leurs mains tremblaient. Et à la tombée de la nuit, Jacquine,  Lizyna, Bellusine, Kossimette et Jean attendaient devant l'entrée de la grotte. Quand un son à la fois lointain et tout proche retentit, un peu comme une légère brise dans la prairie, accompagné de quelques tintements de clochettes. Puis vint une lumière, des milliers et des milliers de lucioles dansaient, chantaient, au sol un tapis d'araignées en mouvement ondoyait vers la grotte. Mais la petite famille ne bougea pas, car que faire sinon ?  Puis Liriandra parla, longtemps et sa voix et son discours apaisa toutes les craintes. Puis Chalima aussi parla et sa courtoisie séduisit Jacquine.

De ce jour-là, dans les grottes les plus reculées à la suite de la demeure humaine, se construisit la forteresse de Chalima, dans les autres, les lucioles/fées enfants s'installèrent, attendant d'être assez grandes pour affronter la lumière du jour. En guise de bons échanges, les tisseuses apprirent aux fillettes comment tisser une toile semblable à un voile avec les fils d'araignées. Et les fées donnèrent leur belle lumière dans les grottes, ainsi toutes ces toiles devinrent de la couleur de l'or. Ces magnifiques étoffes devinrent célèbres dans toute la contrée, apportant richesse et renommée et personne n'en connut jamais le secret, hormis vous et moi, bien sûr. La famille s'agrandit avec le mariage des filles, et des grottes furent creusées toujours plus loin, toujours baignées de lumières et toujours parées de voiles diaphanes. Et pour ce que j'en sais, il en est toujours ainsi. 

Petit Jean ? Il ne voulut pas grandir et les fées lui apprirent à voler, on le voyait souvent en compagnie de Muguet, voler de nuit, riant comme un enfant heureux. Certains savants écrivirent des histoires à son sujet et commencèrent à l'étudier. Certains même, prétendirent que son nom fut transformé au fil des temps et que Petit devint Peter : Peter Jean, mais qu'un copiste maladroit se serait trompé et aurait transformé le Je de Jean en P. Quelle drôle d'idée, vraiment !


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Juin 2013 à 06:57:00
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La souris qui perdit sa queue

Il y a bien longtemps de cela, la fée de l'Aube se promenant sur un rayon de soleil entendit pleurer un petit enfant. Elle  tenta de savoir les raisons de ces pleurs. Un garçonnet sentait trembler une dent et il avait peur qu'elle tombe suivie de toutes les autres. La fée de l'aube était bien jeune encore et avait le cœur tendre. Elle convoqua toutes les fées, les animaux et les éléments afin de leur demander ce que l'on pourrait faire. Dès le début l'éléphant, le morse,  le narval et d'autres décidèrent que le sujet ne les concernait pas et s'en allèrent. Certaines fées avaient à faire ailleurs et partirent. D'autres se souvenant de leur jeunesse décidèrent de l'aider. Après de longues discussions il fut décidé  que lorsqu'un enfant perdrait une dent il recevrait une piécette pour le réconforter. Une piécette de cuivre dorée et brillante comme le soleil. La question se posait de savoir comment le sou serait délivré.

À ce moment là, les  animaux sauvages partirent. Les histoires des hommes ne les intéressaient pas. Tous les gros animaux domestiques s'en allèrent ainsi que les animaux aquatiques, et bien d'autres encore qui n'auraient pu remplir cette mission. Ne restaient que les oiseaux, les chiens, les chats et les éléments. Le vent dit,

« Je peux passer partout sous les portes, par les cheminées, je suis rapide et silencieux »

L'Aurore demanda

« Comment porteras-tu la pièce, et qui fera ton travail pendant ce temps ? »

Le vent s'en alla lui aussi. Le feu se proposa, mais l'on eut trop peur qu'il n'incendie tout sur son passage, l'eau aurait tout noyé et la terre  tout enseveli, les oiseaux ne pouvaient pas : construire un nid, voler, chanter, nourrir des oisillons affamés tout cela prend trop de temps. Face aux fées ne restaient que les chiens, les chats et ignorée de tous, une petite souris, Sitha. Celle-ci passait son temps à brosser et entretenir sa queue, un magnifique panache semblable à celui des écureuils. Les souris étaient ainsi naguère. Le chat se leva, majestueux, s'étira et miaula qu'il était discret, intelligent et que c'était là un travail qu'il pouvait faire.

Les fées mirent un morceau de soleil et un sou de cuivre dans un grand chaudron et firent chauffer le tout, créant une pièce brillante comme l'astre du jour  et légère comme l'air. Dérus, le chat saisit la pièce entre ses dents et lentement se dirigea  vers la fée de l'aube, d'un coup de baguette celle-ci enchanta la pièce. D'elle-même elle dirigerait le porteur, et une fois déposée à destination il en viendrait une autre pour le prochain enfant. .

Le chat partit  remplir son office, au début tout se passa bien, il dédaigna les oisillons et les  bestioles trottinant dans les coins. Il ne s'arrêta même pas pour faire sa toilette. Et lorsqu'il arriva dans la chambre où dormait un petit enfant, il souleva délicatement l'oreiller, s'empara de la dent et posa la pièce sous l'oreiller. La dent disparut dans une lueur bleue et à la place une nouvelle pièce parut. Le chat allait la saisir quand il regarda un peu mieux la couette profonde.

« Allons, se dit-il, ce n'est pas un petit somme de quelques minutes qui va causer du tort »

Il pétrit soigneusement la couette des ses pattes avant, faisant un trou douillet et s'y allongea, ronronnant. Le chien là-haut, aboyait et jappait pour le réveiller. Les fées trépignaient, mais rien n'y faisait. La souris intéressée délaissa sa toilette. Mais, non,  Dérus dormait déjà. Les fées se décidèrent et en quelques mouvements de baguettes le chien fut envoyé dans la chambre. Il se saisit de la pièce abandonnée sur la couette, et poussant la porte s'en fut vers la prochaine destination. Mais le chat se réveilla, comprit ce qui se passait et furieux poursuivit le chien, le rattrapant sur un pont, il lui sauta sur le dos miaulant, crachant :

« Voleur, voleur, fuyard

Et le chien de répondre

« Paresseux, feignant

Et la pièce tomba, roulant, rebondissant, disparaissant dans l'onde furieuse.  Les deux bagarreurs se regardèrent consternés. Le chien sauta dans l'eau, mais las, la pièce était introuvable. Le chien chercha, chercha à s'en épuiser et n'eut été le chat qui fit tomber une branche en travers du ruisseau, aurait bien pu finir noyé. Penauds les animaux comparurent devant les fées. Elles étaient aussi furieuses qu'inquiètes.

« Quand la pièce est tombée dans l'eau, elle a été emportée, puis s'est échouée devant la grotte de Hénaki. »

« Hénaki ? » couina la petite souris, mais personne ne l'entendit, le chat miaulait, crachait, le chien aboyait, grondait et les fées se lamentaient. Au milieu de tout ce bruit Sitha entendit les mots Roi et Dragons. Sa queue se hérissa et son museau se plissa de peur. Mais curieuse, elle resta. Aube tremblante  annonça

« Puisque c'est mon idée, je vais aller lui réclamer la pièce. Il ne peut pas, ne doit pas la garder. Il se moque bien de la magie de la pièce, la seule chose qu'il veut, c'est accumuler des richesses, de l'or, de l'argent et des joyaux. Si je lui échange contre de l'or peut-être la rendra-t-il ? »

Mais rien n'y fit. Hénaki refusa de seulement entendre Aube, à peine s'était-elle approchée de la grotte qu'il sortit, crachant du feu, tempêtant et hurlant qu'il ferait rôtir quiconque s'approcherait de lui, car disait-il il avait trouvé un grand trésor, une pièce aussi brillante que le soleil et qu'il savait bien qu'on la voulait  prendre. Là-dessus, il était retourné dans la grotte, se couchant devant l'entrée bouchant tout passage. Personne ne pouvait ou ne voulait aller à la recherche de la pièce. Le vent craignait le roi des dragons, car celui-ci commande aux tempêtes et à tous les éléments de l'air les plus violents. Le feu ne pouvait rien contre Hénaki, lui-même élément de feu.  Hénaki roi des dragons régnait sur les dragons des eaux et celle ci craignait les tempêtes déchaînées par les soldats du Roi Dragon. La terre ne pouvait rien contre les rochers des grottes. Les fées mourraient  si elles s'approchaient trop des flammes des dragons. Le chat et le chien voulaient y aller, mais les fées refusaient voyant bien qu'il n'y avait pas moyen pour eux de pénétrer dans l'antre du dragon. Il fut convenu d'attendre la prochaine sortie de Hénaki et d'envoyer le chat, si cela pouvait se faire. Dans le silence suivant cette annonce on entendit une petite voix  affirmer

« Je peux le faire moi » c'était Sitha

Le chat souffla de mépris et le chien aboya de rire si fort que la petite souris sursauta et fila se cacher dans les jupes de Iris la fée des arcs en ciel. Mais Sitha répétait

« Je peux le faire, je peux le faire » Encore et encore, si bien que juste pour la faire taire on accepta de l'écouter

« Je suis petite, dès que le dragon dormira, je me faufilerai, moi je trouverai bien la place de passer, la pièce je la prendrai dans mes dents et en même pas le temps qu'il faut à Dérus pour s'endormir je serai sortie de la grotte avec la pièce. Et puis, qu'avez-vous à perdre ? Ce ne sera pas un drame si le dragon me croque. » Tant et tant qu'à la fin Aube, Aurore et Iris cédèrent.

Il en fut fait ainsi, et tout se passa sans difficulté aucune. Posée à quelques lieues de la grotte en compagnie de Kiro le chien, elle se jucha sur son dos et en peu de temps ils furent en vue des fumées s'échappant de l'antre. Kiro s'arrêta laissant descendre la souris. Sitha filait comme le vent, sans prendre la peine de réfléchir, sinon elle savait bien qu'elle aurait fait demi-tour. Devant l'entrée de la grotte tout se passa comme prévu, il y avait un petit espace entre les pattes de Hénaki, juste suffisant pour passer. Dans la grotte, il y avait des montagnes d'or, de bijoux, mais, à part, dans un coin, sur un coffre : la Pièce. Sitôt vue, sitôt saisie. Le dragon dormait, lâchant des petits jets de feu. Prenant son courage à 4 pattes Sitha se résolut à sortir. Hénaki ronflait et bavait dans son sommeil. Sitha se mit à courir de plus en plus vite, tous poils hérissés, queue dressée, passant au ras du mufle du dragon, tellement proche que la queue chatouilla les naseaux fumants, déclenchant un éternuement terrible, accompagné d'une colonne de feu. Les flammes roussirent le dos et la queue de Sitha, la laissant toute pelée. Heureuse de s'en tirer à si bon compte la souris courut se blottir contre Kiro attendant la venue des fées.

Plus tard, réconfortée, nettoyée, fêtée les fées lui demandèrent ce qu' elle désirait le plus au monde

« Je veux porter les pièces aux enfants, je me faufile partout, je suis silencieuse et même un dragon ne peut m'arrêter

Les fées éclatèrent de rire et lui donnèrent le titre de petite souris des dents. Aube voulut soigner son pauvre panache tout déplumé mais Sitha refusa, déclarant qu'elle porterait désormais cette blessure comme une décoration, souvenir de sa bagarre avec un dragon. C'est depuis ce temps  que les souris sont telles qu'elles sont et qu'elles mettent des pièces sous les oreillers des enfants la nuit.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Juin 2013 à 07:21:56
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La légende des carrefours

Un jour que les parents étaient à rentrer eux-mêmes les brebis dans la bergerie tellement il faisait mauvais temps, la grand-mère prit Lison à part. Elle avait sur son visage toujours joyeux un air de grand secret.  Rangeant sa pelote de laine, la plus blanche et la plus mousseuse que l'on pût voir en cette contrée, elle fit signe à Lison de prendre place à côté d'elle.

« Vois-tu Lison, quoiqu'en disent certains, les fées et les lutins existent toujours, les nouveaux Dieux ne les ont pas chassés. Ils se cachent juste de nous, mais certains endroits sont des points de rencontre entre eux et nous. Endroits où l'on peut leur parler. Ces endroits sont faciles à reconnaître »

Lison écoutait fascinée sa grand-mère adorée, toujours si souriante et enjouée envers tout le monde, légère comme une plume, elle allait du matin au soir, trottinant légère et affairée. Tout le monde l'aimait et la respectait, mais nul plus que Lison.

« Vois-tu, il faut qu'il y ait la rencontre de deux routes ou chemins, ou sentes se croisant parfaitement tout à côté d'un pont passant sur de l'eau vive, juste sous les branches des arbres.  Connais-tu un tel endroit ici ? »

Lison enchantée par ce récit qu'elle prenait pour un conte, battit des mains.

« Oui grand-mère, la croix au Souhaits, c'est en bas du grand pré »

« Exactement. Donc quand tu passes là, récite ces quelques vers :

       Permettez que je passe

       Et point ne trépasse

       Que votre bonté

       M'accorde santé

       Bonheur et prospérité

En n'oubliant point d'offrir un petit cadeau aux esprits des lieux »

Lison grava le poème dans sa mémoire, sans aucune difficulté.

Le beau temps revenant, elle partit conduire quelques brebis au pré d'en bas. Passant au croisement, le conte de la grand-mère lui revint, et, mi sérieuse, mi amusée, elle récita : Permettez que je passe et point ne trépasse, que votre bonté m'accorde santé, bonheur  et prospérité. Puis elle se souvint qu'il fallait faire une offrande, mais elle n'avait rien, alors fouillant désespérément dans la poche de son jupon, elle trou vaperdu au milieu de quelques miettes de pain, un vieux bouton de culotte ramassé un jour sur la route et qu'elle traînait de poche de jupon en poche de chandail, sans trop savoir pourquoi. Elle le jeta à la croisée des sentes. Le soir en revenant, par jeu elle recommença le même rituel en déposant une touffe de poils de brebis trouvée accrochée dans les ronces. Et chaque fois qu'elle passait à la Croix aux Souhaits elle reprenait le rituel, comme un jeu secret. Tantôt elle posait un joli caillou trouvé au bord du chemin, une plume de geai bleue,  tantôt une belle feuille d'arbre, dévorée par le temps et ressemblant à une dentelle.

Un jour qu'elle revenait par là, à peine avait elle commencé sa comptine, qu'un tout petit bonhomme, pas plus haut que ma main apparut au milieu du pont de bois.

« Que m'apportes-tu aujourd'hui, hein ? Quelle bricole, brindille ou brimborion ?

Lison surprise et muette ne put que montrer 2 noisettes cueillies le matin même. Le lutin haussa, les épaules, enleva son chapeau, orné du gros bouton de culotte déposé quelques mois plus tôt, et soupira :

« Ah, lala, les hommes, sont ladres, avares et peu généreux, Que vais-je rapporter à ma mie, mon adorée, ma chérie, des noisettes, fruits secs, fruits de peu ? Regarde ce que tes dons, tes offrandes, tes cadeaux font de Alfric, ma personne, moi-même. »

Lison amusée par cette étrange façon de s'exprimer faisant que le lutin disait  la même chose sous trois formes différentes le regarda sans plus aucune crainte. Il est vrai que le lutin payait peu de mine, une  feuille séchée ornait son chapeau, terminé par le vieux bouton, sa petite veste était tissée avec de la laine de brebis grise et rêche (celle ramassée sur les ronciers se dit-elle) et son pantalon était taillé dans un vieux bout de jupon vert apporté là peu de temps auparavant. Un peu gênée Lison dut bien convenir que ses cadeaux étaient ... un peu .... Mesquins.

« Mais que puis-je t'apporter ? Je n'ai rien, si nous ne sommes pas pauvres, nous ne sommes pas riches. Nous sommes heureux de ce que nous avons, nos brebis donnent du bon lait et de la bonne laine, les agneaux de printemps se vendent bien et nous avons une chaumière confortable. Mais je n'ai rien à moi, je ne suis qu'une enfant. »

« Partage avec moi ton repas, ta nourriture, ton goûter, trois gouttes de lait scellées dans une feuille de peuplier par de la sève, quelques miettes de ton pain ou de tes gâteaux enfermées dans des feuilles de noisetier ou de l'écorce de châtaigner. Oui trois gouttes de lait, quelques miettes de pain ou de gâteau, ma mie, mon épouse, ma tendre, aimerait cela, du lait du pain et du gâteau. Trouve un joli ruban, un bout d'étoffe colorée, un lien soyeux pour la chevelure. Ce sera mon présent, mon don, mon cadeau pour elle, mon étoile, ma .... » La phrase n'était pas terminée que Alfric avait disparu, comme il était venu.

Un peu étonnée Lison rentra chez elle, et sans savoir pourquoi,  n'en parla mie. Elle continua son petit rituel, chaque fois qu'elle passait par la Croix aux Souhaits, mais ses offrandes avaient changé, c'étaient désormais de petits paquets de feuilles soigneusement liées entourant des bribes de pain ou de gâteaux, des feuilles scellées autour de miettes de fromage ou de quelques gouttes de lait. Elle apporta même quelques mèches de laine finement cardée. Elle ne savait pourquoi elle faisait cela. Mais elle continuait. Passa l'hiver, elle ne sortit guère, mais à chaque fois qu'elle put elle apporta, entortillés dans de la paille, quelques présents. Adroite de ses mains elle sculpta même deux paires de minuscules sabots teints avec des écorces de noix. Le printemps revenu ses visites furent plus nombreuses. Elle n'avait guère remarqué de changement dans sa vie, mais tous disaient qu'elle ressemblait de plus en plus à la grand-mère. Le même rire argentin, la même grâce légère. Quoiqu'elle fit cela était, beau, parfait, qu'elle s'attelât à tisser, à broder, ou à faire la cuisine (malgré son jeune âge). Si elle conduisait les brebis, aucune ne se perdait, et le lait était meilleur que jamais, la laine abondante et fine. Son ouvrage était toujours fini à temps, plusieurs fois même, elle eut la surprise ayant posé le soir de la laine à carder à côté de son lit, de trouver le travail fait le matin. Se demandant si elle avait rêvé, si elle avait travaillé dans son sommeil, ou ...

Vint le solstice d'été, ne sachant pourquoi elle eut envie de faire un joli présent aux lutins tant sa vie lui paraissait belle. Elle lava, sécha et repassa du mieux qu'elle put son plus beau ruban et le laissa là, accroché à une branche du chêne. Elle n'avait pas fini de le suspendre qu'il disparut et qu'une lumière descendit sur elle d'entre les branches, tel un rai de soleil. De ce jour ses yeux furent comme deux lumières apportant chaleur et réconfort tout autour d'elle. Elle grandit, se maria avec un bon et beau  mari, eut de magnifiques enfants et toujours récita « permettez que je passe et point ne trépasse que votre bonté m'apporte santé, bonheur et prospérité » en déposant de petits riens à la croisée des chemins. Et quand elle eut l'âge, comme le fit sa grand-mère avant elle, et encore avant, la grand-mère de sa grand-mère, et encore avant ..., elle apprit une étrange comptine à sa petite fille.

Si vous voyez de ces femmes qui parlent seules aux carrefours et y déposent de petits paquets, regardez-les bien, elles marchent comme sur des nuages, vivent sans vieillir, vieillissent sans s'aigrir, meurent comme on souffle une chandelle et leur âme s'envole à tire d'aile. Mais surtout regardez bien leurs yeux, vous y verrez leur âme d'enfant.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 16 Juin 2013 à 08:12:49
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Léona la fourmi

Mon histoire se passe dans une fourmilière bien loin de la notre. Elle concerne Léona une petite fourmi qui n'agissait en  rien comme les autres. Oh, elle ne refusait pas de travailler, non, mais elle ne voulait pas faire comme ses parents et les parents de ses parents et encore avant  les parents des parents l'avaient fait... . Non, elle ... inventait. Tout était prétexte à laisser courir son imagination. Voyait-elle un brin d'herbe qui pliait et se redressait et voilà qu'elle  créait une sorte de comment appeler cela ? C'était tout nouveau, n'avait donc pas de nom. Cela servait à amortir les chocs et éviter la casse quand on déposait des charges les unes sur les autres. Elle avait nommé cela des «amortissherbes». Bon, les autres fourmis disaient que ça faisait du travail en plus et pour rien ces «amorti machins trucs», quelle importance si les choses étaient cassées. Alors Léona disait, «Oui mais pour protéger les œufs ....» et les autres la coupaient durement: «On a toujours fait à notre façon, qui es-tu pour nous dire de changer nos traditions ? Ce qui était bon pour nos parents est bon pour nous.  Ne te complique donc pas la vie et ne nous fatigue pas, sois donc comme tout le monde ». Et dès que Léona tournait le dos les autres fourmis ricanaient.

Un jour elle vit un bousier pousser une boulette devant lui, et cela lui rappela les pattes rondes sur lesquels les géants roses se déplaçaient. Mais évidemment les géants roses se mouvaient en faisant du bruit et des odeurs affreuses. Tout cela était terriblement inefficace, rustre, en un mot bien peu évolué comparé au niveau de civilisation de la fourmilière. Alors elle se dit qu'en reliant les boulettes à un axe sur lequel on poserait une feuille robuste, l'on pourrait transporter beaucoup plus de choses. Et les autres fourmis dirent : «Mais que vas-tu chercher ? Les géants roses sont faibles et portent de petites charges, pourquoi les imiter, si ils ont des choses à pattes rondes c'est parce que ce sont des fainéants sans force. Nous pouvons porter plusieurs fois notre poids, pourquoi fabriquer ces engins stupides ? »

Mais Léona continuait, encouragée par sa meilleure amie la petite princesse héritière, Franca. Un jour Léona inventa une sorte de ... de chose, engin, trucmuche, servant à  ... à faire des sons. Du bruit. Bon pas très harmonieux, mais drôlement performant. Franca et Léona s'amusaient comme des folles à faire des BANG et autres sonorités quand la voisine de Maman Léona appela les fourmis  soldates. La voisine était une vieille fourmi ronchon et méchante : Otac cherchait toujours à avoir raison et à apprendre des tas de choses aux autres. Comment regarder une corneille de l'œil droit uniquement pour ne pas attirer la malchance sur soi. Comment essuyer la patte avant gauche puis la droite ensuite l'arrière droite etc. ... avant de rentrer dans la chambre de la reine, sinon la Reine risquait de ne plus pouvoir pondre des œufs. Elle prenait les jeunes fourmis à part et les terrorisait avec des histoires de fin de monde.

Et ce jour-là Otac avait appelé les soldates. Elles arrivaient toujours en cohorte marchant au pas cadencé, et tout le monde se cachait sur leur passage. Les soldates avaient mauvaise réputation, on disait qu'elles étaient dangereuses et que si on leur déplaisait elles vous envoyaient travailler des journées entières dans les mines à champignons. Heureusement ces condamnations ne duraient jamais longtemps, mais ça faisait peur à tout le monde. De toute façon il fallait bien qu'il y ait des ouvriers qui aillent y travailler, alors c'était une façon comme une autre de trouver des travailleurs. Quand les soldates virent que la petite princesse était dans le coup, elles laissèrent tomber. Mais elles prévinrent Léona que la prochaine fois, et bien ... la prochaine fois, ça chaufferait.

Malgré tout Léona continuait à inventer des choses, plein de choses. Un jour elle eut l'idée de ramasser des duvets d'oisillon et de fabriquer des ailes afin de pouvoir voler toute l'année et au lieu de se contenter de regarder passer les fourmis volantes quand la saison le voulait. Elles partirent toutes deux de bon matin tester cette nouvelle idée. Elles escaladèrent une jeune pousse de peuplier, se harnachèrent soigneusement et s'élancèrent. Tout se passa pour le mieux, les deux amies voltigeaient dans les airs, poussant des cris de joie. Mais évidemment ces cris attirèrent un moineau. C'est au prix de je ne sais combien de ruses et loopings que les deux copines évitèrent de finir en casse croûte. C'est à l'atterrissage que tout se gâta vraiment. Franca se cassa une patte. Et c'est la jambe enveloppée de bandelettes de feuilles de peuplier qu'elle se présenta devant la Reine sa mère.

Léona fut convoquée et amenée encadrée par deux soldates devant la reine.

«  Comment as-tu osé mettre en péril la vie de l'héritière, c'est d'une inconscience ! Si Franca n'avait pas autant plaidé en ta faveur, tu finirais ta vie dans les cavernes à champignons. Mais je ne peux laisser passer cela ! Tu iras donc servir En Bas pendant toute une lune.  Peut-être cela te permettra-t-il de réfléchir et de murir. Et je ne veux plus jamais entendre parler de tes inventions farfelues » Et c'est ainsi que Léona fut conduite dans les cavernes sombres s'occuper des champignons. Franca pleurait toutes les larmes de son cœur en voyant partir son amie. Dire que tout cela avait commencé comme une extraordinaire journée d'amusement.

Pendant que Léona purgeait sa peine, ses parents avaient fort à faire pour supporter les ragots d'Otac et les railleries de ses amies commères. Mais Léona faisait face avec courage même si parfois elle pleurait toute seule dans le noir. Quand sa peine fut terminée elle revint à la surface et fut mutée à l'approvisionnement. Pendant un bout de temps elle se tint tranquille, forçant son esprit à rester en repos. Puis  un jour elle vit une araignée filer sa toile et eut l'idée de torsader plusieurs fils ensemble pour faire une corde solide lui permettant de faire un harnais pour porter sa charge en gardant toutes ses pattes libres. Une autre fois voyant son reflet déformé dans une goutte d'eau bombée, elle s'amusa à créer des gouttes dans lesquelles on pouvait se mirer  toute déformée, grosse, maigre, etc. Cela faisait beaucoup rire les enfants fourmis.

Voyant que les jeunes s'entendaient bien avec cette ouvrière si particulière, la chef du Personnel la fit muter au service de la garderie. Franca venait la voir de temps à autres. Les temps des escapades étaient terminés, Franca apprenait ses devoirs de future Reine  et Léona travaillait sans relâche. Malgré tout elles restaient amies et les autres fourmis évitaient désormais de trop bousculer cette bizarre petite travailleuse qui avait les faveurs de la future reine. Elle avait la charge de donner la nourriture aux enfants et de leur apprendre les rudiments du savoir vivre et de la vie en société. Elle les emmenait aussi en promenade aux abords de la fourmilière. En ces occasions, elle sortait explorer les abords afin d'être certaine que tout était sûr et qu'aucun ennemi ne risquait de fondre sur ses petits protégés.

C'est ainsi qu'un jour, partie explorer les environs elle découvrit une cohorte de termites se dirigeant droit vers la fourmilière. Les termites sont de redoutables guerriers dangereux et sans pitié. Les fourmis et les termites ont toujours été en guerre. Les fourmis cherchaient  à se protéger et les termites voulaient toujours envahir et détruire. Il fallait vite aller prévenir les soldates de la Reine pour mettre les enfants à l'abri, condamner les issues et préparer les défenses. Mais voilà les termites lui coupaient tout chemin et les contourner prendrait trop de temps. Tant pis pour les ordres de la reine. Léona se précipita sur une toile d'araignée, coupa un long fil l'attacha à sa taille et l'autre bout, elle le colla à une feuille d'acacia. Puis elle coupa le pédoncule de la feuille, et celle-ci, portée par le vent s'envola vers la fourmilière, entraînant Léona à sa suite, nettement en dessous, mais pas trop près, ni trop loin du sol. C'est ainsi qu'elle survola les termites. Et arriva en vue de la fourmilière.

Catastrophe, Léona l'avait oublié, mais c'était le jour d'intronisation de Franca et tout le monde était dans la salle de Ponte. Personne à l'entrée, hormis l'inévitable Otac

«Allez Léona, qu'est-ce que je vois, un jour comme celui-ci et je te vois les antennes en bataille, les pattes sales et un bout de toile d'araignée collée au postérieur, comment oses-tu ? « 

Et  Otac se saisit de Franca sans écouter un mot des protestations de la petite jeunette. Malgré son âge et son embonpoint Otac avait la poigne solide. Mais Léona était vraiment désespérée, au point de faire l'impensable, s'arcboutant sur ses pattes arrières elle poussa de toutes ses forces la grosse fourmi, la faisant bouler cul par-dessus tête. Comment prévenir tout le monde sans courir en salle de Ponte, au fin fond de la fourmilière ? Quelle perte de temps cela serait !

Ah bien sûr, la machine à BANG. C'était un système ingénieux constitué d'une rondelle de métal repliée et ondulée sur les bords, trouvée en bordure des champs des géants roses, qu'elle avait suspendue à une branche de saule et qu'elle cognait avec un brin de limaille de fer. Elle avait réussi à transporter cette fabuleuse trouvaille grâce à son invention des boulettes à plate forme.  Vite elle se précipita à la salle d'apprentissage. Elle y avait caché son invention loin des soldates qui autrement l'auraient confisquée, et tapa, tapa, tapa, jusqu'à ce qu'elle attendait survienne : des soldates furieuses, prêtes à la saisir et l'envoyer dans les cavernes, mais de toute sa petite voix, elle hurla dans un bout de feuille d'acacia roulée en cornet (une autre de ses inventions) :

« Termites en vue, termites »

Les soldates s'arrêtèrent net, et avant même que la capitaine puisse lui poser quelque question Léona raconta tout, les termites, le vol en feuille d'acacia et tout, elle n'avait pas fini que les soldates faisaient demi tour avec cet air désespéré qu'ont celles qui se savent perdues. Léona sentit son cœur se briser à les voir ainsi. Vite elle réfléchit et se jeta devant la capitaine au risque de se faire piétiner.

« Ecoutez-moi, écoutez-moi » hurlait-elle. Et la capitaine l'écouta, aussi bizarre que cela paraisse. Elle donna des ordres, sans trop y croire, déléguant un vingtaine de guerrière sous le commandement de Léona. Et très vite tout fut fait. Quand les termites arrivèrent, elles trouvèrent toutes les entrées sauf une, condamnées. Sûres de leurs forces, elles ne cherchèrent même pas à forcer les autres entrées. Et là à peine devant l'entrée, un bruit épouvantable avec des vibrations insoutenables leur vrilla le cerveau. La machine à BANG de Léona, frappée en cadence par des dizaines de fourmis munies de brins de limailles. Les fourmis souffraient aussi, mais ne s'arrêtaient pas pour autant. Les termites firent halte, hésitèrent et d'un seul coup portant leurs pattes à leurs têtes, on n'entendit plus que des lamentations et ce fut la débandade.

Elles ne revinrent jamais. Léona fut fêtée ; Franca en fit sa conseillère privilégiée, lui permettant d'ouvrir une classe pour apprendre aux jeunes fourmis prometteuses à se servir de leur imagination. Cette histoire se passait dans une fourmilière bien loin de la nôtre, mais vous en avez tous entendu parler de cette fourmilière légendaire : en contrée de Vincennes, et désormais toutes les fourmis connaissent aussi le nom de Léona de Vincennes.

 
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 16 Juin 2013 à 09:25:44
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Poivretsel

Il y a de cela assez longtemps, mais pas trop quand même, vivait le comte de Montempoivre. Il habitait dans la rue de Montempoivre porte de Montempoivre.

De tous temps, sa famille qui avait fait fortune dans le commerce du poivre avait vécu là. Le comte de Montempoivre était toujours muni d'un grand mouchoir à carreaux, il n'arrêtait pas d'éternuer car il avait toujours du poivre collé sur lui.

Chaque fois que le docteur lui demandait : « Dîtes trente-neuf » car il habitait au trente-neuf de la rue de Montempoivre, le comte répondait « Atchoum ! » et c'était là le mot qu'il prononçait le plus souvent.

C'est même ce qu'il avait dit au moment de demander en mariage mademoiselle Fleurdesel dont la famille avait, bien sûr, une fortune issue du commerce du sel. La jeune fille lui avait répondu « oui » dans un torrent de larmes car ses yeux étaient trop souvent irrités par le sel.

Le couple eut un enfant qu'ils appelèrent Poivretsel. Le garçon eut du reste les cheveux de cette couleur dès sa naissance, sans doute le fruit de sa curieuse filiation.

Poivretsel de Montempoivre, si fier qu'il fut de ses origines, ne se sentit pas, arrivé à l'âge adulte, la vocation de reprendre la double affaire familiale et d'épouser mademoiselle Pimentrouge comme le souhaitait son père. Il avait envie de vivre une existence n'ayant plus rien à voir avec les ingrédients de cuisine dont il avait été copieusement saupoudré durant son enfance et son adolescence.

-Pour échapper à ce destin tout tracé, il faudrait que je parte très loin, se dit-il.Au Pôle Nord par exemple.

            Il exposa son idée à son père qui s'écria, horrifié :

-Surtout pas ! J'y aie été dans mon jeune temps. J'ai bien failli n'en jamais revenir. Regarde cette cicatrice, c'est un ours polaire qui me l'a faite.

            Il exhiba son épaule.

-Mes éternuements l'effrayaient et l'empêchaient de dormir, expliqua t'il.

-Notre vie n'est elle pas assez pimentée pour toi, mon fils ? s'inquiéta sa mère.

-Ne viens pas mêler ton grain de sel, rétorqua son mari. C'est une discussion d'hommes.

-Je pourrais aller en Amérique planter du sucre de canne, dit Poivretsel.

-Le salé et le sucré ne font pas toujours bon ménage, rétorqua sa mère.

-Alors je vais me rendre en Asie, dit Poivretsel.

-Pourquoi pas ? dit son père. Les voyages forment la jeunesse.

-Evite le bateau, recommanda sa mère. Malgré ma passion pour le commerce du sel, j'ai toujours eu le mal de mer.

-Mais par voie terrestre, le voyage me prendra des années, objecta son fils.

-Un de mes amis, Astrolune, a inventé un nouveau moyen de transport, dit le comte. C'est une nacelle surmontée d'un grand ballon.

-Alors soit, dit Poivretsel, s'il accepte de me prendre à son bord, c'est avec lui que je voyagerais.

Le lendemain, le comte et son fils prirent leurs meilleurs chevaux pour se rendre chez Astrolune. Les deux bêtes n'étaient pas si bonnes que cela ; elles n'auraient jamais gagné une course, c'étaient plutôt des chevaux de labour mais bien suffisants pour faire quelques lieus.

-Vous arrivez au bon moment, dit Astrolune. Je prépare justement une nouvelle expédition. Si tu veux être mon équipier, sois ici à l'aube dans trois jours.

-J'aimerais aller en Asie, dit Poivretsel.

-Ah, pour cela, dit Astrolune, je ne peux pas te garantir que ce sera notre destination. Avec un ballon, on va un peu au gré du vent.

            Poivretsel fit son balluchon. Il emporta un carnet de voyage pour y consigner  ses aventures, sa meilleure plume, de quoi écrire à sa famille, des vêtements de rechange avec plusieurs mouchoirs à carreaux et de la nourriture jointe à des quantités un peu excessives de sel et de poivre.

            Le jour du départ, le vent était au rendez-vous. Un peu trop même.

-Vous êtes sûr qu'il ne va pas y avoir une tempête ? demanda le comte, inquiet.

-Ne vous en faîtes pas, dit Astrolune. Quand bien même ce serait, mon ballon en a vu d'autres.

  Ils décollèrent en quelques secondes et disparurent très vite du champ de vision du comte. Poivretsel tomba assis au fond de la nacelle, le souffle coupé par le vent. Son cœur battait à coups redoublés.

Au bout de quelques minutes, il fut calmé et put se relever pour aider Astrolune à manœuvrer son engin.

-Quelle impression de légèreté on a, dit-il émerveillé. J'ai le sentiment de ne plus rien peser.

-N'est ce pas ?!! dit Astrolune. C'est ma quinzième expédition mais je ne m'en lasse pas.

-Attention ! cria Poivretsel. Une cigogne à babord !

            Ils évitèrent l'oiseau de justesse.

-Les oiseaux ne sont pas habitués à mon ballon, expliqua Astrolune. Soit ils lui rentrent dedans, soient ils traversent la nacelle ou se posent sur son rebord réclamant quelques miettes de mes repas soit ils me crient dessus d'un air indigné sans doute quelque chose comme : « Intrus ! Le ciel nous appartient ! »

    Ils poursuivirent leur route une semaine durant survolant terres et rivières puis ils furent presque à sec de provisions.

-Il faut absolument que nous atterrissions, dit Astrolune. Le problème, c'est que c'est ce qu'il y a de plus difficile à faire avec un ballon. Prends ma longue-vue et dis-moi dès que tu repères une grande prairie propice à nous accueillir.

            Au bout d'une heure, Poivretsel vit un endroit qui lui parut convenir. Ils commencèrent à jeter les amarres.

            Le vent qui tombait aida à la manœuvre et leur permit de se rapprocher doucement du sol.

-Accroche-toi au bord de la nacelle, cria Astrolune.

       Malgré toutes les précautions prises, le choc de l'atterrissage fut un peu rude. Heureusement, ils tombèrent assis sur les sacs de lest en supplément au fond de la nacelle. Ils sortirent de là les jambes flageolantes.

-J'ai l'impression que le sol tangue, dit Poivretsel, le teint blême.

-Cela fait toujours cet effet, dit Astrolune. Il faut quelques heures pour se réaccoutumer au plancher des vaches.

            Ils vérifièrent que la nacelle était bien amarrée au sol puis marchèrent jusqu'à un pommier à l'ombre duquel ils s'assirent. Le soleil tapait sec et ils mangèrent chacun une des pommes à leurs pieds ce qui leur redonna un peu d'aplomb.

-Que faisons-nous maintenant ? demanda Poivretsel.

-D'abord une petite sieste, dit Astrolune. Depuis le temps que nous sommes en manque de sommeil à nous relayer aux commandes, cela nous fera du bien. Je n'étais jamais resté dans le ciel aussi longtemps sans faire escale. C'est en partie grâce au temps clément que nous avons eu jusqu'ici et grâce à tes compétences. Tu es le meilleur équipier que j'ai jamais eu.

            Poivretsel rougit de plaisir. Il n'était pas habitué aux compliments. Ses parents ne lui trouvaient pas de compétences particulières pour le commerce.

-Ton père est monté une fois en ballon avec moi, reprit Astrolune. Il est devenu vert comme une salade en moins de dix minutes, nous avons du redescendre d'urgence.

            Il bailla, Poivretsel l'imita et, bientôt, ils ronflaient à qui mieux mieux. Ce fut une voix qui les tira de leur sommeil quelques heures après.

-J'an vois daux qui s'an font pes ! dit la voix.

-Pardon ? dit Astrolune.

-C'ast e vous, la truc bizarre dens mon chemp ? demanda l'homme.

             Les deux explorateurs, ouvrant les yeux, virent qu'ils avaient affaire à un paysan.

-Pourquoi parlez-vous en inversant les « e » et les « a » ? questionna Poivretsel.

-Ja seis point da quoi vous perlaz, dit le fermier. On e toujours perla comma ce dens la coin.

C'ast vous qui perlaz point comma nous.

            Ils se regardèrent et se mirent à rire.

-Qu'ast ca qua vous âtes vanus feira dens la coin ? reprit le paysan.

-Nous sommes de grands voyageurs, dit Astrolune.

-Des explorateurs, renchérit Poivretsel.

-Nous nous sommes posés ici pour reprendre des provisions, nous n'avons plus rien à boire ni à manger, ajouta Astrolune.

-Mas peuvras gans ! dit le paysan. Vanez vita dens me farma qua me famma vous fessa e mengar.

            Les deux voyageurs apprirent progressivement qu'ils étaient dans un coin de campagne perdu quelque part à l'est de l'Europe. Ils se trouvaient au fond d'une grande gorge où il ne venait pas trois visiteurs par an. Tous les alentours défilèrent pour les voir, eux et leur drôle de ballon. Le paysan les persuada de passer la nuit chez lui et de reprendre leur route seulement le lendemain.

            Mais, au matin, horreur, le ballon avait disparu !

-Ca doit atre las brigends da le montegna qui l'ont vola, dit le fermier.

-Mas c'est une catastrophe, une abomination, le pire crime de tous les temps ! rugit Astrolune. Me voler mon invention, la plus grande, la plus belle, la plus magnifique qui soit ! On me coupe les ailes ! On m'empêche de voler ! On...

            Il ne put en dire plus. Rouge comme une tomate, il semblait au bord de l'apoplexie.

-Calme toi, je t'en prie ! dit Poivretsel. Nous allons la retrouver.

-Il y a intérêt, gémit Astrolune. Il faudrait au moins un mois pour en construire un autre et, de toute façon, il n'y a pas du tout ce qu'il faut ici pour cela.

-Las montegnas s'atandant sur das kilomatras, vous pouvaz charchar pandent das mois sens las ratrouvar, dit le paysan.

-Mon père m'avait dit que tu avais dessiné les plans d'une autre machine volante, dit Poivretsel.

-Oui, une sorte de bicyclette à deux places avec une aile au dessus et une hélice au niveau du porte-bagages, dit Astrolune, mais cela n'a ni le confort ni la rapidité ni la stabilité du ballon.

-Ja paux vous donnar un viaux valo qua j'ei dens me grenga dapuis das lustras, dit le paysan.

            Les deux explorateurs se regardèrent et dirent ensemble :

-Bon, essayons.

-Voler avec cet engin pourra toujours nous aider à repérer le ballon, ajouta Astrolune.

            Avec de vieux sacs en toile de jute et quelques bouts de bois, ils firent une aile. Pour l'hélice, ce fut plus compliqué mais ils s'en sortirent avec des bouts de girouette et de râpe à fromage.

            Poussé par le paysan, le vélo volant prit contre toute attente son envol. Il ne tint pas plus d'un kilomètre mais ce fut très suffisant pour repérer le ballon dissimulé au milieu d'un nid naturel composé de rochers.

-Il est là ! rugit triomphalement Astrolune, en pédalant à triple allure dans sa direction.

            Face à la violence de cette action, l'aile du vélo volant donna des signes de faiblesse et l'engin piqua du nez droit vers le ballon.

            Un des voleurs dormait au soleil à côté de la nacelle. Il sentit d'abord une ombre sur lui et, avant qu'il ait eu le temps de reprendre ses esprits, il fut assommé, écrabouillé, complètement en compote à cause de la machine volante qui lui tomba dessus.

            Astrolune et Poivretsel en abandonnèrent les restes. Ils bondirent dans leur cher ballon et larguèrent les amarres.

            Le chef des voleurs, s'éveillant, s'étira paresseusement et dit :

-Bah ! Tant pis ! Monter dans ce truc avait l'air un peu trop dangereux pour nous. On est plus en sécurité sur la terre ferme que dans le ciel.

            Une avalanche de rochers, déclenchée par les sacs de lest largués pour faire décoller le ballon, lui prouva le contraire.

             Les deux voyageurs respiraient à pleins poumons l'air frais des montagnes depuis leur ballon.

-Avec tout cela, dit Poivretsel, nous n'avons toujours pas de provisions.

-Erreur ! rugit de joie une nouvelle fois Astrolune. Regarde au fond de la nacelle ! Les voleurs avaient sûrement prévu de partir en expédition sous peu, il y a tout ce qu'il faut même un jambon entier et des outres de vin. Hip hip hip hourra !

              Peu après, quelques coups de vent plus tard, ils se trouvèrent au dessus de la mer.

-Nous allons descendre un peu pour pêcher du poisson, dit Astrolune. J'ai une canne à pêche à rallonge que j'emmène toujours spécialement à cet effet.

            Aussitôt dit aussitôt fait, l'appât plongea dans les vagues sous la conduite d'Astrolune tandis que Poivretsel veillait à la bonne marche du ballon.

-J'en tiens un ! J'en tiens un ! cria brusquement Astrolune. Il a même l'air sacrement gros. Viens m'aider !

            Un torrent d'injures retentit en dessous d'eux.

-Espèce d'âne ! Pélican qui ne sait pas où poser son bec ! hurla une voix. Vous avez attrapé un de mes filets, il est tout troué maintenant. Vous croyez que je n'ai que cela à faire que le raccommoder ?!! Moi qui n'aie déjà pas trois instants de libre pour manger ! Je suis le marchand de sable, j'étais venu me ravitailler sur cette plage entre deux personnes à endormir. Pour vous punir, je vais utiliser un échantillon de ce précieux sable rendu magique par mes pouvoirs.

            Il joignit le geste à la parole. Avant même d'avoir pu protester, les deux explorateurs sentirent leurs yeux cligner et se fermer. Ils plongèrent dans le pays des songes.

            Le ballon dériva longtemps jusqu'à une île au milieu de la mer où il se creva sur un pan de rochers et commença à se dégonfler. La nacelle, déséquilibrée, pencha dangereusement vers la droite et ses deux passagers tombèrent à l'eau ce qui eut pour effet de leur faire reprendre leurs esprits.

            Comme ils n'étaient heureusement  pas loin d'une plage, ils poussèrent la nacelle jusque là.

-J'ai assez de matériel pour réparer le ballon, dit Astrolune, mais il va falloir que nous allumions un grand feu pour le regonfler. J'espère qu'il n'y a pas de sauvages dans les parages.

            Mais le silence régna, seulement rompu par des cris de singes et des jacassements de perroquets. Un nuage gris vert s'avança vers eux et se mit à pleuvoir une étrange pluie gris-vert sur le ballon, éteignant le feu. Suivant le nuage, quelques bourdons se mirent à tournoyer autour des explorateurs.

-Quel est ce pays où la pluie a la couleur des perroquets et où les bourdons sont aussi larges que mon petit doigt, grogna Astrolune. Il faut les chasser, ils risquent de faire d'autres trous dans le ballon, invisibles à l'œil nu, et, alors, nous ne pourrions plus jamais le réparer.

-Non, ne les écrase pas, dit Poivretsel. Je suis sûr qu'ils sont inoffensifs. On dirait qu'ils veulent nous demander quelque chose.

            Comme pour confirmer ses paroles, l'un des bourdons vint se poser sur sa main.

            Poivretsel caressa précautionneusement son duvet soyeux et, aussitôt, le bourdon se transforma en une ravissante jeune fille.

-Tu m'as délivré, dit-elle. Je m'étais moquée de la verrue qu'un méchant démon avait sur le nez et, pour me punir, il nous avait métamorphosés, moi et ma famille. Seul un humain nous apportant attention et compassion pouvait nous délivrer.

            Les cinq bourdons redevenus humains aidèrent les deux voyageurs à réparer leur ballon. La jeune fille qui s'était posée sur la main de Poivretsel exprima le désir de les accompagner chez eux.

-Ma famille commerce le miel, dit-elle. Nous pourrions travailler avec votre famille.

-C'est une excellente idée, dit Poivretsel, les yeux brillants.

             Tous trois rentrèrent donc sans autant de mal qu'à l'aller en deux semaines chez le comte de Montempoivre. Dans l'intimité étroite qu'offrait le ballon, Poivretsel et Baguettes d'Or (ainsi se nommait la jeune fille à cause des baguettes qui retenaient ses cheveux attachés) tombèrent éperdument amoureux l'un de l'autre.

            Leur prochain voyage en ballon sera, n'en doutez pas, une merveilleuse lune de miel.

 

Sandrine Liochon
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Juin 2013 à 08:55:31
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La fleur de fougère

Ce soir là , les roulottes se sont arrêtées à la lisière de la forêt . La soupe d'orties et de viande cuit dans le chaudron . Les femmes préparent le reste du repas . Les hommes se sont resserrés autour du feu qu'ils ont allumé : certains  jouent aux dés , un autre fait chanter son violon ... Les chevaux , détachés s'ébrouent et l'on entend vibrer leurs longues lèvres . Les enfants accroupis sur le sol jouent tout en chuchotant , sensibles au silence environnant . La nuit est sombre mais paisible .
Kéja , la petite tzigane se tient debout un peu à l'écart , elle écoute la vie nocturne qui s'éveille . Elle est bien , détendue . Tout est si calme ! Elle regarde vers la forêt et soudain se sent irrésistiblement attirée par elle . Elle hésite mais bientôt , n'y tenant plus , elle s'engage sur le sentier qui zigzague vers les arbres touffus . Personne ne fait attention à elle . Ses pieds nus s'enfoncent dans la mousse . L'obscurité s'épaissit car les arbres forment comme une voûte au-dessus de sa tête . Kéja avance sans crainte . Une chouette pousse un cri . Kéja ne tremble pas , elle avance encore . Le sentier se rétrécit , Kéja avance toujours ... Elle pénètre de plus en plus dans la forêt , sans peur ... Tout à coup , une clairière apparaît au détour du sentier . Kéja distingue une silhouette sombre sous un énorme chêne , au beau milieu de la clairière . Elle ne tremble pas , s'avance encore un peu . c'est une vieille femme qui est là .
-Vous avez besoin de quelque chose , grand-mère ?demande la petite tzigane .
La femme tourne la tête et déjà Kéja découvre deux yeux noirs au regard perçant au milieu d'un visage blafard . La bouche est mince , les lèvres décolorées . La femme la fixe un long moment avant de répondre :
-Je n'ai besoin de rien .
Kéja mal à l'aise voudrait s'en aller rebrousser chemin mais la vieille femme ajoute :
-Tu es bonne , petite tzigane , et généreuse... Laisse moi te révéler un secret , celui de la fleur de fougère qui ne fleurit qu'une fois , la nuit de la Saint-Jean , lorsque les cloches des églises égrainent les douze coups de minuit .
-la fleur de fougère... balbutie Kéja.
-Celui qui la cueille obtient la richesse mais aussi le pouvoir de deviner l'avenir , le sien et celui de tous les autres . Si tu le souhaites , bientôt , tu pourras jeter ta vieille robe trouée . Tu seras riche . Tu pourras te vêtir de vêtements de soie et te couvrir de d'or et de pierreries . Ecoute...
Tu avanceras tout droit , par-là ... et la main décharnée indique un chemin toujours tout droit . Bientôt , un serpent se dressera sur ta route , ne détourne pas le regard , il ne te fera rien .
-un serpent!
-Tout droit , toujours tout droit ! Alors , tu apercevras un château magnifique .
Des cuisines te parviendront des odeurs alléchantes de viandes grillées et de pâtisseries . Par les fenêtres ouvertes des salons , tu entendras une musique envoûtante et les bruits d'une fête .Ne t'arrête pas ! marche tout droit , toujours tout droit!
-un château! une fête!
-tu entendras les sabots d'un cheval , un jeun et beau chevalier t'interpellera , n tourne pas la tête , ne le regarde pas ...
-un cavalier!
-Avance encore , toujours tout droit ... Lorsque , tu entendras la cloche d'une église sonner les douze coups de minuit , tu découvriras devant toi la fleur de fougère .
-la fleur de fougère!
-Cueille-la et emporte la . tu seras alors riche , très riche ! Et capable de connaitre l'avenir...
La petite tzigane voudrait demander des précisions , des explications ... elle hésite ... regarde dans la direction  indiquée par la vieille femme puis tourne à nouveau la tête vers le chêne . Celle-ci a disparu.
La petite tzigane hésite , les autres ,là-bas vont bientôt manger , la chercher ...elle tourne le regard en direction des roulottes mais , c'est cette nuit , la nuit de la Saint-Jean ... Savoir de quoi demain sera fait , prédire l'avenir , devenir riche ...l'envie la presse , la crainte soudain ...Elle hésite encore et encore puis ...
Elle ira , c'est décidé .
Alors , elle avance dans la direction indiquée par la vieille dame , avance sans plus hésiter , tout droit .
Les arbres se serrent , les buissons s'épaississent , le sentier rétrécit . Kéja marche d'un pas décidé , court presque . Les branches accrochent sa robe au passage . Elle se dégage vivement , avance encore , tout droit .Soudain , un serpent à l'énorme gueule se dresse au milieu du petit sentier , tête dressée , prêt à bondir .Kéja frissonne , mais ne détourne pas le regard .Elle fixe le serpent et se faufile entre la haie touffue des arbustes et l'animal .Celui-ci disparaît en sifflant sans attaquer la fillette.
Elle accélère .Le sentier est si étroit que les branches égratignent ses bras nus jusqu'au sang . Elle continue sa course sans prêter attention aux épines qui déchirent sa pauvre robe .Ce n'est plus dans la mousse que s'enfonce ses pieds nus . Les pierres aiguës l'ont remplacée depuis longtemps mais Kéja court maintenant , insensible à la douleur .Tout droit , toujours tout droit ...La nuit est de plus en plus sombre . La forêt dissimule les étoiles qui pourraient la guidée .Elle court ,Kéja, elle court , n'entend même plus son cœur qui bat la chamade et s'emballe ! Elle suit ce chemin montré par la vieille femme , ne pense qu'à la fleur de fougère , échappe peut-être à son destin et court ,court.....

Et voilà qu'un château fabuleux se profile , brillant au mille feux d'une fête aux chandelles . Il est plus somptueux que tout ce qu'elle pouvait imaginer ! Une musique plus gaie qu'un violon tzigane qui chante , plus triste aussi qu'un violon tzigane qui pleure parvient à ses oreilles .Elle aperçoit des hommes et des femmes richement vêtus qui dansent et tourbillonnent .Instinctivement , elle ralentit le pas ,hume le fumet des viandes grillées qui s'échappe des fenêtre du rez-de-chaussée .Ne t'arrête pas petite tzigane , ne t'arrête pas !La voix de la sombre grand-mère résonne dans sa mémoire .Tout droit, tout droit ...ne t'arrête pas !Elle reprend sa route , pleine de regrets mais laisse le château derrière elle .

Le bruit d'une cavalcade s'approche ,un beau et jeune cavalier monté sur un fier coursier noir approche .elle court Kéja , elle court !il est de plus en plus proche , sa main tient un bouquet de roses . "C'est pour toi !" crie -t-il .
kéja est tentée de s'arrêter , de répondre , il semble si aimable et si joyeux !Ne t'arrête pas ,Kéja ,le cœur d'une tzigane n'est pas fait pour un étranger aussi beau soit-il ! Cours ,cours  tout droit , toujours tout droit !Le cavalier disparaît . Kéja avance encore , elle tend l'oreille , croit entendre ... mais oui !C'est bien une cloche ...une église ... elle compte les coups ... dix ...onze ...douze ...

soudain devant elle , apparaît une fleur magnifique , la fleur de fougère .Elle scintille comme un diamant aux mille facettes , elle est délicate , parfumée ... Elle ne ressemble à aucune autre , et renvoie le reflet de la lune enfin dégagée ...
Kéja tend la main , va la cueillir , l'effleure ...

Elle arrête son geste , la main comme suspendue dans les airs ...
Qu'allais-tu faire ? se dit-elle .Es-tu folle Kéja? A quelle vie te préparais-tu ? La richesse , les beaux atours , les bijoux ? A quoi bon ? Connaître l'avenir ? Savoir à l'avance de quoi demain sera fait ? Ne plus avoir le bonheur d'espérer ? Ne plus connaître le désir ? l'inquiétude , l'impatience ? Ne plus avoir la joie de la surprise ? Rien de nouveau à découvrir ? Laisse là cette fleur de fougère , Kéja !
Qu'importe la faim , le froid les incertitudes du moment qui vient , l'orage ,la pluie ,le vent !
Qu'importe les pieds nus , les robes trouées ,les cailloux du chemin et les épines des arbres !

Alors , Kéja rebrousse chemin en riant ,vers les roulottes , sans cueillir la fleur de fougère .


   
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Juin 2013 à 11:04:28
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Le mystérieux secret d'Islambad

Il était une fois dans la ville d'Amerah ,au centre d'Islambad une immense Bibliothèque qui contenait les plus grands ouvrages du monde entier. Jamais personne jusque là n'eût la sagesse d'esprit de percer le mystérieux secret ! Le secret enfermé à l'intérieur de chaque ouvrage. Ce secret que l'on entendait murmurer entre deux mots dans une conversation, ce secret qui se hurlait tout seul dans la foule de peur de n'être point entendu. Le secret que le tonnerre, la foudre et le vent n'apportaient pas avec eux. Le secret que chacun portait en soi, sans même le savoir.

Un jour alors que le ciel se couvrait de plus en plus, dans une demeure non loin de là, à Bagambab (une ville voisine d'Islambad) une jeune femme allait mettre au monde un enfant.

Le temps se faisait de plus en plus lourd quand soudain l'énorme foudre s'abattît sur Islambad et au même moment on entendit les cris de l'enfant qui venait de naître.

Un enfant bien particulier, celui qui portait en lui le secret. Ses parents la nommèrent "liséa ".
Elle grandissait très vite ! Liséa était sage et intelligente. Petit à petit lui vint la passion pour la lecture. Ses parents fascinés par son talent littéraire lui payèrent donc le voyage pour se rendre à la fameuse Bibliothèque d'Islambad renommée pour ses ouvrages.

Elle s'y rendit donc...Deux jours plus tard Liséa et ses dix sept années de sagesse d'esprit se retrouva devant l'immense porte du bâtiment.

Elle la poussa d'un geste vif et sûr, monta l'escalier de verre et se présenta à l'accueil, demandant une carte d'accès à la salle principale. 

Le vieil homme de l'accueil lui demanda son nom, " Lisea " lui répondit-elle.
Le vieil homme sut immédiatement que Liséa serait celle qui découvrirait le mystérieux secret.

Les jours, les semaines passèrent Liséa devint amie avec le vieil homme.
Cette jeune virtuose dévorait les ouvrages un à un et quand au bout d'une année elle eût fini de consulter tous les livres de la salle, en sortant de la bibliothèque, Liséa dit au vieil homme :

" en lisant chaque livre cette semaine j'ai remarqué qu'il y avait toujours dans chacun d'entre eux un message d'amour. Et quand je finissais un livre je me sentais meilleure et plus heureuse ". Puis elle sortit.

Le vieil homme eût un soupir de joie, Liséa avait trouvé le secret se disait-il ! C'est l'amour que l'on donne qui rend le monde meilleur. L'amour que chacun porte en soi. Le vieil homme mourût sur sa chaise, apaisé de toute inquiétude. Désormais son secret était en paix avec Liséa et désormais le monde dans lequel elle grandirait serait meilleur !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Juin 2013 à 08:25:06
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La toque toquée

Pourléchez vos babines et délectez vous dans l'attente de l'histoire savoureuse que je vais vous conter.

            Il était une fois dans un paisible royaume dont personne n'avait jamais entendu parler, parce qu'il ne s'y passait jamais rien, un jeune homme qui vivait dans les cuisines de la cour d'un château. Normal puisque c'était le cuisinier attitré du roi et de la reine.

Il était aisément reconnaissable à sa toque qui ne le quittait jamais. Barbu, moustachu, tout son visage respirait les odeurs de ses mets délicieux. Il avait en permanence des épices sur les pointes de sa moustache et sa barbe avait toujours l'air un peu collante pour avoir trop souvent trempé dans la soupe. Pourtant, sa cuisine était toujours propre et reluisante. Tous les alentours se réjouissaient et s'impatientaient quand ils étaient invités au château car ils savaient que cela promettait un excellent repas. Les rumeurs disaient que son talent incroyable lui venait de sa toque qui devait être magique.

            Un jour qu'il faisait très chaud, le cuisinier, monsieur Becfin, posa sa toque sur le rebord de la fenêtre de la cuisine.

            Une servante du château passait par là, une corbeille de linge à la main.

            Elle décida de lui emprunter sa toque pour la laver et voir si elle était magique. Elle la dissimula dans le panier à linge.

            Le cuisinier, quelques instants après, fut horrifié de constater la disparition de son bien. Il poussa un hurlement épouvantable qui résonna aux quatre coins du château et, s'arrachant la barbe de désespoir, cria :

-Catastrophe ! Je vais devenir toqué sans ma toque !

            La reine réveillée en sursaut dans sa sieste demanda au roi d'aller voir ce qui se passait.

            Il vint s'enquérir auprès de monsieur Becfin :

-Ne vous en faîtes pas ! Je vous aie fait commander une nouvelle toque.

-Vous ne comprenez pas, votre majesté. Cette toque avait pour moi une valeur sentimentale immense. Je vous remercie de votre geste mais ce couvre-chef était mon dernier lien avec feu ma mère qui était elle-même une grande cuisinière. Toute sa vie, elle m'a appris en me préparant les plats les plus extraordinaires qu'il suffisait de tout cuisiner en assaisonnant d'une pincée d'amour pour que la réussite soit au rendez-vous. J'ai reçu tellement d'amour de sa part que, pour toute ma vie, j'en aie à prodiguer aux autres. Avec cette toque sur la tête, j'avais le sentiment que ma mère était à mes côtés. Une partie de ma confiance en moi disparait sans elle.

-Pas de panique, nous allons la retrouver. Il y a votre odeur dessus. Je vais vous amener Tarbusse, mon meilleur chien de chasse. Il va vous renifler et retrouver votre toque à la trace.

-C'est génial, votre majesté, vous êtes un esprit brillant, vous rayonnez dans  tout le royaume.

            Pendant ce temps, la voleuse, toque propre sur la tête, s'était mise aux fourneaux. Elle avait décidé de confectionner un gâteau exceptionnel pour faire plaisir à sa fille qui fêtait son anniversaire. Elle avait une telle confiance dans la toque qu'elle n'ouvrit aucun livre de recette.

            A peine eut elle sorti le gâteau du four que Tarbusse lui sauta dessus. Le plat partit en éclats et tout le gâteau se répandit sur le sol. Seul le chien le goûta aussi seul lui peut il nous dire s'il était bon.

            Prise sur le fait, la jeune femme était rouge de honte. Le roi la gronda sévèrement et s'apprêtait à la renvoyer quand monsieur Becfin, qui avait bon cœur, le supplia de ne rien en faire.

-J'ai justement besoin d'une aide en cuisine. Elle s'acquittera de sa faute et apprendra ainsi ce qu'elle désire.

            Eperdue de reconnaissance, la voleuse lui sauta au cou et l'embrassa sur les deux joues.

-Que vous sentez bon ! Et que vous êtes bon ! Mille pardons ! Comprenez-moi, je voulais juste impressionner ma fille et vous faire plaisir de la même manière.

            Monsieur Becfin sourit, plus troublé qu'il ne l'avait jamais été. Isolé dans sa cuisine, il n'avait pas l'habitude d'une compagnie féminine.

-Ne vous inquiétez pas, dit-il. Nous allons refaire ce gâteau ensemble.

-Ouaf ! dit Tarbusse, en se léchant les babines.

            De ce pas, ils retournèrent en cuisine, et s'affairèrent à l'élaboration du plus succulent dessert qui soit. Monsieur Becfin se surpassa du fait qu'il n'avait jamais travaillé de concert et que la présence de mademoiselle Chenapante le galvanisait.

            Il dansait le couteau à la main autour des fourneaux, virevoltait autour des casseroles, tambourinait sur les tables au moyen de divers ustensiles et poussait des cris de sioux auquels s'ajoutaient les aboiements de Tarbusse.

-Mademoiselle Chenapante, prenez le pas !

            Elle se suivit dans sa folie créatrice, débordante d'enthousiasme.

            La reine, réveillée une seconde fois de sa sieste, demanda au roi de faire cesser ce tintamarre.

            Une fois le mets accompli, le temps que le gâteau cuise, monsieur Becfin proposa une petite promenade au jardin potager. C'était sa création et il en était très fier. C'était la première fois qu'il proposait à une dame de se promener avec lui et il rougissait de son audace.

            Au milieu des légumes et des fruits les plus colorés, monsieur Becfin découvrit une femme toute différente, curieuse, intelligente, raffinée, aimant les enfants et les animaux et presque aussi passionnée de cuisine que lui. Elle lui rappelait sa mère.

            Sur ces entrefaites, alors que la conversation prenait un tour plus intime, le roi resurgit.

-La reine désire pour son petit déjeuner de demain de la confiture au sureau noir, dit-il. En avez-vous dans vos réserves ?

-Pas du tout, dit le cuisinier, affolé. Le sureau est rare dans notre région. Je ne peux pas vous promettre de vous en trouver pour demain.

-Il en va de votre honneur et de votre place, dit le roi. La reine est si fragile pendant sa grossesse qu'il faut satisfaire à la moindre de ses exigences.

-Il y en a un plant dans le jardin de ma grand-mère au-delà de la montagne et de la rivière, dit mademoiselle Chenapante. Laissez-moi vous y guider. En partant maintenant, nous serons revenus à temps pour demain.

-Ne vous inquiétez pas pour votre dîner. Le majordome vous servira les restes du buffet froid de ce midi, dit le cuisinier. Nous devons partir promptement.

-Faîtes, soupira le roi, et, excusez, je vous prie, cette nouvelle extravagance. D'une femme enceinte, il faut s'attendre à tout !

            Mais le cuisinier et sa nouvelle amie n'étaient pas fâchés du tout à l'idée de cette petite escapade qui leur donnait l'occasion de faire plus ample connaissance. Monsieur Becfin, avant le départ, fit à mademoiselle Chenapante, une proposition :

-Si vous sauvez ma réputation à la cour en m'aidant à trouver ce sureau, je vous offrirais ma toque.

            La jeune femme acquiesça, rouge de joie. Ils partirent aussitôt, un panier à la main et Tarbusse à leurs trousses.

            Alors qu'ils gravissaient la montagne, un coup de vent les surprit et arracha la toque du cuisinier. Le couvre-chef alla se poser sur la tête d'une chèvre qui broutait un peu plus bas. Elle se mit à tenir ce langage :

-Par mes cornes, cette herbe n'a aucun goût ! C'est à vous en rebrousser le poil.

            La toque s'envola à nouveau. Elle atterrit cette fois sur la cime d'un arbre qui tint ce propos :

-Par toutes mes branches, l'air a bien mauvais goût. Une tempête se prépare.

            Nos trois compagnons, à la poursuite du couvre-chef, ne savaient plus où donner de la tête. La toque reprit une dernière fois son envol et s'écrasa dans une rivière. Sous elle, une grenouille tint ce langage :

-Quel bon parfum mais qu'il fait noir là-dessous !

            A ce moment précis, monsieur Becfin, mademoiselle Chenapante et Tarbusse étaient complètement égarés. Ils rattrapèrent la toque et libérèrent ainsi la grenouille de son obscurité. Ils lui demandèrent leur chemin. Elle répondit en croassant.

-Je l'avais bien dit ! s'écria mademoiselle Chenapante. Votre toque détient quelques pouvoirs.

-Je le découvre avec vous. Ma mère ne m'en avait rien dit. Elle m'avait seulement recommandé de toujours la porter en souvenir d'elle.

            Le tonnerre éclata brusquement. Mademoiselle Chenapante prit l'initiative de coiffer Tarbusse de la toque et de lui faire sentir un morceau d'étouffe appartenant à sa grand-mère.

-Hâtons nous, dit Tarbusse, la route est encore longue et la pluie efface les odeurs.

            Tous trois reprirent leur chemin et, à la tombée de la nuit, arrivèrent à l'auberge de la grand-mère.

            Ils s'endormirent, épuisés, et, avant l'aube, allèrent cueillir le sureau pour repartir de sitôt en direction du château.

Alors qu'ils descendaient la montagne, un sanglier surgit d'un buisson et fit basculer monsieur Becfin à terre. Il fit tomber son panier. Celui-ci roula, dévalant toute la pente. Le cuisinier en jeta sa toque dans l'herbe de désespoir. La chèvre du début réapparut, se coiffa de la toque et lui dit :

-Ne vous en faîtes pas ! Avec mes amies, je vais vous récupérer votre sureau.

            Le panier fut vite à demi rempli grâce aux braves bêtes mais le sureau était en piteux état car elles l'avaient un peu écrasé dans leur gueule.

-Il n'y en a plus assez, se lamenta le jeune homme.

Mademoiselle Chenapante dit :

-Demandons à l'arbre d'hier. Il pourra peut-être nous indiquer un sureau.

            Avec Tarbusse en éclaireur, ils retrouvèrent l'arbre et coiffèrent une de ses branches.

-Il y a un sureau qui pousse au bord de l'eau, dit l'arbre, un peu à votre droite, en descendant quelques mètres.

            Le soleil commençait à se lever, ils accélérèrent le pas. Ils trouvèrent le sureau et leur panier fut vite plein à rebords.

             Il ne leur restait qu'à traverser la rivière. Mais, horreur, monsieur Becfin glissa sur une des pierres moussues où se trouvait la grenouille du début. Elle sauta obligeamment pour rattraper l'anse du panier.

-Merci, dit le cuisinier. Je te promets de t'épargner, toi et les tiens, dans mes cuisines.

            Ils arrivèrent ainsi juste à temps pour faire la confiture et la servir au lever de la reine.

-Nous faisons une bonne équipe, dit la jeune fille. Je suis ravie d'être votre assistante.

-En si peu de temps, vous m'êtes apparue bien plus que cela. Ma passion pour la cuisine m'aveuglait. Je ne voyais rien d'autre dans la vie. Mais, depuis que je vous connais, mon cœur a une autre raison de battre : être à vos côtés et vous donner tout l'amour qu'il se doit. Voici le gage de mon estime pour vous.

            Il lui posa la toque sur la tête. Elle lui sauta au cou et l'embrassa. Tarbusse aboya joyeusement et leur sauta dessus aussi.

            Dès lors, ces deux toqués d'amour et de cuisine mettent la joie dans tous les alentours.

            La magie n'est rien sans une pincée d'amour.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Juin 2013 à 08:53:28
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Ca brille là-haut

Dans le pays le plus haut, le plus reculé du monde, à quelques pas des nuages ; dans le lieu le plus caché, le plus inconnu encore à ce jour, le temps semble s'être arrêté sur le bonheur des habitants d'un beau château. C'est une demeure d'où les hommes ont vue sur les oiseaux, où l'air est si pur que l'on y respire que de douces senteurs et où les fleurs les plus merveilleuses qui soient poussent à profusion. Le château est placé si haut dans le ciel qu'il n'y pleut jamais. Il y brille simplement toute la plus belle myriade d'étoiles, la vue sur la voie lactée est unique.

            Parmi les occupants du château, trois suffisent à créer cette harmonie parfaite, ce sont le roi Bonnefoi, la reine Bonnenouvelle et le fou du roi Bonvivant ; le roi parce qu'il est toujours juste et de bonne humeur, la reine parce qu'elle est très belle et généreuse, le fou du roi parce qu'il est gai toute l'année et que leurs fous rires à tous les trois sont si contagieux qu'ils font rire tout le royaume et que, sur la terre, on les entend comme des coups de tonnerre.

            Il y avait pourtant quelqu'un dans tout l'univers que cette harmonie agaçait. C'était la lune. Elle travaillait dur la nuit pour faire briller sa lumière aux quatre coins de l'univers et elle aspirait au repos le jour. Depuis que le roi Bonnefoi était monté sur le trône, son aura dans le ciel était plus grande que la sienne. La lune était jalouse. Elle alla raconter ses ennuis au soleil qui s'effaça, causant une éclipse. Elle lui dit :

-Je perds mon prestige. Les hommes m'ont oublié. Ils préfèrent de loin les fastes du roi, sa bonhomie, son optimisme, sa joie de vivre à mon rayonnement. La nuit, alors que je suis seule et que je brille pour eux, ils ne pensent plus à moi, ils ne me regardent plus et ne font plus de vœux à mes sœurs, les étoiles.

-Que veux tu que je fasse pour t'aider ? demanda le soleil. Pour moi, tu es toujours aussi lumineuse.

-Si nous arrêtions tous les deux de nous montrer alors ils le remarqueraient forcement, dit la lune.

-Si cela t'est agréable, cela fait longtemps que je n'ai pas pris de vacances, je n'en brillerai qu'avec plus de chaleur à mon retour, approuva le soleil.

            Le lendemain, le fou du roi vint réveiller le roi et la reine avec une bougie.

-Souverain bien-aimé, le soleil ne s'est pas présenté ce matin. Les coqs dorment encore.

            Le roi éclata de rire, souffla la bougie et se retrouva dans le noir. Sa femme lui dit :

-Laissons bouder monsieur le soleil, fou du roi, accordez vous une journée de vacances. Venez vous recoucher, mon aimé, profitons en pour faire la grasse matinée.

            Mais le soir venu, ni la lune ni le soleil ni toutes leurs étoiles n'étaient encore apparus. Les jours passèrent sans que cette situation change.

-Il faut que j'aille leur parler, dit le roi. Il se trame quelque chose et j'ai mal aux yeux.

            Il monta en haut de la plus haute tour du château en s'agrippant aux marches pour ne pas tomber, monta sur son nuage secret le plus épais accompagné de son fou et ils crièrent en chœur :

-Eh ho ! De la lune, du soleil, y a quelqu'un ?

            L'écho de leurs paroles retentit dans les cieux. Seul un hibou et sa femme, la chouette, qui voyaient dans le noir mais qui n'avaient rien à faire si haut montèrent jusqu'à eux.

-Le soleil et la lune sont partis en vacances. Nous allons vous guider.

            Pendant ce temps, au château, tout le monde était heureux malgré l'obscurité. Toutes les bougies et les feux de cheminée avaient été allumés, tous les habitants du royaume avaient été invités pour écouter la reine chanter et annoncer de bonnes nouvelles. Personne ne semblait être inquiet. La reine avait une voix magique qui apaisait et dispensait du bien être.

            A peine avaient ils franchi les premiers nuages que le roi et son fou, qui lui racontait des plaisanteries plus folles que jamais pour l'égayer ce qui faisait glousser la chouette, virent les plus grosses gouttes de pluie qu'ils n'avaient jamais vu s'écraser sur eux.

-Mais je suis mouillé, dit le roi. Je n'ai jamais été mouillé à part dans ma baignoire.

-Et moi donc, dit le fou, même dans mes blagues, je ne me mouille jamais.

-Un roi doit se sacrifier pour ses sujets, dit le roi. Supportons donc ce doux supplice.

-Vous êtes sûr que ce n'est pas mauvais pour notre santé ? Nous risquons de nous enrhumer, cela ne nous est jamais arrivé, s'inquiéta le fou.

-C'est un mot de votre invention, enrhumé ?

            Le couple de chouettes qui les écoutait les trouvait complètement frappés. Ils en hululaient  de rire sous leurs plumes.

            Après la pluie, le vent se mit à les faire ballotter. Le fou s'écria :

-Ca tangue, je sens que nous allons avoir le vertige ou le mal de mer.

            Il s'accrocha à la cape du roi.

-Je sens que ma couronne vacille, tenez la moi que je ne la perde pas mais arrêtez de dire des âneries. La mer, c'est un truc de terrien, pas de risque qu'elle nous fasse mal. Atchoum ! Oh ! Qu'est ce qui m'arrive ? Cela ne m'est jamais arrivé !

-Vous éternuez, votre majesté !

-Qu'est ce que c'est, c'est une maladie ?

-Un symptôme de contamination terrestre, votre excellence !

-On nous a jeté un sort ?

            Le hibou et la chouette, pliés en deux par tant de naïveté et d'ignorance, arrivèrent au lieu où le soleil et la lune prenaient leurs vacances. Ils avaient choisi des volcans d'Auvergne éteints pour assurer leur tranquillité. Le soleil et la lune reposaient, cachés dans le lac d'un cratère qui en avait jauni, roussi, gonflé et mis en bulle comme une omelette en train de frire.

-Ils ont une baignoire plus grande que la mienne, s'écria le roi d'un ton indigné. Et leurs sels de bain sont vraiment bizarres, j'aimerai bien les essayer.

-Cela ne se vend pas sur catalogue, dit le fou. C'est réservé aux astres. Vous brillez autant qu'eux mais vous n'en n'êtes pas un.

-Qu'ils sont beaux quand même tous les deux !

            Le roi et le fou reprirent en cœur :

-Eh ho ! Du soleil, de la lune, y a quelqu'un ?

            Le volcan se mit à parler d'une seule voix qui résonna dans tout l'univers :

-Qu'y a-t-il pour votre service ?

-Je suis le roi du pays d'en haut au dessus des cimes.

-Nous vous connaissons trop bien.

Le roi rougit.

-Merci, trop aimable. Je me permets de venir vous demander d'interrompre vos vacances car nous sommes dans la détresse sans vous. Les coqs ne chantent plus, nos cultures ne poussent plus, les enfants ne vont plus à l'école, les chevaux ne labourent plus les champs, nous dormons trop, nous ne mangeons plus assez car la nourriture ne nous est plus livrée, nous tombons et nous nous faisons mal tout le temps, nos lunettes de soleil ne servent plus, il fait tout le temps froid...

            Le fou du roi ajouta :

-Les fleurs n'ont plus de couleur, les cheveux et les yeux de ma femme non plus, on ne sent plus rien, y a plus de parfum donc rien n'a de goût sans vous.

-C'est de votre faute. Vous brillez un peu trop, vous nous éclipsez. IL n'y en a que pour vous et, même alors que nous sommes absents, votre royaume éclate encore de rire.     

Le fou du roi dit :

-Notre bonheur vous dérange t'il ?

-Au contraire, vous nous demandez moins de travail mais vous nous oubliez. Nous aussi avons besoin de votre amour pour briller. Nous voulions vous faire réfléchir

-Mille pardons, dit le roi. C'est tout réfléchi, revenez. J'aime la vie, mes sujets aussi, nous vous aimons plus que tout même si nous oublions parfois de vous le faire savoir. Je vous promets que je recommanderais à tous mes sujets de penser à vous et que, bientôt, nous vous rejoindrons tous pour célébrer un heureux évènement.

            Le soleil et la lune se firent encore un peu prier mais acceptèrent de les suivre. Le soleil se leva avec trois jours de retard le temps que finissent leurs vacances. De nouveaux astres apparurent dans le ciel, encore plus resplendissants.

Au château, la reine inventa une nouvelle chanson pour les louer que tout le château reprit en chœur : Le soleil a rendez-vous avec la lune.

            Sitôt le roi rentré, son épouse lui sauta au cou et lui annonça un heureux évènement : elle était enceinte suite à leur grasse matinée prolongée avant son départ.

-Merveilleux ! dit le roi, nous l'appellerons Luna si c'est une fille et Soledad si c'est un garçon. Ils vont être contents.

             Ainsi, dans une harmonie universelle, cette histoire finit.

Prenez garde au ciel, ses colères sont quelquefois foudroyantes et, mieux vaut ne pas le fâcher, c'est si beau de le voir illuminé. Si vous levez les yeux vers les étoiles et entendez des coups de tonnerre, pensez à ce château où tout le monde rit sans s'en lasser.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Juin 2013 à 08:46:23
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La grande ballade des  sept étoiles

Dans le grand palais du ciel, vivaient sept sœurs, sept étoiles qui tournaient leur regards et leurs jeux vers la Terre.

La première des sept étoiles, et la plus malicieuse, avait pour nom Yang. Visitant la Terre elle avait été émerveillée par une petite hirondelle et avait voulu de saisir la queue de l'oiseau.  L'animal s'était envolé d'un simple fouet tournoyant en vol oblique. Quand Yang éleva  les mains pour le rattraper, son regard fut attiré par une grue blanche déployant ses ailes au loin. La grue était bien plus belle que l'hirondelle. Yang abandonna sa poursuite et retourna dans son palais.

-  On trouve bien mieux en ne cherchant pas, s'exclama-t-elle en brossant une plume tombée sur ses genoux.

La deuxième des sept étoiles avait pour nom Mei. Elle aimait plus que tout s'asseoir sous les branches du prunier pour jouer du pipa. Sous ses doigts délicats, la musique recréait les combats anciens, les guerriers fantômes paraient, avançaient et frappaient du poing. Les quatre généraux appliquaient les tactiques secrètes de la fermeture apparente.  Sa musique pouvait ramener le tigre à la tendresse, pousser la montagne aux limites du monde. Quand Mei avait finit de jouer, elle croisait les mains, brossait les plis laissés par l'instrument sur sa tunique de soie et s'en retournait au ciel sans plus de manières.

La troisième des sept étoiles, Dame Qiao était bien trop intelligente pour tenter de saisir l'oiseau par la queue ou pour se laisser surprendre par le fouet simple du vent. Elle ne reculait devant rien, n'hésitait pas à pousser les singes facétieux qui lui cherchaient querelle, maîtrisait les secrets du vol oblique.  Pourtant, elle non plus ne put s'empêcher d'élever les mains au ciel pour s'émerveiller quand elle vie la grue blanche déployer ses ailes. Ainsi, chose étrange, la sage Qiao et la vive Yang avait été frappée par la même beauté.

La quatrième des sept étoiles était l'industrieuse Wen qui tisse les nuages. Voilà qu'elle laissa tomber son aiguille au fond de la mer. Sans aiguille plus de nuage, sans nuage plus de fraîcheur. Le soleil se mit à cogner bien fort sur la pâle jeune fille.  Elle tenta de se rafraîchir en utilisant sa main comme un éventail, peine perdue. Alors, Wen se retourna et frappa violemment du poing le Soleil. Ce dernier faillit se laisser surprendre, mais il para, avança et frappa à son tour. La pauvre étoile fut projetée dans les airs, et ne  trouva son salut que par un roc qui passait là. Elle saisit la queue de l'oiseau et se laissa doucement tomber à terre en maudissant  son adversaire.

- Tu goûteras au simple fouet de mon père, criait-elle sans cesser de s'éventer. Ses mains bougeaient  comme les nuages, mais la menace du simple fouet n'inquiétait pas le Soleil.

Tombée sur Terre, Wen explora la plaine.  Elle y croisa un cheval bien mal en point, qu'elle caressa doucement. Le pauvre animal était tout empêtré dans un buisson épineux. Avec l'aide de Wen, il parvint à  séparer sa patte gauche, à se retourner et même à donner un coup de sabot. La jeune fille lui brossait les genoux pour enlever les épines qui s'y enfonçaient. Soudain, ne pouvant plus bouger sans se piquer, elle avança,  frappa du poing le buisson, recula et frappa encore. Puis, un peu honteuse de sa colère, elle caressa le cheval et l'aida à se libérer. Il réussit enfin à séparer sa patte à droite.

Voilà le moment que choisit le tigre pour attaquer ! L'idiot pensait bien déguster une fricassée de cheval et sa garniture d'étoile. Wen ne lui en laissa pas le temps, elle recula, frappa le tigre,  lui souleva la patte à droite, frappa ses oreilles avec les poings, lui sépara la patte à gauche,   lui envoya un coup de talon et retourna caresser le cheval.

Le combat avait été observé par un jeune guerrier nommé Hu.

- Ma foi, pensa-t-il, voilà une belle damoiselle qui sait avancer, parer et frapper du poing. Peut-être même maîtrise-t-elle la stratégie de la fermeture apparente !

- Avec une fille comme ça, je veux bien ramener le tigre, et même pousser la montagne !

Il siffla d'admiration, croisa les mains et attendit.  Quand Wen eut brossé quatre fois les genoux du cheval, retiré les épines et soigné les plaies, elle s'envola sans se douter qu'un homme l'admirait.

La cinquième des sept étoiles, Ni, n'était qu'une petite fille confiée à la garde du noble phénix. Mais Ni n'apprenait rien, et jouait constamment à saisir la queue de l'oiseau. Cela lui valut plus d'une fois, simplement, le fouet.

La sixième des sept étoiles, Bi au regard de jade, aimait galoper dans la plaine.  Elle séparait la crinière du cheval sauvage, s'agrippait à elle et traverser le pays comme un éclair. Parfois son ombre donnait un éclat vert au soleil, et les paysans pensaient,

-Voilà la fille de jade qui lance la navette ! Voilà la fille de jade qui lance la navette !

La septième des sept étoiles se nommait Cai au cœur léger. Quand elle vit Ni saisir la queue du phénix, quand elle vit sa sœur menacée du fouet, elle mut ses mains comme les nuages, attrapa le simple fouet. Alors, le phénix rageur envoya ses guerriers. Le coq d'or qui se tient sur une patte regarda Cai protéger Ni et s'écria.

- Cai Cai Cai prends garde. Recule et pousse le singe ! Cai Cai Cai prends garde. Envole-toi !

Cai et Ni prirent la fuite à travers le ciel. Le phénix éleva vainement les mains pour les retenir. Il avait l'air plus pitoyable qu'une grue blanche déployant ses ailes par un matin de pluie.

La visite des sept étoiles avait laissé bien des traces sur la Terre. Depuis que la jolie Wen avait fait tomber son aiguille au fond de la mer, Hu ne pouvait oublier avec la grâce de ses bras en éventail. Mille fois en rêve il voyait la jeune fille se retourner et frapper du poing, parer, avancer et frapper du poing. Parfois il se joignait à elle, saisissait avec elle la queue de l'oiseau soleil. Les cheveux noirs de Wen claquaient comme un simple fouet, et ses mains étaient comme les nuages.

Hélas, l'amour était un fouet à l'âme de Hu. Il caressait le cheval, se lamentait et se frappait le visage. Comme il n'était plus bon à guerroyer, l'empereur l'envoya aux jardins. Hu devait sans cesse balayer le lotus simple et brosser la poussière accumulée sur ses genoux. Et toujours il pensait à l'étrange beauté qui savait avancer et donner des coups de poing comme un marteau, la belle avec laquelle il voulait saisir la queue de l'oiseau.

Hu était bien malheureux, mais plus malheureux encore était Zhen. La vue de la deuxième des sept étoiles, de la troublante Mei, avait été un tremblement de terre de son âme. Saisi de stupeur il avait reculé. Dans son émoi il avait ignoré son cheval pour chevaucher le tigre. Quand l'empereur l'avait sermonné, Zhen s'était retourné et l'avait frappé au visage.  Son cœur était si tourmenté d'amour pour Mei qu'il en avait perdu la raison. L'amour avait balayé le lotus double de l'esprit.

-A mort, rugit l'empereur ! Archer, bande l'arc et tire sur le tigre que ce fou caresse comme son cheval. Il a osé me frapper le visage !

Délirant Zhen s'était retourné pour frapper du poing les archers. Couvert de blessures et de sang, il avançait aveuglement en caressant son cheval.

La mort se présenta devant lui comme un vautour aux plumes noires. Zhen avança, saisit la queue de l'oiseau et tomba dans le néant.

- Beaucoup de bruit pour rien nota l'empereur. La prochaine fois nous nous contenterons du simple fouet !

Mei regarda passer l'âme éplorée de Zhen puis ferma soigneusement les portes du palais du ciel.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Juin 2013 à 09:14:37
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Le roi, voleur d'étoiles

Il était une fois, un roi qui aimait regarder les étoiles, elles étaient si belles qu'il les désirait strictement pour lui seul.

Tous les diamants, perles, saphirs de son royaume, n'étaient que de tristes parures, ternies par l'éblouissante clarté stellaire.

Mais le soleil levant les lui dérobait une à une, quand, de sa roue orangée, il basculait la nuit vers l'autre côté de la terre.

Tous les soirs, vêtu d'une cape bleue, les lys de la royauté furent remplacés par de rutilantes étoiles, symbole de sa puissance suzeraine.

Pendant les tièdes soirées sans nuage, il faisait hisser son trône sur le donjon du château, puis, selon son humeur, regardait les brillantes galaxies.

Etre le plus grand roi ! Pourquoi ne serais-je pas Dieu ? Maître du monde et du ciel où scintillent les myriades d'étoiles ? Il se dit, pourtant, c'est moi qui suis le roi, comment se peut-il que les gueux puissent lever les yeux et contempler les mêmes galaxies?

La voie lactée d'où s'écoule le vif-argent, vers le fleuve de la nuit le rendait jalousement coléreux. Il ordonna à son chef d'armée Pégasimus de faire sceller tous ses chevaux aux ailes noires, afin de capturer toutes les étoiles.

Majestimus avait fait creuser par ses serfs, dans une grande, grande montagne, une immense caverne pouvant contenir la voûte du ciel. Son astronome, Astrogodi, avait dessiné l'endroit exact de toutes les constellations sur le grandiose planétarium. Sa majesté, d'une voix impérieuse, lui désignait du bout de son sceptre celle-ci, puis, celle-là, qu'Astrogodi marquait d'une croix dans un grand registre. Majestimus possédait ainsi l'immensité du ciel. Seules, les étoiles filantes lui échappèrent.

Elles tombèrent dans les océans et devinrent étoiles de mer. Quelques unes cachées sur les plus hauts sommets recouverts de neige, là où l'été fait naître les sources des rivières, une étoile d'argent, tel l'edelweiss. Eparpillées dans les réserves géologiques, l'étoile de Saint Vincent fossilisée apparaît quelquefois sur les chemins forestiers, dans la poussière que soulèvent les chaussures des randonneurs. Seule demeure la lune suspendue dans le ciel ; le roi ne pouvant la capturer car trop changeante, disons lunatique; tantôt ronde, puis se perdant dans ses quartiers, et disparaissant quelquefois.


Majestimus la laissa donc à ses gueux, un geste qui semblait généreux mais, il ordonna que des travaux supplémentaires se fassent dans la pâle clarté lunaire et, lui assurant ainsi encore plus de confort et de richesse.
Le ciel était mort, recouvert d'un linceul d'affliction qui enveloppait la nuit.

Pendant les journées ensoleillées inondées de lumière, Majestimus, muni de sa clef d'or, ouvrait les portes de la nuit et, béatement, s'extasiait devant les étoiles qui ne scintillaient que pour lui.

Son peuple n'avait plus d'étoiles, les amoureux ne pouvaient, dans les ténèbres voir les reflets étincelants de leurs amours; les feux des baisers disparurent. Puis, les vœux, formulés en des pensées secrètes que jadis les étoiles filantes emportaient, ne furent qu'une zébrure noire se perdant dans l'infini.

Cette situation ne pouvait se prolonger, le peuple révolté se réunit pour reconquérir son ciel et ses étoiles. Un des siens, un géant blond, grand de plusieurs mètres, entraîna le monde entier. Tous, côte à côte, par des efforts surhumains, ahanèrent ! Leurs souffles décuplèrent des forces colossales ! Les mains ensanglantées, accrochées dans les fentes des rochers, ouvrirent dans un effort titanesque cette montagne et libérèrent les étoiles. Celles-ci, dans une gerbe de feu, brûlèrent la terre et le tyran Majestimus qui devinrent les mines de charbon que l'on peut encore voir aujourd'hui.

La première étoile qui s'échappa fut Vénus, heureuse de retrouver les amoureux et d'indiquer aux bergers l'heure de ramener leurs blancs troupeaux moutonneux dans la musique que rythmait le chant des clarines.

L'étoile polaire, rivetée dans les roues des chariots, constata que chacune était à sa place, donna son accord, puis, de ce phare immuable la vie reprit son cours, les bateaux entraînèrent leurs blancs sillages crémeux vers le calme des ports.

Quand tous les peuples retrouvèrent leurs vies normales, que tout parut fini, chacun se mit à réclamer la bonne étoile. Les querelles commencèrent et durent encore de nos jours, car tous les humains veulent naître et vivre sous une bonne étoile.



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Juin 2013 à 09:50:55
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Yuri

Il était une fois un Roi et une Reine qui habitaient un tout petit royaume dont, seules, quelques anciennes cartes dessinées par de vieux scribes révèlent encore l'existence.
Les quelques habitants de ce petit pays étaient très heureux. Ils cultivaient leurs terres, élevaient quelques troupeaux, et tissaient eux-mêmes leurs vêtements avec la laine de leurs moutons.

Ce royaume était très isolé du monde qui existait alors. Niché au fond dune vallée, entouré de hautes montagnes chapeautées de neige, il ne recevait pas de voyageurs.

Là, les fées, les enchanteurs, les génies bons ou mauvais ne venaient jamais. Seul, un grand oiseau au plumage bleu de mer se posait parfois sur le faîte d'un haut rocher qui dominait l'entrée de la vallée. Il restait là, paisible, les ailes entrouvertes. Pendant quelques minutes il regardait les paysans qui travaillaient dans la joie, il écoutait chanter les enfants puis, poussant un cri très doux qui ressemblait à celui de la colombe, il reprenait son vol, et, d'un coup d'aile, disparaissait dans le bleu du ciel.

Le Roi et la Reine avaient un petit garçon qui était toujours très sage. Ce petit garçon s'appelait Yuri. Il apprenait déjà à tondre les moutons, à arracher les mauvaises herbes et à tisser les fibres de laine.

Le Roi, la Reine et Yuri vivaient donc très heureux dans ce petit coin de la planète jusqu'au jour jusqu'au jour où un énorme vautour tout noir vint planer au-dessus du royaume, puis, après avoir tourné quelques minutes dans le ciel, s'abattit sur le troupeau de moutons qui appartenait au Roi. Tout de suite celui-ci et son épouse, s'étant armés de bâtons, se précipitèrent pour défendre les pauvres bêtes qui s'étaient mises à bêler de terreur. Déjà, l'affreux rapace avait saisi un agneau dans ses serres et s'élançait vers les montagnes, quand le Roi saisit son arc et, dune flèche bien ajustée, transperça une patte du méchant oiseau noir qui relâcha le pauvre animal sur une meule de foin. Mais, de rage, le vautour se jeta sur la Reine et lui fit une profonde blessure avec son bec, puis, d'un coup d'aile, disparut dans un nuage. La Reine poussa un grand cri et s'évanouit.

Très vite le Roi la fit transporter sur son lit, mais la Reine ne reprit pas connaissance.

Le lendemain matin, la Reine semblait toujours dormir. Une semaine se passa. Puis d'autres semaines. Elle était toujours allongée, immobile et ses yeux ne s'ouvraient pas.

Yuri était très triste de voir sa maman si gravement malade et, tous les soirs, il pleurait longtemps avant de s'endormir. Le Roi avait convoqué les anciens du royaume qui savaient guérir les blessures mais, ni les pommades les plus secrètes, ni les plantes les plus efficaces n'avaient réussi à sortir la Reine de son profond sommeil.

Une nuit, alors que le petit garçon pleurait tout seul dans son lit en pensant à sa maman, un léger bruit qui ressemblait à un froissement de soie se fit entendre à la fenêtre puis, quelques coups discrets furent frappés au carreau. Yuri se leva très vite et, sans faire de bruit, ouvrit lentement la fenêtre. Quel ne fut pas son étonnement, quand il vit devant lui, perché sur une branche d'arbre, le grand Oiseau Bleu qui, parfois, se posait au sommet du haut rocher.

N'aie pas peur, petit Yuri, dit tout de suite le bel oiseau, n'aie pas peur, je suis venu pour t'aider ! La voix de l'oiseau était douce et grave comme la voix de celui qui connaît beaucoup de choses et qui ne parle que dans les moments importants. Je sais que tu es un petit garçon très sage, continua-t-il, et que la maladie de ta maman te cause beaucoup de chagrin. Le vautour qui a blessé la Reine est une méchante fée qui veut semer le désordre dans le pays de ton père parce quelle est jalouse de votre bonheur. Mais je puis t'aider à guérir ta maman si tu fais preuve de beaucoup de patience et d'un grand courage. Es-tu prêt à affronter de grands dangers ?

Mais oui, répondit Yuri, mais oui monsieur l'Oiseau Bleu, dites-moi vite ce que je dois faire !

Tu devras pour cela délivrer la Fleur d'Amour, la cueillir et la planter dans la poussière d'or afin quelle ne meure jamais. Cette fleur se trouve dans le jardin des fleurs enchantées.

Mais tu ne pourras entrer dans ce jardin que lorsque les étoiles brilleront dans le ciel, et si tu n'as pas cueilli la Fleur d'Amour avant que la dernière étoile ne soit éteinte, tu ne pourras plus jamais en sortir et tu seras toi-même changé en fleur !

Et la poussière d'or, Monsieur l'Oiseau Bleu. Où trouverai-je la poussière d'or ? Demanda le petit garçon.

Si tu réussis à cueillir la Fleur d'Amour, tu sauras où trouver la poussière d'or.

L'oiseau se tut un instant puis, fixant son regard dans les yeux fiers de l'enfant, il ajouta :

Pour t'aider dans ton entreprise, je vais te faire trois cadeaux : Ces bottes, ce chapeau et ce bâton de pèlerin.

Puis dans un grand battement d'ailes, le grand Oiseau Bleu s'envola dans la nuit et disparut dans les étoiles. Yuri se recoucha tout pensif et s'endormit bien vite. Les trois cadeaux du grand oiseau s'étaient déposés tous seuls dans la chambre. Cette nuit-là, le petit garçon rêva de l'Oiseau Bleu, du jardin des fleurs enchantées, de la Fleur d'Amour et de la poussière d'or

Le lendemain matin, lorsque le petit prince se réveilla, il courut tout de suite vers la fenêtre pour voir si l'Oiseau Bleu était revenu. Les champs s'étendaient paisiblement autour du château, sous le soleil. Le ciel était bleu, sans nuage, et tout paraissait tranquille. Mais l'oiseau n'était pas de retour. Seule, une grande plume bleue était accrochée à un arbre, tremblant au souffle de l'air, comme une preuve de son passage.

Yuri alla embrasser sa maman qui semblait toujours dormir, mais il ne dit à personne ce qu'il avait vu dans la nuit.

La journée se passa, calme. Le soleil baissa dans le ciel, se cacha derrière les nuages, le soir s'approcha et la lune apparut.

Très vite, l'enfant retourna dans sa chambre, mais au lieu de se coucher comme tous les soirs, il alla chercher les trois cadeaux que lui avait offerts l'Oiseau Bleu. Il les contempla quelques instants et hésita, éprouvant une légère appréhension, puis, bravement, il chaussa les bottes qui étaient juste à sa taille mit le chapeau sur sa tête et s'empara du bâton de pèlerin.

Alors quelque chose se passa qui fut merveilleux Le jour sembla se lever au début de la nuit. Les champs et les montagnes s'éclairèrent dune douce lumière. Mais le ciel restait sombre et la lune et une étoile, déjà, tremblaient comme un regard en exil de la Terre.

Yuri grimpa sur le bord de la fenêtre puis, d'un bond de chevreau, se retrouva dans l'herbe. Tout de suite, une brume s'éleva derrière lui, à ce point que, se retournant, il ne vit déjà plus le château de son père. Peu à peu, tout disparut à ses yeux à part le ciel où la lune et l'étoile scintillaient.

Depuis un moment, le petit prince ne sentait plus le sol sous ses pieds. Ses bottes l'emmenaient très loin, bien au-delà des champs, escaladant les montagnes, planant au-dessus des lacs, des vallées, des rivières. La brume qui lavait entouré au début s étant dissipée, le petit garçon se rendit compte qu'il survolait la Terre entière en un voyage merveilleux, dans une sorte de pénombre qui n était ni de la nuit, ni du jour et dont les couleurs étaient tout de même très gaies et presque mouvantes.

L'espace d'un instant, il se prit pour un petit Poucet qui aurait emprunté les bottes de l'Ogre. Mais chaque enfant qui rêve ne s'est-il pas chaussé de bottes de sept lieues ? Yuri volait volait au fil des secondes qui se succédaient, au fil de la lune et de l'étoile qui brillaient, au fil dune autre étoile qui s'alluma

Et puis, brusquement, le voyage s'arrêta. Le petit garçon se retrouva dans une grande prairie où paissaient paisiblement des animaux étranges qui avaient en même temps la gravité tranquille du bœuf et la légèreté du chamois. Une longue haie faite de hauts rosiers pleins d'épines obstruait l'horizon. Un portail formé de branches tressées de toutes les couleurs s'ouvrit devant lui.

Yuri s'approcha. Il n'avait pas peur ! Mais une légère angoisse s'était emparée de son cœur. Il sut qu'il était devant le jardin des fleurs enchantées.

Mais il se rappela les mots de l'Oiseau Bleu : Tu ne pourras entrer dans ce jardin que lorsque les étoiles brilleront dans le ciel, mais si tu n'as pas pu cueillir la Fleur d'Amour avant que la dernière étoile ne soit éteinte, tu ne pourras plus jamais en sortir et tu seras toi-même changé en fleur !

L'enfant s'approcha du portail. Il regarda le ciel. Les étoiles s'allumaient, chacune plus lointaine, comme autant de signes d'encouragements. Sans hésiter, le petit prince entra.

Yuri fut immédiatement saisi dans un tourbillon de senteurs extraordinaires. Une foule de parfums se mêlaient en un seul, semblant émaner de partout et s'élevant vers le ciel. Un horizon de fleurs s'étendait devant lui. Des fleurs de toutes couleurs, de toutes espèces. Et les fleurs l'appelèrent : Cueille-moi cueille-moi

Le petit garçon se baissa et en cueillit une, puis deux, puis trois. Et les fleurs s'inclinaient, lui ouvrant un chemin magique, lumineux, tel un rayon de lune qui se serait allongé sur le sol

Cueille-moi cueille-moi continuaient-elles, je suis la plus belle je suis la plus belle ! Mais toutes étaient plus somptueuses les unes que les autres ! Et l'enfant cueillait cueillait cueillait !

Quand il se retourna, au bout d'un moment qu'il ne put évaluer, il s'aperçut que le portail avait disparu et que le jardin des fleurs enchantées avait grandi grandi jusqu'à l'infini Au-dessus, les étoiles brillaient dans un ciel de nuit, mais le jardin était éclairé comme en plein jour.

Bientôt, le petit prince se ressaisit et se dit qu'il n'était pas venu dans ce jardin pour cueillir des fleurs, si belles fussent-elles mais bien pour trouver la Fleur d'Amour ! Il décida alors que ce bouquet était bien encombrant et pensa qu'il ne pourrait que le gêner dans son entreprise. Aussi, en un grand geste, il jeta les fleurs au-dessus de lui. Celles-ci tournoyèrent en l'air un instant, créant ainsi un joli nuage de couleurs puis retombèrent au sol. Lune d'elles, plus grande et plus belle que les autres et qui semblait être une princesse, se redressa et tourna vers lui sa corolle aux teintes d'arc-en-ciel :

Puisque tu as eu la gentillesse de nous cueillir, dit-elle dune voix à la senteur de miel, nous allons te donner une récompense : Suis le chemin de lune que nous allons t ouvrir et tu parviendras au château de la Fleur d'Amour.

Alors les fleurs se replantèrent dans le sol, toutes seules, l'une derrière l'autre, sur deux rangs, formant ainsi un large sentier de lumière que se mit à suivre le petit garçon.

Yuri marcha longtemps longtemps. Quand il était trop fatigué, les fleurs s'inclinaient un peu et, le soutenant sous les épaules, l'aidaient à continuer d'avancer. Il n'était pas très rassuré, le petit garçon, mais comme il était très fier et très courageux les fleurs ne sen aperçurent même pas !

Enfin, il parvint au bout du chemin, à la dernière fleur. Alors, rompu de fatigue, il tomba par terre et s'endormit

Lorsque Yuri se réveilla, quelques moments plus tard, les fleurs avaient disparu et, loin devant lui, sur une montagne faite de pierres et de rochers se dressait un grand château surmonté d'un donjon si haut qu'il semblait rejoindre les étoiles. Plus près, créant un obstacle infranchissable entre lui et la montagne, s'étendait un grand lac dont les eaux reflétaient la nuit du ciel. Le lac était tout noir et, près des rochers, perchés sur de grosses pierres, trois redoutables vautours semblaient monter la garde, tel des barbares sur des tours de guet. Le petit prince pensa qu'il ne pourrait jamais parvenir jusqu'au château car le lac était très grand et lui-même était beaucoup trop petit pour pouvoir le traverser à la nage. Très triste, il s'assit au bord de l'eau, se demandant ce qu'il pourrait bien faire.

On était au milieu de la nuit et les étoiles, si elles brillaient encore de tout leur éclat, ne tarderaient plus à s'éteindre. C'est alors que le petit garçon fut pris dune grande soif. Prenant le chapeau que lui avait donné l'Oiseau Bleu, il le remplit d'eau et le porta à ses lèvres. Mais quelle ne fut pas sa surprise de voir le chapeau lui échapper des mains et se mettre à grandir grandir tellement que toute l'eau du lac se retrouva dedans ! Si bien que la grande nappe d'eau fut bientôt transformée en une vaste prairie au bout de laquelle se dressait la montagne de rochers.

Aussitôt l'enfant se mit à courir et, les bottes lui faisant faire des bonds gigantesques, il se retrouva très vite au pied de la montagne de pierre.

Mais le petit prince n'était pas au bout de ses peines ! Devant lui, l'un des méchants vautours qui gardaient le lac, ouvrait déjà ses grandes ailes et faisait claquer son bec crochu et plein de menaces. Faisant semblant de ne pas avoir peur, Yuri, aussi brave que le Roi son père, brandit le bâton que lui avait donné l'Oiseau Bleu.

Le vautour se mit à rire :

Que comptes-tu faire, tout petit que tu es, avec ce bâton grand comme une allumette ?

Mais le bâton se mit à grossir grossir jusqu'à devenir une énorme massue qui, s'échappant des petites mains de l'enfant, se précipita en tournoyant vers le rapace qui, pris de peur, s'envola à tire d'ailes dans le ciel, entraînant dans sa panique les deux autres gros vautours noirs.

Ne perdant pas de temps, Yuri commença tout de suite à grimper dans la montagne. Il avait récupéré la massue qui était redevenue un bâton normal. Mais il était de plus en plus fatigué. Les pierres et les ronces lui écorchaient les mains et les genoux et il commençait à beaucoup souffrir.

S'arrêtant un instant sur une grosse pierre plate, il voulut se reposer un peu et s'appuya sur le bâton. Et c'est alors qu'une autre merveille s'accomplit : Le bâton se mit à s'allonger s'allonger et, soulevant le petit garçon jusqu'au donjon, le déposa au pied dune petite fenêtre.

Le ciel commençait à s'éclaircir et, déjà quelques étoiles s'éteignaient. La nuit palissait et la lune perdait son sourire.

Yuri avait bien envie de s'endormir, mais la pensée que sa maman serait guérie sil trouvait la Fleur d'Amour lui redonna un dernier sursaut de courage. Alors, se hissant vers la petite fenêtre en s'écorchant un peu plus les pieds, les mains et les genoux, le petit prince vit enfin ce qu'il cherchait depuis la tombée du jour : Une fleur une fleur dune beauté inoubliable, dont les pétales étaient de velours lumineux aux mille couleurs, aux mille nuances. La plante se trouvait prisonnière sous un globe de cristal et sa tige était enchaînée par des ronces.

Deux étoiles brillaient encore dans le ciel. La nuit, maintenant, ne se défendait plus contre le jour qui pointait à l'horizon. Très vite, Yuri brisa un carreau de la fenêtre. Une bouffée d'air, telle une explosion de joie, pénétra dans la pièce et fit se transformer le globe de cristal en une eau dune grande pureté qui se répandit en gouttelettes au pied de la Fleur d'Amour. Les ronces s'écartèrent. Le petit prince entra dans le donjon et, délicatement, l'enfant cueillit la fleur.

C'est à ce moment qu'un bruissement feutré se fit entendre. Sur le rebord de la fenêtre, les ailes un peu pendantes, se détachant sur le ciel que la nuit venait d'abandonner au jour, l'Oiseau Bleu s'était posé.

Petit garçon, dit-il de sa voix grave et douce, ton courage et ton amour pour ta maman t'ont permis de trouver la plus belle fleur du monde. Monte sur mon dos et partons.

Yuri s'envola très haut très haut sur le dos de son oiseau. Au-delà des nuages au-delà même de la lune. Une étoile, encore, n'était pas éteinte et semblait les attendre, scintillant doucement dans sa dernière lutte contre le jour. L'enfant et son oiseau sen approchèrent et, de son bec, l'Oiseau Bleu recueillit un peu de la poussière d'or qui recouvrait la surface de l'étoile

Lorsque le petit prince se réveilla dans sa chambre, le lendemain matin, il régnait une grande agitation dans le château. La Reine était guérie ! Prés de son lit, une superbe fleur aux couleurs étranges et qui ressemblait au sourire d'un enfant, se dressait dans un vase de cristal rempli dune fine poussière dorée. Prés du vase, une plume bleue tremblait légèrement dans l'air. Sous la fenêtre de la chambre, sur un immense parterre, des fleurs de toutes couleurs et qui semblaient être nées dans la nuit, s étiraient vers le soleil, paraissant avoir poussé dans le jardin d'un rêve.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: nordiq le 21 Juin 2013 à 09:21:45



Il était une fois, une île ou tous les différents sentiments vivaient : le Bonheur, la Tristesse, le Savoir, ainsi que tous les autres, l'Amour y compris.
Un jour on annonça aux sentiments que l'île allait couler.
Ils préparèrent donc tous leurs bateaux et partirent.
Seul l'Amour resta.L'Amour voulait rester jusqu'au dernier moment.
Quand l'ile fut sur le point de sombrer, l'Amour décida d'appeler à l'aide.
La Richesse passait à côté de l'Amour dans un luxueux bateau.
L'Amour lui dit, "Richesse, peux-tu m'emmener?"
"Non car il y a beaucoup d'argent et d'or sur mon bateau. Je n'ai pas de place pour toi."
L'Amour décida alors de demander à l'Orgueil, qui passait aussi dans un magnifique vaisseau, "Orgueil, aide-moi je t'en prie !"
"Je ne puis t'aider, Amour. Tu es tout mouillé et tu pourrais endommager mon bateau."
La Tristesse étant à côté, l'Amour lui demanda, "Tristesse, laisse-moi venir avec toi."
"Oh... Amour, je suis tellement triste que j'ai besoin d'être seule !"
Le Bonheur passa aussi à coté de l'Amour, mais il était si heureux qu'il n'entendît même pas l'Amour l'appeler !
Soudain, une voix dit, "Viens Amour, je te prends avec moi."
C'était un vieillard qui avait parlé.
L'Amour se sentit si reconnaissant et plein de joie qu'il en oublia de demander son nom au vieillard. Lorsqu'ils arrivèrent sur la terre ferme, le vieillard s'en alla.
L'Amour réalisa combien il lui devait et demanda au Savoir
"Qui m'a aidé ?"
"C'était le Temps" répondit le Savoir.
"Le Temps ?" s'interrogea l'Amour.
"Mais pourquoi le Temps m'a-t-il aidé ?"
Le Savoir, sourit plein de sagesse, et répondit :
"C'est parce que Seul le Temps est capable de comprendre combien l'Amour est important dans la Vie."



(http://24.img.v4.skyrock.net/5604/86445604/pics/3134344312_1_2_wmzRLVBx.jpg)



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Juin 2013 à 09:47:24
(http://img4.hostingpics.net/pics/485104pierre.jpg)
La pierre de lune

Un soir, au fond de son jardin, près du petit massif de corbeille d'argent, luisant faiblement sous les étoiles, Pierrot trouva une pierre de lune.
Il ne savait pas que cette pierre venait du ciel.
Il la trouva jolie.
Il la ramassa et, rentré chez lui, ne sachant finalement qu'en faire, la posa sur la table de sa cuisine et l'oublia.
La nuit qui suivit remplit sa tête d'un songe merveilleux. Il rêva que, grâce à une pierre magique, il était devenu riche, riche, très très riche.
Il se réveilla déçu. Rien n'avait changé dans sa pauvre maison.
La pierre argentée, luisante, dormait sur la table à l'endroit où, la veille, il l'avait posée.

Pierrot la prit et, pour mieux la considérer, voulut l'approcher des ses yeux.

Quand le caillou brillant passa près de son cou, la petite médaille qu'il y portait accrochée à une chaîne se souleva et vint se plaquer à la pierre.

" Qu'est-ce que c'est ? "  sursauta Pierrot, interloqué, en contemplant le phénomène.
" Ça y est ! J'ai compris... " se dit-il au bout d'un instant.
" Cette pierre est un aimant naturel et ma belle médaille d'or n'est en réalité que du métal doré plaqué sur de l'acier !
Et bien, je suis encore moins riche que je ne le pensais ... Parlons-en des rêves prémonitoires ! "
Sans trop savoir pourquoi, Pierrot mit la pierre de lune dans une poche de son pantalon puis il déjeuna et partit à son travail de manutention, au supermarché de la ville.
Sur son chemin, une vitrine de bijoutier l'attira.
Pierrot s'approcha pour mieux voir le prix des médailles.

A peine se fut-il appuyé contre la devanture que toutes les chaînes, bagues, bracelets et boucles d'oreilles exposés jaillirent de leurs écrins et vinrent brutalement se coller à la vitre !

L'alarme de la bijouterie se déclencha, stridente, stridulante, stressante.
Assourdi, abasourdi, par crainte du gendarme, Pierrot s'éloigna rapidement de la devanture ensorcelée.
Les parures retombèrent dans la vitrine : bijoux en vrac, fortune en tas, trésor en désordre, richesse inutile.

" Qu'est-ce que c'est encore que ce phénomène ? " se demanda-t-il éberlué.
" Non, une telle chose n'est pas possible... Je suis encore en train de rêver "
D'incompréhension, il haussa les épaules et continua songeusement son chemin.

Toute la matinée il déchargea des camions, vida des cartons, remplit des rayons, sans rire ni plaisanter avec ses camarades de travail : sa tête était ailleurs.
Quand vint l'heure de la pause, médaille à la main, il se dirigea vers le petit stand de montres et bijoux du grand magasin.
Il n'eut pas le temps de demander à sa collègue vendeuse le renseignement qu'il voulait :

Quand il passa tout près du présentoir à bracelets, une partie de ceux-ci sautèrent du velours à la vitre.

- Tu ne peux pas faire attention ! Tu as bousculé ma plus belle vitrine ! Toute ma présentation est à refaire !  tempêta l'employée.

- Excuse-moi, je ne l'ai pas fait exprès, j'ai trébuché ...  mentit Pierrot en s'éloignant de quatre pas, je voulais juste te demander un renseignement.

- Bon, bon, ça va... Qu'est-ce que tu voulais savoir ?

- Ma médaille, là, est-ce que c'est de l'or ?

- Montre voir ... Oui, absolument, c'en est ! D'ailleurs elle a le poinçon, ta médaille.

Pierrot comprit tout.
Il possédait une pierre aux vertus magiques, une pierre qui attirait l'or comme l'aimant attire le fer. Une pierre qui allait assurer sa richesse...

La nuit qui suivit, Pierrot eut la fièvre.
Il rêva, cauchemarda, délira, hallucina.
Petit garçon de pauvre, il se revit à l'école, écoutant la morale du maître sévère.

" Oui, la France possède des mines d'or, mais cet or est si difficile à extraire...
Oui, 80% des rivières françaises renferment de l'or, mais en si petites quantité ...
Non, mes enfants, la richesse n'est rien. N'en attendez rien de bon. Seuls comptent vraiment la vie et le travail que l'on fait pour la gagner...
Votre existence, l'existence de chaque être sur terre, même le plus infime, vaut plus que tout l'or du monde. N'est-ce pas Pierrot ?
Oui, m'sieur. "

Quand Pierrot se réveilla, mal à l'aise, encore un peu fébrile, il crut avoir aussi rêvé la pierre et son pouvoir.
Il sursauta en voyant la médaille qu'il avait posée sur sa table de nuit avant de se coucher.
Une désagréable impression de déjà vu, de déjà vécu, l'envahit. Se ressaisissant, il chercha dans sa poche la lourde pierre argentée et l'approcha de la breloque :

Le bijou sauta de la table et se colla au caillou !

Le doute n'était plus permis !

Le jour suivant était un dimanche.
Après avoir beaucoup réfléchi et un peu bricolé, au volant de sa voiture démodée, Pierrot partit vers la rivière torrentueuse qui traversait le canton.
Elle était réputée pour receler quelques mini-paillettes de métal précieux que récoltaient parfois des orpailleurs amateurs pleins d'espoir.

Pierrot avait enfermé sa pierre dans un solide petit filet attaché à une longue et résistante cordelette.
Chaussé de bottes en caoutchouc, il s'avança dans l'eau, regarda autour de lui puis, constatant qu'il était seul, lança le caillou magique dans le courant.
Quand, à l'aide de la ficelle, il le retira, miracle : une dizaine de paillettes dorées étaient collées à la pierre.

Il récolta soigneusement le métal précieux puis relança son filet vers un calme de bordure. La pêche fut meilleure encore !
En une minute, il avait récolté plus qu'un orpailleur chanceux en une semaine.
Quand arriva le soir, Pierrot avait réuni plus de trente grammes de paillettes et une pépite de cinq grammes.

Revenu chez lui, il sauta sur un vieux journal, le feuilleta fébrilement jusqu'à une page qu'il ne lisait jamais.
Il suivit du doigt les petites lignes du cours de la bourse jusqu'à celle de l'or : plus de 10 000 euros le kilo !
Il calcula rapidement. A raison de trente cinq grammes par jour, il ne lui faudrait qu'un mois pour en extraire un kilo. Plus de 10 fois ce qu'il gagnait mensuellement à soulever des cartons, et cela pour un travail ô combien plus passionnant !

Fatigué par ses innombrables jets de pierre, Pierrot se coucha tôt mais dormit peu.
Il passa le plus sombre de la nuit à échafauder des plans, imaginer des techniques, inventer des outils et, quand à la première lueur de l'aube, il sombra dans un sommeil agité, ce fut pour rêver...
Il refit le songe qui l'avait mis si mal à l'aise la nuit précédente ; il entendit à nouveau son vieux maître lui dire :

" Rappelle-toi toujours, mon garçon : une vie, même la plus insignifiante, possède plus de valeur que tout l'or du monde car même tout l'or du monde ne peut créer la vie ! "
Le lendemain matin, après avoir moralement secoué son malaise, Pierrot prit une grave décision :
Il résolut de ne plus se rendre à son travail et s'en fut acheter une barre à mine, un pied de biche, une pelle, un râteau, une pioche, des cuissardes de pêche, une petite et une grande boîte étanches ainsi qu'un grand sac à dos avant de retourner à la rivière.
Pierrot dans le torrent
Tout le reste de la journée, insensible au froid de l'eau du torrent qui le pénétrait, il retourna des pierres, arracha des algues, écarta des rochers, bêcha les alluvions, piocha le sable, pelleta les cailloux.
La pierre de lune accumulait paillettes et pépites, la petite boite étanche s'alourdissait.
En aval de ses fouilles, l'eau était noire de la boue retournée, épaisse de vase diffusée.
Vies fragiles, des milliers de gammares, d'alevins et de larves expirèrent silencieusement. Les plus gros poissons : chabots, goujons, blageons et truites, expulsés de leurs abris, fuirent à tire-nageoires. Beaucoup laissèrent la vie dans leur lutte pour un nouveau territoire.

Le soir venu, Pierrot pesa sa récolte : 500 grammes de métal précieux !
Il avait en une après-midi gagné plus de cinq mille euros... et tué plus d'un demi-million d'êtres vivants !

Pendant trente jours, tous les matins, toutes les après-midis, il travailla plus qu'il ne l'avait fait pendant toute sa vie et accumula ainsi près de cent kilos d'or.

Mais la rivière allait mettre des mois à se régénérer, des années avant de retrouver la santé, des lustres avant de récupérer son équilibre vital.

Pierrot dormait du profond sommeil de l'homme fatigué quand son vieux maître d'école revint hanter son rêve.

" Qu'as-tu fait, malheureux ? Qu'as-tu fait ?
Tu as bouleversé une rivière, détruit toute une chaîne de vie...
Tu étais pourtant un gentil garçon autrefois !
As-tu besoin de cette richesse pour vivre ?
Sais-tu que si on te prenait un milligramme d'or par existence que tu as détruite, la totalité de ta récolte ne suffirait pas à payer ta dette ?
Crois-moi, Pierrot, abandonne vite pendant qu'il est encore temps sinon cet or que tu as glané au prix de la vie des autres sera repris !
Je t'ai déjà averti à deux reprises, aujourd'hui c'est la dernière fois que je te mets en garde. Réfléchis bien si tu le peux encore !
Adieu Pierrot ! "

Quand il s'éveilla le lendemain, Pierrot avait mal partout, ses jambes étaient raides d'avoir eu si froid, ses épaules douloureuses d'avoir tant pellé, son dos courbatu d'avoir trop soulevé.
Il eut du mal à chasser le malaise de son rêve et décida d'enterrer la grande boîte contenant son trésor au bout du jardin, près du petit massif de corbeille d'argent.

Ignorant les nuages noirs qui roulaient et le tonnerre qui grondait derrière la montagne, il décida d'aller quand même à la rivière.
A nouveau, il travailla comme un forcené, remuant des tonnes de galets, lançant et récupérant sans cesse sa pierre de lune, aveugle aux éclairs, sourd au tonnerre, insensible à la pluie.

Le niveau du torrent se mit à monter, les cailloux descellés à rouler sous la pression de l'eau. Pierrot ne voyait rien, ne sentait rien.

Il venait de lancer une fois de plus la pierre magique dans le flot tumultueux quand celle-ci se coinça entre deux rochers maintenant submergés.
Il tira, tira, tira sur la ficelle ... mais rien ne vint.
Le flot montait toujours, l'eau remplit ses cuissardes, ralentissant ses mouvements.
Pierrot n'avait qu'une idée : sauver sa pierre !

Il s'aventura plus avant dans le torrent, l'eau glacée monta jusqu'à son ventre, un galet roula sous son pied, un autre cogna sa jambe d'appui. Déséquilibré, il tomba dans l'élément déchaîné.
Violemment poussé par le courant, il heurta de la tête une roche affleurante et perdit connaissance.

Quand il revint à lui, il était dans son lit, dans sa pauvre maison. Autour de lui ses amis du travail.

" Ta fièvre est tombée, ça va aller mieux maintenant. Tu peux dire que tu as eu de la chance qu'on te retrouve vivant. Le courant t'avait entraîné à plus d'un kilomètre de ta voiture. Tout ton matériel est perdu. Il ne faut jamais aller à la pêche dans ce défilé par temps d'orage ! "

Pierrot ne comprit pas. Il regarda un à un les hommes qui entouraient son lit, n'en reconnut aucun.

Il avait définitivement perdu la mémoire !

Daniel Déjardin
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Juin 2013 à 10:50:05
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L'arbre de Mamour

Quand Mamour s'asseyait sous son arbre, nous savions qu'elle allait nous raconter une de ces merveilleuses histoires dont elle avait le secret. Bouche bée, nous l'écoutions parler et nos esprits voguaient loin, vers les pays et les héros qu'elle nous décrivait. Cela peut sembler curieux, mais j'avais parfois l'impression que l'arbre au-dessus de nous prenait lui aussi plaisir à ces récits... Ses branches s'agitaient, même quand il n'y avait pas de vent et toutes ses feuilles étaient tournées vers nous, comme autant d'oreilles attentives. J'en fis un jour la réflexion : mes cousins se moquèrent de moi. Mamour cependant hocha la tête et caressant le tronc de l'arbre, me dit : « Tu n'as sans doute pas tort. Qui sait ce qui se cache sous cette vieille écorce ? Ca me rappelle l'histoire de cette fée qui vivait dans un arbre... »
Nous grandîmes et l'arbre nourri de contes grandit avec nous. Il étalait sa ramure de plus en plus haut, de plus en plus loin. Son tronc s'élargissait, son feuillage était plus dru. Mamour s'asseyait toujours en dessous, mais le temps l'avais rattrapée et bientôt, elle cessa de nous raconter des histoires. Triste, affaiblie, elle demeurait là, sans bouger. Parfois, nous lui parlions, espérant en vain une réponse. Nous voyait-elle seulement ? Ses yeux restaient étrangement fixes, les traits de son visage immobiles. Elle déclinait de jour en jour. Un soir, au début de l'automne, nous la trouvâmes au pied de son arbre, endormie... Du moins fut-ce notre premier sentiment, car Mamour ne dormait pas : elle était morte. Son corps était à demi recouvert de feuilles. On aurait dit que l'arbre avait voulu l'ensevelir pour la garder près de lui...
Après son décès, je perdis les autres de vue. Nous nous écrivions de temps en temps, mes cousins m'appelaient, mais il y avait quelque chose de brisé entre nous qui nous éloignait les uns des autres. Qu'avais-je de commun avec eux, à part Mamour et ses histoires ? Puis j'ai fait ma vie... Je me suis mariée, j'ai eu un enfant... mais une folle envie de revoir les lieux de mon enfance me tenaillait toujours. Un jour enfin, je me suis décidée à y retourner. A mon grand soulagement, l'arbre était encore là. J'avais craint qu'on ne l'eût abattu. Il me parut plus petit qu'en mon souvenir. La vie l'avait déserté. Ses branches nues se tendaient vers le ciel, noires, crochues telles les doigts d'une sorcière. Je pensai que la mort de Mamour avait eu raison de lui.
Le coeur navré, je m'assis près de lui, prenant mon petit garçon sur mes genoux. Les vieilles histoires de ma grand-mère me revinrent en mémoire. Je commençai à en murmurer une à l'oreille de mon fils... et soudain, ce fut comme si Mamour parlait à travers moi. Je retrouvai chacun de ses mots, chacune de ses intonations. Mon fils m'écoutait fasciné. A la fin de l'après-midi, toute trace de tristesse m'avait abandonnée. Nous allions partir lorsqu'un frémissement au-dessus de moi me fit lever la tête. Là-haut, sur une branche de l'arbre avait éclos un bourgeon...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 21 Juin 2013 à 14:54:24

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Haroun Rachid le Sultan -L'Algérie des contes et légendes par Nora Aceval 


Au coin de la cheminée

 

1.On raconte que régnait, jadis, un grand Sultan qui s'appelait Haroun Rachid. Sa beauté était incomparable, mais sa sagesse était encore plus grande. Il est même dit qu'il possédait un anneau magique et qu'il pouvait converser avec l'invisible. On raconte aussi comment il s'était exilé à la suite d'un songe. Un ange lui était apparu pendant son sommeil et lui avait annoncé :
— Haroun Rachid ! Tu dois vivre sept ans de malheur. Tu as le choix pour accomplir ce destin. Tu peux vivre ces sept années de malheur tout de suite, tant que tu es jeune, ou plus tard lorsque tu seras vieux.
Toujours en songe, le Sultan réfléchit et prit sa décision.
— Je prie Dieu afin qu'il m'accorde de vivre ces sept années de malheur pendant ma jeunesse car je crains de ne pouvoir les assumer pendant ma vieillesse. A son réveil, Haroun Rachid pria Dieu et essaya d'interpréter son rêve. Le soir suivant, un autre songe lui apparut où l'ange lui ordonna :
— Dès demain, il te faudra commencer ta nouvelle vie. Tu dois quitter ton palais et ton pays pour entreprendre un long voyage.
Il n'y avait plus de doute, le Sultan devait se soumettre à son destin. Il se prépara, laissa des instructions à son fidèle vizir et prit la route en emportant sur le dos d'une mule deux coffres. Deux coffres d'or pour un roi tel que Haroun Rachid représentaient le dénuement !
Il s'en alla et marcha, marcha... Il entra dans un pays, sortit d'un autre pays, entra dans un pays, sortit d'un autre pays...
Un jour, épuisé, il s'arrêta au bord d'un oued pour reprendre son souffle. Soudain, pendant qu'il se reposait, il vit s'enfoncer peu à peu dans la terre sa mule chargée de ses coffres. Il courut, se jeta sur les rênes et tenta de la retenir. Rien n'y fit. Il tira sur les cordes et les chaînes qui maintenaient les coffres d'or mais tout s'engloutit sous ses yeux. Les chaînes se brisèrent et Haroun Rachid, désarmé, vit ses richesses disparaître. Il comprit que rien ne pourrait arrêter son destin et que ses sept ans de malheur venaient de commencer. Résigné, il alla au devant d'un berger qui faisait paître son troupeau de moutons. Il le salua et lui proposa :
— Ô toi, honorable berger ! Accepterais-tu mes somptueux vêtements contre un agneau et ta djellaba usée ? De cet agneau, je ne prendrai que la panse et les boyaux, je te laisserai le reste.
Le berger se réjouit :
— Eh bien ! Il faut croire que Dieu a décidé de m'habiller et de me régaler de viande. C'est mon jour de chance. Après cette réflexion, l'homme sacrifia l'agneau, le dépeça et enleva la panse et les boyaux qu'il donna à l'étranger. Bien évidemment, le pauvre berger ignorait qu'il avait devant lui le grand Haroun Rachid. Il l'avait pris pour un riche marchand qui avait perdu la tête. En effet, il l'observa avec curiosité lorsqu'il le vit saler la panse et la plaquer sur sa tête pour recouvrir ses cheveux. On aurait dit un teigneux. Ensuite, il enroula le boyau autour de son front en guise de turban et reprit sa route.
Partout où il passait, les gens l'appelaient : Lagraâ Boukercha (le teigneux à la panse). Ainsi, le grand Sultan Haroun Rachid continua à voyager en mendiant son pain, subissant les humiliations et travaillant pour les autres. Un jour d'entre les jours, il arriva dans un pays où régnait un autre grand Sultan, père de sept filles, toutes plus belles les unes que les autres. Haroun Rachid s'y arrêta et demanda du travail au palais. Il fut engagé comme garçon d'écurie.

2. Personne ne voulait s'approcher de Haroun Rachid à cause de son aspect dégoûtant avec la panse et le boyau sur la tête. Dès qu'il passait, on le repoussait :
— Lagraâ Boukercha ! Eloigne-toi. Tu sens mauvais. Il était devenu l'objet de nombreuses moqueries. De plus, ce qui n'arrangeait rien à sa situation, il montait à l'envers une vieille jument galeuse pour laisser croire qu'il était idiot. Il passait au trot, tenant de ses deux mains la queue de sa monture, comme on tient des rênes, et répétant :
— Hue ! Hue ! Laissez passer. Nous faisons tous partie des gens du palais. Attention ! Attention ! Nous sommes tous des hommes du Sultan.
Cela provoquait des rires chez les autres qui crachaient sur son passage :
— Tfou ! Tu te prends pour un homme et tu crois que tu fais partie des gens du palais ?
Il ne répondait jamais aux injures qui pleuvaient sur son passage. Il supportait son destin patiemment en découvrant la méchanceté des gens. Et le temps suivait son cours inexorablement ; ni les souffrances de Haroun Rachid ni l'injustice des hommes ne pouvaient rien contre lui. Le Sultan déchu ne comptait plus les jours qui s'écoulaient. Il vivait son destin et s'en remettait à Dieu.
Haroun Rachid avait pour habitude, après avoir accompli son travail d'écurie, de se rendre près d'une source isolée pour faire ses ablutions et ses prières. Il procédait ainsi secrètement tous les soirs. Aussitôt sa prière terminée, il revêtait ses hardes et sa panse de brebis entourée du boyau desséché.
Un jour, à la fraîcheur du soir, alors qu'il était nu dans l'eau, les sept filles du Sultan arrivèrent à l'improviste pour se baigner. C'était en réalité leur source secrète, bien isolée entre les rochers. Elles venaient s'y ébattre et s'y amuser certains soirs d'été. Haroun Rachid, en entendant leurs rires, eut juste le temps de se cacher. Mais c'était trop tard, l'aînée des princesses l'avait aperçu. Elle vit ses cheveux briller tel de l'or pur et remarqua sa grande beauté et sa grâce. Intriguée, elle se faufila derrière les buissons sans faire de bruit et découvrit avec stupeur que cet homme magnifique n'était autre que le garçon d'écurie. Sans rien dire, elle rejoignit ses sœurs qui se baignaient dans l'eau fraîche.
Elle était désormais amoureuse. Personne ne sut ce qu'elle avait découvert, mais elle ne regardait plus Lagraâ Boukercha de la même façon. Contrairement à tous les autres, elle savait qu'un autre être se cachait sous cette panse et ces haillons. Fort éprise, la princesse suggéra à ses sœurs :
— Mes sœurs, demandons à notre père de nous marier.
L'idée plut aux jeunes files, mais comme il leur était impossible de formuler verbalement une telle demande, elles réfléchirent toutes ensemble et trouvèrent le moyen de communiquer leur désir à leur père.
Le premier jour, elles rangèrent sept petites tasses blanches en porcelaine vides dans un plateau qu'elles déposèrent devant le Sultan avant de se retirer hâtivement.

3. Le lendemain, elles choisirent sept melons bien mûrs dans lesquels elles plantèrent sept couteaux avant de les poser tels quels devant lui. Le troisième jour, le Sultan encore plus étonné que les jours précédents, les vit étaler, toujours devant lui, sept serviettes bien blanches sur lesquelles elles présentèrent sept morceaux de viande et sept fourchettes sans couteaux. Le Sultan de plus en plus intrigué confia à sa femme :
— Mais quelles sont ces pratiques qu'utilisent nos filles depuis trois jours ? Pourquoi ont-elles, le premier jour, posé devant moi sept tasses vides dans un plateau, le deuxième jour sept melons avec chacun un couteau planté dedans, puis sept serviettes blanches avec sept morceaux de viande et des fourchettes sans couteaux ? Eclaire-moi sur ce langage qui m'est bien obscur. Dis-moi ce qu'elles désirent.
Sa femme lui répondit aussitôt :
— Elles souhaitent, par là, te révéler qu'elles désirent se marier.
— Ah bon ! Mais cela n'est rien ! Je vais donner des ordres au crieur public pour que des prétendants se présentent. Elles n'auront qu'à choisir. Le crieur public annonça en clamant :
— Ecoutez ! Ecoutez que Dieu vous fasse entendre ! Le Sultan veut marier ses filles ! Vous êtes invités à la cérémonie au cours de laquelle elles feront leur choix !
La nouvelle circula comme un feu de poudre et une foule d'hommes somptueusement vêtus se présenta. Comme les princesses étaient sept, le Sultan leur remit sept pommes en leur ordonnant :
— Les prétendants vont défiler et chacune de vous lancera une pomme à celui qui lui plaira.
Ainsi, chacune lança une pomme au prétendant de son choix hormis l'aînée. Le Sultan interrogea ses vizirs :
— Tous les hommes du pays se sont-ils présentés ?
— Oui tout le monde ! Il ne reste plus personne.
— Etes-vous certains ? insista le Sultan. Ma fille aînée n'a pas fait son choix.
— Oui, sauf Lagraâ Boukercha, s'il faut le considérer comme un homme, affirmèrent les vizirs en riant.
— Eh bien ! Faite-le venir ce Lagraâ Boukercha, dit le Sultan.
— Comment ? C'est le garçon d'écurie !
— Faites-le venir, vous dis-je.
On alla chercher Lagraâ Boukercha. La foule dégoûtée riait à gorge déployée en se moquant. Mais un silence surprenant s'installa lorsque la princesse lui eut lancé sa pomme. Puis, le silence laissa place aux murmures. Une fois la surprise passée, le Cadi fut convoqué pour enregistrer les contrats de mariage. Chaque fiancé proposait une grande dot pour se montrer digne de la fille du Sultan. Chacun offrait cent moutons, cent chameaux, cent vaches, des coffres de tissus de toutes sortes, des bijoux d'or et d'argent, des esclaves et des palais. Les listes étaient longues. Le Cadi inscrivait et se félicitait de si riches fiancés. Arriva enfin le tour de Lagraâ Boukercha. En le voyant le Cadi cracha de dégoût et l'humilia :
— Tfou ! Comment oses-tu croire que tu mérites la fille du Sultan ?

4. Haroun Rachid ordonna :
— Sidi le Cadi ! N'oublie pas d'inscrire dans le contrat le crachat que tu m'as lancé et les insultes aussi. Ensuite, inscris le double de tout ce que les autres fiancés réunis ont proposé aux princesses. Le jour où j'apporterai la dot de ma femme, le soleil sera caché par la poussière que les troupeaux soulèveront sur les routes.
L'assistance éclata d'un long rire et le Cadi inscrivit l'interminable liste. Arriva enfin l'heure de vérité. Tous savaient que le Sultan ne se limiterait pas à demander des présents pour ses filles. Aucun n'ignorait que le plus difficile était dans les épreuves auxquelles les fiancés seraient soumis pour montrer leur bravoure, leur courage et leur invincibilité. Le roi n'avait que des filles et un des gendres reprendrait la succession.
— Je désire que vous alliez me chercher le lait de la lionne dans la peau de son lionceau en guise d'outre. De plus j'exige que le goulot de cette outre soit attaché avec les moustaches du lion, exigea le Sultan.
Tous répondirent, vaniteux :
— Si ce n'est que cela, c'est bien facile pour de grands chasseurs tels que nous. Lagraâ Boukercha contrairement aux autres s'inquiéta :
— Vénérable Sultan ! Dis plutôt que tu veux nous envoyer à la mort.
Il fut hué et chacun monta sur son cheval. Lagraâ Boukercha mit son pied à l'étrier et grimpa à l'envers sur sa jument galeuse qui alla au trot tandis qu'il répétait :
— Hue ! Hue ! Laissez passer. Nous faisons tous partie des gens du palais. Attention ! Attention ! Nous sommes tous des hommes du Sultan.
Lorsqu'ils s'éloignèrent, les autres fiancés le saisirent, lui administrèrent des coups de cravache et le laissèrent à terre en lui reprochant d'être un porte-malheur :
— Tant que tu nous suivras, nous ne gagnerons rien de bon et nous ne verrons aucun jour heureux.
Haroun Rachid continua sa route en empruntant un autre chemin. Après quelques heures, il sentit la fatigue et s'endormit à l'ombre d'un arbre après avoir fait ses ablutions et sa prière. Soudain, le saint Sidi Abdelkader lui apparut et lui annonça :
— Haroun Rachid ! Tes sept ans de malheur sont terminés.
Le Sultan se réveilla et remercia Dieu de ses bienfaits. Ensuite, il tourna son anneau magique et demanda :
— Puisque mon épreuve est terminée, je voudrais avoir une jument aussi rapide que le vent, mes armes et mes habits princiers.
Son vœu fut exaucé. Il se retrouva sur une jument richement harnachée. Tout était brodé de fils d'or, de la selle jusqu'aux habits dont il était vêtu. Il partit aussitôt au galop.
Il galopa, galopa et parvint près de la grotte où la lionne cachait ses petits. Il était facile d'en tuer un sur les deux pour fabriquer une outre, mais il lui fallait trouver le moyen de traire la lionne et celui d'arracher quelques poils des moustaches du lion. Il réfléchit et trouva la solution. Il tua le premier et de sa peau fabriqua une outre. Il garda le deuxième vivant. A son retour, la lionne se mit à se lamenter en découvrant la disparition de ses lionceaux. Haroun Rachid, toujours grâce à son pouvoir de parIer à l'invisible, pouvait aussi parler aux animaux. Il proposa :
— Je te rends ton deuxième lionceau mais fais-moi le serment de me laisser te traire et promets-moi aussi de m'apporter quelques poils de la moustache du lion.

6. Elle accepta et Haroun Rachid repartit avec l'outre précieuse.
Sur le chemin du retour, il rencontra les six autres fiancés dépités en train de tourner en rond. Il les salua et leur demanda :
— Que cherchez-vous braves chevaliers ?
— Nous cherchons à obtenir le lait de la lionne dans la peau de son lionceau en guise d'outre. Et cette outre doit avoir le goulot attaché avec les poils de la moustache du lion.
— Voici l'outre, leur annonça-t-il. Mais laissez-moi vous couper, à chacun, une phalange de votre petit doigt si vous la voulez.
Les hommes acceptèrent sans hésiter. Ils s'emparèrent de l'outre et revinrent triomphants au palais. Le roi les félicita, la foule les acclama, et leurs fiancées leur ouvrirent les bras. Tout le monde était heureux sauf l'aînée des princesses qui devait subir les moqueries de ses sœurs, surtout lorsque Lagraâ Boukercha revint, misérable sur sa jument galeuse et répétant :
— Hue ! Hue ! Laissez passer. Nous faisons tous partie des gens du palais. Attention ! Attention ! Nous sommes tous des hommes du Sultan.
La fête terminée, le roi annonça la deuxième épreuve à ses futurs gendres :
— Puisque vous êtes si vaillants, allez me chercher des pommes du jardin de «Alia Bent Mansour qui habite au-delà des sept mers.»
Les hommes prirent la route et Lagraâ Boukercha les suivit sur sa jument galeuse. Comme la première fois, il subit les injures et les coups et il prit une autre direction.
Il tourna son anneau magique et demanda à être transporté au-delà des sept mers pour cueillir les pommes de Alia Bent Mansour. Au retour, il rencontra les autres prétendants tournant en rond. En l'apercevant, ils crièrent de joie :
— Enfin, te voilà ! Tu pourras sans doute nous aider à traverser les sept mers pour aller chercher les pommes ? On t'avoue que nous n'y tenons pas car il paraît que Alia Bent Mansour est une ogresse redoutable et personne n'a réussi à revenir avec les pommes. Seul un ennemi peut t'envoyer chercher ces pommes. Le roi tente par tous les moyens de se débarrasser de nous. Peux-tu nous aider une nouvelle fois ? Nous te donnerons tout ce que tu voudras.
— J'ai les pommes, répondit Haroun Rachid, mais je veux en échange le lobe de l'oreille droite de chacun de vous. Ils acceptèrent. Ils furent glorieusement reçus au palais ; le roi les félicita, la foule les acclama, et leurs fiancées leur ouvrirent les bras. Tout le monde était content, sauf l'aînée des princesses qui supportait patiemment les humiliations.
Pour conclure, le roi organisa une course de chevaux avant de célébrer les mariages. Haroun Rachid qui avait l'habitude d'essayer de détaler sur sa jument galeuse, se présenta ce jour-là sous son aspect le plus magnifique. Personne ne le reconnut. Il montait sa jument surnaturelle qui courait plus vite que le vent car elle était de la race des djinns.
Durant la course, il réussit à désarçonner tous les autres cavaliers et arriva le premier. La foule l'applaudit :
— Hourra ! Un seul nous a plu. C'est lui ! C'est l'étranger. Il a désarçonné nos meilleurs cavaliers.
Les six fiancés, humiliés, essayèrent de rappeler au Sultan qu'ils avaient fait mieux en rapportant le lait de la lionne dans la peau du lionceau et les pommes de Alia bent Mansour. (à suivre...)

7. Haroun Rachid continua sa route et parvint dans son pays où il était impatiemment attendu. Après un bref séjour dans son palais, il demanda à ses vizirs de lui préparer la dot promise à sa femme et entreprit ce nouveau voyage avec les honneurs et les richesses. Dès que les caravanes chargées de plus de mille coffres transportant plus de mille richesses et suivies de mille troupeaux, approchèrent du pays du Sultan son beau-père, les gens crièrent en voyant un immense nuage de poussière cacher le soleil :
— Malheur ! C'est une tornade géante qui va tout ravager.
Mais la femme de Haroun Rachid les rassura :
— Non ! N'ayez aucune crainte, c'est mon époux qui revient avec la dot.
C'était un véritable triomphe. Personne n'avait vu autant de richesses à la fois. On fit venir le Cadi avec le contrat de mariage. Il lut ce qu'il avait inscrit et compta, compta... Rien ne manquait.
— Rien ne manque de tout ce que j'ai inscrit, conclut le Cadi.
— Si, il manque quelque chose, rectifia Haroun Rachid.
— Je ne vois pas, s'excusa le Cadi.
— Tu as oublié les crachats et les injures que tu m'as si injustement lancés. Ton papier a sans doute oublié d'en prendre note, mais mon cœur, lui, a tout enregistré, lui enseigna le grand roi Haroun Rachid.
Le Cadi se jeta à ses pieds et demanda pardon. Le grand Sultan le releva et lui dit :
— Moi, je te pardonne mais tourne-toi vers ton Seigneur pour obtenir le vrai pardon.
Après un long séjour et de majestueuses festivités, Haroun Rachid annonça son départ. La princesse qui était enceinte, devait le rejoindre après la naissance de leur bébé. Mais qui peut se vanter de détenir les clefs du futur ?
Haroun Rachid laissa à sa femme un portefeuille et un bonnet qu'elle devait donner à leur enfant une fois grand si jamais le destin empêchait les retrouvailles. Ils se firent leurs adieux et se promirent de ne pas laisser la toile de l'oubli se tisser dans leurs cœurs épris.
Haroun Rachid s'en alla. Son destin l'attendait. Il ne reverra plus sa femme. Cependant, il retrouvera son fiIs ; mais cela est une toute autre histoire.
Elle a pris le feu, le feu, j'ai pris la route, la route !
Elle a mangé du Diss, j'ai mangé du Rfiss !
 
 
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: nordiq le 21 Juin 2013 à 16:42:35

   
                                    Le Singe et le Crocodile       

   Paroles de conteurs : Catherine ZARCATE (http://www.youtube.com/watch?v=IcUgBXaHN1U#)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Juin 2013 à 17:44:17
(http://img15.hostingpics.net/pics/384831cage.jpg)
La couturière du roi

Il était une fois un roi qui était fort brave, fort bon et fort généreux. Tous ses sujets l'aimaient.

          Malheureusement, ils aimaient beaucoup moins la reine qui était la personne la plus futile et la plus frivole qu'il soit possible d'imaginer.

          Un jour, au moment où le déjeuner était prêt, elle fit changer en urgence la nappe et les serviettes de table pour qu'elles soient de couleur mauve exactement assorties à sa robe. Elle renvoya sa coiffeuse lorsqu'elle entendit une comtesse critiquer sa coiffure et elle rendait fou le chef jardinier en exigeant d'avoir tous les jours dans sa chambre des fleurs de la couleur de sa toilette.

          Le roi ne l'aimait guère, il avait été obligé de l'épouser pour raison d'état et elle l'avait si vite tant exaspéré qu'il avait fait placer les appartements de sa femme à l'extrémité de l'aile gauche du château tandis que les siens se trouvaient à l'extrémité de l'aile droite. Ainsi la rencontrait-il le moins souvent possible, seulement quand les questions de protocole l'exigeaient. Et, au goût du roi, elles l'exigeaient beaucoup trop souvent.

          Même les jours où il ne voyait pas la reine, le pauvre roi n'était pas tranquille car elle lui faisait porter des mots exprimant ses doléances par quelque serviteur. Et, si le roi ne réagissait pas à ces mots dans les plus brefs délais, il entendait bientôt la voix perçante de son épouse hurler dans tout le château. Ceci faisant très mauvais effet sur la cour et ses invités étrangers, le roi se trouvait obligé d'intervenir au plus tôt et de faire exécuter les invraisemblables souhaits de la reine.

          La personne dont la reine, qui était la femme la plus coquette que tout l'univers eut portée, sollicitait le plus souvent les services était la couturière du palais. Il s'agissait d'une charmante jeune fille nommée Anne-Lise qui succédait avec talent à sa mère morte d'épuisement dans son service pour la reine.

          Rien ne calmait son impétueuse Majesté : que les domestiques meurent ou qu'ils rendent leur tablier lui importait peu car le palais proposait d'assez belles rémunérations pour qu'il y ait toujours d'autres candidats aux postes devenus vacants.

          La reine avait trois pièces pour contenir toutes ses toilettes. Elle possédait exactement sept cent trente robes ce qui veut dire qu'elle pouvait en mettre deux par jour sans porter une seule fois la même dans le courant de l'année. Sa femme de chambre avait d'ailleurs pour consigne de mettre une étiquette sur chaque robe à mesure qu'elles avaient été portées indiquant : robe mise par la reine le 18 janvier à l'occasion de l'anniversaire du roi, robe portée le 26 avril pour les noces du comte André avec dame Alison et ainsi de suite.

          Tout ce choix de toilettes aurait pu suffire à satisfaire la reine mais ce n'était pas le cas. La reine n'était jamais satisfaite plus de deux minutes d'affilée. Le seul jour où elle avait été parfaitement heureuse était précisément celui où elle avait épousé le roi et était devenue reine. Enfin, elle pouvait faire ce qu'elle avait toujours rêvé de faire : commander les autres.

le roi la reine

Ce matin, la reine était de mauvaise humeur car elle avait entendu la comtesse Sonia, qui était la plus grande langue de vipère de toute la cour, dire à la vicomtesse Elia :

-Ne trouvez vous pas, ma chère, que la reine s'est un peu épaissie au niveau de la taille ?

          Et l'autre avait approuvé en éclatant d'un petit rire niais. La reine avait aussitôt été dans sa chambre s'observer d'un œil critique dans son miroir et elle avait trouvé qu'effectivement, elle avait pris un peu de ventre. Elle avait d'ailleurs quelque mal à boutonner le dos de ses robes ces temps ci.

-Il me faut des corsets et des robes un peu plus larges, décida t'elle.

          Et elle envoya sa femme de chambre quérir sa couturière.

          Anne-Lise arriva aussitôt. Il y avait trois jours que la reine ne l'avait pas fait demander et c'était si exceptionnel dans une année que cela lui avait fait comme des vacances.

-Que puis-je pour vous, ma reine ?

-Je veux trois corsets finement lacés. Il me faut aussi trois robes bouffantes dans le bas et pas trop ajustées, ce dans les plus brefs délais.

-De quelles couleurs, ma reine ?

-Bleu cyan, rouge pourpre et rose pâle. Et pour les corsets, je ne veux pas que les lacets excèdent dix-huit centimètres de long. Les lacets de vingt centimètres sont pour les grosses femmes. Ce n'est pas mon cas.

-Bien sûr que non, ma reine, rétorqua Anne-Lise en se mordant les lèvres pour ne pas rire.

-La robe bleue doit être semblable au ciel, la rouge à du sang et la rose à votre peau.

-Cela me semble difficile, ma reine.

-Vous ne seriez pas si bien payée si votre travail était à la portée de tout le monde, ma petite. Je veux les corsets et les robes dans cinq jours ou je vous fais couper la tête.

          Anne-Lise frémit. Elle savait que sa redoutable majesté était très capable de mettre sa menace à exécution. Il y a deux ans, elle avait voulu faire décapiter la cuisinière parce que cette dernière lui avait servi un plat trop épicé qui lui avait enflammé la gorge.

          Heureusement, le mari de la cuisinière n'était autre que le bourreau et il avait, bien sûr, refusé de décapiter sa femme. La reine avait alors voulu faire tuer le couple mais personne n'accepta de s'en charger craignant trop d'être victime à son tour de la reine après.

          Mais, depuis cette histoire, l'horrible altesse, frustrée de ne pas avoir pu faire exécuter son ordre, menaçait à tout moment tous ceux qui l'exaspéraient de les faire décapiter.

Anne-Lise commença aussitôt à faire les corsets aidée de sa cousine Marie-Blanche. Pour les robes, elle ne savait pas quels tissus employer pour que les toilettes puissent être conformes aux désirs de la reine.

          La jeune fille avait un oncle qui vivait dans la montagne et qui était oracle. Il l'avait aidée bien souvent déjà de ses précieux conseils. Elle décida d'aller lui rendre visite le soir même.

    La nuit tombait mais de petites lucioles éclairaient ça et là la forêt donnant aux arbres un air vivant et enchanteur. Anne-Lise elle-même semblait une fée dans ce décor mais elle n'en n'avait pas conscience.

Son oncle était assis devant une table où un tas de cailloux était disposé.

-Les pierres m'avaient annoncé ta venue, lui dit-il. Que puis-je faire pour toi ?

-Je voudrais savoir comment réaliser une robe bleue comme le ciel, une autre pourpre comme le sang et une troisième rose comme la peau.

  Son oncle remit ses cailloux dans le petit sachet puis les jeta trois fois sur la table. Voici ce que dirent les pierres :

-Les fées ont la réponse à ta première question, les sirènes à la seconde et la fermière de la cour triangulaire à la troisième.

-Voici qui est simple comme d'habitude, soupira Anne-Lise. Merci tout de même, mon oncle, je partirai en quête dès demain matin.

      La couturière du roi commença par aller voir la fermière de la cour triangulaire car elle était la plus simple à trouver. Cela dit, peu de gens allaient lui rendre visite car il y avait de mauvaises superstitions qui circulaient à propos de sa cour. Les gens disaient que cette cour était une création du diable et, qu'à la pointe de ce triangle, il y avait un passage secret qui menait tout droit aux Enfers. Anne-Lise faisait peu de cas d'un tel avis. Elle ne pouvait s'empêcher de penser que même le diable aurait fait piètre figure devant la reine.

La fermière dit à Anne-Lise.

-Oui, petite, je vois ce que tu veux. Il te faut prendre un tissu blanc et l'enduire avec ce pot de graisse qui vient d'un cochon que j'ai tué. Ton tissu aura alors le rose de la peau humaine. Mais, prends garde, ce cochon n'était pas le mien, sa graisse n'est pas ma propriété, il se pourrait que son propriétaire vienne te visiter.

Ce midi, Anne-Lise était en train de déjeuner quand de grands coups ébranlèrent sa porte et, sans y avoir été invité, le diable entra. Il avait le teint terreux, une bouche distordue dans un rictus sinistre, ses grands yeux noirs étirés sur les côtés fixaient la jeune fille d'un regard cruel et cynique.

-Eh bien, petite, qui crois-tu être pour t'arroger le droit de voler le bien du diable en personne ?

-Ce n'est pas pour moi, s'empressa de dire la couturière du roi. C'est pour satisfaire la commande de ma reine qui est sans conteste la femme la plus odieuse qu'il soit possible d'imaginer, elle est si abominable que vous-même pourriez faire figure de saint à côté.

-Ce n'est pas possible, s'écria le diable, piqué au vif. Si cette femme est bien telle que tu le dis, elle est digne de devenir ma compagne, la grande diablesse qui régnerait sur les Enfers. Il faut que j'aille voir cette créature de plus près.

          Et le diable disparut dans un nuage de fumée.

Anne-Lise, sa cousine et une voisine travaillèrent toute la journée et, au soir venu, la robe rose et l'un des corsets étaient terminés.

-C'est bien, dit Anne-Lise. Cette nuit, je sors voir les fées.

          Car, comme chacun le sait, les fées se réunissent les nuits d'été pour de charmantes rondes à la lueur des étoiles dans les clairières et les sous-bois. Par son oncle, Anne-Lise connaissait une de ces clairières.

          Elle y trouva une dizaine de fées qui jouaient gaiement, leurs petits pieds nus foulant l'herbe humide.

Lorsque la jeune fille entra dans la clairière, un grand silence se fit et les fées s'immobilisèrent.

-Pardonnez-moi, charmantes créatures, de venir troubler vos jeux, dit Anne-Lise. Je ne me le permettrais pas si une cruelle nécessité ne m'y obligeait : la reine me fera couper la tête si dans quatre jours, je ne lui ai pas remis une robe couleur de ciel.

-Je vois ce qu'il te faut, dit la fée Rose. Tu as besoin de notre tissu magique à base de bleuets et de toiles d'araignées. Retire toi cinq minutes et laisse nous délibérer que nous voyons ce que nous pouvons faire pour toi.

          Les fées se mirent en cercle et chuchotèrent entre elles.

          Enfin, la fée Rose s'adressa de nouveau à Anne-Lise :

-Puisque tu es courageuse et bonne, nous allons t'accorder ce que tu désires, lui dit-elle, mais à une condition. La reine détient la fée Pavot dans une cage afin qu'elle lui donne un sommeil et des rêves agréables toutes les nuits malgré le fait que le roi ne vienne jamais la visiter. Délivre notre amie et, en échange, nous ferons la robe qui t'est réclamée.

-Soit, dit Anne-Lise je vais essayer de la délivrer cette nuit même.

          Elle avait souvent remarqué que la reine portait en permanence une clé d'or autour du cou et elle pensait que ladite clé devait ouvrir la cage dans laquelle la fée était retenue prisonnière.

          Anne-Lise repassa chez elle prendre quelques chandelles pour s'éclairer dans sa route jusqu'au château. Elle trouva dans sa maison le diable, furieux :

-Pas moyen de réveiller ta reine, lui dit-il. Elle dort d'un sommeil enchanté que même moi ne puis conjurer.

-C'est parce qu'elle détient la fée Pavot qui lui procure un sommeil enchanteur toutes les nuits, rétorqua la couturière. Aide-moi à délivrer la fée et tu pourras réveiller la reine.

-Ce sera bien la première fois de l'histoire que je délivrerai une fée, grommela t'il. Que ne ferait pas le diable lui-même pour trouver l'amour ! Passer l'éternité tout seul, c'est diablement long !

          Le diable voleta jusqu'à la fenêtre de la chambre de la reine tenant Anne-Lise dans ses bras. Elle substitua la clé autour du cou de la reine.

D'un de ses ongles crochus, le diable crocheta la serrure de la porte de la petite pièce attenante à la chambre de la reine. La jeune fille ouvrit la cage et prit dans ses bras la petite fée toute maigrichonne et tristounette.

-N'aie crainte, lui dit-elle ; tes amies, les autres fées, m'ont envoyé te sauver. Je vais te ramener auprès d'elles.

-Quel bonheur ! dit la fée. Je n'osais plus espérer et je me sentais dépérir à vue d'œil.

Le diable les porta jusqu'au pied du château et là, la fée, de quelques gestes mystérieux de la main, tira la reine de son sommeil. Le diable se hâta de retourner dans la chambre royale mais il le fit avec le diabolisme qui lui était propre : en prenant les traits du roi.

          La reine était toute étonnée de s'éveiller en pleine nuit et elle allait se lever pour battre la fée Pavot lorsqu'elle vit son époux à ses côtés et toute sa colère s'évanouit comme par enchantement.

          Pendant ce temps, Anne-Lise avait ramené la fée parmi la joyeuse assemblée de la clairière. Elle fut acclamée et portée en triomphe jusqu'à chez elle.

          Au petit matin, en s'éveillant, elle trouva la robe bleue comme le ciel achevée et soigneusement disposée sur la table de sa salle à manger. Elle alla aussitôt la porter à la reine ainsi que la robe rose et le corset achevé.

A sa grande surprise, elle trouva la reine qui chantonnait. Tout le palais en était sidéré : depuis dix ans que la reine était maîtresse des lieux, c'était la première fois que les serviteurs l'entendaient chanter. Mieux encore, elle était d'une bonne humeur exceptionnelle.

-Un corset ? interrogea-t-elle Anne-Lise. Ah, oui, ce n'est pas la peine de faire les autres que je vous avais demandé, ma petite. J'ai trouvé un meilleur moyen de paraître mince. Regardez comme ma taille paraît fine ce matin. La la la !

-Votre majesté a une coupure qui saigne sur l'avant-bras ainsi que quelques bleus. Veut-elle que je lui mette de la pommade ?

-Ce n'est pas nécessaire. Charmante coupure, exquis bleus. Quelle belle mine j'ai ce matin ! Je ne me suis pas sentie si bien depuis des années. Ce n'est pas comme vous, ma petite, vous m'avez l'air un peu pâlotte. Prenez donc deux semaines de congé, je vous les offre.

-Mais la robe rouge pourpre, ma reine ?

-Vous la ferez en revenant. J'ai bien assez de toilettes pour survivre en votre absence et je suis bien assez gracieuse pour être remarquée même sans les artifices d'une jolie robe, n'est ce pas ?

-Tout à fait, ma reine. Merci infiniment pour ce repos que vous m'accordez.

          Et, Anne-Lise, abasourdie, se hâta de s'éclipser de crainte que la reine ne change d'avis.

          Elle se doutait que le diable devait être pour quelque chose dans la bonne humeur de la reine. Mais si quelqu'un n'y comprit rien mais alors rien du tout, ce fut le roi en recevant les petits mots tendres et suggestifs que la reine lui envoya au matin. Il en déduisit que son épouse sombrait dans la folie mais cette folie lui parut douce et charmante en comparaison de ce que pouvait être son épouse en possession de toute sa raison alors il répondit de manière courtoise mais neutre, histoire de ne surtout pas la contrarier.

          En apprenant qu'elle avait donné des vacances à leur couturière, il fut tout à la fois ravi et attristé, ravi qu'Anne-Lise qu'il aimait beaucoup puisse enfin se reposer un peu  et contrarié de ne pouvoir la voir pendant quinze longues journées car il avait coutume de la faire appeler sous des prétextes vestimentaires pour le seul plaisir de converser avec elle. Par ailleurs, les affaires d'Etat ne passionnaient pas le roi, il  n'y entendait guère et, plus d'une fois, Anne-Lise, que le contact de la reine avait rendu particulièrement diplomate, lui avait donné d'excellents conseils qui lui avaient permis de sauver in extrémis la situation.

          Quand Anne-Lise rentra de vacances, elle trouva toute la cour en émoi.

-La reine est morte, lui dit le roi sur un ton de joyeuse incrédulité.

-Oh ! dit la couturière.

          Elle pensait que la reine devait être en Enfer et qu'elle était peut-être le seul hôte de ces lieux à ne pas s'en plaindre.

-Rassurez-vous, ajouta le roi, vous êtes toujours à mon service.

           Mais, en fait, Anne-Lise ne le resta pas longtemps car  le roi réalisa très vite qu'elle serait l'épouse idéale pour lui. La couturière devint donc reine pour la plus grande satisfaction de tous. Et elle habite la même aile du château, mieux, la même chambre que le roi.

          Un jour, elle voulut débarrasser les pièces qui contenaient la garde-robe de la précédente reine. Elle se rendit alors compte qu'elles étaient vides.

-Le diable a du passer par là, se dit-elle.

          Elle n'y attacha pas plus d'importance que cela, toute à son bonheur avec son charmant époux, et à la joie de pouvoir aider ceux de son peuple qui venaient la solliciter.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Juin 2013 à 17:52:58
La couturière du roi (suite )

Depuis que le diable avait enlevé la reine, la paix régnait dans le royaume. Mais qu'en était-il aux Enfers ?

         Dans ces lieux ordinairement surpeuplés, il était à présent possible de circuler. Les nouveaux arrivants étaient moins nombreux et certains anciens résidents avaient enfin la possibilité de partir vers d'autres contrées plus hospitalières.

         En effet, le diable était si préoccupé de l'insatiable reine avec laquelle il avait célébré des noces sataniques qu'il n'avait plus le temps d'aller sur Terre pour tenter les mortels ni d'empêcher les résidents forcés de ses antres de se repentir et d'accéder ainsi au purgatoire ou au Paradis.

         Si cette situation faisait un heureux, c'était bien le bon Dieu mais St Pierre était très embêté car les grilles du Paradis devenaient trop étroites pour accueillir tous ceux qui devaient y entrer. Les files d'attente s'amoncelaient dans les nuages et il y avait parfois des collisions de nuages qui provoquaient des orages imprévus sur Terre.

         Si satisfaite que fut la reine de son époux, le confort de son habitat la laissait insatisfaite.

         Ni l'absence de soleil ni l'absence de nature ne déplaisaient à cette femme dénaturée mais elle exigeait un confort quatre étoiles. Le diable fit venir de la terre toute sa garde-robe puis tous ses meubles puis tous ses livres puis son horrible loulou hargneux qui mordait tout le monde au palais et se mit à mordre tout le monde aux Enfers, sauf le diable et sa maîtresse parce qu'il avait bien trop peur d'eux.

         La reine aurait du être contente ; elle avait enfin un pouvoir démesuré à la hauteur de ses ambitions mais il lui manquait encore quelque chose, oh, un tout petit quelque chose dont cette inguérissable coquette refusait de se passer. Elle voulait la robe rouge pourpre qu'elle avait commandé à sa couturière avant que le diable ne la tue pour l'emmener aux Enfers avec lui.

         Elle demanda au diable d'aller sur Terre chercher Anne-Lise et de la lui ramener mais le diable refusa. Il avait bien trop peur que la reine ne fasse des bêtises en son absence et, aux Enfers, le nombre de bêtises qu'il est possible de faire lorsque l'on est à la tête des lieux est dangereusement illimité. Il  proposa

donc à sa femme d'envoyer une occupante forcée de ses antres sur Terre pour qu'elle passe commande de la robe à la couturière et la ramène aux Enfers une fois terminée.

- Soit, dit la diablesse, mais qui vas tu choisir pour une telle mission de confiance ?

         Le diable se gratta la tête de ses ongles crochus chassant quelques poux au passage, et son visage s'éclaira d'un de ses rares sourires sinistres.

- Je souris un peu trop depuis que je suis marié, songea t-il. Il faut que j'y prenne garde sinon je vais finir par passer pour un être jovial.

- J'ai ici une jeune fille nommée Marie-Blanche, arrivée depuis peu qui est donc encore en état de repartir. C'était la cousine de ta couturière. Cela fait d'elle la personne parfaite pour lui être envoyée.

- Pour quelles raisons est-elle ici ?

- Son mari était un mauvais bougre qui la battait et la trompait. Un soir, elle était si en colère contre lui qu'elle lui a tranché la tête tout net avec la hache à couper le bois. Puis elle a pris peur de la sentence des juges et elle s'est empoisonnée. Tandis que sa cousine était sur son lit de mort, Anne-Lise a appelé le curé mais Marie-Blanche a refusé de se repentir des crimes qu'elle avait commis alors, aussitôt qu'elle est passée de vie à trépas, elle est arrivée ici et elle n'a aucune chance d'en sortir si elle ne montre pas quelque repentir. C'est une fille têtue, je doute qu'elle sorte d'ici avant un certain temps sauf si...

- Sauf si quoi ? demanda la reine.

- Sauf si je lui offre sa liberté contre ta robe. C'est à dire qu'elle aurait droit à une seconde vie sur Terre où elle retournera sous un autre aspect que précédemment si elle obtient ta robe. Elle aura quinze jours pour s'acquitter de cette mission.

- Dix jours. Je suis pressée.

- Va pour dix jours. Ma proposition te convient donc ?

- Elle est peu orthodoxe mais, du diable, je n'en n'attendais pas moins.

          Marie-Blanche accueillit l'offre du diable comme un juste retour des choses. Elle estimait qu'elle n'avait pas eu de chance dans la vie alors qu'il n'était que justice qu'elle en eut dans la mort.

         Tout de même, réintégrer le monde terrestre, comme cela, subitement, dans toute la jeunesse de ses vingt ans, quand on a cru que tout cela vous était enlevé à jamais, ce n'est pas sans causer une joie très vive.

Elle huma l'air frais de la campagne comme jamais elle ne l'avait respiré, chaque pas lui causait une joie ineffable et le chant de chaque oiseau était pour elle musique divine. Mais elle connut vite aussi quelque surprise. En lavant son visage dans la fontaine de la place publique, elle constata qu'elle n'avait plus exactement le même physique. Son regard était semblable à ce qu'il avait toujours été mais ses traits avaient changé. Elle vivait réellement une seconde vie réincarnée dans un autre corps à ceci près que ses souvenirs n'étaient pas effacés.

         Elle se rendit à la maison qu'elle occupait auparavant avec sa cousine Anne-Lise et eut la surprise de la trouver vide. Une fine couche de poussière recouvrait les meubles et la plupart des effets de sa parente avaient disparu.

Elle alla chez les voisins pour s'informer. Ces derniers la regardèrent comme si elle avait perdu l'esprit.

- La couturière ? Qui êtes-vous donc pour ignorer qu'elle a épousé le roi et qu'elle est devenue notre souveraine bien-aimée ?

         Marie-Blanche dit qu'elle était une parente qui revenait de l'étranger ce qui était d'une certaine manière l'exacte vérité car nul pays n'est plus étranger aux terriens que les Enfers.

         La jeune fille alla solliciter une audience à la reine. Anne-Lise ne refusait jamais de parler à ses sujets, elle consacrait toutes ses matinées à ces audiences qui lui paraissaient de la plus haute importance pour être en contact avec le peuple.

         Le premier moment de stupéfaction passé, elle crut Marie-Blanche car nul ne pouvait savoir que la précédente reine se trouvait aux Enfers s'il n'y avait pas été lui même.

- Je sais ce que tu dois faire pour obtenir le tissu de la robe rouge pourpre, lui dit-elle. Il te faut te rendre au lagon des sept dunes et solliciter cette faveur des sirènes. Une part de moi souhaiterait t'accompagner mais je ne le puis, mon devoir de reine et d'épouse m'impose de demeurer ici.

- Nulle épreuve ne peut égaler ce qui se passe aux Enfers. N'aie crainte, je réussirais.

Marie-Blanche était pressée d'assurer son salut. Elle se rendit la nuit même au lagon. C'était un lieu fort beau où, le jour, les amoureux venaient roucouler et les enfants jouer dans l'eau claire mais, de nuit, cela devenait mystérieux et silencieux. Beaucoup d'hommes, attirés par le chant des sirènes à la lumière des étoiles y étaient venus et étaient morts noyés attirés en haute mer par ces belles mais impitoyables créatures.

A l'heure où la jeune fille arriva, les sirènes jouaient avec des tritons de mer, ils se cachaient et se poursuivaient derrière les rochers laissant échapper de temps à autre quelque cri faussement effarouché ou quelque rire cristallin.

- Pardon de venir troubler votre sanctuaire, dit Marie-Blanche, dressée sur un rocher afin qu'ils discernent sa silhouette dans la nuit. Je ne commettrais pas une telle offense si ma vie n'en dépendait pas. Si dans neuf jours, je n'ai pas ramené à la reine des Enfers une robe pourpre comme le sang, je suis condamnée à demeurer dans ces horribles antres pour l'Eternité. Ayez pitié de moi, je vous en prie, et accordez moi le secret de cette couleur incomparable.

        Un grand silence se fit puis sirènes et tritons tirent un petit conciliabule.

Nous ne donnons rien sans rien aux humains, dit enfin une sirène dont les écailles brillaient plus que celles de ses compagnes.

Que puis je vous offrir en retour ? demanda Marie-Blanche. Je ne possède rien.

Etre en pleine possession de soi-même suffit, rétorqua un triton. La mer, notre domaine, est pour nous source de vie et de joie. Pourtant, lorsque nous descendons tout au fond des océans, il nous arrive de trouver notre royaume un peu sombre. Pour éclairer ses profondeurs insondables, nous aimerions que tu nous ramène un morceau de la pierre phosphorescente que possèdent les nains de la Mine du Diamant bleu. Contre cette pierre de lumière, tu auras le corail rouge qui te permettra de donner à la robe de ta reine la couleur pourpre souhaitée. Ne nous pose pas d'autres questions, reviens lorsque tu auras accompli ta mission. Si dans trois jours tu n'as pas réussi, tu devras devenir l'une des nôtres, une sirène, pour être à même de satisfaire la Reine des Enfers.

Marie-Blanche s'inclina et s'en fut songeant que devenir une sirène était, de toute façon, un sort mille fois préférable à celui d'être résidente aux Enfers.

Comme sa cousine Anne-Lise précédemment, elle alla rendre visite à son oncle dans la montagne.

Tu as côtoyé deux reines, lui dit-il, tu ne seras pas la troisième. Pourtant, ton sort est plus enviable que le leur car ta liberté est plus grande que celle qu'elles ont et auront jamais. Ni triton ni nain ne doivent encombrer ton chemin, ne les laisse pas entraver ton destin. La mine du diamant bleu se trouve au cœur de cette forêt, va tout droit jusqu'au grand chêne centenaire, tourne à gauche devant le cumulus de rochers et à droite de la cascade, tu entendras leurs chants et leurs coups de pioche.

Marie-Blanche parvint sans encombre à la cascade où elle rafraîchit son visage fatigué par cette nuit de veille. Alors qu'elle se baignait dans l'eau fraîche, elle entendit ce chant joyeux :

Un, deux, trois

C'est nous les rois

De la mine

Nous avons bonne mine

Et notre diamant bleu

Passeport pour les cieux

Nous assure toujours

Notre pitance du jour

          Puis elle entendit plusieurs éternuements bruyants :

Atchoum ! Atchoum ! Atchoum !

Puis une voix qui dit :

Tout de même que ne donnerais-je pas pour avoir un bonnet des tisserands de la lune et ne plus avoir à souffrir de ces courants d'air incessants dans les oreilles.

Marie-Blanche se rhabilla et, s'approchant de l'entrée de la grotte, leur demanda :

Me donneriez-vous un morceau de votre pierre phosphorescente si je vous procurais de tels bonnets ?

Oh, oui, assurément, dit le nain à la barbe blanche qui paraissait le plus âgé. Si tu nous ramènes sept bonnets des tisserands de la lune, un pour chacun d'entre nous, alors, parole de nain, tu auras le morceau de la pierre que tu souhaites.

Taillez moi un beau morceau de votre pierre, dit la jeune fille, je reviens au plus tôt avec vos bonnets.

Tout le monde savait que les tisserands de la lune vivaient au bord du volcan de la lune mais, rares étaient ceux qui s'en approchaient car le volcan était susceptible d'entrer de nouveau en éruption à tout moment. Mais, Marie-Blanche, qui était déjà passée par la mort une fois, ne craignait pas de la côtoyer une seconde fois.

Lorsqu'elle parvint à l'atelier des tisserands à l'issue d'une périlleuse escalade à laquelle même les chèvres ne se risquaient pas, le chef tisserand la regarda, stupéfait :

Personne ne vient jamais jusqu'à nous. Les gens attendent que nous venions sur les marchés vendre nos produits uniques. Et nul ne supporte sans gémir la souffrance que cause le sol brûlant de cet atelier à ses pieds. Es tu une sorcière ?

Je ne le suis pas, répondit Marie-Blanche, mais je suis morte et ressuscitée en mission sur Terre pour la Reine des Enfers. Si je réussis, j'aurai ma liberté. Si j'échoue, je suis condamnée à demeurer aux Enfers pour l'éternité. Il me faut ramener une robe pourpre à la reine. Pour ce faire, j'ai besoin du corail rouge des sirènes qui me demandent en échange un morceau de la pierre phosphorescente des nains de la mine du Diamant Bleu lesquels veulent sept bonnets de votre fabrication contre leur pierre. Et toi, que veux-tu ?

Je ne veux rien d'autre que t'être agréable, ma belle, et la promesse que tu reviendras me voir si tu te libères de ton engagement contracté avec les Enfers. J'ai assez de bonnets confectionnés d'avance pour t'offrir les sept que tu demandes.

Merci, dit la jeune fille. Sors deux minutes, veux-tu, de cet atelier avec moi et je te donnerai quelque chose en retour.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Juin 2013 à 17:54:33
La couturière du roi ( fin)

Ils sortirent dans le paysage désolé recouvert des cendres grises du volcan.

Cela ressemble aux Enfers, dit Marie-Blanche, mais avec le ciel bleu au dessus, cela change tout. Je veux te donner mes souliers : ce sont des chaussures magiques qui s'adaptent automatiquement à la pointure de celui qui les porte et qui sont insensibilisées à tout sol extérieur car elles ont foulé le pavé des Enfers. Je les aie volées à la Reine des Enfers pour moins souffrir dans ces antres, elle en a tant de paires qu'elle ne l'a même pas remarqué.

Merci infiniment, dit l'homme, touché, en lui tendant la main. Je sais que ce cadeau n'a pas de prix et il m'épargnera beaucoup de souffrances. Je connais peu les femmes, je n'ai pas souvent l'occasion d'en voir mais je sais que je serai un homme heureux si tu consentais à partager mon existence.

Je ne suis plus ni tout à fait du monde des vivants ni de celui des morts mais ce lieu intermédiaire pourrait m'être un paradis à tes côtés. Comment t'appelles-tu ?

Je m'appelle Romuald et le but de ma vie sera désormais d'attendre ton retour.

Je m'appelle Marie-Blanche et toute mon existence n'aura plus d'autre objectif que de te rejoindre.

Sans savoir comment, ils se retrouvèrent tout naturellement dans les bras l'un de l'autre, ils s'embrassèrent doucement puis s'étreignirent un moment en silence. Enfin, la jeune fille se dégagea et descendit le plus rapidement possible courant presque tant pour que ses pieds nus soient moins brûlés que pour ne pas se laisser tenter et perdre un temps précieux en restant plus longtemps avec lui.

Elle donna les bonnets aux nains qui lui remirent une brouette contenant un gros morceau de leur pierre phosphorescente.

Le plus jeune des nains regardant la jeune fille avec espoir lui dit :

Il est tard. Ne veux-tu pas rester avec nous pour la nuit ?

Mais Marie-Blanche se souvint de l'avertissement de son oncle et, malgré la chape de fatigue qui pesait sur ses épaules comme du plomb, elle déclina cette invitation.

Elle arriva au beau milieu de la nuit au lagon des sirènes qu'elle n'eut pas de peine à retrouver grâce à la lumière de la pierre phosphorescente qui éclairait son chemin.

Sirènes et tritons l'applaudirent et lui remirent une grande branche de corail rouge que la jeune fille chargea sur sa brouette.

Tu dois être bien lasse, dit l'un des tritons à Marie-Blanche. Si tu le souhaites, je puis te faire un lit d'algues confortable entre ces rochers et veiller sur ton sommeil.

Mais la jeune fille se souvint de l'avertissement de son oncle et, craignant que le triton ne profite de son sommeil pour faire d'elle une sirène, elle refusa aimablement son offre et rentra se coucher dans la petite chaumière qu'elle partageait naguère avec sa cousine.

Le lendemain, elle alla voir Anne-Lise pour solliciter son aide pour confectionner la robe pourpre. Anne-Lise avait toujours été meilleure couturière que sa cousine et il ne lui déplut pas d'en revenir à ses anciennes activités. Elles travaillèrent toute la journée et toute la soirée dans les appartements de la reine, ce qui contraria bien le roi qui dut aller se mettre au lit sans son aimée, tant et si bien qu'à minuit sonnantes, la robe pourpre était prête.

Alors Marie-Blanche cria d'une voix forte :

- Diable ! Diable ! Viens me chercher, j'ai accompli ma tâche, la robe de ta femme est prête !

Dans un nuage de fumée vert - gris qui sentait le souffre, le diable apparut aussitôt.

Bonjour, Reine ! dit-il en faisant une révérence moqueuse à Anne-Lise. J'espère que votre ménage vous satisfait autant que le mien. Sans cela, je puis toujours vous trouver une place de concubine à mes côtés aux Enfers.

N'ayez crainte, rétorqua Anne-Lise, mon bonheur sur Terre est...paradisiaque !

Le diable fit une petite grimace de dépit et se tourna vers Marie-Blanche.

Fort jolie, cette robe, dit-il en la palpant de ses doigts crochus. Eh bien, tu peux rester sur Terre si c'est ce que tu souhaites.

C'est mon désir, dit Marie-Blanche, mais permettez-moi auparavant, s'il vous plaît, de vous accompagner aux Enfers pour m'assurer que cette robe convient à la reine en tous points.

Tu n'as peur de rien. Cela me plaît, cela me plaît terriblement ! s'écria le diable.

Il saisit la main de Marie-Blanche et tous deux disparurent dans un nouveau nuage de fumée.

De retour aux Enfers, Marie-Blanche profita de ce que la reine avait le dos tourné à essayer sa robe pour lui voler une nouvelle paire de chaussures qu'elle chaussa aussitôt. Mais le diable l'avait vu faire et lui dit en aparté :

Tu es la seule occupante des Enfers à avoir eu assez d'audace  pour dérober par deux fois quelque chose à sa reine. Dommage que tu ne veuilles pas rester parmi nous. J'aurai pu te nommer haute intendante des supplices pédestres ou quelque chose de ce genre.

Ce serait beaucoup trop d'honneur, dit Marie-Blanche. Non, décidément, renvoyez moi sur Terre à présent, s'il vous plaît.

Le diable se gratta la barbiche et dit :

Non, justement, cela ne me plaît pas. Je crois bien que je vais te garder avec moi.

Mais j'ai accompli ma mission, vous aviez donné votre parole, protesta Marie-Blanche.

Qui t'a dit que l'on pouvait se fier à ma parole ? ricana le diable. Qui me dit que, si je te laisse partir, je te retrouverai après ta prochaine mort ? Non, tout bien réfléchi, je vais créer pour toi en deux nuages de souffre une gigantesque et infernale salle propre aux tortures des pieds : pieds glacés, pieds brûlés, pieds transpercés d'aiguilles, pieds chatouillés jusqu'à en agoniser de rire...C'est toi, la sensible des pieds, qui va t'occuper de cela.

Pour ne pas mettre Marie-Blanche en demeure de lui résister, le diable alourdit ses chaussures afin que sa démarche gracieuse et aérienne se mue en un pas lourd et fatigué ayant à peine assez d'énergie pour se traîner d'un bout de la salle de tortures pédestres à l'autre.

Marie-Blanche enrageait. Elle regrettait d'avoir été trop gourmande en retournant chercher cette paire de chaussures dont elle aurait pu se passer.

Pendant ce temps, Romuald soupirait sans cesse. Il n'avait plus de plaisir à la fabrication des vêtements à laquelle il travaillait avec ardeur d'habitude. Là, il cousait les manches de travers, faisait les cols trop petits, ratait ses ourlets et, comme il était très perfectionniste, il recommençait jusqu'à ce que ce soit parfait.

Au bout de quelques jours, il se rendit compte que ce qu'il faisait ne servait à rien et qu'il vaudrait mieux qu'il s'accorde quelques congés pour pouvoir reprendre le travail de manière plus efficace ensuite.

Alors, il fit son balluchon et il se mit en quête de sa bien-aimée. Il suivit sa trace partout où elle lui avait dit être allée, des nains de la mine du diamant bleu jusqu'au palais où vivait Anne-Lise.

La Reine le reçut et écouta son histoire avec attention.

Je m'inquiète beaucoup moi-même d'être sans nouvelles de ma cousine, lui dit-elle. Que proposes tu que nous fassions ?

Je voudrais que tu appelles le diable et, s'il refuse de me rendre ma bien-aimée alors je descendrais aux Enfers avec lui pour être à ses côtés.

Anne-Lise vit qu'il était bien résolu alors elle appela le diable et lui demanda de lui rendre sa cousine.

Trop charmante, la petite, trop diabolique, ricana le diable. J'entends bien la garder.

Alors emmène moi aux Enfers avec toi dussé je mourir pour cela, rétorqua Romuald, pour que je puisse la rejoindre.

Pas question ! rugit le diable. Si je fais mourir quelqu'un comme cela subitement avant son heure, je vais avoir des problèmes avec l'intendant d'en Haut. Du reste, si tu te trouves aux Enfers avec Marie-Blanche, votre amour est si grand que vous pourriez tous deux y être heureux malgré tout et ce serait en contradiction complète avec l'esprit des lieux. Je n'écouterais pas un mot de plus, qui sait du reste combien de bêtises peut faire ma reine dans le court temps de mon absence alors, si tu veux aller en Enfer, suicide toi. A bon entendeur, salut !

Et le diable disparut dans un nuage de fumée âcre qui les fit tousser. Romuald avait les larmes aux yeux et Anne-Lise, qui ne savait si c'était le chagrin ou le souffre ou les deux tout ensemble qui le mettaient dans un tel état, se sentait embarrassée.

- Dois - je suivre son conseil ? demanda le jeune homme d'une voix désespérée.

- Certainement pas, rétorqua Anne-Lise d'une voix ferme car, si tu fais cela, il est certain que vous serez aux Enfers pour toujours et qu'il n'y aura plus pour vous d'espoir jamais car le diable fera en sorte de vous y séparer. J'ai un plan bien meilleur. Viens avec moi à la chapelle du château. En ce lieu protégé de Dieu, le diable ne pourra pas entendre ce que je veux te confier.

          Romuald et Anne-Lise résolurent de confectionner une robe de soie verte magnifique pour la reine des Enfers puis d'appeler cette dernière et de la kidnapper.

          Quand Anne-Lise l'appela, la reine des Enfers fut bien surprise puis elle se dit que revenir sur Terre sans son diabolique nouvel époux, c'était là une chose qu'elle n'avait encore jamais osé faire et qu'il n'y avait pas de raison qu'elle s'en prive. Elle trouvait d'ailleurs que le diable passait un peu trop de temps avec Marie-Blanche dans la salle des supplices pédestres et le faire s'inquiéter un peu par une disparition inopinée pour réveiller son intérêt à son égard n'était pas pour lui déplaire.

          Elle prit donc une pincée de souffre magique sous le lit conjugal, émit rapidement le vœu de se retrouver dans son ancien palais et, en quelques instants, comparut devant Anne-Lise. Cette dernière prétextant qu'il ne fallait pas qu'elle soit vue la fit passer par un souterrain qui menait à la chapelle du château où elle lui remit sa nouvelle robe puis elle disparut discrètement enfermant la diabolique reine avec l'objet de sa coquetterie et quelques provisions.

          Puis elle appela le diable et lui dit qu'elle avait fait sa femme prisonnière. Le diable tempêta, ragea, menaça mais rien n'y fit. La reine des Enfers était retenue dans un endroit placé sous la protection divine, il ne pouvait s'y rendre et dut céder la rage au cœur aux exigences de Romuald et Anne-Lise, leur rendre Marie-Blanche pour récupérer sa reine.

Bah, dit le diable d'un ton pincé, refusant de reconnaître sa défaite, de toute façon, j'allais m'en débarrasser de cette petite, elle était trop gentille pour être aux Enfers, elle ne torturait pas les patients de la chambre des supplices pédestres, elle les soulageait et les consolait. Vraiment intolérable !

Et avec un certain soulagement le diable retourna aux Enfers avec sa reine qui était vraiment la seule femme assez diabolique pour lui convenir, Anne-Lise continua à couler des jours heureux avec son royal époux et Romuald et Marie-Blanche retournèrent à l'atelier des tisserands de la lune où ils firent beaucoup d'heureux car la rusée jeune fille n'était une fois de plus pas partie les mains vides des Enfers. Elle avait emmené avec elle huit paires de chaussures magiques, juste le nécessaire pour chaque ouvrier de l'atelier. Depuis, nuit et jour, les tisserands chantent et le bonheur règne en haut du volcan.

          Le diable a bien tenté de créer une petite éruption volcanique pour les embêter parce qu'un tel bonheur, cela lui paraissait limite insolent, mais le bon Dieu a aussitôt provoqué un éboulement de terrain qui a refoulé la lave dans le fond du volcan alors maintenant le diable s'en tient à ses affaires privées, il a fort à faire à surveiller les petits diablotins que lui a donné sa reine.

  FIN
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 21 Juin 2013 à 19:33:37
(http://img15.hostingpics.net/pics/938243julieadoreglycinesrayondusoleil.jpg)

La princesse des glycines
Conte de Chine




Lu-Lung est une toute petite cité, située au pied d'une très haute montagne, dans la Chine lointaine. La ville est tellement petite que tout le monde s'y connaît. Les maisons sont tellement proches les unes des autres, qu'en hiver, lorsqu'il gèle à pierre fendre, on a réellement l'impression qu'elles se protègent du froid les unes les autres.
Dans la ville de Lu-Lung vit depuis très très longtemps une pauvre veuve. La femme a un fils. Un garçon superbe qu'elle a appelé Wang, le nom que portait déjà son grand-père. Dans la ville de Lu-Lung, personne n'est aussi fort ni aussi courageux que Wang. Sans rien en dire, toutes les femmes envient la pauvre veuve d'avoir un fils aussi fort et aussi courageux.
Wang et sa mère mènent une vie paisiblement heureuse si ce n'est la présence dans la maison d'à côté de l'usurier Yu. Ils sont constamment ennuyés par lui. Le vieil homme est malade de jalousie devant la force et la jeunesse de Wang et il ne rate aucune occasion pour tourmenter le jeune homme et sa mère. Sans cesse, il leur fait des remarques désobligeantes. Bien sûr, c'est de la méchanceté gratuite mais au fil des jours, les remarques commencent à peser sur Wang et sa mère.

Un soir alors que Wang est assis dans le jardin devant la maisonnette, Yu demande à la veuve :- -"Comment se fait-il que ton fils vive toujours chez toi ? Il me semblait que les jeunes de son âge étaient mariés depuis bien longtemps. Sans doute, les jeunes filles de Lu-Lung ne sont pas assez bien pour lui et il attend une princesse..."
La veuve très digne le toise avant de lui répondre :
- "Après tout, pourquoi pas ? Ton idée n'est pas si bête en somme. Wang est le jeune homme le plus beau et le plus courageux de toute la région. Une princesse ferait certainement une bonne affaire en l'épousant! "
L'usurier se met à rire et dit :
- "Dans ce cas, il risque d'attendre très longtemps. Dans la région, il n'y a pas de princesse!" mais fort en colère et dépité, il rentre chez lui en claquant la porte de son logis.
La veuve se demande bien pourquoi un vieil homme peut être encore aussi méchant. S'il était plus gentil, il serait sans aucun doute plus heureux et tout le monde l'aimerait... Elle regarde son fils avec des yeux emplis de tendresse et lui dit :
- "C'est vrai dans le fond ! Je suis certaine qu'une princesse serait très heureuse avec toi! "
Wang sourit :
- "Le voisin a raison : il n'y a pas de princesse dans la région. Et, puis, si j'en trouvais une, comment pourrions-nous l'accueillir dans cette petite maison?"
Wang se lève et prend gentiment sa maman par l'épaule.
-"Viens", dit-il, "Rentrons. Il est inutile de rêver. Jouons plutôt une part de dominos."

Les années passent. Rien de bien important n'arrive dans la vie de Wang et de sa mère. Le garçon devient de plus en plus beau et de plus en plus fort, mais ne parle toujours pas de se marier. Sa mère est hantée par les paroles du vieil usurier et ne peut que soupirer. Il lui semble parfois que son fils attend vraiment une princesse qui accepte de l'épouser...

Un jour, alors que Wang est en train d'étudier dans sa chambre, il entend un bruit inattendu. Il regarde vers la statuette de Bouddha qui trône dans la pièce et aussitôt, la porte s'ouvre et un délicieux, un enivrant, un subtil parfum de glycine envahit les lieux. Dans l'embrasure de la porte, se tient une très jeune femme. Elle porte un kimono de couleur mauve de la même couleur que ses yeux et que les rubans qui nouent ses longs cheveux noirs. A son cou, brille un collier de perles éclatantes et, sur ses mains très blanches, scintillent des saphirs et des diamants. Wang n'en croit pas ses yeux. Il pense qu'il rêve. Il doit être tombé endormi alors qu'il étudiait. Son imagination surexcitée lui joue un tour...

La jeune femme s'avance vers lui et dit d'une voix cristalline :
- "Non, Wang, tu ne rêves pas. Je suis la princesse de la Forêt des Glycines et je suis venue jusqu'ici pour te dire que je veux t'épouser."
Gêné, le jeune homme ne sait pas quoi répondre. Il sent les murs de sa chambre qui se rétrécissent. Lui devient minuscule face à tant de beauté. Il regarde désespérément son mobilier sans valeur. Il ne possède même pas le moindre cadeau à offrir à la princesse en signe de bienvenue... La seule pièce de valeur qui lui appartient est le jeu de dominos en ivoire. C'est là sa seule richesse. Il le dépose aux pieds de la jolie visiteuse qui se met à battre des mains de joie en ouvrant la petite boîte laquée.

"Tu aimes donc jouer aux dominos ?", demande-t-elle toute à la fois ravie et surprise et tout aussitôt, elle dispose les pièces sur la petite table et invite Wang à venir s'asseoir auprès d'elle pour disputer une partie.
Le jeune homme, bon joueur, a bien du mal à se concentrer. Son regard est sans cesse attiré par sa trop belle partenaire!
-"J'ai gagné! ", s'exclame celle-ci peu après en arborant un très large sourire. "Je dois reconnaître que je n'ai jamais affronté un aussi redoutable adversaire. Lorsque nous serons mariés, nous nous mesurerons chaque jour aux dominos! "
- "Donc... ", balbutie Wang avec beaucoup d'efforts, "donc, vous parliez sérieusement lorsque vous disiez que vous vouliez m'épouser? "
La princesse acquiesce en souriant et Wang ajoute d'un air désespéré :
-"Mais où irons-nous habiter? Je n'ai pas d'argent pour acheter une maison! "
La jeune femme claque des doigts et une servante entre et dépose aux pieds de Wang un coffret rempli de pièces en or.
- "Tu devras attendre la prochaine pleine lune pour construire notre maison", lui dit la princesse. "A ce moment, je reviendrai pour célébrer nos noces. Aujourd'hui, je ne puis m'attarder davantage. "
Wang ne peut détacher ses yeux du coffret et des pièces. Il ne voit pas la princesse suivie de sa servante qui quitte la pièce.
Je dois avoir rêvé pense Wang en regardant autour de lui. Non, le coffret contenant les pièces d'or sont toujours devant lui et sa boîte de dominos a disparu.

- "Maman!", crie Wang "Je vais épouser une vraie princesse! "
Le jeune homme raconte à sa mère ce qui lui est arrivé.
- "Mais tu as là un véritable trésor! " dit la veuve en contemplant le coffret. "Jamais je n'ai vu autant d'argent de ma vie. Tu pourras construire une splendide maison. Mais surtout obéit à la princesse : il ne faut pas commencer la maison avant la prochaine pleine lune ! "

Wang est jeune. Il ne sait pas attendre et malgré les bons conseils de sa mère, il se rend en ville dès le lendemain matin et y prend rendez-vous avec le charpentier et le maçon en vue de construire une très belle demeure pour lui-même et pour sa future épouse.
- "J'ai entendu raconter que ton fils va épouser une princesse", marmonne un soir l'usurier à la veuve. "Et où l'a-t-il donc trouvée? "
Mais la veuve, pinçant les lèvres, ne répond pas.
- "Soit, si tu ne veux rien dire, garde-le pour toi", jette Yu, dévoré par la curiosité. "Je me disais bien qu'il y avait quelque chose de louche dans tout cela. C'est comme pour cet argent avec lequel il fait construire cette grande maison. J'ai du mal à croire qu'il l'a gagné honnêtement! "
- "Crois tout ce que tu veux", répond la mère de Wang.
Et, sans plus regarder le vieil homme, elle rentre chez elle.

Le temps passa encore. La construction de la nouvelle maison progresse. Un jour, un jeune voyageur porteur des couleurs impériales arriva en ville.
- "Mon nom est Yang", dit-il après avoir été saluer Wang et sa mère. "J'ai appris que tu es un excellent joueur de dominos et je serais heureux de pouvoir me mesurer avec toi."
Wang accepte l'invitation avec plaisir et se rend plusieurs soirs consécutifs à l'auberge pour jouer aux dominos avec l'étranger. Le cinquième soir, son nouvel ami l'accueille le visage triste :
- "Il me faut m'en aller", dit-il "Comme souvenir, je désire te donner ceci. "
Et le jeune homme tend à Wang une boite en bois de cèdre qui contient une coupe en argent, quelques baguettes en ivoire et une précieuse figurine de jade.

Après le départ de Yang, Wang se sent désemparé. Sa maison est prête et il attend avec impatience l'arrivée de la princesse. Mais le seul nouveau venu dans la ville est un riche seigneur qui, avec sa suite, s'installe à l'auberge que Yang avait précédemment fréquentée.
Le lendemain matin, Wang est réveillé de bonne heure par des éclats de voix : le noble seigneur a été dévalisé de tout ce qu'il possédait.
- "J'ai vu le chef des voleurs", déclare une des voix.
- "C'est Yang, le commandant de la garde impériale", ajouta une autre.
- "Yang! Je le connais bien! ", renchérit le vieux Yu. "Je l'ai vu très souvent en compagnie de mon voisin Wang, celui qui est subitement devenu si riche."
Peu après, le responsable de l'ordre surgit chez Wang pour y effectuer une perquisition. Et, lorsqu'il découvre le cadeau d'adieu de Yang, le malheureux est immédiatement emprisonné et accusé de complicité.
- "Il est impossible que Yang soit un voleur! ", assure Wang lorsque le juge l'interroge. "Il portait les couleurs de l'empereur."
Le juge se trouve bien embêté et ordonne que Wang soit transféré dans la capitale pour y être jugé.
- "Mais vous, si vous l'avez accusé injustement", dit le juge à Yu, qui avait assisté à l'audience d'un air triomphant, "vous serez emprisonné à votre tour. "

Le vieil usurier, soucieux de ne pas courir un tel risque, se hâte d'entrer en contact avec les quatre soldats chargés d'emmener Wang dans la capitale et, pour une poignée de pièces d'argent, ceux-ci lui promettent de tuer le jeune homme durant le trajet.
La route qui conduit à la capitale traverse les montagnes et les ravins escarpés. Le chemin est long et les gardes auront bien l'occasion de faire disparaître le prisonnier. Au moment où ils s'apprêtent à pousser Wang dans un précipice, un énorme tigre surgit. Effrayés par le félin, deux des hommes reculent et tombent dans le ravin, tandis que les autres, sans demander leur reste, prennent leurs jambes à leur cou et s'enfuient !
Wang est tombé lourdement sur le sol. Son front a heurté un rocher. Il reste là, étendu sans connaissance alors le tigre le saisit par la ceinture et l'emporte dans la forêt.

C'est un parfum de glycines en fleurs qui pénètre dans ses narines, qui réveille Wang. Il ouvre les yeux et se trouve dans l'herbe, face à un magnifique palais de porcelaine, couvert de mauves corolles odorantes.
A l'entrée du palais, se tient la jolie princesse. Mais son regard est dur. Wang veut aller vers elle, mais, d'un seul geste, elle lui fait comprendre de ne pas bouger et d'un ton sévère elle lui dit :
- "Wang, tu ne m'as pas écoutée. Je t'avais demandé d'attendre la prochaine lune avant de construire notre maison. Maintenant, le malheur a fondu sur toi. Tu dois te rendre chez le juge, pour lui prouver ton innocence sinon tu ne pourras plus jamais trouver le repos. Par la suite, tu retourneras ensuite à Lu-Lung afin consoler ta pauvre mère qui est malade de chagrin depuis le jour où les soldats t'ont emmené! "
Le jeune homme est anéanti. C'est vrai, il aurait dû attendre la pleine lune... Mais il était tellement impatient de la revoir et voilà qu'il l'a retrouvée et qu'elle le renvoie !
- "Allons", dit-elle, "avant que tu ne partes, je vais te faire don d'un talisman. "
Elle prend une corde qu'elle noue avec soin à la taille de Wang. Et avec douceur, elle ajoute :
- "Les nœuds que j'ai fait dans cette corde sont magiques. En cas de besoin, il te suffit d'en défaire un et tu seras sauvé. Pars vite, maintenant! "
Wang regarde tristement la princesse, désespéré de devoir la quitter. Dans un profond soupir, il s'en va vers la capitale.

Le sentier qu'il prend monte et descend sans cesse. Plusieurs fois, il s'en faut de peu qu'il ne tombe en butant sur une pierre. Des branches lui fouettent le visage et, bientôt, il se met à pleuvoir. Wang poursuit courageusement sa route. La pensée de la jolie princesse lui donne sans cesse de nouvelles forces. Il a déjà parcouru une bonne partie du chemin, lorsqu'il débouche sur un plateau aride et désolé. La pluie ne tombe plus. Derrière les sombres nuages, il peut même apercevoir le soleil, dont les rayons éclairent sans l'égayer ce triste paysage. Seuls quelques arbres tordus rompent, çà et là, cette lugubre monotonie.
Soudain, un nuage de poussière masque l'horizon. Portant la main au-dessus de ses yeux, Wang scrute le lointain. Très rapidement, le nuage se transforme en une armée de cavaliers armés jusqu'aux dents. Leurs armes scintillent sous le soleil. Ils arrivent à toute vitesse dans sa direction... "Que va-t-il m'arriver, maintenant? ", pense Wang tristement. "N'ai-je pas encore subi assez de malheurs? Ces hommes ont sûrement l'intention de m'attaquer. Lorsqu'ils s'apercevront que je ne porte aucun objet de valeur, ils me tueront probablement par dépit! "
Il n'a plus le temps de s'enfuir et puis, où se serait-il caché? Il n'y a rien que du roc et de la pierre.
Bientôt, les cavaliers sont devant lui. Le chef de la troupe s'approche à quelques mètres et Wang observe craintivement sa silhouette impressionnante, fièrement campée sur sa monture et soudain, il le reconnaît :
- "Yang! ", crie-t-il. "Yang, mon ami, est-ce vraiment toi?"
Il lui tend joyeusement la main pour le saluer. Un large sourire aux lèvres, Yang se pencha vers lui.
- "Tu acceptes donc encore de me parler, Wang?", demande-t-il, tout content. "Tu ne refuses pas de serrer la main à un voleur de mon espèce? "
- "Je n'ai jamais pu croire à un pareil mensonge", répond Wang.
- "Alors, laisse-moi te conter comment tout cela est arrivé", dit Yang en serrant fermement la main du jeune homme en signe d'amitié. "Pendant des années, j'ai vécu, à la cour, en tant que commandant de la garde impériale, au sein d'un monde de faste et d'apparat. Mais aussi dans un monde méprisable, comme je l'ai découvert plus tard car la plupart des membres de la cour n'ont pas gagné leur fortune honnêtement.
Pendant qu'ils parlent, les deux amis se tiennent toujours la main afin de se témoigner leur confiance. Puis, Yang descend de sa monture et tous les deux vont s'asseoir à l'écart. Yang poursuit :
- "La richesse dont jouissent ces riches seigneurs, ils l'ont volée aux pauvres gens. Car ils l'ont obtenue en imposant de très lourdes amendes pour de petits délits et en exigeant d'importants fermages. "
Wang acquiesce. Il connaît bien cette histoire... Depuis de longues années, la population vit opprimée à cause des cruelles mesures adoptées par les grands propriétaires terriens. De nombreux abus de cette espèce ont été commis dans les environs du Lu-Lung. Certains paysans, incapables de payer le fermage, envoient même leurs enfants mendier en ville.
- "C'est pourquoi", poursuit Yang, après avoir fait signe à ses hommes de mettre pied à terre pour se reposer un instant, "j'ai décidé que tout cela devait changer. J'ai résolu de quitter la cour et de devenir l'un de ces pauvres. Mais cela ne suffisait pas. J'ai alors réuni autour de moi un groupe d'hommes qui pensaient comme moi. Ensemble, nous avons commencé à voler les riches, répartissant ensuite notre butin entre de misérables paysans. C'est ainsi que je suis devenu un voleur. "
- "Et donc, ce noble, à Lu-Lung...", commença Wang.
Mais son ami l'interrompt aussitôt :
- "Voler ce noble faisait partie de mon projet. Il méritait bien une petite leçon! Car, dans la région d'où il venait, tous les paysans étaient complètement ruinés, tant les taxes qu'il leur imposait étaient élevées. En plus, les terres qu'il leur avait données en fermage étaient totalement incultes. Et, comble de malheur, le peu qu'elles produisaient venait d'être anéanti par les fortes pluies du printemps sans que lui-même veuille tenir compte de cette situation. Même lorsque les paysans lui demandaient un délai, il ne leur montrait aucune pitié! Tu comprends maintenant, pourquoi je lui ai dérobé ses biens? ", demande Yang.
Wang acquiesce sans mot dire et son compagnon poursuivit :
- "La prochaine fois que j'irai à Lu-Lung, ce sera pour Yu, l'usurier. Il est temps qu'il soit puni pour exiger des intérêts abusifs des malheureux qui, désespérés, ont recours à lui ou bien lui demandent de pouvoir différer un remboursement...Mais, toi-même, raconte-moi ce qui t'a conduit dans cette région inhospitalière."
En soupirant, Wang commence à expliquer son histoire :
- "Un serviteur du noble que tu as dépouillé t'a reconnu lorsque vous êtes entrés dans l'auberge, cette nuit-là. Et, l'usurier Yu, qui nous avait souvent vus ensemble, s'est servi de ce prétexte pour me causer une nouvelle fois des ennuis. Il s'était longtemps demandé comment j'avais bien pu obtenir de l'argent pour construire une maison, puisque ma mère et moi-même sommes pauvres, et il a saisi cette chance de me nuire, m'accusant sournoisement de complicité pour ce vol. "
Wang s'arrête quelques instants pour avaler une gorgée du vin de riz que lui tend Yang. Il a la gorge sèche d'avoir tant marché et parlé. Puis, il enchaîne :
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 21 Juin 2013 à 19:34:49
Suite de la Princesse des glycines:

- "Le responsable de l'ordre ne croyait pas que j'avais quelque chose à voir dans cette sombre histoire, mais il s'est vu obligé d'effectuer une perquisition chez moi et il a découvert dans ma maison tes beaux cadeaux. C'était la preuve de ma culpabilité et il m'a conduisit devant le juge. Evidemment, je lui ai raconté la vérité. Ce n'étaient que des présents et que je les avais acceptés sans faire la moindre objection, puisque je croyais que tu venais de la cour impériale. N'osant pas trancher, le juge a décidé de m'envoyer dans la capitale pour y être traduit en justice. Cependant, craignant que la lumière ne soit faite sur toute cette affaire, le vieux Yu a soudoyé les soldats chargés de me conduire en ville. Ces pauvres hommes, qui avaient bien besoin d'un peu d'argent supplémentaire, ont promis à l'usurier de se débarrasser de moi en cours de route. Seul le hasard a permis que je sois sauvé de la mort par un tigre, apparu au moment où ils voulaient me tuer. Et ce tigre m'a conduit auprès de la princesse des glycines, qui m'a ordonné de me rendre en ville pour prouver mon innocence. Voilà tout ! " dit Wang.
Et il ajoute piteusement :
- "Je ne l'ai pas écoutée et, maintenant, elle est fâchée contre moi. Ah! J'aurais dû attendre la pleine lune avant de commencer à construire notre maison ... "
Yang a écouté attentivement le récit de son ami :
- "Si je comprends bien", dit-il, "tu es donc en route pour la capitale, où tu seras jugé par le juge suprême. "
Wang boit encore une gorgée de la bouteille de vin de riz pour se donner du courage.
- "C'est bien cela", opine-t-il en se levant pour se remettre en route.
Il tend la main pour prendre congé de Yang, mais celui-ci secoue la tête.
- "Non, mon cher Wang", refuse-t-il paisiblement. "Je ne te laisserai pas partir comme cela. Un ami aussi fidèle que toi a droit à mon aide. Le voyage est encore long jusqu'à la ville et il est semé d'embûches! "
Et c'est ainsi que Wang parcourt le reste du chemin sous la protection des hommes de son ami Yang, qui le suivent à quelque distance.

Peu après, il atteint sans encombre la capitale et va aussitôt se présenter au palais de justice.
- "Je suis Wang et je viens de Lu-Lung", déclare-t-il, une fois mis en présence du juge suprême. "Je suis venu jusqu'à vous pour prouver mon innocence. "
- "Et où sont les soldats qui t'ont conduit ici? ", demanda le juge.
- "Deux d'entre eux ont pris la fuite à la vue d'un tigre", explique Wang. "Et les deux autres sont tombés dans un ravin. "
Comme le juge continue à le regarder d'un air interrogateur, Wang lui raconta toute son histoire.
- "Tu veux me dire que tu es venu sans escorte et de ton plein gré? ", s'exclame le juge, étonné, lorsque Wang termine son récit. "Mais tu aurais pu facilement t'échapper! "
Wang sourit :
- "Je suis innocent", assura-t-il. "Mais il y a des gens qui affirment le contraire. Ils prétendent que je suis complice d'un vol. Et je n'ai nulle envie de passer pour un malhonnête. C'est pourquoi je suis venu jusqu'à vous. Je veux prouver ma bonne foi! "
Tout en parlant ainsi, Wang joue machinalement avec la corde nouée à sa taille. Sans même s'en apercevoir, il défait un des nœuds.
Au même moment, le juge suprême déclara :
- "Même sans preuve, je suis convaincu de ton innocence, Wang. En effet, seul un homme à la conscience bien tranquille se présente de lui-même devant le juge sans y être contraint par la force. "
Il va ensuite chercher un morceau de parchemin et écrit en termes choisis une déclaration attestant de l'innocence du prévenu.
- "Et voilà! Tout est en ordre, Wang", conclut-il en lui serrant la main. "A partir de cet instant, tu es un homme libre. "
Soulagé, Wang quitte le tribunal. A présent, il doit retourner à Lu-Lung pour rassurer sa mère qui l'attend à la maison. Et ensuite... Il ose à peine y penser, de peur que quelque chose tourne de nouveau mal. Mais il espère de tout son coeur qu'il pourra épouser la très jolie princesse des glycines!

Serrant dans sa main la déclaration du juge, Wang entame le pénible voyage de retour. Plus il approche de sa petite ville natale, plus il marche allègrement. Il lui semble que toute fatigue l'abandonne ! Déjà, il aperçoit les premières maisons de Lu-Lung. Au milieu de celles-ci, se trouve celle de sa mère. A cette pensée, il se met à courir à perdre haleine, tant il a hâte de rentrer chez lui!
- "Maman! ", crie-t-il en se précipitant dans l'humble demeure. " Je suis là! "
La pauvre veuve a beaucoup maigri depuis le départ de son cher fils. Ses yeux sombres brillent fiévreusement dans sa figure pâle et ses mains tremblent. Mais, lorsqu'elle voit entrer Wang sain et sauf, un sourire rayonnant apparaît sur son visage aux traits fatigués et elle tend les bras pour accueillir son enfant bien-aimé.
Puis, les premières effusions passées la veuve lui pose mille et une questions, auxquelles Wang répond patiemment, jusqu'à ce que l'heure de se coucher arrive. La mère et le fils se souhaitent tendrement le bonsoir.

Mais, non loin de là, quelqu'un va, au contraire, passer une nuit fort agitée. C'est l'usurier Yu, brutalement tiré de son sommeil par une voix mystérieuse, qui lui dit :
- "Donne-moi les clés de ton coffre. Et pas un mot si tu tiens à la vie! "
Tremblant de tous ses membres, le vieillard remet le trousseau à Yang - car c'est lui qui a pénétré chez l'usurier avec ses hommes -et, quelques instants plus tard, Yu regarde d'un air furieux son coffre- fort complètement vide...
Pendant ce temps, Wang dort paisiblement. Lorsqu'il se réveille, il aperçoit sa mère qui le contemple, un étrange sourire sur les lèvres.
- "Il y a de la visite pour toi", annonce-t-elle.
Au même moment, le jeune homme sent le parfum qu'il attendait tant, le doux parfum de glycine...
Peu de temps après, les noces de Wang et de sa jolie princesse sont célébrées dans l'allégresse.

Le temps passe.

De cette heureuse union, naissent rapidement deux charmants enfants, qui ont les yeux mauves comme ceux de leur mère. Wang ne est tellement heureux qu'il ne peut imaginer qu'un tel bonheur soit possible Et par soir d'hiver, un triste soir d'hiver, le jeune homme, en revenant de son travail, voit sa femme qui l'attend sur le seuil de leur maison. Elle a revêtu le kimono qu'elle portait lors de leur première rencontre et qu'elle n'avait plus jamais remis depuis.
Wang se doute une tragique certitude que quelque chose d'horrible, de grave, d'irréparable va se produire. Quelque chose d'inévitable qui va bouleverser sa vie...
- "Nul bonheur ne peut jamais durer éternellement", dit la princesse, sans lui laisser le temps de parler. "Ma vie sur la Terre est terminée. Je suis obligée de te quitter, mais je ne t'oublierai pas. "
L'instant d'après, elle disparaît emportant avec elle les enfants.
- "Non! ", hurle Wang.
Mais aucun son ne sort de sa bouche. Les larmes aux yeux, il regarde autour de lui. Et, soudain, par un miracle inexplicable et malgré le froid de l'hiver, partout, des glycines se mettent à fleurir. Les lourdes grappes sont du même mauve que les yeux de sa femme et de ses enfants... Et lorsqu'il pénètre dans sa maison, il découvre avec bonheur que le plafond de la véranda, lui aussi, est paré d'un somptueux manteau odorant!
Wang malgré son immense chagrin sent que sa princesse tant aimée et ses chers enfants ne l'ont pas vraiment quitté, et que leur esprit et leur coeur demeurent à ses côtés. Et, dans chaque corolle, il voit briller leur tendre regard mauve, qui le suit et veille sur lui. Et il en est un peu consolé!
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Juin 2013 à 08:32:56
(http://zupimages.net/up/3/1763949125.jpg)
Conte du Mézenc farceur et des nuages chatouilleux.

Monsieur Mézenc est un mont majestueux qui est né voici plusieurs millions d'années, alors que la terre était tout entière en ébullition.

Les montagnes sont comme tous les êtres vivants : elles naissent, elles grandissent ; elles ont une jeunesse... et elles vieillissent aussi.

Monsieur Mézenc donc était né, et il avait grandi : à vrai dire, il avait eu une adolescence un peu tumultueuse... Bouillonnante, pourrait-on dire!

N'avait-il pas en grandissant tout bouleversé autour de lui? Ne s'était-il pas comporté comme un chamboule-tout, ne laissant rien en paix dans son entourage?

N'avait-il pas lancé flammes et laves à des dizaines de kilomètres et entraîné ses petits voisins à faire de même?

Pourtant, sous ses dehors d'agitateur, Monsieur Mézenc était un mont d'une sensibilité exquise – car les montagnes ont une sensibilité!- et sous son apparente rudesse se cachait une âme tendrement espiègle!

Le saviez-vous? Auriez-vous pu l'imaginer? Depuis qu'il était tout petit, en regardant vers les cieux, il avait nourri le désir de... chatouiller les nuages!

Les années avaient passé.

Avec l'âge, Monsieur Mézenc avait pris des allures de montagne sage et bien rangée, avec l'apparence paisible d'une grande table de pierre...

Des millénaires étaient passés...

Monsieur Mézenc était devenu un grand seigneur, dominant de son impressionnante masse tout le cirque des Boutières, et attirant les regards depuis tous les sommets et toutes les crêtes à des kilomètres à la ronde.

Il forçait l'admiration et le respect par sa sereine et splendide majesté.

Sur ses pentes, les chevreuils, les renards, les sangliers, les marmottes – et même à certaines époques les ours et les loups – adoraient vivre et se promener...

Son sommet n'avait certes rien de ces pics bien aiguisés que l'on peut voir en d'autres massifs : toutefois il estimait qu'il avait une pointe suffisante pour, le moment venu, parvenir à chatouiller les volutes immaculées qu'il voyait se promener au dessus de lui.

En effet, malgré cette apparence si sage, Monseigneur le Mézenc gardait son rêve d'enfant turbulent. Quoique paraissant très calme, il avait toujours son regard levé vers le ciel... guettant les nuages.

Car, pour tout dire, il s'ennuyait un peu, et il souhaitait toujours leur faire sa petite blague.

Or un jour – un jour qui aurait pu être tout pareil aux autres jours – il entendit chanter dans le lointain : -« Hé ho, hé ho, nous sommes les nuages, hé ho hé ho hé ho hé ho... »

-« Oh oh! se dit Monsieur Mézenc, mais ne dirait-on pas qu'un groupe de nuages se dirige par ici? Ils sont bien dodus, bien rondouillards et bien cotonneux... Mon heure ne serai-elle pas venue? »

Sans se douter qu'il se faisait le complice de son innocente malice, le vent les amenait dans sa direction : génial ! Il les laissa approcher en faisant semblant de dormir. 

Un sourire coquin à l'intérieur de lui-même, Monseigneur le Mézenc attendit patiemment qu'ils arrivent juste au dessus de lui.

Encore quelques mètres... et voilà : il les avait juste à portée de sommet !

Alors, il se haussa sur la pointe des pieds et, imperceptiblement, il se mit à donner à son sommet de petits mouvements afin de gratter le dessous des nuages.

D'abord tout doucement... Puis, un peu plus fort !
Un premier nuage commença à se trémousser en se déformant quelque peu. Un deuxième se tortilla en faisant entendre de petits gloussements. Un troisième, qui avait été chatouillé avec plus d'audace, hoqueta de rire:

-« Hey! Mais que se passe-t-il ici? J'ai l'impression qu'on me gratouille là-dessous! »

Le nuage se contorsionna pour regarder son ventre, et voir qui pouvait l'avoir ainsi papouillé. Monsieur Mézenc, l'air de rien, ne bronchait pas.

A l'intérieur de lui-même cependant, son rire exultait : c'était vraiment trop drôle, ces nuages qui se tortillaient!

Il reprit son oeuvre et chatouilla le reste du groupe : les nuages s'étiraient puis se recroquevillaient en riant, car ils étaient tous très chatouilleux!

-« Oh oh oh, c'est trop rigolo! » s'écria l'un d'eux, dans un grand éclat de rire. -« Oui, ajouta un autre, et je crois bien que c'est cette montagne, avec son air de sainte nitouche qui nous joue des tours... » -« Tu as raison, renchérit un troisième : regarde son sommet ; c'est en fait une véritable brosse à gratter! »

En se faisant de grands clins d'oeil, les nuages se rapprochèrent les uns des autres en chuchotant:
-« Hep, psst, psst... Si nous lui faisions, à notre tour, une bonne blague? » -« Oui, oui, oui! Faisons-lui nous aussi une blague! » -« Que diriez-vous de l'arroser? » suggéra le chef de groupe.

Aussitôt, les nuages s'amoncelèrent, puis ils se serrèrent et s'essorèrent tous en choeur juste au-dessus de lui.

Quelle bonne douche se prit le mont : il était trempé!

Ah, ces nuages ne l'avaient pas raté. Il les vit rire de leur bonne farce.

Ils ne perdaient rien pour attendre. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, il leur mijota un bon coup à sa manière : ouvrant brusquement une de ses anciennes petites failles, il leur souffla un bon jet de vapeur.

Les nuages surpris se trouvèrent tout décoiffés : ils avaient tous la même coupe aérodynamique, en forme de crête de coq. -« Ha ha ha! exulta le Mézenc : je les ai bien eus ! »

Mais les nuages ne s'en tinrent pas là : ainsi donc, ce mont espiègle voulait jouer avec eux... et bien eux aussi allaient jouer avec lui!

Monsieur Mézenc méritait vraiment une réponse à ses petites blagues.

Les nuages se dispersèrent alors tout autour de lui et entreprirent de lui dessiner des moustaches de coton sur les flancs : bientôt, Monseigneur le Mézenc ressembla à une immense boutique de moustaches blanches.

Il y en avait pour tous les goûts : des fines et des épaisses, des raides ou des frisées, des recourbées en guidon de vélo et des toutes droites, des anglaises ou des rouflaquettes... Sans parler d'une espèce d'énorme perruque vaporeuse qui lui faisait une tignasse de zazou...

Monsieur Mézenc dut admettre que leur farce était plutôt réussie, il s'amusait beaucoup en se regardant dans le miroir du firmament et trouvait leur réponse vraiment désopilante :  » Quels joyeux lurons, ces nuages! » Alors ils se mirent tous à rire à gorge déployée : et leur rire en cascade dévalait et roulait dans les vallées alentour, et se trouvait amplifié par tous les échos des Boutières.

Rien de tel qu'une bonne partie de rigolade pour détendre l'atmosphère!

Et c'est pourquoi, depuis ce jour mémorable entre tous, quand les nuages, poussés par le vent, arrivent aux confins du Vivarais et du Velay, ils ont pris l'habitude – et ils sont tout heureux – de se rassembler au dessus de Monseigneur le Mézenc... qui en est tout heureux lui aussi.

Oui, désormais, c'est leur rituel commun, qui se perpétue depuis des centaines et des centaines d'années : les nuages viennent en groupes à portée de son sommet et le Mézenc farceur peut inlassablement renouveler son rêve d'enfant.

Les nuages lui laissent leur chatouiller le ventre, et ils recommencent à l'arroser puis à le décorer de moustaches fantaisistes et de perruques cotonneuses!

Si certains esprits chagrins vous disent que c'est du mauvais temps et du tonnerre, surtout ne les croyez pas : ce sont là des gens qui ne savent rien de ce qui se passe dans le coeur des montagnes!

Ils ne peuvent pas comprendre quelle âme d'enfant cache en lui Monsieur Mézenc, et ils ne soupçonnent pas non plus que les nuages sont espiègles!

Et ils sont vraiment trop sérieux pour entendre, dans ce qu'ils croient être le bruit du tonnerre, le rire sonore des nuages chatouilleux et du Mézenc farceur...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Juin 2013 à 08:39:49
(http://img15.hostingpics.net/pics/606640toile.jpg)
Julia est une étoile

Il était une fois, tout au fond de l'univers, une petite étoile qui s'appelait Julia.
Elle brillait de tous ses feux mais comme elle était petite elle pensait qu'elle brillait peu.
Autour d'elle, dans le froid céleste, il faisait noir et l'on n'entendait que le froufroutement rapide des comètes qui filaient à toute allure.
Julia se demandait parfois avec effroi si ces belles et ultra-lumineuses consœurs ne finiraient pas par la percuter.
Un jour qu'elle était triste parce qu'elle se trouvait seule et inutile, elle sentit soudainement une comète la frôler de si près qu'elle crut définitivement basculer dans l'univers sans fin.
Ola la, cria-t-elle ! Et elle ferma les yeux en se préparant au terrible choc.
Mais rien ne se passa.
C'est à peine si elle ressentit un petit chatouillis à l'extrémité de sa branche numéro 3.
Alors elle ouvrit un œil et elle vit une toute petite forme qu'elle prit tout d'abord pour un papillon.
- Qui es-tu ? interrogea Julia.
- Laisse-moi donc me remettre Julia, dit la forme en se lissant les ailes.
- Tu... Tu connais mon nom ?
- Toutes les fées connaissent ton nom, Julia.
- Tu es une fée ?
- Cela ne se voit pas ? minauda la forme un peu coquette.
- Je n'avais jamais vu de fée avant toi, avoua Julia.
- Hé bien, sans ce chauffard qui m'a propulsée sur toi, tu aurais pu ne jamais me rencontrer, et cela aurait été dommage, n'est-ce pas ?
Julia sourit. Décidément cette petite fée aimait bien se faire valoir, pensa-elle.
- Et tu as un nom ?
- Tout le monde possède un nom. Moi, c'est Valbée. Et tu trouves que je me fais valoir ?
- Oh pétard ! s'exclama Julia un peu confuse, tu lis dans mes pensées ?
- Comme dans un livre ouvert, ma belle !
- Et toutes les fées qui connaissent mon nom lisent dans mes pensées ?
Valbée eut un rire cristallin :
- Seulement les plus douées ! Mais je peux te dire que toutes te connaissent et t'adorent.
Julia allait de surprise en surprise.
- Elles m'adorent ? Mais je n'ai rien d'adorable, je suis petite, je ne brille pas beaucoup – en tous cas bien moins que les autres, je suis... très banale, très heu... je ne sais même pas quel mot choisir.
- C'est parce que tu es aux yeux des nôtres, ni banale ni ordinaire. Tu es unique Julia. Personne ne te ressemble et tu ne ressembles à personne. Si tu n'existais pas tu manquerais à notre monde. Tiens je vais te dire : tu es comme une œuvre d'art : unique en son genre.
Julia éclata de rire.
- Vous ne pensez pas que vous exagérez un petit peu ?
- Moi, j'exagère ? s'écria Valbée. Mais sur quoi je me reposerais actuellement si tu n'existais pas ?
- Tu aurais pu t'installer sur une autre étoile !
- Ca, c'est impossible. Chaque étoile qui possède un nom est obligatoirement dotée d'un destin. En fait, je suis venue t'annoncer que le C.S.F : Le Conseil Supérieur des Fées te donne une mission : tu es chargée... d'illuminer les yeux des enfants.
Julia était interloquée.
- Illum...Mais je ne brille pas assez !
- Ca, c'est ce que tu t'imagines. Nous, qui avons de l'expérience -nous te voyons briller très très fort... quand tu ne te caches pas derrière les nuages. Nous connaissons l'impact que tu produits sur tous ceux que tu côtoies sans les voir. Chez les fées, tout le monde a une mission, toi tu seras les paillettes d'étoiles qui suivent le mouvement de la baguette magique des fées quand elles réalisent un voeu.
Julia se souvint des yeux humides des enfants :
- Je serais le désir, je serais l'espoir...
- Tu seras toi, Julia, tu seras enfin toi...
La voix de Valbée s'était faite soudain lointaine, lointaine...
Alors Julia ouvrit enfin son deuxième œil et elle s'aperçut que la fée avait disparue.
- Où es-tu Valbée, où es-tu ?
- Tu ne me vois plus, mais je serais là où tu seras, Julia. Et je suis déjà partie pour une autre visite. Brille Julia, brille, fais voir que tu es là. On a tous besoin de ta lumière...
Julia, se mit à rosir de plaisir.
Puis, dans tes yeux à jamais, elle refléta toutes les couleurs chatoyantes de l'arc-en-ciel.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Juin 2013 à 08:52:03
(http://img15.hostingpics.net/pics/593019perdrix.jpg)
L'Ogresse et la Princesse Clair-de-Lune

Autrefois, dans une vieille maison en pierre, vivait une pauvre veuve, mère de sept enfants. La malheureuse se retrouva sans aucune ressource financière, lorsque son époux décéda d'une longue et terrible maladie. Elle dut affronter seule les difficultés de l'existence. Pour nourrir ses enfants, elle acceptait tous les travaux qu'on lui proposait et s'acquittait de ses tâches correctement afin de récolter quelque argent... Ses fils se chargeaient de l'aider à l'extérieur, tandis que ses filles s'occupaient du foyer. La vie était bien pénible pour cette famille nombreuse.

Quand l'hiver approchait, la veuve avait peur que ses enfants ne meurent. de froid. Alors, à l'aide de bouts de laine recueillis ici et là, elle se mettait à tisser, tard dans la nuit, une large couverture de laine.

Par une nuit plus fraîche que de coutume, le vent soufflait à grandes rafales alors que la pauvre femme s'usait les yeux à tisser jusqu'à une heure avancée de la nuit. Ses enfants dormaient profondément, les uns accrochés aux autres, comme s'ils avaient peur de se séparer.

Brusquement, la fragile porte d'entrée claqua. Apparut alors une énorme silhouette, si effrayante que la veuve recula jusqu'au mur. Horrible et repoussante, Tériel l'ogresse se tint sur le pas de la porte, fixant de son regard perçant la pauvre femme toute tremblante. Le monstre avança vers le métier à tisser et rassura la femme terrorisée : « Ne crains rien ! Laisse-moi t'aider ! » Stupéfaite et effarée, la veuve ne put prononcer un seul mot.

Avec un acharnement démentiel, l'ogresse se mit à tisser. La peur au ventre, la veuve pensa qu'une fois la couverture achevée le monstre la dévorerait, elle et ses malheureux enfants. Mais le monstre n'en fit rien. Au contraire, dès qu'il eut fini de tisser une couverture, il en entama une autre et ceci jusqu'à l'aube. A ce moment-là, le monstre s'arrêta et sortit en lançant à la femme : « Voilà tes enfants à l'abri du grand froid ! Rassure-toi, l'hiver prochain, je reviendrai te tisser d'autres couvertures ! »

Il en fut ainsi durant sept ans. Au début de chaque saison hivernale, l'ogresse faisait irruption chez la veuve et lui tissait sept couvertures de laine.

Au bout de la septième année, alors que l'aîné des enfants avait atteint dix-sept ans, Tériel réapparut un soir d'hiver, comme de coutume. Elle annonça à la veuve : « Voilà sept ans que je t'aide à protéger ta progéniture des morsures du froid. Aujourd'hui je suis revenue te demander de m'offrir ton fils aîné afin de t'acquitter de ta dette. Pour me témoigner ta gratitude, tu me le donneras, il me sera très utile. »

La veuve saisit enfin la fausse générosité qui avait motivé l'ogresse durant toutes ces longues années. Elle se souvint, qu'enfant, sa grand-mère lui contait d'innombrables histoires sur cet horrible monstre qui habitait on ne sait où, qui guettait des proies en difficulté et dévorait ses victimes toutes crues. Elle lui disait toujours que Tériel ne se montrait que pour annoncer un malheur. La pauvre femme réfléchit un peu et pensa que, si elle refusait à l'ogresse ce qu'elle exigeait d'elle, celle-ci se fâcherait et serait capable d'avaler toute la famille. Elle se résolut alors à sacrifier son fils aîné, qui était pourtant son préféré. Elle alla le voir et lui dit à voix basse : « Mon fils, toi la première perle de mon collier de vie, tu dois accompagner l'ogresse chez elle ! Je pense qu'elle projette de te dévorer, mais il existe un moyen pour la contrarier et la faire tomber dans l'interdit, expliqua la mère. Dès qu'elle s'apprêtera à t'emmener avec elle, empresse-toi de lui téter le sein, tu deviendras ainsi son fils et même une ogresse ne peut dévorer son enfant » Il suivit les recommandations de la veuve. Surprise et dépassé par l'événement, l'ogresse se mit en colère. et s'adressa à lui : « Petit misérable ! Tu m'as eue ! Mais je te prendrai malgré tout avec moi. »

L'ogresse plongea le jeune homme dans son sac, le mis sur son dos et quitta la veuve bouleversée et déchirée par le départ de son fils aîné.

Le monstre marcha durant de longs jours sans s'arrêter. Le jeune homme, prisonnier au fond du sac, ne vit aucune lumière et ignora tout du voyage. Il arrivait à peine à respirer. De temps à autre, le monstre lui glissait un morceau de galette. Il avait soif, mais il résista du mieux qu'il le put.

Au terme d'un mois de voyage, Tériel l'ogresse, arriva enfin chez elle, dans un pays souterrain et obscur, où l'on n'entendait que les cris des hiboux, des chacals,
des ogres et autres animaux de mauvais augure. Des cris effrayants qui retentissaient comme des tonnerres stridents. L'ogresse poussa la porte de son infâme antre et jeta sur le sol le sac qui contenait le jeune homme. Celui-ci roula par terre, ouvrant les yeux sur le lieu sinistre où habitait le monstre. L'ogresse saisit violemment le jeune homme et l'enferma dans une cage.

Tous les matins, le monstre allait chasser et ne rentrait qu'à la tombée de la nuit, traînant derrière lui de multiples victimes parmi lesquelles se trouvaient quelquefois de petits enfants. Dès son arrivée, elle faisait du feu pour se réchauffer puis engloutissait d'énormes quantités de viande, sans même les cuire. A la fin de ses copieux et funestes repas, elle lançait vers la cage quelques restes pour nourrir le jeune homme encore prisonnier, tout en l'insultant et maudissant le jour où il était devenu son fils. « Ah ! Si seulement tu n'avais pas bu de mon lait ! J'aurais fait de toi un agréable dessert ! aimait-elle à répéter. »

Des jours et des mois passèrent et le jeune homme survécut grâce à son endurance et à sa ruse. L'ogresse faillit le dévorer à plusieurs reprises, mais il sut à chaque fois lui rappeler que nulle mère, pas même une ogresse, ne pouvait dévorer son fils. Celle-ci se voyait alors contrainte d'y renoncer. Le jeune homme savait éviter les colères de la monstrueuse créature.

Un jour que l'ogresse était sortie, comme à son habitude pour chasser, une magnifique perdrix apparut dans la cours du taudis et se mit à picorer quelques petits grains de-ci de-là. Le jeune homme vit le bel oiseau et songea : « Si seulement cette perdrix pouvait deviner mon malheur et me venir en aide ! » Il crut rêver, mais non, la perdrix lui répondit d'une petite voix mélodieuse : « Comment pourrais-je t'aider, brave jeune homme ? » Abasourdi et émerveillé, le jeune homme demanda : « Comment se peut-il qu'une perdrix sache parler ?
Ne te fie pas à mon apparence ! répondit le gentil oiseau. En réalité, je suis la princesse Clair-de-Lune. Mon père règne sur le Pays des Sept Rivières. C'est ma marâtre qui m'a transformée en perdrix, car mon père a eu le malheur de faire l'éloge de ma beauté devant elle. Pour se débarrasser de moi, elle m'a condamnée à l'apparence que tu vois là.
Mais c'est incroyable ! s'étonna le jeune homme.perdrix
Oh, oui ! Voilà sept ans que j'arpente les forêts, je traverse contrée après contrée, goûtant à la vie libre et douce des perdrix. » Les yeux ébahis, le jeune homme écouta le récit surprenant de l'oiseau puis demanda : « Si tout ce que tu dis est vrai, peux-tu m'aider à enlever les grilles qui m'emprisonnent ? » Sans hésiter, la perdrix répondit : « Je le peux sûrement. Tiens ce bâton ! Ce soir, quand l'ogresse se jettera sur son repas avec son empressement coutumier, elle ne te verra pas le glisser dans le feu. Enfonce alors le bâton enflammé dans la tête du monstre, car c'est là que réside son âme. Il sera tué sur le coup. Quant à tes grilles, je n'ai pas la force de les ouvrir, hélas !
C'est déjà bien généreux de ta part de m'avoir donné cette idée. Le reste, je m'en charge ! » interrompit le jeune homme, stimulé à l'idée de pouvoir enfin se libérer du joug infernal du monstre.

Vint la nuit. L'ogresse rentra, tenant dans ses bras poilus la carcasse d'un âne et le cadavre d'un tigre. Fidèle à son habitude, elle alluma le feu pour se réchauffer et s'installa pour dévorer goulûment sa prise. Le jeune homme profita de l'inattention du monstre pour enflammer le bâton que lui avait donné la perdrix et brusquement, de sa cage, il le lança en direction de la tête de l'ogresse qui mourut sur le coup.

Cependant, le jeune homme ne put s'échapper, car les clés étaient accrochées au cou de Tériel, et le cadavre de l'horrible monstre était tombé hors de sa portée. Il ne lui restait alors qu'un seul espoir : celui de voir la perdrix réapparaître et l'aider à sortir.

Il attendit le charmant oiseau un jour, puis deux, puis trois, mais il ne réapparut qu'au bout d'une semaine. Le jeune homme, épuisé par la faim et la soif, commençait à désespérer quand, enfin, l'oiseau surgit dans la cour. Dès qu'il le vit, le jeune homme reprit courage et le supplia : « Généreuse perdrix, pourrais-tu me rendre un immense service : j'ai besoin d'ouvrir cette cage et les clés sont pendues au cou de l'ogresse. Veux-tu essayer de les décrocher pour moi ?
Bien sûr ! répondit l'oiseau, qui s'exécuta sur le champ. » Le jeune homme put enfin se libérer. Il se jeta sur la nourriture et l'eau, sautillant de joie en respirant l'air agréable de la liberté. Puis, il prit la perdrix entre ses mains et la remercia chaleureusement : « Je te dois la vie, noble petit oiseau ! Le ciel t'a envoyé à moi et tu as eu pitié de ma misérable condition. Je ne saurais jamais te montrer toute ma gratitude.
Ce n'est rien voyons ! remarqua l'oiseau, tu aurais agi de la sorte si tu avais été à ma place » Le jeune homme observa l'oiseau et se sentit soudain très proche de lui, comme s'il l'avait toujours connu, comme s'il avait grandi avec lui. Il lui demanda : « Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour toi ?
Hélas ! Tu ne peux rien pour moi, répondit l'oiseau d'une voix morne et languissante. Quatre-vingt-dix-neuf nobles princes et vaillants chevaliers ont essayé de briser le maléfice qui m'accable mais tous ont péri. Je me suis résignée à accepter mon sort et j'ai appris à me contenter de ma vie de perdrix. » Compatissant et. très ému par ces révélations, le jeune homme eut grande envie de tenter l'impossible pour lui venir en aide, quitte, pour cela, à risquer sa vie. Jusqu'à présent, il n'avait douté ni du courage qui pouvait l'animer, ni du goût de l'aventure qui, pour la première fois, faisait battre son cœur.

Transporté par une vive émotion, il annonça à la perdrix : « Quoi qu'il puisse m'advenir, je veux tenter de briser ton maléfice ! » Naturellement, l'oiseau fut touché par le sentiment spontané et noble du jeune homme. Devant son enthousiasme, il ne put s'empêcher de lui expliquer ce à quoi il devait s'attendre. « Mon pays est parcouru par sept fleuves et dans chaque fleuve dort une gigantesque pieuvre. En m'infligeant ce sortilège, ma belle-mère a exigé de chacun de mes prétendants qu'il lui ramène les têtes des sept pieuvres qu'il aurait sectionnées de son propre sabre. Sache, mon tendre ami, ajouta la perdrix, que jusqu'à présent personne n'a été en mesure de réaliser le vœu de ma méchante belle-mère, car les pieuvres sont colossales et leur ruse est invincible !
Peu importe ! s'exclama le jeune homme, j'essayerai tout de même !
Et bien, encouragea l'oiseau, mon cœur est tout à toi et mon bonheur serait de te voir vaincre tous les obstacles. J'attendrais dans cette forêt et j'espérerai ton retour, priant le Ciel de guider tes pas et de te venir en aide dans ta généreuse mission ! »

L'oiseau s'envola et le jeune homme se mit à cheminer en direction de l'horizon. Il marcha ainsi durant des jours. Il apprit notamment à pêcher, chasser ; escalader des montagnes et affronter des eaux déferlantes. Après trois mois d'efforts, il atteignit une vieille maisonnette toute en bois qui semblait déserte et triste. Le jeune homme décida d'aller voir de près l'humble logis, espérant. pouvoir s'y reposer de son long et éprouvant périple.

Il frappa donc trois coups à la porte. Il entendit une petite voix frêle, presque agonisante, demander : « Ô toi, le passant pressé ! Que veux-tu d'un vieillard que les affres de la vie ont épuisé ? » D'un ton poli et obligeant, le jeune expliqua : « Que la paix soit sur toi, vieil homme ! Peux-tu m'offrir l'asile juste pour un soir ? Je viens de loin et je suis fatigué. Je souhaiterais me reposer une nuit dans la chaleur de ton foyer. » De sa petite voix, le vieillard répondit : « Soit ! Pousse la porte et entre ! » Doucement, le jeune homme ouvrit la porte et découvrit un vieil homme tout ridé, étendu sur une couche sale et pitoyable. Visiblement, l'homme âgé n'était même pas capable d'allumer le feu de sa cheminée. Il grelottait de froid et avait l'air affaibli par la soif et la faim. Autour de lui, l'ameublement rudimentaire était poussiéreux et nauséabond. Le jeune homme eut pitié de lui. Il ressortit pour ramasser quelques branches afin de faire du feu. Puis il s'occupa de nettoyer le lit du vieillard. Il lava délicatement le pauvre homme et pansa ses blessures. Il se mit ensuite à préparer une soupe avec quelques légumes et herbes trouvées dans la prairie qui entourait la maisonnette. Il aida le vieillard à se nourrir et se servit également.

Le visage blême et flétri du vieil homme reprit vie et son regard terne s'éveilla. Il remercia chaleureusement son invité et lui fit une surprenante confidence : « On m'appelle Amghar Azemni(1). Je suis né il y a si longtemps que je ne saurais te dire quand exactement. Je suis condamné à vivre vieux éternellement. Hélas, il y a quelques jours, un serpent m'a mordu et son venin m'a immobilisé sur mon lit. Le poison ne me fera pas mourir, mais il infecte mon corps. » Le jeune homme se proposa d'aspirer le poison de la blessure. Le vieil homme lui désigna la cheville que le serpent avait mordue. Une fois le poison totalement aspiré, l'homme se sentit soulagé et remercia le Seigneur de lui avoir envoyé un invité si généreux et si délicat. « Mon garçon, je ne sais comment te remercier. Tu m'as été d'un grand secours. Que les portes du Ciel te soient toujours ouvertes ! Et que tes désirs se réalisent ! » Le jeune homme questionna son hôte : « On dit de toi que tu sais tout sur tout. Arrives-tu à deviner ce qui me fait voyager depuis des semaines, ô sage homme ?
Oh ! je sais déjà que l'amour fait battre ton cœur et qu'il t'a jeté sur les chemins imprévisibles de l'aventure ! » Le jeune homme livra alors à son ami toute son histoire. Il n'omit aucun détail. Son auditeur resta silencieux ; il hochait de temps à autre la tête. Quand il eut fini son récit, le jeune homme demanda au vieux sage : « J'ai besoin de savoir où se situe le Pays aux Sept Fleuves pour tuer les sept pieuvres qui les habitent. Si je parviens à ramener les têtes tranchées des pieuvres le maléfice se brisera et la perdrix redeviendra princesse comme avant.
Mon brave garçon, tout seul tu ne peux te mesurer aux sept pieuvres géantes. Mais, comme tu possèdes un cœur généreux et intrépide, je vais t'aider à réaliser ton vœu. Dans le coffre que tu trouveras sous mon lit, il y a un sabre qui date de mille ans. D'innombrables et vaillants héros me l'ont emprunté pour vaincre de redoutables ennemis. Ce sabre, expliqua le sage, a le pouvoir de trancher les têtes de tous les monstres possibles et imaginables vivant sur la terre ou sous la mer. Je veux bien te le prêter à condition que tu me le rapportes, lorsque tu te seras acquitté de ta mission héroïque !
Sans faute ! s'exclama le jeune homme, fou de joie à l'idée de pouvoir se battre et libérer sa bien-aimée, qui hantait déjà toutes ses pensées. » Il prit le sabre magique, complimenta son bienfaiteur et s'en alla, fièrement, défier son destin.

Le cœur empli d'ambition et d'enthousiasme, Ie jeune homme traversa plusieurs provinces et forêts. Il emprunta des chemins inconnus et rencontra de bien étranges et curieux personnages. Il apprivoisa les uns et se méfia des autres. Il suivit les indications du vieux sage et supporta fort bien le voyage qui dura, d'ailleurs, des semaines entières.

Quand enfin se dessina à l'horizon la frontière du pays recherché, le jeune homme découvrit une montagne si haute qu'elle se perdait dans le ciel. A ses pieds, prenaient naissance les sept fleuves maudits où sommeillaient les sept monstrueuses pieuvres. Il sentit son cœur battre fortement. Il rassembla son courage et s'attaqua promptement à sa tâche. Il suivit le premier fleuve jusqu'à sa source, puis provoqua la pieuvre en lui jetant le corps d'un bœuf comme appât. Celle-ci sortit des eaux, se prépara à avaler le jeune homme. Brutalement, celui-ci trancha sa tête, grâce au sabre magique. Il fit de même avec les six autres pieuvres. D'un pas alerte et fier de son exploit, le jeune homme n'hésita pas à se rendre au palais pour demander audience à la reine, traînant derrière lui les énormes têtes des pieuvres.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Juin 2013 à 08:53:13
L'Ogresse et la Princesse Clair-de-Lune (suite et fin)

Extrêmement contrariée par l'arrivée triomphale du jeune homme, la méchante reine refusa d'admettre sa victoire. Elle le reçut. alors froidement ; sèchement, elle décréta qu'il s'agissait d'un démon. Elle ordonna aux gardes de le brûler vif pour conjurer le mauvais sort. Le jeune homme se défendit. Il s'adressa au roi, enfermé dans un mutisme troublant. Il lui dit : « Ô noble roi ! Je ne suis qu'un humble voyageur. Je souhaite m'acquitter d'une grande dette envers ta fille, la princesse Clair-de-Lune. Elle m'a sauvé de la mort et je sais qu'elle a besoin de toi. Ta femme l'a injustement condamnée à prendre l'apparence d'une perdrix, et tu ne peux deviner ce que j'ai dû endurer pour parvenir jusqu'ici. Je t'en prie sire ! Fais quelque chose pour ta fille, cet être si fragile et si généreux, qui n'est autre que ta chair et ton sang ! » Le roi eut les larmes aux yeux. Il se leva et ordonna à son épouse de rompre le mauvais sort qui affligeait la vie de sa fille, puis de quitter le palais immédiatement. D'une voix amère et déchirée, il s'emporta : « Vieille sorcière ! Tu as réussi à me séparer de ma fille et à me la faire oublier. Qu'a-t-elle donc fait pour mériter ta sentence ? Ne t'avait-elle pas aimée comme elle aimait sa propre mère si seulement le destin ne nous avait pas privés d'elle si tôt ? Va ! Hors de ce royaume ! Que le Seigneur te maudisse jusqu'à la fin de tes jours ! »

Le monarque remercia le jeune homme pour sa bravoure et sa courtoisie. Il le pria de lui raconter ce qu'il avait vu et entendu à propos de la princesse. Le jeune homme s'exécuta et lui demanda de le suivre dans la forêt de l'ogresse, où la perdrix l'attendait impatiemment. Le souverain fit préparer une impressionnante escorte ; il prit des vivres et des coffres emplis de louis d'or, puis s'empressa de rejoindre sa fille. Le vide qu'avait laissé la princesse dans le cœur des deux hommes leur fit oublier la lenteur et la difficulté du voyage. Ils se promirent tous deux de ne s'arrêter qu'une fois qu'une fois à destination.

Ce fut un bonheur immense de les voir au chevet d'une jeune fille rayonnante de beauté et de grâce, qui dormait sereinement sous un olivier. La princesse se réveilla, se jeta dans les bras de son père puis embrassa son héros, le remerciant. de tout son cœur : « Je te serai éternellement reconnaissante », lui murmura-t-elle. Charmé par l'éclat de sa beauté, le jeune homme osa s'adresser au roi : « Je sais que mon rang ne me permet pas de prétendre à une alliance avec toi, ô noble roi ! Mais je serais infiniment heureux et honoré de te demander la main de la princesse. » Le souverain regarda le jeune homme tendrement et lui répondit : « Mon brave garçon ! Ce qui fait la noblesse d'un homme, c'est d'abord sa vertu ! Je crois que tu m'as apporté la preuve de ta hardiesse et de ta pureté. Ma fille sera en sécurité avec toi. Alors, je t'offre sa main avec une immense joie. »

La princesse Clair-de-Lune adressa à son bien-aimé un sourire consentant et complice, puis prit le chemin du retour, impatiente de retrouver les lieux magiques de son enfance.

De retour au palais, le roi annonça allègrement les épousailles de sa fille avec l'héroïque jeune homme.

Quelques jours plus tard, on célébra fastueusement les noces des jeunes amoureux et celles de cent autres jeunes gens issus de familles pauvres du royaume. Le roi souhaita ardemment que le Ciel bénisse le mariage de sa fille, et il fit preuve pour cela d'une grande générosité envers ses sujets Une ambiance de réjouissante de liesse régna au palais durant des jours et des jours. On en profita pour savourer avec délectation le goût de la paix et du bonheur.

Quelques mois s'écoulèrent. Le jeune homme appréciait pleinement la vie princière et son épouse, la princesse Clair-de-Lune, prit soin de son couple. Elle lui offrit toutes les conditions d'une vie épanouie et heureuse.

Un jour, elle surprit le sabre magique que son époux avait rangé dans son coffre. Elle le contempla et apprécia la finesse de sa décoration. Dès que son mari la rejoignit, elle l'interrogea : « D'où te vient ce magnifique sabre ? » Voilà que le jeune homme se rappela la promesse faite au vieux sage, le propriétaire du sabre magique. Il répondit à sa femme : « Heureusement que tu m'as parlé de lui, sinon je l'aurais complètement oublié. Ce sabre est la clé de notre salut, ma chérie. Il faut que je le rende à celui qui me l'a prêté. »

Dès le lendemain, le prince sella son cheval, prit quelques provisions et se dirigea vers la maisonnette du vieux sage. Quand celui-ci le vit arriver, il le prit dans ses bras et lui confia : « J'étais sûr que tu reviendrais, mon enfant ! Tu es un homme de qualité, ce sabre t'appartient, je te l'offre. Quelque chose, cependant, attriste mon cœur.
Qu'y a-t-il donc, père ?
II y a dans ce bas monde une mère qui pleure ton absence depuis des années. Elle te croit mort et s'en veut de n'avoir pu te sauver. Je l'entends se plaindre à tous les saints à l'approche de chaque hiver. N'est-il pas temps d'aller la consoler ? » Le jeune homme se souvint tout à coup du regard déchiré que lui avait lancé sa mère la nuit où l'ogresse l'avait arraché à elle. Il regretta profondément de l'avoir oubliée. Le vieux sage le consola : « Ce n'est rien mon brave garçon ! L'oubli est de nature humaine, va la rejoindre ! Elle sera certainement heureuse de te revoir. »

Le jeune homme retrouva le chemin de son pays natal et offrit à sa malheureuse mère le plus beau cadeau que l'on puisse offrir à une mère au premier jour du printemps. En effet, quand elle vit s'avancer vers elle un jeune homme élégant et distingué, elle lut dans son regard ces liens sacrés qui finissent. toujours par réunir une mère et son enfant. Les retrouvailles furent empreintes d'une émouvante ferveur.

Le jeune homme raconta à sa mère. tout ce qui lui était arrivé et la pria de l'accompagner au royaume de son épouse. La femme, d'une voix mélancolique, lui dit : « Le propre d'une mère est d'élever ses enfants pour les voir partir un jour. C'est la vie. Retourne à ton foyer et prend soin de ton épouse. Reviens me voir dès que je te manquerai, et fais-moi le bonheur d'amener un jour ta descendance. Je suis déjà comblée de te savoir vivant et heureux. Il est vrai que l'on dit toujours que se sont. les épreuves qui cisèlent et forgent l'esprit d'un homme et toi, mon garçon, tu as su affronter ton destin dignement. Je suis très fière de toi. »

Le jeune homme demeura encore quelques jours auprès de sa mère, de ses frères et sœurs et savoura avec délices les doux moments partagés avec sa famille. Puis il s'en retourna auprès de sa dulcinée à qui il fit le récit de son odyssée.

La princesse Clair-de-Lune et son époux vécurent heureux. Il firent la joie de leurs parents quand ils leur annoncèrent la naissance de leur premier enfant, qu'ils prénommèrent bourgeon-de-Printemps.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Juin 2013 à 08:05:53
(http://img15.hostingpics.net/pics/730335arai.jpg)
La vieille femme et l'araignée

Elle aimait son travail. Et du plus lointain de ses souvenirs, Bouquet de Perles Etincelantes se voyait s'activant de son mieux, avec toujours le même plaisir, comme sa mère et ses tantes le lui avaient appris. Elle s'occupait du bois et de l'eau, en hiver. Elle savait tanner les peaux de bison, et préparer la viande afin de régaler toute la famille. A six ans, elle aidait les femmes dans les travaux du ménage. A dix ans, elle montait à cheval comme le meilleur des guerriers et sillonnait la plaine avec fougue. Puis à quatorze ans, elle est devenue une vraie femme : son père l'a mariée à Feu du Tonnerre et le temps a passé vite, très vite. A présent, elle était une vieille femme mais les années avaient glissé sur elle, sans entamer sa force, ni sa joie de vivre. Quand elle riait des facéties du dernier de ses petits-fils, sa bouche révélait l'absence de quelques dents. Mais elle était toujours belle.

Sa peau, aussi tannée que la peau du bison, avait la couleur du soleil couchant. La prunelle de ses yeux rayonnait du même éclat juvénile d'autrefois et quand elle marchait, c'était d'un pas majestueux, que le poids des ans n'entravait pas. La tribu aimait à raconter que c'était une sage qui avait la force de l'ours et qui avait reçu la protection du loup blanc, à son berceau. Bouquet de Perles cousait dans le cocon que formait le cercle du wigwam. Et tout en travaillant, elle songeait à son rêve de la nuit dernière...

Elle avait rêvé d'un bébé rieur qui gigotait sur une immense fourrure, moelleuse et parfumée, au milieu des herbes jaunes. Ses petits pieds et ses minuscules mains dorées s'agitaient, se balançaient pour suivre les frémissements légers du vent. Il était seul, sans inquiétude. Ses yeux suivaient le vol d'un oiseau puis il éclatait de rire à chaque bruissement de feuilles des blancs bouleaux. L'enfant comprenait le langage des arbres et du monde végétal qui l'entourait. La terre était sa mère, le ciel son père. Puis, le paysage s'assombrit en un instant. Une ombre grise recouvrit l'enfant qui cessa de rire. Le vent se fit violent et la neige recouvrit aussitôt plaines et bois.

Bouquet de Perles ne voyait plus le bébé à présent mais elle l'entendit crier et ce sont ses pleurs qui l'ont réveillée, toute suffocante. Quel message son rêve voulait-il lui adresser ? La vieille indienne l'ignorait.

Bouquet de Perles Etincelante cousait, respectueuse des traditions ancestrales dans le wigwam à l'odeur d'armoise. Les femmes avaient récemment allumé des feux de bois pour imprégner la couverture qui servait à la fabrication de la tente afin qu'elle garde sa souplesse, après les pluies. Bouquet de Perles songeait. C'est alors qu'elle entendit des lamentations, dans un coin de son logis. La vieille indienne interrompit son ouvrage et demanda :

- Qui pleure ? ...

-C'est moi, grand-mère, dit une petite voix. La femme leva les yeux et aperçut une minuscule araignée, au creux de sa toile.

- Pourquoi pleures-tu ? demanda-t-elle avec inquiétude.

- Je pleure parce que personne ne m'aime. Les hommes ont peur de me voir et disent que je suis inutile, sur cette terre. Chacun a son rôle à tenir, et pas moi !

Bouquet de Perles se leva et regarda attentivement le minuscule et fragile animal. Elle ressentit une immense peine pour la malheureuse.

- Je ne sais comment t'aider, ni te consoler.

Et tout en lui parlant, la réconfortant par la musique de ses paroles, la vieille indienne laissa son regard se promener sur la toile arachnéenne. L'araignée avait tissé un ouvrage d'une grande perfection ! Beaucoup de squaws auraient aimé pouvoir s'enorgueillir d'un tel chef-d'œuvre. Un vrai bijou que la lumière du soleil faisait étinceler. Elle en admira la finesse et la légèreté aérienne. La grâce du travail était digne des broderies et décorations de toutes les femmes du village rassemblées.

C'est alors que Bouquet de Perles se souvint de son rêve de la nuit précédente, aux pleurs du bébé.

- Je crois que je peux faire quelque chose pour toi, si le Grand Esprit y consent. Dorénavant, quand tu tisseras ta toile au-dessus de l'endroit où les enfants dorment, les mauvais rêves seront capturés à l'intérieur. Au petit matin, ils seront détruits par le soleil. Seuls les bons rêves peupleront les songes de nos petits. 

Et comme la vieille indienne était une sage, à partir de ce jour, les araignées eurent leur place sur cette terre, comme tous les animaux. Elles furent les gardiennes du sommeil des enfants attirant leur proie sans aucune pitié pour les livrer au soleil, aux premières lueurs de l'aube.

Bouquet de Perles Etincelantes cousait paisiblement dans la chaleur de son wigwam, près du feu.

L'été des Indiens était terminé à présent. Les grands froids gelaient les lacs qui miroitaient au soleil. Parfois, elle pensait au bébé de son rêve qui ne pleurait plus et jouait avec le vent. Alors elle posait son ouvrage  et souriait.

Jocelyne Marque


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Juin 2013 à 09:53:19
(http://img15.hostingpics.net/pics/508531tailleur.jpg)
Le petit tailleur de Galway (Conte irlandais.)

Il était une fois à Galway, en Irlande, un petit tailleur qui se mit en route, un beau matin, pour aller voir le roi, à Dublin.
Il venait à peine de partir lorsqu'il rencontra un cheval tout blanc. Comme il était bien élevé, il le salua.
- Le ciel vous aide! dit-il.
- Le ciel vous aide! répondit le cheval. Où partez-vous si tôt matin ?
- Je vais à Dublin, dit le tailleur, afin de bâtir une tour pour le roi, et obtenir ainsi sa fille en mariage.

Il faut savoir que depuis des mois, les envoyés du roi sillonnaient les villes et les villages d'Irlande afin de trouver celui qui serait capable de bâtir une tour pour le roi. En échange, le souverain avait promis sa fille en mariage ainsi qu'une très grosse somme d'argent. Hélas ! de nombreux Irlandais avaient essayé de bâtir la tour, mais, à chaque fois, trois géants qui vivaient dans un bois voisin venaient jeter par terre pendant la nuit l'ouvrage fait durant le jour, et par-dessus tout, ils mangeaient le constructeur.

Alors, le cheval dit au petit tailleur :
- Si tu voulais d'abord me faire un trou où je puisse me cacher, j'en serais bien heureux. Je suis fatigué d'aller au moulin ou au labourage. Quand les gens viendront me chercher, ils ne me trouveront pas !
- Volontiers, dit le petit tailleur.
Il tira de son sac sa bêche et sa truelle et fit un trou. Il demanda au cheval d'y entrer, pour voir s'il était assez grand mais quand le cheval blanc fut entré dans le trou, il n'en put plus sortir.
- Fais-moi un chemin par où je puisse sortir du trou quand je voudrai, dit le cheval.
- Oh! pas encore, dit le tailleur. Reste ici jusqu'à ce que je revienne, et alors je te ferai sortir.

Le jour suivant, le petit tailleur rencontra un renard.
- Le ciel vous aide! dit le renard.
- Le ciel vous aide! dit le tailleur.
- Où t'en vas-tu si tôt matin ? demanda le renard.
- Je vais à Dublin, voir si je peux bâtir une tour pour le roi.
- Si tu voulais d'abord m'arranger un endroit où je puisse me cacher, dit le renard. Les autres renards me battent et m'empêchent de manger.
- Bien volontiers, dit le petit tailleur.
Il prit sa hache et sa scie et fit un joli terrier. Il demanda ensuite au renard d'y entrer pour voir s'il était assez grand. Le renard y entra, et le tailleur ferma l'entrée.
- Laisse-moi sortir, à présent, dit le renard.
- Pour ça non, dit le tailleur. Attends ici jusqu'à ce que je revienne.

Le jour suivant, il rencontra un buffle.
- Le ciel vous aide! dit le buffle.
- Le ciel vous aide! répondit le tailleur.
- Où t'en vas-tu si tôt matin ? demanda le buffle.
- Je vais à Dublin, voir si je peux bâtir une tour pour le roi.
- Si tu voulais d'abord me faire une charrue, dit le buffle; les autres buffles et moi, nous pourrions labourer jusqu'à ce que vienne la moisson.
- Bien volontiers, dit le tailleur.
Il prit sa hache et sa scie, et fit une charrue. Dans le timon, il y avait un trou, et quand le buffle vint essayer la charrue, le tailleur lui prit la queue et l'enfonça dans le trou, où il la fixa avec une cheville, de sorte que le buffle ne put pas la retirer.
- Laisse-moi aller, maintenant, dit le buffle.
- Pour ça non, répondit le petit tailleur, attends ici jusqu'à ce que le revienne; et il repartit pour Dublin.

Quand il arriva dans la capitale, il engagea des maçons et commença à bâtir la tour. A la fin du premier jour, il fit poser une grosse pierre en équilibre sur le mur, et plaça un levier dessous, de façon à pouvoir la faire bouger facilement. Ensuite, les maçons s'en allèrent, mais le tailleur se cacha derrière le mur.
Lorsque la nuit fut venue, les trois géants sortirent du bois, et commencèrent à démolir la tour. Mais quand ils arrivèrent sous la grosse pierre, le petit tailleur fit manœuvrer son levier et la pierre tomba sur un des géants et le tua. Les deux autres furent si étonnés qu'ils se sauvèrent tout de suite.
Les maçons revinrent le lendemain matin, et travaillèrent jusqu'à la nuit; puis ils mirent la pierre sur le mur, avec le levier, comme la veille, et s'en retournèrent, mais le tailleur se cacha encore derrière le mur.
Quand tout le monde fut endormi, les deux géants revinrent, et comme ils approchaient de l'endroit où se trouvait la grosse pierre, le tailleur fit manœuvrer son levier, et la pierre tomba sur un des géants et le tua. Le troisième géant s'en alla, et ne revint plus.

Quand la tour fut finie, le petit tailleur demanda au roi l'argent et la princesse, mais le roi lui dit qu'il ne les aurait pas avant d'avoir tué le troisième géant.
- Bon, dit le petit tailleur, ce ne sera pas long.
Il alla dans la forêt, et, quand il arriva chez le géant, il lui demanda s'il n'aurait pas besoin d'un domestique.
- Oui, dit le géant, à condition qu'il puisse faire tout ce que je ferai moi-même, sans cela, je le mangerai.
- Je ferai tout ce que tu feras, dit le tailleur.
Ils entrèrent dans la caverne où le dîner était en train de cuire, et le géant demanda au tailleur s'il oserait boire autant de bouillon brûlant qu'il en avalerait lui-même.
- Certainement, dit le tailleur, laissez-moi seulement une heure pour me préparer.
Il alla acheter un grand morceau de cuir, dont il fit un sac qu'il glissa sous ses habits. Puis il rentra et dit au géant de commencer. Le géant avala une soupière de bouillon brûlant.
- Ce n'est que ça ? dit le tailleur. Et il versa une soupière de bouillon brûlant dans son sac en faisant semblant de le boire. Le géant avala une autre soupière, et le tailleur continua son manège, puis il dit :
- Je vais faire à présent une chose que tu n'oseras jamais faire.
- Quoi ? demanda le géant.
- Je vais faire un trou dans mon estomac et laisser couler le bouillon, dit le tailleur.
Et il prit son couteau, et fendit le sac de cuir, et le bouillon coula par terre.
- A ton tour, dit-il.
Le géant se donna un grand coup de couteau, si fort qu'il se fendit le ventre et en mourut.

Le petit tailleur alla trouver le roi et réclama la princesse et l'argent, disant qu'il jetterait le château par terre si on ne les lui donnait pas. Les gens de Dublin eurent peur et on lui donna la princesse et l'argent.

Lorsque le petit tailleur fut parti, dans une belle voiture à deux chevaux emmenant avec lui la princesse, le roi et les gens de la ville se repentirent de la lui avoir donnée et ils se mirent à courir après lui. Ils arrivèrent bientôt à l'endroit où était le buffle, et celui-ci leur dit :
- Si vous me relâchez, je galoperai après eux et je les atteindrai.
Ils relâchèrent le buffle, et voilà le buffle et les gens de Dublin courant après le petit tailleur et la princesse.
Quand ils arrivèrent à l'endroit où était le renard, le renard leur dit :
- Si vous me laissez sortir, je courrai " après eux et je les atteindrai.
Ils laissèrent sortir le renard, et voilà le renard, le buffle et les gens de Dublin courant après le petit tailleur et la princesse.
Quand ils arrivèrent à l'endroit où était le vieux cheval blanc, le cheval leur dit :
- Si vous voulez me laisser sortir, je courrai et je les atteindrai.
Ils le laissèrent sortir, et voilà le cheval, le renard, le buffle et les gens de Dublin courant après le petit tailleur et la princesse.
Lorsque le petit tailleur se vit poursuivi, il descendit de la voiture et s'assit par terre, sur ses talons.
- Ah! dit le vieux cheval blanc; c'est comme cela qu'il se tenait quand il faisait le trou dont je n'ai pas pu sortir! Je ne vais pas plus loin.
- Ah! dit le renard; c'est comme cela qu'il se tenait quand il fit le terrier dont je n'ai pas pu sortir! Je ne vais pas plus loin.
- Ah! dit le buffle; c'est comme cela qu'il se tenait quand il faisait la charrue dont je n'ai pas pu me débarrasser! Je ne vais pas plus loin.
Voyant cela, les gens de Dublin prirent peur et s'en retournèrent aussi.

Le tailleur et la princesse arrivèrent à Galway et ils y vécurent heureux jusqu'à la fin de leurs jours.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Juin 2013 à 10:59:25
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Bout de paille, braise et haricot

Dans un petit village vivait une pauvre vieille femme, qui s'était ramassé un plat de haricots et voulait les faire cuire. Elle dressa son feu dans la cheminée et l'alluma avec une bonne poignée de paille pour qu'il brûle plus vite. Quand elle mit ses haricots dans la marmite, il y en eut un qui lui échappa par mégarde, et qui vint choir sur le sol juste à côté d'un brin de paille ; l'instant d'après, c'était un bout de braise qui sautait du foyer et qui venait tomber auprès des autres. Le bout de paille entama la conversation :
- Chers amis, d'où arrivez-vous comme cela ?
- La chance m'a permis de sauter hors du feu, répondit la braise et sans la force de cet élan, c'était pour moi la mort certaine : je serais maintenant réduite en cendres.
- Je l'ai échappé belle aussi, répondit le haricot à son tour, car si la vieille femme m'avait jeté dans la marmite, irrémissiblement c'en était fait de moi et j'étais cuit avec les autres.
- Croyez-vous peut-être que le j'aurais eu un destin plus clément ? reprit le bout de paille. Tous mes frères, la vieille les a fait passer en feu et en fumée : soixante d'un coup, qu'elle avait pris, auquel elle a ôté la vie ! Moi, par bonheur, je lui ai filé entre les doigts.
- Et maintenant, qu'est-ce que nous allons faire ? demanda la braise.
- A mon avis, dit le haricot, puisque nous avons tous les trois sites miraculeusement échappé à la mort, nous devrions nous unir en bons camarades et partir tous d'ici pour gagner un autre pays, afin d'éviter quelque nouveau malheur.
La proposition convint aux deux autres, et tous ensemble ils se mirent en chemin. Ils arrivèrent bientôt devant un ruisselet qui n'avait pas le moindre pont, ni-même une passerelle le, et ils ne savaient pas comment passer de l'autre côté. Le fétu eut alors une bonne idée et dit : « Je vais me coucher en travers, et vous pourrez ainsi passer sur moi comme sur un pont. »
La paille, donc, se suspendit entre une rive et l'autre, et sur ce pont improvisé, la braise, avec son naturel ardent, s'avança hardiment, mais à tout petits pas pour ne pas renverser le fragile édifice. Arrivée au milieu, toutefois, en entendant le bruit que faisait le courant au-dessous d'elle, la peur la prit et elle s'immobilisa, n'osant pas se risquer plus avant ; aussi le bout de paille commença-t-il à prendre feu, se rompant net par le milieu et tombant dans l'eau, entraînant dans sa perdition la braise, qui chuinta en touchant l'eau et rendit aussitôt l'esprit.
Le haricot, demeuré prudemment sur la rive, partit d'un tel fou rire en voyant cette histoire, et s'en tordit tellement sans pouvoir s'arrêter, que, pour finir, il éclata. C'en eût été fini de lui pareillement, si par bonheur un compagnon tailleur qui faisait son tour d'Allemagne ne s'était arrêté au bord de ce ruisseau pour se reposer. Par ce qu'il avait bon cœur et l'âme secourable, le tailleur prit du fil et une aiguille et se mit aussitôt à le recoudre. Le haricot lui en fit ses remerciements chaleureux et choisis comme on l'imagine ; mais comme il avait utilisé du fil noir, c'est pour cela que, depuis ce temps -là, tous les haricots ont une couture noire.

Conte de Grimm
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Juin 2013 à 07:38:08
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Le serpent blanc

Il y a maintenant fort longtemps que vivait un roi dont la sagesse était connue dans tout son royaume. On ne pouvait rien lui cacher, il semblait capter dans les airs des nouvelles sur les choses les plus secrètes. Ce roi avait une étrange habitude : tous les midis, alors que la grande table était desservie et qu'il n'y avait plus personne dans la salle, son serviteur fidèle lui apportait un certain plat. Or, ce plat était recouvert, et le valet lui-même ignorait ce qu'il contenait ; personne d'ailleurs ne le savait, car le roi ne soulevait le couvercle et ne commençait à manger que lorsqu'il était seul. Pendant longtemps cela se passa ainsi. Mais un jour, le valet, ne sachant plus résister à sa curiosité, emporta le plat dans sa chambrette et referma soigneusement la porte derrière lui. Il souleva le couvercle et vit un serpent blanc au fond du plat. Cela sentait bon et il eut envie d'y goûter. N'y tenant plus, il en coupa un morceau et le porta à sa bouche. Mais à peine sentit-il le morceau sur sa langue qu'il entendit gazouiller sous la fenêtre. Il s'approcha, écouta et se rendit compte qu'il s'agissait de moineaux qui se racontaient ce qu'ils avaient vu dans les champs et dans les forêts. Le fait d'avoir goûté au serpent lui avait donné la faculté de comprendre le langage des animaux.
Ce jour-là, justement, la reine perdit sa plus belle bague, et les soupçons se portèrent sur le valet qui avait la confiance du roi et avait donc accès partout. Le roi le fit appeler, le rudoya et menaça de le condamner s'il ne démasquait pas le coupable avant le lendemain matin. Le jeune homme jura qu'il était innocent mais le roi ne voulut rien entendre et le renvoya.
Le valet, effrayé et inquiet, descendit dans la cour où il commença à se demander comment il pourrait bien faire pour s'en tirer. Il y avait là, sur le bord du ruisseau, des canards qui se reposaient en discutant à voix basse tout en lissant leurs plumes avec leur bec. Le valet s'arrêta pour écouter. Les canards se racontaient où ils avaient pataugé ce matin-là et quelles bonnes choses ils avaient trouvées à manger puis l'un d'eux se plaignit :
- J'ai l'estomac lourd car j'ai avalé par mégarde une bague qui était sous la fenêtre de la reine.
Le valet l'attrapa aussitôt, le porta dans la cuisine et dit au cuisinier :
- Saigne ce canard, il est déjà bien assez gras.
- D'accord, répondit le cuisinier en le soupesant. Il n'a pas été fainéant et il s'est bien nourri ; il devait depuis longtemps s'attendre à ce qu'on le mette dans le four.
Il le saigna et trouva, en le vidant, la bague de la reine.
Le valet put ainsi facilement prouver son innocence au roi. Celui-ci se rendit compte qu'il avait blessé son valet fidèle et voulut réparer son injustice ; il promit donc au jeune homme de lui accorder une faveur et la plus haute fonction honorifique à la cour, que le valet choisirait.
Le valet refusa tout et demanda seulement un cheval et de l'argent pour la route, car il avait envie de partir à la découverte du monde. Aussi se mit - il en route dès qu'il eut reçu ce qu'il avait demandé.
Un jour, il passa près d'un étang où trois poissons, qui s'étaient pris dans les roseaux, étaient en train de suffoquer. On dit que les poissons sont muets, et pourtant le valet entendit leur complainte qui disait qu'ils ne voulaient pas mourir si misérablement. Le jeune homme eut pitié d'eux ; il descendit de son cheval et rejeta les trois poissons prisonniers dans l'eau. Ceux-ci recommencèrent à frétiller gaiement, puis ils sortirent la tête de l'eau et crièrent :
- Nous n'oublierons pas que tu nous as sauvés et te revaudrons cela un jour.
Le valet continua à galoper et eut soudain l'impression d'entendre une voix venant du sable foulé par son cheval. Il tendit l'oreille et entendit le roi des fourmis se lamenter :
- Oh, si les gens voulaient faire un peu plus attention et tenaient leurs animaux maladroits à l'écart ! Ce cheval stupide piétine avec ses lourds sabots mes pauvres serviteurs !
Le jeune homme s'écarta aussitôt et le roi des fourmis cria :
- Nous n'oublierons pas et te revaudrons cela un jour !
Le chemin mena le valet dans la forêt où il vit un père corbeau et une mère corbeau en train de jeter tous leurs petits du nid.
- Allez-vous-en, sacripants, croassèrent-ils, nous n'arrivons plus à vous nourrir vous êtes déjà assez grands pour vous trouver à manger tout seuls !
Les pauvres petits, qui s'agitaient par terre en battant des ailes, piaillèrent :
- Comment pourrions-nous, pauvres petits que nous sommes, subvenir à nos besoins alors que nous ne savons même pas voler ! Nous allons mourir de faim !
Le jeune homme descendit aussitôt de son cheval, le transperça de son épée et l'abandonna aux jeunes corbeaux pour qu'ils aient de quoi se nourrir. Les petits s'approchèrent et, après s'être rassasiés, crièrent :
- Nous ne t'oublierons pas et te revaudrons cela un jour !
Le valet fut désormais obligé de continuer sa route à pied. Il marcha et marcha et, après une longue marche, il arriva dans une grande ville dont les rues étaient très peuplées et très animées. Soudain, un homme arriva à cheval et annonça que l'on cherchait un époux pour la princesse royale, mais que celui qui voudrait l'épouser devrait passer une épreuve difficile et, s'il échouait, il devrait payer de sa vie. De nombreux prétendants s'y étaient déjà essayés et tous y avaient péri.
Mais le jeune homme, lorsqu'il eut l'occasion de voir la princesse, fut si ébloui de sa beauté qu'il en oublia tous les dangers. Il se présenta donc comme prétendant devant le roi.
On l'emmena immédiatement au bord de la mer et on jeta sous ses yeux un anneau d'or dans les vagues. Puis, le roi lui ordonna de ramener l'anneau du fond de la mer, et ajouta :
- Si tu émerges de l'eau sans l'anneau, les vagues te rejetteront sans cesse jusqu'à ce que tu périsses.
Tous plaignirent le jeune homme et s'en allèrent. Seul, debout sur la plage, le valet se demanda ce qu'il allait bien pouvoir faire, lorsqu'il vit soudain trois poissons s'approcher de lui. C'étaient les poissons auxquels il avait sauvé la vie. Le poisson du milieu portait dans sa gueule un coquillage qu'il déposa aux pieds du jeune homme. Celui-ci le prit, l'ouvrit et y trouva l'anneau d'or.
Heureux, il le porta au roi, se réjouissant d'avance de la récompense. Or, la fille du roi était très orgueilleuse et, dès qu'elle eut appris que son prétendant n'était pas de son rang, elle le méprisa et exigea qu'il subît une nouvelle épreuve. Elle descendit dans le jardin et, de ses propres mains, elle répandit dans l'herbe dix sacs de millet.
- Tu devras ramasser ce millet ! ordonna-t-elle. Que ces sacs soient remplis avant le lever du soleil ! Et pas un seul grain ne doit manquer !
Le jeune homme s'assit dans l'herbe et se demanda comment il allait pouvoir s'acquitter de cette nouvelle tâche. Ne trouvant pas de solution, il resta assis en attendant tristement l'aube et la mort.
Or, dès que les premiers rayons de soleil éclairèrent le jardin, il vit devant lui les dix sacs de millet remplis à ras. Ils étaient rangés les uns à côté des autres et pas un grain ne manquait. Le roi des fourmis était venu la nuit avec des milliers de ses serviteurs et les fourmis reconnaissantes avaient rassemblé tout le millet avec infiniment de soin et en avaient rempli les sacs.
La princesse descendit elle-même dans le jardin et constata avec stupéfaction que son prétendant avait rempli sa tâche. Ne sachant pourtant toujours pas maîtriser son cœur plein d'orgueil, elle déclara :
- Il a su passer les deux épreuves, mais je ne serai pas sa femme tant qu'il ne m'aura pas apporté une pomme de l'Arbre de Vie.
Le jeune homme ignorait où poussait un tel arbre, mais il décida de marcher là où ses jambes voudraient bien le porter, sans trop d'espoir de trouver l'arbre en question. Il traversa trois royaumes et il arriva un soir dans une forêt. Il s'assit au pied d'un arbre pour se reposer un peu lorsqu'il entendit un bruissement dans les branches au-dessus de sa tête et une pomme d'or tomba dans sa main. Au même moment, trois corbeaux se posèrent sur ses genoux et dirent :
- Nous sommes les trois jeunes corbeaux que tu as sauvés de la famine. Nous avons appris que tu étais en quête de la pomme d'or et c'est pourquoi nous avons traversé la mer et sommes allés jusqu'au bout du monde où se trouve l'Arbre de Vie pour t'apporter cette pomme.
Le jeune homme, le cœur joyeux, prit le chemin du retour et remit la pomme d'or à la belle princesse qui ne pouvait plus se dérober. Ils coupèrent la pomme de Vie en deux, la mangèrent ensemble et, à cet instant, le cœur de la princesse s'enflamma d'amour pour le jeune homme. Ils s'aimèrent et vécurent heureux jusqu'à un âge très avancé.

Conte des frères Grimm
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Juin 2013 à 08:12:54
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Le neuvième soleil

Au début du monde, il y avait neuf garçons-lunes et neuf filles-soleils qui se succédaient dans le ciel.

À peine l'un d'entre eux s'était-il couché qu'un autre montait à l'horizon, et ils se suivaient ainsi, et ainsi alternaient le jour et la nuit.

Mais voici qu'un jour les filles-soleils se sont mises à briller toutes en même temps dans le ciel.

Elles sont apparues l' une après l' autre, sans attendre que la précédente ait fini sa course et se soit couchée.

Très vite, il a fait très chaud, l'eau des rivières s'est évaporée, la terre s'est desséchée et fendue, les tiges des maïs et les pousses de riz ont jauni et se sont racornies, les arbres ont commencé à mourir, les buffles couchés sur le sol craquelé haletaient de soif, les oiseaux tombaient tout rôtis du ciel, sauterelles et grenouilles grillées jonchaient le sol entre les herbes sèches.

Plantes, hommes et bêtes, tous allaient mourir.

Un homme du nom de Yang Yua avait un fils unique.

Le troisième jour, le jeune garçon est parti au ray* chercher quelques épis de maïs restés sur leur tige brûlée.

Mais la chaleur était telle, que l' enfant est mort d'insolation.

Quand son père l'a retrouvé mort, fou de chagrin et de colère, il s'est écrié :

« Ce sont ces neuf filles-soleils qui l' ont tué! Je vais les tuer, moi aussi ! »

Il s'est fabriqué une arbalète, s'est forgé des flèches de fer et s'est posté en embuscade sur le chemin suivi par les filles-soleils.

Il a tiré huit flèches, et abattu huit soleils.

La neuvième, alors, voyant tomber ses soeurs, est restée cachée derrière les hautes herbes dont on fait les toits des maisons Hmong, et qui, seules, avaient résisté à la fournaise.

Les garçons-lunes, attirés par l' obscurité, se sont levés à leur tour, et Yang Yua, dans sa colère, les a abattus un à un.

Seul le neuvième a survécu, mais il avait reçu une flèche dans l'oeil, et il s'est laissé tomber dans l' herbe pour se cacher, lui aussi.

Alors, l' obscurité s'est installée sur la Terre.

L' obscurité totale, et avec elle, le froid.

Un froid terrible.

Les hommes ont appelé la fille-soleil pour qu' elle remonte dans le ciel, mais elle avait bien trop peur, elle restait cachée.

Prières, chants, offrandes, ils ont tout essayé, mais elle n'a pas voulu reparaître.

Ils ont tenu conseil, dans le noir et le froid, et décidé de faire appel aux animaux pour convaincre le soleil de revenir.

Tous les animaux, du poussin pépiant à l'éléphant, qui a eu beau barrir, baronner et baréter, en passant par la grenouille qui a coassé à qui mieux mieux, et le grillon stridulant, crissant et grésillant, tous, en vain, ont levé les yeux vers le ciel obscur, et appelé, l'un après l'autre, à leur manière, le soleil.

Le tigre a feulé si fort que la fille-soleil s'est blottie un peu plus derrière la ligne d'horizon, et la nuit est devenue plus sombre encore.

La vache a meuglé si désespérément que tout le monde s'est senti l' âme bouleversée, et le neuvième soleil est resté caché tout au fond du ciel, plus découragé encore.

Une lueur d'espoir est apparue quand le hibou a bouboulé, une clameur s'est élevée...mais on a vu apparaître un petit astre pâle dont la lumière éclairait faiblement.

C'était le garçon-lune rescapé, et on peut voir encore, les nuits de pleine lune, la cicatrice de son oeil blessé.

Finalement, il ne restait plus que le coq, qui n'avait pas encore lancé son appel. Tous les regards étaient braqués sur lui, éclairé par la Lune nouvelle.

Il s'est perché sur le toit d'herbe d'un petit grenier à riz, il a dressé les plumes de sa queue, il s'est raclé la gorge, il a tendu le cou...et il a lancé un formidable "cocorico!" plein d'espoir.

Il a semblé à tous que le ciel s'était très légèrement éclairci, le temps d'une demi-seconde.

Encouragé, le coq a coqueriqué vaillamment une seconde fois, puis une troisième fois...et lentement, timidement, la fille-soleil a pointé son visage, pâle d'abord, puis timidement rose, puis de plus en plus rayonnant à mesure que hommes et bêtes la saluaient et l'acclamaient.

C'est depuis ce jour que le neuvième soleil brille au-dessus du Laos, et ailleurs.

Depuis ce jour aussi, ou plutôt cette nuit, la Lune est là, qui veille sur la Terre quand le neuvième soleil a fini sa tournée, et les hommes s'endorment confiants, car le coq, très fier de son succès, n'oublie jamais de chanter chaque matin pour appeler le soleil.


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Juin 2013 à 09:01:25
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Effets de lune

Pleine lune.

Elle brillait, ici plus qu'ailleurs, peut-être un ciel plus pur.
On pouvait même distinguer les étoiles, claires, scintillantes.
La lagune réfléchissait comme un miroir. Sur le coté, des barques, couchées, échouées sur le sable attendaient : le jour, le pêcheur, un autre jour ?

Des cris aigus, d'autres plus doux : des oiseaux sûrement.
Charlotte tenait fermement la main de Thomas, pas question de se lâcher.
Charlotte toute brune, grands yeux noisette, avec des cheveux qui commençaient à lui tomber sur les épaules, surtout quand ils étaient mouillés. Thomas était sûrement son frère, lui tout blond, avec de grands yeux verts-gris, et son petit air "scrogneugneu", juste le "scrogneugneu" qu'on aimait.

Les deux enfants n'avaient pas peur, tout semblait familier, rassurant , et pourtant c'était la première fois qu'ils sortaient seuls la nuit.
Ils ne comprenaient pas tout, mais c'était bien eux devant la lagune et même pas peur, pas zun brin comme dirait Némo leur gentil chat !
D'ailleurs la lune éclairait tellement qu'on se serait cru en plein jour. Il y avait des arbres, mais ce sont des palmiers dit Charlotte à Thomas .
Oui je crois dit Thomas, mais je n'ai jamais vu de palmiers, que dans des livres, si tu veux ce sont des palmiers, après tout....
Il aimait la forme élancée du tronc et le grand plumeau sur le sommet.

Oui, oui ce sont des palmiers !!!! Ils riaient doucement.

Il faisait doux, un vent léger venait du large avec de fortes odeurs d'algues, fortes mais agéables.galerie-membre-coucher-soleil-coucher-de-soleil-et-palmier.jpg
Et c'est là, qu'elle apparut, de derrière un petit mur.
Une femme, vêtue d'une longue robe blanche. On ne voyait pas ses mains, juste son visage, sous une épaisse crinière de cheveux rouges.
Elle avait de grands anneaux d'argent aux oreilles et deux grands colliers de turquoises pendaient sur sa poitrine. On pouvait entendre le cliquetis des ses bracelets...

- Tiens Charlotte, Thomas ? Dehors à cette heure ?
En fait je vous dit cela, mais ici, il n'y a pas d'heure. C'est toujours la bonne heure !

Nous sommes où se demandait Charlotte quand même vaguement, vaguement inquiète ?

- Comment , vous ne savez pas ?
vous êtes au pays des grands Arcs-en-ciel.

- Des Arcs-en-ciel comme dans le ciel ?

- Oui mais ici les gens ont la peau de cette couleur, de ces couleurs je devrais dire.

Charlotte et Thomas se regardaient, incrédules. Elle doit se tromper, les gens normaux sont blancs, jaunes , ou noirs, mais pas de toutes les couleurs à la fois.

- On peut voir ça dit Charlotte ?

- Je ne sais pas encore .

- Faut voir qui ?

- En fait, parfois certains sont plus rouges , ou plus jaunes que d'autres, ou plus bleus, mais c'est toujours très  joli à voir, du plus bel effet !!!!!

- Super, je voudrais être bleue se dit Charlotte.

- Et moi tout jaune, là c'était Thomas qui parlait. C'était sa couleur préférée et quand il faisait de la peinture, parfois on le confondait avec le papier peint de sa chambre, tellement il se barbouillait, oui je serai tout jaune et je ne me ferai même pas gronder.

La dame au cheveux rouges leur expliqua que ça ne dépendait pas seulement d'elle.
Il faut que je demande à la grande sorcière, car moi souvent je me trompe dans les mots magiques et parfois je fais des erreurs.
Cet oiseau, c'était Paul, je suis désolée Paul... Vraiment !

Paul , le bel oiseau lança un cri de colère qui retentit sur la lagune.
Il en avait assez de patauger dans la boue et de manger du poisson !! Il détestait ça !

La femme aux cheveux rouges dit à Paul, qu'il fallait juste attendre la nouvelle lune, et qu'il redeviendrait un petit garçon normal, et surtout qu'elle apprendrait mieux les mots magiques...

A ce moment un petit coup de vent souleva la robe de la sorcière rouge, juste assez pour qu'on voit ses jambes.

Houlalalalallala !!!!ses jambes étaient de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, et c'était beau.

- Il y a d'autres enfants comme ça ? Nous on aimerait bien voir.

- Voir ? je vais demander, mais je ne sais pas si on peut voir seulement, il se peut que vous restiez comme ça, de toutes les couleurs !
vous aimeriez ?

- Non non , moi je veux rester de la même couleur que mon père et ma mère , pas arc-en-ciel.

Thomas se disait que jaune ce serait bien, mais il avait compris que c'était tout ou rien. Moi non plus je ne veux pas , et surtout je ne veux pas être un canard ou un oiseau, et si on retournait à la maison demanda-t-il à Charlotte ?

La femme aux cheveux rouges souriaient, mais vous êtes chez vous.

Et c'était vrai, Là ,c'était chez eux sous la lune ronde, sous les étoiles, près de la lagune, oui bien sûr.
En plissant les yeux, ils pouvaient voir leurs lits, leurs doudous, un lapin pour Charlotte et des foulards pour Thomas.

Demain, si la lune est encore ronde, nous irons au pays des montagnes bleues, mais ce sera demain........

La lune était toujours là, bienveillante et ronde, bleutée et douce, et elle serait toujours là pour eux, s'ils voulaient bien la voir, ou la regarder.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Juin 2013 à 08:15:37
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La Fée Ilona et le Prince Argus

Il était une fois un roi qui avait trois fils. Dans le jardin du roi se trouvait un pommier en or. Cet arbre fleurissait la nuit et ses fruits étaient mûrs à l'aube. Chaque matin, le roi faisait ramasser les pommes et ainsi, il devint des années après, le roi le plus riche du monde.

Un beau matin, il trouva son pommier sans aucun fruit. Pas de fruits le lendemain non plus. Le troisième jour, il annonça qu'il donnerait la moitié de son royaume à celui qui défendrait ses pommes d'or contre les voleurs. Ses fidèles serviteurs, à tour de rôle, montèrent la garde sous le pommier. Mais vers minuit ils succombèrent tous au sommeil. Quand ils se réveillèrent, toutes les pommes qui avaient mûri pendant la nuit avaient disparu.

Les trois princes se réunirent et décidèrent de surveiller le pommier. D'abord, ce fut l'aîné qui commença, suivi par son frère cadet. Mais ils échouèrent. Le benjamin, du nom d'Argus, était beau comme un ange. Vint son tour. Il prit son épée et emporta un coffret en or rempli de tabac à priser. Puis il s'étendit au pied du pommier et regarda autour de lui sous la clarté de la lune. Soudain, il commença à céder au sommeil. Il ouvrit son coffret en or, il prisa du tabac et éternua si violemment qu'il n'eut plus sommeil. A ce moment là, treize corbeaux s'approchèrent de l'arbre. D'un geste habile, Argus attrapa le premier corbeau par les pattes. Il savait que c'était lui le chef des voleurs. Mais à peine l'avait-il attrapé que le corbeau se transforma en une splendide jeune fille. Elle était si belle que le Prince en tomba tout de suite amoureux.

«Belle voleuse, qui es-tu ? demanda le Prince. Je ne te laisserai plus jamais partir.
- Je suis la Fée Ilona, dit-elle, et ces corbeaux sont mes amies. Je ne peux pas rester plus longtemps avec toi, mais je te promets de revenir chaque soir et je te laisserai les pommes.»

Les treize corbeaux s'envolèrent avec fracas.

Le lendemain, à la plus grande surprise de la cour royale, les pommes d'or étaient au complet sur l'arbre. Le roi embrassa son fils sur le front et celui-ci demanda à son père la permission de continuer à garder le pommier.
Et ce fut ainsi. Nuit après nuit, Argus alla surveiller le pommier et à chaque fois il rencontra la Fée Ilona.
Cependant, vivait à la cour royale une vieille sorcière. Elle épia Argus et la Fée Ilona. Elle se cacha derrière les buissons et le matin suivant raconta au roi ce qu'elle avait vu.

«J'ai vu le Prince assis sous le pommier en or en compagnie d'une fille merveilleuse aux cheveux blonds. Elle est apparue sous la forme d'un corbeau et elle s'est transformée en une superbe jeune fille aux cheveux d'or.
- Tu mens! cria le roi, ce que tu dis n'est pas vrai.
- Bien sûr que c'est vrai, Majesté. Si vous le souhaitez, demain je vous le démontrerai.»

Le lendemain, la vieille sorcière attendit que le Prince et la  Fée Ilona s'endorment. Elle sortit alors de derrière les buissons et coupa une mèche d'or des cheveux de la Fée Ilona. Quand celle-ci se réveilla, elle constata qu'une mèche d'or lui manquait. Elle embrassa le Prince, enleva une de ses bagues et la passa au doigt du Prince.

«Je te l'offre, dit-elle. Je te reconnaîtrai à cette bague n'importe où dans le monde.»

Elle claqua dans ses mains, se transforma en corbeau et s'envola.
Le lendemain, la vieille sorcière alla voir le roi et lui montra la mèche d'or. Le roi fut très étonné et il appela tout de suite le Prince Argus.

«Mon cher fils! Tes frères se sont déjà tous mariés, il est temps que je te marie, toi aussi. J'ai trouvé une riche princesse pour toi, je crois que tu n'auras rien à redire.
- Mon cher père! Je vais me marier à condition que je puisse choisir moi-même ma future épouse. D'ailleurs, c'est déjà fait, c'est la Fée Ilona que j'épouserai.»

La réponse déplut fortement au roi, mais il n'arriva pas à convaincre le Prince qui prit son épée et s'en alla tenter de retrouver la Fée Ilona. Toute la cour royale fut plongée dans le deuil.

Le Prince traversa presque la terre entière, mais ne retrouva pas la Fée Ilona. Il interrogea le Soleil, la Lune, et même le Vent, mais nul ne pouvait le renseigner. Il traversa la montagne de verre et arriva à une grande plaine plongée dans l'obscurité. Il grimpa à un arbre, regarda autour de lui et aperçut une petite lumière dans le lointain. Il s'en approcha et se trouva devant un beau château. Il frappa à la porte qui s'ouvrit toute seule. Il croisa un géant qui avait un oeil sur le front.

«Bonsoir, Majesté! Auriez-vous des nouvelles de la Fée Ilona? Où pourrait-elle bien être?
- Tu as la chance de m'avoir salué comme il le fallait, autrement je t'aurais condamné à mort! Je suis le roi des animaux et je ne sais rien de la Fée Ilona.»

Il siffla et tous les animaux se retrouvèrent dans la cour. Le roi les questionna en détail sur la Fée Ilona, mais ils ne savaient rien. Finalement, un loup boiteux s'avança et dit :

«Moi, je sais quelque chose. Elle habite au-delà de la Mer noire, là où je me suis cassé la patte.
- Alors emmène le Prince là-bas, ordonna le roi.»

Le Prince se mit sur le dos du loup boiteux qui marcha ainsi durant cent ans. A la fin de la centième année, il déposa le Prince et lui dit:

«Moi, je ne peux pas aller plus loin, mais tu vas retrouver toi-même ton chemin. Tu dois aller toujours tout droit.»

Le Prince fit ainsi. Il arriva dans une vallée entourée de trois montagnes. Trois diables y étaient en train de se battre. Il s'approcha d'eux et leur demanda pourquoi ils se bagarraient.

«Notre père est décédé et nous a laissé ce manteau, ce fouet et ces chaussures qui ont un pouvoir magique : si tu enfiles ce manteau, si tu mets ces chaussures et si tu fais claquer ce fouet à plusieurs reprises en disant : Hip!-Hop! Que je sois où je veux être !  et voilà, c'est fait. Mais nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord.
- Alors, je vais vous rendre justice tout de suite, dit le Prince. Faites la course et celui qui sera arrivé le premier au sommet de cette montagne-ci, aura les trois objets.»

Ainsi firent les trois diables. Le Prince suivit leurs indications. Vêtu du manteau et des chaussures, il fit claquer le fouet à plusieurs reprises et répéta la phrase ,,Hip!-Hop! Que je sois où je veux être!"...et ô miracle...il se retrouva devant un palais merveilleux. Il frappa à la porte et, à sa grande surprise, une sorcière ouvrit la porte et lui dit:

«Je sais ce qui t'amène ici. Si tu suis mon conseil, tu peux libérer la Fée Ilona. Elle ne peut circuler librement que jusqu'à minuit, tu ne peux la voir qu'à ce moment-là. Mais méfie-toi, tu dois résister à la magie et rester réveillé, autrement tu vas rentrer bredouille.
- Rien n'est plus facile que cela!», pensa le Prince.

Il s'allongea pour se reposer, car minuit était encore loin.

A minuit juste, la vieille sorcière souffla dans le sifflet magique dont le son endormit le Prince. Quand la Fée Ilona arriva, elle se réjouit d'abord à la vue du Prince et constata ensuite qu'il était tombé dans un sommeil profond.

«Réveille-toi, mon Prince charmant! Si tu m'embrasses trois fois, je serai libérée de la magie. Réveille-toi, mon Prince charmant!», dit la Fée Ilona.

Elle revint trois fois, trois nuits de suite. La quatrième nuit, elle arriva par la fenêtre et retrouva la sorcière endormie. Elle ronflait tellement fort que même les murs épais du château tressaillaient. Le Prince embrassa trois fois la Fée Ilona dont la mèche d'or repoussa. Le Prince fit claquer le fouet à plusieurs reprises et dit: ,,Hip!-Hop! Que je sois avec ma Fée Ilona dans le château de mon père!"

Ainsi fut fait. Le roi était content que son fils épouse une fille aussi merveilleuse. Ils donnèrent un grand repas de noces, et ils vivent encore aujourd'hui s'ils ne sont pas morts entre temps.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Juin 2013 à 08:42:26
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La fille aux cheveux parfumés (légende Laotienne)

Il était une fois une femme, veuve et sans enfant, qui vivait à l'écart d'un village. Son domaine était la forêt et ses amis les animaux lui tenaient compagnie. Pour survivre, elle se nourrissait de plantes diverses, pêchait et buvait l'eau vive de la rivière.
Un jour qu'elle cherchait de quoi se nourrir dans les bois, elle s'aperçut qu'elle avait grand-soif mais qu'elle s'était éloignée de la rivière. Elle vit alors une mare qui s'était formée de la dernière pluie et but tout son soûl. Puis, prenant quelques instant de repos, elle se rendit compte que la mare avait exactement la forme d'un pied d'éléphant. Elle reprit son chemin sans plus y penser.

Quelques mois plus tard, la femme mit au monde une superbe petite fille. Au début, tout le monde fût étonné mais durant tous ces mois, elle avait réfléchi: cette enfant ne pouvait venir que de l'eau bue dans l'empreinte de l'éléphant. Sa petite fille était splendide et détail surprenant, de ses cheveux se dégageait un parfum des plus agréables.
Au village, les langues allaient bon train et bientôt tous surent d'où venait l'enfant. Elle grandit dans l'amour de sa mère mais ne sut jamais la vérité ni pourquoi les enfants se moquaient d'elle en scandant: "La fille de l'éléphant, la fille de l'éléphant!". Elle en était très peinée mais malgré son insistance, sa mère ne voulait rien lui dire.
Un jour, se sentant mourir, sa mère se décida enfin à lui avouer la vérité.

L'enfant, qui était devenue une belle jeune fille, partit à la recherche de son père, le roi des éléphants. Elle ne tarda pas à le trouver et lui expliqua la situation. Le roi, méfiant, lui imposa alors un test:
-Si tu es vraiment ma fille, tu devras courir sur mes défenses, sans chute et sans faux pas.
La fille réussit le test à merveille à la grande joie de l'éléphant, tout heureux de se trouver une fille. Il lui fit aussitôt construire un immense palais où la jeune fille vécut heureuse les premiers temps, tout en apprenant à connaître son père. Celui-ci l'adorait mais avait interdit l'accès du palais à tout étranger. Sa fille commença bientôt à s'ennuyer et passait des heures au bord de la rivière, à rêver.
C'est ainsi qu'un jour, elle jeta à l'eau deux de ses cheveux à l'odeur si particulière en faisant le voeu d'épouser celui qui les trouverait.
Son père décida à ce moment, de partir à la chasse dans des contrées lointaines. Un jeune prince qui avait trouvé les cheveux se présenta alors à la jeune fille. Ils se marièrent aussitôt et bientôt des enfants vinrent égayer le palais.

Mais le père revint de la chasse après avoir été longtemps absent, et, se souvenant de l'interdiction faite à tout étranger de l'approcher, sa fille cacha mari et enfants dans la forêt pour éviter le courroux de son père. Celui-ci ne s'aperçut de rien mais vint lui annoncer qu'il repartait bientôt chasser.
La jeune femme fit alors revenir sa famille mais, surprise! Son père revint plus tôt que prévu. Il entra dans une colère noire et chassa tout le monde du palais... et le regretta aussitôt. En effet, il n'avait que sa fille, son mari et ses enfants pour famille, et ne voulait pas rester seul. Il pardonna à tous et une grande joie emplit le palais durant quelques mois.
Le roi des éléphants, vieillissant et se sentant mourir, fit un jour venir sa fille et lui dit:
-Je vais bientôt mourir mais pour ne pas te laisser dans la peine, dès que je serai mort tu prendras mes défenses et tu les poseras sur la rivière. Aussitôt, celles-ci se transformeront en bateau d'or qui vous emmèneront au bout du monde si vous le souhaitez.
Le deuil passé, la famille embarqua donc sur les deux défenses qui s'étaient transformées en bateaux d'or, comme promis. Mais le malin veillait.

Il existait dans la forêt une méchante sorcière. Celle-ci était amoureuse du jeune prince avant que celui-ci n'épouse la fille aux cheveux parfumés. En reconnaissant les occupants des bateaux sur la rivière, la sorcière décida de se venger.
Elle se changea en fleur de lotus et approcha bientôt du bateau où se trouvait la famille. La princesse, attirée par cette fleur magnifique, se pencha pour cueillir la fleur mais tomba à l'eau et fut aussitôt changée en singe. Quant à la méchante sorcière, elle avait déjà pris la place de la princesses auprès du mari et des enfants.
Si le mari ne s'aperçut de rien, les enfants eux ne reconnurent pas cette femme qui les nourrissait de son sein.
Ils résolurent alors d'aller à la recherche de leur mère... qu'ils ne tardèrent pas à trouver. En effet, en traversant les bois, ils furent intrigués en entendant des pleurs et tombèrent sur un pauvre singe tout éploré. Ils ne tardèrent pas à reconnaître leur mère et celle-ci leur expliqua comment elle pouvait retrouver forme humaine.

Entre-temps, le prince s'était aperçu de l'imposture: les cheveux de sa 'femme' n'avait plus cette odeur qui les caractérisait et qu'il aimait tant. Il avait également constaté la disparition de ses enfants. Éploré mais lucide, il fit ligoté la sorcière et attendit quelque temps le retour des enfants. Ceux-ci ne tardèrent pas à revenir et expliquèrent toute l'affaire. Fou de joie, le prince voulut retourner chercher sa femme mais les petits l'arrêtèrent: pour que celle-ci retrouve forme humaine, il fallait d'abord tuer la sorcière et baigner le singe dedans. Aussitôt dit, la jeune femme reprit bientôt forme humaine.

C'est ainsi que le voyage reprit, lentement et gaiement, sur la rivière qui avait failli causer leur perte.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Juin 2013 à 08:55:46
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Niulang et Zhinu (légende Chinoise)

Niulang était un garçon robuste et travailleur. Orphelin, il vivait pauvrement à l'écart de la ville. D'ailleurs, la ville lui déplaisait et il préférait vivre dans son coin, sans compter qu'il n'était pas seul puisque son ami le taureau partageait sa vie et lui vouait une amitié sans bornes.
Ainsi donc vivait Niulang, cultivant son champ avec son taureau, chassant et pêchant pour assurer son quotidien. Un jour, il décida de partir un peu plus loin, jusque dans la forêt qu'il ne connaissait pas. Toujours accompagné du fidèle animal, il trouva l'endroit charmant et surtout il prit plaisir à écouter les oiseaux. Il flâna ainsi quelques heures, à profiter du calme de la forêt. Ses pas le menèrent ensuite vers un grand lac que le soleil éclairait.
Mais le ciel se couvrit bientôt et, levant la tête, il aperçut soudain une chose étrange: neuf jeunes filles descendaient des nuages. Elles semblaient flotter dans les airs! Arrivées près du lac, les jeunes filles commencèrent à se déshabiller. Tout en se taquinant, elles riaient toutes de bon coeur. Nues, elles plongèrent alors dans le lac et profitèrent de la douceur du soleil qui était revenu.

Nuilang et son ami le taureau, Illustré par SylvieCaché derrière un buisson, Niulang suivait le spectacle sans en perdre une miette. Se pinçant pour vérifier qu'il ne rêvait pas, il n'en croyait pas ses yeux : ainsi donc, les anges existaient et venaient parfois sur terre... Depuis sa cachette, il suivait leurs jeux et tomba vite sous le charme. Parmi ces créatures ravissantes, une d'entre elles, la plus jeune, retenait particulièrement son attention. Elle était tellement belle qu'il en tomba immédiatement amoureux.
Après quelques heures de plaisirs aquatiques, la plus âgée rappela ses amies et leur fit un signe: il était temps de rentrer. Peiné de constater que l'élue de son coeur allait s'évanouir, il consulta son ami le taureau afin trouver  une solution pour retenir la plus jeune, dont le nom était Zhinu.
-Cache-lui ses vêtements! lui conseilla-t-il.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Et tandis que les autres jeunes filles regagnaient déjà les nuages, Zhinu cherchait encore son vêtement. Alors qu'elle commençait à perdre patience, elle s'aperçut que quelqu'un l'observait. Apeurée, elle se réfugia tout de suite dans un buisson afin de cacher sa nudité. Maladroit, Niulang s'approcha d'elle en tenant quelque chose à la main.
Le jeune homme se présenta et lui rendit son vêtement tout en lui déclarant sa flamme. Amusée plus que fâchée par le tour que lui avait joué ce terrien, Zhinu fût aussitôt conquise par ce jeune homme si timide et tellement charmant.
Ainsi Zhinu décida-t-elle de rester sur terre et d'y vivre avec son bien-aimé et son ami le taureau. La vie s'écoula tranquille et heureuse pour le jeune couple. Durant ces deux années, un garçon et une fille vinrent agrandir la famille de Niulang et Zhinu qui vivaient un amour idéal et savouraient un bonheur parfait.

Mais pour les autres anges du paradis, Zhinu avait trahi. Les lois du ciel interdisent en effet à un ange de un terrien, fut-il le meilleur d'entre eux. Aussi, un jour que Niulang était parti à la pêche avec ses enfants, les anciennes compagnes de la jeune femme vinrent la chercher pour la ramener chez elles. Devant son refus de les suivre, elles décidèrent alors d'employer la manière forte et enlevèrent Zhinu, sans autre forme de négociation. A l'idée de ne plus revoir son mari et ses enfants, la jeune femme se mit à pleurer et les appela de toutes ses forces.
De l'endroit où il pêchait, Niulang entendit les cris de sa bien-aimée. Il bondit alors sur son ami le taureau et le fit courir aussi vite que possible. L'animal y mit tellement d'énergie qu'il rattrapa bientôt Zhinu qui ralentissait de toutes ses forces l'envol de ses anciennes congénères. Mais c'était oublié que les agresseurs étaient des anges et qu'elles avaient des pouvoirs magiques!
Illustration de la légende par SylvieVoyant Niulang se rapprocher dangereusement, elles firent alors apparaître une rivière entre elles et leurs malheureux poursuivants. Face à cet obstacle infranchissable, Niulang et son taureau s'arrêtèrent net. Désespéré, il appela Zhinu que les anges avait relâchée. Sur l'autre berge, la jeune femme était effondrée à l'idée d'être séparée de ceux qu'elle aimait.
Émus par la situation, les oiseaux de la forêt qui connaissaient bien le jeune couple, décidèrent d'agir dans l'instant. En quelques secondes, les pies se réunirent et formèrent un pont au dessus de la rivière. Ainsi, les deux amants purent se rejoindre et tombèrent, ivres de bonheur, dans les bras l'un de l'autre. Au bout d'un moment, Zhinu se résolut à annoncer à Niulang la triste vérité:
-Il m'est interdit de vivre plus longtemps avec toi! sanglotait Zhinu.
-Comment cela? s'exclama son époux, ne comprenant plus rien.
-Je ne suis pas de ce monde, et il me faut retourner vivre là d'où je viens. Toutefois, une grâce nous est accordée. Ainsi, je reviendrai te voir chaque année, à cette date, à cet endroit.
A peine Zhinu avait-elle achevé sa phrase qu'elle s'envola, filant à travers les airs vers le nuage duquel elle était descendue...

Et c'est ainsi que tous les ans, à la date anniversaire de ce jour qui a été fixée au 7 juillet dans le calendrier solaire (le 7ème jour de la 7ème lune dans le calendrier lunaire), les amoureux fêtent les retrouvailles de Niulang et Zhinu.

Une autre Saint Valentin, en quelque sorte...

Maintenant, la nuit venue, levez les yeux vers les étoiles et vous constaterez que l'histoire de Niulang et Zhinu n'est peut-être pas une légende. En effet, les étoiles du bouvier (Altaïr) et celle de Zhinu (Véga) sont toujours séparées par la voie lactée...


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Juin 2013 à 08:29:55
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Compère Lapin et les concombres du Roi (conte martiniquais)

C'est décidé: Compère Lapin en a assez de manger de l'herbe et des carottes! C'est vrai, ça! Vous ne seriez pas lassés, vous, d'avoir des pommes de terre et des épinards à tous les repas?! Il traîne donc une mauvaise humeur grandissante, fâché de ne trouver autre chose à se mettre sous la dent. Ah! Une bonne courgette! Et les concombres!! Compère Lapin adore les concombres!!
La faim au ventre, il se promène, ce matin-là, au hasard de la campagne. Et puis, au détour du chemin, il aperçoit... le jardin du ROI!! Pour Compère Lapin, c'est une aubaine! Imaginez: des carottes, des salades, des ignames, des concombres... tout cela à 'portée de pattes'! Cela appartient au Roi? Peu importe! La gourmandise bien connue de Compère Lapin refait surface. N'y tenant plus, il passe la barrière du potager et se jette sur les concombres, qu'il engloutit avec voracité mais aussi beaucoup de plaisir!!

Au palais, un peu plus tard.
C'est l'heure du dîner, le Roi souhaite manger des légumes, et surtout du concombre qui est son plat favori. Le cuisinier envoie le jardinier lui chercher les fameux légumes dans le jardin. Arrivé sur les lieux, le pauvre homme pousse un cri:
-Qui a fait ça? Et que va dire le Roi?
Il faut se rendre à l'évidence: quelqu'un a mangé les légumes préférés du Roi! Le jardinier court ventre à terre prévenir son maître du méfait. Celui-ci, furieux, ordonne au jardinier de faire une enquête et de trouver le coupable rapidement, ou sinon le pauvre homme lui-même sera puni. Sentant la menace, le jardinier retourne sur les lieux du vol et inspecte son lopin de terre. Bientôt il découvre un indice intéressant: quelques crottes de lapin sont disséminées autour des concombres!! L'auteur du délit lui est alors connu. Il se rend donc directement au palais pour en informer le maître des lieux. Le jardinier dit au Roi:
-Je sais qui a fait le coup! C'est Compère Lapin, bien sûr! Sa réputation n'est plus à faire en matière de mauvais tour! J'ai même une idée pour le coincer!
Et il expliqua au Roi que si Compère Lapin était connu pour sa gourmandise, il était aussi réputé pour son goût des belles lapines. Il exposa donc son plan pour attraper ce voleur.

Compère Lapin, de son côté, a décidé de ne pas retourner au jardin avant un moment, car il sait ce qu'il risque. Mais la gourmandise reprend le dessus et il n'y tient plus: il retourne manger ces concombres si délicieux trouvés dans le jardin du Roi. De retour sur les lieux, il passe la barrière enchanté à l'idée du repas qu'il va faire, quand il aperçoit dans le fond du jardin la silhouette d'une superbe lapine. Interloqué, il stoppe net sa course vers le potager et lance un 'Bonjour' retentissant et charmeur. La belle lapine ne bronche pas. Compère Lapin comprend alors que celle-ci n'est pas facile à aborder et décide de se rapprocher. Parvenue à sa hauteur, il lui fait les yeux doux et va même jusqu'à poser sa patte sur l'épaule de la belle.
Erreur!! C'était un piège et maintenant, notre héros se retrouve toutes pattes collées sur la fausse lapine que le jardinier avait réalisée! Comprenant qu'il a été piégé, il se met alors à vitupérer et surtout à s'en vouloir d'avoir été aussi bête!
Quelques minutes plus tard, le jardinier arrive pour son labeur quotidien. Quelle n'est pas sa surprise de découvrir Compère Lapin pris au piège!! Satisfait, il attrape le lapin par les oreilles et lui dit en l'attachant:
-Ah mon gaillard! Tel est pris qui croyait prendre! Nous sommes plus malins que tu ne le crois! C'est le Roi qui va être content de moi!
Il attache alors les pattes de l'animal et l'enferme dans un sac qu'il suspend à une branche d'arbre.
-Comme ça, tu ne m'échapperas pas! Je cours prévenir le Roi que j'ai trouvé son coupable! Tu seras puni de coups de bâton! Voleur!
Et il se rend en courant au palais annoncer la bonne nouvelle.

Pendant ce temps, Compère Lapin ne décolère pas de s'être fait avoir. Comment sortir de là? Il tente alors de se libérer les pattes. Mais la solution lui parvient de l'extérieur. Zamba, la gentille et naïve chèvre, se promène tranquillement sur le chemin bordant le jardin. Elle aperçoit alors ce sac suspendu qui bouge dans tous les sens.
Intriguée, elle s'approche et demande:
-Holà! Qui est dans ce sac et qu'est-ce que vous faites là-dedans? En voilà une drôle d'idée!
-Ah Zamba! Si tu savais ... gémit Compère Lapin.
-C'est toi Compère Lapin? Que t'arrive-t-il?
-Le Roi m'a fait enfermer car il veut me faire manger des ignames et j'ai HORREUR des ignames!! Peux-tu m'aider?
Zamba est une chèvre comme les autres: elle raffole des ignames. Aux paroles de son ami, sans même y réfléchir, elle répond:
-Mais j'adore les ignames! Si tu le veux, je vais prendre ta place!
Et sans même attendre la réponse du lapin, elle le délivre de ses liens que celui-ci lui remet aussitôt pour ne pas éveiller les soupçons du jardinier.
Or, le jardinier est sur le chemin du retour avec le Roi et quelques hommes pour donner la bastonnade au voleur.
Compère Lapin se cache dans les fourrés qui bordent le jardin. Il entend le Roi s'adresser au sac, et surtout à l'animal qui est dedans:
-Ah te voilà bien attrapé! Tu commets assez de méfaits dans la région, Compère Lapin, tu as besoin d'une bonne leçon!
Comme le lui avait conseillé son ami, Zamba ne répond pas et attend ses ignames. Quelle n'est pas sa stupeur de recevoir une volée de bois vert! Elle se met aussitôt à crier:
-Eh! Mais c'est des ignames que je suis venu chercher, pas des coups!
-Ne cherches pas d'excuses! Tu ne nous auras pas cette fois! Dit le Roi, croyant que Compère Lapin avait déguisé sa voix.
Et les coups de bâton pleuvent à nouveau.

Dans son bosquet, Compère Lapin rit du tour qu'il vient de jouer à la chèvre mais également au Roi! Et une chose est sûre: si jamais il retourne dans le potager du Roi, il n'y laissera aucune trace!
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Juin 2013 à 09:33:34
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La fée et le crapaud

Posée au bord du chemin, Une petite fée détend ses ailes.  A cette heure-ci, le soleil tombe dans la rivière et les lucioles commencent a danser.

Sur une pierre non loin d'elle, un crapaud lui demande :

«  Voudrais-tu me faire un câlin gentille petite fée ? »

« Non vilain crapaud ! Et ne me porte point querelle », lui répondit la fée.

« Alors je n'exaucerai pas tes prières. » croassa le crapaud. Puis, il sauta dans la rivière et disparut à tout jamais.

La petite fée sourit en contemplant la nuit qui s'installait doucement. Elle songea au vilain crapaud et se demandait bien de quoi il voulait parler.

Un vent frais se levait  dans les vieux arbres majestueux. La petite fée se blottit dans une douce couverture de laine qu'elle avait tricotée pour les nuits fraîches d'automne.

Une luciole au drôle d'air rigolo s'approcha soudain.

« Pourquoi n'as tu point voulu câliner ce pauvre crapaud » demanda-t-elle.

« Car il était bien trop hideux ! «  Lui répondit la petite fée.

La luciole se frotta le menton de la main gauche et ajouta :

« Penses-tu que seul les êtres de toute beauté peuvent être aimés, noble petite fée ? »

«  Oui, car ils le méritent ! «  lui répondit elle en souriant, comme une évidence.

La luciole se tourna vers le large et reprit dans un soupir :

« C'est dommage car, si tu avais prêtée attention à la beauté de son âme plutôt qu'à la laideur de son apparence, il se serait changé en un majestueux prince des fées et il t'aurait épousé et aimé pour toujours. Maintenant, il est parti. » Puis elle s'envola dans la forêt.

La petite fée regretta son geste. Elle qui cherche désespérément un amour pur et sincère. Elle comprit alors ce que voulait dire le vilain crapaud, mais il était trop tard...

Alicia Vermant

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Juin 2013 à 15:33:28
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La bouilloire magique

Il y avait une fois au Japon, un vieux bonhomme qui n'était pas bien riche. Il habitait une petite maison aux murs de papier, comme on en fait dans ces pays-là. Elle était accrochée au flanc de la montagne, et pour l'embellir, le bonhomme l'avait entourée d'un jardin magnifique qu'il cultivait avec le plus grand soin.

Comme il était trop pauvre pour acheter des graines ou des pousses, il parcourait la montagne à la recherche des plus belles plantes sauvages : il les arrachait et les replantait ensuite dans son jardin. Il avait obtenu de cette façon une merveilleuse collection de fleurs et d'arbustes que les gens venaient admirer de loin.

Un soir, le vieil homme se reposait chez lui après une dure journée de travail. Il avait relevé les murs de papier de sa chambre parce qu'il faisait très chaud et aussi, parce qu'il désirait respirer le parfum des arbres et des fleurs.

Soudain, il entendit derrière lui un léger bruissement. Il se retourna et fut surpris de voir une vieille bouilloire de fer, toute sale, là où il n'y avait rien l'instant précédent. C'était une de ces vieilles bouilloires qui servaient à chauffer l'eau quand il était petit : c'est dire comme elle était vieille !

Le bonhomme n'avait aucune idée de la façon dont elle était arrivée là, mais cessant vite de se poser des questions, il la souleva, l'examina, souffla dessus pour enlever la poussière et la transporta à la cuisine en pensant :

« C'est vraiment un coup de chance ! la mienne est toute fendillée et commence à fuir, et la bouilloire neuve coûte tellement cher ! »

Il la remplit d'eau, la posa sur le feu et elle commença bientôt à chanter. Mais il se passa une chose étrange, si étrange que le vieil homme se frotta les yeux pour s'assurer qu'il ne rêvait pas : la bouilloire se transformait ! l'anse se changeait en une petite tête, le bec remuait et devenait petit à petit en une queue. Enfin, quatre pattes apparurent sous le ventre de l'ustensile. Le tout se couvrit d'une épaisse fourrure et finit par ressembler à une sorte de petit blaireau qu'on appelle au Japon un tanuki.

L'animal sauta et se mit à courir autour de la pièce comme un petit chat. Il grimpait surs les murs de papier, s'accrochait au plafond et redescendait en se laissant glisser le long des paravents, tant et si bien que le bonhomme commença à craindre qu'il ne mette sa maison en morceaux.

Il courut demander de l'aide à son voisin et tous deux réussirent enfin à attraper le tanuki et à l'enfermer dans une petite cage de bois. Le voisin demanda au vieil homme ce qu'il comptait faire de l'animal, puis il donna son avais :

- A ta place, je le vendrais c'était une bonne solution. Il fit venir Jimmu, un marchand qui habitait dans la vallée.

Quand Jimmu arriva, le bonhomme lui montra la cage où était enfermé l'animal. Il souleva doucement le couvercle et poussa un cri de surprise : l'animal avait disparu ! A sa place il y avait une vieille bouilloire !

Le vieil homme parvint tant bien que mal à cacher son trouble et s'adressant au marchand, il lui demanda :

Combien me donneras-tu pour cet objet si je le vends ?

Jimmu pensa que la bouilloire ne valait pas grand chose, mais il accepta tout de même de l'acheter pour quelques yens.

Il l'emporta, et arrivé chez lui, il la posa dans un coin. En chemin, la bouilloire lui avait semblé de plus en plus lourd, mais il était tellement fatigué qu'il alla aussitôt se coucher.

Au milieu de la nuit, Jimmu fut réveillé par un grand bruit qui venait de l'endroit où il avait laissé la bouilloire. Il se redressa, scruta l'obscurité, mais ne vit rien d'anormal et se recoucha. Un vacarme épouvantail le réveilla une seconde fois, il sauta sur ses pieds et pris une lampe pour aller voir ce qui se passait du côté de la bouilloire. Il resta muet de saisissement : la bouilloire s'était une nouvelle fois changée en tanuki.

Jimmu se gratta la tête se demandant ce qu'il pourrait bien faire de cet animal, puis il retourna se coucher, bien décidé à résoudre le problème le lendemain Le lendemain, quand il ouvrit les yeux, le tanuki était redevenu bouilloire ? Jimmu s'en alla trouver son voisin pour lui raconter son aventure et lui demander conseil. C'était un homme sage, et Jimmu écouta avec attention ce qu'il lui dit :

- Ce que tu me racontes là ne me surprend pas. Je me rappelle que dans ma jeunesse, quelqu'un dans la vallée possédait une bouilloire magique comme celle-là. Si j'étais trois, je m'en irais sur les chemins et je la montrerais à qui veut, en échange de trois yens ! Tu aurais sûrement du succès et tu deviendrais riche !

- C'est une bonne idée, dit-il, mais je dois d'abord demander l'avis du tanuki.

Le tanuki accepta la proposition avec joie car il avait grande envie de montrer ses talents à tous le monde.

Les gens vinrent en foule pour voir ce spectacle et le renom de Jimmu s'étendit bien au-delà de la vallée. A chaque représentation on se passait la bouilloire de main en main, on l'examinait de tout côté avant de la rendre à Jimmu. Alors, celui-ci la posait sur une petite estrade et lui ordonnait :

- Sois un tanuki.

Aussitôt, l'anse se changeait en tête, le bec en queue, et quatre pattes apparaissaient.

- Danse ! disait Jimmu, et le tanuki se balançait d'un coté, de l'autre, si gracieusement que les spectateurs ne pouvaient s'empêcher de se joindre à la danse. Cela durait jusqu'à ce que Jimmu ordonne au tanuki de s'arrêter. Alors les gens s'en allaient, laissant la place à d'autres qui attendaient leur tour.

Jimmu devint rapidement très riche, mais il lui sembla injuste de profiter seul de cette richesse. Il n'avait pas oublié le vieil homme qui lui avait un jour vendu la bouilloire, et il savait combien ce dernier était pauvre.

Un matin, il remplit la bouilloire d'or et s'en alla voir le bonhomme dans la montagne ? Il lui raconta comment il avait fait fortune puis il lui rendit l'ustensile en disant :

- C'est à ton tour à présent de jouir des richesse que procure cette bouilloire magique !

Depuis ce jour, tous ceux qui venaient admirer le jardin du vieux bonhomme purent assister aux exhibitions du tanuki : ils payaient trois yens pour le voir danser, et, grâce à lui, son maître vécut confortablement jusqu'à la fin de ses jours.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Juin 2013 à 16:07:32
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LA LEGENDE DE L'ELAN SKUTT ET DE LA PETITE PRINCESSE TUVSTARR

As-tu jamais été dans les grandes forêts du Nord, et vu l'un de ces étangs sombres et mystérieux qui se cachent dans leurs profondeurs, magiques et oppressants ? Tout est calme, les pins et les sapins se pressent, silencieux, tout autour de lui. Parfois ils se penchent, mais si prudemment, si timidement, et c'est simplement parce qu'ils se demandent ce qui peut se dissimuler au fond de ses eaux ténébreuses. Et le fait est qu'on y voit une grande forêt, baignée du même mystère et du même silence. Mais jamais les deux forêts n'ont pu communiquer, voilà bien le plus curieux.

Le long de la rive et dans l'eau émergent les formes douces de mottes de terre tapissées de mousse brune et parsemées çà et là de petites fleurs de marais, blanches et laineuses. Tout est si calme – pas un son, pas un froissement d'aile, pas un souffle d'air – toute la nature semble retenir son haleine et écouter le cœur battant : bientôt, bientôt, bientôt !

Alors, tout doucement, une rumeur imperceptible s'élève à la cime des pins les plus hauts, et leurs couronnes s'agitent dans un murmure chantant : voilà, on l'a vu là-bas, au loin, très loin, bientôt il sera là, il arrive, il arrive. Et la rumeur est reprise par toute la forêt, les broussailles frémissent et chuchotent entre elles, les petites fleurs des marais s'inclinent et se penchent l'une vers l'autre : voilà, il arrive, il arrive. Et l'eau paisible frissonne et murmure : il arrive, il arrive. Au loin, on entend quelques craquements de branches cassées, le bruit se rapproche, il augmente et s'amplifie, puis c'est un fracas de broussailles et de branches et de rameaux brisés, un claquement précipité de sabots, un souffle haletant et, le poitrail fumant, un grand élan émerge des fourrés pour se diriger vers la rive où il s'arrête, secouant son mufle haletant, pour prendre le vent. Ses bois se balancent, ses naseaux frémissent, puis il se fige un instant dans une complète immobilité, mais bientôt il s'élance et en quelques bonds fantastiques par-dessus le sol mouvant du marais, il disparaît dans la forêt, sur l'autre rive.

Ca, c'était pour de vrai. Et maintenant, la légende.

Le soleil brille comme de l'or vif sur la prairie du château des Songes. C'est l'été, la prairie est émaillée de milliers de fleurs parfumées. Et parmi les fleurs est assise une petite fille blonde et rose, peignant ses longs cheveux de lin qui coulent comme l'or liquide du soleil d'été entre ses petits doigts. A côté d'elle, dans l'herbe, elle a posé sa couronne dorée.

La petite fille, c'est la princesse en personne, la princesse du château des Songes. Aujourd'hui elle s'est échappée de la vaste et altière salle où le roi son père et la reine sa mère, assis sur le trône d'or, tenant dans leur main le sceptre et le globe royal, règnent sur leurs sujets. Elle veut être seule et libre, et elle va vers le pré fleuri qui a toujours été son terrain de jeux préféré.

Petite et frêle, gracieuse, la princesse est encore une enfant. Elle s'est assise là dans sa robe toute blanche, une robe de soie et de satin et de vaporeuse mousseline.

Elle s'appelle Tuvstarr.

De ses petits doigts fuselés, elle démêle ses cheveux de soleil et sourit à l'éclat de ses longues boucles. Mais voilà qu'un élan traverse la prairie en bramant. Elle lève les yeux :

- Eh, mais qui tu es, toi ?

- Je suis Skutt Longues Jambes. Et toi ?

- Moi, je suis Tuvstarr, la princesse, tu vois bien. Et elle prend la couronne dans l'herbe pour la lui montrer.

L'élan, surpris, s'arrête et regarde longuement la princesse, puis incline la tête.

- Tu es belle, petite.

Tuvstarr se lève, s'approche doucement de lui, elle se penche vers son mufle frémissant et le caresse timidement.

- Comme tu es grand et imposant ! Et toi aussi, tu as une couronne ! Emmène-moi ! Laisse-moi m'asseoir derrière ton cou ! Et emporte-moi à travers la vie.

L'élan hésite.

- Mon enfant, le monde est vaste et froid, et tu es si petite. Le monde est plein de malice et de méchanceté, et tout te veut du mal.

- Oh, penses-tu, je suis jeune et vive, j'ai de la chaleur pour tous. Je suis petite et douce, je veux partager ma bonté.

- Princesse Tuvstarr, la forêt est sombre et le chemin est semé de dangers.

- Mais puisque tu es avec moi ! Tu es grand et fort, tu sauras nous défendre tous les deux.

Alors l'élan hoche la tête, secoue sa puissante couronne. Ses yeux brillent d'un éclat de feu. La petite bat des mains.

- A la bonne heure, à la bonne heure ! Mais tu es trop grand – penche-toi, que je puisse monter.

Docile, l'élan se couche et Tuvstarr s'installe bien d'aplomb.

- Voilà, je suis prête. Et maintenant, tu vas me montrer le monde.

Il se lève prudemment, de peur de faire tomber la petite.

- Tiens-toi bien fort à mes bois.

Et le voilà parti à longues enjambées. Jamais la petite princesse ne s'est autant amusée. Il y a tant à voir, tout est neuf et beau. Elle n'était encore jamais allée au-delà de la prairie de son château. Et maintenant, ils cheminent par les collines et les montagnes, pas les vallées et les plaines.

- Où tu m'emmènes maintenant ? demande Tuvstarr.

- Vers ma demeure des marais, tout au fond de la forêt, répond Skutt, là où je suis chez moi. Là-bas, personne ne vient me troubler. Mais il y a encore un bon bout de chemin.

Le soir approche, et Tuvstarr commence à avoir faim et sommeil.

- Tu as déjà changé d'avis, dit l'élan, un peu narquois, mais maintenant il est trop tard pour revenir en arrière. Mais ne t'en fais pas. Les marais sont pleins de baies délicieuses, des framboises arctiques, tu sais. Tu pourras en manger. Et là-bas, j'ai ma demeure.

Et ils poursuivent leur route. Après un temps, la forêt s'éclaircit et Tuvstarr découvre un marais qui s'étend à perte de vue, où les touffes d'herbe serrées l'une contre l'autre forment un tapis ondoyant et moelleux où ne s'aventurent que de rares arbustes rabougris.

- On va s'arrêter ici, dit Skutt, qui se penche pour laisser descendre Tuvstarr. Pour dîner.

Tuvstarr a oublié d'un seul coup qu'elle a sommeil et saute avec légèreté d'une motte à l'autre comme Skutt le lui a montré, façonne avec des feuilles de framboisier de petits cornets qu'elle remplit de grandes baies savoureuses, et elle se régale, sans oublier d'en offrir à son compagnon.

- Bon, mais maintenant il va falloir se dépêcher pour arriver chez moi avant qu'il fasse trop sombre, dit l'élan, et Tuvstarr remonte sur son large dos.

Skutt avance à pas sûrs dans le marécage, sans même avoir à chercher où poser le pied pour ne pas s'enfoncer. Car c'est ici qu'il est né.

- Qui est-ce qui danse là-bas ? demande Tuvstarr.

- Ce sont des elfes. Méfie-toi d'eux ! Ils ont l'air doux et aimables, mais il ne faut pas leur faire confiance. N'oublie pas ce que je te dis : Ne leur réponds pas, tiens-toi bien fort à mes bois et fais semblant de ne pas les voir.

Et Tuvstarr promet d'obéir.

Mais les elfes les ont déjà vus. Ils glissent vers eux en rondes et farandoles, dansent devant l'élan et en vagues malicieuses se rapprochent de Tuvstarr. Elle, elle pense à tout ce que l'élan lui a dit et se cramponne à lui, inquiète.

- Qui es-tu ? Qui es-tu ?

Cent questions se chuchotent autour d'elle, et elle sent comme un souffle froid sur elle. Mais elle ne répond pas.

Cependant, les petits être graciles voilés de blanc s'enhardissent de plus en plus, ils essaient de la tirer par ses longs cheveux blonds et par sa robe, mais c'est comme s'ils ne parvenaient pas à avoir vraiment prise sur elle. Skutt se contente de s'ébrouer et galope.

Soudain, Tuvstarr sent sa couronne glisser de sa tête, elle a peur de la perdre – que diraient le roi son père et la reine sa mère, qui la lui ont donnée – et voilà qu'elle oublie les recommandations de Skutt, elle pousse un cri, lâche les bois pour porter une main à ses cheveux. Mais alors là, si vous aviez vu ! Instantanément, les elfes l'ont en leur pouvoir – pas tout à fait pourtant, car d'une main elle tient encore fermement les bois de l'élan – et avec un grand rire de triomphe ils s'emparent de la couronne étincelante et s'en vont, flottant dans l'air.

- Oh, ma couronne, ma couronne, gémit la petite.

- Eh oui, pourquoi tu ne m'as pas obéi, gronde Skutt. C'est bien ta faute. Ta couronne dorée, jamais tu ne la retrouveras, mais sois contente qu'il ne soit rien arrivé de pire.

Mais elle ne peut rien imaginer de pire que ce qui est déjà arrivé.

Skutt, entre-temps, a continué sa route et bientôt Tuvstarr aperçoit un bosquet de petits arbres, formant comme un îlot sur le marais.

- C'est là-bas que j'ai ma demeure, dit Skutt, et c'est là-bas que nous allons dormir.

Ils ne tardent d'ailleurs pas à arriver. C'est une petite butte qui s'élève au-dessus des terres basses et marécageuses qui l'entourent et à l'intérieur, sous les pins et les sapins, il fait bon et sec.

Tuvstarr embrasse son cher Skutt pour lui souhaiter une bonne nuit, enlève sa robe et la suspend soigneusement à une branche, puis se couche par terre et s'endort, tandis que l'élan aux longues jambes reste debout auprès d'elle pour l'abriter de son corps. La nuit est presque tombée et quelques petites étoiles scintillent.

De bon matin, Tuvstarr est réveillée par le museau de Skutt qui effleure délicatement son front. Elle saute sur ses pieds, étire tout son petit corps dans la lumière orangée du soleil matinal, et puis elle recueille dans le creux de ses mains des gouttes de rosée pour les boire. Autour de son cou, elle porte une chaînette où est accroché un petit cœur d'or qui jette des feux sous les rayons du soleil.

- Aujourd'hui, je veux être toute nue, s'écrie-t-elle, je vais poser ma robe devant moi et tu m'emporteras sur ton dos pour me faire voir encore le monde.

Et l'élan cède à sa prière. Il ne peut rien lui refuser. Toute la nuit il a veillé, contemplant en-dessous de lui ce mystérieux petit être tout blanc, et quand l'aube est venue, il y avait comme des larmes dans ses yeux. Sans savoir pourquoi, il lui semble qu'on va de nouveau vers l'automne et il est pris d'une nostalgie de luttes et d'aventure, et d'un désir de ne plus être seul.

Et tout d'un coup il s'élance, s'enfonçant tout droit dans la forêt. Tuvstarr a beaucoup de mal à rester en selle. Les branches frappent rudement son visage et son corps, et le petit cœur d'or bondit sans arrêt à son cou, tant la course est rapide.

Mais petit à petit, Skutt se calme et ralentit son galop effréné. Ils traversent maintenant une vaste et étrange forêt. Les sapins portent de longues barbes touffues, les racines d'arbres se tordent au sol comme des serpents et de grands blocs de pierre moussus se dressent, menaçants, au bord du chemin. Jamais Tuvstarr n'a rien vu d'aussi extraordinaire.

- Mais qu'est-ce que c'est qui bouge, là-bas dans la forêt ? On dirait de longs cheveux verts et deux bras blancs qui font signe.

- C'est la fée des bois, dit Skutt, réponds-lui gentiment, mais surtout ne lui pose pas de question à ton tour, et surtout, surtout, ne lâche pas mes bois.

Non, Tuvstarr s'en gardera bien.

Maintenant, la fée de la forêt se rapproche petit à petit. Elle ne veut pas se montrer en entier, elle reste toujours à moitié cachée derrière un tronc d'arbre, avançant furtivement la tête pour guetter. Tuvstarr ose à peine regarder dans sa direction, mais elle a vu que ses yeux sont d'un vert glacé et sa bouche rouge comme le sang.

La fée des bois se glisse agilement d'un tronc à l'autre et suit l'élan dans sa course. Skutt, c'est une vieille connaissance pour elle, mais elle est intriguée par cette petite chose aux cheveux de soleil qu'il porte sur son dos. Il faut qu'elle sache ce que c'est.

- Comment t'appelles-tu ? crie-t-elle tout à coup.

- Tuvstarr, princesse du Château des Songes, répond timidement la petite, qui se garde bien de lui demander son nom à elle. D'ailleurs, elle le sait déjà.

- Qu'est-ce que tu as là, devant toi ? demande encore la fée des bois.

- C'est ma plus belle robe, répond Tuvstarr, avec un peu plus d'assurance.

- Oh, tu veux bien me la montrer ? demande la fée.

Bien sûr, Tuvstarr ne demande pas mieux, et ravie, elle lâche prise d'une main pour lui montrer sa robe.

Mais c'est justement ce qu'il ne fallait pas faire, car en un clin d'œil la fée emparée de la robe et disparaît dans la forêt.

- Mais pourquoi fallait-il que tu lâches mes bois, grogne Skutt. Si tu avais lâché de l'autre main aussi, tu aurais été obligée de la suivre et tu ne t'en serais pas sortie vivante.

- Mais ma robe, ma robe, sanglote Tuvstarr. Et puis elle finit par l'oublier.

Passe la journée, et la nuit Tuvstarr dort sous un sapin, tandis que Skutt, immobile, veille à ses côtés.

Quand elle se réveille le lendemain matin, l'élan a disparu.

- Skutt, Skutt Longues Jambes, où es-tu, crie-t-elle, effrayée, et se lève précipitamment.

Le voilà qui arrive, hors d'haleine, débouchant d'un fourré. Il était monté sur la colline pour reconnaître le terrain vers l'est et prendre le vent. Qu'est-ce qu'il a flairé ? C'est ce qu'il ne peut pas dire. Mais son pelage est roussi, et son corps tremble.

Il semble pressé de se mettre en route et se baisse de lui-même pour laisser monter Tuvstarr. Elle grimpe sur son dos et ils partent en toute hâte. Vers l'est, vers l'est ! Il entend à peine ce que lui crie la petite. Du moins, il ne répond pas. Il se sent comme pris de fièvre. Et comme un forcené, il se fraie un chemin à travers les fourrés.

- Où m'emmènes-tu maintenant ? demande Tuvstarr.

- A l'étang, répond-il.

- Il y a un lac là-bas dans la forêt. C'est là-bas que je vais quand l'automne arrive. Jamais être humain n'y a été. Mais toi, tu le verras.

Soudain, les branches s'écartent, découvrant l'eau qui scintille, une eau d'un brun sombre aux reflets vert et or.

- Accroche-toi bien, dit Skutt, il y a de grands dangers cachés au fond de l'eau, fais bien attention à ton petit cœur d'or !

- Oui, comme cette eau est étrange, répond Tuvstarr, et elle se penche pour mieux voir – mais au même moment la chaînette avec son cœur d'or glisse par-dessus sa tête et s'engloutit dans les profondeurs de l'étang.

- Oh, mon cœur, mon cœur d'or, que j'ai reçu de ma mère quant je suis née. Ah, qu'est-ce que je vais faire ?

Elle est inconsolable. Elle ne fait que scruter les profondeurs de l'eau, et elle veut s'aventurer sur les terres mouvantes pour chercher son cœur.

- Viens, dit Skutt, tu es en danger ici ! Je sais ce qui t'attend, d'abord s'éteint la mémoire, et puis la raison.

Mais Tuvstarr veut rester. Il faut qu'elle retrouve son cœur.

- Va, cher Skutt, laisse-moi seule ici. Je retrouverai bien mon cœur.

Et tendrement, avec reconnaissance, elle enlace sa tête baissée, l'embrasse gentiment, la caresse doucement. Et puis elle s'en va, petite et frêle, toute nue, s'asseoir sur une touffe d'herbe.

Longtemps, l'élan reste immobile à considérer, tout perplexe, la petite, mais comme elle ne semble plus se soucier de sa présence, il rebrousse chemin et disparaît à lents pas hésitants dans la forêt ...

Depuis, bien des années ont passé. Tuvstarr est toujours là, scrutant inlassablement les profondeurs de l'eau en quête de son cœur. Ce n'est plus la princesse, c'est seulement une petite fleur qui porte son nom, une petite fleur blanche au bord de l'étang.

De temps à autre, l'élan revient et s'arrête pour regarder la petite. Il est le seul à savoir qui elle est. Tuvstarr, la princesse. Alors parfois, elle lui fait un signe de la tête et sourit – après tout, c'est un vieil ami – mais s'en retourner avec lui, elle ne le peut plus, elle ne le veut plus, aussi longtemps que le charme la tient prisonnière.

Le charme, il est là-bas, au fond de l'eau. Tout au fond, dans les profondeurs de l'eau où gît un cœur perdu.

Helge KJELLIN
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Juin 2013 à 08:03:32
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La Fille des océans

La Fille des océans

I – Au pays des banquises

En cette fin de soirée estivale, le soleil illumine le ciel du pays des banquises. Depuis des millénaires, la tribu vit sur ces terres. Ce soir, les habitants fêtent la naissance de la fille du jeune chef de la tribu, Esprit du Loup, et de son épouse, Terra. La vieille nourrice arrive :

– Il est temps pour ce petit ange d'aller dormir.

– Tu ne désires pas rester ? Nous nous apprêtions à dîner, dit Terra.

– Merci, mais je préfère rentrer chez moi. La petite et moi avons, toutes deux, besoin de sommeil, lui répond la nourrice.

Puis elle se tourne vers Esprit du Loup :

– Tu serais gentil de regarder ta fille maintenant, pour ne pas venir encore me réveiller dès l'aube.

– Je voulais juste me rassurer... Savoir si tu n'avais besoin de rien, dit le chef d'un sourire timide pour sa défense.

– Je n'ai besoin de rien et surtout pas à l'aube ! N'oublie pas que c'est moi qui t'ai élevé ! Et pourquoi crois-tu donc que je vis loin du village ? C'est pour être tranquille !

Dans l'assemblée, un homme corpulent au sourire enfantin prend la parole :

– Esprit du Loup s'imagine que sa fille grandira d'un seul coup et qu'elle sera capable de pêcher les phoques dès la nouvelle saison.

– Ma fille est belle et, un jour, la tribu sera très fière d'elle. Parole de chef !

– En attendant, il faudrait tout de même choisir un prénom pour la petite, lance la nourrice.

– Ce soir, nous ferons notre choix, c'est promis ! dit Terra en direction de son mari.

– Je t'informerai demain à la première heure ! promet Esprit du Loup à la nourrice.

– Voilà un beau prétexte ! ironise l'homme corpulent.

– Je n'ai plus qu'à me dépêcher d'aller me coucher, dit la nourrice avec un soupir. Dites au revoir à votre fille avant qu'elle ne sombre dans le pays des rêves.

D'une démarche lente et gracieuse, Terra s'approche de son enfant pour lui souhaiter une douce nuit pendant qu'Esprit du Loup court pour embrasser sa fille avec un regard mouillé et empli de fierté.

– À demain, mon ange ! dit-il.

La nourrice enveloppe l'enfant dans une couverture et quitte la demeure du chef. Mais au lieu de s'éloigner tout de suite du village, elle s'arrête un instant et tend l'oreille. Depuis le dernier affrontement, la Sorcière Tourment est gardée prisonnière à l'autre bout du village.

Tous les soirs, à cette heure-ci, on entend le chant pétrifiant de la créature maléfique retentir à travers le pays des banquises. On ne comprend pas exactement le sens des paroles, cependant on devine la gravité de ces airs diaboliques. Mais ce soir, tout est calme.

– Trop calme ! Ce n'est pas normal, murmure la nourrice mal à l'aise.

Seul lui parvient le bruit provenant de la demeure d'Esprit du loup. Serrant l'enfant contre elle, la nourrice avance dans la rue déserte du village. Arrivée près de la prison, elle s'arrête et fixe avec inquiétude la fenêtre de la cellule où la Sorcière est enfermée. Quelques gardes sortent du bâtiment et la nourrice fait demi-tour en jetant un coup d'œil méfiant derrière elle.

Tapie dans le noir, derrière la fenêtre, la Sorcière Tourment a suivi toute la scène avec intérêt. Une fois le silence revenu, elle hèle un des gardes, du fond de sa cellule.

– Que veux-tu ? lui demande ce dernier.

– J'ai besoin de parler à Esprit du loup.

– Tu plaisantes ? Tu sais bien que ce n'est pas possible.

– Aide-moi et je te serai reconnaissante. Rien qu'une minute. Je te demande juste d'approcher et de m'écouter.

– N'y compte pas, reprend le garde. C'est peine perdue...

– Ah ! crie la Sorcière Tourment.

Le garde se précipite : la prisonnière gît sur le sol au milieu de la cellule. Il ouvre la porte, avance et se penche au-dessus de la Sorcière. À cet instant, elle se retourne et enserre de ses deux mains le cou du garde, jusqu'à l'étouffer.

– Avant de mourir, tu aurais pu m'aider gentiment ! dit-elle en regardant le garde mort à ses pieds.

Puis elle vérifie que le flacon à la couleur étrange, qu'elle porte accroché à son cou, est toujours là, bien à l'abri, dissimulé sous sa robe. Rassurée par sa présence, elle s'élance vers la salle des gardes où elle récupère sa cape noire ainsi que sa canne dont la couleur rappelle étrangement celle du flacon.

Elle suit le chemin qui mène à la maison d'Esprit du Loup. Elle avance d'un pas rythmé, presque mécanique, sans prêter la moindre attention à ce qui l'entoure. Elle pousse la porte d'entrée et pénètre dans la vaste demeure. Sur le seuil de la salle de réception, elle observe en silence les invités. Aucune émotion ni aucun battement de cils ne viennent troubler son visage impassible.

– Gardes ! crie Esprit du Loup dont le regard vient de croiser celui de la Sorcière.

Il bondit dans sa direction, mais d'un mouvement brusque, celle-ci pointe sa canne vers le jeune homme qui se retrouve stoppé net avant d'être projeté au loin. L'homme corpulent au sourire enfantin s'avance vers elle. Poussant un invraisemblable cri de rage et de haine, elle pointe à nouveau sa canne en proférant des paroles incompréhensibles : les pieds de l'homme quittent le sol et il vient heurter violemment le mur à l'autre bout de la pièce. S'emparant d'un couteau, Terra se lève mais avant même d'avoir pu s'approcher de la Sorcière, celle-ci l'arrête et l'oblige à lâcher le couteau.

Pendant tout ce temps, la Sorcière n'a pas bougé de sa place. Elle tourne son regard vers toutes les personnes présentes.

– Regardez et savourez bien la soirée, dit-elle en serrant fortement le flacon dans une main tandis que, de l'autre, elle s'appuie sur sa canne. Que croyez-vous ? Je viens d'un monde où les humains sont maudits. Vous n'êtes rien ! Rien !

Regardant Terra et le couteau tombé à ses pieds, la Sorcière tend la main en murmurant des mots qu'elle seule peut comprendre. Le couteau quitte le sol, s'élève dans les airs et vient se poster à côté de la Sorcière. Derrière elle, quelqu'un d'autre se prépare à passer à l'attaque.

– Vous m'avez offensée. Vous m'avez sous-estimée ! Vous avez osé vous en prendre à moi qui traversais les ténèbres. Vous ne valez pas plus que des animaux. Que ma rage brûle le village en vous transformant en bêtes !! rugit-elle en ordonnant au couteau de se planter dans le cœur de l'homme.

Elle se retourne et sort de la maison. Aucune émotion ne se lit sur son visage, son pas est pressé. Soudain, le tonnerre retentit et les éclairs frappent le sol. Les habitants essaient de s'enfuir. Tous courent dans tous les sens, mais la Sorcière au regard perçant, se déplace si rapidement que personne ne peut lui échapper. Tout en hurlant des paroles insensées, elle capture les habitants un par un et les transforme en dirigeant sa canne vers eux. En un rien de temps qui semble toutefois durer une éternité, certains sont changés en oiseaux et se mettent à pousser d'horribles cris, d'autres prennent l'apparence d'animaux marins et se dirigent aussitôt vers l'océan. La peur et la désolation se lisent sur le visage et dans le regard des membres de la tribu.

– Bien, dit-elle d'une voix sans émotion, en quittant le village. Il ne reste plus que l'enfant et la nourrice.

Quelques minutes plus tard, la nourrice serrant l'enfant dans ses bras arrive au bord de l'océan. Affolée, elle regarde autour d'elle :

– Aidez-moi, il faut sauver l'enfant. Quelqu'un peut-il m'entendre ? crie-t-elle.

Un manchot se jette à l'eau en faisant un bruit étrange comme s'il voulait dire : « Sauve le bébé ». Surprise mais ne voyant pas d'autre issue, la nourrice dépose l'enfant sur le dos de l'animal qui s'éloigne ensuite aussi vite que ses forces le lui permettent. Au large, un lion de mer, une licorne et un requin surgissent des flots et nagent en direction du manchot qui commence à s'épuiser. Le requin prend alors le relais en saisissant l'enfant dans sa gueule.

Arrivée au bord de l'océan, la Sorcière surprend la nourrice. Elle est particulièrement en colère et dirige sa canne vers la vieille femme en lui ordonnant de ne plus bouger.

– J'ai sauvé l'enfant, dit la vieille nourrice en souriant d'un air triomphant. Vous désirez ma mort ? Et bien, qu'attendez-vous ?

– Tu te trompes, lance la Sorcière. Tu dois vivre pour m'aider, dit-elle le flacon à la main. Tu vivras très longtemps !

L'orage continue de gronder, mêlant le bruit du tonnerre aux rires enragés de la Sorcière.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Juin 2013 à 08:04:38
La Fille des océans(suite)

II – Une venue miraculeuse

À des milliers de kilomètres du royaume des banquises. Ce matin, sur le port, tout est paisible. Partis en mer avant l'aube, les pêcheurs sont de retour. Au loin, sur la plage, une jeune femme se promène seule. En voyant le bateau de son époux à quai, elle agite la main. L'homme s'arrête un instant, lui sourit, puis poursuit le déchargement de l'embarcation. Depuis longtemps, le couple souhaite avoir un enfant. Mais hélas !

Le lendemain, dès l'aube comme à son habitude, le mari quitte la maison pour aller pêcher. Sur la plage, quelque chose se reflète sous le timide soleil du matin. Sa curiosité l'emportant, l'homme change de direction. Là, sous ses yeux, emmailloté maladroitement dans une couverture, un bébé dort profondément. Tout d'abord stupéfait de cette découverte, il serre avec bonheur l'enfant dans ses bras et décide de le ramener chez lui pour le présenter à son épouse.

– Jeanne, crie-t-il.

– Que se passe-t-il ?

– Un bébé, un bébé ! Je l'ai trouvé sur la plage.

– Oh ! Jean ! Quelle jolie petite fille ! s'exclame-t-elle sans quitter l'enfant des yeux.

Une fois la petite baignée, habillée, nourrie puis endormie, la jeune femme s'empresse d'avertir les habitants du village et des alentours. Mais personne ne sait d'où vient l'enfant, ni qui sont ses parents. La veille, la mer était bien calme : pas de naufrage, aucune empreinte de pas laissée sur le sable. Et c'est ainsi que le couple décide d'accueillir le bébé comme un don du ciel, et lui donne pour prénom : Daria.

Au fil des ans, Daria devient de plus en plus belle et intelligente. Cependant, elle éprouve une peur inexplicable face à l'océan. Elle reste ainsi des heures entières à le fixer, fascinée et effrayée à la fois. Comme tous les enfants de son âge, son père tente de lui apprendre à nager, mais elle a peur de l'eau.

– Il ne faut pas que je m'en approche, s'exclame-t-elle à chaque fois, d'une voix qui trahit l'affolement.

– Mais pourquoi ? l'interrogent ses parents.

– Je ne sais pas. Je sais simplement qu'il ne faut jamais que je m'en approche. Je vous en prie, ne m'y obligez pas, c'est dangereux ! insiste-t-elle.

La petite famille de pêcheurs mène une existence heureuse et très vite, les parents acceptent la décision de leur fille.

Ce matin, sur la plage, Daria joue avec Erwan, le fils d'un navigateur. Il fait beau. Les enfants s'amusent et se baignent. Elle est assise sur un rocher tandis qu' Erwan pêche des poissons et des crabes. Puis il décide de partir à la conquête du plus beau des coquillages pour le lui offrir.

– Tu feras attention au seau, prévient Erwan. Il ne faut pas que le crabe s'échappe.

– D'accord, le rassure-t-elle.

À peine le garçonnet a-t-il tourné le dos, qu'elle libère le crabe :

– Maintenant tu peux t'en aller. Allez, on se dépêche. Je n'ai pas toute la journée devant moi. Et la prochaine fois, tu feras plus attention.

De retour, Erwan lui offre un beau coquillage et se dirige vers le seau.

– C'est le plus beau que j'aie jamais eu, s'exclame Daria heureuse.

– Où est-il ? demande Erwan le seau vide à la main.

Elle hausse les épaules en essayant de trouver une réponse plausible.

– Pourquoi tu ne dis pas que tu l'as libéré ?! rétorque-t-il mécontent.

– Il était perdu et il me regardait ! Que ferais-tu si quelqu'un te mettait dans un seau ?!

– Mais il ne te regarde pas ! Ils ne peuvent pas te regarder.

– Il était prisonnier ! J'ai lu dans ses yeux qu'il me demandait de l'aide. Si seulement tu pouvais les comprendre !

Erwan pousse un profond soupir :

– Ça ne fait rien ! dit-il sans vraiment la croire.

– Je souhaite qu'un jour tu puisses les comprendre et même les entendre. Tu verrais qu'ils ont plein de choses amusantes à te raconter.

– Et lui, qu'avait-il de si intéressant à te dire pour que tu le libères ? renchérit Erwan.

– Il était prisonnier ! Et lorsqu'on est sur le point de perdre sa tête, on n'a pas le cœur à bavarder, répond-elle.

– En tout cas, je ne suis pas sûr de vouloir les entendre ! murmure-t-il.

Enthousiaste, Daria retrouve son sourire. Debout sur un rocher, les bras levés, elle se met à crier :

– Je suis Daria, la Princesse des océans, et je protégerai toutes les créatures magiques !

– Attention, hurle Erwan.

C'est la marée haute et l'eau progresse rapidement vers le rivage. Debout sur le rocher, Daria glisse et tombe dans l'océan. L'eau n'est pas profonde, mais prise de panique, la fillette perd le contrôle de ses mouvements. Le souffle coupé, entraînée par les vagues, elle s'enfonce vers les profondeurs. Erwan plonge à son secours et parvient à la ramener sur le rivage où il tente de la calmer. Quelques minutes plus tard, elle est assise sur le sable et essaie de reprendre sa respiration. Les larmes roulent sur ses joues. Les bras entourés autour de ses épaules, Erwan tente de la consoler :

– Ne t'inquiète pas. Demain, je te trouverai le plus joli coquillage du monde et tu pourras libérer tous les crabes du monde si tu veux. Ça m'est bien égal, si cela peut te rendre heureuse ! Et je te croirai même si tu dis qu'ils te parlent ! Allez, on s'en va. Je te ramène chez toi.

En s'éloignant de l'océan, il lui dit pour atténuer son chagrin :

– Tu sais, à chaque larme versée, c'est une étoile qui s'éteint !

– Ce n'est pas vrai, répond-elle en reniflant. Ce n'est pas une étoile qui meurt, c'est seulement qu'elle perd sa lumière.

– Mais si une étoile perd sa lumière, elle meurt, c'est obligé ! Je ne vois vraiment pas pourquoi elle...

– Mais parce que c'est comme ça ! Une étoile perd seulement sa lumière, et non la vie. Tout le monde sait ça.

– Et moi je te dis qu'elle meurt ! insiste-t-il.

– Et moi je te dis que non ! s'exclame-t-elle.

– Dis tout de suite que je n'ai pas raison !!

– Non seulement tu n'as pas raison, mais en plus tu as tort ! Une étoile ne meurt pas mais perd la lumière qui brillait dans son cœur, alors c'est difficile pour nous de la distinguer ! dit-elle. Tu racontes vraiment n'importe quoi !

Et ils éclatent de rire.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Juin 2013 à 08:10:14
La Fille des océans(suite)

III – Un présent empoisonné

Quelques années plus tard, Daria est devenue une jeune fille ravissante qui aime faire de longues promenades sur la plage en compagnie de sa mère et qui court toujours joyeusement à la rencontre de son père quand il rentre au port.

Ce matin, Daria flâne sur le quai. Erwan, le jeune navigateur, vient d'achever une longue traversée après trois ans d'absence. De chacun de ses voyages, il rapporte des nouveautés des pays lointains et aussi quelques merveilles de l'océan.

– Bonjour, s'exclame la jeune fille.

– Bonjour ! répond-il d'un air indifférent, occupé à rassembler ses bagages sur le quai.

– Je peux vous aider ?

– Non, merci, dit-il en retournant sur son bateau.

– Alors, puis-je savoir ce que tu m'as rapporté cette fois-ci ?

– Daria ! Tu aurais pu me dire que c'était toi !

Il descend en hâte du bateau.

– Et le reste des bagages ? dit-elle.

– Ce n'est pas important, je voudrais te montrer la plus précieuse de toutes mes découvertes, dit le jeune homme en sortant de sa poche un collier orné d'une perle à la couleur étrange. Lors de ma dernière escale, un vieux bijoutier a réussi à la sertir. Je lui ai dit que c'était pour la plus adorable jeune fille que je connaisse.

Plein d'enthousiasme, le jeune navigateur propose à Daria de l'aider à attacher le bijou autour de son cou. Intriguée, la jeune fille fixe la perle.

– Je crois que je ne devrais pas la porter, s'exclame-t-elle réticente.

– Je t'en prie, dit-il en suspendant le collier au cou de la jeune fille.

Serrant la perle dans sa main, elle tourne la tête vers le jeune homme, puis la penche en arrière.

Au même moment, un silence inquiétant envahit le port. Le ciel perd sa clarté et se colore du gris le plus sombre. Le vent se lève sur la mer, les vagues remontent vers la terre et bientôt, une tempête se déchaîne. Sous le ciel assombri et menaçant, un chemin de glace, qui s'étend jusqu'à l'horizon, s'ouvre devant Daria. Les vagues immenses s'élèvent au-dessus du chemin de glace pour former un tunnel dont on ne voit pas la fin. Des forces invisibles y attirent la jeune fille dont la main serre encore la perle suspendue à son cou. Erwan essaie de la retenir, mais c'est trop tard : Daria disparaît. Effrayés, les habitants regardent la scène sans pouvoir intervenir.

Le jeune navigateur s'élance vers son bateau et sans savoir où chercher la jeune fille, il reprend la mer en suivant la voie de glace qui s'estompe rapidement en direction du grand nord.

Après avoir affronté d'effroyables intempéries durant des jours et des jours de navigation, c'est maintenant l'imposant silence qui inquiète le jeune navigateur : pas un souffle d'air, pas un seul poisson, ni même quelque autre signe de vie. Quelques jours plus tard, des centaines de poissons électriques encerclent le navire, la boussole s'affole et dans la nuit, Erwan essaie d'empêcher le naufrage du bateau pris dans une tempête soudaine. Les jours suivants, la mer est plus calme. Entouré par une bande de dauphins, le navire avance aisément en effleurant la surface de l'eau tout comme s'il volait. Un matin, alors que sa réserve de vivres est presque épuisée, Erwan trouve sur le pont du bateau des algues qui lui permettent de calmer sa faim.

À l'approche des eaux glaciales du nord, les dauphins désertent le lieu et les ours polaires, juchés sur des blocs de glaces, accompagnent le bateau du regard. La méfiance qu'Erwan éprouvait au départ cède la place à la curiosité. Il observe désormais les événements d'un œil intrigué :

– J'ai l'impression d'être pris dans un filet invisible et accompagné par toute une escorte, murmure-t-il, debout sur le pont du bateau.

– C'est le comité d'accueil !

– Oui, c'est exact ! Vous m'ôtez les mots de la bouche, confirme le jeune homme.

Revenant soudain à la réalité, il vérifie autour de lui. Hébété, les mains sur les hanches, il s'exclame :

– Voilà que je parle tout seul maintenant ! Pourtant j'ai bien entendu ! Ce n'est pas moi qui ai parlé de "comité d'accueil". Mais, à part moi, il n'y a personne sur ce bateau, continue le jeune homme en se grattant la tête. Il ne faut plus que je parle tout seul.

Tout à coup, il entend une conversation :

– On dirait qu'il a besoin de temps pour comprendre ! Je ne suis pas très sûr qu'il soit très intelligent.

– Mais on n'a pas le temps ! Il faut tout lui raconter avant qu'il ne se croit fou, rétorque une deuxième voix.

– Tu sais bien que nous n'y sommes pas autorisés. Si quelqu'un est capable de nous entendre, il doit agir sagement au lieu de dire des absurdités, s'exclame la première voix.

Erwan parcourt son bateau d'un bout à l'autre. Juste derrière la cabine de commande, il aperçoit un manchot allongé sur le pont et un albatros perché en haut du mât. Il attrape le manchot :

– Alors, un passager clandestin ? Désolé de vous interrompre en pleine discussion ! Je ne rêvais pas et je ne suis pas fou : c'est vous qui parliez ! Je vous ai entendus. Et toi, Manchot, comment es-tu monté sur le bateau ? Tu as intérêt à me dire la vérité si tu ne veux pas que je te découpe en morceaux ! Alors... J'attends...

Le silence s'installe ! Découragé, Erwan poursuit :

– Je parle à un manchot et en plus, je lui demande d'arrêter de discuter avec un albatros. Pauvre manchot ! J'espère que tu n'as pas cru un seul mot de ce que j'ai dit. Peut-être qu'après tout, c'est mon imagination ! Il faut pardonner à un homme désespéré, épuisé et qui, par-dessus de tout, meurt de faim ... Je ne sais plus où j'en suis, sinon que je dois retrouver la fille que j'aime.

Le manchot tourne la tête pour observer cette créature étrange et se déplace en laissant quelques crottes.

– Ce n'est pas très élégant ! s'exclame Erwan en riant. Mais je te pardonne pour te montrer ma bonne foi. ... Tu sais, la jeune fille dont je t'ai parlé disait qu'elle pouvait comprendre les créatures marines et me le souhaitait également. Mais elle ne parlait sûrement pas de toi ! Qu'est-ce que t'en dis ? Tu es d'accord avec moi ?

Tout d'un coup, le manchot se redresse comme un manche à balai :

– Esprit du Loup ! Que fais-tu ici, chef ? dit-il.

– Te voilà décidé à parler ! s'exclame le navigateur qui retrouve subitement la forme et se sent bizarrement l'âme d'un grand chef. Il poursuit :

– Esprit du loup ! Personne ne m'a jamais appelé ainsi, mais j'avoue que ça me plaît ! Je savais que je ne m'étais pas trompé, c'est bien vous qui parliez !

Il avance vers le manchot qui ne bouge pas d'un millimètre et reste au garde-à-vous. Arrivé tout près de l'animal, il tend l'oreille :

– On n'ose plus parler ? Erwan, Esprit du loup, attend !!!

– Tiens-toi correctement, rouspète le manchot. Et ce n'est pas toi Esprit du Loup. Décidément, tu ne fais rien comme il faut.

Par cette belle journée ensoleillée, une ombre vient progressivement couvrir le bateau et le navigateur sent dans son dos une présence. Il se retourne lentement.

Tout près du navire, un lion de mer et une licorne se tiennent assis sur le dos d'une baleine, et une armée de requins commence à tourner autour de l'embarcation, tandis que d'autres créatures marines s'approchent en volant ou en nageant.

Le manchot s'avance et salue le lion de mer :

– Bonjour, Esprit du Loup, dit-il. Je ne savais pas que tu viendrais...

– Voici, le traître ! grogne un requin en montrant le jeune navigateur. C'est lui qui a offert la perle à la Fille des océans. Je demande au chef la permission de déchiqueter ce moussaillon sur le champ.

Le manchot intervient précipitamment :

– Attendez. S'il voulait du mal à la fille du chef, il ne serait pas parti à sa recherche. Comme toujours, le requin s'emporte !

– Quel charabia ! rétorque le requin. Je demande au chef de ne plus écouter ce pingouin qui sort de l'école du cirque ! Se tournant vers le manchot, il poursuit : ce n'est pas ma méfiance qui nous a conduit à cette situation mais la naïveté de personnes dans ton genre.

C'est alors qu'un gros poisson sort la tête de l'eau : – Ce n'est pas le moment de vous quereller ! fait-il remarquer avant de replonger.

Le manchot et le requin se toisent d'un air mauvais.

– Qu'avez-vous à dire pour votre défense ? demande le lion de mer à l'attention du navigateur.

– Pour le savoir, il faudrait d'abord que quelqu'un m'explique ce qui se passe ici. Et j'aimerais bien savoir depuis quand les poissons parlent ?

Furieux, le requin ouvre sa gueule. Assise sur la tête d'un dauphin qui n'a pas encore déserté les eaux froides du nord, une étoile de mer s'exclame l'air offensé :

– Nous, des poissons ! Je ne vous permets pas ! Non mais, on entend de ces choses !

– Maman ! Il nous insulte ! Il dit que nous sommes des poissons ! pleurniche un poisson pas plus gros qu'une sardine.

– Julien ! lui lance un énorme poisson qui semble être sa mère.

– Et tu es un poisson..., poursuit le navigateur qui n'a toutefois pas le temps de finir sa phrase.

– Attention à ce que vous dites ! l'interrompt la mère, tout en lui montrant ses dents bien pointues.

Hostiles, tous les regards se tournent vers le jeune navigateur.

– Ne profitez pas de mon indulgence, jeune homme ! ajoute le lion de mer. Même si je dois reconnaître que les circonstances sont inhabituelles !

– Désolé. En fait, j'allais dire qu'il s'agissait de poissons exceptionnels, dotés de la parole, précise le jeune navigateur avant de continuer : pour empêcher tout malentendu ou tout acte précipité, il vaudrait peut-être mieux qu'on discute. Moi, je suis ici à la recherche d'une jeune fille ! Ravi de vous connaître ! dit-il en inclinant la tête devant les poissons et le lion de mer.

– Qui est cette jeune fille ? Parlez-nous d'elle, racontez-nous, supplie la licorne.

Erwan se met alors à parler du pêcheur et de sa femme, de l'enfant trouvé sur la plage et du prénom choisi par le couple.

– Daria disait qu'elle comprenait les animaux marins mais qu'elle éprouvait une peur inexplicable face à l'océan...

– Daria, répète la licorne, perdue dans ses pensées, sur un ton malheureux et angoissé à la fois.

– Daria signifie la mer, explique le jeune navigateur. Pour le couple de pêcheurs, Daria était un joli prénom pour désigner une fille venant de l'océan et vivant au bord de l'eau.

Toujours dans ses pensées mais soudain apaisée, la licorne poursuit : – Ils ont pris soin d'elle. Ils l'ont aimée.

Erwan parle longuement de Daria, de la joie et des discussions qu'ils partageaient, de ses parents et de la vie paisible qu'ils menaient. Il raconte son voyage, en évoquant la perle qu'il a offerte à la jeune fille.

Le lion de mer prend la parole :

– Cette jeune fille est la dernière survivante du peuple de la banquise. Nous l'avons nommée la Fille des océans car nous avons dû traverser tous les océans avant de pouvoir trouver un endroit paisible où elle serait en sûreté. Je suis Esprit du Loup, le père de cette jeune fille, et voici sa mère, s'exclame-t-il en montrant la licorne. À une époque, nous étions des êtres humains et nous vivions heureux. Mais notre véritable histoire a commencé le matin où une jeune femme de la tribu a disparu. Nous l'avons cherchée partout, mais en vain ! Quelques années plus tard, elle est réapparue sans aucune explication. On racontait que pendant les premiers mois de sa longue absence, elle avait laissé les esprits diaboliques lui confier de terribles secrets afin de pouvoir survivre dans le froid et dans les saisons sombres. Par la suite, il lui avait fallu voyager en nourrissant les mauvais esprits qui faisaient désormais partie d'elle. Elle était devenue une horrible créature rongée par l'esprit du Mal. Certains membres de notre tribu souhaitaient qu'elle reste à nos côtés, tandis que d'autres, qui la nommaient Sorcière Tourment, voulaient la chasser. Nous devions en discuter et rendre notre décision finale, quand elle nous a attaqués, aidée par quelques-uns. Après un long combat, nous avons réussi à l'emprisonner, jusqu'au jour où les gardes ont relâché leur surveillance alors que la tribu fêtait la naissance de notre fille bien aimée.

La voix pleine de regrets, Esprit du Loup poursuit :

– Pendant que nous discutions, la Sorcière nous a surpris et nous a transformés en animaux. Fort heureusement, la nourrice a réussi à s'enfuir à temps avec l'enfant. Et à dater de ce jour, le monstre s'est mis à sillonner la terre pour retrouver la Fille des océans.


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Juin 2013 à 08:11:42
La Fille des océans(suite et fin)

– Je ne comprends pas ! dit Erwan. La jeune fille que je cherche a disparu juste après que je lui ai offert une perle...

– C'est précisément par l'intermédiaire de la perle que la Sorcière exerce son pouvoir sur la Fille des océans. Lorsque ce monstre a réussi à capturer la nourrice, le pire des châtiments l'attendait. Il l'a emprisonnée à l'intérieur de la perle afin de retrouver l'enfant et de la supprimer pour achever son œuvre. Mais le monstre a vite compris qu'il était préférable de garder l'enfant en vie. La Fille des océans était capable de comprendre le langage d'autres créatures vivantes et la Sorcière a donc décidé de profiter de son pouvoir. Sous l'emprise de ce monstre, Daria connaît maintenant les secrets des deux mondes et bientôt, le premier sera sacrifié au profit d'un monde de désolation et de dévastation, c'est-à-dire l'univers de Sorcière ! Atterré, Erwan les observe :

– Et pourquoi personne ne se décide à sauver Daria ? demande-t-il.

– Ce n'est pas si simple, explique la Licorne. Beaucoup d'entre nous ne peuvent quitter le milieu aquatique et bon nombre ne sont pas assez forts pour affronter ce monstre. Sans une véritable armée, nous sommes impuissants.

– Savez-vous où le monstre la retient prisonnière ?

– Au pays des banquises.

– Conduisez-moi là-bas et tenez-vous prêts, demande le jeune navigateur.

– J'ai bien peur qu'il ne soit trop tard ! dit le manchot, l'air profondément malheureux. Une fois, j'ai pu m'approcher de la Fille des océans : elle est sous l'emprise du monstre et ne peut s'exprimer.

– Le cœur peut comprendre ce que la langue a du mal à dire ! dit Erwan. Quant à vous, vous vous trompez : ce monstre a peut-être réussi à vous transformer, mais vous avez oublié que vous êtes toujours là, bien vivants, et que votre force est intacte, si ce n'est que vous êtes plus forts.

Le requin, toujours aussi sceptique à l'égard du jeune homme, met le lion de mer et la licorne en garde :

– Nous ne devons pas lui faire confiance, dit-il.

– Et que proposes-tu pour la sauver ? réplique le manchot. Il est notre dernière chance à tous.

Erwan regarde le lion de mer et la licorne :

– Je suis venu pour elle !

– Nous devons lui faire confiance, dit la licorne.

– J'accepte, annonce le lion de mer.

– Et moi, j'ai un œil sur lui, grogne le requin.

IV – Une fille au grand pouvoir

Arrivé au pays des banquises en compagnie du manchot, Erwan se dirige tout droit vers une demeure de glace juchée sur une hauteur qui domine l'océan.

– Et si tu te montrais un peu plus discret ? lui suggère le manchot.

– Ce n'est pas la peine, répond le jeune homme. La Sorcière sait que je suis là et elle doit croire que je n'ai peur de rien.

– Parce que ce n'est pas le cas ? demande le manchot brutalement stoppé dans sa course comme si la foudre venait de le frapper de plein fouet.

– Pour Daria, je serais prêt à tout, dit le navigateur qui continue sur ses pas.

Après un soupir de soulagement, le manchot s'exclame :

– C'est ce que j'espérais entendre ! Voilà qui est mieux ! Des paroles douces et rassurantes qui me réchauffent le cœur. J'ai beau être un manchot, je n'en ai pas moins un cœur et je préfère éviter les surprises de ce genre ! ... Je le savais. J'étais convaincu que tu étais un garçon courageux, peut-être pas très intelligent mais courageux.

– Merci pour le compliment ! Je me sens beaucoup mieux et surtout rassuré pour affronter le monstre ! murmure-t-il.

Imperturbable, le manchot continue :

– C'est pour cela que la Fille des océans t'a choisi et que tu peux comprendre notre langage. Dès que je t'ai vu, j'ai su que nous pourrions compter sur toi !

Erwan l'observe, étonné de tant de louanges.

Au pays des banquises, tout paraît paisible. Il est presque minuit et le soleil illumine encore le ciel. La neige recouvre le paysage, les flocons se reflètent dans les rayons du soleil comme si un tapis de diamants s'était déposé sur le sol.

« Il a raison, murmure le jeune navigateur. Je ne réussirai pas si je ne rassemble pas tout mon courage. La situation est alarmante et sera un échec si je laisse le moindre sentiment de peur ou de doute m'envahir. »

Il respire profondément et précipite ses pas.

Au loin, la grande demeure se dresse au milieu d'un paysage de glace. Avec ses grandes tours et ses portes en arc, il est difficile de ne pas la voir. Les aventuriers s'approchent de ce château à l'architecture étonnante.

– C'est le manoir de la Sorcière Tourment, souffle le manchot.

– Jolie demeure habitée par un monstre...

Erwan pousse la porte du manoir et gravit les marches de marbre noir. Le lieu est spacieux et chaque pièce est éclairée par une cheminée ou une vieille lampe à pétrole. Ici, la lumière naturelle est bannie et des instruments de magie envahissent les étagères qui couvrent les murs.

Au fond, un escalier plongé dans le noir mène à l'étage supérieur. Erwan monte les premières marches et tend l'oreille. Du haut de l'escalier lui parviennent des murmures étouffés. Prudemment, il revient sur ses pas et se dirige vers une large porte sous laquelle filtre une lumière. La poignée métallique de la porte a la forme d'une tête de monstre. Erwan pose la main sur le métal luisant et froid, et pénètre dans la pièce.

Daria, la Fille des océans, est assise au fond de la pièce, près d'une cheminée. Éblouie, elle regarde fixement devant elle. Erwan s'approche. Dans la lueur des yeux figés de la jeune fille, le passé surgit : les deux enfants jouent au bord de la mer et Daria se tient debout sur le rocher. Soudain, les images s'estompent. Les yeux encore rivés sur ceux de la jeune fille, le navigateur sent une forte présence dans son dos. Il se retourne. Là, tapie dans l'ombre, la Sorcière Tourment les observe en silence de son regard glacial. Ses cheveux raides rejetés en arrière retombent sur ses épaules où ils se dessinent des reflets rouges. Son visage sans rides et aux traits durs est livide et ne trahit aucune émotion, ses sourcils sont fins et blancs, ses yeux éteints. Une longue robe de velours noire souligne la maigreur de sa silhouette. La Sorcière s'appuie sur une canne dont la couleur étrange rappelle la perle que le jeune homme avait offerte à Daria.

Soudain, la Sorcière se redresse.

– Quel courage ! s'exclame-t-elle. Tu n'as donc pas peur face à moi ? J'avoue que je ne m'attendais pas à te voir ici et cela n'a plus aucune importance. Quant à la Fille des océans, tu arrives trop tard pour la sauver. Il n'y a plus rien à espérer. Son regard captif projette les événements qui se sont déroulés ces dernières années. Pour l'instant, elle se bat, elle a encore ses souvenirs, mais une fois qu'elle aura vu défiler tous les événements passés, elle sera à moi. Elle acceptera ce merveilleux pouvoir et le partagera volontiers avec moi.

Elle s'avance vers la jeune fille. Au même instant, les images du royaume et du retour de la Sorcière dans sa tribu défilent dans les yeux de Daria.

– Qui êtes-vous réellement ? Quel genre de monstre se cache en vous ? demande Erwan.

– Quelle importance ? Pour les uns, je ne suis qu'une effroyable Sorcière, pour d'autres une terrible erreur de la nature et certain pensent même que je suis une absurdité. Mais moi, je suis plus importante que tout ce que vous pouvez imaginer. Je suis la force du mal et elle, elle sera à moi, clame-t-elle d'une voix qui monte du fond de sa gorge.

Dans les yeux de la Sorcière se reflète la lueur des flammes et son visage devient haineux et impitoyable.

– Ainsi nous serons, elle et moi, liées pour l'éternité. Sur ce, je vous laisse, conclut-elle.

Erwan regarde Daria. Dans ses yeux se déroule l'affrontement entre les habitants du royaume et la créature maléfique. Peu à peu, les images se brouillent, la Sorcière passe à l'attaque et transforme les êtres humains en animaux. Ils tentent désespérément de prendre la fuite mais elle parvient à les capturer l'un après l'autre. Puis, elle se lance à la recherche des deux dernières personnes : l'enfant et la nourrice.

Pendant des heures, Erwan reste à côté de la jeune fille qui a toujours le regard fixé devant elle. Il essaie de la faire bouger mais ses mains sont agrippées à la chaise. Il lui parle du port où ils ont grandi, des belles journées ensoleillées, de ses parents, et aussi de sa rencontre avec la licorne, le manchot et tous les autres qui l'attendent. Mais son récit ne provoque aucune réaction chez la jeune fille. Peu à peu, le visage de la Sorcière apparaît dans son regard.

En colère, Erwan essaie de la faire réagir :

– Tu obéis à un monstre ! Tu ne sais pas ce que tu es en train de faire... Bientôt, tu seras comme elle, aussi cruelle, vide de toute notion de vie. Je t'en prie, il faut arrêter. Il y a sûrement quelque chose à faire. Il y a toujours quelque chose à faire tant que nous sommes vivants, reprend-t-il, il y a toujours moyen d'agir !

Désespéré, il s'exclame :

– Je vois sur ce beau visage le même regard triste qu'il y a dix ans lorsque tu es tombée dans l'eau.

Agenouillé devant elle, il demande :

– Aide-moi. Dis-moi : que dois-je faire ?

Soudain, dans le regard de la jeune fille, le passé surgit : elle est tombée dans l'eau... elle pleure et le garçonnet l'a ramenée chez elle auprès de ses parents...

« ... Dis tout de suite que je n'ai pas raison !! »

« Non seulement tu n'as pas raison, mais en plus tu as tort ! Une étoile ne meurt pas mais perd la lumière qui brillait dans son cœur, alors c'est difficile pour nous de la distinguer ! dit-elle. Tu racontes vraiment n'importe quoi ! »

Et ils éclatent de rire. D'un air interrogatif et perplexe, le jeune navigateur s'approche d'elle :

– Tu m'entends ? Tu m'entendais, n'est-ce pas ?! dit-il. Depuis le début, tu m'entendais et tu essayais de m'avertir. C'est moi qui ne comprenais pas...Raconte-moi tout ce que tu sais à propos de la Sorcière ! Dis-moi, de quoi a-t-elle peur ? demande Erwan.

Dans le regard de la jeune fille apparaît alors la neige. Tout est blanc et les habitants fêtent la naissance de la Fille des océans. À l'écart de tous surgit l'image de l'enfant et de sa nourrice. Celle-ci est en train de préparer le dîner quand elle est surprise par la Sorcière. De peur, elle lui jette au visage ce qu'elle a dans la main. Pendant que la Sorcière hurle de douleur, la nourrice en profite pour s'enfuir avec l'enfant. Serrant le bébé dans ses bras, elle réussit à gagner le rivage où elle confie l'enfant à un manchot qui s'éloigne aussitôt. La Fille des océans vient d'échapper à la Sorcière. Restée au bord de l'océan, la nourrice, impuissante, regarde la Sorcière s'approcher d'elle pour la capturer. Il n'y a aucune issue possible.

– Certes, ils ont changé d'apparence, mais ils étaient toujours là, prêts à défendre leur royaume et à te protéger, murmure Erwan.

Après avoir marché de long en large dans la grande salle, il revient vers elle.

– La Sorcière et toi, vous partagez le même pouvoir, tu es donc aussi forte qu'elle ! Nous devons profiter de cette force ! Maintenant, écoute-moi, dit Erwan. Tu peux réaliser mes souhaits ! Et je souhaite qu'à mon signal, la glace se transforme, qu'elle devienne aussi aiguisée que des dents de requin et qu'elle recouvre le sol du royaume, empêchant ainsi toute force du mal de s'y aventurer. Je souhaite que tous les animaux vivant dans l'eau, sur la terre ou dans les airs redeviennent des soldats du royaume. Je souhaite que la neige efface le mal et redonne la vie à ceux qui l'ont toujours aimée.

V – Les soldats du royaume

Erwan sort du manoir et revient avec des poignées de neige pour rafraîchir le visage de la jeune fille.

Au même moment, la Sorcière réapparaît brusquement.

– Et tu crois qu'avec une poignée de neige, tu pourras la sauver ? clame-t-elle.

– Non. Mais j'ai aussi quelque chose pour vous, dit-il en sortant de sa poche une poignée de poudre blanche.

Sans la quitter des yeux, le navigateur s'avance vers la Sorcière.

– Ah, ah ! ricane-t-elle, et tu crois aussi pouvoir me combattre avec une poignée de neige ?

– Non, malheureusement aucune force de vie ne peut vous atteindre. Vous êtes le mal et je sais que vos pouvoirs dépassent l'imagination. Vous détruisez toute vie sur votre passage. Racontez-moi, ce qu'il en est lorsque vous capturez vos victimes. Et si je vous aidais à vous remémorer tous ces instants magiques ? conclut le jeune homme en lui jetant une poignée de sel en plein visage.

– À moi ! crie la Sorcière.

Une fois la Sorcière à terre, la jeune fille tente de se relever. Mais ses genoux vacillent et elle articule encore avec peine :

– Ssss'il teee plaiiit, bégaye-t-elle.

– Appuie-toi sur moi, dit-il en l'aidant à se relever.

Enfin debout, elle arrache le collier qui pendait encore à son cou. Ils quittent le manoir. Au pays des banquises, le sol se fend, faisant surgir des aiguilles de glace. Impossible pour la force du mal de traverser ce paysage sans se blesser gravement. En revanche, sous les pas de la jeune fille et du navigateur, les aiguilles rentrent sous terre et le sol redevient inoffensif.

Malgré ses blessures, la Sorcière continue à poursuivre les deux fugitifs. À proximité du manoir, les manchots sont là, au premier rang, pour empêcher le monstre d'avancer.

– Ravi de te connaître Daria, dit le manchot.

– Également ! s'exclame la jeune fille.

Soudain, un couple d'albatros qui volait haut dans le ciel plonge vers la terre en direction de Daria et d'Erwan. Les deux oiseaux attrapent avec précaution les deux jeunes gens, puis les soulèvent du sol pour les emmener loin dans les airs, hors de portée de la Sorcière. En véritables soldats de l'air, fulmars, pétrels et mouettes blanches s'organisent en une escadrille aérienne. Au sol, par dizaines, les ours polaires prennent le relais jusqu'au bord de l'eau, mettant tout en œuvre pour empêcher la Sorcière d'approcher.

– Elle est coriace ! lance Erwan qui, jette un coup d'œil par-dessus son épaule et voit que la Sorcière est toujours à leurs trousses.

– Elle veut la perle ! crie la jeune fille. L'esprit du Mal est préservé au cœur de la perle !

– Alors il ne faut pas qu'elle la récupère, dit-il.

– Très bon raisonnement ! répond la jeune fille ironiquement. Tout à l'heure, je commençais à désespérer. Je me disais que tu ne comprendrais jamais !

– Désolé ! crie Erwan.

Sur les falaises au bord de l'océan, le lion de mer, la licorne et tous les autres se préparent à affronter la Sorcière. Erwan demande à Daria de lui remettre la perle et la lance dans la direction de la licorne. D'un coup sec, celle-ci brise la perle, libérant ainsi la nourrice qui tient fermement un flacon entre ses mains. Mais secouée de sanglots, la pauvre femme laisse échapper l'objet qui tombe dans l'océan.

– Le flacon ! Il faut le récupérer, hurle Daria sur le dos de l'albatros. C'est le seul moyen de vaincre la Sorcière !

Elle ordonne à l'oiseau de se rapprocher de l'endroit où l'objet vient de disparaître. La jeune fille plonge dans l'eau glaciale, suivie de près par le jeune navigateur. Lancés à la recherche du flacon, ils s'éloignent du rivage où une épaisse couche de glace commence à se former, recouvrant progressivement la surface de l'eau.

– Dépêchez-vous avant que le courant les emporte et qu'ils périssent, ordonne le lion de mer en envoyant son armée à la rescousse.

Le manchot qui vient d'arriver au bord de l'océan se jette à l'eau, mais il s'éloigne en sens inverse.

Pendant ce temps, Daria et Erwan continuent de progresser dans les profondeurs sous-marines. Ils retrouvent enfin le flacon et remontent vers la surface mais une mauvaise surprise les attend : impossible d'accéder à l'air libre car l'océan est recouvert d'une couche de glace. A la surface, la licorne donne des coups avec sa tête pour tenter de briser la glace. De son côté, le requin qui a trouvé une fissure sort la tête de l'eau. Les autres animaux se précipitent alors vers la brèche et plongent sous la glace pour ramener Daria et le jeune navigateur à l'air libre.

À cet instant, la Sorcière réapparaît.

– Cette fois-ci, c'est la mort qui vous attend, dit-elle à la licorne. Je n'ai plus besoin de perle pour capturer ou ensorceler celle qui a pu m'échapper jusque-là. La voilà morte et le même sort vous attend.

Les bras levés, la Sorcière déclame :

– Pour que la mort puisse m'entendre et qu'elle remplace la malédiction pour ce qui ... Brusquement un craquement sourd se fait entendre sous les pieds de la Sorcière qui tombe à genoux. La glace se brise et les deux jeunes gens surgissent. Daria tient le flacon.

– Vous cherchez quelque chose ? ironise Erwan en s'adressant à la Sorcière. Vous êtes vraiment lamentable !

La jeune fille s'avance :

– Il est temps que vous goûtiez à cette potion que vous avez soigneusement concoctée pour les autres, dit-elle.

– Et vous allez mourir avec moi ! Tu le sais, s'exclame la Sorcière Tourment. Si tu le brises, vous mourrez tous avec moi et si tu le gardes, il te tuera, il vous tuera tous. Tu es trop fragile ! Les premiers à me soutenir ont aussi été les premiers à mourir parce qu'ils ne pouvaient supporter ce magnifique don. Seul quelqu'un comme moi peut en avoir la garde. Alors, sois gentille et donne-le-moi. En échange, j'épargnerai peut-être la vie des tiens.

– Dans ce cas, je préfère que tu meures, répond la jeune fille calmement. Je n'ai aucune confiance en tes paroles.

Pendant ce temps, le manchot a saisi les commandes du bateau et se dirige vers eux. La jeune fille regardant au loin se retourne vers les animaux marins :

– Je souhaite que la vie reprenne son cours là où la malédiction a commencé et que le mal ne revienne plus jamais !! clame-t-elle en jetant le flacon sur la Sorcière.

– Non ! hurle cette dernière, avant de disparaître dans une sombre et épaisse fumée et d'éclater en milliers de bouts de verre noirs qui s'éparpillent sur la glace. S'incrustant dans la surface gelée, ils la fendent aussitôt à une vitesse folle.

– Courons avant que la Sorcière ne nous emporte avec elle ! ordonne le lion de mer en hurlant.

– Même en mourant, elle reste mauvaise ! bougonne le requin qui n'avait jamais nagé aussi vite de sa vie.

– Par ici, hurle le manchot posté à l'avant du bateau qui s'approche.

Tout le monde se jette à l'eau et nage en hâte vers le navire.

Après la disparition de la Sorcière, les habitants retrouvent leur apparence humaine. Sauf le manchot qui lui était vraiment un manchot !

– Il est encore temps de changer d'avis si tu le désires ! lui dit Daria.

– Si c'est le seul moyen de rester membre de la tribu ! s'exclame le manchot.

– Bien sûr que non, répond le chef.

– Alors je préfère rester un manchot.

Le lendemain, Daria et Erwan repartent vers le petit port. Tous les habitants de la banquise sont du voyage. Là-bas, ils rencontreront le couple de pêcheurs et, tous ensemble, ils participeront au mariage de Daria, la Fille des océans, et Erwan, le navigateur.

Fin

FIROUZEH EPHREME
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Juin 2013 à 08:30:12
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La petite pomme

Il était une fois des pommiers sauvages qui poussaient sur une vaste terre. À l'extrémité du pays, près du sommet d'une colline, vivait le plus grand de ces pommiers, âgé de trois cents ans. Chaque année, des centaines de visiteurs venaient l'admirer. C'était un tableau vivant plein de vigueur, de beauté et d'allure, et qui forçait le respect des hommes.

Au printemps, ses branches s'emplissaient de fleurs, et durant l'été, le pommier sauvage offrait les meilleures pommes à ceux qui habitaient à proximité ou venaient de loin. Alourdies par le poids des fruits, les branches de l'arbre penchaient vers le sol. On aurait dit un être humain richement habillé, magistral et posé.

Cette année-là, les petites pommes étaient nombreuses à pousser dans le feuillage et sur les branches, et le pommier sauvage les chérissait. Un jour, l'arbre entendit les pommes discuter entre elles.

« Quand je serai grande, j'irai vivre dans un royaume merveilleux qui s'appelle bocal, posé sur une haute étagère de bois, et orné d'une jolie étiquette. J'en ai tellement entendu parler, raconta une pomme de couleur rouge, d'un air rêveur. – Fais gaffe, la sélection est rigoureuse, ironisa sa voisine.

– On dit : "Fais attention", lui rappela l'arbre.

– Tu dois être au top ! poursuivit une autre pomme.

– Ne t'inquiète pas. C'est comme tout. Il existe des catégories, mais rien n'est impossible pour moi ! Reprit la pomme aux traits rouges, sur un ton assuré.

– Moi, j'irai loin, et je serai un pommier, s'exclama une pomme minuscule.

– Moi aussi, je serai un arbre, mais je resterai ici pour devenir un pommier sauvage ! s'exclama sa sœur. Est-ce que je pourrai rester avec toi ? demanda-t-elle d'une toute petite voix à l'arbre.

– Bien sûr, j'en serai très heureux ! répondit ce dernier.

– Mais de quoi parlez-vous ? Que vous soyez une pomme ou un arbre, ce n'est que le cycle de la vie qui se perpétue. Pour l'instant, moi, je suis heureuse d'être une pomme ! » lança une pomme, qui fut aussitôt applaudie par ses consœurs.

Pendant ce temps, une petite pomme située tout en haut de l'arbre se balançait. Elle avait une vue imprenable sur le pays, et était la première à sentir les rayons du soleil sur sa peau chaque matin. L'arbre l'aimait beaucoup.

« Qu'est-ce que tu fais ? l'interrogea l'arbre. – Je veux descendre.

– Ce n'est pas le moment !

– C'est quand ? Je n'ai plus envie d'attendre ! grogna la petite pomme.

– Tu es encore trop jeune. Il faut attendre le soleil d'été.

– À quoi me servirait-il ?

– À mûrir. À devenir une belle pomme croquante, sans parasites ni maladies, d'où l'importance du soleil d'été, et d'où ma présence. Ici, tu es en sécurité.

– Mais quand aurai-je le temps de m'amuser, de découvrir la vie et de visiter le pays ? Je suis capable de décider par moi-même. Je veux descendre, maintenant ! Je n'ai pas besoin de leçon de morale, leva le ton la petite pomme, soudainement.

– C'est stupide ! s'emporta l'arbre. Tu parles comme le plus médiocre des hommes, qui n'a eu que la cruauté et la mesquinerie en exemples, et dont l'éducation ne se résume qu'à des leçons de morale. Ce qui n'est pas ton cas ! Je t'enseigne la vie, et c'est à toi d'en saisir le sens afin d'éviter que quiconque te dicte tes actes. Je me demande ce que tu as pu entendre pour évoquer pareille absurdité ?!

– Pour faire quoi ? lui demanda la petite pomme. Pour devenir un pommier sauvage comme toi ? Seul, au milieu de nulle part !

– Je préfère rester sauvage mais libre. Tout réside dans la noblesse de l'acte, loin des mots, loin des murmures, loin de ce que l'on définit comme bon ou mauvais. C'est ainsi que tu pourras juger et différencier la bonté de la médiocrité. Les paroles gratuites et frivoles chantent et sont plus légères qu'une brise, mais elles se révèlent inefficaces, éphémères et malheureuses comme une leçon de morale.

– Et si tu me laissais en juger par moi-même ?! Je me considère assez mûre. Laisse-moi partir, laisse-moi m'envoler...

– Si je te laisse partir, tu ne t'envoleras pas ; tu tomberas, lourdement, sur une herbe froide et visqueuse. Je te retiens avec ma branche ; quant à toi, accroche-toi. Notre vie, notre devoir et notre épanouissement ne font qu'un seul, pour former notre unique loi. Cette loi est inscrite dans les gènes de tout animal et de tout végétal. Seul l'homme se différencie de nous tous. Les notions de bien et de mal n'existent que pour lui. Ses lois lui sont dictées. Et quand celles-ci ne répondent plus à ses attentes, il se tourne vers les principes fondamentaux, à la recherche d'une vie équitable pour tous. Il fait appel à tout son bon sens pour pouvoir préserver la liberté de chacun, établir l'égalité, et instaurer la fraternité entre eux. Tu es une pomme ! Désobéir à notre loi, c'est désobéir à la vie, et c'est te trahir toi-même. Par amour pour toi, je voudrais tant que les choses soient différentes, mais c'est ainsi que ça marche ! », conclut le pommier sauvage, malheureux.

Pressée, la petite pomme s'agita tellement qu'un beau matin, elle tomba sur le sol, bien avant l'heure.

« Salut, toi, dit une mauvaise herbe au pied de l'arbre. Je suis l'herbe.

– Bonjour ! répondit la petite pomme.

– Dis donc, je sens déjà que tu es une pomme spéciale.

– Tu crois ?

– Ouiii.

– Pour quelle raison ?

– Je viens de te complimenter, et tu oses mettre mes paroles en doute ? se fâcha l'herbe.

– Non, pas du tout. Je souhaitais simplement savoir pourquoi, demanda la pomme d'un air sincère tout en étant impressionnée.

– Parce que tu es courageuse ! Tu es la seule qui soit descendue comme une grande. Bravo ! Je me permets même de m'incliner devant toi », ajouta l'herbe. Quelques secondes passèrent, et l'herbe se tenait toujours debout.

« Qu'est-ce que tu attends ? l'interrogea la pomme.

– Quoi ?

– Pour faire ta révérence ! Tu as dit que j'étais courageuse !

– Ah ouiii ?! »

Soudain, une petite brise se leva, et l'herbe s'inclina.

« Voilà qui est fait, s'empressa de dire l'herbe. Mais attention, il ne faut pas trop en demander, sinon on risque de ne pas être ami », ajouta-t-elle en haussant le ton.

L'herbe avait tendance à chuchoter et surveillait tout en permanence autour d'elle, une attitude qui intriguait la petite pomme, mais cette dernière s'était résolue à penser... En réalité, la petite pomme n'avait aucune idée. C'était comme ça, voilà tout. Elle se contenta d'accepter l'herbe telle qu'elle était. Cette fois-ci, l'herbe semblait contrariée, ce que la petite pomme l'avait bien ressenti.

« D'accord, murmura la pomme. Et que fais-tu de tes journées ?

– Silence ! Je profite.

– À faire quoi ?

– Justement, à ne rien faire, répondit l'herbe, tout en adoptant soudainement un air songeur. Oui, j'ai tout compris ! Méga million catastrophe. Tu as la maladie des pommes !

– Qu'est-ce que c'est ?

– Elle me demande ce que c'est ?! Ah, la pauvre ! Elle ne sait rien ! regretta amèrement l'herbe. Tu poses des questions, et tu dis des choses qui n'ont aucun sens ! Cette maladie frappe surtout les arbres sauvages, mais ne t'en fais pas, je veille sur toi.

– Tu crois ?

– Encore une question absurde ! Mais qu'est-ce que tu peux être fatigante ! Tu m'agaces, dit l'herbe, consternée. Tu sais quoi ? Désormais, tu demandes la permission de parler. Crois-moi, c'est mieux. »

La petite pomme se tut. Quelques instants s'écoulèrent, puis l'herbe commença à s'ennuyer.

« Ce n'est pas la peine de faire la tête ! Détends-toi. Roule et viens vers moi que je te présente l'escargot, ordonna l'herbe à la petite pomme.

– D'accord. J'arrive tout de suite. »

Contente de ses rencontres, la petite pomme souhaitait les présenter à sa famille. L'herbe avait envie de faire la connaissance des pommes et de bavarder avec elles, mais elle redoutait l'arbre.

« Tu me déçois. Vraiment ! Je croyais qu'on était ami, et les amis, c'est sacré ! » s'indigna l'herbe.

Les jours suivants, une amitié sans faille sembla relier les trois amis. Parties de rires et longues discussions secrètes étaient à l'ordre du jour. Ils parlaient tout bas. Le pommier sauvage les observait, ne sachant quoi penser. Et si le monde avait changé, que tout était devenu différent ? Plus de légèreté et moins de contraintes ? Mais même avec cet optimisme ambiant, il y avait quelque chose qui n'allait pas. La nature se montrait imprévisible : la sécheresse, les incendies et les maladies faisaient partie de l'environnement, et étaient omniprésents dans le quotidien des fruits et des fleurs. Le pommier sauvage mit en garde la petite pomme.

« Sois prudente ! lui conseilla-t-il.

– Tu as vu mes nouveaux amis ! Regarde comme l'herbe est heureuse. Elle a toujours la tête en l'air, épanouie, lança la petite pomme.

– La mauvaise herbe n'a rien dans la tête et n'a aucune responsabilité à assumer. Elle pousse partout sans problèmes, ce qui n'est pas notre cas ! As-tu réfléchi à cela ?

– Pourquoi ? Parce que tu te crois meilleur, peut-être !

– Non, répondit l'arbre. Parce qu'une vie sans règlement ni principe n'est pas normale et ne dure qu'un temps, souffla-t-il.

– En attendant, l'herbe est heureuse, contrairement à toi, qui ne ris jamais.

– Mais, moi, je t'aime ! Il n'est pas trop tard. Je t'en prie, viens à mes côtés ! demanda le pommier sauvage.

– Oui, oui », répondit la petite pomme négligemment.

D'un air hébété, l'escargot leva la tête et regarda autour de lui.

« On dirait que quelqu'un parle !

– Je n'entends rien ! répondit l'herbe.

– Tu as raison, ricana l'escargot. Entre nous, je me demande souvent pourquoi la petite est embêtante, et je crois avoir trouvé la réponse. C'est de lui qu'elle tient ses leçons. Sans rancune ! ajouta-t-il à l'attention de la petite pomme.

– Ce n'est pas vrai ! Je suis différente. Je suis spéciale..., se défendit la petite pomme avec courage, mais elle n'eut pas le temps de terminer.

– Tu me connais ! Je ne perds pas si facilement mon contrôle ! dit le pommier sauvage, qui balaya l'escargot avec une de ses branches pour l'envoyer au loin.

– Pourquoi as-tu fait ça ? demanda la petite pomme.

– Pour pouvoir rester tranquille. Remonter la pente lui prendra deux à trois jours. Cela nous laissera du temps pour bavarder, tous les deux, s'exclama le pommier sauvage. Écoute, pomme, que veux-tu ? Que désires-tu ? Que puis-je faire pour toi ? Depuis que tu nous as quittés, je ne vois aucun changement, si ce n'est que je te sens triste.

– Je vais bien. »

Depuis toujours, la mauvaise herbe enviait les arbres mais, impuissante, elle faisait bonne figure. En revanche, avant la chute de la pomme et sa rencontre avec l'herbe, le pommier sauvage ne faisait pas attention à elle. L'herbe était un petit être sans rigueur mais qui ne faisait rien de mal et ne constituait pas un danger. Le pommier sauvage se défendait face aux intempéries. Il avait survécu aux coups de tonnerre, au froid et au soleil brûlant de l'été, il s'épuisait en allant chercher l'eau au plus profond de la terre, mais face à une herbe, il n'avait rien à craindre. La Terre était assez vaste pour que chacun vive en paix de son côté.

Le pommier sauvage cherchait constamment à discuter avec la petite pomme, mais celle-ci refusait de parler sous prétexte de ne pas avoir assez de temps. Par moments, elle défendait ses amis et se vantait de mener une belle vie.

« Mais toi, comment vas-tu ? demandait l'arbre.

– Bien.

– Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?

– Reste près de moi, murmura la petite pomme, un jour.

– Je ne bougerai pas ! » répondit l'arbre, le cœur lourd.

Depuis ce jour, l'arbre faisait tout pour rendre le moral à la petite pomme. Il riait, bavardait et agissait comme si rien ne s'était passé, mais la petite pomme n'était plus la même. Depuis peu, l'été était au rendez-vous, et les fruits grandissaient, mais l'état de la petite pomme s'aggravait. Flétrie, elle était mal en point.

« Tu savais que c'était fini pour moi ! Tu l'as su dès le premier jour.

– Dès l'instant où tu m'as quitté. Sans connaissance ni expérience, tu étais encore trop petite pour affronter le monde ! souffla le pommier sauvage.

– Merci pour tout.

– Tu seras toujours ma petite pomme.

– Pourtant, je souhaitais devenir une grande pomme. Je ne sais pas comment cela a pu arriver. Tu me pardonneras, un jour ?

– Et qui me pardonnera à moi ? dit l'arbre... Et s'il n'y avait rien à pardonner ?

– Alors, pourquoi cette situation inconfortable ? Et pourquoi est-ce que je me sens si triste ?! » demanda la petite pomme.

L'arbre marqua une pause.

« Est-ce que je t'ai raconté l'histoire de la petite mare ? demanda-t-il.

– Oui, au moins une dizaine de fois, mais j'aimerais l'entendre encore... C'est étrange, je ne me rappelle plus la fin...

– Sous le soleil brûlant de l'été, la petite mare se réduisit du jour au lendemain. Tout le monde la croyait morte, même son fidèle ami, le petit renard, mais la petite mare était plus intelligente que quiconque, ce qu'elle-même ne pouvait pas soupçonner. Silencieusement, comme une bête qui allait hiberner, elle battit en retraite et s'enfonça dans la terre en attendant les premières gouttes de pluie. Des mois passèrent, et le petit renard et d'autres bêtes avaient grandi quand, un matin, suite aux pluies intenses, la mare fit son retour. Mais elle ne reconnut pas le renard qui, à son tour, passa à côté d'elle sans lui dire bonjour. Alors...

– Si tu me racontais l'histoire depuis le début ? demanda la petite pomme.

– Entendu ! » accepta l'arbre.

L'été touchait à sa fin. Les fruits allaient garnir les tables pour la joie des hommes, et le bonheur des animaux de passage. La pomme aux traits rouges qui souhaitait connaître le royaume bocal avait quitté le pays. Et la petite pomme minuscule qui désirait devenir un arbre avait réussi à trouver une place idéale pour commencer une nouvelle vie. Cependant, croquée par une bête affamée, elle avait cru, pendant un instant, que ses rêves allaient partir en fumée. « Ah, regardez-moi. De quoi j'ai l'air ! s'exclama-t-elle, désormais réduite à un trognon.

– Ridicule mais vivante ! rit sa sœur. Les événements que nous croyons heureux ne font pas forcément notre bonheur, et les plus terribles ne causent pas toujours notre perte, répondit sa sœur.

– Mais tu as vu dans quel état je suis !

– Arrête de te plaindre. Regarde autour de toi. Cherche une place.

– Et moi qui croyais pouvoir me confier à toi !

– Ça y est ! J'ai compris que tu es malheureuse, mais que veux-tu que j'y fasse ?

– Pfff ! Si on ne peut même plus parler !

– Si parler rend la situation encore plus compliquée, mieux vaut s'abstenir. »

Quant à celle-ci, un soir, elle interpella un ours de passage.

« Je peux vous accompagner ? demanda-t-elle.

– Si tu n'as pas peur de traverser la rivière ! dit l'ours.

– J'adore la rivière. Au revoir ! s'écria la pomme en s'éloignant.

– Au revoir », répondit l'arbre.

Et avant qu'elle s'éloigne totalement, les premières brises de l'automne secouèrent les branches du pommier sauvage qui perdit soudainement ses feuilles.

L'arbre continuait à parler avec la petite pomme qui, pendant ce temps, clouée au sol, ne parlait plus, ne se souvenait plus de ses amis et n'avait plus la force de répondre au pommier sauvage. L'année suivante, l'arbre refusa de donner des fruits.

Quelques saisons plus tard, un petit pommier sauvage sortit de terre. Encore fragile, rien ne semblait faire obstacle à sa soif de vivre, ni les bourrasques, ni le froid, ni la chaleur de l'été. Il allait donner naissance au pays des pommiers sauvages étendu du nord au sud.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 30 Juin 2013 à 08:10:33
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LEGENDE DU CHRYSANTHEME

Il y avait au Japon, un jardinier amoureux.

Sa belle était coquette, elle avait de nombreux soupirants et il redoutait de la perdre.
Souvent dans le jardin, tout en soignant ses fleurs, il interrogeait le ciel :

« Combien de temps ma bien-aimée me sera-t-elle fidèle ? pourrais-je la garder toujours ? »
Bien sur, le ciel ne lui répondait pas et quand il voyait sa fiancée
si belle souriant à tous ceux qui la courtisaient son pauvre coeur était malade.
Comment lui, modeste homme de la terre pouvait-il espérer garder pour lui seul
cette fleur ravissante dont la vue charmait les princes.

La jeune fille entourée de ses admirateurs ne semblait pourtant voir que lui ;
pour lui ses yeux étaient plus doux, son sourire plus tendre,
pour lui elle chantait ses plus belles chansons.
« Oui, mais pour combien de temps se demandait le jardinier ?
Elle est si belle, je suis si pauvre, si modeste.
Un jour c'est certain, un de ces princes va me la prendre. »
Pour l'instant la belle lui gardait sa préférence.
« Combien de temps ? Combien de temps ? demandait-il aux fleurs. Combien de temps »,
demandait-il aux arbres ?
« Combien de temps, Rosée du matin ? Combien de temps, Ombres du soir ? »

Ni l'herbe ni les fleurs, ni les arbres, ni les escargots, ni les coccinelles,
ni les vers de terre, ni les légumes, ni les hérissons,
jamais aucun des hôtes du jardin ne lui répondait.
Un jour qu'avec angoisse il interrogeait des marguerites,
une larme tomba sur une des fleurs et un génie sortit d'une corolle,
tout habillé de jaune avec un large col blanc.
« Pourquoi ces larmes gentil jardinier ? Qui d'entre nous t'a fait du chagrin ? »
« Personne, jamais personne dans ce jardin ne m'a fait de peine ;
c'est vous au contraire qui me consolez ; »
« Pourquoi, gentil jardinier, as-tu besoin d'être consolé ? »
« C'est ma fiancée, Génie des Marguerites ; elle est si belle et moi je suis si pauvre !
Un pauvre petit rien du tout et je voudrais tant qu'elle m'aime toujours ! »

« Toujours, je ne sais pas, dit le génie en montrant une fleur.
Mais je te promets l'amour de ta fiancée pour autant d'années que cette corolle a de pétales. »
Le jardinier cueillit la fleur, compta les pétales, hocha la tête.
Alors il prit à son revers une longue épingle et effilocha la corolle.
Elle eut bientôt tant de pétales qu'il devint impossible de les compter.

C'est quand même plus "optimiste" que l'effeuillage de la marguerite,
on compte les augures de cinq en cinq ...
un peu, beaucoup , passionnément, à la folie, et ... pas du tout.
le Chrysanthème fait durer le plaisir
Mais essayez d'effeuiller cette fleur de Toussaint ?
là il faudrait une patience tout orientale
ou comment restez ZEN ! un exercice "sain".

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 30 Juin 2013 à 09:36:30
(http://img15.hostingpics.net/pics/329416arcenciel.jpg)
La Petite Fille et la Poésie

Il était une fois, dans un je ne sais où, une petite fille. Cette petite fille voulait découvrir la Poésie, ce je ne sais quoi qui embellit la vie. Car tout était triste autour d'elle. Un voile d'ombres et de brumes l'entourait, un rideau de pluie et de larmes mêlés. Cette petite fille sans nom, ce je ne sais qui, avait dans le cœur une chanson, une mélodie qui l'accompagnait et la rendait plus gaie. Elle aurait voulu que tout fût gai autour d'elle, cela la rendait toute triste de voir un univers sans couleur, des ombres de vie. C'est pour ça qu'elle se disait : «je dois découvrir la Poésie, elle rendra l'univers plus beau, aussi beau que la chanson que j'ai dans le cœur.»

Elle errait dans un mystérieux manoir, happée par une sombre rêverie. Elle voulait partir au plus vite à la quête de ce trésor. Sa petite chanson si jolie l'aidait à vaincre la peur qui rôdait autour d'elle, cette monstrueuse bête qui voulait la retenir, déchirer ses ailes pour l'empêcher de voler. Car cette petite fille avait des ailes, des ailes invisibles mais la peur est un être maléfique qui voyait tout. La peur savait qui était cette petite fille et ce qu'elle recherchait, et à tout prix, elle devait la retenir. Mais elle ne pouvait rien contre la chanson qui émanait de la petite fille, cette chanson était magique et envoûtait la peur. Charmée, elle se dissipa et la petite fille put continuer son chemin, s'envola et transperça le manoir qui disparut à son tour, comme s'il n'avait jamais existé. A sa place une étoile était née. La petit fille la vit et la trouva si belle qu'elle l'embarqua sous ses ailes. Elle avait maintenant sa chanson et son étoile, une musique et une couleur qui éclairaient son parcours.

Après plusieurs jours de vol, elle vit un pays, un pays qu'elle ne comprenait pas, où tout était en ordre. Elle décida de s'y arrêter : «on ne sait jamais, je pourrai peut-être découvrir la Poésie dans cet endroit bizarre.» Ce royaume était gouverné par une méchante reine. Cette reine s'appelait Raison. Raison dirigeait tout, tous devaient lui obéir. Les êtres, les choses étaient modelés par raison. Tout semblait si froid, si ennuyeux, si gris. La petite fille chanta sa chanson, fit briller son étoile et déploya ses ailes. La reine écouta la chanson et vit l'étoile, elle se mit à rire et à voler à l'envers, son rire valdingua à travers le royaume et se transforma en un immense éclat de rire et de folie. La petite fille repartie avec ce fou rire. Elle était plein d'espoir et pensait bientôt rencontrer la poésie. Elle avait déjà beaucoup d'amis : sa chanson, son étoile, son rire fou. Elle savait qu'ils l'aideraient à trouver la Poésie et peut-être qu'ils l'aideraient à découvrir son prénom, ce prénom perdu.

Un jour, elle se trouva dans une contrée bruyante, pleine de sons qui lui étaient inconnus. C'était le royaume du langage structuré, le royaume de la prose. Elle chanta sa chanson mais les habitants ne la comprirent pas. Pourtant, ils aimaient la chanson et à leur tour, ils se mirent à chanter dans un langage qu'elle ne comprenait pas. Elle vit un chat qui l'adopta aussitôt. Ils se comprenaient, parlaient un langage muet. Le chat reconnut cette petite fille mais ne pouvait lui dire qui elle était. Elle seule devait le découvrir. Elle repartit avec le chat vers de nouveaux horizons, laissant ce brouhaha inintelligible derrière elle.

Ce chat étrange ne ressemblait à rien. C'était le gardien de la poésie, son symbole. Il avait les sept couleurs de l'arc-en-ciel. Son regard, son sourire avaient ce quelque chose d'ineffable qui hypnotisait la petite fille. Elle aimait ce chat magique et aurait voulu que la Poésie ressemblât à ce chat, à cet arc-en-ciel de sensations qui ronronnait dans son coeur. Elle donna l'étoile au chat pour faire briller son cœur, elle lui donna aussi le fou rire pour faire éclater son sourire.

Une sorcière les avait aperçus et elle était dans une colère aussi noire qu'elle. C'était une sorcière colérique, mal lunée. Evidemment, elle n'avait pas un cœur étoilé. Cette sorcière incarnait le mal, elle ne savait pas chanter et la chanson de la petite fille la fit frémir, ses dents grincèrent, ses poils se hérissèrent. Elle comprit qui était cette petit fille, elle sut immédiatement son prénom. La sorcière était cousine avec la Peur, elles étaient semblables. Elle voulut jeter un sort à la petite fille et au chat arc-en-ciel, mais elle ne put rien contre eux car la chanson toucha la sorcière et la métamorphosa en fée.

La petite fille demanda à la fée si elle savait où elle pourrait trouver la Poésie. La fée ne lui répondit pas mais lui offrit un miroir enchanté. La petite fille y aperçut un lac et un petit garçon triste. Elle remercia la fée et partit à la recherche de ce lac et de ce petit prince qui semblait si seul, qui semblait tout savoir.

Elle dût passer par le royaume des Adultes. Elle croyait voir la reine Raison et le roi Langage dans ce lieu de géants qui semblaient ne pas se rendre compte de sa présence. Ils virent le chat et le trouvèrent si bizarre qu'ils voulurent l'emprisonner pour l'examiner pour comprendre cet animal anormal. Tout devait être normal dans le royaume des Adultes, et s'ils ne comprenaient pas une chose mystérieuse, ils la disséquaient, l'étudiaient pour savoir à quoi ils avaient à faire. Mais le chat était rapide, et comme il ne ressemblait à rien, il se transformait à loisir. La petite fille n'avait même pas envie de chanter sa chanson pour des Adultes qui ne la remarquaient même pas, des Adultes qui voulaient faire du mal au chat arc-en-ciel. Elle repartit avec une infinie tristesse dans le coeur en pensant à ce monde d'apparences. Le chat lui offrit son plus beau fou rire, alors ils sourirent tous deux et partirent ensemble sur le dos d'un nuage, à la rencontre de la Poésie.

Le lac chanta en apercevant la petite fille et le chat. Ils descendirent de leur nuage. Le Petit Prince était là. Il pensait à son ami Antoine qui était reparti dans son avion. Il voulut jouer avec le chat. La petite fille regarda dans le lac, et là, elle découvrit la Poésie. Elle vit son image dans le miroir, le reflet dans le lac était le même. Elle comprit alors tout. Elle comprit qu'elle était la poésie, elle sut pourquoi elle avait perdu son prénom, que c'était elle-même qu'elle avait cherché. Elle savait.


Elle sourit au Petit Prince qui la regarda, la prit par la main et se mit à rire. Le chat eût son plus beau fou rire et la poésie chanta. Le Petit Prince vit l'étoile dans le cœur du chat, il sut qu'il devait partir avec eux, c'était l'étoile de son ami Antoine. Le Petit Prince, la Poésie et le chat qui ne ressemblait à rien revinrent dans ce je ne sais où en noir et blanc pour embellir le monde avec leurs regards magiques, parfumer le monde de poésie avec leurs regards poétiques.


Ils redonnèrent du souffle au monde avec leur Poésie, leurs regards, suivis par tous les enfants. Ils partirent avec leur folie, leur amour, leur poésie à la conquête de la Raison, à la métamorphose de l'Adulte, en semant leur poème.

Juliette Clochelune


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 01 Juillet 2013 à 09:18:14
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Le masque de Majak

Il est un marcheur solitaire,
Qui traverse montagnes et océans à la recherche de véritables trésors.
Il va ici et là pour ramener des quatre coins du monde de mystérieux masques.
Mais encore plus précieuses sont les histoires de ces objets envoûtants dont seul lui connaît les secrets.
Alors quand Majak le voyageur arrive avec son immense sac et son sourire malicieux,
Tous les enfants accourent pour écouter les contes des masques magiques.



Regardez celui-ci les enfants ! C'est le masque du lapin. On raconte que l'homme qui porte ce masque devient plus rapide que le vent. Son ancien possesseur m'a conté son histoire. Elle commence avec un petit garçon qui s'amusait à attraper les lapins, en leur courant après. Il avait acquis une rapidité incroyable et il était capable de capturer ces pauvres petites bêtes à mains nues. Mais bientôt le magicien du vent croisa sa route et lui dit : « Petit homme, qui t'autorise à te jouer de créatures plus faibles que toi ? » Le garçon ne répondit rien, mais le magicien furieux lui jeta un sort. Aussitôt, d'énormes oreilles de lapin poussèrent sur la tête de l'enfant. Il avait l'air ridicule et cela lui déplut. Alors comme si sa rapidité lui donnait soudain l'audace du malin, il dit : « Partout où tu iras, je te suivrai vieil homme, jusqu'à ce que tu me libères de ce sortilège ! » Mais à peine avait-il fini de prononcer ces paroles, que déjà le magicien du vent était parti d'un souffle. Le garçon poussé par sa fierté, se lança alors dans une course folle. Il courait comme jamais, pour rattraper le magicien du vent. Toujours plus rapide, l'enfant commençait déjà à rattraper le vent. Alors le vent devint tempête. Le petit garçon courut de plus belle et il se rapprochait à nouveau de la tempête. Alors la tempête devint tornade. Et le garçon qui accélérait toujours plus, atteint une telle vitesse que le sort se brisa. Mais la course continua. Plus tard, on retrouva, à côté de l'enfant évanoui, un étrange masque représentant un lapin. Personne ne sut jamais si le garçon avait dépassé le magicien du vent, mais depuis ce jour l'enfant était condamné à ne plus jamais courir. Pourtant certains racontent, que des années après ils l'auraient vu courir au loin, là où le vent souffle, vêtu de deux grandes oreilles de lapin.


Le voyageur Majak, assis sur son gros sac devant une dizaine de petits enfants, continua ainsi à raconter des histoires merveilleuses sur ses masques. La bouche béante et les yeux grand ouverts, ils l'écoutaient avec fascination comme sous l'emprise d'un charme magique. De toutes couleurs et de toutes matières, les masques défilèrent, toujours plus beaux, toujours plus mystérieux. Il y avait le masque de la vérité qui permettait à celui qui le portait de voir clair dans le cœur des hommes. Il y avait aussi le masque de la reine des fées qui se mettait à briller lorsque qu'une petite fée était proche de vous. Le masque de pierre rendait aussi invisible qu'un rocher sur une montagne. Et les enfants écoutaient émerveillées par tant de beauté et de magie. Mais parmi eux, Thöm n'écoutait plus. Il était absorbé dans la contemplation d'un autre masque aux couleurs écarlates. Ou bien était-ce les deux yeux émeraudes de cet objet qui contemplaient Thöm. Il en émanait une force étrange et Thöm, la ressentait. Elle venait à lui. Il n'aurait pas su expliquer pourquoi, mais il voulait à tout prix posséder ce masque.
Alors quand tout le monde s'en fut aller et que Majak le voyageur avait enfin pu rejoindre la taverne des marcheurs, laissant ses affaires sans surveillance, Thöm se faufila discrètement devant l'énorme sac. Il était presque plus grand que Thöm et beaucoup plus large que lui. Des dizaines de masques étaient accrochés dessus et il devait sûrement y en avoir encore plus à l'intérieur pensait Thöm. Mais ce petit garçon n'oublia pas pourquoi il s'était rendu ici à ses risques et périls. Il se mit immédiatement à la recherche du masque qui l'avait envoûté. Il ne mit pas longtemps à le trouver, à croire que l'étrange objet lui-même, l'appelait par on ne sait quel artifice. Quand Thöm le prit dans ses mains une sensation inconnue le parcourut comme un frisson. Le masque brillait légèrement entre ses mains et ses yeux émeraudes dégageaient une sorte de poussière d'étoiles. Instant magique. Alors comme agissant par la volonté du masque, Thöm le porta à son visage.
Un tourbillon lumineux, puissance fabuleuse, entoura l'enfant. Le soulevant du sol le pouvoir du masque le pénétra. La scène qui lui sembla durer une éternité s'arrêta au bout de quelques secondes laissant Thöm debout, avec le masque sur le visage et un incroyable sentiment de légèreté et de liberté parcourant son esprit encore sous le choc. Thöm eut alors envi de sauter et de courir dans tous les sens. Et bondissant à une hauteur incroyable, il partit à toute vitesse, libre comme l'air, dans les plaines environnantes.
Portant le masque Thöm était libre. Il pouvait dépasser les limites que la nature impose. Il courait sur les rivières, sautait par-dessus les montagnes, déplaçait la matière d'une simple pensée. Il se jouait d'elle et trop téméraire il croyait la maîtriser. La force de ce masque était grande mais obscur son pouvoir était. Et Thöm devenait toujours plus audacieux.
Thöm était maintenant assis au sommet de l'arbre majestueux, qui trônait au centre du village depuis des âges lointains. Il regardait le soleil qui dans sa course rejoignait l'horizon, laissant place à l'obscurité et sa reine lune. Thöm se souvint alors de son rêve le plus cher. Il voulait aller plus loin que nul autre voyageur et de ses pieds fouler le sol de ce cercle argenté qui de là-haut nous observe. Mais avec le masque ce rêve n'en était plus un, il pouvait le faire.
Enlève le masque. Ne vois-tu pas la lune gigantesque cacher le ciel ? Ne sens-tu pas qu'elle va inévitablement s'écraser sur nos terres et réduire à néant tout ce qui t'entoure ? Enlève le masque. Il ne peut plus rien pour nous. Son pouvoir, assez fort pour attirer la lune, ne pourra pas la renvoyer à sa place dans les cieux. Ne pleure pas. C'est le masque qui l'a fait. Ce masque recèle un pouvoir bien trop grand pour un enfant comme toi. Enlève le masque. Ne comprends-tu pas que ce voyage vers la lune sera le dernier ?
Majak se tenait en bas de l'arbre. C'était un petit homme à l'aspect mystérieux. Il avait un petit sourire en coin qui avec ses petits yeux brillants lui conférait un air malicieux. Il tendait son bras, la main ouverte, en direction de Thöm. L'enfant perché sur l'arbre regardait la lune horrifié. Elle était immense et toujours plus proche. Il aurait presque put la toucher. Mais il retira brusquement le masque de son visage couvert de larmes et le lança à Majak.
Une lumière blanche l'aveugla dans l'instant. Recouvrant peu à peu la vue, il vit qu'il était allongé au sol. C'était le soleil qui l'éblouissait et la lune semblait bien lointaine. Il vit enfin Majak qui tenait le masque. Il faisait jour et Thöm était allongé devant l'énorme sac du voyageur. « Je vois que tu l'as enfin retiré. Le masque du rêveur. Il suffit de le mettre pour partir au loin et de l'enlever pour revenir. Mais n'oublie jamais que certains rêveurs solitaires se sont perdus en route et ne sont jamais revenus. »


Il est un marcheur solitaire,
Qui traverse montagnes et océans à la recherche de véritables trésors.
Il va ici et là pour ramener des quatre coins du monde de mystérieux masques.
Mais encore plus précieuses sont les histoires de ces objets fabuleux dont seul lui connaît les secrets.
Alors quand Majak le voyageur repart avec son immense sac et son sourire malicieux,
Tous les enfants accourent pour regarder une dernière fois les masques magiques.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 02 Juillet 2013 à 08:45:10
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LA DERNIERE SORCIERE SAUVAGE

Il y avait une fois, une ville parfaite dans un monde parfait, où des règles étaient édictées pour chaque chose, où il y avait une bonne et une mauvaise manière d'accomplir chaque acte, et où personne ne contrevenait jamais aux règles.

Enfin, presque jamais.

Car à la lisière la plus éloignée de la ville parfaite, se trouvait la dernière forêt magique, et c'était un lieu sauvage. Les plantes, les oiseaux, les animaux, les insectes et les poissons dans les cours d'eaux, y vivaient selon leurs propres natures et ne suivaient aucune règle.

Au coeur même de la dernière forêt magique, vivait la dernière Sorcière sauvage. Elle avait l'air si ordinaire, qu'en la rencontrant dans la rue, vous auriez pu penser qu'elle était votre propre grand-mère.

Toute la journée, elle faisait bouillir dans son chaudron des plantes, des feuilles et des baies, un breuvage de guérison dont elle nourrissait les oiseaux, les animaux, les insectes et les poissons des rivières, dès lors qu'ils se sentaient un peu
patraques.

Et toute la nuit durant, elle entonnait des chansons magiques et jouait sur son tambour.

Parfois, lorsque le vent venait de l'Ouest, il transportait l'odeur du breuvage magique, ou quelques notes des chants magiques jusque dans la ville. Parfois, lorsque les enfants ne se sentaient pas très bien ou lorsqu'ils laissaient leurs fenêtres ouvertes la nuit, ils respiraient le parfum de la potion, ou captaient un fragment de chanson, et ainsi, le monde
naturel entrait un peu en eux.

Dans la ville parfaite, les enfants se mettaient toujours parfaitement en rang pour entrer à l'école, les garçons d'un côté, les filles de l'ordre, suivant l'ordre alphabétique. Ils se tenaient parfaitement tranquilles sur leurs chaises, apprenaient leurs leçons parfaitement bien, et personne ne se conduisait mal.

Enfin, presque personne.

Car lorsque le monde naturel entrait en eux, les enfants ne pouvaient plus supporter de marcher en lignes droites. Ils couraient, sautaient, dansaient et faisaient la roue sur les pelouses parfaitement tondues Ils ne rentraient pas dans l'école lorsqu'on le leur ordonnait. Ils restaient dehors pour rire sous le soleil ou sauter dans les flaques d'eau lorsqu'il pleuvait.

Une fois de temps en temps, pas souvent, quelques enfants se glissaient dehors la nuit et couraient dans la forêt pour rendre visite à la dernière Sorcière sauvage. Elle leur faisait un clin d'oeil et un large sourire. Et elle se contentait de dire "Prenez un peu de soupe".

Une fois, Janey Verte et Johnny Marron sont restés dehors toute la nuit, à boire la potion magique de la Sorcière et
à danser avec les lapins, les chevreuils et les oiseaux. Et au matin, ils n'étaient même pas fatigués.

Mais leurs parents étaient fatigués, eux, et fous d'inquiétude ! Ils s'étaient fait beaucoup de souci en trouvant le lit de leurs enfants vides, les oreillers cachés sous les couvertures pour faire croire que quelqu'un y dormait.

"Il faut faire quelque chose !" se plaignait le père de Johnny. "C'est toute cette fichue nature", dit la mère de Janey. "Il faut arrêter ça !"

Ils se plaignirent si longuement et si fort que le Maire convoqua finalement une assemblée à l'Hôtel de Ville.

Le Maire s'exprima, la Juge de la Haute Cour parla aussi, tous les adultes importants prirent la parole pendant très longtemps, mais aucun des enfants ne fut autorisé à dire un seul mot.

"La Sorcière dans les bois, c'est elle qui amène le monde naturel ici", dit la Juge. "Nous devons l'arrêter.
"Mais comment ?" demanda la mère de Johnny.
"La réponse est très claire", dit le Maire. "Il faut couper tous les arbres, ainsi nous trouverons sa cachette."

C'est ce qu'ils décidèrent de faire.

Tous les enfants en étaient bouleversés. "Ce n'est pas juste !" protesta Billy Bleu.
"Que vont devenir les animaux ?" demanda Janey Verte en pleurant.
Mais personne ne leur prêtait attention.

Tard dans la nuit qui suivit, alors que le vent d'ouest soufflait, apportant avec lui le monde naturel, Janey Verte, Johnny Marron et Billy Bleu se glissèrent dehors par la fenêtre et coururent jusqu'à la forêt en suivant les chemins sombres.

Ils coururent si vite que le chevreuil n'arrivait pas à les dépasser, ils passèrent en courant devant les lapins, les nids des oiseaux, les rivières où les poissons dormaient, jusqu'à atteindre la clairière où laSorcière jouait sur son tambour, faisant une pause de temps en temps pour touiller son chaudron.

"Sorcière, Sorcière, les grandes personnes viennent pour couper la forêt et te chasser ! Les oiseaux, les chevreuils, les lapins et les insectes n'auront plus nulle part où vivre, et les abres vont mourir ! Il faut que tu fasses quelque chose !" cria Janey, à bout de souffle.

La Sorcière se contenta de sourire et de dire "Prenez un peu de soupe". Ce fut tout. Alors les enfants burent le breuvage magique et retournèrent chez eux, dans leurs lits. Ils pleurèrent jusqu'à ce qu'ils s'endorment, et ils rêverent que la forêt était sauvée.

Mais le matin suivant, les grandes personnes de la ville parfaite rassemblèrent toutes les haches, les hachettes, les scies et les tronçonneuses qu'ils purent trouver ; toutes étaient parfaitement aiguisées et en excellent état de marche. Ils les apportèrent à la lisière des bois, et les enfants les suivirent.

Le Maire fit un discours. "Aujourd'hui est l'aube d'une nouvelle ère ! Nous avons trop longtemps toléré que le monde naturel et le chaos prospèrent à la limite même de la ville. Aujourd'hui, nous frappons fort pour rétablir l'ordre !"

Tous les adultes applaudirent. La Juge leva sa hache, planta fermement ses pieds dans le sol, et frappa l'arbre
le plus large.
"TCHOC", fit la hache en frappant l'arbre. "AAAAAAÏE !" cria l'arbre.
Toutes les grandes personnes furent si effrayées qu'elles en lâchèrent leurs haches et leurs hachettes, leurs scies et leurs tronçonneuses, et coururent se réfugier en ville.

Ils organisèrent une autre réunion.

"Voilà, c'est la preuve qu'il faut en finir avec tous ces lieux naturels !" dit la Juge.
"Mais comment ?" demanda le père de Janey. "Je ne supporte pas ces cris horribles."
"La réponse est claire", dit le Maire. "Demain, nous mettrons de la cire et du coton dans nos oreilles, comme ça nous n'entendrons pas les arbres s'ils se mettent à crier."

Tard dans la nuit qui suivit, alors que le vent d'ouest soufflait, apportant avec lui le monde naturel, Janey Verte, Johnny Marron et Billy Bleu se glissèrent dehors par la fenêtre et coururent jusqu'à la forêt en suivant les chemins sombres. Ils coururent si vite que le chevreuil n'arrivait pas à les dépasser, ils passèrent en courant devant les lapins, les nids des oiseaux, les rivières où les poissons dormaient, jusqu'à atteindre la clairière où la Sorcière jouait sur son tambour, faisant une pause de temps en temps pour touiller son chaudron.

"Sorcière, Sorcière, les grandes personnes viennent pour couper la forêt et te chasser ! Ils vont boucher leur oreilles pour ne pas entendre la forêt crier. Il faut que tu fasses quelque chose !" cria Johnny.

La Sorcière se contenta de sourire et de dire "Prenez un peu de soupe". Ce fut tout. Alors les enfants burent le breuvage magique et retournèrent chez eux, dans leurs lits. Ils pleurèrent jusqu'à ce qu'ils s'endorment, et ils rêverent que la forêt était sauvée.

Le lendemain matin, les grandes personnes se rassemblèrent à nouveau à la lisière des bois. Ils transportaient toutes les haches et les hachettes, les scies et les tronçonneuses, et ils avaient tellement bien bouché leurs oreilles avec de la cire et du coton qu'ils n'entendirent pas un seul mot du discours émouvant du Maire. Les enfants regardèrent la Juge brandir sa hache, planter fermement ses pieds dans le sol et frapper l'arbre le plus large. Seuls les enfants purent entendre le "tchoc" que la hache fit en mordant le bois, et le cri pitoyable de l'arbre.

"Hourrah !" cria la foule, même si personne ne pouvait entendre ce que disaient les autres. Mais soudain, des noix et des baies commencèrent à pleuvoir de tous les arbres alentour. Des glands s'abattirent sur le crâne de la Juge. Une grosse branche s'abattit sur le derrière du Maire. Tous les adultes crièrent, lâchèrent leurs haches et leurs hachettes, leurs scies et leurs tronçonneuses, et ils coururent se réfugier en ville.

Ils organisèrent une autre réunion.

"C'est scandaleux !" dit la Juge. "Il faut en finir avec toute cette nature une bonne fois pour toutes !"
"Mais comment ?" demanda le grand-père de Billy Bleu.
"La réponse est claire", dit le Maire, qui se tenait debout parce que son derrière lui cuisait trop. "Demain, il faudra porter des casques pour nous protéger, des chemises rembourrées, des protections aux coudes et aux genoux. Et au lieu de couper les arbres, nous brûlerons la forêt."
"Mais c'est dangereux !" protesta Johnny Brown. "Vous pourriez brûler la Sorcière par erreur !"
Le Maire le toisa. "Les enfants ne doivent parler que quand on leur adresse la parole" dit-il, et la réunion se termina.

Tard dans la nuit qui suivit, alors que le vent d'ouest soufflait, apportant avec lui le monde naturel, Janey Verte, Johnny Marron, Billy Bleu et la petite Sally Violette se glissèrent dehors par la fenêtre et coururent jusqu'à la forêt en suivant les chemins sombres. Ils coururent si vite que le chevreuil n'arrivait pas à les dépasser, ils passèrent en courant devant les lapins, les nids des oiseaux, les rivières où les poissons dormaient, jusqu'à atteindre la clairière où la Sorcière jouait sur son tambour, faisant une pause de temps en temps pour touiller son chaudron.

"Sorcière, Sorcière, les grandes personnes viennent et cette fois, ils vont porter des casques et des chemises rembourrées, des protections aux genoux et aux épaules, et ils vont brûler la forêt, les oiseaux, les chevreuils, les lapins et les insectes, et toi aussi ! Il faut que tu fasses quelque chose !" crièrent tous les enfants, à bout de souffle.

La Sorcière se contenta de sourire et de dire "Prenez un peu de soupe". Elle n'ajouta rien. Alors ils burent la potion magique.
"Pourquoi tu ne nous dis jamais rien ?" demanda Johnny. "Pourquoi tu ne fais rien pour te sauver toi-même ?"
La Sorcière se contenta de sourire et servit un peu plus de soupe dans leurs bols. Janey Verte but encore un peu, et elle se souvint d'un rêve qu'elle avait fait.
"Peut-être que nous, nous devons faire quelque chose", dit-elle. "Peut-être que c'est à nous de sauver la forêt !"
"Que pouvons-nous faire ? Nous ne sommes que des enfants !" demanda Billy Blue.
"J'ai un plan !" dit Janey.

Le matin suivant, tous les adultes se rassemblèrent à la lisière des bois. Ils étaient tous enveloppés dans des chemises lourdes, des protections de genoux et de coudes, alors ils étaient très raides quand ils marchait, avec les bras et les jambes tous droits. Ils portaient toutes sortes de casques sur leurs têtes, et ils avaient des torches à la main.

Le Maire fit un autre discours, mais les oreilles des grandes personnes étaient bouchées, personne ne l'entendit. Les enfants n'écoutaient pas. Ils attendaient l'instant où le Juge lèverait la plus grande torche pour qu'elle embrase les branches de l'arbre le plus proche.

Avant qu'elle ne puisse mettre le feu à l'arbre, tous les enfants coururent dans les bois aussi vite qu'ils le pouvaient.

"Revenez ! Revenez !" cria la Juge. "Nous ne pouvons pas brûler la forêt si vous êtes dedans, les enfants !"

Mais les enfants n'écoutèrent pas. Ils coururent loin, jusqu'au coeur des bois, et ils se cachèrent derrière les arbres, avec les lapins, les chevreuils, les oiseaux et les insectes.

Toutes les mères, les pères, les grand-mères et les grand-pères furent affolés. Ils déposèrent leurs torches et coururent après les enfants dans la forêt.
Le Maire et la Juge, et tous les autres, suivaient juste derrière.
"Revenez ! Revenez !" criaient-ils. Mais les enfants restaient bien cachés.

Bientôt, les grandes personnes en eurent vraiment assez d'essayer de courir avec leurs lourdes chemises rembourrées. Leurs protections aux coudes et aux genoux les rendaient trop raides. Un par un, ils commencèrent à s'en débarrasser.

"Janey !" "Johnny !" "Billy !" "Sally !"
Les mères et les pères, les grand-mères et les grand-pères appelaient les enfants, mais ils s'aperçurent vite qu'avec les oreilles bouchées, ils n'entendraient pas s'ils répondaient. Un par un, ils commencèrent à enlever les bouchons de leurs oreilles.

Une fois qu'ils ne portèrent plus leurs casques et leurs chemises rembourrées, les habitants de la ville parfaite purent sentir la brise fraîche sur leurs bras et la chaleur du soleil dans leur dos. Une fois qu'ils enlevèrent leurs bouchons d'oreilles, ils purent entendre le vent dans les feuilles et le chant des oiseaux. "C'est assez plaisant, cette forêt", dit la
mère de Janey. La Juge la toisa.

"C'est plutôt agréable ce bord de rivière", dit le père de Johnny. "Je parie que c'est un bon coin de pêche". Le Maire le foudroya du regard.

Mais bientôt, même le Maire et la Juge se trouvèrent charmés par la manière dont les feuilles dansaient dans le vent. Une famille de lapins se blottit près des chevilles de la Juge, et avant qu'elle puisse s'en empêcher, elle murmura, "Comme c'est mignon". Un faucon s'élança vers le ciel au dessus de la tête du Maire, qui se surprit à dire "C'est magnifique".

Après un bon moment, les adultes commencèrent à se sentir fatigués et à avoir trop chaud. Ils avaient marché longtemps, ils avaient faim et soif. Et ils ne retrouvaient toujours pas leurs enfants.

Finalement, ils atteignirent la clairière au centre de la forêt. La Sorcière était là, touillant son chaudron et chantant ses chansons. Elle n'a pas l'air si mauvaise, pensèrent les grandes personnes. Après tout, elle pouvait être la grand-mère de n'importe qui.

La Sorcière leur sourit, et fit un clin d'oeil. "Prenez un peu de soupe", dit-elle.

"Oh,ça n'engage à rien", dit le Maire, et tous s'assirent pour boire un peu de potion magique, laissant ainsi un tout petit peu du monde naturel entrer en eux.

"Mes chers compatriotes", dit le Maire. "Nos enfants nous ont empêché de commettre une grave erreur. La forêt n'est pas si mauvaise."
"Et, Madame", dit-il, s'adressant à la Sorcière, "cette soupe est vraiment fameuse !"
"Peut-être nous sommes-nous trompés", admit la Juge. "Peut-être que nous avons aussi besoin d'un peu de nature."

Les enfants jaillirent de leurs cachettes et hurlèrent des acclamations. Tout le monde rit, tout le monde s'enlaça, et ils
restèrent tous là jusque tard dans la nuit, à danser avec les chevreuils, les oiseaux et les lapins, pendant que la Sorcière jouait sur son tambour et chantait ses chansons.

Depuis ce jour-là, les choses ont changé dans la ville parfaite. Les grandes personnes et les enfants se rendirent souvent dans les bois pour voir la Sorcière, et parfois elle venait directement en ville, surtout quand quelqu'un était malade et avait besoin d'une potion pour guérir. Les enfants apprenaient leurs leçons à l'école, mais ils allaient aussi danser et chanter, marcher dans les bois, et ils ne marchaient plus jamais en lignes droites parfaites. Les jardins poussèrent comme jamais auparavant, et les arbres portèrent tant de fruits que leurs branches ployaient vers les pelouses, où l'on voyait maintenant des pissenlits, des pâquerettes et des fleurs sauvages.

Et parfois, le soir, lorsque le vent venait de l'Ouest, apportant avec lui le monde naturel, tout le monde se rassemblait pour danser et chanter toute la nuit avec les chevreuils, les lapins et les oiseaux. Et ils n'étaient même pas fatigués au petit matin.

Les choses n'étaient plus si parfaites que ça dans la ville plus si parfaite que ça non plus.

Mais c'était mieux.

- Fin -
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Juillet 2013 à 12:05:23
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La palourde aux yeux verts

C'était ,il y a bien longtemps....un brave pêcheur à pieds , un peu simple d'esprit que tout le monde aimait bien ,fouillait la vase sur la côte sauvage.

C'était Jean-François , mais les gens du village avaient coutume de l'appeler Bounegens en ajoutant :"olé point l'mauvais gars, seulement ,il n'a pas beaucoup de jugeote."

Ce jour-là , Bounegens suivait la marée descendante qui découvrait largement l'estran .Il marchait pieds nus sur le sable mouillé qu'il marquait de son empreinte .Il allait toujours nu pieds , pour mieux sentir la vie de la terre , disait-il .En revanche , il se méfiait du soleil et portait pour s'en protéger , un large chapeau de joncs tressés .Il savait bien que la pêche ne valait rien aux heures de grand soleil , mais la Maline , cette sacrée Maline revenait régulièrement à la charge à des heures , où décemment , on ne pouvait pas exposer un coquillage aux rayons destructeurs.

Ce matin là , le ciel frôlait la mer d'un voile de brume légère , l'air aux senteurs d'algues mouillées revigorait Bounegens . La journée s'annonçait bonne.

Praires , sourdons et couteaux emplissaient déjà son filet , quand il repéra sur le sable une superbe palourde , à la coquille lisse et fauve , d'une taille proche d'une Saint-Jacques .Jamais de sa vie , il n'avait rien vu d'aussi étonnant . De toute évidence , elle venait d'un de ces pays imaginaires , dont il avait oui dire .Là-bas , tout avait disait-on , des dimensions  exagérées .Pourtant , jamais il n'avait ajouté foi à ce qu'il considérait comme des racontars ;des menteries affirmait-il ,car ,lui ,il  le savait bien :tous les jours , il était face à l'océan et jamais il n'avait aperçu la moindre terre  là où le ciel rejoint les flots .Mais ce matin là , ses convictions vacillaient devant le prodige.

D'un pas qu'il aurait voulu léger comme une plume , afin de ne pas ébranler le sol qui pouvait escamoter cette parlourde venue d'ailleurs , il s'approcha .

A sa grande surprise , au lieu de se refermer et de s'enfouir dans le sable , elle agita sa valve et le regarda de ses grands yeux verts .

-Dis-moi , Jean-François !Vas-tu laisser mes amies mourir dans ton sac?

-Il faut bien que je gagne mon pain , lui répondit le pêcheur , à peine surpris .Il est vrai qu'il avait l'habitude de parler aux choses et comme il faisait les demandes et les réponses , il ne trouva là rien d'anormal .

-Rejette les toutes à la mer , je t'en prie ;je ferai de toi un homme riche ,intelligent et respecté.

Bounegens ,comme hypnotisé par les yeux d'émeraude qui le suppliaient , vida son sac et les coquillages regagnèrent la mer .Alors ,une jeune femme aux cheveux d'or jaillit de l'écume .D'une extraordinaire beauté , elle posa sur lui un regard d'émeraude , tout comme celui de la palourde.

Bounegens , figé sur place avait perdu la parole et le souffle lui manquait .Il cru avoir quitté la terre pour quelque paradis dont parlait le curé et regretta , un instant , de n'avoir pas fait le grand voyage plus tôt.
Jamais dans son pays , il n'avait rencontré pareille beauté et quand bien même il y en aurait eu l'occasion ,que celle-ci se serait plutôt moqué de lui .Elle l'avait appelé par son prénom ,Jean-François avait-elle dit avec douceur .Alors , il regarda ses pieds .Ils étaient bien toujours sur terre et cela quand même le rassura ,car si tout n'était pas rose en ce bas monde ,au moins connaissait-il bien son univers et ses repères .

Il lui revint à l'esprit ces histoires que les villageois racontaient le soir ,à la veillée .Des marins prétendaient avoir vu des sirènes qui dansaient sur les vagues . Ces créatures chantaient ,paraît-il ,des airs presqu'irréels qui ressemblaient au chant des dauphins ,ou à celui du vent dans les haubans , mais jamais aucune ne leur avait adressé la parole .

Ce qu'il entendit alors , le tira de sa torpeur.

-Je suis Ludovine ,lui dit-elle .Emmène moi dans ton palais.

Un voile de tristesse tomba sur son front , si fort , si lourd qu'il baissa la tête .Elle est bien trop belle pour moi , songea -t-il .Un palais !Rien que cela !Une telle contradiction enfiévrait son esprit ,alors il releva son menton et lui dit :

-Mais je n'ai point de palais .Je suis Bounegens et je ne possède que cette cabane , là-bas dans la dune .

Il se retourna ,triste et penaud à la fois , pour montrer l'endroit où il habitait .

Ce qu'il découvrit alors ,faillit bien le faire passer de vie à trépas .Il se frotta les yeux et se pinça le bras .Un château digne d'un prince surgissait du sable .Tourelles couronnées de mâchicoulis , chemin de ronde , barbacanes et échauguettes et puis , au-dessus de la porte d'accès au logis seigneurial ,protégé par un pont-levis ,se dressait un étonnant donjon .Ni rond , ni carré , mais en forme de proue de navire ,prêt à fendre les flots .Au sommet ,qui lui parut très haut ,si haut qu'il eut déchiré les nuages si le ciel n'était pas soudain devenu limpide ,flottait une bannière frappée de deux lettres d'or .

-Tu vois ces lettres là-haut gravées dans le ciel?

-Oui, mais je ne sais pas lire.

-Un "J" et un "F" comme Jean-François .

Jean-François se sentit pris de vertige . Ce n'est pas possible de rêver ainsi les yeux ouverts , tout va s'évanouir dans le vent , songeait-il , n'osant faire un mouvement .

Ludovine , posa une main sur son bras .Jean-François eut alors une étrange sensation ;une sorte de frisson parcourut ses membres . Mais au lieu de le glacer comme l'eut fait un vent de noroît , il enfièvra ses veines ; il sentit sa fatigue s'évanouir ; ses haillons se changèrent en vêtements d'apparat :veste  et culotte de brocart tissé de fils d'or , bottes de cuir et chapeau orné d'un plumage écarlate. A ses côtés Ludovine rayonnait dans une robe couleur d'écume assortie d'une traîne soutenue par unvol de mouettes .

Devant eux , le sable asséché , tel un tapis doré , s'étirait jusqu'au pont-levis .Là ,au pied du donjon , des gardes formaient une haies d'honneur tandis que retentissaient  les accents joyeux des cuivres.
A l'intérieur de la cour , une foule se massait et acclamait le jeune couple ,mais Jean-François ne voyait que Ludovine .Elle était le mirage qui l'éblouissait .Lui, Bounegens , qui ainsi chaussé ne sentait plus le sol sous ses pieds , semblait avoir perdu son corps ;son esprit planait au-dessus du jeune seigneur et l'accompagnait comme un frère , mais demeurait en dehors.

C'est alors qu'un chien jaune , au pelage bien lustré ,vint se frotter à lui .

A prime abord ,Bounegens ne reconnu pas le chien .Mais lorsque celui-ci le regarda de ses grands yeux humides de biche amoureuse , il s'exclama :

-Baluzeau ? Est-ce toi ,mon fidèle compagnon?

Baluzeau qui avait l'habitude de plonger dans les vagues et de se rouler dans le sable avait toujours le poil collé et sali , et lorsqu'il s'ébrouait , il aspergeait tout son entourage .
Aujourd'hui ,il ne sentait pas le chien mouillé et se comportait dignement en véritable lévrier de cour.

La présence de Baluzeau qui évoluait à l'aise en ce lieu ramena Bounegens sur terre .C'est ainsi que Jean-François s'accoutuma  à sa nouvelle vie .Après tout , il n'était pas plus sot que son chien.

Les parents de Ludovine avaient convié tous les gens de la région . Certains arrivaient de loin , à pieds à cheval et en carrosse pour la cérémonie du mariage .L'église du village était si minuscule qu'l avait fallu aménager la salle des pas perdus en chapelle nuptiale.

Tout était prêt ,tentures et fleurs tapissaient les murs ; une jonchée de menthe verte exhalait de fraîches senteurs .Sur un signe du Maître de ces lieux , les trompettes clamèrent leurs joyeuses sonneries qui envahirent le château ;alors , sous la voûte ornée d'étendards et d'oriflammes ,éclairée  par mille torches et chandelles ,Ludovine ,toute de blanc vêtue et coiffée d'un diadème d'émeraude , s'avança vers l'autel au bras de Jean-François.

lorsque le prêtre se tourna vers eux pour poser la question rituelle , Ludovine dit à Jean-François :

-Tu dois me promettre solennellement de ne plus jamais  manger de coquillages.

Jean-François promit . Non seulement  il tint parole ,mais il interdit que l'on pêchât sur tout son territoire .
Il se montra généreux à l'égard des pêcheurs privés de leur gagne-pain et leur attribua des terres .
Mais les gens d'ici n'appréciaient guère cette interdiction .Les priver de pêcher des coquillages , c'était pour ainsi dire les priver de respirer .Les jours de grandes marées , certains ne pouvaient résister à l'appel de la mer .Ils abandonnaient leurs champs et venaient marcher sur le sable en suivant le jusant .
Praires , coques et palourdes ne prenaient plus la peine de se cacher et demeuraient là, en attendant le flux de la marée montante .La tentation était trop forte et certains se laissèrent aller à ramasser de quoi faire une cuisine. lorsque Jean-François l'apprit ,il se mit en colère et menaça de bastonnade  un de ses fermiers qui avait été pris la main dans un sac plein de coquillages . C'était Gastounet , un de ses anciens voisins qu'il connaissait depuis longtemps .Alors il pardonna en échange de la promesse de ne point recommencer .Mais la femme de Gastounet ,la mère Larapine , comme on l'appelait au village , ne l'entendit pas de cette oreille . Je me vengerai , se dit-elle , et ce n'est pas ce Jean-François qui m'empêchera de pêcher.

C'est ainsi qu'un soir ,Larapine s'introduisit au château et , à l'insu de la cuisinière qui préparait le réveillon de Noel , elle ajouta quelques palourdes dans le brouet qui mijotait.

Au cours du repas , Ludovine discutait gaiement, quand soudain , elle suffoqua et cracha ce qu'elle avait dans la bouche .Ses yeux verts foudroyaient la soupière qui disparut en tourbillonnant .

On dit qu'elle rattrapa la mère Larapine du côté de Royan et la renferma sous son couvercle à tout jamais , car on ne l'a jamais revue.

Alors Ludovine se tourna vers Jean-François et lui dit :

-tu vois comme finissent  les mauvaises gens.Désormais , nous serons à l'abri .Je t'emmène au pays des songes qui est le mien.

C'est ainsi que le château prit la couleur du sable doré .Il se dissimula sous la dune , du côté de la Coubre ,où, dit-on , Ludovine et Jean-François vivent heureux dans la cité d'Anchoine engloutie sous les sables.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 03 Juillet 2013 à 12:27:26


Corne d'Or et corne d'Argent  (conte arabe)

Il y a très longtemps de cela, il y avait un roi qui s'était marié une première fois, puis une deuxième fois mais sans jamais réussir à avoir un enfant.

Il était très inquiet parce qu'il vieillissait et qu'il craignait de laisser son trône vide. A l'époque, il n'était pas possible pour un roi de ne pas avoir de garçon... C'est ainsi qu'il décida de prendre une troisième épouse. Il organisa encore une fois, un grand mariage comme seuls les rois savent le faire.

Au bout de quarante jours et quarante nuits, lorsque les festivités prirent fin, il réunit ses trois épouses et leur dit :

"Mes chères épouses, je vous aime et je vous respecte toutes les trois, je vous traiterai de la même manière sans jamais favoriser l'une d'entre vous. Mais vous, qu'êtes-vous capables de faire pour moi, pour me prouver votre amour ?"
"Moi, je pourrai faire du pain pour tout le royaume avec un seul grain de blé", lui dit la première.
"Moi, je pourrai te faire le plus beau burnous [4] avec un seul fil de laine", lui dit la deuxième.
"Moi, j'aimerai te donner un garçon avec une corne d'or et une corne d'argent", lui dit la troisième.

Le roi très heureux leur répondit en riant :
"J'espère que vous pourrez réaliser tous ces vœux pour moi. En attendant, j'aimerai qu'il y ait la plus parfaite entente entre vous."

Les jours passèrent et la troisième épouse se retrouva enceinte. Les deux autres en furent très jalouses, d'autant plus qu'elles n'avaient pas accompli leurs promesses.
"Et si en plus, elle a un garçon avec une corne d'or et une corne d'argent ? Il l'aimera forcément plus que nous ... Elle aura plus de faveurs que nous", se disaient-elles.

Inquiètes, elles allèrent consulter une settouta [5] afin qu'elle les aide à trouver une solution pour se débarrasser d'elle. Tout fut arrangé.

Le jour où la malheureuse ressentit les douleurs de l'accouchement, elles appelèrent la settouta. Celle-ci arriva pour l'aider à mettre au monde l'enfant... Et en effet, cette nuit-là, naquit un garçon avec une corne d'or et une autre en argent. Avec l'aide des deux épouses, la settouta enroula le bébé dans une couverture, le mit dans une corbeille et le jeta dans une rivière. Elle mit à la place, un affreux corbeau noir.

La pauvre malheureuse avait tellement souffert pendant l'accouchement, qu'elle ne se rendit compte de rien. Lorsqu'elle vit le corbeau prés d'elle et qu'on lui dit que c'était elle qui l'avait mis au monde, elle eut tellement honte qu'elle n'osait plus regarder personne.

Quant au roi, il était tellement déçu et tellement en colère, qu'il ordonna qu'on la jeta avec les chiens et qu'on l'appela désormais "la mère du corbeau".

Les deux autres étaient contentes, elles étaient débarrassées d'elle.

Et le pauvre petit bébé... Dieu eut pitié de lui... Le soir même, un bûcheron passant par-là le trouva. Il le recueillit et le traita comme si c'était son propre enfant.

Les jours passèrent, le garçon grandit et lorsqu'il fut un beau jeune homme, le bûcheron et sa femme lui apprirent qu'ils n'étaient que ses parents adoptifs et qu'ils ne savaient pas d'où il venait, puisqu'ils l'avaient trouvé dans une corbeille au bord de la rivière.

Bien qu'il les aimait énormément, il ne put s'empêcher de prendre la décision d'aller à la recherche de ses propres parents. Il s'en alla avec leur bénédiction, promettant de revenir très bientôt.

D'une ville à une autre, après plusieurs mois de marche, il arriva dans le royaume de son père. Là, il entendit parler de "la mère du corbeau", l'épouse du roi, qui avait mis au monde un affreux corbeau noir alors qu'elle avait promis au roi de lui donner un garçon avec une corne d'or et une corne d'argent. On lui dit qu'elle vivait toujours dans le royaume, qu'elle gardait les chameaux et qu'elle dormait avec les chiens.

Il alla se présenter au roi et sans rien dire, enleva la coiffe qui lui couvrait toute la tête et le front, et qu'il portait depuis qu'il était enfant. Le roi n'en revenait pas.

« Qui es-tu ? lui demanda-t-il. Approche ici, Qu'as-tu sur le front ? Des cornes ? C'est en or, C'est en argent ? » - « Je ne sais pas, répondit le jeune homme. Mais je viens d'apprendre que mon père et ma mère avec lesquels j'ai vécu depuis que je suis né, ne sont en fait que mes parents adoptifs. Ils m'ont recueilli, alors que j'étais abandonné au bord d'une rivière. Et j'aimerai connaître mon histoire ! »

Le roi convoqua sur-le-champ "la mère du corbeau" et toutes les personnes qui l'avaient assistée pendant l'accouchement.

Lorsque les deux épouses et la settouta virent ce beau jeune homme avec une corne d'or et une corne d'argent, elles s'évanouirent. Quant à "la mère du corbeau", sa joie était si grande, qu'elle se mit à faire des youyous, oubliant toutes ses années de malheur. Elle pleurait de bonheur en embrassant son fils et en le serrant très fort contre elle.

Le roi ordonna qu'on brûla immédiatement la settouta et les deux épouses car il avait tout compris. Il demanda à la mère de son fils, ce qu'il pouvait faire pour qu'elle lui pardonna.

« Je te pardonne, lui dit-elle, car tu étais très malheureux. Mais si tu veux que je sois vraiment heureuse, j'aimerai que tu ramènes les parents adoptifs de mon fils, vivre avec nous dans le palais. Sans eux, il serait peut-être mort et nous aurions continué à être malheureux toi et moi ! ».

Et le roi fit venir le bûcheron et son épouse et les traita comme un couple princier.

Depuis, on entendit tous les jours la musique et les chants dans ce palais, où tout le monde vivait heureux.


 
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Juillet 2013 à 17:28:23
(http://img15.hostingpics.net/pics/406601pois.jpg)
Laissez moi vous raconter

Laissez moi vous raconter l'histoire d'une fleur tombée amoureuse d'un petit pois .Je sais ! Vous devez penser que je suis folle .Et pourtant !Leurs enfants m'ont raconté !!!C'est la stricte vérité !!
Ecoutez plutôt ...
Tout a commencé dans un jardin potager au pied d'un jeune églantier ,au nez et à la barbe du maître des lieux ,Marcel.
Un beau matin de juillet , il y a bien longtemps ,une cosse de petits pois a éclaté sous la chaleur du soleil de midi.
Les petits pois ont littéralement jailli de cette cosse , tels des fusées ;les coccinelles et les araignées d'eau de la mare voisine ont dit avoir entendu comme un léger sifflement dans l'air !C'est vous dire la vitesse des petits pois!
L'un d'entre eux s'est retrouvé , un peu sonné ,au cœur d'une églantine .La tendre fleurette étonnée mais pas farouche cria :
-Hé ! Bille verte tu ne manques pas de toupet !Que viens -tu faire ici?
Sous l'insulte le petit pois retrouva ses esprits .Il respira un grand coup et présenta ses humbles excuses à la demoiselle
-Heuuuu
-Je ...je ... suis ...navré, vraiment !... d'avoir froissé votre si jolie robe ! Mais sachez que seuls le soleil et la brise sont responsables de ma présence incongrue et inconvenante , j'en conviens ...Pardonnez - moi , je vous en prie Mademoiselle ??... Comment vous appelle -t-on ?
-Moi , c'est Piloué le petit pois dit -il , retrouvant son assurance
Le ton de la fleur se radoucit pour dire :
-Et moi je suis Tipia l'églantine
-Enchantée Piloué ,dit-elle dans un rire clochette
Il y eu un grand silence à peine troublé par le chant des fauvettes , puis Tipia et piloué partirent  ensemble dans le plus grand des fous rire  jamais vu dans un potager ! !Les autres églantines alertées par le comportement étrange d'une des leurs , se penchèrent vers elle avec bienveillance .Elles allaient lui demander la cause de cette hilarité soudaine quand elles virent l'étranger dans le giron de la belle :
-Oh ! Par exemple ! !
-D'où sort ce martien , cette bille verte ? ?
-Je ne suis pas une bille verte !Je suis Piloué le petit pois !S'écria le petit pois tout en riant .
-Aucune importance !Qui ou quoi que tu sois , tu n'as rien à faire là !Allez ouste, dehors !

Alors la gravité de la situation apparu dans toute son ampleur !Il fut bien vite évident que Piloué ne pourrait jamais se sortir de là tout seul et que les églantines -même en unissant leurs forces pour faire basculer leur consoeur - ne parviendraient à aucun résultat .
Fatiguées par tous ces efforts inhabituels ,les églantines reprirent leur place tout en piapiatant  entre elles ...
-Qu'ils se débrouillent ! fut leur conclusion .On a essayé n'est-ce pas !

Piloué se sentait devenir étrange , comme si il avait bu l'eau de vie de Marcel ...
Tipia sous le coup de l'émotion envoyait des phéromones odorantes sans aucun contrôle et le pauvre Piloué en était tombé ivre mort ou presque !
-Elle est plutôt mignonne cette petite bille verte , pensa Tipia en regardant Piloué  toute attendrie
De ses étamines elle le tapota doucement ;
De plus en plus émue par ce personnage et ,sans doute aussi , émoustillée par ses propres phéromones , elle couvrit Piloué de baisers de plus en plus audacieux...
Le cœur battant à tout rompre , Piloué n'osait bouger de peur que Tipia ne s'arrête ! ! !
Personne ne sait où il en trouva la force , mais il est dit que Piloué en réponse aux embrassements de Tipia ,se mit à rouler tout autour de sa corolle accueillante , dans une lente et voluptueuse caresse .
Ces deux-là avaient trouver le moyen de dépasser leur différence ...et de s'aimer comme tous les tourtereaux du monde !
Imaginez ça ! ! !
On crie au scandale dans l'églantier , en d'interminables piapiapias ...
Les églantines s'étranglaient de jalousie les pauvres !
Toutes ces roucoulades n'étaient tout de même pas prévues au sein de l'églantine , il faut bien dire la vérité n'est-ce pas ? !
Au bout de quelques temps , patatras ! Leur chute ne pu être évitée .Tipia prit grand soin tout de même d'envelopper Piloué de ses pétales .
Une touffe d'herbe tendre les accueillit et devint leur logis .
Nos amoureux comprirent que ce fut la fin de leur histoire dans ce potager .Sans aucune tristesse , ils s'enlacèrent , et laissèrent l'eau les enfoncer en terre , petit à petit , toujours ensemble .
Des mois et des mois ont passé ...
Un beau jour de printemps , vers Pâques , dit-on ,Marcel visitant son potager , aperçut une drôle de plante au pied de son églantier .Il n'avait jamais vu cela auparavant , nulle part !Il pouvait le jurer !
C'était une plante gracile , à la tige d'un vert tendre sur laquelle de frêles fleurs pastel semblaient danser ...
quand aux feuilles ?
-Mon Dieu !
-On dirait des feuilles de petits pois !Comment est-ce possible ?
Il se pencha pour voir ce miracle de la nature de plus près et là !Le parfum des fleurs l'enchanta .
Une fragrance fraîche , pétillante de joie ,suave , romantique ...Marcel ne trouvait plus assez de mots pour décrire la jeunesse de ce parfum .
Tout ému , il décida de ne pas laisser cette plante ramper sur le sol comme une vulgaire limace ...
Avec beaucoup de délicatesse , il la transplanta juste en face de l'églantier , tout près de son carré de petits pois ...
bien vite , de bouturage en bouturage , il y eu une magnifique haie de ces fleurs aux couleurs tendres et variées , et aux effluves si délicats .
Marcel était fou de joie et d'amour pour cette merveille qu'il baptisa Pois de Senteur .
Et voilà ! Vous savez tout maintenant ...
Ah ! Non !J'ai oublié de vous dire  que les églantines, en face ,n'ont pas appréciées d'être narguées ainsi par le fruit de cet amour ...contre nature
Mais ça ...! C'est une autre histoire ! 
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Juillet 2013 à 14:33:36
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Les yeux des chats

Vous voudriez bien savoir, n'est-ce pas, pourquoi les yeux des chats luisent la nuit ? Eh bien ! écoutez attentivement cette histoire.
La lune, ronde comme un ballon et qui passe pour une bonne fille, s'y entendait comme pas une pour plaisanter et jouer à colin-maillard avec les autres habitants du ciel. Mais elle était ce soir-là, de fort méchante humeur. Bouche amère, nez enflé et rougi, comme si elle avait attrapé le rhume de cerveau d'un géant, le front creusé de profondes rides qui trahissaient son irritation, elle regardait la terre d'un œil sombre.
Elle vint à passer devant la porte du Paradis. Saint Pierre était assis sur un banc et jouissait de cette douce nuit d'été. Quand la lune se montra, il était en train de tirer de sa pipe des volutes de fumée qu'il soufflait au nez des étoiles. « Mais qu'as-tu donc, chère amie ? demanda le portier du ciel en
voyant le visage hargneux de la voyageuse nocturne; on dirait que tu as mangé une bonne douzaine de pommes acides. »
«Pardon, dit la lune en s'asseyant à côté de Saint Pierre, je n'ai pas croqué de pommes sauvages!» Et toussotant pour s'éclaircir la voix, elle ajouta: « C'est si ennuyeux, vois-tu, de parcourir le ciel chaque nuit. Et je me sens parfaitement inutile. Au Paradis, je compte pour si peu. Une vieille femme comme moi n'a aucune perspective d'avenir. Et en bas, chez les humains, tous dorment derrière leurs volets clos. On dirait qu'ils craignent que je leur dérobe quelque chose. Me prennent-ils pour une voleuse ?
Je te le répète, j'erre sans raison à travers l'espace et le bon Dieu devrait bien me dispenser de cette corvée... »

Saint Pierre passa sa main dans sa barbe en se demandant ce qu'il y avait de vrai dans les récriminations de la lune. « Hum! dit-il enfin, je ne permettrai jamais que tu t'adonnes à la paresse. Mais, pour cette nuit, je veux bien faire une exception. Je vais te procurer des habits, des souliers et un bâton de pèlerin. Descends chez les hommes, guigne de-ci de-là dans les maisons, écoute ce qui se dit dans les chambres et tu sauras ce que les gens pensent de toi. »
Ce n'est pas sans peine que la lune, arrivée au bord du ciel, parvint à enjamber les montagnes. Par instant, elle restait suspendue à une aiguille de glace qui accrochait son habit au passage, et ses membres grêles se fatiguaient à supporter son énorme tête. Quand elle franchit enfin la porte d'une ville, elle trébucha et un mâtin qui rôdait par là l'accueillit avec des aboiements furieux: waouh, waouh... « Cela commence bien! » pensa la lune. En effet, une deuxième aventure lui advint aussitôt. Dans une basse-cour, située entre deux maisons, un malandrin tapi dans l'ombre, et qui venait d'attacher le bec des poules pour les empêcher de piailler, s'apprêtait à emporter son butin emplumé. « Nous verrons bien! » se dit la lune qui, indignée, entra dans la cour et inonda le voleur de sa vive lumière. Mais le malfaiteur ne s'effraya pas pour si peu. Il tenta de saisir la lune par le cou et, n'y parvenant pas, il lui décocha cependant quelques bons coups de poing avant de s'enfuir les mains vides. La pauvre en fut toute endolorie, mais elle se félicita d'avoir empêché un larcin.

Vous voudriez bien savoir, n'est-ce pas, pourquoi les yeux des chats luisent la nuit ? Eh bien ! écoutez attentivement cette histoire.
La lune, ronde comme un ballon et qui passe pour une bonne fille, s'y entendait comme pas une pour plaisanter et jouer à colin-maillard avec les autres habitants du ciel. Mais elle était ce soir-là, de fort méchante humeur. Bouche amère, nez enflé et rougi, comme si elle avait attrapé le rhume de cerveau d'un géant, le front creusé de profondes rides qui trahissaient son irritation, elle regardait la terre d'un œil sombre.
Elle vint à passer devant la porte du Paradis. Saint Pierre était assis sur un banc et jouissait de cette douce nuit d'été. Quand la lune se montra, il était en train de tirer de sa pipe des volutes de fumée qu'il soufflait au nez des étoiles. « Mais qu'as-tu donc, chère amie ? demanda le portier du ciel en
voyant le visage hargneux de la voyageuse nocturne; on dirait que tu as mangé une bonne douzaine de pommes acides. »
«Pardon, dit la lune en s'asseyant à côté de Saint Pierre, je n'ai pas croqué de pommes sauvages!» Et toussotant pour s'éclaircir la voix, elle ajouta: « C'est si ennuyeux, vois-tu, de parcourir le ciel chaque nuit. Et je me sens parfaitement inutile. Au Paradis, je compte pour si peu. Une vieille femme comme moi n'a aucune perspective d'avenir. Et en bas, chez les humains, tous dorment derrière leurs volets clos. On dirait qu'ils craignent que je leur dérobe quelque chose. Me prennent-ils pour une voleuse ?
Je te le répète, j'erre sans raison à travers l'espace et le bon Dieu devrait bien me dispenser de cette corvée... »

Saint Pierre passa sa main dans sa barbe en se demandant ce qu'il y avait de vrai dans les récriminations de la lune. « Hum! dit-il enfin, je ne permettrai jamais que tu t'adonnes à la paresse. Mais, pour cette nuit, je veux bien faire une exception. Je vais te procurer des habits, des souliers et un bâton de pèlerin. Descends chez les hommes, guigne de-ci de-là dans les maisons, écoute ce qui se dit dans les chambres et tu sauras ce que les gens pensent de toi. »
Ce n'est pas sans peine que la lune, arrivée au bord du ciel, parvint à enjamber les montagnes. Par instant, elle restait suspendue à une aiguille de glace qui accrochait son habit au passage, et ses membres grêles se fatiguaient à supporter son énorme tête. Quand elle franchit enfin la porte d'une ville, elle trébucha et un mâtin qui rôdait par là l'accueillit avec des aboiements furieux: waouh, waouh... « Cela commence bien! » pensa la lune. En effet, une deuxième aventure lui advint aussitôt. Dans une basse-cour, située entre deux maisons, un malandrin tapi dans l'ombre, et qui venait d'attacher le bec des poules pour les empêcher de piailler, s'apprêtait à emporter son butin emplumé. « Nous verrons bien! » se dit la lune qui, indignée, entra dans la cour et inonda le voleur de sa vive lumière. Mais le malfaiteur ne s'effraya pas pour si peu. Il tenta de saisir la lune par le cou et, n'y parvenant pas, il lui décocha cependant quelques bons coups de poing avant de s'enfuir les mains vides. La pauvre en fut toute endolorie, mais elle se félicita d'avoir empêché un larcin.

La lune, avant de vivre sa troisième aventure, s'arrêta devant la porte d'une chambrette et, collant l'oreille au trou de la serrure, écouta un enfant malade qui faisait sa prière : « Bon Dieu, disait-il, envoie-moi la lune afin que je puisse m'endormir sous sa garde ! » A côté, dans une chambre voisine, un vieillard gémissait : « Oh! si seulement la lune, mon amie d'enfance, pouvait venir me consoler de mes misères ! » Emue, la visiteuse apparut en même temps aux deux malheureux. Montrant une de ses faces au vieil homme et l'autre à l'enfant, elle leur parla gentiment et les réconforta.
La même maison possédait une mansarde occupée par une vieille femme qui nourrissait une armée de chats. Ces bêtes faisaient toute sa joie. Quand la lune poussa brusquement la porte, les animaux, aveuglés par la lumière, se précipitèrent sur elle comme un éclair, miaulant, soufflant et la griffant au visage, si bien que la pauvre lune tomba à genoux et demanda grâce.
La femme dit alors : « Ma chère lune, j'ai bien peur pour toi... Mais si tu fais un présent à mes chats, tu seras délivrée de leurs griffes. Offre-leur donc à chacun un peu de ta lumière et mets-la dans leurs yeux afin que ceux-ci brillent dans l'obscurité. » La lune n'avait d'autre moyen, pour sauver sa vie, que de répondre favorablement et sur-le-champ à cette demande. « De la lumière, dit-elle, mais j'en ai à revendre ! C'est pourquoi il ne me coûtera guère d'en abandonner une étincelle dans les yeux de chacun de tes chats. » Et elle s'exécuta aussitôt. Alors les félins rentrèrent leurs griffes et s*assirent gentiment autour d'elle. Avançant patte de velours, quelques-uns la caressèrent doucement ; d'autres léchèrent ses blessures avec leur petite langue rose, ou agitèrent la queue comme un éventail pour lui donner un peu d'air frais.
C'est depuis ce moment-là que les yeux des chats luisent dans l'obscurité. Et la lune, convaincue enfin de son utilité, cessa de se plaindre et reprit sa ronde infatigable et vagabonde au firmament.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Juillet 2013 à 15:05:01
(http://img15.hostingpics.net/pics/388750cam.jpg)
Petit-Dé

Petit-Dé habitait tout au fond du val d'Acherloo, dans la contrée qui s'étend entre les pâturages et le marais. Il devait son surnom à la petite campanule bleue en forme de dé qu'il portait à l'extrémité d'un long chaume planté sur son bonnet, et qui sonnait clair dans le vent. De son métier, Petit-Dé était vannier et tresseur de paille. Comme il avait un heureux caractère, il chantait tout en confectionnant des objets qu'il décorait ensuite tels des œufs de Pâques. Et, le soir, il faisait le tour des fermes et offrait sa marchandise aux paysans. Mais les jeunes filles le fuyaient car le pauvre garçon était bossu. Cette infirmité faisait jaser les gens qui murmuraient que Petit-Dé pouvait bien avoir conclu un pacte avec les méchants esprits et insinuaient même qu'il préparait des breuvages maléfiques. Jerne, l'orgueilleuse fille d'un paysan, était la plus acharnée. Chaque fois qu'elle le rencontrait, elle lui disait: « Ote-toi de mon chemin, tu es si laid que tu me rends malade ! » Une fois, Petit-Dé, qui n'avait vendu qu'un seul chapeau de paille, se sentit fort mélancolique. C'était bien tard et il devait rapporter toute sa marchandise à la maison. La route était longue et la charge pesait lourdement sur sa bosse. Il déposa son fardeau au pied d'une colline et, vaincu par la fatigue, s'étendit dans l'herbe. Le sommeil le gagna alors qu'il regardait tristement la lune. Mais à peine avait-il fermé ses paupières que des voix mélodieuses se firent entendre, pareilles aux sons de la harpe. D'où provenait ce chant si doux ? Il semblait sortir dé la colline et Petit-Dé perçut nettement, à deux reprises, ces mots: « Lune d'or sur les vagues d'argent... » II se leva et prêta l'oreille, partagé entre l'étonnement et la crainte. « Bien sûr, pensa-¬t-il, je me suis adossé à la colline aux elfes, et comme il est minuit, les lutins dansent leur ronde. »

Un instant après, la mélodie retentit de nouveau. « N'en savent-ils pas plus long?» se dit Petit-Dé qui était tout oreilles. Puis il se mit à chanter doucement avec eux:
« Lune d'or sur les vagues d'argent. » et il poursuivit avec ferveur alors que le chœur souterrain s'interrompait : « Belle, tu vogues au firmament. »
La colline devint tout à coup silencieuse. Les brins d'herbe et les feuilles s'immobilisèrent. On eût dit que les elfes, surpris, retenaient leur souffle. Puis une trappe, dissimulée sous la verdure, grinça et livra passage aux lutins qui, jolis comme des angelots, dansaient, chuchotaient, pépiaient. Frappant des mains, ils entourèrent Petit-Dé en poussant des cris de joie : « Grâce à toi, le chant est maintenant deux fois plus long et mille fois plus beau ! » Et sans qu'il pût se défendre, ils l'entraînèrent à l'intérieur de la colline. « Laisse-nous t'examiner, lui dirent-ils en riant. Qu'as-tu là pour une bosse? Une, deux, trois : la voilà partie. Que portes-tu là pour un habit déchiré ? Une, deux, trois : te voici revêtu d'un pourpoint resplendissant. Tu ne possèdes qu'une misérable chaumière dans le val d'Acherloo ? Une, deux, trois : voici pour toi une jolie maisonnette avec une vache et un petit chien joueur qui t'accueillera en aboyant. » Pour finir, ils entonnèrent encore une fois leur fameux refrain. Petit-Dé se mit à bâiller. Mais comme il ne voulait pas s'assoupir et être contraint de rester dans la colline aux elfes, il se secoua... et s'éveilla. Car il s'était endormi et avait rêvé toutes ces merveilles.
Le soleil était déjà haut dans le ciel quand Petit-Dé ouvrit les yeux. Une larme de regret
lui coula le long de la joue. Mais c'était si beau, même en rêve, d'être débarrassé de sa bosse qu'il se sentit, malgré tout, frais et dispos. Il abaissa son regard et, à sa grande surprise, se vit revêtu du splendide, pourpoint que les elfes lui avaient donné. Il se tâta le dos: ô miracle! sa bosse avait disparu. Eperdu de reconnaissance, le jeune homme s'écria : «Merci du fond du cœur, chers petits lutins! »

Comme une traînée de poudre, la nouvelle se répandit que les elfes avaient transformé le vannier, et chacun trouva que l'heureux Petit-Dé avait mérité ce bonheur. Seule Jerne, l'orgueilleuse, ne partagea pas la joie générale. Jaune d'envie, elle affirma : « Le drôle a menti, c'est le diable qui lui
est venu en aide ; j'irai le dire aux elfes. » Vers minuit, elle se glissa près de la colline et attendit avec impatience la ronde des lutins. Les elfes chantaient, comme la veille :
« Lune d'or sur les vagues d'argent, Lune d'or sur les vagues d'argent. »
Jerne unit sa voix aux leurs, puis ajouta :
« Mais je crois que Petit-Dé ment. » « Qui trouble notre chant ? » s'écrièrent les elfes. Quittant aussitôt la colline, ils entourèrent la méchante Jerne. Mais cette fois, ce n'était plus une ronde joyeuse. Sans lui laisser le temps de s'expliquer, ils entraînèrent la jalouse dans leur demeure souterraine. La bosse était dans un bocal de verre. Ils la prirent et la fixèrent dans le dos de Jerne, entre les épaules. Puis ils poussèrent la jeune fille vers la porte et la chassèrent. Et c'est en pleurant amèrement qu'elle rentra à la maison. - Dès lors, Petit-Dé fit de bonnes affaires. Tout le monde l'aimait. Au cours de ses tournées, quand il allait de porte en porte, offrant ses paniers et ses chapeaux, et qu'il passait chez Jerne, il la consolait en disant : « Prends patience i Je t'apprendrai un jour un beau refrain afin que les elfes aient pitié de toi et te délivrent de ta bosse. »

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 05 Juillet 2013 à 10:45:31
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Les Trolls et le festin nuptial

Il y a de cela si longtemps que personne ne s'en souvient peut-être plus, vivaient dans le Grand Nord, là où l'océan glacé balaie les côtes rocheuses, d'étranges nains : les trolls. De la taille de jeunes écoliers, ils ne se différenciaient aucunement des hommes, si ce n'est par leur long nez et leur peau basanée. Certaines gens prétendaient qu'ils avaient aussi de minuscules queues, mais personne ne réussit jamais à les voir. Les trolls portaient en effet de larges pantalons flottants sur lesquels tombaient les pans d'une veste rouge aux grands boutons de cuir. Leur tête était couverte d'une bonnet à pompon qu'ils troquaient parfois contre un large chapeau magique : dès qu'un troll coiffait ce chapeau, il devenait invisible.

Ils vivaient en paix avec les hommes, les secondant même à l'occasion. Mais quelquefois, ils étaient pris d'une faim soudaine, une véritable boulimie : dans ces moments-là, ils mettaient leur chapeau magique et se glissaient dans les garde-manger ou dans les caves où se trouvaient les réserves de nourriture. Personne ne pouvant les voir, ils festoyaient en toute tranquillité, vidant étagères et tonneaux. Ces visites laissaient généralement dans les maisons un beau désordre ! Pour se préserver d'un tel pillage, les ménagères devaient marquer du signe de la croix chaque aliment. Alors les trolls n'y touchaient point.

Un jour, un jeune homme nommé Swen vint s'allonger après son travail à l'orée du bois, et s'endormit. Bientôt, il fut réveillé par des voix sortant des fourrés voisins :

« N'as-tu pas vu mon chapeau ? » demandait l'une.

« Si tu ne le trouves pas, prends celui de grand-père, conseillait une autre. Cela ne fait rien s'il est trop grand pour toi. Seulement, dépêche-toi, le mariage a certainement déjà commencé !  »

Ce sont sans doute des trolls, pensa Swen. Le maire de la commune marie sa fille aujourd'hui et c'est pour cela qu'ils mettent leur chapeau : ils se réjouissent déjà à l'idée d'aller dérober la nourriture dans les assiettes des invités.

Bien que les trolls fussent invisibles, le jeune homme entendit parfaitement le bruit de leurs pas se hâtant vers le village, directement chez le bourgmestre. Il s'apprêtait à les suivre lorsqu'il aperçut dans les branches quelque chose de noir : c'était le chapeau qu'un des trolls avait vainement cherché. Le jeune homme le prit et se rendit lui aussi à la ferme du maire. L'orchestre jouait déjà et les invités festoyaient joyeusement.

Prenant place près des mariés, en bout de table, les trolls commençaient à manger avec une telle voracité que la maîtresse de maison ne suffisait plus à changer les plats vides. Les invités jetaient vers le jeune couple des regards étonnés :

« Sapristi, chuchotaient-ils, les mariés ont dû jeûner toute la semaine ! Regardez à quelle vitesse les mets disparaissent ! »

Swen, qui assistait à ce spectacle, ne put s'empêcher de sourire en entendant ces propos. S'approchant alors du maire, il lui remit discrètement le chapeau des nains en lui soufflant à l'oreille :

« Monsieur le Maire, mettez ce chapeau sur votre tête, et vous verrez quels hôtes inattendus se sont joints à vous ! »

Obéissant au jeune homme, le maire coiffa le chapeau et aperçut alors aux côtés des mariés deux trolls avalant goulûment les mets délicats. Il allait les chasser lorsque Swen l'arrêta. Il ne fallait pas fâcher les petits hommes. Mieux valait user d'astuce. Et il lui murmura quelques mots.

Ensuite, le garçon sortit de la maison par la porte de derrière, tandis que le bourgmestre, toujours coiffé du chapeau, reprenait sa place. D'autres invités avaient eux aussi la tête couverte.

Un instant après, Swen entra précipitamment dans la pièce et annonça, haletant :

« Bonnes gens, voici le comte en personne qui arrive pour féliciter les mariés ! »

Le silence se fit aussitôt et le maire dit d'une voix solennelle :

« Chers enfants, chers amis, cette visite de notre seigneur est pour nous un grand honneur. Recevons-le dignement. Ayez donc l'obligeance de vous lever et de vous découvrir. »

Donnant lui-même l'exemple, il ôta son chapeau de troll. Les invités en firent autant. Quant aux nains, impressionnés eux aussi, ils bondirent sur leurs pieds et enlevèrent également leurs larges chapeaux.

C'était le piège. A peine se furent-ils découverts en effet que les invités les aperçurent et comprirent pourquoi les plats servis aux mariés étaient si vite engloutis. Alors, avec de grands éclats de rire, ils chassèrent les trolls de la table. Mais la maîtresse de maison, bienveillante, les rejoignit dans le couloir, tenant la marmite de purée, pour en remplir leurs grands chapeaux : on n'avait encore jamais vu quelqu'un quitter un repas de noces les mains vides !

Les trolls ne s'en offusquèrent pas : c'était leur mets préféré ! Ils s'inclinèrent, pleins de reconnaissance, devant la maîtresse de maison et dirent en chœur :

« Ma foi, nous allons nous régaler ! Nous vous remercions de tout cœur ! »

Les gens de la noce, finalement, ne virent pas le comte. Mais cela ne les empêcha pas de festoyer, de chanter, de danser et de s'amuser jusqu'au petit matin.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Juillet 2013 à 08:11:16
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La Fée, l'Ogre, et le Chapeau Magique

(1)- L'Ancêtre

Dans un lointain royaume dont on ne sait pas le nom, entre Bretagne et verte Erin, vivait un oiseleur. Il

capturait chaque jour, dans ses rets ou à la glu, quelques oiseaux étourdis qu'il vendait au marché.

Était-ce de les voir voleter de ça de là qui lui donna l'envie, toujours est-il que le soir tombé, en dépit de 

sa fatigue, le jeune Cédric s'essayait à la poésie. Certes, les plumes ne lui manquaient pas, ni l'encre, ni le

papier, mais son esprit, lui, ne quittait pas le sol. Les images couraient dans sa tête, mais au moment d'écrire, 

aucun mot ne venait. Les visions repartaient par la fenêtre. Elles rejoignaient les hirondelles qui se moquaient

de lui.

Dépité, Cédric vint consulter son grand-père, un alchimiste à la retraite qui finissait ses jours dans la

maison des vieux.

-Mon petit, l'inspiration est chose capricieuse, lui dit-il. Un voilier perdu au coeur des flots. Sujet à la houle

et au vent. Il y faut un solide gréement et un bon gouvernail. Elle se nourrit de passion et de raison. La

passion, c'est le vent. Sans lui, on ne peut avancer, mais en excès, la mâture craque. La raison, c'est la barre. 

Si tu la lâches, tu n'iras nulle part. Tu tourneras en rond ou tu chavireras. À toi de concilier ces deux aspects

de ta nature qui sans cesse se battent.

-Mais grand-père, vous qui savez tirer l'or du sable, vous avez bien une idée. Une méthode ? Une recette ?

-Hélas, Cédric, pas la moindre. Regarde-moi. Je suis âgé. Je mourrai d'ici peu. Mort et ignorant. Je ne

sais rien !

-Oh, grand-père...

-Si, si, je t'assure. Je n'ai d'alchimiste que le nom. Ce que l'Univers contient de semences éternelles, aucun

livre ne me l'a montré. Imposture ! Les sept pièces d'or qui me restent, je ne les ai pas créées. C'est le simple

résidu de la fortune héritée de mes parents que j'ai englouti dans une folle entreprise. Je te les donne. Je

serais capable de les boire ! Je te donne aussi mon âne, mon chat, et mon pigeon voyageur.

-Merci, grand-père. Mais qu'en ferai-je ?

-Et moi donc ! Tout ce que je sais, c'est qu'il existe au Ponant, près des falaises qui finissent la terre, un

cheval doté d'une paire d'ailes. Celui qui parvient à monter dessus s'envole avec lui jusqu'aux plus hautes

sphères du génie, dans une fougueuse cavalcade remplie de joie et de poésie. Alors, mon enfant, pars avec

ce que je t'ai donné, passe la rivière qui nous sépare des terres de l'Ouest, et va jusqu'à l'océan. Le feu de la

vie chauffe tes veines. Tu es jeune et fort. Tu réussiras là où j'ai échoué. Vas-y !

-La route est sans doute longue et périlleuse. Avec quels moyens puis-je me lancer dans un tel parcours ?

-L'âne te portera. Le pigeon sera ta boussole. Et le chat pêchera le poisson que tu mangeras, lorsque tu

seras lassé de tendre des pièges aux cailles. Quant à l'or, méfie-toi. N'en uses qu'en cas d'extrême urgence.

Ce vil métal attire sur soi le malheur. Si j'avais su ! Évite villes et tripots, et bois l'eau des sources. Allez, va !

(2)- Le Passeur

   Dès le lendemain, notre oiseleur partit avec ses trois animaux et ses sept pièces d'or, baluchon à l'épaule. Il

franchit donc la fameuse rivière. Comme il n'existait ni pont, ni gué pour traverser à sec, Cédric dut bien se

résoudre à payer les services d'un passeur. Le chat, qui n'aimait guère l'eau, se fit longtemps prier pour

monter sur le bac.

-Où te rends-tu donc, mon gars ? lui demanda l'homme, tout en tirant sur le cable.

-Je pars quérir l'inspiration au Ponant, là où vit un cheval ailé.

-Un cheval ailé ? Jamais entendu parler. Pourtant, des chevaux, j'en ai passé quelques uns. Pour moi, ce

sont des racontars. Ça n'existe pas.

Et quand on eut atteint l'autre rive et que Cédric l'eut payé d'une pièce d'or, lui d'ajouter, les yeux brillants :

-Mais tu es riche comme Crésus, dis-donc ! Avec tes habits rapiécés, ton baudet, ton chat et ton volatile,

je t'avais pris pour un pauvre paysan. Un cheval ailé ? Mais bien sûr ! À toi, qui as de quoi te payer tes rêves,

je peux bien le dire. Je ne voulais pas te donner de faux espoirs. Il existe. Même qu'il est blanc, que sa 

queue est longue et fourchue. Mon cousin tavernier qui tient commerce à deux lieues d'ici te le confirmera. Il

a déjà vu la bête. Juré sur le chapeau de la fée Astrid.

-La fée Astrid ?

-Oui, c'est une belle fée qui vit près d'une source. La légende dit que c'est la fille du soleil et de la neige,

d'où son teint très pâle. Son chapeau est une corne d'abondance. Quiconque s'en empare entasse vite les

trésors. Tout le monde voudrait le lui prendre. Faut-il encore la trouver !

(3)- La Potion

Cédric remercia le passeur et reprit sa route avec ses trois amis. L'âne avança sans trop de réticence tout

d'abord. Mais cela ne dura guère. À chaque fois que l'on abordait un tournant, la cadence tombait un peu plus

bas. L'animal n'en faisait qu'à sa guise. Son tempo se réglait au rythme des chardons qu'il mangeait, ou du

murmure d'un ruisseau qui le faisait repartir d'un coup, pour vite étancher sa soif.

Une roulotte les rattrapa. Deux chevaux la tiraient. Le conducteur, maigre comme un épouvantail, était vêtu

d'une redingote trop courte aux manches, et d'un grand gibus. Curieux personnage...

-Et bien, jeune homme, dit-il. Vous avez quelques difficultés à faire entendre raison à votre monture, à ce

qu'il semble.

-Oui. Et je me demande si je parviendrai à bon port !

L'attelage se gara en bord de route, et l'homme descendit. 

-Un problème avec votre âne ? dit-il. Qu'à cela ne tienne, j'ai la solution à vos ennuis. Je suis marchand de

potions, et, croyez-moi, j'ai celle qu'il convient d'administrer à cette bête rétive.

-Ah ?

-Oui. Permettez-moi de me présenter : Docteur Miracle.

C'était, en effet, ce que l'on voyait écrit en grosses lettres rouges sur le côté de la roulotte en bois qui

s'ouvrait en auvent. Comme pour les épiciers ambulants. 

Le Docteur prit place dans son officine et commença son numéro de camelot.

-Je suis, mon cher monsieur, le roi de la potion. Ici, tout pour la fièvre quinte, l'eczéma, la toux, les vers,

l'indigestion, la tristesse, la paresse ou l'insomnie.

-Et pour l'inspiration ? Celle des poètes ?

-L'inspiration ? Ah, pour cela, mieux vaut demander à Pégase.

-Pégase ?

-Oui, un cheval volant qu'il convient d'enfourcher les nuits de pleine lune. Né d'une goutte de sang de la

Méduse que répandit à terre le héros Persée. Il porte le tonnerre et les éclairs de Zeus. Lorsqu'il frappa de ses

sabots le sol, il fit jaillir le Mont Hélicon, demeure des muses, et la source Hippocrène où s'abreuvent les

poètes. Tagada, tagada, tagada, on peut l'entendre, écoutez !

-C'est bien lui que je cherche. Oui, c'est lui !

-Par ici ? On n'est pas vraiment chez les grecs.

-On m'a dit qu'il habitait les falaises du Ponant, près de l'océan.

-Mmmoui... c'est possible. Beaucoup de chevaux soignent leurs douleurs en bord d'océan. Mmmoui... J'ai

même une potion qui hâtera le pas de votre âne. Vous y serez demain ! Juré sur le chapeau de la fée Astrid.

Et le bon Docteur Miracle exhiba un flacon à Cédric qui mit main à la poche et paya d'une pièce d'or.

L'homme roula de grands yeux et reprit :

-Je n'ai pas la monnaie. Mais je vous offre, en supplément, une fiole de grand prix. Le sirop Vespetro. Avec

ça, vous digèrerez même les pierres. Pour l'âne, tout le flacon. L'autre, bien sûr.

Ayant dit, le Docteur Miracle saisit les rênes de ses chevaux et s'en alla, laissant l'oiseleur, ses bêtes, et

ses deux bouteilles.

Cédric but trois gorgées de Vespetro pour faire passer le poisson qui lui pesait sur l'estomac, et dilua

l'autre substance dans un seau d'eau qu'il donna au baudet. À peine remonté dessus, l'animal se cabra et

partit au galop. Cédric se retrouva par terre, l'âne déjà loin devant. Et pour achever le tableau, une diarrhée 

lui tordit les entrailles et il courut se soulager bien vite : VESPETRO.

-Sale bonimenteur ! hoqueta l'oiseleur, la face à moitié verte. Si je le retrouve, je lui donne à boire toute la

fiole.

Mais le Docteur Miracle s'était évanoui dans la nature, et l'âne avec lui, et lui avec l'âne.

(4)- L'Ivresse

C'est donc à pieds que se poursuivit la quête de Cédric. La journée avançait plus vite que son équipage.

Comme il était las, il ne se voyait pas traquer les oiseaux ou remanger du poisson. Alors il se souvint de la

taverne que tenait le cousin du passeur, et dont se profilait enfin la cheminée.

-Tant pis, se dit-il. J'en suis quitte pour une troisième pièce d'or. Pardon, grand-père. Mais j'ai l'écuelle aux

dents et mon ventre n'attendra plus.

La taverne n'avait rien d'un restaurant de luxe, mais c'était la seule aire de repos trois lieues à la ronde.

Cédric laissa son chat et son pigeon, qui s'entendaient à merveille, et entra.

Trois tables et le comptoir. Deux tables occupées. L'une par des joueurs de dés, l'autre par trois hommes à

la mine patibulaire, les dents noires et mal rasés. 

Cédric s'assit à la table vide.

-Ah ! un double six, pour une fois. Ça serait bien que j'y arrive, dit un joueur de dés.

-Tu n'as qu'à souffler sur tes doigts, lui dit son vis-à-vis en ricanant. Qui sait ? Peut-être que l'inspiration te

viendra.

-L'inspiration ! C'est justement ce qu'il me faut ! s'écria l'oiseleur.

-Et pour monsieur, ça sera ? lui demanda sur un ton insistant le tavernier. Vous avez de quoi, j'espère.

Le tavernier se méfiait du nouvel arrivant et de son aspect piteux.

-Mais oui. Tenez, une belle pièce d'or.

Les trois compères assis à la table voisine se regardèrent sans mot dire. Puis l'un d'entre eux se leva et

parla :

-Ce jeune homme nous fera-t-il l'honneur de manger et trinquer avec nous ?

-Trop aimable. Bien volontiers. Aubergiste, un pichet de rouge et du pâté !

-Un pichet ? rigola l'homme. Peuh, peuh, peuh ! Buvez plutôt avec nous de ce vin-ci. Il contient tout l'esprit

de la pomme. La meilleure eau de vie. Très bon pour l'inspiration. Je vous ai entendu, tout-à-l'heure. Alors,

comme ça, on veut capturer le génie ?

-Oui. Je suis oiseleur et poète. Et je cherche aussi le cheval Pégase. Un cheval avec des ailes. Il paraît

que monsieur l'aubergiste l'a déjà vu, d'après son cousin passeur. Blanc, avec une longue queue fourchue.

-Bien sûr, dit le tavernier. Même qu'il a une langue verte et des griffes aux sabots. Une sacrée bonsoir de

bête. J'ai dû me pincer pour m'assurer que je ne rêvais pas. Sur le chapeau de la fée Astrid, je le jure.

Et Cédric but tout le génie de la bouteille d'eau de vie. Nul doute qu'il eut son content de visions. Puis il

sortit en titubant de la taverne, après s'être acquitté de son dû.

Il n'eut pas marché trois cents mètres avec ses deux acolytes, que les trois brigands l'eurent rejoint. Un

coup de bâton sur le crâne, on prit les quatre écus restants, et la messe fut dite.

Les larrons prirent la fuite sans se soucier du sort de leur victime, raide étendue. Ils allèrent porter tout droit

leur butin au repaire de l'ogre qui les commandait. Un grand ogre. L'un de ces géants dont on dut se servir

pour déplacer les mégalithes de Stonehenge.

-Comment ! tonna-t-il. C'est là, vils coquins, tout le produit de vos oeuvres du jour ? Vous avez intérêt à

vous rattraper demain. Sinon, c'est les chiens et la chasse à courre !

L'ogre avait une passion. Non seulement, sa cupidité le poussait à s'emparer du bien d'autrui par n'importe

quel moyen, mais sa rapacité se doublait d'une cruauté sans égale. Il prenait plaisir à chasser dans les bois

ses prisonniers après les avoir relâchés, puis lancé sur eux ses chiens, arbalète en mains. Une espèce 

de Comte Zaroff. Après quoi, il les dévorait en compagnie de ses pareils, au cours de sinistres festins. C'était

un ogre, quoi. Un vrai.

-Et pendant que j'y songe, reprit-il. Le stupide cheval que vous m'avez apporté l'autre soir ne me sert à

rien. Je suis trop grand pour le monter. Je le mangerai donc sous peu. Mais je veux que vous me rameniez la

fée Astrid et son chapeau magique. Ratissez toutes les sources jusqu'à ce que vous la trouviez. Et dare !

Depuis qu'on me vante les délices de sa tarte aux pommes, je voudrais bien en savoir le goût.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Juillet 2013 à 08:13:22
La Fée, l'Ogre, et le Chapeau Magique (suite et fin)

(5)- La Douceur

Cédric gisait sur l'herbe. Ses oreilles sifflaient, sa tête était en feu, ses membres endoloris. C'est à ces

détails qu'il conclut qu'il vivait toujours. On ne souffre pas, au Paradis, du moins à ce qu'on dit.

Soudain, une merveilleuse vision qu'il ne devait pas à l'eau de vie lui fit oublier qu'il avait mal. Une

apparition. C'était une très belle jeune femme. 

Simplement vêtue d'une tunique blanche, elle allait pieds nus. La lumière du crépuscule aux doigts dorés

qui la frappait de dos l'enveloppait d'une douce aura. 

Sa peau était d'un blanc laiteux, ce qui la rendait irréelle.

-Ne bougez pas ! dit le fantôme. Je vais vous soigner.

Et la dame passa sur le front et les tempes de Cédric un linge qu'elle avait trempé dans la fontaine

avoisinante. Puis elle frappa des mains. Aussitôt apparut une biche, et, chose étonnante, elle se laissa traire

comme on l'eût fait avec une chèvre. Une fois le pot rempli, elle fit boire le lait à Cédric à petites lampées, en

lui soulevant sa tête avec douceur.

-Là, ça va aller mieux, dit-elle de sa voix suave. Allez dans ma cabane. Pas trop vite. Vous y dormirez

jusqu'à ce que vous recouvriez vos forces.

Alors que Cédric s'installait sur une litière rembourrée de paille, il avisa la porte de la cabane où était

suspendu au crochet un joli chapeau noir. L'un de ces chapeaux que portent les dames bien nées quand elles

vont à l'hippodrome le dimanche.

-La fée Astrid, c'est donc vous ? dit-il à la belle.

-Astrid, oui. Mais fée, certainement pas !

-Le chapeau ?

-Je sais ! Il ne cadre pas avec ma garde-robe de chevrière. C'est tout ce qui reste du temps que j'étais

princesse dans un autre pays. J'étais si malheureuse que je résolus de m'enfuir. Et voilà.

-Tout le monde dit que vous êtes une fée, que votre chapeau est magique, et qu'il comble de richesses

celui qui le possède.

-Sauf moi ! Ah, les hommes et leur imagination enfièvrée ! Ils voient en moi des tas de choses délirantes.

L'un croit que je suis une déesse, un autre une muse. Ou bien sa mère. Ou sa fiancée. Ou pire ! Une jeteuse

de sorts, ou qui sait quoi. En vérité, ils ne projettent sur moi que leurs désirs ou leurs craintes. Je ne suis rien

de tout cela, mais allez le leur dire ! La plupart ne m'ont jamais vue. Aucun ne me prend pour ce que je suis,

hélas. Et maintenant dormez ! Assez parlé. Buvez cette tisane, et au lit !

Le lendemain, une odeur qui mettait en appétit arracha Cédric du sommeil. Signe évident de guérison.

-Venez manger ! lui dit la belle Astrid.

-De la tarte aux pommes, du fromage de chèvre et du cidre ? Vous me gâtez, charmante fée !

-Pourquoi diable persistez-vous...

-En cet instant, je le veux croire. Sans vous, je serais peut-être mort sur la route. Alors oui, pour moi, vous

êtes la fée Astrid. Ma bonne fée. S'il y a un service que je puisse vous rendre, une chose qui vous ferait

plaisir, demandez, exigez, je suis votre obligé.

-Mangez la tarte, en attendant.

Ayant mangé, ayant bu, l'oiseleur considéra, non sans regret, qu'il devait mener à terme sa quête.

-Gente dame, lui-dit-il. Je m'en vais au Ponant chercher un certain cheval blanc nommé Pégase. Dès mon

retour, je passe vous voir.

-C'est ce qu'ils disent tous, soupira la fée en levant les yeux au ciel, mais jamais ils ne reviennent.

L'inspiration, qu'est-ce qu'ils ont tous avec ça ? Pour moi, c'est ce que je vis dans l'instant. L'air que je respire,

le clapotis de l'eau, le bêlement des chèvres, la libellule qui passe. Que ne donnerais-je pour être libellule ? Et

vous aussi, vous voulez mon chapeau ?

-Certes non ! Juste votre sourire. Et je vous laisse en gage de ma promesse mon pigeon voyageur.

Enfermez-le dans une cage ou attachez-lui une patte, qu'il ne me suive pas. À la moindre difficulté,

relâchez-le: il me retrouve et j'accours.

(6)- La Logique

Et Cédric reprit la route avec son chat, le seul ami qui lui restait. Tantôt il le portait dans un panier d'osier

que lui avait donné Astrid, tantôt il le laissait trotter à ses côtés.

Quand ils eurent cheminé une demi-journée, alors qu'ils se substantaient tous deux à l'orée d'un bois avec

des poissons que la bête avait pêché dans un ruisseau des environs, se présenta un pèlerin. La fumée du feu

avait dû l'attirer.

L'homme était maigre, ascétique voire, portait une très longue barbe, et il marchait en s'aidant d'une canne.

Ou plutôt, il boîtait.

-Auriez-vous la bonté de me faire l'aumône d'un poisson, mes amis ? demanda-t-il. Je vous donnerai

quelques baies que j'ai ramassé en forêt.

-C'est une cause entendue. Bienvenue, dit Cédric. Vous n'habitez pas dans le coin ?

-Non. Dans ce pays de fous, j'aime autant pas ! Je suis un logicien de l'Université en pèlerinage pour

méditer sur le pragmatisme.
-Le pragmatisme ?

-L'art de la raison pratique et du principe de réalité. Toute entreprise peut aboutir, dès lors qu'on la

décompose en étapes simples et claires pour l'esprit. On peut tout expliquer par A plus B. La fantaisie n'existe

pas. C'est le refuge et la consolation des faibles et des idiots. Quant au rêve, il n'est que perte de temps.

-Et l'inspiration ? Le cheval ailé...

-Des fables, jeune homme, des fables. Vous n'y croyez pas, j'espère ! Un grand garçon comme vous,

voyons !

Et tandis qu'il expliquait le pragmatisme, le logicien dévorait à belles dents tous les poissons que le chat

avait pêché. La logique mange bien, dès qu'elle en a l'occasion.

-Et où dirigez-vous vos pas ? reprit le barbu d'université.

-Euh... nous cherchons la falaise au bord de l'océan, au-delà de cette forêt. Vous savez quel sentier y

mène au plus court, monsieur ?

-Professeur. Non, mais je connais deux arbres qui, à la croisée de deux routes vous l'indiqueront. Je sais

un plan infaillible pour les interroger.

On partit, clopin-clopant, vers les deux arbres en question. Alors qu'ils marchaient, le professeur expliqua

que le chêne et le hêtre se disputaient sans cesse, et que pour se contrarier l'un l'autre, chaque arbre disait

toujours l'opposé de son rival. Ils furent vite en vue. Enfin, autant que la canne du logicien le permettait.

-Noble chêne, questionna le barbu, si je demandais à ton voisin le hêtre quelle est la route pour l'océan,

laquelle indiquerait-il ?

Et le chêne remua l'une de ses branches qui pointa l'un des deux chemins formant la fourche.

-Jeune homme, prenez l'autre. C'est assurément le bon. Bonne route. Je ne vais pas là-bas. Je déteste la

mer.

-Vous croyez que...

-Je ne crois pas, je sais. Le contraire du faux, c'est le vrai ! L'un des arbres ment. Par conséquent, il faut

entendre le contraire de ce qu'il dit. Allez, c'est par là ! Tout se démontre par A plus...

Floup ! Le logicien s'empêtra dans une racine qu'il n'avait pas vue, et s'étala de tout son long. Le chat prit

peur et partit en courant sur le mauvais chemin.

-Reviens ici, toi, lui cria Cédric, c'est de l'autre côté !

Mais le chat ne voulait rien entendre. Il s'enfonçait plus avant, fuyant le professeur. Ne voulant pas le

perdre, Cédric lui emboîta le pas. Et qui prouvait que le logicien eût raison ? La logique aussi, pouvait boîter.

Les arbres mentaient peut-être tous les deux. À supposer que le chêne eût parlé, plutôt que les aléas du vent 

dans les branchages...

(7)- La Captive

Cependant l'ogre était dans son château en bord de mer, au bout de la lande couverte de salicorne et

d'ajonc nain. Ses émissaires avaient fini par capturer la fée Astrid. Elle était enfermée dans une chambre, au

troisième étage de la grande tour.

-Mais que vois-je ici, un pigeon ? demanda l'ogre à la damoiselle, désignant une cage, l'oeil gourmand.

-Je vous préviens, méchant ogre, dit Astrid, que si vous touchez à cet oiseau, pas de tarte aux pommes !

-Ça va, ça va. De toutes façons, il n'est pas bien gras. Donnez-moi votre chapeau, la fée, que j'invoque la

richesse.

Comme s'il n'était pas assez riche ! Plus tu as, plus tu prends ; moins tu as, plus tu donnes. Va savoir. Et

l'ogre sortit avec le couvre-chef en grommelant.

Sitôt seule, Astrid se rappela de la promesse de Cédric. C'était le moment ou jamais de voir s'il la tiendrait.

Et elle libéra le pigeon qui s'enfuit par la fenêtre en direction de la forêt.

C'est pour se repérer dans cette même forêt à la même heure du jour, que Cédric grimpa sur la cime d'un

grand arbre. Lorsqu'il eut scruté l'horizon et eut enfin vu moutonner l'océan, et qu'il redescendait à terre, un

oiseau se posa sur son épaule. C'était le pigeon d'Astrid que l'oiseleur, qui savait son métier, reconnut aussitôt.

-Dis-moi un peu, lui dit-il, où se trouve ta maîtresse ?

L'oiseau ne se le fit pas répéter. Il voletait d'avant en arrière pour presser le pas de Cédric et du chat, et les

amena jusqu'aux grilles du château de l'ogre. Hélas, les molosses étaient là, eux aussi, et mieux valait ne pas

s'y frotter.

Or le chat fut frappé d'un soudain coup de génie. Il se faufila entre les barreaux et partit le long de l'enclos,

entraînant après soi toute la meute des chiens. Puisque la voie était libre, l'oiseleur escalada le mur et traversa

le parc en direction des écuries où il entra, tandis que le pigeon regagnait la fenêtre d'Astrid.

Entendant hennir et renâcler derrière une porte, Cédric l'ouvrit. Plus vif que la poudre, un cheval en sortit. Il

ne demanda pas son reste et se sauva. Le jeune homme n'eut pas le temps de vérifier s'il portait des ailes,

mais à la vitesse où la bête avait jailli, le doute n'était pas permis. C'était sûrement Pégase ! Même de 

sauter par dessus le mur d'enceinte, fut pour lui jeu d'enfant. 

Ayant suivi du regard le manège du pigeon, Cédric se hissa le long du lierre qui tapissait la tour et pénétra

dans la chambre d'Astrid.

-Insensé que vous êtes, grand fou ! dit la dame. La pièce est fermée à clé. L'ogre peut surgir à tout

instant. Fuyez avant qu'il ne vienne.

-Sans vous ? Jamais, madame ! Maintenant que je vous ai retrouvée, je ne vous quitte plus.

La porte de la chambre tourna vivement sur ses gonds. L'ogre, qui avait tout vu, apparut. Il était fort en

colère.

-Tonnerre, feu de l'enfer, puissance des ténèbres ! Par la barbe de Polyphème, ah, je vous y prends !

C'est toi, saleté de pigeon, qui m'as ramené cet homme ? Tiens, tu vas voir !

L'ogre enfourna l'oiseau dans sa bouche et l'avala sans mâcher. Et, crachant des plumes au fur et à

mesure qu'il parlait, il ajouta :

-Alors on voulait roucouler avec mademoiselle et me fausser compagnie ? Et bien, puisque c'est comme

ça, demain, je vous courserai avec mes chiens dès l'aube. Tant pis pour les tartes aux pommes. Moi, du

moment que j'ai le chapeau magique... En attendant, je vous boucle à la cave.

Et l'ogre jeta au cachot l'oiseleur et sa fée.

( 8 )- Chasse à Courre

Le lendemain, la chasse à courre fut lancée dès que pointa le jour. L'ogre lâcha les deux prisonniers en

lisière des bois. Ayant compté vingt bonnes minutes, taïaut ! taïaut ! il envoya ses chiens. Il leur emboîta le

pas, l'arbalète aux mains, bien décidé à manger de la chair humaine à midi. Le rustre portait même le chapeau 

d'Astrid sur sa tête. Sans doute voulait-il s'attirer les grâces de ce bon Saint Hubert.

Pendant ce temps, les deux proies couraient à perdre haleine, s'égratignant aux ronces, affolées par cette

traque qui ne leur laissait aucun choix. Les aboiements se rapprochaient. L'étau se resserrait. L'issue serait

fatale, proche le hallali.

-Je ne peux plus, j'abandonne ! dit Astrid. Partez, laissez-moi. Fuyez !

-Jamais. Je reste à vos côtés. À la vie, à la mort.

Et Cédric, l'âme remplie de remords, battant sa coulpe, ajouta :

-Hélas, ma mie, dans quelle situation vous ai-je mise ? Que ne suis-je resté auprès de vous lorsque vous

m'avez soigné ? L'ogre ne vous aurait jamais trouvée. Nous serions libres et heureux. Mais, dans ma folie, je

me suis entêté à quérir le cheval volant. Chimère ! J'avais la prétention d'être poète. Quel idiot, mais quel 

aveugle ! Alors que toute la poésie du monde est enclose en vos yeux.

-Ne vous frappez pas, mon ami, répondit la belle Astrid. Contre les arrêts du destin, personne ne peut rien.

Acceptez votre sort sans faiblir. Comme un homme que je sais vaillant. Je suis contente de vous avoir connu.

Vous m'avez donné des émotions d'une rare intensité. Vous m'avez attendrie. Je pensais ne jamais vivre 

cela. Songez que nombre d'humains sur cette terre ne connaissent pas même un quart d'heure de félicité.

Merci d'avoir croisé ma route. Sans vous, je me serais ennuyée.

-Mais nous allons mourir ! 

-Qu'importe, nous sommes éternels. Et quand une fleur meurt en forêt, aussitôt ailleurs, une autre

repousse. Le cycle de la vie jamais ne s'interrompt, et pour toujours, nous resterons liés dans la ronde des

étoiles. Les chiens ne devraient plus tarder...

Un bruit coupa net le dialogue. Cela venait d'une clairière toute proche. Un reniflement de bête. Des coups

sourds martelaient le sol, comme si la terre eût un coeur qui battait. Puis un hennissement. Un cheval. Mais

non. Le cheval ! Celui qu'avait libéré Cédric au château. Il tournait en rond et semblait dire aux deux fuyards :

-Venez ! Venez ! Grimpez sur mon dos et partons tout de suite.

Aussitôt fait. L'animal partit en trombe. Un boulet de canon. Juste le temps d'agripper qui la crinière, qui la

hanche de l'autre.

Et le cheval courut, courut, courut si vite, que par instants, il donnait l'impression de voler. Aucun risque

d'être rejoints. Et alors qu'ils débouchaient sur la lande, ils aperçurent le chat qui rameutait les chiens vers

l'ogre, lesquels excités, l'égorgèrent sans le reconnaître, le laissant roide mort. Car le matou avait sauté 

d'un arbre et s'était sacrifié pour que son maître gardât vie.

Ainsi Cédric perdit son dernier ami, mais gagna le coeur d'une fée. Que le cheval qu'il montait en cet

instant se nommât Pégase ou non, importe peu. L'oiseleur avait à présent assez vécu pour écrire toutes les

histoires qu'il voudrait. À commencer par la sienne. Pour l'inspiration, il n'aurait qu'à contempler le beau 

visage d'Astrid. Et la suite ? Le bonheur ne se raconte pas : il se vit. Quant au chapeau, nulle nouvelle. Les

chiens durent s'en régaler.



FIN
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Juillet 2013 à 09:25:36
(http://img15.hostingpics.net/pics/507646champs.jpg)
Les trois fleurs et l'arc-en-ciel

Il était une fois, au fond d'une vallée verdoyante, un grand pré rempli de fleurs des champs. Des marguerites, des boutons d'or, des bleuets, des coquelicots, des pâquerettes... Il y en avait de toutes les couleurs et de toutes les tailles, depuis le ras du sol, jusqu'aux premières branches basses des arbres qui bordaient la prairie. La vue de ce parterre coloré procurait une délicieuse sensation de paix et de sérénité. Personne ne restait insensible à ce tableau champêtre.

De part et d'autre, les montagnes s'élevaient doucement vers un ciel souvent bleu. Le relief ne montait pas très haut, juste ce qu'il fallait pour rompre la monotonie d'un paysage trop plat et nu. Au petit matin, de fins nuages frôlaient les courbes arrondies des cimes, laissant prévoir un temps clément. 

Sur un côté du pré, une rivière partageait le terrain. Elle courait allègrement, descendant d'une montagne plus élevée, située un peu en arrière. Son chant joyeux rythmait la douceur de la vie dans cet endroit paisible.

Ce n'était pas le Paradis, mais quand même, cela lui ressemblait beaucoup !

Un matin de juin, le ciel se couvrit de gros nuages gris, annonçant le mauvais temps. L'orage menaçait, le vent soufflait, courbant toutes les fleurs presque jusqu'au sol.  Il allait sans doute pleuvoir bientôt. La rivière grondait un peu, heurtant les bords plus violemment que d'habitude en faisant jaillir partout des gerbes d'eau sur les fleurs déjà malmenées. Une sombre journée commençait...

CHAPITRE   PREMIER

Tout au bord de l'eau, trois fleurs tentaient d'ouvrir leurs corolles au même moment. Elles montraient leur jeunesse par la finesse de leurs tiges et leurs feuilles vert tendre. Seulement, l'absence de soleil ce jour-là ne les aidait pas. Pourtant, il leur tardait de voir enfin ce qui se passait autour d'elles !
Il y avait un coquelicot, un bleuet et un bouton d'or. Dame Coquelicot, plus téméraire que les autres, souleva doucement un de ses larges pétales, et regarda intensément. Ouvrant un œil tout rond, elle fut surprise par la violence du courant qui les éclaboussait. Elle rabaissa vite la « fenêtre » ainsi entrouverte, et raconta aux deux autres ce qui se passait.
A son tour, Tonton Bleuet essaya de découvrir le paysage, mais il prit une gerbe d'eau glacée qui le fit plier, et il décida d'attendre un meilleur moment !

Bouton d'or, plus effronté, ouvrit carrément sa corolle. La curiosité l'avait emporté, et il fut ébloui par ce qu'il vit. Les éléments se déchaînaient au-dessus de lui, les nuages filaient à une vitesse folle dans un ciel tourmenté, le vent sifflait, courbant toutes les herbes et les fleurs du pré, et la rivière hurlait sa joie de courir si vite. Le spectacle qui s'offrait à lui le fascinait. Il s'empressa de secouer ses voisins qui, à contre cœur, s'ouvrirent...

Dame Coquelicot faillit s'envoler ! Ses larges pétales ressemblaient à des voiles offertes au vent qui ne demandait qu'à les emporter ! Tonton Bleuet, prudent, tenait sa corolle bien serrée, pour éviter tout incident. Pendant ce temps, Bouton d'or jubilait. Pour son premier jour, il était ravi !

Sa tige le démangeait, alors, n'y tenant plus, il tira et partit le long de la rivière. Eberlués, Dame Coquelicot et Tonton Bleuet, ne voulant pas le laisser seul, firent de même. Et voilà nos trois amis, poussés par le vent, entreprenant de découvrir leur territoire. La marche n'était pas aisée. Le vent les forçait souvent à se coucher au ras du sol, en tenant leurs corolles. La pluie les trempait, sans parler des gerbes d'eau que leur envoyait généreusement la rivière. Ils commençaient à avoir froid. Pour une première sortie,  ce n'était pas gagné !

Ils décidèrent de se mettre à l'abri, et avisant un rocher au milieu des herbes folles, ils le contournèrent et enfin, ne sentirent plus ce vent qui les cinglait violemment. Ils se réchauffaient petit à petit, et reprenaient vie. Quelle aventure ! Ce premier jour leur avait déjà appris deux des principaux éléments  naturels : l'eau et le vent !

Ils se reposèrent et attendirent une accalmie pour se remettre en route, c'était plus sage.

CHAPITRE   DEUX

Nos trois fleurs commençaient à sécher enfin, et à l'extérieur, les éléments se calmaient. Le vent s'apaisait, les nuages s'éclaircissaient, la pluie devenait moins violente. Derrière les sommets, le soleil illuminait le ciel, prévenant de son retour imminent. Les trois amis se secouèrent en sortant prudemment de leur abri de fortune.

Mais pourquoi es-tu sorti sous ce temps ? demanda Dame Coquelicot à Bouton d'or.

Je voulais tout simplement découvrir ce qui se passe au dehors ! répondit Bouton d'or.

Mais regarde-nous, nous sommes dans un état lamentable ! fit remarquer Tonton Bleuet.

Tu vas bien finir par sécher ! dit en riant Bouton d'or, décidément d'excellente humeur.

Oh ! Regardez ! cria soudain Dame Coquelicot. Comme c'est beau ! Mais qu'est-ce donc ?

Au milieu de la vallée, alors que la pluie se faisait toute fine et transparente, une bande multicolore dessinait une arche magique en travers des lieux. Sept couleurs magnifiques formaient cette chose mystérieuse qui fascinait nos trois amis.

On dirait que le vent la fait bouger ! dit Tonton Bleuet. Voyez comme elle tremble. Par endroits,  elle est transparente !

J'ai l'impression, dit Bouton d'or décidément très inspiré, que le soleil y est pour quelque chose. Regardez bien, lorsqu'il brille, la bande est très lumineuse, et elle devient plus claire quand des nuages le cachent un peu...

Elle change aussi selon l'épaisseur du rideau de pluie, renchérit Dame Coquelicot, se laissant porter par ses observations.

Vous savez, dit Tonton Bleuet, je pense que ce sont des reflets provoqués par les rayons du soleil sur les gouttes de pluie. Elles agissent comme un miroir, comme la lumière qui se reflète dans l'eau de la rivière ou sur la rosée.

Admiratifs, Dame Coquelicot et Bouton d'or acquiescèrent ; mais cela ne satisfaisait pas leur curiosité.  Il fallait en savoir plus.

D'un commun accord, les trois fleurs décidèrent d'avancer, afin d'aller voir de plus près ce qui se passait. Cette arche venait de derrière les montagnes, et finissait devant eux mais trop haut pour l'atteindre. Il leur suffisait de marcher jusque là-bas pour voir si ces couleurs sortaient de terre ou venaient d'ailleurs...Au moins, ils en auraient le cœur net !

Et les voilà partis, cheminant lentement dans les hautes herbes encore humides. La pluie avait cessé, et le bel arc coloré se fondait petit à petit dans les nuages légers qui succédaient au mauvais temps. Par endroits, le ciel bleu apparaissait, lumineux et pur.  Bouton d'or repéra bien le point d'où démarrait ce phénomène, et sans le quitter des yeux, traça mentalement une route pour y arriver. Ce ne serait sans doute pas très facile, mais il faut savoir ce que l'on veut !   

CHAPITRE   TROIS

Marchant d'un bon pas, Dame Coquelicot et Tonton Bleuet suivant un Bouton d'or décidé à percer le mystère, revinrent vers la rivière. La meilleure façon de ne pas se perdre était de la suivre et de remonter vers sa source, puisque apparemment, la « chose » venait de là.

Ils avancèrent ainsi une bonne partie de la journée, sous un soleil à présent bien revenu. Le sol séchait, les herbes se redressaient, les fleurs offraient leurs corolles à sa chaleur, le spectacle que nos trois amis avaient sous les yeux valait le détour.

Vers la fin de l'après-midi, ils s'arrêtèrent pour se reposer. 

Quelle bonne marche ! Dit Tonton Bleuet un peu essoufflé.

En effet ! Renchérit Dame Coquelicot en se laissant tomber dans l'herbe. Je ne pensais pas que cela serait aussi fatigant...

Vous feriez mieux de respirer ce bon air au lieu de vous lamenter ! Lança Bouton d'or que décidément rien ne pouvait atteindre.

Assis dans l'herbe, nos trois compères reprenaient leurs esprits en regardant autour d'eux. Le paysage changeait imperceptiblement en prenant de l'altitude. Ils se trouvaient à présent sur les contreforts de la montagne. La pierre devenait plus apparente. Deci-delà des zones herbues abritaient des fleurs différentes de celles qu'ils connaissaient. Elles étaient magnifiques, plus petites mais leurs couleurs pures les faisaient ressembler à un bijou dans un écrin de velours vert. C'était magique !

Oh ! Regardez comme elle est belle ! S'écria Bouton d'or en montrant une corolle d'un bleu intense qui s'ouvrait vers le soleil.

Il s'approcha d'elle et la regarda longuement. La fleur se tourna vers lui en disant :

Bonjour ! Qui es-tu ? Je ne t'ai jamais vu par ici !

Je m'appelle Bouton d'or, et voici mes amis, Tonton Bleuet et Dame Coquelicot. Nous venons de la prairie d'en bas.

Mais que faites-vous donc ici ? demanda la fleur.

Nous sommes à la poursuite de cet arc magnifique qui s'est estompé dès que le soleil est apparu et que la pluie a cessé.

Vous voulez parler de l'arc-en-ciel ? interrogea la fleur.

Comment l'as-tu appelé ? s'écrièrent en chœur nos trois amis.

C'est un arc-en-ciel ! Répéta la fleur. Cela se produit quand les rayons du soleil se reflètent dans les gouttes de pluie.

Tu vois, j'avais raison ! Clamèrent en même temps Bouton d'or, Dame Coquelicot et Tonton Bleuet.

La fleur bleue sourit devant leur enthousiasme, et leur demanda quels étaient leurs projets.

Nous voulons aller là où il se forme ! Nous voulons aller au pied de l'arc-en-ciel ! répondit Tonton Bleuet.

Verriez-vous un inconvénient à ce que je vous accompagne ? dit la fleur bleue.

Oh ! Ce serait formidable d'y aller tous ensemble ! Allons-y ! Mais d'abord, dis-nous comment tu t'appelles.

Je suis Miss Gentiane, une fleur de montagne.

Eh bien, Miss Gentiane, en route !

Et voilà donc les quatre fleurs, côte à côte, avançant sur un terrain de plus en plus difficile. De temps en temps, elles trempaient leurs racines dans l'eau de la rivière dont le cours devenait plus étroit. A cet endroit-là, il ressemblait plutôt à un torrent. Son eau claire et sa musique encourageaient les fleurs à avancer. Mais la pente grimpait, et nos amies s'essoufflaient...

CHAPITRE   QUATRE

Vers la fin de la première journée de marche, Miss Gentiane proposa de faire halte pour la nuit dans un fourré épais qui les abriterait du vent et de la fraîcheur nocturne. Ils mouillèrent leurs racines une dernière fois et, épuisés, s'endormirent serrés les uns contre les autres. La Lune s'éleva dans un ciel si pur qu'elle brillait presque autant que le soleil ! Nos amis, complètement abandonnés, volaient au pays des rêves depuis déjà quelques heures quand un bruit insolite réveilla Dame Coquelicot...

Redressant sa tige, elle regarda devant elle, au travers des branches du fourré, mais ne vit rien. Pourtant, ce bruit persistait. N'y tenant plus, elle se leva, et sans faire de bruit, elle avança doucement vers l'eau.

Une ombre se tenait là, pas très loin d'elle, mais ne semblait ni la voir ni l'entendre. Elle essaya de mieux distinguer mais glissa sur une pierre humide et s'affala juste derrière la « chose » qui ne bougea pas... Il est vrai qu'une fleur ne fait pas de bruit, surtout quand un torrent dévale la pente à toute allure à côté !

Immobile, elle attendit et soudain, l'ombre se remit en marche et elle reconnut la silhouette d'un isard qui s'était juste arrêté pour boire cette eau fraîche, avant de continuer sa balade nocturne.

Sans rien dire à personne, elle se recoucha près de ses compagnes et se rendormit. Mais quand même, elle avait eu un peu peur, et ne se vanterait pas de cette aventure. Pas la peine d'effrayer inutilement les autres !

La fraîcheur du matin réveilla tout ce petit monde qui s'étira dans tous les sens et se leva, bien disposé à continuer les recherches. Les fleurs mouillèrent un peu leurs racines dans l'eau du torrent pour reprendre des forces, et se remirent en route.

Le sentier montait de plus en plus, le soleil commençait à chauffer, et nos amis peinaient beaucoup sur les rochers devenus brûlants. N'y tenant plus, Tonton Bleuet se laissa tomber sur une touffe d'herbe en se frottant les racines...

Pitié, je n'en peux plus ! Implora-t-il.

Moi non plus ! Renchérit Dame Coquelicot en s'installant près de lui.

J'avoue qu'un peu de repos serait le bienvenu ! Concéda Bouton d'or, malgré son enthousiasme intact.

Alors, on fait la pause ! Décréta Miss Gentiane, plus habituée qu'eux à l'altitude.

Et voilà nos quatre aventuriers épuisés, allongés sur une étroite touffe d'herbe, haletants, reprenant doucement leur souffle.

Ils entendirent un bruit de frottement, pas très loin d'eux, qui les fit se retourner ensemble au même moment. Rien. Mais toujours ce bruit étouffé à proximité... Miss Gentiane, en habituée de la montagne, se montra plus courageuse que les autres et s'avança vers l'endroit d'où venait le bruit. Derrière un rocher, elle vit deux bouts de bois qui bougeaient en cadence. Intriguée, elle avança davantage, et se trouva nez à nez avec un isard, sans doute celui aperçu la nuit par Dame Coquelicot. Chacun fut surpris par la présence de l'autre et se figea.

Miss Gentiane, la première, se ressaisit :

Bonjour ! Je m'appelle Miss gentiane et je suis là avec mes trois amis. Nous allons à la rencontre de l'arc-en-ciel ! Dit-elle sans respirer.

Je suis Zary, un isard. Bonjour ! Qu'as-tu dit ? Vous cherchez quoi ?

Nous voulons aller au pied de l'arc-en-ciel, pour voir ses couleurs de plus près. C'est tellement beau ! Répondit Miss Gentiane, rêveuse.

Vous ne pourrez rien voir, c'est sûr. L'arche est toujours dans les airs ! Dit Zary.

Mais non, nous l'avons vue sortir de là-bas, derrière la montagne. Nous allons la trouver, tu vas voir !

Sceptique, Zary ne voulut pas la contrarier, mais il l'avait vue lui, cette arche magnifique, d'assez près même, mais de si haut... Ces fleurs n'y arriveraient jamais. Il contourna le rocher qui le cachait à demi, et découvrit le reste de la troupe affalé sur le bord du sentier...

Vous avez l'air épuisées ! Dit-il en s'adressant aux fleurs.

Nous le sommes ! Répondirent-elles en chœur. Nous avons du mal à respirer.

C'est l'altitude ! Il faut vous reposer souvent, et surtout, avancer lentement entre chaque pause, sinon, vous n'arriverez pas là où vous voulez aller. Et prenez de l'eau régulièrement pour vos racines ! Leur conseilla-t-il.

Après les avoir saluées, Zary repris son activité, consistant à grignoter la végétation environnante.  Mais il était inquiet à présent, pour ces pauvres fleurs qui allaient certainement souffrir, et peut-être même pire... En un instant, sa décision fut prise, il les accompagnerait jusqu'en haut, là où elles avaient le plus de chances de trouver ce qu'elles cherchaient. Et puis, après tout, il profiterait lui aussi du spectacle, c'était tellement beau qu'il ne s'en lassait jamais.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Juillet 2013 à 09:27:11
Les trois fleurs et l'arc-en-ciel (suite et fin)

CHAPITRE   CINQ

Zary revint vers les fleurs et leur annonça sa décision de les accompagner. Surprises, elles le regardèrent gentiment, et se jetèrent sur lui pour le remercier. Assailli de toutes parts, il se débattit et menaça de les croquer si elles ne le lâchaient pas ! Le calme revint, et tout ce petit monde se mit en marche.

Le soleil tapait de plus en plus fort, chauffant les roches qui brûlaient les racines de nos pauvres fleurs. Heureusement, le torrent qu'ils suivaient toujours leur permettait de se rafraîchir souvent, mais l'aventure devenait difficile. En milieu de journée, Zary leur conseilla de faire une nouvelle pause. Il les installa à l'ombre d'un rocher, près de l'eau, et entrant dans les flots pour refroidir ses sabots, il aspergea ses compagnes vigoureusement !

Les fleurs, revigorées par cette douche impromptue, se levèrent d'un seul mouvement et, à l'aide de leurs feuilles, envoyèrent sur l'isard toute l'eau qu'elles pouvaient ramasser... Une bataille ponctuée d'éclats de rire secoua la montagne. Au bout de quelques minutes, trempés et dégoulinants, mais rafraîchis et détendus, nos amis reprenaient leur chemin vers les sommets...

Plus l'après-midi avançait, et plus le ciel se couvrait. Une brise tenace accompagnait nos amis, annonciatrice d'un changement de temps. Mais d'un autre côté, c'était plus agréable pour marcher ! Au détour d'un gros rocher, Tonton Bleuet fit une découverte qui l'intrigua beaucoup. Il appela les autres pour leur montrer une toute petite fleur blanche, timide et couverte de duvet, cachée dans une fente entre deux pierres.

C'est un edelweiss ! S'écria Miss Gentiane. Regardez comme il est doux !

Quelle fleur bizarre ! Dirent en chœur les fleurs des champs. Bonjour, comment t'appelles-tu ?

Je suis Eddy, l'edelweiss. J'annonce une altitude plus élevée à ceux qui passent par ici !

Pourquoi es-tu si petit ? Demanda Dame Coquelicot de toute sa hauteur.

Tout simplement pour mieux résister au froid nocturne et au vent glacial qui souffle dans la montagne. Si j'étais grand comme toi, j'aurais très froid et je mourrais.

Bouton d'or toucha les duvets sur les fins pétales et demanda :

Tu as des habits comme du coton !!! C'est aussi pour te protéger du froid ?

Bien sûr ! Répondit l'edelweiss. Le vent et l'humidité ne peuvent pas passer facilement avec ces duvets. C'est pratique !

C'est super ! Répondirent en chœur les fleurs abasourdies par ce qu'elles apprenaient.

Où allez-vous comme cela ? Demanda Eddy.

Nous allons voir le pied de l'arc-en-ciel, là-bas, plus haut. Dit Zary. Je les accompagne, car c'est risqué pour des plantes de basse altitude. Je pourrai les aider.

Oh ! Chouette ! Je viens aussi ! Dit Eddy très excité. Il y a tellement longtemps que je n'ai pas bougé. Vous m'acceptez ?

Avec joie ! Arrache tes racines et suis-nous. Nous allons marcher encore un peu avant la nuit. Dépêche-toi.

Eddy se tortilla pour se dégager d'entre les roches, et se mit en route avec le reste de la troupe. C'était un convoi pour le moins curieux, un isard qui menait des fleurs sur un sentier escarpé en pleine montagne...

En fin de journée, ils s'arrêtèrent et s'installèrent à l'abri des rochers. Le ciel devenait de plus en plus menaçant, et la nuit tombait. Ils se serrèrent les uns contre les autres, protégés par Zary qui leur coupait le vent, et tous s'endormirent. Au loin, l'orage commençait à tonner. La nuit allait être pénible... 

CHAPITRE   SIX

Au milieu de la nuit, ils furent réveillés par une pluie battante. Zary les poussa vers un rocher creux qui pourrait abriter les fleurs. Lui ne risquait rien, il avait l'habitude. L'orage grondait, le torrent devenu cascade, dévalait la paroi dans un bruit d'enfer, le vent soufflait... La suite du voyage n'allait pas être facile !

Personne ne dormit cette nuit-là, mais au petit matin, le temps s'améliora un peu, la pluie cessa, le vent tomba, mais le ciel restait chargé de nuages gris. Après avoir remis de l'ordre dans leur tenue, chacun se prépara à repartir. Ils arrivaient au bout du chemin, les sommets paraissaient très proches à présent, et ils espéraient tous voir ce qui les avait poussés jusque là : l'arc-en-ciel !

Vers midi, Zary les fit s'arrêter dans un endroit magnifique. Les sommets les entouraient, les roches nues dépourvues de végétation donnaient au paysage un aspect nouveau pour nos fleurs des champs... C'était un dépaysement complet. En contrebas, une surface mouvante luisait sous un ciel blanchâtre où passaient encore des nuages : un lac de montagne ! Ses eaux d'un bleu profond semblaient s'enfoncer jusqu'au centre de la terre. Sa forme circulaire le faisait ressembler à un miroir posé là, par hasard, par la main d'une fée soucieuse du décor. Nos petites fleurs regardaient partout, émerveillées, oubliant même pourquoi elles se trouvaient là !

Eddy rompit ce silence magique :

A mon avis, le soleil ne va pas tarder à se montrer. Regardez, il y a un coin de ciel bleu là-bas !

En effet, la journée sera belle, la température se réchauffe! Renchérit Miss Gentiane.

Vous croyez que l'arche va se montrer ? Demanda Bouton d'or toujours motivé.

Je ne sais pas encore. Dit Zary. Il faut attendre.


Notre fine équipe s'assit sur les rochers et attendit. Le ciel se dégageait d'un côté, et l'on sentait la chaleur du soleil qui montait doucement, mais de l'autre, les nuages persistaient...

Au bout d'un moment, une fine pluie poussée par une brise fraîche vint troubler nos amis. Le soleil timide brillait dans son coin, et soudain, il apparut, magique, grandiose, lumineux, irréel... L'arc-en-ciel !
         
Il sortait de nulle part, franchissant allègrement les sommets alentour, pour aller se perdre plus bas. Mais comment faire pour l'atteindre ?

Il faut aller plus haut ! Cria Dame Coquelicot.

Mais non, regarde, il est là tout près ! Dit Tonton Bleuet.

Oh ! Il a encore bougé ! Observa Eddy.

Il descend à présent ! Remarqua Bouton d'or

Il va dans le lac ! Cria soudain Miss Gentiane.

Allons-y ! Ordonna Zary. C'est le moment ou jamais !

Et voilà nos aventuriers repartis. Ils descendirent vers le lac bleu où l'on pouvait voir, juste à la surface, l'arc-en-ciel, onduler au rythme des  vaguelettes soulevées par la brise. Ils coururent pour arriver plus vite. La pente glissait, mais ils n'en avaient cure et se dépêchaient pour mieux voir.

Arrivés au bord, ils virent dans l'eau du lac passer les nuages, et, au beau milieu, l'arc-en-ciel. Il était splendide, les couleurs se détachaient nettement sur le fond bleu.
Plus hardi que les autres, Bouton d'or se risqua jusqu'au bord de l'eau, et trempa ses racines dans l'eau plutôt fraîche du lac. Aussitôt, des ronds se formèrent autour de lui, brouillant la superbe vision.

N'avance plus ! Dit Tonton Bleuet. Tu vas le faire partir !

Mais non, regarde, il est toujours là ! Répondit Bouton d'or.

Tu crois que tu peux l'attraper ? Demanda Eddy.

Je vais essayer d'avancer davantage ! C'est le seul  moyen.

Et voilà Bouton d'or enfoncé dans l'eau jusqu'à mi-corps, avançant péniblement vers les sept couleurs de l'arche magnifique. Il était tout près à présent. Il s'étira au maximum, et au moment où il allait le saisir, la surface de l'eau se brouilla et l'arc-en-ciel disparut.

Surpris, il recula brusquement et tomba à la renverse dans le lac. Aussitôt, Zary entra dans l'eau et recueillit le naufragé déçu.

Oh la la ! Elle est gelée ! Dit-il en grelottant.

Regarde ! Il est revenu ! Cria Tonton Bleuet.

J'y retourne ! Hurla Bouton d'or tout dégoulinant.

Et le revoilà courant dans l'eau vers le rêve tant convoité. Mais comme la première fois, dès qu'il essaya de le toucher, la forme s'estompa et disparut à nouveau... Consternation générale, sauf pour Zary qui savait à quoi s'en tenir et allait tenter d'expliquer sans trop décevoir ses amis. 

Ne soyez pas tristes ! Leur dit-il. C'est un phénomène naturel. Vous ne pourrez jamais le toucher.

Mais pourquoi ? On y était presque ! Pleurèrent-ils en chœur.

L'eau du lac agit comme un miroir. Ce que vous voyez n'est que le reflet de l'arc-en-ciel, et les nuages aussi. Seulement, la surface de l'eau n'est pas rigide, et si vous l'effleurez, elle gomme l'image et il faut attendre le calme pour la retrouver !

Hummm... Nos amies les fleurs, en pleine réflexion, méditaient les paroles de Zary.   
Alors, on ne pourra jamais le toucher ? Demanda Bouton d'or plaintif.

Non, tu pourras seulement le regarder et l'admirer. Ce qui n'est déjà pas si mal. Répondit Zary.

C'est dommage ! Murmurèrent-ils en chœur.

Allons, venez à présent, il faut redescendre tant qu'il fait beau. Qui sait ce que nous réserve encore la nuit prochaine ?

CHAPITRE   SEPT

La petite troupe se remit en marche. Zary en tête menait son monde à une allure régulière, mais il savait que leur cœur était lourd. Ils avaient fait un beau rêve, et n'avaient pas pu le réaliser. Il leur faudrait un peu de temps pour comprendre.

Alors, ce n'est qu'un reflet ? Demanda Bouton d'or qui voulait vraiment savoir ce qu'il avait manqué.

Oui, le reflet de la lumière du soleil dans chaque goutte de pluie, ou de rosée. C'est pour cela que les perles de rosée apparaissent quelquefois multicolores. En réalité, ce ne sont que de petits arcs-en-ciel qui se mirent en elles.

Quelles sont donc les couleurs ? Dame Coquelicot, elle aussi, se montrait curieuse.

Il y en a sept. Répondit   Zary.

Les fleurs s'arrêtèrent pour mieux l'écouter. Seul, le bruit du torrent dévalant la pente laissait entendre sa chanson. Elles étaient suspendues aux paroles de l'isard.

Oui, sept. Je vais vous les donner dans l'ordre. Violet, indigo, bleu, vert, jaune, orange, rouge... Ouf ! Je crois que je n'ai rien oublié !

C'est quoi, indigo ? demandèrent-elles d'une seule voix.

C'est un bleu violet. Répondit Zary en souriant. D'ailleurs, il se trouve entre le violet et le bleu.

Oh la la, c'est fort çà !

Réfléchissez deux secondes. Chaque couleur découle de celles qui l'entourent. Par exemple, le vert est un mélange de bleu et de jaune ! C'est simple, non ?

J'ai compris ! Hurla Bouton d'or. Et l'orange est un mélange de jaune et de rouge !

Voilà, c'est cela ! Elles sont toutes solidaires les unes des autres.

Zary avait l'impression de faire la classe à des élèves attentifs. Les fleurs se trouvaient là, devant lui, buvant ses paroles. Le tableau était plutôt cocasse.

Il faudrait repartir à présent ! Sinon, il faudra passer une autre nuit dans la montagne ! L'isard se sentait responsable des fleurs et voulait les ramener à bon port.

C'est bon, on y va ! Tout le monde se leva et reprit le chemin en sens  inverse.

Bientôt, il fallut laisser Eddy à sa place, dans les anfractuosités de rochers. Il ne pouvait vivre que là, c'était son destin. Mais il jouissait d'une vue imprenable sur les sommets, et par endroits, il pouvait même apercevoir la prairie où vivaient ses nouvelles amies. Il dit au revoir à tout le monde, et nos trois fleurs « d'en bas » promirent de revenir le voir. Il faisait partie de leurs amis désormais.

Plus bas, Miss Gentiane se réinstalla au milieu des roches éparses, parmi les maigres touffes d'herbes disséminées çà et là. Elle aussi était ravie d'avoir partagé ces instants avec ses nouvelles amies. Elles se reverraient  en allant dire bonjour à Eddy là-haut.

Zary resta dans les parages et surveilla la descente des trois fleurs des champs. Lui non plus, ne pourrait pas vivre en bas, trop de dangers le guettaient. Là, il était chez lui, parmi les siens, et il savait lui aussi qu'ils se retrouveraient de temps en temps pour se raconter ce souvenir magnifique.   

Tonton Bleuet, Dame Coquelicot et Bouton d'or revinrent donc dans leur prairie. Elles se réinstallèrent auprès de la rivière qui les avait accompagnées jusqu'au bout de leur rêve. Un été radieux s'annonçait, le soleil brillait, le ciel affichait un bleu parfait... Mais chacune guettait un petit nuage qui, peut-être, allait faire venir la pluie, vous savez,  cette pluie fine qui laisse passer le soleil pour provoquer un arc-en-ciel...

Ce fut une aventure magnifique !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 08 Juillet 2013 à 07:46:57
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La vieille dans la forêt

Il était une fois une pauvre servante qui voyageait avec ses maîtres, et comme ils traversaient une grande forêt, leur voiture fut attaquée par des bandits qui surgirent des fourrés et qui tuèrent tout ce qui se présentait. il n'y eut pas un survivant, hormis la jeune servante qui s'était jetée de la voiture dans sa peur, et qui s'était cachée derrière un arbre. Lorsque les bandits se furent éloignés avec leur butin, timidement elle approcha, et ne put que constater le malheur sans remède. « Pauvre de moi, gémit-elle, que vais-je devenir? Jamais je ne serai capable de sortir de cette immense forêt où ne demeure âme qui vive, et je vais y mourir de faim! » En larmes, elle se mit à errer à la recherche de quelque chemin, mais ne put en trouver aucun. De plus en plus malheureuse, quand le soir arriva, elle se laissa tomber au pied d'un arbre, se recommanda à la grâce de Dieu et décida de ne plus bouger de là, quoi qu'il pût arriver. Il n'y avait pas bien longtemps qu'elle y était, et l'obscurité n'était pas encore venue quand elle vit arriver une blanche colombe qui volait vers elle, tenant une petite clef d'or dans son bec. La colombe lui posa la petite clef dans la main et lui dit :
-Tu vois ce grand arbre là-bas ? il y a dans son tronc une petite serrure ; si tu l'ouvres avec cette petite clef, tu trouveras de la nourriture en suffisance pour ne plus souffrir de la faim.
Elle alla jusqu'à l'arbre, ouvrit sa serrure et trouva à l'intérieur du lait dans une petite jatte et du pain blanc pour tremper dans le lait; ainsi put-elle manger son content. Sa faim passée, elle songea. « Voici l'heure où les poules rentrent se coucher, et je me sens si fatiguée, si fatiguée... Comme je voudrais pouvoir me mettre dans mon lit! » Elle vit alors la colombe blanche revenir vers elle, tenant une autre petite clef d'or dans son bec.
-Ouvre l'arbre que tu vois là-bas, dit la colombe en lui donnant la petite clef d'or. Tu y trouveras un lit.
Elle ouvrit l'arbre et y trouva un beau lit bien doux; elle demanda dans sa prière au bon Dieu de la garder pendant la nuit, se coucha et s'endormit aussitôt. Au matin, la colombe revint pour la troisième fois lui apporter une petite clef.
Si tu ouvres cet arbre là-bas, tu y trouveras des robes, dit la colombe. Et quand elle l'eut ouvert, elle trouva dedans des robes brodées d'or et de pierres précieuses, des vêtements d'une telle magnificence que même les princesses n'en possèdent pas d'aussi beaux. Alors elle vécut là pendant un temps, et la colombe revenait tous les jours et s'occupait de tout ce dont elle pouvait avoir besoin, ne lui laissant aucun souci ; et c'était une existence calme, silencieuse et bonne. Puis un jour, la colombe vint et lui demanda :
-Voudrais-tu me rendre un service ?- De tout coeur ! répondit la jeune fille
-Je vais te conduire à une petite maison, dit alors la colombe; tu entreras et il y aura là, devant la cheminée, une vieille fernrne qui te dira bonjour; mais tu ne dois à aucun prix lui répondre un seul mot. Pas un mot, quoi qu'elle dise ou fasse; et tu iras sur ta droite où tu verras une porte, que tu ouvriras pour entrer dans une petite chambre, où il y a un tas de bagues de toutes sortes sur une table: une énorme quantité de bagues parmi lesquelles tu en verras de très précieuses, de merveilleux bijoux montés de pierres fines, de brillants extraordinaires, de pierres les plus rares et les plus éclatantes; mais tu les laisseras de côté et tu en chercheras une toute simple, un anneau ordinaire qui doit se trouver dans le tas, Alors tu me l'apporteras, en faisant aussi vite qu'il te sera possible.
La jeune fille arriva devant la petite maison, poussa la porte et entra; il y avait une vieille femme assise, qui ouvrit de grands yeux en la voyant et qui lui dit: « Bonjour, mon enfant ! » Sans lui répondre, la jeune fille alla droit à la petite porte. « Où vas-tu ? » lui cria la vieille femme en essayant de la retenir par le pan de sa robe. « Tu es chez moi ici ! C'est ma maison, et nul n'y doit entrer sans mon consentement. Tu m'entends ? »
Toujours sans souffler mot, la jeune fille se dégagea d'un coup de reins et pénétra dans la petite chambre. -Mon Dieu! quelle fantastique quantité de bagues s'entassait donc sur l'unique table, jetant mille feux, étalant mille splendeurs sous ses yeux! Mais elle les dédaigna et se mit à fouiller pour chercher l'anneau tout simple, tournant et retournant tout le tas sans le trouver. Elle le cherchait toujours quand elle vit, du coin de I'oeil, la vieille femme se glisser vers la porte en tenant dans ses mains une cage d'oiseau qu'elle voulait emporter dehors. D'un bond, elle fut sur elle et lui enleva des mains cette cage, dans laquelle elle vit qu'il y avait un oiseau; et cet oiseau avait la bague dans son bec! Elle s'empara de l'anneau qu'elle emporta, tout heureuse, en courant hors de la maison, s'attendant à voir la colombe arriver pour le recevoir. Mais la colombe n'était pas là et ne vint point.
Alors elle se laissa tomber au pied d'un arbre, un peu déçue, mais décidée en tout cas à l'attendre; et alors il lui sembla que l'arbre se penchait sur elle et la serrait tendrement dans ses branches. L'étreinte se fit insistante et elle se rendit compte, soudain, que c'étaient bien deux bras qui la serraient; elle tourna un peu la tête et s'aperçut que l'arbre n'était plus un arbre, mais un bel homme qui l'enlaçait avec amour et l ' embrassait de tout son coeur avant de lui dire avec émotion. :
-Tu m'as délivré du pouvoir de la vieille, qui est une méchante sorcière. C'est elle qui m'avait changé en arbre, et pendant quelques heures, chaque jour, j'étais une colombe blanche ; mais tant qu'elle gardait l'anneau en sa possession, je ne pouvais pas reprendre ma forme humaine.
Le sort avait également frappé les serviteurs et les chevaux du jeune seigneur, qui furent délivrés en même temps que lui, après avoir été, tout comme lui, changés en arbre à ses côtés. Ils reprirent leur voyage avec la jeune fille et chevauchèrent jusque dans leur royaume, car le jeune seigneur était le fils d'un roi. Alors, ils se marièrent et ils vécurent heureux.

Frères Jacob et Wilhelm Grimm
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Juillet 2013 à 09:20:02
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Le fuseau, la navette et l'aiguille

Il était une jeune fille qui avait perdu ses parents dans son bas âge. Elle avait une marraine, qui habitait toute seule une petite chaumière au bout du village, et qui vivait des produits de son aiguille, de sa navette et de son fuseau. Cette bonne vieille prit avec elle l'orpheline, lui apprit à travailler et l'éleva dans la piété et la crainte de Dieu. Quand la jeune fille eut atteint quinze ans, sa marraine tomba malade, et, l'appelant près de son lit, elle lui dit : « Chère enfant, je sens que ma fin est proche; je te laisse ma chaumière : elle te protégera contre le vent et la pluie; je te donne aussi mon fuseau, ma navette et mon aiguille, qui te serviront à gagner ton pain. » Puis, lui posant la main sur la tête, elle la bénit en disant : « Conserve Dieu dans ton cœur, et le bonheur t'arrivera. » Là-dessus ses yeux se fermèrent; la pauvre fille accompagna son cercueil en pleurant et lui rendit les derniers devoirs.
Désormais elle vécut toute seule, travaillant avec courage à filer, à tisser et à coudre; et la bénédiction de la bonne vieille la protégeait en toutes choses. On aurait dit que sa provision de lin était inépuisable, et, à mesure qu'elle avait lissé une pièce de toile ou cousu une chemise, il se présentait aussitôt un acheteur qui la payait généreusement ; de telle sorte que non-seulement elle n'était pas dans le besoin, mais elle pouvait encore donner aux pauvres.
Vers le même temps, le fils du roi se mit à parcourir le pays pour chercher femme. Il n'en pouvait pas choisir une pauvre et n'en voulait pas une riche. Aussi disait-il qu'il prendrait celle qui serait à la fois la plus riche et la plus pauvre. En arrivant dans le village où demeurait notre jeune fille, il demanda, comme à son ordinaire, qu'on lui indiquât la plus pauvre et la plus riche du l'endroit. On lui désigna tout de suite la seconde; quant â la première, lui dit-on, ce devait être la jeune fille qui demeurait dans une chaumière isolée tout au bout du hameau.
Quand le prince passa, la riche était en grande toilette devant sa porte : elle se leva et alla à sa rencontre avec un grand salut. Mais il la regarda et continuant son chemin sans dire un mot, arriva à la chaumière de la pauvre fille : celle-ci n'était pas sur sa porte, mais enfermée dans sa chambre. Il arrêta son cheval et regarda à travers la fenêtre dans l'appartement, qu'éclairait un rayon g de soleil : elle était assise devant son rouet et filait avec ardeur. De son côté, elle aperçut furtivement le prince qui la regardait; mais elle en devint toute rouge et continua de filer en baissant les yeux : seulement je ne garantirais pas que son fil fût bien égal. Elle fila toujours jusqu'à ce que le prince fût parti. Dès qu'elle ne le vit plus, elle courut ouvrir la fenêtre en disant : « Il fait si chaud ici ! » et elle le suivit des yeux tant qu'elle put apercevoir la plume blanche de son chapeau.
A la fin elle se rassit et se remit à filer. Mais il lui revint à la mémoire un refrain qu'elle avait souvent entendu répéter à sa vieille marraine, et elle chanta ainsi :

Cours, fuseau; que rien ne t'arrête;
Conduis ici mon bien-aimé.

Qu'arriva-t-il ? le fuseau s'élança tout à coup de ses mains et se précipita dehors ; elle le suivit des yeux toute stupéfaite ; il courait en dansant à travers champs et laissait après lui un fil d'or. En peu de temps il fut trop loin pour qu'elle pût le voir. N'ayant plus de fuseau, elle prit sa navette et se mit à tisser.
Le fuseau continuait de courir, et, quand son fil fut au bout, il avait rejoint le prince. « Que vois-je? s'écria celui-ci; ce fuseau veut me conduire quelque part. » Il retourna son cheval et suivit au galop le fit d'or. La jeune fille continuait de travailler en chantant :

Cours après lui, chère navette;
Ramène-moi mon fiancé.

Aussitôt la navette s'échappa de ses mains et s'élança vers la porte. Mais à partir du seuil elle commença à tisser un tapis plus beau que tout ce qu'on a jamais vu. Des deux côtés fleurissaient des guirlandes de roses et de lis, et au milieu, des pampres verts sortaient d'un fond d'or; des lièvres et des lapins sautaient dans le feuillage, des cerfs et des chevreuils passaient leur tête à travers; dans les branches étaient perchés des oiseaux de mille couleurs auxquels il ne manquait que de chanter. La navette continuait de courir et l'œuvre avançait merveilleusement.
N'ayant plus sa navette, la jeune fille prit son aiguille et se mit à chanter :

Il va venir, chère aiguillette;
Que tout ici soit préparé.

Aussitôt l'aiguille, s'échappant de ses doigts, se mit à courir par la chambre, rapide comme l'éclair. C'était comme si des esprits invisibles s'en fussent mêlés : la table et les bancs se couvraient de tapis verts, les chaises s'habillaient de velours, et les murs d'une tenture de soie.
A peine l'aiguille avait-elle piqué son dernier point, que la jeune fille vit passer devant la fenêtre les plumes blanches du chapeau du prince, que le fil d'or avait ramené : il entra dans la chaumière en passant sur le tapis, et dans la chambre il vit la jeune fille, toujours vêtue de ses pauvres habits, mais brillant cependant au milieu de ce luxe improvisé comme une rose églantine sur un buisson. « Tu es bien la plus pauvre et la plus riche, s'écria-t-il ; viens, tu seras ma femme. » Elle lui tendit la main sans rien répondre. Il lui donna un baiser, et, l'ayant fait monter à cheval avec lui, il l'emmena à la cour, où la noce fut célébrée avec une grande joie.
Le fuseau, la navette et l'aiguille furent conservés précieusement dans le trésor royal.


FIN
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Juillet 2013 à 10:13:57
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Demoiselle Méline, la princesse

Il était une fois un roi. Il avait un fils qui avait demandé la main de la fille d'un roi puissant. Elle s'appelait Méline et était admirablement belle. Mais son père avait refusé la demande du prince, car il avait déjà décidé de donner la main de sa fille à un autre prince. Or, les deux jeunes gens s'aimaient d'un amour tendre. "Je ne veux que lui," déclara Méline, "et je n'en épouserai aucun autre." Le père se fâcha et fit construire une tour à l'intérieur de laquelle pas un seul rayon de soleil ni la lueur de la lune ne pouvaient passer. Et il dit:
-Tu seras enfermée dans cette tour pendant sept ans; ensuite, je viendrai, pour voir si ton obstination et ton entêtement ont été brisés.
On apporta dans la tour à manger et à boire pour sept ans et Méline et sa femme de chambre y furent emmenées et emmurées. Coupées de la terre et du ciel, elles devaient rester là, dans l'obscurité totale. Le prince venait souvent près de la tour et appelait Méline par son nom, mais le mur épais ne laissait pas passer sa voix.
Et le temps passa et selon la quantité de nourriture et d'eau qui restait, Méline et sa femme de chambre devinèrent que les sept années touchaient à leur fin. Elles pensaient que leur libération était déjà proche, mais aucun bruit de l'extérieur ne leur parvint. Elles n'entendirent pas des coups de marteau, pas la plus petite pierre du mur ne tomba. Elles n'avaient plus que très peu de nourriture et une mort atroce les attendait. Méline dit alors:
-Il n'y a pas d'autre moyen: nous devons tenter de percer le mur.
Elle prit le couteau à pain et commença à gratter et à fouiller le mortier pour essayer de dégager une pierre; lorsqu'elle était fatiguée, sa femme de chambre la remplaçait. Elles travaillèrent ainsi longtemps, jusqu'à ce qu'elles arrivassent à détacher une pierre, puis une deuxième, puis une troisième et au bout de trois jours elles purent percevoir le premier rayon de soleil. Finalement, la brèche fut suffisamment grande pour qu'elles puissent voir dehors. Le ciel était d'un bleu magnifique et une brise fraîche les salua. Mais quel spectacle s'offrait à leurs yeux! Du palais lui-même il ne restait que des ruines, la ville et les villages à l'entour étaient brûlés et les champs étaient en friche. Et on ne voyait pas âme qui vive!
Lorsqu'elles eurent agrandi la brèche dans le mur, suffisamment pour pouvoir se glisser à travers, elles sautèrent à terre. Mais maintenant, que faire? L'ennemi avait dévasté tout le royaume, et massacré toute la population. Elles se mirent à marcher, au hasard, pour trouver un autre pays. Mais elles ne trouvèrent ni un toit pour se réfugier, ni une seule personne qui leur tende un morceau de pain. Tout allait si mal qu'elles finirent par arracher des orties pour se nourrir. Après une longue marche, elles arrivèrent dans un autre royaume. Elles offraient leurs services partout mais où qu'elles frappaient, personne n'en voulait et personne n'eut pitié d'elles. Finalement, elles arrivèrent dans une grande ville et se dirigèrent vers le palais royal. Mais de là aussi, elles se firent chasser. Un jour, tout de même, un cuisinier eut pitié d'elles et leur permit de rester pour l'aider à la cuisine.
Il arriva que le fils du roi de ce royaume était justement le prince qui, autrefois, avait demandé la main de Méline. Son père lui avait choisi une fiancée laide et au cœur dur. Le mariage approchait inexorablement, la fiancée était déjà là , mais à cause de sa laideur elle ne s'était jamais montrée. Elle s'était enfermée dans sa chambre et Méline lui portait à manger directement de la cuisine.
Le jour des noces arriva et la mariée devait accompagner son futur époux à l'église. Consciente de sa laideur, elle avait honte de se montrer en public elle dit alors à Méline:
-C'est ton jour de chance! je me suis tordu le pied et je ne peux pas bien marcher; tu mettras ma robe et tu me remplaceras lors du mariage.
Mais Méline refusa:
-Je ne veux pas être honorée par ce qui ne m'est pas dû de bon droit.
La mariée lui offrit même de l'or, mais rien n'y fit. Voyant que la jeune fille ne cédait pas, elle se mit à la menacer:
-Si tu ne m'obéis pas, tu le paieras de ta vie.
Méline fut forcée d'obéir. Elle dut se vêtir de la magnifique robe de mariée et se parer de ses bijoux. Lorsqu'elle entra dans la salle royale, tout le monde fut frappé par sa beauté. Le roi dit à son fils:
-C'est la mariée que je t'ai choisie et que tu conduiras à l'autel. Le marié fut frappé d'étonnement.
-C'est le portrait même de Méline, pensa-t-il. Si je ne savais pas que ma bien aimée est enfermée depuis des années dans sa tour et qu'elle est peut-être même déjà morte, je croirais, ma foi, que je l'ai devant moi.
Il offrit son bras à la mariée et la conduisit à l'église. Des orties poussaient près de la route et Méline leur dit:
Ortie, petite plante gracieuse, tu m'as l'air bien soucieuse!
Ne t'inquiète pas, je n'ai pas oublié le temps du chagrin refoulé,
Le temps où tu fus ma seule pitance, peu douce et crue, mais en abondance.

-Qu'est-ce que tu dis? demanda le prince.
-Rien, rien, répondit-elle, je pensais seulement à la princesse Méline.
Le marié fut surpris que sa fiancée connût Méline, mais il se tut.
Ils passèrent près du cimetière et lorsqu'ils arrivèrent devant l'escalier de l'église, Méline dit:

Supportez-moi, les marches, souffrez que je vous emprunte,
De la mariée qui n'en est pas une, écoutez la complainte.

-Que disais-tu? demanda le prince.
-Rien, je pensais seulement à la princesse Méline.
-La connais-tu?
-Mais non, rétorqua-t-elle, comment pourrais-je la connaître? Mais j'ai entendu parler d'elle.
Ils s'arrêtèrent devant la porte de l'église et Méline dit:

Ô toi, la grande porte! Que je passe, supporte!
De la mariée qui n'en est pas une, écoute la demande infime.

-Et maintenant, qu'est-ce que tu viens de dire? s'étonna le prince.
-Oh, Je pensais encore à la princesse Méline, répondit-elle.
Le marié prit un collier de très grande valeur et le lui passa au cou.
Ils entrèrent dans l'église et devant l'autel le prêtre lia leurs mains et les maria. Sur le chemin de retour, Méline ne prononça pas un mot. De retour au palais, elle courut aussitôt dans la chambre de la mariée, ôta la belle robe, rangea les bijoux et remit sa chemise grise. Elle ne garda que le collier que le marié lui avait passé autour du cou devant l'église.
La nuit tomba et la mariée devait être conduite dans la chambre du prince.
Elle voila son visage pour que le prince ne s'aperçût pas de la supercherie. Dès que tous furent partis, le prince demanda:
-Qu'as-tu dit aux orties près de la route?
-À quelles orties? s'étonna la mariée. je ne parle pas aux orties.
-Si tu ne leur as pas parlé, tu n'es pas la vraie mariée, dit le prince.
Mais la mariée trouva la parade.
-Attends! s'écria-t-elle:

Ma femme de chambre, j'appelle, car dans mes pensées lit-elle.

Elle sortit de la chambre et s'en prit à Méline:
-Servante! Qu'as-tu dit aux orties près de la route?
-je n'ai dit que cela:

Ortie, petite plante gracieuse, Tu m'as l'air bien soucieuse!
Ne t'inquiètes pas, je n'ai pas oublié Le temps du chagrin refoulé,
Le temps où tu fus ma seule pitance, Peu douce et crue, mais en abondance.

La mariée retourna dans la chambre du prince.
-Ça y est, cria-t-elle, je me rappelle maintenant de ce que j'ai dit aux orties. Et elle répéta les paroles qu'elle venait d'entendre.
-Et qu'as-tu dit aux marches de l'église lorsque nous les montions? demanda à nouveau le prince.
-Aux marches de l'église? s'étonna la mariée. je ne parle jamais aux marches.
-Tu n'es donc pas la vraie mariée.
Et la mariée dit promptement:

Ma femme de chambre, j'appelle, car dans mes pensées lit-elle.

Elle sortit par la porte en courant et s'en prit de nouveau à Méline:
-Servante! Qu'as-tu dit aux marches devant l'église?
-je leur ai dit simplement:

Supportez-moi, les marches, souffrez que je vous emprunte,
De la mariée qui n'en est pas une, écoutez la complainte.

-Cela te coûtera la vie, l'avertit la mariée, mais elle retourna vite auprès du prince pour lui expliquer:
-Ça y est, je sais ce que j'ai dit à l'escalier!
Et elle répéta ce que la jeune fille lui avait dit.
-Et qu'as-tu dit à la porte de l'église?
-À la porte de l'église? s'affola la mariée. je ne parle pas aux portes.
-Tu n'es donc pas la vraie mariée.
Elle sortit en courant et elle harcela Méline à nouveau:
-Servante! Qu'avais-tu à raconter à la porte de l'église?
-Je ne lui ai rien raconté, j'ai dit seulement:

Ô toi, la grande porte! Que je passe, supporte!
De la mariée qui n'en est pas une, écoute la demande infime.

-Tu me le paieras, tu auras la tête coupée, dit la mariée, folle de rage; mais elle se dépêcha de revenir auprès du prince pour lui dire:
-Je me souviens maintenant ce que j'avais dit à la porte.
Et elle répéta les paroles de Méline.
-Et où est le collier que je t'ai donné devant la porte de l'église?
-Quel collier? dit-elle. Tu ne m'as pas donné de collier.
-Je te l'ai moi-même passé autour du cou. Si tu ne le sais pas, tu n'es pas la vraie mariée.
Il lui arracha son voile et vit son visage incroyablement laid. Effrayé, il fit un bond en arrière.
-Comment es-tu arrivée là? Qui es-tu?
-Je suis ta fiancée promise, mais j'avais peur que les gens se moquent de moi en me voyant dans la rue. C'est pourquoi j'ai ordonné à la petite souillon de mettre ma robe et d'aller à l'église à ma place.
-Où est cette fille? demanda le prince. Je veux la voir. Va la chercher!
La mariée sortit de la chambre et dit aux serviteurs que sa femme de chambre était une faussaire, et qu'il fallait sans tarder l'amener dans la cour et lui couper la tête. Les serviteurs attrapèrent Méline et voulurent l'emmener. Mais Méline se mit à crier et à appeler au secours si fort que le prince entendit sa voix et arriva en courant. Il ordonna qu'on relâche la jeune fille sur-le-champ. On apporta la lumière et le prince put voir que la Jeune fille avait autour du cou le collier en or qu'il lui avait donné.
-C'est toi la vraie mariée, dit-il, c'est toi que j'ai amenée à l'autel. Viens dans ma chambre.
Et une fois seuls, le prince demanda:
-Pendant le trajet vers l'église, tu as parlé de la princesse Méline à laquelle j'ai été fiancé. Si Je pouvais espérer que cela fût possible, je penserais qu'elle est devant moi; tu lui ressembles tant!
Et la jeune fille répondit:
-Je suis Méline, celle qui, par amour pour toi, fut emprisonnée pendant sept ans dans un cachot obscur, celle qui a souffert de faim et de soif et qui a vécu si longtemps dans la misère et la détresse. Mais aujourd'hui enfin le soleil a de nouveau brillé pour moi. On nous a mariés à l'église et je suis ta femme légitime. Ils s'embrassèrent et vécurent heureux jusqu'à la fin de leurs jours.

                         FIN

Un conte de fées des frères Grimm
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Juillet 2013 à 07:47:15
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L'OGRE DES MERS

" Maman, je vais à la pêche ! " dit Petit-furet
Le voilà parti. Il fait un temps splendide, la mer toute proche est plate comme une limande. Petit-furet embarque à bord de " L'Archiduc " (un bateau, même petit a le droit de s'appeler comme ça) et appareille. Il ne va pas bien loin. Là, juste sous la balise, il sait qu'il y a un haut-fond très poissonneux.
Il jette l'ancre, met un ver au bout de sa ligne, balance le tout à l'eau, puis, comme tous les pêcheurs du monde, il attend !
Dix minutes, un quart d'heure se passe. Ça n'a pas l'air de mordre en bas ! Il fait de plus en plus chaud, la mer miroite au soleil. Petit-furet bâille, bâille encore, pique une tête, se reprend, repique une tête...Cette fois, Petit-furet s'est endormi ! En bas, sous la mer, il fait frais, et personne ne dort. Au contraire, ça grouille de vie !
Le beau ver que le garçon a fixé au bout de sa ligne se tortille au gré du courant. On dirait qu'il vit encore. Les habitants du coin le regardent avec un intérêt croissant.
- Hum ! ça à l'air bon, dit un petit éperlan brillant. Et hop ! Il avale le ver.
Là-haut, il y a un petit choc dans la ligne que Petit-furet s'est enroulé autour du poignet. Mais il dort trop bien !
L'éperlan tournicote autour de l'hameçon. Passe alors une VIEILLE (non, pas une vieille dame, mais un poisson qui s'appelle ainsi). Elle se sent en appétit et sans faire de manières, elle gobe l'éperlan et l'hameçon par la même occasion.
Là-haut, la ligne tire un peu plus. Petit-furet ne s'en rend pas compte.
En bas, les choses se précipitent. En effet, à cet instant précis, la marée, les courants, la chaleur de l'eau mettent lez poissons en appétit.
Une roussette tachetée aperçoit la vieille. " Elle est pleine d'arêtes se dit-elle, mais j'ai faim moi ! "
Et voilà la vieille dans l'estomac de la roussette. Là-haut, Petit-furet rêve qu'il attrape le plus gros poisson du monde.
Sous la mer, l'infernale ronde continue, puisque la nature veut que les gros mangent les petits. Un énorme congre tout noir est sorti de son trou. Il a vu la roussette à portée de ses dents. Un congre ne réfléchit pas, il mange... La roussette disparaît dans la mâchoire béante.
Il n'y a pas de raison pour que ça s'arrête : une raie-manta qui passe par-là englouti le congre, puis un peau-bleue dévore la raie-manta.
Attention, un peau-bleue n'est pas un vulgaire poisson : plus gros que lui, restent seulement les baleines, les cachalots...et ces énormes cétacés rôdent rarement près des balises, à quelque cent mètres d'une plage !
Et pourtant, sous la mer, voici que plane un grand silence. Comme si le monde sous-marin attendait quelque chose ou quelqu'un. Les bernicles s'incrustent à leur rocher, les moules cessent de bâiller, les anémones replient leurs pétales. D'un seul coup, toute vie s'arrête.
À la surface, Petit-furet se réveille, un peu perdu après avoir tant dormi. Il s'étire, se frotte les yeux...
- Ma ligne...Il tire...Rien ne vient.
- J'ai dû accrocher un rocher durant mon sommeil.
Il s'apprête à abandonner...Lorsque tout à coup...La ligne se fait toute molle. Petit-furet la ramène vers lui aussi vite que possible. Ses yeux s'écarquillent, sa bouche s'arrondit...
- C'est pas vrai, j'ai pêché un amphigourig !
Chez Petit-furet, les hommes sont pêcheurs de père en fils, depuis des générations. Et le soir à la veillée, les grands-pères racontent aux enfants la légende de l'amphigourig. Une sorte de géant, d'ogre qui vit au fond des mers et que nul ne voit jamais. Un jour, il y a de cela des siècles, un ancêtre Furet a trouvé un amphigourig échoué sur la plage. Au lieu de le dépecer, il a fait venir toute la famille pour le remettre à l'eau.
" S'il vous arrive d'en remonter un au bout de votre ligne, faudra pas avoir peur, avait conclu le grand-père. Il y a un pacte d'amitié entre eux et nous, les Furets ! "
Ne pas avoir peur. Petit-Furet aimerait bien que son grand-père soit là ! Par ce qu'un amphigourig, c'est plus qu'impressionnant !
Imaginez : une énorme tête couverte d'écailles vertes et bleues, des grands yeux noirs et une sorte d'antenne flexible au sommet du crâne...Dans l'eau transparente, Petit-Furet devine des nageoires, mais aussi comme des milliers de pattes qui s'agitent. L'amphigourig, ça tient du dragon, du serpent de mer, de la pieuvre et du scolopendre géant. Bref, c'est indescriptible !
Petit-Furet fait face à la bête. Celle-ci a posé délicatement les premières rangées de ses pattes à ventouses sur le bord du canot et dévisage le garçon de ses yeux sombres.
- Je m'appelle Petit-Furet, de la famille Furet, tu sais...balbutie l'enfant. On a signé un pacte d'amitié toi et nous !
L'amphigourig remue sa tête fantastique, comme s'il comprenait. Son antenne frontale, semblable à un bouquet, s'incline vers Petit-Furet et le caresse. Le garçon n'a plus peur du tout. Et pourtant, d'un seul coup de sa formidable mâchoire, l'animal pourrait les engloutir, son bateau et lui...
La mer alentour est parfaitement lisse, tel un lac par une eau soir d'été. Nul bruit, nul voile, le ciel est comme figé. Et cela dure, dure. Combien de temps au juste ? Dix minutes, deux heures, ou plus...Et puis, brusquement, l'amphigourig ouvre toute grande sa gueule prodigieuse. Il se contracte, régurgite le peau-bleue et le pousse vers le bateau. Petit-Furet amarre le grand poisson le long de la coque.
Une dernière fois, l'amphigourig fixe Petit-Furet, et, doucement, tout doucement, il s'enfonce dans les flots. Petit-Furet se sent soudain bien seul.


Il finit par rentrer chez lui, remorquant son énorme prise. Tous les gens du port sont là et le regardent arriver, s'extasiant qu'un si petit garçon est pris un si gros poisson !

Quand on ouvre le ventre du peau-bleue, on trouve la raie-manta, puis le congre géant, puis la roussette, puis la vieille et enfin, le petit éperlan brillant, tout ce beau monde dans un remarquable état de fraîcheur.
- Jamais, non jamais on a vu ça ! murmurent les pêcheurs.
Petit-Furet pourrait leur dire la vérité, leur parler de l'amphigourig. Pourtant, il se tait. " L'heure n'est pas venue, pense-t-il "

Plus tard, bien plus tard, lorsqu'il sera vieux et que ses petits enfants grimperont sur ses genoux, peut-être à son tour racontera-t-il l'histoire de l'animal fabuleux, de celui que l'on appel " l'ogre des mers ", et qui protége la famille Furet depuis le début des temps !


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Juillet 2013 à 08:29:36
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Magie ,magie

Tous à vos grimoires, tous à vos chapeaux, tous à vos baguettes, abracadabri, abracadabra, il était une fois une jeune magicienne prénommée Maguy qui vivait avec sa famille dans une roulotte. Elle aimait beaucoup voyager mais elle était parfois triste de ne pas avoir d'amis. Aussi son meilleur ami était il le cheval qui tirait la roulotte et qui s'appelait Flanflan parce qu'il aimait beaucoup ce dessert.

            Pour ses tours qu'elle ne réussissait guère, elle prenait souvent Flanflan comme cobaye. Ainsi, il fut vert, jaune, avec des ailes, une corne, il eut trois queues, un dentier, de vrais cheveux mais jamais ce qu'elle formulait.

            Ses parents n'avaient pas les moyens de l'envoyer dans une école de magiciens et, malgré leur apprentissage, ils se désespéraient à ce que Maguy réussisse à devenir une bonne magicienne. Ils décidèrent donc que, désormais, lors de leur prochaine étape, ils chercheraient pour elle un magicien avec lequel elle pourrait passer le restant de ses jours.

           La roulotte ne suivait pas le même itinéraire tous les ans. Seule une étape ne changeait jamais. Il s'agissait d'une réunion internationale de magiciens qui avait lieu la nuit de la St Jean. Les parents de Maguy comptaient y trouver un prétendant pour leur fille.

            Ils arrivèrent au matin sur le pont d'Avignon. Il y avait un embouteillage énorme de chevaux, de calèches et d'autres roulottes. Les gens sifflaient, les chiens aboyaient, c'était une belle cacophonie. Maguy semblait toute excitée à l'idée de retrouver des visages de connaissance. Flanflan, qui avait exceptionnellement son aspect ordinaire de cheval, portait un habit bizarre fait de losanges multicolores et de grelots. Ils ne passèrent pas inaperçus quand ils entrèrent dans l'enceinte de la ville.

            Après s'être installés près de la place des Papes, ses parents demandèrent à Maguy d'aller s'inscrire pour le grand concours annuel de sorcellerie pour la première fois. Elle acquiesça, toute contente. Tous les concurrents étaient des apprentis en magie qui devaient présenter le tour de magie le plus remarquable possible.

            L'épreuve avait lieu le lendemain, Maguy commença dès l'après-midi à s'exercer avec son cheval. Autour d'elle, d'autres débutants s'entraînaient également. Pour qui prenait le temps de le regarder, le spectacle était des plus insolites. Un garçon essayait de transformer l'armature de fer de sa roulotte en eau ; sa mère sortit en brandissant une casserole, furieuse de s'être fait doucher. Un autre envoyait un aigle dans le ciel en lui faisant laisser une traînée de feu qui atteignit plusieurs coiffures. Une fille se laissait pousser des oreilles de lapin mais les oreilles n'en finissaient pas de grandir et les gens marchaient dessus. On en passe et des meilleures.

            Vint le soir. Les parents de Maguy invitèrent leurs voisins, les Machemalote, à partager leur repas. Ces derniers avaient trois fils de l'âge de Maguy. Il y avait un brun à la lèvre un peu boudeuse, un roux qui ressemblait à une carotte crue et un gringalet qui était plus grand que son cheval. Aucun d'eux n'intéressa la jeune fille malgré les efforts qu'ils firent pour lui plaire. Ils restaient des amis. Les bonbons crées par l'un étaient trop acidulés, les fleurs de l'autre avaient plus de piquants que de boutons. Quand au troisième, il ne savait que sourire sans rien dire.

            Après le repas, la jeune fille demanda la permission de faire un tour. Ses parents, tristes qu'elle n'ait pas été séduite par un des voisins, acceptèrent en lui demandant d'être prudente. Elle prit la direction des hauteurs car elle voulait voir la ville de haut au clair de lune.

            Dans le jardin qui jouxte le palais, un air de musique l'attira. Elle vit en s'approchant un jeune homme qui avait, posé sur son bras, un oiseau qui sifflait admirablement. Devant lui dansait un singe, un serpent, un cygne et un cochon. Chaque animal reprenait le refrain de la chanson de l'oiseau dans sa langue.

-C'est incroyable ! dit Maguy. Si vous présentez ce numéro au concours de demain, vous êtes sûr de gagner.

-Je ne suis pas magicien et je ne participe à aucun concours, dit le jeune homme. Je suis juste un grand ami des bêtes.

-Comme je vous envie ! J'adore mon cheval qui est mon meilleur ami. Pourtant, je n'arrive jamais à rien avec lui. Demain, nous devons faire un tour mais il y a de fortes chances que cela rate.

-Aie confiance en toi, c'est la première condition nécessaire pour réussir. Ensuite le courant d'amour qu'il y a entre ton cheval et toi doit être visible de tous. Si tu t'émerveilles autant, c'est parce que mes animaux m'aiment, que je les aime et que nous savons le faire partager.

-Quoi d'autre encore ?

-De la patience, de l'attention, de la douceur, de la persévérance, du courage et de la joie.

-Ce ne sont pas des formules magiques, dit Maguy.

-La magie, c'est tout cela réuni. Ne crois tu pas que notre rencontre soit déjà magique ? Quand a lieu ton concours ? Je désire venir te voir pour te soutenir.

-Ta présence me ferait chaud au cœur, dit elle en rougissant. C'est demain dans l'après midi sur la grande place.

            Avant de le quitter, elle caressa tous les animaux et posa un baiser sur le front du jeune homme. Ils entonnèrent une nouvelle musique plus forte que la précédente pour qu'elle l'entende jusqu'à son retour à sa roulotte. Ce soir là, Maguy s'endormit des étoiles plein la tête.

            Le matin, dès l'aube, Maguy était la première à s'exercer. Elle essayait de suivre les conseils du musicien rencontré la veille mais elle avait du mal à ne pas se laisser distraire. Le moindre gazouillis d'oiseau la sortait de son tour.

            La matinée battait son plein quand le jeune musicien arriva accompagné de ses animaux. Il se présenta aux parents de Maguy en leur offrant une colombe ce qui leur plut tout de suite. Il proposa à la jeune fille de faire une pause et d'aller se promener sur son cheval.

            Flanflan adopta tout de suite son nouveau cavalier. Ils quittèrent la ville pour les champs et descendirent de cheval au bord d'un ruisseau. Il faisait chaud. Ils se penchèrent pour boire l'eau fraîche. Maguy fut troublée de voir leurs deux reflets se fondre si aisément en un. Leurs lèvres s'approchèrent. Sans mot dire, ils s'embrassèrent.

            A leur retour en ville, Maguy était plus confiante que jamais. Elle annonça à ses parents que la ville lui plaisait beaucoup et qu'elle envisageait d'y rester si elle réussissait le concours. Ses parents comprirent que le jeune homme y était certainement pour quelque chose, ils échangèrent un clin d'œil complice.

            Le moment du concours arriva. Elle tira son numéro de passage, elle était la dernière. On eut droit à des numéros très réussis et à de véritables échecs. Le plus extraordinaire fut la disparition du palais pendant quelques secondes et le plus raté fut le galant maladroit qui échoua à offrir une robe somptueuse à la présidente du jury. Il la couvrit de boue.

            Maguy et le jeune musicien se distrayaient beaucoup. En sa compagnie, la jeune fille était très détendue quand vint son tour. Elle lui proposa d'y participer et il accepta, montant sur le dos du cheval. Alors que ses animaux à terre commencèrent à chanter, Maguy prononça sa formula magique :

-Astrapi Astrapa kouroukoufou par ci par là, cheval, envole toi !

            Sur les flancs de Flanflan apparurent deux belles ailes. Ils s'envolèrent quelques instants jusqu'au toit du palais des papes avant de redescendre sous un tonnerre d'applaudissements.

            Pour la première fois, un des tours de magie de Maguy avait réussi du premier coup. Ils s'embrassèrent sous les yeux du public et de ses parents et reprirent leur envol, cette fois ci accompagnés de tous les animaux, pour on ne sait où.

-C'est grâce à toi que mon tour a réussi, dit Maguy dans le ciel.

-Je t'avais bien dit que l'amour était magique, dit le musicien.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Juillet 2013 à 14:59:56
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Sacrée bicoque

Sur le toit d'une maison vivait une cigogne qui attendait le jour rêvé.

Dans une chaumière reculée, si vieille qu'elle tenait à peine debout, où des bassines palliaient aux fuites d'eau, vivait une jeune fille prénommée Capucine.

            Elle paraissait plus sérieuse que son âge, de petite taille et portait des lorgnons pour voir de près.

            Sa maison était dans une clairière, au cœur d'une forêt si épaisse que personne ne lui rendait visite. Elle en était triste, elle qui désirait rencontrer l'amour à travers un musicien, un poète ou un troubadour.

            Un jour, pourtant, alors qu'elle préparait le dîner, un animal se coula par la fenêtre entrebâillée de sa cuisine. C'était un singe, le premier de sa vie qu'elle voyait de si près.

            Il s'empara d'une banane sur la table et se mit à l'éplucher en la regardant. Stupéfaite mais heureuse de sa présence, elle lui adressa la parole :

-Qui es-tu ? D'où viens-tu, petit animal velu ?

            C'est alors qu'un perroquet entra par la fenêtre.

-Sacrée bicoque ! Sacrée bicoque ! dit le perroquet.

            Toc ! Toc ! Toc !

            Capucine, interloquée, alla ouvrir la porte. Elle se trouva face à un énergumène. Malgré sa retenue, elle ne put s'empêcher de rire. L'homme portait des moustaches en tire-bouchon, un chapeau troué avec une fleur, une guitare en bandoulière, un nœud papillon sur une chemise entrouverte, de grandes chaussures comme celles d'un clown et un pantalon bouffant multicolore.

- Permettez-moi de m'excuser de mon singe. Il est parfois un peu envahissant et les bananes...

-Oui, j'ai vu, ne vous en faîtes pas. A qui aie-je l'honneur ?

            Il retira son chapeau. Une touffe énorme et hirsute de cheveux apparut.

-Je suis le prince du château de Domfront. Appelez-moi Gaspard.

            Il fit une petite révérence bien que la tenue de celle qui lui faisait face semblait des plus misérables. Elle portait une robe fanée avec des accrocs, des sabots et un foulard couvrait ses cheveux de sorte que l'on n'en voyait pas la couleur.

-Quel accoutrement bizarre mais sympathique pour un homme de votre rang ! lui dit-elle. Entrez donc. J'étais en train de préparer le dîner. Peut-être vos amis et vous aimeriez partager mon repas ?

-Nous acceptons votre invitation avec plaisir, dit le prince. Votre maison est très accueillante. Malgré son délabrement, elle a quelque chose de féerique. Il y règne une belle lumière et une douce chaleur.

-Merci beaucoup, mon chat qui est allongé sur vos pieds y contribue. D'où venez-vous ?

-Nous nous sommes perdus dans la forêt et nous n'avons rien mangé depuis notre départ. Nous avons été l'objet d'une étrange aventure. Alors que nous étions dans les parages, un renard a attaqué mon singe et l'a cruellement mordu. Mon perroquet a pincé le renard à son tour et moi-même, j'ai essayé de l'assommer avec un bâton. Mes animaux se sont enfuis à la poursuite du renard et je les avais perdus.

-C'est étrange, cet animal rôde dans les parages depuis que ma marraine a disparu sans explication. Asseyez vous et ne faîtes pas attention au désordre. J'en aie pour une minute.

            Tandis qu'elle disparaissait dans la cuisine, le prince regarda autour de lui en égrenant quelques notes sur sa guitare. Il vit un vieux piano plein de poussière et recouvert de livres. Il s'en approcha et le débarrassa. Mais, dès qu'il eut posé ses mains sur le clavier, une touche sauta avec un grincement sinistre. Il se hâta de la remettre et de refermer l'instrument comme si de rien n'était.

            Le perroquet éternua à cause de la poussière et cria :

-Sacrée bicoque ! Sacrée bicoque !

            Le prince frissonna et, trouvant qu'il faisait un peu froid, décida d'allumer un feu de cheminée. Bien mal lui en prit, sitôt le feu parti, la pièce fut enfumée.

-Sacrée bicoque ! Sacrée bicoque ! cria de nouveau le perroquet en secouant ses plumes noircies.

            Le prince demanda à son singe de l'aider à ouvrir toutes les fenêtres. Certaines se brisèrent et d'autres lui restèrent la poignée entre les mains. Le singe essaya de tirer les rideaux pour cacher les dégâts.

            La cigogne, sentant son derrière chauffer, s'envola et vint se poser sur le bord de la fenêtre. Elle vit le singe et lui envoya un coup de bec sur le bras pour attirer son attention. Les deux tinrent un dialogue derrière le rideau.

            Le jeune homme se sentait affreusement embarrassé quand la jeune fille entra, une soupière fumante à la main. 

-C'est gentil d'avoir essayé de faire du feu mais il y a un nid de cigognes sur ma cheminée et je ne veux pas les embêter alors j'attends qu'elles migrent pour me servir de mon foyer. Ne vous inquiétez pas pour le piano, je n'ai jamais eu les moyens de le faire réparer et les fenêtres non plus. Ouvrez donc ces rideaux, on n'y voit goutte.

-Je suis confus tout de même. Je voulais bien faire, dit Gaspard en ouvrant le rideau.

            La cigogne s'envola. Le singe alla parler au perroquet.

-Prenez place à table, la soupe est prête, dit la jeune fille. Au fait, je crois que je ne me suis pas présentée, je m'appelle Capucine.

            Pendant le repas qui fut délicieux, le prince apprit l'isolement de la jeune fille et son désir de rencontrer l'amour.  Il la trouva très intelligente pour quelqu'un qui vivait si à l'écart des réalités de la vie. Ses goûts prononcés pour la nature, la lecture et la musique le ravirent. Elle aimait tant de choses qu'il aimait aussi qu'il lui proposa pour lui être agréable et la dédommager de l'inviter au grand bal masqué qui devait avoir lieu la semaine prochaine pour son anniversaire.

            Elle se sentit intimidée mais très tentée car elle en avait assez de ne parler à personne d'autre qu'à son chat. Le jeune homme lui plaisait par sa bizarrerie et sa simplicité. Elle retira son lorgnon dans un désir inconscient de lui plaire. Aussitôt, le singe s'en empara discrètement. La jeune fille ne vit rien. Elle pensait que, si le reste de la cour était comme lui, elle s'amuserait certainement.

            La nuit, elle rêva d'un bal costumé des plus insolites. Même son chat y participait et dansait avec le singe. Elle se réveilla, toute souriante et pleine de gaîté.

            Les jours s'envolèrent. Celui du bal arriva bien plus vite qu'elle ne l'avait prévu. Elle avait préparé pour l'occasion, avec le peu de moyens qu'elle avait, une robe cousue avec une ancienne paire de rideaux qu'elle avait trouvé dans le grenier, un chapeau de paille recouvert des plus belles fleurs de la forêt et des chaussons qu'elle avait brodé elle-même. Sa chevelure fraîchement lavée étincelait de mille feux et son air aimable et souriant attira sur elle tous les regards quand elle entra dans la salle de bal du château.

            La reine dit :

-Quelle charmante tenue ! Vous incarnez à vous seule le printemps ! Mais je n'ai pas l'honneur de vous connaître. Qui êtes vous donc ?

-Sacrée bicoque ! Sacrée bicoque, c'est elle ! dit le perroquet en se posant sur son épaule.

            Quand au singe, il avait déjà trouvé dans la poche de la jeune fille la banane qu'elle avait amenée pour lui.

-Ah, je vois, notre fils m'a beaucoup parlé de vous.

            Capucine en rougit.

-Allez danser avec les autres, mon enfant.

            Capucine fit une révérence et suivit le singe qui la tirait par la main. Le petit animal l'amena jusqu'au prince mais ils ne se reconnurent pas. Sur l'insistance de sa mère, Gaspard avait rasé ses moustaches et il était tout autre dans son costume princier. Il avait vu Capucine que dans l'obscurité de la maisonnette et, sans ses lunettes, elle était resplendissante.

            Ils se mirent à danser ensemble et leurs pas s'accordaient à merveille au point qu'ils n'osaient dire mot pour ne pas troubler cette harmonie. Mais Capucine s'éclipsa tôt, avant qu'il ait pu lui demander son nom, car elle voulait rentrer avant la nuit tombée pour retrouver son chemin dans la forêt.

            Après le bal, le prince ne pensa plus qu'à elle. Il ne lui restait que le ruban de ses cheveux que le singe avait dérobé et il le pressait contre son cœur en se demandant comment retrouver la jeune fille.

            Son perroquet était anormalement agité et n'arrêtait pas de se percher sur son épaule pour lui crier à l'oreille :

-Sacrée bicoque ! Sacrée bicoque !

            Agacé, le prince finit par lui dire qu'ils allaient rendre visite à la jeune fille. Il retrouva la maison dans la forêt grâce au singe qui avait un sens de l'orientation extraordinaire.

            Lorsqu'il vit la chaumière, elle était en grand bouleversement. Même le singe se grattait la tête en se demandant ce qui se passait. Toutes les fenêtres avaient été changées, elles étaient ouvertes et une poussière énorme en sortait sous l'action d'une bonne grosse dame et d'une personne penchée sur son balai.

-Elle a du déménager, dit le prince, s'apprêtant à faire demi tour.

            Mais le perroquet lui pinça la joue d'un coup de bec. Il s'envola vers l'intérieur, tenant le ruban entre ses griffes. Il se posa sur la tête de la balayeuse et y mit le ruban. La jeune fille se retourna et le noua dans ses cheveux.

Gaspard reconnut alors qu'elle était la jeune fille du bal et aussi Capucine, celle qui l'avait reçu ici la première fois qu'il était venu.

Il frappa à la porte. La grosse dame vint lui ouvrir.

-Vous êtes le prince ? demanda t'elle. Nous vous attendions.

-Oui, dit le jeune homme, surpris. Et vous-même, qui êtes vous ?

-Je suis madame Arc-en-ciel, la marraine de Capucine. Votre singe et votre perroquet m'ont délivré du mauvais sort qui m'avait été jeté. Une méchante confrère m'avait changé en cigogne. J'étais condamnée à demeurer en cet état jusqu'à ce que quelqu'un me vienne en aide en me rendant mon lorgnon magique. La sorcière s'est déguisée en renard pour  vous attaquer afin que vous n'approchiez  pas de la maison mais votre singe et votre perroquet ont su déjouer ses mauvais tours. Ma science animalière étant limitée au langage des singes, si le vôtre n'était pas venu, j'aurais pu rester longtemps dans cet état. Avec ma magie, j'aide aujourd'hui Capucine à faire scintiller sa maison et je lui aie rendu une vue parfaite de sorte à ce qu'elle puisse se passer de mon lorgnon.

-Quel beau changement ! J'ai quelque chose à lui demander, dit Gaspard.

            Le singe se mit au piano, le perroquet se mit à chanter :

-Sacrée bicoque ! Sacrée bicoque !

            Et, sur le premier accord de guitare, Gaspard lui fit sa déclaration.

-Oh, belle Capucine

J'aime tant votre cuisine

Votre chaumière sans prétentions

Vos douces attentions

Oh belle Capucine

Vous qui êtes si fine

Vos cheveux sont comme de la soie

Vos regards me mettent en émoi

Je suis amoureux de vous

Et me veux être votre époux

Le désirez-vous ?

Pour vous, je serais prêt à tout

Rouge comme une tomate, elle acquiesça. Alors le perroquet, le singe et le jeune homme voulurent embrasser Capucine tous les trois en même temps. La marraine dit:

-Je veux bien quelques baisers moi aussi.

            Alors le singe lui sauta au cou et le perroquet lui cria dans l'oreille :

-Sacrée bicoque ! Sacrée bicoque !

            Depuis ce jour, au milieu de la forêt, la chaumière est un nouveau relais, tenu par la marraine qui est une bonne fée. On y organise les plus grandes fêtes populaires où le singe pianiste et le perroquet chanteur ont un très grand succès. Tous vivent très heureux et la forêt abonde désormais de visiteurs.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Juillet 2013 à 09:34:35
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"LA VESTE AUX COULEURS D'ARC EN CIEL"

L'histoire que je vais vous raconter s'est

passée il y a fort longtemps, à des millions

d'années lumière de notre galaxie.

A cette époque le Pays Magique avait disparu,

car les gens avaient perdu l'habitude de

croire à la Magie.

Et...Comme chacun sait, la Magie est très

capricieuse et elle n'aime pas du tout, mais

vraiment pas du tout, que l'on ne s'intéresse

pas à elle.

Et c'est ainsi qu'elle est partie faire ses

affaires ailleurs et que le royaume magique

est tombé dans l'oubli.



Il faut dire que si les gens ne croyaient plus

à la Magie, c'est aussi parce que le vieux roi

du Pays Magique était très malade et qu'il ne

pouvait plus entretenir les rêves de son

royaume. Si bien que même les Magiciens

avaient fini par perdre tout espoir de voir

leurs rêves se réaliser un jour.

Et les rêves ont fini par disparaître...



Mais un jour, le vieux roi, sentant sa fin

approcher, fit appeler ses trois fils à son

chevet: "Mes enfants je ne veux pas mourir

avant d'être sûr que le royaume magique ne

tombera pas définitivement dans l'oubli.

Partez chacun de votre côté, courez le vaste

monde et faites en sorte que la Magie

retrouve la place qui lui revient".



Le premier des trois fils avait déjà fort à

faire avec ses entreprises, très florissantes

d'ailleurs, mais il vit dans la demande de son

père un moyen de gagner encore plus d'argent

...en s'attirant la faveur des médias.

Alors il se para d'un magnifique costume de

Magicien noir et doré et montra au vaste

monde comment il était possible de faire

bouger des objets à distance, de lire dans les

pensées ou de couper les femmes en deux sans

leur faire de mal. Il eut beaucoup de succès

grâce à ses spectacles et il gagna beaucoup

d'argent.

Et bien que les gens ne croyaient pas

d'avantage à la Magie qu'auparavant,

ils s'amusaient bien.



Le second des trois fils souhaitait que le

voeu de son père soit respecté. Et comme il

réfléchissait beaucoup  il se dit qu'il serait de

bon ton de ne pas ressembler à un magicien,

d'être comme tout le monde et, tout comme

le vent, de souffler doucement et de s'infiltrer

peu à peu. C'est ainsi qu'il se vêtit d'un simple

pantalon de toile bleu , d'un pull-over de laine et

montra au monde entier ce qu'il savait faire

avec ses mains. Et même si les gens pensaient

que ce monsieur qui portait un pantalon de toile

et un pull-over de laine était très prétentieux,

ils s'amusaient bien.



Quant au troisième des trois fils il était bien

embêté, car il n'avait jamais été un brillant

magicien. Il était pourtant soucieux de

respecter le voeu de son père et il décida

malgré tout de tenter de nouvelles

expériences magiques. Mais toutes ses

tentatives se heurtaient au scepticisme,

ou même au désintérêt des habitants des

différents mondes qu'il parcourait.

Partout il ne voyait que tristesse et désarroi

et les gens n'osaient même plus réapprendre

à rêver de peur de perdre leurs illusions.



Le troisième des trois fils continua pourtant

à explorer d'autres univers... Et les peines et

les chagrins jonchaient le sol au fur et à mesure

qu'il essayait d'éveiller la curiosité de chacun

en voulant lire dans les pensées, ou en disant

la bonne aventure. Mais chacun se demandait

qui était ce drôle d'individu, vêtu d'un autre

temps et qui voulait leur faire croire que

la Magie existe.

Et puis d'ailleurs les grands savants avaient

prouvé que personne ne pouvait changer le cours

du temps ou les lois de la physique. Les choses

étaient comme elles étaient et c'était très bien

comme ça...



C'est ainsi que le troisième des fils se met

à ramasser les peines et les chagrins qui

continuent à joncher le sol.

Il en ramasse jusqu'à ce que le soleil se lève

mille fois. Et au matin du mille et unième jour,

il coud tous ces morceaux de chagrin ensemble

...et avec tous ces morceaux de chagrin

il confectionne une magnifique veste, une veste

en patchwork, aux couleurs d'arc en ciel.

"Qu'est ce qu'elle est belle cette veste!" disent

les passants émerveillés. On en oublie tous nos

soucis. "C'est parce que c'est une veste magique"

répond le Magicien, "que j'ai cousu avec vos

peines et vos chagrins. Car voyez vous un petit

morceau de Magie est caché au plus profond de

chacun de vous. C'est ainsi pour que les secrets

de l'univers restent bien gardés. Mais

quelquefois les secrets sont trop bien gardés

et il arrive qu'on en oublie leurs couleurs".



Depuis ce jour, tous les habitants des

différents mondes savent que derrière leurs

tristesses et leurs peurs se cache un petit

morceau de Magie.

Et on raconte que lorsque l'on a du chagrin

il suffit de lever les yeux dans la nuit pour

apercevoir un petit homme qui danse sur un

rayon de lumière. Il porte une veste aux

couleurs d'arc en ciel et il décroche les étoiles

pour les donner au monde entier.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Juillet 2013 à 12:06:28
(http://img11.hostingpics.net/pics/948853rocher.jpg)
L'ESPRIT DE LA RIVIERE

Il était une fois un gros rocher brun veiné d'or et de gris qui fendait le courant d'une rivière de montagne. C'était la fin des grosses chaleurs et la rivière avait pris son lit d'été. Oubliant les vacarmes de Mai, elle chantonnait sereinement sa mélopée de Septembre. Sous le rocher, les courants complexes avaient creusé dans les galets une large caverne à trois entrées, où reposait lourdement la branche morte d'un châtaignier.

Pouvait-on imaginer plus accueillante oasis pour une truite arc-en-ciel, que ni les crues ni les hommes n'avaient jamais pu emporter ? Le fait est, qu'après tant d'années de vif argent dans le flot des torrents, la truite, marquée des nombreuses blessures dont elle était si fière autrefois, avaient trouvé à l'abri des mains des hommes les plus malins le commencement de la sagesse dans l'antre du rocher. Les deux avaient su lier une solide amitié. Et lorsque le rocher parfois voyait un homme agile remonter d'un mouvement silencieux et ralenti à l'extrême le cours caillouteux de la rivière, yeux et mains au ras de l'eau, se fondant dans l'image du ciel et le chant de la rivière, à l'insu même des bêtes les plus sauvages, alors il prévenait la truite du destin qui s'approchait. Elle se réfugiait aussitôt dans les branchages de châtaignier, sachant que l'homme a toujours en tête le serpent sous la pierre et que sa main reculerait en découvrant le bois flotté que la rivière avait noyé.

A part l'homme, personne n'aurait pu faire de mal au rocher. Et pourtant il souffrait. Car il aimait la rivière et n'était qu'un rocher. Il la voyait venue d'horizons blancs et glacés qu'il imaginait à peine, sentait sa rude et douce caresse au rythme des saisons et veillait sur son sommeil gelé durant le long hiver des montagnes. Il la regardait glisser loin là-bas vers la terre des hommes, jusqu'à se perdre, lui avait-elle dit un jour, dans la Grande Rivière, si vaste qu'elle n'avait plus de rives où pouvaient se dorer les marmottes.

Pourquoi n'était-il pas fait d'eau ? Il aurait voulu être une pluie d'orage ou la rosée du matin, miroitant en elle les nuits de lune au pied des étoiles et courir libre et heureux, avec elle, parsemant d'embruns rieurs le monde immobile des berges moussues. Mais il n'était qu'un rocher, lourd et immobile, qui ne pouvait espérer lui appartenir qu'au rythme millénaire de l'érosion et qui s'ouvrait de sa tristesse à une vieille truite écaillée.

- Tu es un idiot, lui dit la truite. Tu rêves la mort pendant que tu nous donnes la vie. Ouvre donc tes yeux de pierre et vois ! A moi, tu me donnes l'abri et le repos. Et plus que cela, en retenant la rivière dans un grondement d'écume, tu me donnes l'air et la vie et à elle la jeunesse éternelle. Toute la lumière de ses éclats, elle te la doit, toi qui seul a la force de sa pureté. Tu es le cœur qui bat en elle et grâce à qui nous vivons tous. Et tu ne le vois pas.

Le rocher, troublé, ne répondit pas. Mais durant l'automne, il médita silencieusement les propos de la truite.

Bientôt, le vent se mit à fraîchir et les premiers flocons voltigèrent. Les marmottes avaient depuis longtemps disparu dans leurs terriers et leurs cris perçants s'étaient tus quand la rivière s'habilla de son manteau de glace. Par une nuit froide et sans lune parsemée d'étoiles, le rocher fit un rêve, qui dura tout l'hiver.

En ce rêve, la truite lui prêta son corps et le guida sous les neiges jusqu'à une grotte insoupçonnée, au lieu le plus calme et le plus profond de la rivière. D'abord, le rocher-truite ne vit rien. Puis, peu à peu, il perçut la faible lumière jaune qui des étoiles parvenait jusque-là. Et dans cette pâle clarté venue du fond des âges miroita un éclat vert, né de la lente ondulation d'un poisson bleu au regard noir et brun. C'était un gros poisson très étrange, presque inquiétant, comme il n'en avait jamais vu. Tel un fantôme, il hantait ce lieu sombre et inconnu des hommes.

- Je suis l'esprit de la rivière, lui dit il. Et je te connais bien.

- Mais toi, qui te connaît, dit le rocher ?

- Le saule et le héron, la truite bien sûr et tous ceux qui boivent en moi depuis le ciel jusqu'à l'océan, tous ceux qui savent où s'abreuve leur âme, tous ceux enfin qui ont la conscience de ce qu'ils sont en ce monde.

Ce que la rivière chante, c'est notre existence. Chaque grain de sable qui roule, chaque oiseau qui s'ébroue, chaque papillon qui y boit joue sa note et façonne sa mélodie. Mais toute la force originelle de ce chant, c'est toi qui la lui donnes, de ce grondement sourd qui épouvante même les hommes. Autrefois, eux aussi me connaissaient. Ils puisaient en moi ce qui les nourrissait et n'oubliaient jamais de me remercier. Il n'y a plus beaucoup d'hommes à présent qui me connaissent. Mais ceux qui demeurent suffiront toujours à transmettre le savoir des anciens chemins.

Le rocher, au plus profond de sa mémoire, percevait la vérité de ces paroles et s'étonna qu'il fallût un poisson pour les lui rappeler.

- Si tu es un esprit, pourquoi te montres-tu poisson ?

- Parce que si j'étais un rocher, tu ne me croirais pas. Et puis, tout poisson que je sois, j'ai moi-même un esprit. Sinon comment connaîtrais-je ce qu'un poisson ne connaît pas ?

- Et où est donc ton esprit, poisson bleu ?

- Il zèbre le ciel de lignes bleues qui tracent les chemins des pensées de la rivière. Quand tu le verras, suis-le du regard, et tu connaîtras mes rêves.

La truite frissonna. Quelque chose dans l'air avait changé quand le rocher s'éveilla. Le soleil était plus chaud ce matin-là, et le printemps, il le savait, ne serait plus jamais comme avant. Il dut tout de même attendre, avec sa patience de pierre, le cœur de l'été pour voir un jour se poser, fringante sur son nez, une magnifique libellule bleue, qui avait bien des choses à lui montrer.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Juillet 2013 à 13:37:35
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L'omelette désobéissante

« Rien de meilleur qu'une bonne omelette bien épaisse et bien grasse ! » dit la mère en apportant les pots et en allumant le feu. Dans le plus grand, il y avait de la farine, dans le deuxième du lait, dans le troisième de la graisse. A portée aussi la salière et le sucrier, sans oublier, bien sûr, un bel œuf nacré que la meilleure poule venait de pondre. La mère brisa cet œuf au-dessus de la farine, versa du lait, saupoudra de sucre, mélangea le tout, et cela devint une omelette très convenable. Dans la poêle, l'omelette gonfla.
L'odeur appétissante qui s'en dégageait attira les sept enfants autour du feu. Chacun d'eux suppliait: « O mère, laisse-moi goûter cette merveille ! » Et même le grand-père quitta son fauteuil, trotta par la cuisine et, la mine gourmande, demanda: «Ma chère fille, donne-moi un morceau de cette bonne omelette, je meurs de faim. »
« C'est trop tôt encore!» répliqua la mère qui regarda dans la poêle pour voir si l'omelette était assez dorée. Elle fut épouvantée. L'omelette était bien là, dans la graisse bouillante. Mais elle avait pris l'aspect d'un visage curieusement ridé, sombre et renfrogné, avec une bouche, deux yeux et un nez. Un œil était grand ouvert, l'autre à demi-fermé, et ils louchaient tous deux méchamment. Le nez, boursouflé, menaçait d'éclater et la bouche se tordait en une moue de dépit.
A ce moment-là, l'omelette se mit à parler : « Ah! ah! dit-elle, vous voulez donc me dévorer ? Je ne suis pas d'accord! » Et, courroucée, elle se coucha sur le flanc, puis se redressant, sauta hors de la poêle et s'enfuit par la porte. La mère lui ordonna: « Omelette, reste là ! » Mais l'omelette refusa d'obéir et la pauvre femme la poursuivit, une cuiller dans une main et la poêle dans l'autre, en criant : « Arrêtez-la ! arrêtez-la ! »

Elle réussit enfin à saisir la fuyarde
par un bout, mais s'aperçut qu'elle devait courir avec elle sans pouvoir la lâcher. Et les enfants, les uns derrière les autres, se cramponnaient à son tablier et couraient à sa suite. Le grand-père, qui voulait retenir le cadet, resta pris et dut courir, lui aussi. Collés les uns aux autres, ils étaient entraînés par l'omelette endiablée. - En cours de route, ils rencontrèrent un chat au poil hérissé, qui dit en son langage : « Laisse-moi t'avaler, succulente omelette ! » Mais celle-ci grogna : « Accroche-toi au grand-père si tu as envie de nous suivre. » Un peu plus loin, un coq perché sur un fumier s'écria de sa voix rauque : « Délicieuse omelette, avec quel plaisir je te mangerais ! » L'omelette ré pliqua : « Eh bien, tiens-toi à l'oreille du chat, et tu seras aussi de la fête. » Ce fut ensuite le tour d'une vache tachetée qui revenait de l'abreuvoir.
« Toi, s'écria-t-elle à l'adresse de l'omelette, tu ferais bien mon affaire ! » - « Tout doux, ma belle, railla l'omelette, saisis d'abord une plume du coq et nous verrons... » Il en alla de même de la cigogne, qui était justement à jeun. « Goûte tout d'abord un poil de la vache, dit l'omelette, et tu
obtiendras peut-être ce que tu convoites ! »
- C'était un spectacle pittoresque que ce singulier cortège avec l'omelette en tête et la cigogne en queue et, entre elles, la mère, les sept enfants, le grand-père, le chat, le coq et la vache. En chemin, ils rencontrèrent un cochon. Comme chacun le sait, cet animal est très vorace. « C'est exactement ce que souhaitais, grogna-t-il, il y a si longtemps que je n'ai pas mangé d'omelette. Arrête-toi donc que je puisse t'engloutir ! »

Un cochon qui a faim, crie ; c'est pourquoi il n'entendit pas l'omelette qui lui conseillait de s'accrocher à la cigogne pour avoir sa part du festin. Il trotta aussi, il est vrai, mais seul, à côté de l'omelette, de la mère, des sept enfants, du grand-père, du chat, du coq, de la vache et de la cigogne, et sans être lié à eux. Et tout en courant par monts et vaux, il criait sans arrêt: « Sois donc raisonnable, omelette stupide, tu finiras par tomber si tu ne t'arrêtes pas ! » Vers le soir, le cortège arriva au bord d'une rivière qu'aucune passerelle ne franchissait. Pas le moindre bac non plus. L'omelette fut dansl'embarras :
« Pourrai-je ou ne pourrai-je pas m'en tirer à la nage ? » se demanda-t-elle. Mais le cochon, empressé, se hâta de lui dire : « Je te porterai volontiers sur l'autre rive, car un cochon, c'est gras et la graisse ne s'enfonce pas. » L'omelette se rendit à ces raisons, sauta sur le groin du porc qui se jeta allègrement à l'eau. « Les autres, pensa-t-il, resteront en arrière et l'omelette entière sera pour moi. »
Au milieu de la rivière, l'omelette se sentit prise d'inquiétude. « Saprelote, se dit-elle, c'est que le cochon va te manger, et ça ne me dit rien d'être mangée par un cochon. »
Elle prit son courage à deux mains, sauta à l'eau, revint à la nage, retrouva la mère et retourna dans la poêle. Là, elle se tint tranquille, comme toute omelette qui se respecte doit le faire. Et la mère put la partager en treize morceaux. Les convives se rangèrent autour de la poêle et chacun reçut sa part : la mère, les sept enfants, le grand-père, le chat, le coq, la vache et la cigogne. Et l'omelette conclut : « C'est bien ainsi ! »
Le cochon pensait, lui, que l'omelette s'était cachée dans la terre. Et il commença à chercher. Mais il ne la trouvera jamais, dût-il fouiller le sol pendant mille ans...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Juillet 2013 à 11:06:11
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La Montagne Verte (conte traditionnel de Gascogne)

Il n'est pas toujours facile d'épouser la fille du diable. Jean en fera
l'expérience, mais il ne pouvait espérer mieux pour trouver l'aventure.

Les parents de Jean décidèrent un jour de partir voyager. Ils lui laissèrent
l'épicerie qu'ils avaient à Bordeaux.
Jean tout d'abord s'en occupa très bien, puis progressivement, à mesure qu'il
gagnait de l'argent, commença à jouer et à perdre. Si bien qu'un jour, il
n'avait plus rien en poche. Jean en fut très chagriné.
- Qu'as-tu donc ? dit un étranger qui passait.
- J'ai dévoré tout l'argent du magasin que mes parents m'avaient confié.
- N'aie pas de chagrin, répliqua l'étranger. Je te donnerai ce que tu as mangé,
à condition que dans un an exactement tu viennes dans la Montagne Verte.
Ainsi Jean régla-t-il ses affaires et ses parents n'en surent rien.
Au bout d'un an, il partit à la recherche de la Montagne Verte. Il marcha
longtemps, longtemps et finit par rencontrer une très vieille femme.
- Pouvez-vous me dire où se trouve la Montagne Verte ?
- Je n'en ai jamais entendu parler, dit-elle, mais je vais interroger ces
oiseaux. Ils doivent la connaître.
Eh bien non, les oiseaux ne connaissaient pas la Montagne Verte. La vieille
avait une soeur, elle aussi très âgée. Jean alla la voir.
- Je vais demander à cet aigle. Il doit certainement connaître la Montagne
Verte. L'aigle connaissait cette montagne et s'offrit d'y transporter le jeune
homme. Ils survolèrent ainsi un immense pays avant de se poser près d'un lac. Il
y avait deux jeunes filles qui s'y baignaient et avaient laissé leur robe au
bord de l'eau. L'une de ces robes était blanche et l'autre, rose.
- Prends la robe blanche et tu verras ce qui se passera, dit l'aigle en
s'éloignant.
Jean prit la robe blanche et quand la jeune fille sortit de l'eau, elle
rechercha en vain sa robe et finit par découvrir Jean.
- Il faut que vous me rendiez ma robe, je ne peux pas retourner nue à la maison
de mon père !
- Je vais vous rendre votre robe, mais à une condition. Il faut que vous me
disiez où se trouve la Montagne Verte.
- C'est très simple, c'est là où nous habitons. Je me ferai un plaisir de vous y
mener.
- J'ai un rendez-vous.
La jeune fille qui se nommait Blanche hocha la tête. L'autre jeune fille qui se
nommait Rose, aussi.
- On doit vous dire que c'est là qu'habite le diable.
Le diable attendait Jean et lui offrit un bon repas.
- Lorsque je vous toucherai avec le pied, sous la table, dit Blanche, ne mangez
pas ce que mon père vous aura servi.
C'est ainsi que fit Jean et c'est pourquoi il ne fut pas empoisonné dès le
premier jour.
- Parfait, fit le diable un peu étonné. Je vous souhaite une bonne nuit.
- Ne restez pas dans votre lit, dit en cachette la jeune fille, mon père y fera
pleuvoir des couteaux et des épées.
Jean resta dans la cheminée et ainsi fut sauvé.
Le lendemain, le diable déversa dans la cheminée de l'huile bouillante, mais
Jean n'avait justement pas dormi là. Fort irrité, le diable dit à Jean :
- Tu vas me couper ce bois et ces taillis. Il te faudrait deux heures à peine,
je te donne toute la journée. Si tu ne fais pas ce travail, tu mourras.
Il lui donna de vieux outils. Dès les premiers coups, ils cassèrent.
- Je vais mourir, dit Jean à Blanche, venue lui porter de la soupe et du pain.
Je ne peux pas faire ce travail. La jeune fille sourit et prit une baguette.
- À mon commandement, dit-elle, que tout ce bois soit coupé et en fagots empilé.

Ainsi fut-il.
Le diable, voyant que Jean avait fait le travail, commença à le regarder de
travers.
- Demain, tu iras nettoyer les viviers, dit-il, je veux que tu ranges tous les
poissons sur la pelouse pour que je puisse les compter. Ensuite, il faudra que
tu les remettes à l'eau sans qu'un seul ne meure.
Pour ce travail, il lui donna un panier percé.
Jean alla au bord des viviers et regarda les poissons. Il ne commença même pas à
essayer de les attraper. Il attendait Blanche.
- Aujourd'hui, je ne veux pas porter le dîner à Jean, dit la jeune fille à sa
mère. Celle-ci, par simple esprit de contradiction, obligea sa fille à y aller.
C'est ce que désirait Blanche. Elle dîna paisiblement avec Jean, puis vida
rapidement les viviers, étendit les poissons au soleil sur la pelouse, puis, le
diable les ayant comptés, les replongea dans l'eau. Tout se déroula
parfaitement.
Le lendemain, le diable dit à Jean :
- Tu vas aller au sommet de la montagne. Il y a, je le sais, une poule blanche
qui couve des oeufs d'or. Tu prendras la poule et les oeufs pour me les
rapporter. Voici une échelle de verre pour grimper sur les rochers.
Dès qu'il mit le pied sur l'échelle, le barreau cassa. Jean attendit son dîner,
mais  cette fois, il était très inquiet. Blanche vint.
- Une fois cette épreuve terminée, dit-elle, nous serons dégagés de tout. Nous
pourrons faire ce que nous voudrons.
- Oui, répondit Jean, encore faut-il que j'attrape cette poule.
- Voilà, dit Blanche, écoute-moi bien. Non loin d'ici, il y a une chaudière. Il
faut que tu me jettes dedans. Quand je serai cuite, il faudra que tu me retires
tous les os. Avec ces os, tu feras une échelle pour monter au sommet de la
Montagne Verte.
- Non, je ne peux pas faire une chose pareille, dit le pauvre Jean.
- Si, il le faut. Il ne faudra pas perdre le moindre petit os, car, une fois
l'épreuve réussie, je redeviendrai ce que je suis...
Pourtant, le pauvre Jean ne pouvait se résoudre à faire bouillir Blanche. C'est
elle-même qui sauta dans la chaudière où elle se consuma. Jean pleura de voir
Blanche réduite à l'état de daube. Il ramassa soigneusement les os, en fit une
échelle et monta au sommet de la Montagne Verte. Il ramassa les oeufs et prit la
poule. Il redescendit rapidement au pied de la falaise, désirant avant tout
sauver Blanche du chaos.
Et Blanche redevint ce qu'elle était auparavant. Ils rirent beaucoup de voir
qu'il lui manquait seulement le petit doigt du pied.
- Maintenant, dit-elle, il faut retourner chez mon père. Il va te parler d'un
mariage avec l'une de ses filles, sans savoir précisément laquelle. Je serai
seulement sur un lit avec ma soeur et tu auras les yeux bandés. Il n'y a qu'une
solution. Tu me reconnaîtras à ce petit doigt qui me manque.
Le diable fut bien étonné de voir revenir Jean avec la poule et les oeufs.
- Je te dois bien, maintenant, l'une de mes filles en mariage. Tu choisiras sans
les voir, car tu auras les yeux bandés. Tu ne pourras que leur toucher les
pieds.
Ainsi fut fait.
Jean et Blanche décidèrent d'aller se marier à Bordeaux, mais le diable et sa
femme n'étaient pas d'accord. Ils allèrent donc en cachette à l'écurie et
essayèrent de détacher le cheval rose. Ils n'y réussirent pas. Alors ils prirent
le cheval blanc.
Ils étaient déjà loin lorsqu'ils entendirent galoper derrière eux.
- C'est le cheval rouge, dit la jeune fille, je le reconnais. Je vais te
transformer en casseur de pierres, le cheval sera la pierre et moi le marteau.
Jean faisait semblant de travailler lorsque le diable arriva près de lui avec le
cheval rouge.
- Cantonnier, dit le diable, n'as-tu pas vu passer deux jeunes gens avec un
cheval blanc ?
- Non, je n'ai rien vu, répondit le cantonnier. Le diable retourna chez lui,
très confus.
- Tu ne les as pas retrouvés ? demanda sa femme en colère.
- Non, je n'ai rencontré qu'un cantonnier qui cassait des pierres.
- Mais c'étaient eux, justement ! Repars au plus vite, il faut les ramener ici !

Le diable fila sur son cheval rouge. Blanche alors se transforma en rivière.
Jean devint le pêcheur et le cheval, poisson.
- N'avez-vous pas vu passer un cheval blanc avec deux jeunes gens dessus ?
demanda le diable au pêcheur.
- Ça ne mord pas, répondit le pêcheur.
- Ce n'est pas ce que je te demande, s'énerva le diable.
- Ça ne mord pas....
Pensant que le pêcheur était sourd, il retourna chez lui.
- Andouille ! cria sa femme, ils étaient sûrement avec le pêcheur. Maintenant,
c'est moi  qui vais aller les rechercher.
Les jeunes gens avaient parcouru encore beaucoup de chemin. Ils étaient presque
à Bordeaux quand la femme du diable les reconnut. Blanche et Jean avaient
traversé la Garonne ; la femme du diable n'y parvenait pas.
- Comment avez-vous fait ? cria la mère à sa fille.
- Attachez cette pierre à votre pied, dit Blanche, et jetez-vous dans le fleuve.
C'est la pierre qui vous guidera.
La femme du diable s'attacha une pierre au pied et se jeta dans l'eau. Elle fut
emportée par le courant.
Ainsi débarrassés, les deux jeunes gens arrivèrent à Bordeaux. Mais leurs soucis
n'étaient pas encore terminés.
- Surtout, dit Blanche, n'embrasse pas tes parents lorsque tu les reverras. Tu
perdrais aussitôt la mémoire.
Jean fut si heureux de retrouver ses parents qu'il les embrassa et perdit la
mémoire. Il oublia Blanche immédiatement. Celle-ci en fut désolée. Elle
s'installa donc à l'hôtel du Cheval Blanc.
Un soir, Jean vint dîner à cet hôtel avec deux amis. L'un d'eux voulut dormir
dans la chambre de Blanche. La jeune fille l'obligea toute la nuit à ouvrir et à
fermer les volets jusqu'au petit matin. Cet ami repartit sans trop savoir ce qui
lui était arrivé.
Le lendemain, Jean revint. Blanche décida de lui enlever le charme de l'oubli.
Aussitôt, le jeune homme la reconnut.
- Il faut nous marier, dit-il, et ne plus jamais nous séparer jusqu'à la mort.
Ainsi firent-ils et ils n'eurent plus jamais d'ennuis.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Juillet 2013 à 11:40:41
(http://img15.hostingpics.net/pics/320623dunes.jpg)
Les fées de la dune (conte traditionnel de Gascogne)

La Grande Lande est, on le sait, le pays des fées. Elles habitent, dit-on, sous
les dunes.

Il était une fois un berger qui gardait ses moutons au coeur de la Grande Lande.
C'était un endroit désert, infiniment plat, où seule était construite une petite
grange en bois. Près de là, était un petit étang où les bêtes allaient boire et
une grande pelouse où l'herbe poussait à peine.
Ce berger aimait la solitude et ses compagnons le trouvaient même fier. Il est
vrai qu'il savait un peu lire et cela lui attirait bien des jalousies.
- Tu sais lire mais tu sens le bouc comme les autres.... lui disait-on.
Il laissait dire et n'en faisait qu'à sa tête.
ll savait que l'on racontait parfois qu'il y avait des bruits étranges sous le
sable de la dune. Il savait aussi que c'était vrai. En gardant son troupeau, il
en avait entendus de toutes sortes : comme si on lavait la vaisselle, comme si
l'on jouait avec des billes de cristal. Parfois, il y avait de grands éclats de
rire. Beaucoup de monde semblait vivre là, et bien vivre.
C'était l'été. Le soleil tapait dur et on laissait les moutons dehors pour la
nuit. Il faisait un beau clair de lune et les étoiles étaient filantes.
Le berger s'installa près d'une chandelle pour lire le livre qu'il avait dans
son sac. Pour l'instant, il regardait le ciel.
À minuit, la dune s'ouvrit juste par le milieu, devant lui. Il entendit une voix
de femme qui disait gentiment :
- Petite, va voir ce qui se passe sur la dune.
Le berger vit alors venir vers lui une très jolie petite fille.
- Mère, dit-elle, je vois un berger assis sur une touffe de bruyère.
- Dis-lui de descendre ici. Et qu'il n'ait pas peur pour son troupeau.
La fillette s'approcha du berger.
- Il faut que vous veniez chez nous. N'ayez aucune crainte pour votre troupeau.
Le berger comprit que l'aventure était doucement venue à lui. Je ne peux pas
manquer cela, pensa-t-il. Il suivit donc la fillette et descendit sous la dune.
Il arriva dans la salle d'un logis si beau, qu'il n'en avait jamais vu de
pareil. Il y avait des miroirs partout, de la vaisselle d'argent et les meubles
brillaient comme de la rosée au soleil.
Par hasard, il regarda en passant dans un miroir, et il fut stupéfait d'y voir
les autres bergers, juchés sur leurs échasses, surveiller les troupeaux qui
s'étendaient à l'infini. Ici et là, il y avait des arbres gigantesques qui
étaient les seules montagnes de ce pays.
Il vit soudain un groupe de jeunes femmes qui riaient en parlant de lui. Elles
étaient belles, gracieuses et faisaient plaisir à voir. Il y en avait une, toute
jeune, avec sur les cheveux une couronne de bruyère et d'ajoncs fleuris.
- Berger, dit-elle, ne t'occupe pas de tes brebis. Profite de ta venue ici.
Restaure-toi et repose- toi. On t'a trouvé du vin de sable qui ne te fera pas
mal.
En fait, il y avait des mets exquis auxquels il n'avait, jusqu'à présent, jamais
goûté.
- De ma vie, je n'ai aussi bien mangé, se dit-il.
Les fées le conduisirent ensuite à un lit en beau bois rose de cerisier, où il
n'osait pas se coucher.
- Ce n'est certes pas le grabat de la grange avec son matelas de vieilles
fougères sèches, se dit- il.
Il s'endormit délicieusement.
Quand il s'éveilla, une douce lumière apparut à son chevet et il prit le livre
qu'il avait dans son sac. Et il se mit à lire, à lire...
- Ne t'inquiète pas, berger, disait une voix. Quand la dune s'ouvrira, tu
pourras retourner avec tes moutons.
À minuit, la dune se rouvrit et il put s'en aller.
Le troupeau était à sa place et bien rassasié. Il n'eut donc plus d'inquiétude à
attendre minuit en regardant les étoiles filantes.
Désormais, il allait régulièrement chez les fées.
Il y en avait une qui était pour lui plus belle que les autres. Ils se prirent
facilement d'amitié.
Les autres bergers ne le virent plus à la surface de la lande.
- Où te caches-tu ? lui demandait-on.
Mais il ne pouvait parler. Il était désormais seulement mieux vêtu. Il sentait
plutôt la fleur d'ajonc que le bouc, et surtout, il avait dans ses poches de
belles pièces d'argent que lui donnaient les fées. Quant à son troupeau, il
prospérait mieux que les autres. Jamais une brebis ne s'égarait, même,
semblait-il, elles ne voulaient pas se mêler aux autres.
Les bergers parlèrent beaucoup de cela, et deux d'entre eux voulurent en avoir
le coeur net. Ils se mirent à surveiller celui qui avait rendez-vous avec les
fées.
Un soir, à minuit, ils le virent se glisser vers la dune de Boumbet. Le berger
essayait de se cacher derrière les bruyères et les genêts mais ils réussirent à
le suivre. Ils arrivèrent juste à temps pour le voir s'engouffrer dans la dune.
Cela suffit pour que tout le monde parle de cet événement, d'Arengosse à
Labouheyre, de Cantegrit à Luglon. On sonna même les cloches au clocher de
Sabre. Un tel vacarme alerta les fées et plus jamais la dune ne s'ouvrit au
berger. Il eut beau lire et relire tous ses livres, pleurer toutes ses larmes,
la dune ne bougea plus.
Pauvre il avait été, pauvre il redevint. Et pourtant, il resta toujours au même
endroit, personne n'aurait pu le faire changer. Il était bien là. Certains
disent l'avoir vu marcher sur la dune et frapper le sol avec son bâton, comme
quelqu'un qui frappe à une porte...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Juillet 2013 à 08:47:25
(http://img15.hostingpics.net/pics/477958bibi.jpg)
La Biche et le Barbare (conte traditionnel de Provence)

Dans ce pays l'innocence et la douceur parviennent souvent à vaincre la force et
la violence obscures. Ce fut le cas, une fois de plus, dans les forêts qui
régnaient alors dans les environs de Saint-Gilles.

Autrefois, la mer baignait les franges de ces lieux. Mais la terre mangea sur
les eaux et la mer se retira. La forêt prit sa place, peuplant de sangliers, de
biches et de chevreuils le sol jadis couvert de flots porteurs d'éponges, de
méduses, de coquillages, d'hippocampes et de poissons.
Fuyant l'agitation de la ville d'Arles, un vieil homme, auquel sa sagesse avait
valu le nom de saint Gilles, vint se retirer dans la pénombre épaisse des
taillis. Il y construisit une cabane de branches et de feuillages et vécut là,
totalement solitaire dans le dénuement le plus absolu, se nourrissant de baies
sauvages et s'abreuvant à l'eau claire d'une source.
Un soir, dans le silence à peine troublé par les chants d'oiseaux, il entendit
un froissement de broussailles. Scrutant l'obscurité du sous-bois, il vit luire
deux grands yeux brillants.
- Une bête sauvage ! Sans doute un sanglier... songea-t-il en se retirant
prudemment derrière un gros tronc d'arbre.
À peine se fut-il caché, que l'animal surgit et se précipita pour boire à la
source. Il s'agissait d'une biche, farouche et gracieuse qui, tout en se
désaltérant, jetait alentour des regards apeurés. Soulagé, l'ermite éclata de
rire :
- Prendre une biche pour un sanglier ! La solitude me rend fou...
Le bruit de sa voix effraya l'animal craintif qui bondit aussitôt et s'enfuit
dans les taillis.
- Hé ! Attends... Jolie biche... Ne m'abandonne pas ! cria le vieil homme, avide
soudain de compagnie.
Mais le silence s'était refermé autour de la cabane et de la source. Même les
oiseaux se taisaient pour la nuit, avant que les chouettes et les hiboux ne
vinssent prendre leur relais.
Gilles passa plusieurs jours dans la solitude qu'il avait choisie. Mais elle lui
pesait, à présent. Il s'imaginait volontiers vivant auprès de la jolie biche
entrevue. Sa présence lui manquait, même s'il avait peine à se souvenir de la
nuance de son pelage, de sa taille et de sa corpulence.
- Était-elle grande ? Petite ? Brune ? Fauve ? Je ne sais plus... Pourtant, elle
m'a paru si belle et si douce !
Tandis qu'il se désolait, il entendit à nouveau un frémissement dans les
branches. Fou d'espoir, il se dissimula encore en retenant son souffle. Et la
biche apparut, avançant d'un pas hésitant vers la source. Tandis qu'elle
penchait son cou vers l'eau cristalline, l'ermite la contempla. C'était bien la
plus jolie biche qu'il eût jamais vue. Ses jambes fuselées avaient, au-dessus
des sabots, comme de hautes socques blanches. Son long cou mince ployait vers le
sol avec la grâce infinie d'une liane courbée par le vent. Et ses yeux en amande
possédaient un regard si humain qu'il semblait compenser l'absence de parole du
fin museau tendre et racé...
Bien décidé à ne pas l'effrayer, Gilles ne trahit pas sa présence et demeura
immobile. Lorsque l'animal repartit, une sourde angoisse étreignit le coeur du
vieil homme :
- Et si elle ne revenait pas ?
Mais la biche avait déjà, malgré sa frayeur première, reprit le chemin de la
source. Aussi résolut-il de faire confiance au destin qui les avait réunis, lui,
le vieillard solitaire, elle, la grâce de la nature.
Bien lui en prit. Car l'animal revint, chaque soir, s'abreuver à l'eau limpide.
En son absence, Gilles déposait des herbes fraîchement coupées et délicieusement
odorantes près du rocher où jaillissait l'écume. Au début, la biche les flaira
sans y toucher. Puis elle se laissa tenter. Enfin, elle s'y habitua, tant et si
bien qu'elle sembla trouver autant de plaisir à ce repas qu'à la boisson
revigorante qui la désaltérait.
Au bout d'un mois de ce manège, Gilles osa enfin se montrer. Quand elle
l'aperçut, la biche eut un mouvement de recul et il pensa qu'elle allait se
sauver à jamais... Avec une infinie douceur, il tendit la main :
- Ne crains rien, petite... Je ne te veux aucun mal. C'est moi qui te nourris
ici, chaque soir...
Et l'animal s'immobilisa, puis vint lécher les doigts qui s'ouvraient vers lui.
Dès lors, la biche et le vieil homme vécurent en bonne entente. Il lui parlait,
comme à une amie. Elle l'écoutait et son regard répondait mieux que ne l'eût
fait un être humain. Gilles l'entretenait de la fureur et de la méchanceté des
hommes, ainsi que de cette perle de bonté qu'il fallait aller chercher loin,
loin, au fond de leur coeur.
Le bruit des troubles et des guerres ne parvenait pas jusqu'à eux. Ensemble, ils
coulaient des jours heureux dans la forêt profonde, ignorant tous deux que
Wambo, le roi des Wisigoths, avait envahi la région et comptait bien y imposer
sa loi, aidé par ses fils, tous vaillants et cruels guerriers.
Or, un matin, la terre trembla sous les sabots d'une horde de chevaux. Le
silence des arbres fut déchiré par les aboiements d'une meute de chiens féroces
et les cris excités des chasseurs. Réveillé en sursaut, l'ermite chercha autour
de sa cabane son habituelle compagne. Mais elle avait disparu, sans doute
effrayée par la cavalcade et les hurlements. Un instinct immémorial l'avait
poussée à se réfugier au plus profond des taillis. Inquiet, saint Gilles ne
trouva cependant rien d'autre à faire que de l'attendre près de la source. Un
long moment, la forêt résonna de piétinements sourds et de piaffements, de coups
de trompe et de cris rauques, d'ordres hurlés et d'aboiements... Puis, les
herbes frissonnèrent à l'orée de la clairière et la biche apparut, le cou
ensanglanté. Elle vacilla jusqu'à la source, au bord de laquelle elle
s'effondra, la tête penchée vers l'eau claire. L'ermite se précipita à son
chevet pour laver ses blessures. Quand il l'eut fait, il s'apprêta à tirer
l'animal vers sa cabane, afin de l'y cacher, mais les chasseurs surgirent avant
qu'il n'y parvînt.
- Cette proie est à nous ! cria un jeune chef.
Faisant face, mains nues, à ces hommes armés, le vieil homme répondit :
- Cette biche n'appartient à personne, pas même à moi, qu'elle honore de sa
présence quand elle le souhaite.
Les chasseurs éclatèrent de rire :
- Vieux fou ! Pousse-toi... Nous allons l'achever.
Comme le vieillard ne bougeait pas, l'un des cavaliers s'approcha et le bouscula
d'un geste brutal qui l'envoya valser dans les herbes.
- Allez, les chiens ! Attaquez ! hurla le chef des Wisigoths.
Mais un grand silence se fit. Pétrifiée, la meute contemplait la biche qui
léchait calmement ses plaies, tandis que Gilles, qui avait rampé vers elle, la
caressait d'un geste plein de compassion. Peu à peu, les chiens avancèrent...
Comme fascinés par l'amour qui unissait l'homme et la bête, au lieu de se
précipiter sur leur gibier, ils se mirent à le renifler, puis à japper et à le
lécher avec hésitation, ensuite, presque joyeusement... Surpris, les guerriers
baissèrent leurs armes.
- Il doit y avoir là-dessous quelque sorcellerie ! déclara le jeune chef.
Rentrons ! Et allons raconter ce prodige à notre père. Lui seul saura ce qu'il
faut décider.
Les cavaliers tournèrent bride. La meute se rassembla. Et, dans un nouveau bruit
de tonnerre, la horde entière s'enfonça à nouveau dans les bois.
Demeurés seuls, saint Gilles et la biche se réfugièrent dans la cabane.
Dès l'aurore, ils furent à nouveau éveillés par des cavalcades et des cris. Le
roi Wambo en personne, guidé par ses propres fils, avait retrouvé le chemin de
la source. Il vit la biche aux socques blanches. Il vit le vieillard solitaire.
Aucune trace de peur ne hantait leurs regards et les blessures avaient disparu
du col de l'animal.
Alors, le souverain rebroussa chemin. Et les hurlements de sa meute disparurent
à jamais au lointain.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 16 Juillet 2013 à 13:43:51
(http://img11.hostingpics.net/pics/202692lettres.jpg)
Un conte

Il était une fois un homme ou une femme, ce sera comme tu veux... et cet homme avait une passion : son jardin et son verger. Il s'était initié à la culture et les moments qu'il passait là étaient pour lui agréables et essentiels.
   Or, un jour du mois d'août qu'il passait, en coup de vent, près de ses arbres et de ses plants, il eut l'idée de tâter les fruits et les légumes. Ceux-ci étaient beaux, luisants, appétissants mais au toucher, ils étaient durs, froids et très lourds. Notre homme s'est pincé, croyant qu'il rêvait, mais il a finalement dû se rendre à l'évidence : ses légumes et ses fruits s'étaient purement et simplement pétrifiés ! Il a retourné ses livres sans trouver un mot d'explication. Il a essayé de demander conseil et on l'a pris pour un fou... Alors il s'est arrêté et a réfléchi... Pour une fois qu'il s'arrêtait...
Il était assis sous le plus vieil arbre de son jardin quand tout à coup un grand oiseau s'est posé dans l'arbre :

      - Je sais ce qui te tracasse... Tu dois partir sur la mer. Là, tu trouveras des vergers à celui-ci semblables, des arbres à celui-ci semblables et des oiseaux à moi semblables, ce sont mes frères... Va et apprends tout ce que tu peux apprendre...
      - Mais je ne sais pas naviguer ! Comment vais-je me repérer dans toute cette aventure? On m'a dit que les étoiles peuvent m'indiquer le chemin. On m'a dit qu'il y avait partout des signes qui pourraient me soutenir. Certains disent même que ma légende personnelle est écrite quelque part...
      - Rien n'est écrit. C'est toi qui es à même d'écrire ton histoire. Bien sûr, tu n'es pas né nulle part, mais tu es capable de donner sens à ce qui t'arrive.
      - C'est un travail énorme...
      -C'est un travail passionnant, tu verras. Le monde est à découvrir et à inventer, le monde extérieur et le monde intérieur. Le monde intérieur c'est, entre autres, ta façon d'apprendre. Ce voyage au-delà des mers, si tu l'entreprends et si tu es attentif à ce que tu fais..., ce voyage t'apprendra pourquoi les fruits se sont pétrifiés.
      - Tu le sais ! Dis-le moi !
      - Non, je ne le sais pas. Je ne fais pas semblant. Le sens est à construire et il n'y a rien d'écrit. Il n'y aura rien d'écrit pour toi sinon par toi...

Et notre homme est parti. Rien n'aurait pu l'arrêter. Il voulait connaître la clé de l'énigme des fruits pétrifiés. Et il prendrait les moyens ! Coûte que coûte !
   Il est arrivé au bord de la mer. Il s'est engagé comme matelot débutant. Il avait passé l'âge d'être mousse. Le capitaine n'était pas bavard comme tous les vieux loups de mer, ses compagnons non plus. L'homme a beaucoup observé, mais il avait peine à retenir l'essentiel. En fait il ne savait pas quoi regarder, sentir, écouter. Il devait avoir l'air malheureux car un jour le capitaine lui a parlé. Sa voix était une voix de basse-taille. Elle avait quelque chose de rassurant. "Ce marin est déjà allé loin", pensa notre homme... Et le capitaine lui a dit le savoir du marin, le marin qui n'a pas besoin de cartes marines.

      - Elles sont là parce que les assurances l'exigent... mais moi je me fie plus au vent, à la couleur changeante des flots, au parfum de sel quand le jour se lève... Pour observer tout cela, tu dois...

   Le capitaine était intarissable... Mais, maintenant notre homme savait ce qu'il devait regarder, sentir, écouter, ...
      - Tu as vraiment envie d'apprendre, continua le capitaine, mais comment fais-tu pour fixer tout cela ?

   Sans attendre sa réponse, il enchaîna :
      - Moi, je vois tout dans ma tête. Comme au cinéma, mais en plus précis et puis je peux faire défiler les images au ralenti ou même à l'envers... Ce qui compte c'est travailler dans sa tête... Comme tu le veux, mais avec précision...
      - Moi, je crois que je me parle et j'aime aussi me souvenir du mouvement...
      - Hum ! dit le capitaine.

   Il a souri et notre homme a reçu ce sourire comme un encouragement. Il se sentait ... heureux, oui ! heureux, tout simplement...

      - Nous arriverons bientôt dans l'île que tu cherches.


   Quelques jours plus tard, ils sont arrivés en effet au large de l'île des signes. Notre homme est descendu seul à terre. Il a trouvé un verger au premier semblable, un arbre au premier semblable et dans l'arbre un oiseau au premier semblable.

      - Tu as remarqué qu'ici les arbres portent non des feuilles mais des lettres, dit l'oiseau sans préambule.
      - Oui, mais qu'est-ce que cela veut dire ?
      - C'est toi qui dois les assembler, c'est toi qui peux leur donner sens.
      - Comme ça, n'importe comment ?
      -Non, ces lettres groupées sur une branche sont comme les atomes crochus, ils sont faits pour s'assembler. C'est comme pour les mots d'un texte ou pour les idées.
      - Oui, mais parfois, on n'y arrive pas.
      - Alors, il faut recommencer. Et si la difficulté persiste, il faut se donner la permission de construire un ordre différent...

   L'homme a beaucoup réfléchi. Il s'est longuement promené. Il a compris que pour construire le sens complexe, il faut chercher les fameux petits "crochets"... C'est ainsi qu'il est tombé sur le mot ARC... L'oiseau est intervenu:

      - Pour toi qu'est-ce que cela signifie ?
      - C'est l'instrument du chasseur.
      - Bien sûr, mais encore...? Dis-toi qu'il y a souvent plusieurs sens aux choses et aux signes anciens et profonds.
      - C'est... C'est aussi semblable à une lyre.
      - Oui, on dit que tous les instruments de musique en dérivent. Et ce n'est pas tout : Ulysse tendit alors le grand arc et en fit vibrer, de sa main droite, la corde qui chanta belle et claire comme un cri d'hirondelle... Et l'oiseau lui a aussi raconté l'arc de Tristan, "l'arc qui jamais ne faut" et ils se sont mis à rêver de l'arc en ciel...
      - Mais où s'arrêter ?
      - ...
      - Je crois que je suis prêt maintenant à continuer ma route. Merci pour tout.

   Il est remonté à bord et le navire est aussitôt reparti. Le capitaine ne disait rien, mais son visage dégageait quelque chose d'encourageant.

   Quelque temps plus tard, ils ont abordé l'île aux énigmes. Notre homme a trouvé un verger aux autres semblable, un arbre aux autres semblable et, dans l'arbre, un oiseau aux autres semblable...
      - L'île aux énigmes est une épreuve apparemment plus difficile que la première. Prends en main un de ces casse-tête !
Notre homme a pris en main cet assemblage de petits morceaux de bois imbriqués les uns dans les autres... Le but était de le démonter.

      - En fait, il faut du temps et de la méthode : il faut que tu suives un certain ordre. Si tu le retiens, la chose deviendra vite aisée...

Et il s'y est mis.
      - Et cette poupée russe, par exemple ?
      - Tu sais bien qu'à l'intérieur il y en a une plus petite, et quand tu as en main la plus petite, il faut opérer un retournement mental et te dire que ce que tu vois de la terre correspond à la plus petite poupée...
      - Je ne comprends rien à ce que tu dis !
      - Continue ton chemin. Sache seulement que le danger c'est de s'arrêter, c'est cela qui pétrifie les fruits, mais aussi le cœur...

   Notre homme a continué sa route. Gageons qu'il cherche encore...

Plus la vie pose de questions, plus elle mérite d'être vécue... nous dit un sage du Cameroun.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Juillet 2013 à 15:20:50
(http://img4.hostingpics.net/pics/570564chaton.jpg)
Chaton

Il était une fois un chaton qui était si petit qu'il tenait assis dans la paume d'une main. Sa mère était une vieille chatte qui vivait avec une Femme Très Sage, au sommet d'une colline ronde et verte.

       ― Le meilleur de la vie arrive souvent à la fin, dit la Femme Très Sage à la chatte très vieille.

      Et elle l'appela Chaton parce que sa queue dorée n'était pas plus grosse que les chatons de saule qui dansaient devant sa fenêtre.

       Au pied de la colline ronde et verte, vivaient un fermier et sa femme, qui cultivaient la terre alentour. Et tout au fond, à l'intérieur de la colline, vivait le peuple des Tout-Petits, qui jamais ne naît, jamais ne meurt, et vit pour toujours.

      Le fermier et sa femme n'avaient qu'un enfant, une petite fille, du nom de Fanny, qu'ils avaient attendue pendant de très longues années. Lorsque Chaton fut assez grand pour quitter la maison, la Femme Très Sage l'installa dans un panier, et l'offrit à la fermière. Comme ils descendaient la colline, elle expliqua à Chaton qu'il devrait veiller sur la fillette. Car, le jour même de sa naissance, elle avait lu dans le ciel noir qu'un danger menaçait la petite Fanny. Fanny et Chaton s'aimèrent tout de suite, et où l'un allait, l'autre suivait. Pendant les longues journées d'été, ils jouaient ensemble. Et lorsque la nuit tombait, les boucles d'or de la petite fille et la fourrure cuivrée du petit chat se mêlaient sur l'oreiller.

     Puis l'automne arriva. Un jour, Fanny s'en fut avec sa mère cueillir des mûres, Chaton glissé dans sa poche. Mais à mesure que le temps passait, la fatigue gagna la petite fille. Sa mère la coucha au milieu des buissons et demanda à Chaton de veiller sur elle. Il se pelotonna contre elle et, tout content, se mit à ronronner.

      Le temps passa encore, les ombres s'allongèrent, et Chaton commença à s'agiter. Il joua avec une feuille qui voletait sous le nez de Fanny. Puis un papillon se percha sur la chevelure dorée de la petite fille, mais n'y trouvant nulle fleur à butiner, s'envola. Aussitôt Chaton se lança à sa poursuite, sautant de buisson en buisson, tournoyant et cabriolant parmi les herbes folles ; il poursuivait les ailes du papillon qui scintillaient sous le soleil. Il le suivit, gambada très loin, très loin dans la vallée, et oublia la petite fille.

      Brusquement, une étrange quiétude enveloppa la vallée, et tout essoufflé, Chaton entendit les premières notes timides d'une musique qui venait de l'intérieur de la colline. De peur, sa fourrure se hérissa, et il se tapit dans l'ombre. La musique ne cessait de grandir.

      Sur la verte colline, dans la lumière tamisée du soleil, apparut le peuple des Tout-Petits. Ils étaient pâles, riaient, et dansaient au son de l'étrange musique, qui ressemblait à un long soupir. Au milieu, le roi chevauchait fièrement un minuscule cheval, et derrière lui, avançait la reine. Ses cheveux étaient aussi noirs que la nuit et ses yeux aussi verts que l'eau profonde des lacs. Chaton vit avec terreur qu'ils se dirigeaient vers la vallée, et que leurs pas les porteraient vers la petite fille endormie. Il leur courut après mais, avec ses petites pattes, il n'arrivait pas à les rattraper. Ils disparurent peu à peu dans la pénombre. Et avec eux, s'évanouit leur étrange musique. Chaton resta tout seul dans la nuit silencieuse.

      Alors il se remit à courir, sautant par-dessus les rochers et les buissons aux méchantes épines. Il avait peur, si peur de ne pas retrouver Fanny. Mais lorsqu'il arriva près de l'endroit où il l'avait laissée, il s'aperçut qu'elle dormait encore. Il ronronna de bonheur et se pelotonna à nouveau contre elle. Mais lorsqu'il la toucha, sa peau lui parut étrangement glacée. Puis elle gémit et le repoussa. Lorsque sa mère arriva, elle pensa qu'elle avait pris froid dans le brouillard du soir. Elle l'enveloppa dans son châle et la porta jusqu'à la ferme. Puis elle envoya son époux chercher la Femme Très Sage qui observa longuement la petite fille. Elle la regarda longtemps, très longtemps, puis soupira tristement :

      ― On a subtilisé votre enfant par enchantement, dit-elle. Ce n'est pas votre petite Fanny. Celle-ci tombera malade à l'automne, avec la tombée des feuilles, et à Noël disparaîtra.

       À ces mots, la mère de Fanny s'écria :

      ― Ma petite fille ! Où est ma petite fille ?

      ― Hélas, dit la Femme Très Sage, elle est à l'intérieur de la colline ronde et verte. Le peuple des Tout-Petits l'a enlevée.

       La mère se mit à pleurer et le père demanda :

      ― Que leur avons-nous fait qu'ils nous veuillent tant de mal ?

      ― Ils ne vous veulent pas de mal, répondit avec douceur la Femme Très Sage. Ils sont immortels et n'ont pas d'enfants. Ils ignorent les liens qui unissent les parents et les enfants. Quand les nuits deviennent trop longues sous la colline verte, ils cherchent simplement des compagnons.

     ― Je descendrai dans leur royaume, s'écria bravement le fermier. Je leur dirai combien nous sommes tristes et je les supplierai de nous rendre notre enfant.

       Mais la Femme Très Sage secoua la tête :

     ― Jamais un homme n'a pu trouver la porte magique qui mène à l'intérieur de la colline verte.

     Puis elle s'assit, plongée dans de profondes pensées, tandis que le fermier cherchait en vain à consoler sa femme. Alors Chaton, qui de honte s'était caché sous les jupes de la Femme Très Sage, sauta sur ses genoux. Il la fixa de ses yeux dorés, et elle devina ses pensées. À la fin, elle sourit :

     ― Chaton ira là-bas, dit-elle. C'est par sa faute qu'on vous a enlevé votre enfant ; c'est grâce à son courage qu'il vous sera rendu.

     ― Un si petit chat ! s'exclama le fermier. À quoi servirait-il ?

     ― Il est de taille à vous sauver tous, répondit la Femme Très Sage. Le plus petit terrier de lapin lui servira de route jusqu'à l'intérieur de la colline.

     ― Et s'il la trouve, dit le fermier, comment un chat pourrait-il plaider notre cause ?

     ― Dans ce pays enchanté, même les bêtes peuvent parler et se faire comprendre.

       Elle installa Chaton sur son épaule et s'en fut avec lui sur la colline verte. Et tandis qu'ils cheminaient, elle réfléchissait aux moyens d'aider le petit chat intrépide.

     ― Deux rivières pénètrent dans leur royaume souterrain, expliqua-t-elle à Chaton. L'une vient des noisetiers, et contient les eaux de la sagesse. L'autre s'écoule de l'étang aux saules, et renferme les eaux de l'oubli. Aussi, ne devras-tu boire que l'eau du noisetier.

      Elle déposa Chaton devant un terrier de lapin et lui donna un dernier conseil : jamais il ne devrait dire son nom.

     ― Si tu prononces ton nom, ils te jetteront un sort et te retiendront prisonnier dans leur royaume.

       Plein de courage, Chaton se glissa dans le terrier et pendant un long moment erra dans ce dédale obscur, qui dégageait une très forte odeur de terre. Soudain, il aperçut un rayon de lumière et se retrouva dans un monde étrange et merveilleux. L'intérieur de la colline était découpé en vastes cavernes, dont les murs couverts d'or et d'argent se reflétaient dans les eaux vertes de lacs d'une insondable profondeur. Il s'avança au cœur même de la colline et, finalement, déboucha dans un magnifique palais qui scintillait sous le feu d'innombrables pierres précieuses.

      Le roi du peuple des Tout-Petits avait organisé des festivités, avec de la musique, des danses et un somptueux repas. À ses côtés était assise la reine, avec la petite Fanny sur les genoux. Caché dans l'ombre, Chaton comprit tout de suite combien la reine aimait la petite fille. Elle caressait ses boucles d'or et lui offrait les mets les plus délicats. Il vit aussi combien Fanny aimait la reine : elle lui caressait le visage de ses mains potelées. Alors il sut que la petite fille avait trempé ses lèvres dans les eaux de l'oubli, et qu'elle ne se souvenait plus de son ancienne maison.

      Lorsque les Tout-Petits aperçurent Chaton, ils furent ravis de voir un chat aussi petit. La reine le prit et le déposa sur les genoux de la fillette. Fanny ne se souvenait pas de Chaton, mais elle aima tout de suite ce nouveau camarade de jeu. Tout de suite aussi, le roi et la reine apprécièrent sa compagnie. Quand à Chaton, il trouvait que la vie était bien agréable dans le royaume qui se cache sous la colline verte.

       Mais Chaton buvait uniquement l'eau du noisetier et ne voulait pas dire son nom : le roi comprit qu'il était bien décidé à les quitter un jour. Il était venu chercher la petite fille, le souverain n'en doutait plus. Il en sourit car son pouvoir était si grand qu'il doutait fort qu'un chat aussi petit pût l'emporter.

       Le peuple des Tout-Petits adorait les devinettes ; ils passaient de longues soirées à en inventer. Chaton se révéla très doué à ce jeu, et le roi n'en aimait que davantage sa compagnie, comme la reine aimait celle de la petite fille. Mais le souverain s'attristait que le chat ne dise jamais son nom. Un jour, il partirait aussi soudainement qu'il était arrivé. Alors, une nuit que Fanny et Chaton dormaient, le roi et la reine tinrent conseil. Ils cherchèrent, cherchèrent comment retenir à jamais le petit chat dans leur royaume.

       Le lendemain eut lieu un grand banquet pour célébrer la nouvelle année, lorsque les jours commencent à s'allonger et les nuits à raccourcir. Après le festin, les devinettes commencèrent : ils se montrèrent habiles, rirent beaucoup, mais Chaton l'emportait toujours. Alors le roi du peuple des Tout-Petits sourit et dans ses yeux noirs passa une lueur moqueuse. Il leva sa coupe en argent et s'écria :

    ― Ne boiras-tu pas avec nous ?

       Et comme le petit chat refusait de boire :

    ― Ne veux-tu pas nous dire ton nom ?

       Et comme Chaton refusait de dire son nom :

    ― Tu es donc venu chercher la petite fille ?

       Chaton comprit qu'il devait dire la vérité et répondit :

    ― C'est la vérité, Seigneur. C'est par ma faute que vous avez pu l'enlever, et que sa mère pleure depuis qu'elle a disparu.

    ― Mais si tu l'emmènes, la reine aussi va pleurer, répondit le roi du peuple des Tout-Petits, et je regretterai ton absence pendant les longues soirées d'hiver. Allons, pourquoi ne pas boire avec nous et oublier le passé ? Ta vie est-elle si malheureuse dans notre royaume que tu veuilles bientôt nous quitter ?

    ― C'est une vie fort agréable, au contraire, convint tristement Chaton, mais jamais je ne serai heureux, tant que je n'aurai pas réparé mon étourderie.

     Le roi fronça les sourcils. Tous étaient silencieux. Puis il sourit brusquement, comme si le soleil venait de percer de derrière les nuages.

    ― Je te lance un défi. Nous allons te poser trois devinettes. Si tu n'arrives pas à les résoudre, tu devras boire l'eau de ma coupe et oublier le passé. Mais si tu réponds aux trois, la petite fille sera libre et vous pourrez partir.

       Chaton regarda la reine, persuadé qu'elle refuserait de prendre un tel risque. Mais elle était assise la joue appuyée contre celle de la petite fille. Elle souriait, les yeux baissés. Pendant un bref instant, son sourire fit peur à Chaton. Puis il déclara :

    ― Il en sera fait comme vous le désirez, Seigneur.

    ― Dans ce cas, voici ma première devinette : Il n'est pas haut, mais jamais ne tarde. Sur les eaux de l'oubli, il m'attend.

       Chaton réfléchit un moment, puis déclara :

    ― Seigneur, s'il n'est pas haut, c'est qu'il est BAS, et si jamais il ne tarde, c'est qu'il part TÔT. Ce qui m'attend sur la rivière de l'oubli, c'est un BATEAU.

    ― Bravo ! s'écria le roi, en éclatant de rire.

       Le peuple des Tout-Petits était émerveillé par la vivacité d'esprit de Chaton.

    ― Voici maintenant la seconde devinette : Tous sont au roi fidèlement attachés, pourtant ses racines ne poussent pas ici-bas.

     Cette fois, Chaton dut réfléchir longtemps, beaucoup plus longtemps. Enfin, il expliqua:


    ― Seigneur, ''Tous'' désigne le PEUPLE, et s'ils sont attachés c'est qu'ils sont LIÉS, mais l'arbre qui ne pousse pas ici, c'est le PEUPLIER.

    ― Tu es vraiment un adversaire de taille, dit le roi.

    Celui-ci, plein d'admiration, applaudit, en même temps que tout le peuple des Tout-Petits. Alors la reine parla à son tour et ses yeux étaient posés sur la fillette :

    ― Seigneur, laissez-moi poser la troisième devinette.

    ― Comme vous voudrez, répondit le roi.

    Fanny avait oublié Chaton, mais il lui arrivait de murmurer son nom dans son sommeil. Et ce nom, la reine l'avait entendu. Elle leva les yeux vers Chaton, et ses yeux étaient verts et profonds comme deux grands puits.

    ― Voici ma devinette, Petit Chat : Il chasse les souris et apprécie le poisson, au bout d'une branche, il se balance.

     Tout espoir s'évanouit dans le cœur de Chaton. Il savait que le CHAT était le chasseur de souris. Et qu'il aime aussi le THON.  Et que le CHATON se balance au bout des branches de saule. Il savait que pour résoudre la devinette, il devait prononcer son nom et que, du coup, la fillette serait libre. Mais dès qu'il aurait prononcé son nom, le roi pourrait exercer sur lui son pouvoir et le retenir dans son royaume.

       Il hésita tandis que la reine l'observait à travers ses longs cils noirs. Sans doute pensait-elle qu'il préférerait sa liberté à celle de la fillette. Mais Chaton savait qu'il ne serait jamais heureux tant qu'il n'aurait pas réparé son étourderie.

  ― Madame, dit-il, je préférerais me taire, mais la réponse est CHATON. La fillette est libre.

       À ces mots, la reine et la fillette poussèrent ensemble un grand cri. Fanny cria de joie parce qu'elle se souvenait maintenant de son petit chat, la reine cria de douleur parce que la petite fille allait disparaître. Le roi du peuple des Tout-Petits était lui-même confronté à une énigme qu'il n'arrivait pas à résoudre. L'enfant libre, la reine serait malheureuse. Mais il avait donné sa promesse. Et s'il gardait Chaton, la petite Fanny serait malheureuse parce qu'elle adorait son petit chat. S'ils partaient tous les deux, alors les nuits d'hiver seraient bien longues, sans Chaton pour jouer aux devinettes avec lui !

   ― Tu as résolu trois devinettes, Chaton, dit enfin le roi. Ne pourrais-tu résoudre cette quatrième énigme ?

   ― Je ne suis qu'un petit chat, Seigneur, répondit Chaton. Cette fois, ma vivacité d'esprit ne suffira pas. Seule la sagesse pourra résoudre cette énigme. Allons trouver la Femme Très Sage.

       Et ils s'en furent. Le roi chevauchait au milieu du peuple des Tout-Petits. La reine à ses côtés, portait Fanny dans ses bras, et Chaton se tenait bien droit sur le pommeau de la selle. Et ils se rendirent chez la Femme Très Sage, dans sa maison perchée au sommet de la colline verte. Ils lui soumirent la devinette qui les tourmentait tant. La Femme Très Sage resta silencieuse un long moment, puis elle dit à la reine :

    ― Bien que votre chagrin soit grand, plus grand encore est le chagrin de celle qui enfanta Fanny. C'est pourquoi l'enfant doit retourner chez sa mère.

       Une larme coula sur la joue de la reine et scintilla à la lumière de la lune.

    ― Ne pleurez pas, ajouta la Femme Très Sage, car tout n'est pas perdu.

       Puis elle se tourna vers le roi et lui dit :

    ― Sans son petit chat, l'enfant sera trop triste. C'est pourquoi Chaton doit rester avec la fillette.

    Il possédait le pouvoir de garder Chaton, mais le roi inclina la tête.

    ― Nous avons souhaité nous soumettre à votre jugement, Femme Très Sage, dit-il, et nous obéirons.

    ― Vous agissez noblement, Seigneur, déclara la Femme Très Sage, mais tout n'est pas perdu. Puisque vous abandonnez tout pouvoir sur eux, chaque année Fanny et Chaton viendront vous rendre visite lorsque les nuits sont les plus longues. Et puisqu'ils ne sont pas liés par quelque pouvoir magique, ils retourneront vivre à la ferme, dès que les premiers chatons danseront au vent.

    À ces mots, la joie s'empara de la reine. La séparation l'attristait, mais elle savait qu'elle reverrait l'enfant. Elle repartit en compagnie du roi dans la nuit éclairée par les étoiles, et le peuple des Tout-Petits regagna le royaume qui se cache sous la colline verte. Alors la Femme Très Sage installa Chaton sur son épaule et ramena Fanny à ses parents. Lorsque le fermier et sa femme les aperçurent qui descendaient la colline, ils se précipitèrent pour les prendre dans leurs bras.

   Après avoir entendu le jugement de la Femme Très Sage, ils l'acceptèrent et se montrèrent généreux dans leur bonheur. Depuis ce jour, les fermiers vivent heureux avec Fanny, Chaton, et le peuple des Tout-Petits. Leur ferme n'a jamais été aussi belle sur la colline verte et ronde.


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Juillet 2013 à 08:15:10
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La Dame des livres

Moi et les miens, on vit perchés tout en haut.

    Plus haut, y a pas.

    À c'te hauteur, on trouve plus âme qui vive, excepté les faucons qui tournoient dans le ciel et les bestioles cachées dans les arbres.

    Moi, c'est Cal.

    Je suis pas le premier et pas le dernier, mais je suis l'aîné des garçons.

    Je peux aider P'pa aux labours et ramener les moutons partis se promener.

    Je peux aussi rentrer la vache le soir venu, ce qu'est pas mal utile, vu que ma sœur Lark, elle aurait le nez fourré entre les pages d'un livre de l'aube à la nuit si M'man le permettait.

    « Lark, la plus liseuse des enfants que vous avez jamais vue », dit P'pa.

    Moi, non.

    Je suis pas venu au monde pour rester assis figé comme une pierre devant du griffouillis de poules. Et ça me plaît pas du tout quand Lark joue à la maîtresse.

    La seule école est à des milliards de miles en aval du ruisseau. Et même ma petite sœur peut pas faire l'oiseau et voler jusque-là. Alors elle s'est mise en tête de nous faire la classe.

   Seulement moi, je suis pas porté sur les études. Du moins, pas avant que la dame des livres fasse son apparition.

    Je suis le premier à entendre le clip clop des sabots de la jument alezane, rouge comme une brique. Le premier à savoir que son cavalier, c'est pas un homme, mais une dame qui porte un pantalon, et devant tout le monde !

    Sûr qu'on l'accueille aimablement, l'étrangère. Et puis, elle a l'air gentille comme tout. Après trois gorgées de tisane de laurier, elle pose sa sacoche sur la table et ce qui en sort pourrait être de l'or, à voir les yeux de Lark briller comme des étoiles et ses mains qui restent pas en place, attirées par le trésor.

    Bon, ce qu'elle apporte, c'est loin d'être ça.

    Rien que des livres !

    Vous imaginez ? Toute une cargaison de livres qu'elle a transportée à flanc de montagne ! Une dure journée de grimpette et tout ça pour des nèfles, si vous voulez mon avis. Parce que si elle vient vendre sa marchandise comme le camelot qui voyage par monts et par vaux avec ses poêles et ses casseroles, le fait est qu'on n'a pas un sou chez nous, pas de belles pièces à débourser. Du moins, pas pour de vieux livres à la noix.

    Alors P'pa, il jette un coup d'œil à Lark et s'éclaircit la voix :

    — Troquons. Un sac de baies pour un livre.

    Je serre mes deux poings derrière mon dos. Je voudrais parler, mais j'ose pas.

    C'est moi qu'ai cueilli toutes ces baies. Pour une tarte, pas pour des livres !

    Mais là, j'en crois pas mes yeux, la dame secoue la tête fermement.

    Elle n'accepte ni baies, ni légumes verts, ni rien de tout ce que P'pa lui offre en échange.

    Ces livres sont gratuits.

    Gratuits comme le vent !

    Et dans deux semaines, jour pour jour, elle viendra nous en prêter d'autres à la place !

    Eh ben moi, je me fiche pas mal de ce qu'elle nous a apporté, et ça me ferait rien du tout si elle oubliait le chemin de la maison.

    Mais elle reviendra jusqu'ici.

    Malgré la pluie, le brouillard et le froid. Son cheval doit être bien courageux, si vous voulez mon avis.

    Un matin, le monde devient aussi blanc que la barbe de Grand-P'pa. Le vent, il pousse des hurlements de lynx tout au fond de la nuit. On se blottit, sans broncher, autour du feu.

    Pas un qui dit :

    — Comment qu'ça va aujourd'hui ?

    Même les bêtes sauvages restent au fond de leur trou avec une neige comme celle-ci.

    Par tous les saints ! On entend toc toc toc au carreau. Elle est là, dehors, emmitouflée jusqu'en haut ! Elle fait l'échange par la porte entrebâillée pour qu'on prenne pas froid. 

    Et quand P'pa la prie de rester pour la nuit, elle fait non de la tête.

    — Mon cheval me ramènera chez moi, qu'elle dit.

    Je reste un bon bout de temps à regarder disparaître la dame des livres.

    Et mes pensées, elles tournent à l'intérieur de mon crâne comme le tourbillon de flocons devant la porte.

    Y a pas que le cheval qui soit courageux, mais sa cavalière aussi, si vous voulez mon avis.

   Tout à coup, y m'faut savoir ce qui pousse la dame à risquer d'attraper froid ou pire. Je choisis un livre avec des mots et des images aussi, et je l'apporte à ma sœur.

    — Apprends-moi ce qu'il dit !

    Lark, elle rit pas, elle se moque pas.

    Elle se pousse un peu. Et, tout doucement, on commence à lire.

    P'pa dit que c'est écrit dans la nature si l'hiver sera court ou long.

    Cette année, les signes ont tous prédit une saison de neige profonde et de froid éternel. Et même si on reste presque tous sans bouger, aussi serrés que des doigts de pieds dans des souliers achetés à la ville, ça m'est égal.

    À n'y rien comprendre, je sais, mais vrai de vrai.

    Le printemps est plus très loin le jour où la dame des livres revient par chez nous.

    M'man lui fait cadeau de son seul bien précieux : la recette de sa tarte aux baies, qu'est la meilleure chose que vous avez jamais mangée sur cette terre.

    — C'est bien peu, je sais, pour la peine que vous vous êtes donnée... murmure M'man avant d'ajouter avec fierté : ...et pour avoir transformé une lectrice en deux lecteurs.

    La tête baissée, j'attends le dernier moment pour dire ce que j'ai sur le cœur :

    — J'voudrais vous offrir kékchose, mais j'sais pas quoi.

    La dame des livres se tourne et me regarde de ses grands yeux sombres.

    — Cal, viens ici, qu'elle dit avec douceur. Lis-moi donc quelques lignes.

    J'ouvre le livre que je tiens, un de ceux qu'elle vient à peine d'apporter.

    Du griffouillis de poules, voilà ce que je pensais.

    Maintenant je sais ce qui s'y cache, alors je lis à haute voix.

    — C'est le plus beau des cadeaux ! qu'elle dit, avec un sourire si grand que je lui souris en retour.


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Juillet 2013 à 08:46:08
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Ma clématite chérie

Hervé est jardinier. Il cultive des fleurs et des légumes. Il a planté tout contre le mur nord du jardin une clématite. Chaque jour, Hervé s'arrête auprès d'elle. Il remet les tiges rebelles en place et de l'ordre dans le feuillage.

       — Bonjour la belle.

       — Tu m'aimes ?

       — Oui.

       — Oui comment ?

       — Oui, beaucoup.

       — Tu n'aimes que moi ?

       — Non, mais surtout toi.

       Elle fait bruisser ses feuilles dans un souffle d'air. Elle sait lui plaire ainsi. Ce matin, Hervé est pressé.

       — Tu as mis ton costume de ville, l'interpelle la clématite, tu pars longtemps ?

       — Non, un jour ou deux, au plus. Ne t'inquiète pas, des averses sont annoncées.

       — Tout ira bien. Tu as raison de changer d'air, il faut voir le monde !

       — À très bientôt, ma belle !

                                                                    ♥♥♥♥

       Hervé est revenu. Il longe le mur nord en sifflotant.

       — Alors, c'était bien cette balade ? demande la clématite.

       — Oui... merci. Tu es toute fraîche ce matin.

       — Tu l'as dit ! J'ai failli crever ! Une nuit glaciale... Et bien sûr, je n'avais rien au pied.

       — Je suis désolé.

       À genoux, il examine la tige fibreuse.

       — C'est bon, c'est bon, la rassure Hervé.

       — Je ne demande pas grand-chose, juste un peu d'attention.

                                                                   ♥♥♥♥

       Les beaux jours sont là. Au bout du jardin, la clématite a fait une fleur, une tache rose, délicate sur le mur gris, dans les feuilles tendres. Hervé ne l'a pas encore vue. Il est tout à son potager.

       — Pour le reste, on verra demain, dit-il en s'étirant.

       En se retournant, Hervé la voit enfin.

       — Bravo ! Tu as la première fleur du jardin, la première de l'année !

       — Merci, mais je l'avais déjà hier !

       — Excuse-moi, je devais être ébloui par le soleil. Tu te souviens, le ciel était presque sans nuages.

       — Ébloui par tes tomates ! Tu as passé ton temps à les tuteurer, et que je t'attache par-ci, et que je te pince par-là...

       — Tu te montes la tête ! Je ne peux pas les laisser s'écrouler, ramper jusqu'aux radis !

       — Et moi, mes tiges s'emmêlent mais ça n'a pas l'importance ! Dans ce méli-mélo, comment veux-tu que je fasse d'autres fleurs ?

       — Doucement, s'il te plaît, je vais ajouter du fil, tu pourras t'enrouler à ta guise.

       Le jardinier tend le fil. La clématite se glisse sous son bras. Il sursaute et lui dit gentiment :

       — Que tu es sotte.

       Ça y est, les pieds de tomate ont poussé droit, les salades et les choux sont débrouillés et repiqués, les petits pois montent à l'assaut des rames.

       Hervé est très occupé. Il a à peine salué la clématite, elle est pourtant bien jolie dans la lumière douce du matin. De loin, elle le regarde, maussade, le guette, le surveille. Une mésange vient se poser sur elle, puis une deuxième. Leurs cris en attirent d'autres et, à chaque sautillement, leurs petites pattes la chatouillent. Elle rit. Une partie de cache-cache s'engage. Elle fait la folle, elle ouvre des passages dans lesquels s'engouffrent les oiseaux, puis elle les referme. Ça se balance, ça bruisse de partout. Elle s'ébroue d'un grand frisson.

       — Allez ouste, dehors !

       Les mésanges s'envolent, elle est épuisée. Le jardin est dans l'ombre. Hervé lui dit :

       — Bonsoir !

       Elle n'entend pas. La clématite dort.

                                                                   ♥♥♥♥

       Aujourd'hui, le jardinier reçoit des visiteurs. Il montre, il commente, il déterre, il met en pot.

       — Alors, bien dormi ? demande la clématite.

       ... Rien, pas de réponse, Monsieur fait des ronds de jambe.

       « Tu pourrais au moins me présenter, pense-t-elle. On va voir ce qu'on va voir ! »

       Elle se met en boule, bascule en avant, ça va craquer ! Ça craque ! Un clou jaillit du mur, le fil vibre et se détend, en sifflant. Hervé abandonne ses clients. Il accourt.

       — Qu'est-ce qui t'arrive encore ?

       Il attrape à bras-le-corps la masse végétale et la suspend comme il peut.

       — Aïe, tu m'écrases !

       Hervé remet le clou en place, en plante un second et fixe solidement le fil.

       — Ça va tenir. Tu m'as fait une de ces peurs !

       — Si tu t'occupais un peu plus de moi...

       C'est le temps de l'été. Hervé arrose abondamment. L'eau s'écoule dans les rigoles. Ça sent la terre chaude et mouillée. La clématite a soif et s'impatiente. Enfin le voilà. Il l'asperge de fines gouttelettes.

       — Qu'est-ce que tu en penses ? Ça rafraîchit !

       — Arrête, il fait presque nuit, je suis au nord, tu l'oublies, n'est trop tard. C'est toujours la même chose, tu sers tout le monde avant moi.

       — Ne te fâche pas... Allez, bonne nuit.

       — Bonne nuit, mais ça m'étonnerait que je trouve le sommeil, je suis transie.

       Le jardinier soupire et s'éloigne. Il se retourne, la clématite s'est assoupie.

                                                                  ♥♥♥♥


      Avec la chaleur du soleil, les groseilles, les framboises et les fraises rougissent. Les oiseaux vont se régaler. Le jardinier ne veut pas partager avec ces effrontés. Il installe l'épouvantail et accroche des bruisseurs argentés dans les arbres fruitiers. Il n'a guère le temps de papoter et la clématite s'ennuie. « J'en ai assez. Puisqu'il m'abandonne, je passe par-dessus le mur ! »


       Quelques jours plus tard, Hervé entend qu'on l'appelle. Ça vient du jardin derrière le mur nord. C'est la voisine.

       — Oui, dit-il.

       — Votre clématite m'envahit et si vous n'intervenez pas, je serai malheureusement obligée de couper ce qui dépasse de mon côté.

       — Non, non, j'arrive.

       Il monte sur l'échelle et repasse les rameaux de son côté.

       — Coquines ! bougonne Hervé après ces lianes vivaces qui se dérobent.

       — Vous disiez ? demande la dame.

       Elle est jolie. Il descend de l'échelle, remonte et lui offre une poignée de cerises.

       — Tenez, dit-il, elles sont fameuses cette année.

       Il rougit et redescend.

                                                                ♥♥♥♥

       — Maintenant, à nous deux, ma belle !

       Il attache les tiges fantasques. Il serre les nœuds.

       — Eh, doucement, tu m'étouffes !

       — Ah ! tu débordes de l'autre côté du mur. Tu veux partir, ça ne se passera pas comme ça.

       — Tu es fâché ? C'est un comble ! Tu accroches partout des trucs pour protéger les fruits. Je te signale que j'en ai aussi !

       — Ma chère, les tiens ne sont pas comestibles !

       La clématite est vexée. Hervé vérifie les attaches. Il est fatigué.

                                                                ♥♥♥♥

       Cette nuit-là, le jardinier entend un craquement sec, terrible. Sous son lit, le parquet se fend. Il en surgit une liane gigantesque. Elle grimpe jusqu'à lui, l'agrippe à la gorge, il veut crier... Il se réveille et bondit à la fenêtre, l'ouvre et avale une grande bouffée d'air. Dehors, tout est sombre et paisible.

       Le lendemain, il pleut. Hervé commence sa tournée matinale par une visite à la clématite.

       — Bonjour, lui dit-elle, tu es tout trempé !

       Le jardinier ne répond pas à ce salut. Il sort un sécateur de sa poche.

       — Écoute-moi bien : à partir d'aujourd'hui, je ne veux plus que tu me tourmentes, ni le jour ni la nuit, ni au printemps, ni en été, ni en automne et surtout pas en hiver. Tu vois, là-bas, les fruits et légumes ? Je les mange ! Et toi, si tu continues, gare à toi !

       La clématite tremble d'effroi. Dans son affolement, elle balbutie :

       — Je... je regrette... Excuse-moi, je sais, je suis parfois capricieuse mais...

       Hervé la regarde.

       — Bon, n'en parlons plus.

       Il ôte délicatement quelques feuilles jaunissantes.

       — Bientôt viendra l'automne, on se reposera un peu, nous en avons besoin.

       Il s'éloigne. Dans le ciel, un vol de canards s'en va vers le sud.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Juillet 2013 à 12:28:18
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L'arbre généreux

Il était une fois un arbre qui aimait un petit garçon.

Et le garçon venait le voir tous les jours.

Il cueillait ses feuilles et il s'en faisait des couronnes pour jouer au roi de la forêt.

Il grimpait à son tronc et se balançait à ses branches... et mangeait ses pommes.

Puis ils jouaient à va-te-cacher. Quand il était fatigué, il dormait dans son ombre.

Et le garçon aimait l'arbre.

Et l'arbre était heureux...

... énormément !

Mais le temps passa...

Et le garçon grandit...

Et l'arbre resta souvent seul.

Puis un jour le garçon vint voir l'arbre et l'arbre lui dit :

Approche- toi mon garçon , grimpe mon tronc et balance-toi à mes branches, et mange mes pommes et joue dans mon ombre et sois heureux !

- Je suis trop grand pour grimper aux arbres et pour jouer, dit le garçon .

Je veux acheter des trucs et m'amuser. Je veux de l'argent. Peux–tu me donner de l'argent ?

- Je regrette, mais je n'ai pas d'argent. Je n'ai que des feuilles et des pommes. Prends mes pommes mon garçon, et va les vendre en ville. Ainsi tu auras de l'argent et tu seras heureux.

Alors le garçon grimpa sans l'arbre, cueillit les pommes et les emporta.

Et l'arbre fut heureux.

Mais le garçon resta longtemps sans revenir...

Et l'arbre devint triste.

Puis un jour le garçon revint ; l'arbre trembla de joie et dit :

Approche-toi, mon garçon, grimpe à mon tronc et balance-toi à mes branches et sois heureux.

J'ai trop à faire pour grimper aux arbres, dit le garçon. Je veux une maison qui me tienne chaud, dit-il. Je veux une femme et je veux des enfants, j'ai donc besoin d'une maison. Peux-tu me donner une maison ?

- Je n'ai pas de maison, dit l'arbre. C'est la forêt ma maison, mais tu peux couper mes branches et bâtir une maison, alors tu seras heureux.

Le garçon lui coupa donc ses branches et les emporta pour construire sa maison.

Et l'arbre fut heureux.

Mais le garçon resta longtemps sans revenir.

Et quand il revint l'arbre fut tellement heureux qu'il put à peine parler.

Approche-toi mon garçon, murmura-t-il, viens jouer.

- Je suis trop vieux et trop triste pour jouer, dit le garçon. Je veux un bateau qui m'emmènera loin d'ici. Peux-tu me donner un bateau ?

- Coupe mon tronc et fais un bateau, dit l'arbre. Ensuite tu pourras t'en aller et être heureux.

Alors le garçon lui coupa le tronc et en fit un bateau pour s'en aller.

Et l'arbre fut heureux ... mais pas tout à fait ...

Et très longtemps après, le garçon revint encore.

Je regrette mon garçon, dit l'arbre, mais il ne me reste plus rien à te donner... Je n'ai plus de pommes.

- Mes dents son trop faibles pour des pommes, dit le garçon.

- Je n'ai plus de branches, dit l'arbre, tu ne peux plus t'y balancer.

- Je suis trop vieux pour me balancer aux branches, dit le garçon.

- Je n'ai plus de tronc, dit l'arbre, tu ne peux pas grimper.

- Je suis trop fatigué pour grimper aux arbres, dit le garçon.

- Je suis navré, soupira l'arbre. J'aimerais bien te donner quelque chose... Mais je n'ai plus rien. Je ne suis plus qu'une vieille souche. Je suis navré...

- Je n'ai plus besoin de grand-chose maintenant, dit le garçon, juste un endroit tranquille pour m'asseoir et me reposer. Je suis très fatigué.

- Eh bien, dit l'arbre en se redressant autant qu'il le put, eh bien, une vieille souche c'est bien pour s'asseoir et se reposer. Approche-toi, mon garçon, assieds-toi. Assieds-toi et repose-toi .

Ainsi fit le garçon.

Et l'arbre fut heureux.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Juillet 2013 à 13:25:54
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LA FLEUR ET L'ABEILLE

Il était une fois, une plante très délicate qui était composée d'une fleur et d'un petit bourgeon. La fleur, au coeur jaune et aux pétales blancs, était vieille et allait mourir d'une journée à l'autre. Mais tout à côté, un joli bourgeon allait éclore et prendre la place.

Vint donc ce jour; la petite fleur, naissant au sourire du soleil, s'étira, ouvrit ses yeux et baîlla.

Elle se faisait chauffer au soleil, lorsque brusquement elle se sentit bien seule. Elle partit donc en quête d'une amie, mais en vain. Elle était si fatiguée qu'elle s'asseya sur l'herbe tendre et verte, et elle s'endormit épuisée de cette longue marche.

Non loin de là, se promenait une abeille rayée de jaune et de noir. Elle virevoltait, allait puiser du nectar dans les corolles des autres fleurs. Tout à coup, l'abeille vit une petite fleur bleue au coeur jaune et aux veines rosées. C'était la plus jolie fleur qu'elle ait jamais vue. Eh oui!, c'était notre petite fleur qui rêvait d'avoir une amie. L'abeille la contourna, plana au-dessus de sa tête et s'immobilisa au sol. Tout ce bourdonnement avait réveillé la petite fleur et avait attiré son attention. Quelle drôle de personnage se dit-elle. Un peu timide, elle lui demanda: "Bonjour!... qui es-tu?" L'abeille lui répondit: "Je suis Bellabeille, et toi?" La petite fleur, toujours un peu gênée: "Je me nomme Fleurette". Et c'est de cette façon qu'elles firent connaissance.

Lorsqu'elles se furent bien connues, elles allèrent jouer ensemble dans le grand pré vert. Elles s'amusèrent à cache-cache sous l'ombre des grands arbres et aussi à bien d'autres jeux intéressants. Cela dura des jours entiers.

Un bon matin, Bellabeille amena Fleurette chez elle. Bellabeille demeurait dans une magnifique ruche. Fleurette ne connaissait pas ce qu'était une ruche, elle n'avait même pas idée de ce qu'était une maison. Sa maison, à elle, c'était le champ dans lequel elle était née et où elle demeurait; son feu de bois, c'était le soleil; sa nourriture, c'était la pluie qui tombait; son toit, c'était le firmament.

Fleurette contempla longuement la ruche. Elle regarda les abeilles qui entraient et sortaient pour accomplir leur travail quotidien.

Fleurette: "Qu'est-ce qu'elles font?"

Bellabeille: "Elles vont récolter le nectar dans la corolle des fleurs; elles l'amassent dans leur jabot et l'entreposent dans les alvéoles de la ruche."

Tout en lui expliquant le procédé, Bellabeille lui montrait comment les abeilles s'affairaient. Fleurette était émerveillée devant ce spectacle.

Mais, ce n'était pas tout!... Bellabeille lui montra aussi les autres travailleurs.

Bellabeille: "Dans la ruche, il y a trois classes de travailleurs. Premièrement, il y a la Reine; c'est la femelle féconde qui pond près de 2500 oeufs par jour, pendant plusieurs années.

Il y a quelques centaines de mâles, que l'on nomme Faux Bourdons. Il y a aussi plusieurs dizaines de milliers d'Ouvrières, femelles stériles, dont la vie ne dépasse pas quelques semaines. Ce sont elles qui construisent les alvéoles de cire que tu vois, qui nourrissent la colonie de pollen et de nectar butinés sur les fleurs, et la défendent grâce à l'aiguillon venimeux terminant leur abdomen."

Fleurette: "C'est très intéressant, mais comment faites-vous pour vivre entassés ainsi?"

Bellabeille: "C'est ce qu'on appelle la vie communautaire. Chacun aide l'autre; nous avons été élevés ici
et nous avons appris à vivre ainsi."

Fleurette n'en croyait pas ses yeux; autant de population dans une si petite ruche. Elle qui était toute seule dans un aussi grand champ...

***

Une semaine était passée et Bellabeille avait coutume de rendre visite à Fleurette tous les jours. Mais aujourd'hui, elle n'était pas encore venue; Fleurette s'impatienta et se mit à pleurer.

Fleurette: "Il est certainement arrivé quelque chose à Bellabeille! Elle m'aurait avertie si elle n'avait pas
pu venir!"

Brusquement, de gros nuages gris cachèrent le soleil; il se mit à pleuvoir sans arrêt. Les éclairs perçaient de leurs pointes aigües les nuages, le tonnerre grondait si fort que la terre en tremblait.

Bellabeille qui allait à la rencontre de Fleurette, se sentit désarmée devant tout ce spectacle. Elle cherchait bien un coin pour se cacher, mais n'en trouvait aucun. Elle était toute mouillée, et avait de la peine à avancer.

Pendant ce temps, Fleurette se mit à la recherche de Bellabeille. Elle courut autant qu'elle put, elle marcha longuement.

Plus tard, elle vit une forme allongée étendue sur le sol. Elle avança rapidement auprès de la forme, et s'aperçut que c'était Bellabeille. Elle la regarda avec anxiété, la toucha, lui parla sans recevoir de réponse. Bellabeille avait l'air morte. Avec espoir, Fleurette la traîna jusque dans une grotte non loin de là. Elle connaissait cette grotte depuis peu, mais elle savait que c'était un endroit sûr. Fleurette fit un lit à Bellabeille avec des feuilles de chêne et elle la déposa sur le lit, elle la recouvrit d'une feuille d'érable en guise de couverture. Fleurette n'en pouvant plus, s'endormit épuisée et bouleversée.

Peu de temps après, Bellabeille se réveilla, se tourna sur le côté pour regarder où elle était. Fleurette qui avait le sommeil léger sursauta en entendant le crissement des feuilles. Elle se leva et dit:

Fleurette: "Est-ce que tu vas mieux?"

Bellabeille: "Oui, mais je ne me souviens pas de ce qui s'est passé!"

Fleurette: "Tu as dû t'évanouir, tellement tu étais fatiguée, et cette pluie..., tiens, il a cessé de pleuvoir.

Il fait beau maintenant!"

En réalité, ce n'était qu'un de ces mauvais jours! se dirent-elles.

Trois jours plus tard, Bellabeille se sentait en pleine forme. Elle quitta pour toujours ses frères et soeurs. Elle dit aurevoir à sa ruche. Oui, elle allait demeurer avec Fleurette dans la jolie grotte. Elles allaient travailler et jouer ensemble maintenant. Elles étaient si heureuses. Rien ne pouvait les séparer désormais sinon la mort. Rien ne pouvait briser leur amitié, car elles avaient sû comment l'acquérir et comment la garder.


F I N

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Juillet 2013 à 09:54:48
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Le Palais aux mille horloges

Dans un pays, pas loin d'ici, il y avait un palais.  Dans ce palais, il y avait mille horloges.

C'est que le roi de ce pays-là voulait toujours avoir l'heure juste.  Le matin, en s'éveillant, il jetait les yeux sur sa pendule de chevet.  Mais il se demandait aussitôt si cette pendule marquait bien « la bonne heure ».

Pour s'en assurer, il allait comparer avec le coucou du mur nord.  Puis, pour vérifier si le coucou ne retardait pas, il allait consulter le cartel du foyer.  De peur que le cartel ne soit en avance, il courait interroger l'horloge grand-père du couloir.

Ainsi, d'horloge en pendule et de coucou en cadran, le roi courait jusqu'au soir.  Il s'habillait en allant d'une horloge à l'autre.  Il mangeait en comptant les douze coups de midi.  Il recevait ses ministres en surveillant les valets qui relevaient les poids, remontaient les ressorts, tournaient les clefs, viraient les manivelles.

Par malheur, il se trouvait toujours une pendule pour sonner une minute après le coucou, une horloge pour carillonner trois secondes avant le cartel.  Le roi n'était jamais tranquille.  Le roi n'était jamais content.  Il chicanait ses valets, rabrouait ses ministres, congédiait ses horlogers pour les rappeler tout de suite après.

—Comment peut-on gouverner un royaume, se lamentait le pauvre roi, quand on ne peut régler quelques horloges?  Quelle sorte de roi suis-je, si je ne puis jamais savoir l'heure juste?

Ainsi, toute la journée, il se démenait, se désespérait, courait sans s'arrêter de pendule en horloge et de cadran en coucou.

À la millième horloge, il tombait de sommeil.  Alors un vieux serviteur fermait sur lui les rideaux du grand lit.  Mais toute la nuit, le roi rêvait.  Dans son rêve, il voyait une princesse, la plus belle princesse du monde, qui courait vers lui en ouvrant ses beaux bras.  Mais comme elle allait le rejoindre, un coucou géant sortait d'une tour en grinçant, enlevait la princesse dans son bec monstrueux et l'emportait tout en haut de la tour.

Le reste de la nuit, dans son rêve, le roi essayait d'escalader la tour.  Il plantait ses ongles dans la pierre, grimpait, grimpait, mais chaque fois qu'il s'approchait du sommet d'où la princesse éplorée se penchait pour l'appeler, le coucou géant sortait pour sonner les douze coups de minuit, la tour se mettait à trembler et le roi retombait.

Puis venait le matin.  Le roi s'éveillait et tout de suite jetait les yeux sur sa pendule de chevet.

Ainsi les jours passaient, les semaines, les mois et les années.  Le roi maigrissait, le royaume dépérissait, les sujets étaient tristes, les ministres impuissants.  Seuls les horlogers étaient heureux, car il faisaient des affaires d'or.

Or il y avait, au palais, une petite servante qui aimait beaucoup le roi.  Pourquoi elle l'aimait, on ne le sait pas trop.  Mais elle l'aimait vraiment beaucoup.  Elle le trouvait beau, malgré son air toujours contrarié.  Quand elle le croisait, toujours courant d'une horloge à l'autre, elle admirait son énergie et sa constance.  Elle aurait voulu le consoler quand il se lamentait sur ses malheurs.

Seulement elle n'était qu'une humble petite servante que personne ne regardait, ni le roi ni ses ministres, ni les horlogers ni même les valets.  Si quelqu'un l'avait bien regardée, il aurait vu comme elle était jolie, malgré sa robe toute simple et son modeste bonnet noir.  Mais les valets étaient trop occupés à relever les poids, remonter les ressorts, tourner les clefs et virer les manivelles.  Les horlogers n'avaient pas trop de tout leur temps pour ajuster les mouvements, rajuster les mécanismes, nettoyer les engrenages.  Quant aux ministres, ils gardaient les yeux baissés pour ne pas trébucher sur le bord de leur robe en suivant la course du roi.  Et le roi n'avait d'yeux que pour la position des petites et grandes aiguilles...

Donc la petite servante aimait le roi, et personne ne le savait.  Elle l'aimait vraiment beaucoup.  Mais comment faire pour qu'il la regarde, ne serait-ce qu'une fois?

Eh! bien, la petite servante a trouvé.  Quand elle aime, une jeune fille trouve toujours le moyen pour que l'aimé la regarde.  Même si l'aimé est un roi et la jeune fille une humble petite servante.
Voilà donc ce qu'elle fit.  Une nuit, quand tout le monde au palais fut profondément endormi (même le roi qui rêvait d'une princesse enlevée par un coucou géant), la petite servante fit le tour de tous les salons, de tous les boudoirs, de tous les vestibules, de toutes les chambres, et elle arrêta toutes les pendules, les horloges, les cadrans, les cartels.  Il lui fallut courir très, très vite, car il y avait mille horloges dans le palais, je vous le rappelle.

Mais elle réussit, car il n'est rien d'impossible à une jeune fille amoureuse.

Le matin suivant, quand le roi s'éveilla, il jeta les yeux sur sa pendule de chevet.  Tout étonné, il vit qu'elle marquait dix heures dix.  Il alla consulter le coucou du mur nord...  qui marquait aussi dix heures dix.  Comme le cartel du foyer.  Comme l'horloge grand-père du couloir.

Toutes les petites aiguilles étaient sur le dix, toutes les grandes aiguilles sur le deux.  Tous les rouages étaient arrêtés, tous les balanciers étaient immobiles, tous les carillons étaient silencieux.

Affolé, le roi se demandait :

—Quelle heure est-il?  Quelle heure est-il?  Il ne peut pas être dix heures dix, le soleil vient de se lever.  Quelle heure est-il?  Qu'est-il arrivé? Que vais-je devenir?

Les valets tremblaient, les ministres se regardaient en se demandant comment sauver la face, les horlogers n'osaient bouger de peur que toute la colère du roi ne tombe sur eux.

Alors la petite servante s'avança, humble et tranquille.  Elle s'inclina devant le roi et dit :

—Sire mon roi, je sais que toute votre tristesse et tous les malheurs du royaume viennent de ce que vous ne pouvez jamais savoir l'heure juste.  Si vous voulez bien m'écouter, je connais le moyen pour que vos mille horloges soient toutes en même temps exactement, précisément, rigoureusement à la bonne heure.

—Ne l'écoutez pas, sire, dirent les valets.  Ce n'est qu'une petite servante de rien du tout.
—Ne l'écoutez pas, sire, murmurèrent les ministres.  Mais ils ne savaient pas trop pourquoi il ne fallait pas l'écouter.

—Ne l'écoutez pas, sire, crièrent les horlogers.  Elle n'a pas fait son apprentissage, elle n'a pas de diplôme!

—Je t'écoute, dit le roi en écartant valets, ministres et horlogers.  Parle, petite servante.  Si tu connais le moyen pour que toutes mes horloges me donnent l'heure juste, ne serait-ce qu'une fois pas jour, je suis prêt à t'offrir la moitié de mon royaume!

—Sire mon roi, répondit la petite servante, je sais ce qu'il faut faire pour que vos horloges vous donnent l'heure juste non pas une fois, mais deux fois chaque jour.  Mais je ne veux pas de la moitié de votre royaume.

—Parle, dit le roi.  Si ce que tu dis est vrai, tu pourras me demander tout ce que tu voudras!

Alors la petite servante tendit la main vers le cadran d'une grosse horloge grand-père.

—Voyez, sire mon roi, dit-elle.  Toutes vos horloges marquent dix heures dix.  Chaque matin et chaque soir, quand il sera réellement dix heures dix, toutes vos horloges vont vous donner l'heure durant toute une minute.  Pour cela, il suffit qu'elles restent arrêtées...

Les valets se grattaient la tête sans comprendre.  Les horlogers, qui avaient compris, se mirent à protester bruyamment.  Les ministres, qui ne savaient s'ils devaient comprendre ou non, essayaient de prendre un air de convenance.

Sur le visage du roi, doucement, naquit un sourire.  Et savez-vous, elle avait raison, la petite servante.  Il était beau, le roi, quand il souriait...

—Petite servante, dit le roi, tu es bien sage.  Et puis tu es bien jolie.  Je me demande comment je ne l'avais pas remarqué avant...  Tu as raison, bien sûr.  Avoir l'heure juste deux fois par jour, c'est un bien grand privilège, pour un roi.  Demande-moi ce que tu veux, je te le donnerai.

—Je ne veux pas la moitié de votre royaume, répondit la petite servante en rougissant un peu, mais je voudrais bien tout votre cœur, car je vous aime.

Ainsi le roi, ce matin-là, trouva la paix, la sagesse et l'amour.  Depuis le royaume est prospère, les sujets sont heureux, les ministres discrets et les horlogers sont maigres.

Ah!  J'oubliais de vous dire... Il arrive encore que le roi rêve, la nuit.  Dans son rêve, c'est lui qui court vers la plus belle princesse du monde, et au moment où il va la rejoindre, un coucou géant sort d'une tour en grinçant.  Alors la princesse tord le cou du coucou, qui se transforme en voilier avec deux mâts qui ressemblent à des aiguilles marquant dix heures dix.

Le roi et la princesse, qui ressemble parfaitement à la petite servante, s'embarquent sur le voilier et voguent vers un autre matin.
 


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Juillet 2013 à 10:11:35
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Le prince de la rivière Verte

Il était une fois un prince qui voulait bâtir son château au bord de la rivière Verte.

Ce n'était qu'un tout petit prince : il n'avait qu'un habit, qu'un manteau, qu'un chapeau.  Il n'avait pas même un cheval pour le porter, pas même un serviteur pour le servir.

Or ce jour qu'il se promenait sur le bord de la rivière Verte, mesurant de l'œil la longueur et la hauteur et l'épaisseur des murs de son futur château, le prince vit un petit chien gris qui s'avançait vers lui en traînant la patte.

—Bonjour, petit chien gris, salua le prince.

—Wof! répondit le chien, et il vint s'asseoir devant le prince.

—Oh! dit le prince, tu as une puce sur ton oreille...  Mais ça ne fait rien, même les puces ont le droit de vivre.  Tiens, prends ce croûton que j'ai dans ma poche.  C'était mon déjeuner, ajouta-t-il en regardant tristement le bout de pain, mais je crois bien que tu as faim encore plus que moi!

Le petit chien gris se jeta sur le croûton et l'avala en trois bouchées.  Puis il se rassit, regarda le prince dans les yeux et se mit à remuer la queue :

—Wof!

—Quoi encore?  Ah! Bien sûr, tu as soif maintenant, dit le prince.  Tiens, il me reste un peu d'eau dans ma gourde.

Le prince prit la gourde de sa main droite, versa l'eau dans le creux de sa main gauche et le chien lapa vigoureusement.  En trois coups de langue, il but toute l'eau.

—Wof! jappa-t-il joyeusement.  Et il partit en trottinant.

Le prince resta seul au bord de la rivière et recommença à mesurer de l'œil la longueur et la hauteur et l'épaisseur des murs de son futur château.  Hélas! Les murs ne seraient pas bien épais, ni bien longs, ni bien hauts.  Car c'était un tout petit prince qui n'avait qu'un habit, qu'un manteau, qu'un chapeau.  Et comme il n'avait pas de cheval ni de serviteur, son château n'aurait pas besoin d'écurie ni de communs.

Il n'aurait pas besoin non plus de cuisines puisque le prince n'avait plus rien à manger.  Et comme il n'avait plus rien à boire, il ne faudrait pas prévoir de saloir ni de fumoir, vu que le poisson salé et le jambon fumé donnent soif...

Le prince, à mesure qu'il pensait à tout cela, voyait les murs de son château se raccourcir, s'abaisser, se rétrécir.

—Je n'ai même pas une princesse qui veuille m'épouser, songeait le pauvre prince.  Ni même une bergère qui m'aime en secret.  Au fond, est-ce bien la peine de me construire un château?

Alors le prince s'assit tristement sur une pierre et se mit à lancer des cailloux dans la rivière.

—Wif!  Wif!  Wif!  entendit-il soudain derrière lui.  Il se retourna : quelle surprise!  Le petit chien gris trottinait joyeusement, essayant de japper tout en gardant dans sa gueule les rênes d'un magnifique cheval gris.  Le cheval était tout sellé, tout bridé, tout ferré.  Le petit chien gris le conduisit jusqu'au prince, déposa les rênes à ses pieds et s'assit en remuant la queue.  La puce sauta de son oreille droite à son oreille gauche.

—Waf!  Waf! ajouta le petit chien.

Le prince, émerveillé, sauta en selle et fit volter le magnifique cheval.  Il le mit au pas, puis au trot, puis au galop et fit un grand tour dans la plaine; puis il revint pour remercier le petit chien.

Mais le petit chien était parti! 

Alors le prince descendit de son cheval, qu'il décida d'appeler Grisou, car il était tout gris et aussi vif qu'une explosion.

—Il faudrait bien que je te bouchonne, que je te nourrisse, que je t'abrite, mon pauvre Grisou, dit le prince.  Hélas!  Je ne suis qu'un pauvre prince, je n'ai jamais appris à soigner les chevaux, et je n'ai pas d'écurie puisque je n'ai pas encore de château...

—Wif!  Wif!  Wif! entendit-il soudain derrière lui. Le petit chien gris était revenu et essayait de japper tout en gardant dans sa gueule une corde de soie dont l'autre bout était tenu par un serviteur, un colosse!  Le serviteur était muet.  Le petit chien gris le conduisit jusqu'au prince, déposa la corde à ses pieds et s'assit en remuant la queue.  La puce lui sautait sur le dos.

—Waf!  Waf!  ajouta le petit chien.

Le prince, de plus en plus émerveillé, montra Grisou de la main et aussitôt le serviteur se mit à bouchonner le cheval.  Puis il lui arracha une grosse brassée de bonne herbe.  Ensuite il prit la corde de soie, plia l'un vers l'autre trois sapins formant triangle et attacha les trois têtes des sapins avec la corde de soie.  Cela faisait une hutte verte, dans laquelle le cheval s'abrita pour manger tranquillement la bonne herbe.

—Eh! Bien, se dit le prince, voici que j'ai un serviteur, un cheval et même une écurie.  Merci petit chien gris...

Mais le petit chien était parti.

Le prince n'était plus tout seul au bord de la rivière.  Il recommença à mesurer de l'œil la longueur et la hauteur et l'épaisseur des murs de son futur château. Les murs ne seraient peut-être pas bien épais, ni bien longs, ni bien hauts.  Car c'était un tout petit prince qui n'avait qu'un habit, qu'un manteau, qu'un chapeau.  Mais il avait maintenant un cheval et un serviteur aussi, alors il fallait prévoir des communs à son château, et une véritable écurie pour remplacer la hutte de sapin.

—Au fond, est-ce bien la peine de me construire un château? se disait toutefois le prince.  Je n'ai même pas une princesse qui veuille m'épouser, ni même une bergère qui m'aime en secret.  Et puis mon serviteur a beau être un colosse, il ne pourra me construire un château à lui tout seul...

—Wif!  Wif!  Wif! entendit-il soudain derrière lui. Le petit chien gris était revenu et essayait de japper tout en gardant dans sa gueule une longe de cuir dont l'autre bout était noué au cou d'un bœuf énorme.  Le bœuf était attelé à une grande charrette remplie d'artisans : il y avait des charpentiers avec leurs marteaux, des menuisiers avec leurs équerres, des ébénistes avec leurs ciseaux; il y avait des tailleurs de pierre, des sculpteurs, des couturières, des peintres, des jardiniers...  Le petit chien gris mena le bœuf jusqu'au prince, déposa la longe de cuir à ses pieds et s'assit en remuant la queue.  La puce se balançait au bout de son sourcil gauche.

—Waf!  Waf!  ajouta le petit chien.

Le prince était de plus en plus surpris.  Il fit un geste de la main, et aussitôt les artisans se mirent au travail : c'était merveille de les voir mesurer, nettoyer, creuser, monter, ajuster, sculpter, coudre, ordonner...  Le grand bœuf transportait des pierres énormes, et le colosse de serviteur plaçait des poutres gigantesques.  En moins de temps qu'il n'en faut pour le rêver, un château magnifique s'éleva sur le bord de la rivière Verte.  Un château avec des murs longs, hauts, épais comme les murs du château d'un grand prince.  Et il y avait des écuries, des communs, un saloir, un fumoir, un puits et des jardins pleins de fruits, de légumes et de fleurs.

—Eh! Bien, se dit le prince, voici que j'ai des ouvriers, un serviteur, un cheval et un château magnifique comme en ont les grands princes!  Merci petit chien gris...

Mais le petit chien était parti.

Le prince visita toutes les pièces de son château, il marcha longuement dans les jardins, il se promena à cheval dans les allées soigneusement ratissées, il mangea et but, il se coucha et dormit dans le grand lit de plume.  Il s'éveilla, son serviteur l'habilla avec de merveilleux habits neufs tout décorés de dentelles et de rubans.  Alors il revisita toutes les chambres, remarcha dans les jardins, se refit une promenade à cheval, remangea, se recoucha...

Très vite il devint triste

—Je n'ai même pas une princesse qui veuille m'épouser, ni même une bergère qui m'aime en secret.  À quoi bon mon château, mes ouvriers, mon serviteur, mon cheval?  Avant je n'avais qu'un habit, qu'un manteau, qu'un chapeau, j'étais un bien petit prince, et j'étais seul.  Maintenant je suis un grand prince, mais je suis toujours aussi seul...  Si seulement je pouvais retrouver mon petit chien gris!  Je voudrais bien le garder avec moi, même s'il a des puces.

—Wif!  Wif!  Wif! entendit-il soudain derrière lui. Le petit chien gris était revenu et essayait de japper tout en gardant dans sa gueule un gant de satin.  Un tout petit gant tout gris, avec trois perles en guise de boutons.  Le petit chien gris porta le gant jusqu'au prince, le déposa à ses pieds et s'assit en remuant la queue.  La puce était immobile entre ses deux oreilles.

—Waf! Waf! Waf! ajouta le petit chien.

Le prince se demandait à qui pouvait bien servir un si petit gant.  Il le prit, le regarda, le tourna en tous sens, le caressa du doigt et le trouva très doux.

—C'est un gant pour une princesse, dit le prince.  Et encore, il faudrait que cette princesse n'ait pas la main plus grande que ta petite patte, ajouta-t-il en souriant au petit chien gris.

Alors le petit chien gris pencha la tête un peu de côté puis tendit devant lui sa petite patte, sur laquelle se promenait la puce.  Le prince, par jeu, y enfila le petit gant.  Et soudain...  POUF! Un grand nuage de fumée envahit la chambre.  Le prince ne voyait plus rien, et puis la fumée lui piquait le nez et il avait envie d'éternuer!

Mais la fumée se dissipa très vite, et le prince vit que maintenant le petit chien gris était assis sur les genoux d'une princesse toute vêtue de gris, avec des cheveux couleur de sable et des yeux couleur de noisette.

—Bonjour, dit la princesse.

—Bonjour, répondit le prince intimidé.  Qui êtes-vous, belle dame?

—Je suis la princesse Perlette, dit la princesse.  Une mauvaise fée m'avait changé en puce...  Heureusement mon petit chien ne m'a jamais abandonnée.  Il m'a transportée sur lui pendant tout le temps où j'ai été ensorcelée.  Il m'a nourrie, réchauffée, promenée à travers le monde.  Pour que cesse le sort que m'avait jeté la mauvaise fée, il fallait que je trouve un prince qui m'enfile mon gant.

C'est ainsi que le tout petit prince de la rivière Verte, qui n'avait qu'un habit, qu'un manteau, qu'un chapeau, devint un grand prince.  Parce qu'il croyait que même les puces ont le droit de vivre, il a maintenant des ouvriers, un cheval, un serviteur, un château.

Je pense qu'il a trouvé aussi une princesse pour l'épouser, et un petit chien gris pour amuser les nombreux enfants qu'ils auront sans doute.

Quant à savoir si quelque part une bergère l'aime en secret, ça...  l'histoire ne le dit pas!
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Juillet 2013 à 09:32:49
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Le plus gros gros mot du monde

Il était une fois un petit garçon, qui s'appelait Oumbabayé. Qu'est-ce qu'il était beau ! Il était tout noir. Sa peau était aussi sombre qu'une nuit sans lune, il avait des yeux immenses, dans lesquels brillaient mille et une étoiles et des cheveux crépus, des cheveux plus frisés que la laine du mouton.

Un jour où Oumbabayé jouait devant sa case, il vit venir à lui un homme, sur la piste qui menait au village, un homme qui se traînait, qui se traînait, qui se traînait... Oumbabayé, intrigué, courut à lui et lui dit :

-Es-tu malade, l'homme, pour marcher ainsi ?

L'homme lui répondit :

-Oh pour la santé ça va, mais vois-tu, c'est moi qui l'ai, le plus gros gros mot du monde, et qu'est ce qu'il est lourd à porter. Je voudrais le confier un moment à quelqu'un, un bref instant, pour pouvoir me reposer et continuer mon chemin !

Oumbabayé, qui était un enfant gentil, et aussi curieux, comme tous les enfants, s'empressa... À peine l'homme lui eut-il confié le gros mot, le plus gros gros mot du monde, que l'homme se mit à courir, à courir, à courir, si vite que bientôt il n'était plus qu'un point, sur la piste s'éloignant du village !

Pauvre Oumbabayé ! Il se traînait dans la savane, quand il rencontra le dromadaire. Je vous parle d'un temps où le dromadaire avait le dos aussi plat que ma main. Le dromadaire lui dit :

-Es-tu malade, Oumbabayé, pour marcher ainsi ?

Oumbabayé lui répondit :

-Oh pour la santé ça va, mais vois-tu, c'est moi qui l'ai maintenant, le gros mot, le plus gros gros mot du monde, et je voudrais le confier à quelqu'un, un bref instant, pour pouvoir me reposer et continuer mon chemin !

À peine Oumbabayé lui eut-il confié le plus gros gros mot du monde, que le dromadaire qui avait le dos plat comme ma main, mais aussi très sensible, attrapa une bosse énorme. Il rendit le gros mot à Oumbabayé en lui disant :

-Tu peux le garder ton gros mot. Tu as vu l'effet que ça me fait ?

Et depuis, eh bien il l'est resté, bossu, le dromadaire !

Pauvre Oumbabayé ! Il se traînait dans la savane, quand il rencontra la girafe. Je vous parle d'un temps où la girafe avait un cou ridiculement court. La girafe lui dit :

-Es-tu malade, Oumbabayé, pour marcher ainsi ?

Oumbabayé lui répondit :

-Oh pour la santé ça va, mais vois-tu, c'est moi qui l'ai maintenant, le gros mot, le plus gros gros mot du monde, et je voudrais le confier à quelqu'un, un bref instant, pour pouvoir me reposer et continuer mon chemin. Veux-tu t'en charger ?

La girafe, qui était une girafe fière, hautaine, comme toutes les girafes, se monta du col, se monta du col, se monta du col. Elle dit à Oumbabayé :

-Pour qui me prends-tu ?

Et depuis, eh bien elle l'est restée, collet monté, la girafe !

Pauvre Oumbabayé ! Il se traînait dans la savane, quand il rencontra le crocodile. Le crocodile lui dit :

-Es-tu malade, Oumbabayé, pour marcher ainsi ?

Oumbabayé lui répondit :

-Oh pour la santé ça va, mais vois-tu, c'est moi qui l'ai maintenant, le gros mot, le plus gros gros mot du monde, et je voudrais le confier à quelqu'un, un bref instant, pour pouvoir me reposer et continuer mon chemin !

À peine Oumbabayé lui eut-il confié le gros mot, le plus gros gros mot du monde, que le crocodile, de savoir un mot pareil, ça lui fit un drôle d'effet. Ça le fit pleurer. Il rendit le gros mot, le plus gros gros mot du monde à Oumbabayé, en lui disant :

-Tu peux le garder ton gros mot. Tu as vu l'effet que ça me fait ?

Et depuis, eh bien il n'a jamais cessé de pleurer, le crocodile !

Pauvre Oumbabayé ! Il se traînait dans la savane, quand il rencontra l'hyène. L'hyène lui dit :

-Es-tu malade, Oumbabayé, pour marcher ainsi ?

Oumbabayé lui répondit :

-Oh pour la santé ça va, mais vois-tu, c'est moi qui l'ai maintenant, le gros mot, le plus gros gros mot du monde, et je voudrais le confier à quelqu'un, un bref instant, pour pouvoir me reposer et continuer mon chemin.

À peine Oumbabayé lui eut-il confié le gros mot, le plus gros gros mot du monde, que l'hyène, de savoir un mot pareil, ça lui fit un drôle d'effet. Ça la fit rire, mais rire, mais rire ! Elle rendit le gros mot, le plus gros gros mot du monde à Oumbabayé et lui dit :

-Tu peux le garder ton gros mot. Tu as vu l'effet que ça me fait ?

Et depuis, eh bien elle n'a jamais cessé de ricaner, l'hyène !

Pauvre Oumbabayé ! Il se traînait dans la savane, quand il rencontra le serpent. Je vous parle d'un temps où les serpents avaient des pattes. Le serpent lui dit :

-Es-tu malade, Oumbabayé, pour marcher ainsi ?

Oumbabayé lui répondit :

-Oh pour la santé ça va, mais vois-tu, c'est moi qui l'ai maintenant, le gros mot, le plus gros gros mot du monde, et je voudrais le confier à quelqu'un, pour pouvoir me reposer, un bref instant, et continuer mon chemin !

À peine Oumbabayé lui eut-il confié le gros mot, le plus gros gros mot du monde, que le serpent, de savoir un mot pareil, eh bien ça lui fit un drôle d'effet. Ça lui coupa les jambes ! Il rendit bien vite le gros mot, le plus gros gros mot du monde à Oumbabayé, en lui disant :

-Tu peux le garder ton gros mot. Tu as vu l'effet que ça me fait ?

Et depuis, eh bien il n'a jamais cessé de ramper sur le ventre, le serpent.

Pauvre Oumbabayé ! Il se traînait dans la savane, quand il rencontra la tortue. Je vous parle d'un temps où la tortue était bavarde, mais bavarde ! Elle passait son temps à dire du mal des uns, à dire du mal des autres. Et où elle courait vite, mais vite. Elle courait d'un côté pour dire du mal des uns, elle courait de l'autre pour dire du mal des autres ! La tortue lui dit :

-Es-tu malade, Oumbabayé, pour marcher ainsi ?

Oumbabayé lui répondit :

-Oh pour la santé ça va, mais vois-tu, c'est moi qui l'ai maintenant, le gros mot, le plus gros gros mot du monde, et je voudrais le confier à quelqu'un, un bref instant, pour pouvoir me reposer et continuer mon chemin !

À peine Oumbabayé lui eut-il confié le gros mot, le plus gros gros mot du monde, que de savoir un mot pareil, eh bien ça lui a fait un drôle d'effet, à la tortue. Ça lui a coupé la parole...


Comptine de la tortue.
Je suis la tortue qui chemine.

Je suis la tortue cheminant.

Si je ne dis rien, je n'en pense pas moins.

Si je ne dis rien, j'entends.

J'entends les vertes et les pas mûres.

J'entends les petits et les grands.

J'entends le discours des adultes.

J'entends le serment des jeunes gens.

J'entends le discours des adultes.

Et le rire des enfants.

Je suis la tortue qui chemine.

Je suis la tortue cheminant.

Si je ne dis rien, je n'en pense pas moins.

Si je ne dis rien, j'entends.

Le gros mot, le plus gros gros mot du monde, elle l'a gardé pour elle ! Depuis elle se traîne, elle se traîne, elle se traîne... Et si quelqu'un me demande ce qu'est le plus gros gros mot du monde, moi, je ne peux pas répondre. Il n'y a que la tortue qui le sait
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Juillet 2013 à 14:16:44
(http://img11.hostingpics.net/pics/741375cal.jpg)
Astrologie chinoise : La légende des 12 signes

Un jour, le Roi de la Montagne (le Tigre), le Roi des Mers (le Dragon) et le Roi des Oiseaux (le Phénix) se sont présentés devant l'Empereur de Jade, pour se plaindre d'être malmenés par les humains. L'Empereur de Jade décida donc de dédier dix animaux aux années du cycle lunaire ; ainsi, les gens, en pensant à leurs propres signes zodiacaux, seraient moins enclins à les maltraiter. Il ordonna donc aux trois Rois de rassembler tous leurs sujets, le lendemain à l'aube. Les premiers à se présenter devant l'Empereur seront les élus.

Au royaume du Roi de la Montagne, le chat, s'inquiétant de ne pouvoir se réveiller à temps pour se présenter à la porte du Sud, demanda au rat de l'appeler avant de partir. Le rat lui promit de ne pas l'oublier. Cependant, un peu avant l'aube, le rat, de peur que le chat ne le laisse à la traîne s'ils partaient ensemble, décida de se rendre en catimini au palais de l'Empereur de Jade.

A l'aube, l'Empereur demanda à l'un de ses ministres de se parer d'une feuille de papier et d'encre et de noter le nom de l'animal qu'il prononcerait. Ensuite, il cria aux visiteurs d'entrer. Comme chacun voulait absolument être le premier à pénétrer dans le palais, tous se ruaient vers la porte, provoquant ainsi un gigantesque bouchon.

Le rat pensait : « Avec ma petite taille, je ne pourrais jamais les pousser pour entrer ; par contre, j'aurais plus de chance en me faufilant entre leurs pattes ». C'est ce qu'il fit et devint ainsi le premier des signes du cycle lunaire.

Le buffle, en voyant le rat se glisser à l'intérieur, se senti vexé, n'ayant pas su utiliser sa force pour entrer dans le palais. A coup de cornes, il parvint enfin à s'introduire. L'Empereur de Jade dit : « Le buffle ».

Le tigre, en voyant cela, bondit par-dessus toutes les têtes massées devant la porte et se retrouva devant l'Empereur. Celui-ci déclara : « Le tigre est arrivé ! »

Le lièvre, conscient de sa petite force, prit exemple sur le rat. Il fut ainsi consigné dans la liste céleste.

Le dragon, voulant à tout prix faire partie des élus, dut faire une percée prodigieuse avec sa tête et sa queue. Son effort fut récompensé quand l'Empereur cria : « Le dragon ! »

Quant au serpent, aussi fin qu'une corde, il n'eut guère de mal à se glisser dans le palais.

Le cheval pris appui sur ses puissantes pattes arrière et accomplit un saut qui lui permit de franchir l'obstacle de la foule massée devant lui.

La chèvre, à l'aide de ses cornes et de sa petite corpulence, put également pénétrer dans le palais.

Le singe, en voyant autant d'animaux entrer, se gratta la tête, se pinça les oreilles, s'introduit à son tour en sautillant par-dessus les têtes des autres animaux.

Le coq commença à paniquer. « Il faut que je trouve un moyen d'entrer avant que le compte ne soit bon » se dit-il. Finalement, il y parvint à l'aide de ses ailes.

L'Empereur de Jade, en voyant les dix animaux, s'adressa à son ministre : « C'est assez ! » Celui-ci, un peu dur d'oreille, avait compris «chien» et nota chien dans son registre. (En chinois, assez et chien sont homophones). L'Empereur s'écria : « C'est suffisant ! ». Et le ministre comprit cohon. (En chinois, suffisant et cochon sont également homophones). C'est ainsi que le cochon fit partie des signes du zodiaque ! L'Empereur se tourna vers son ministre et lui arracha la liste céleste de ses mains. Il y compta douze animaux. Il déclara : « Tant pis, ce sera douze au lieu de dix ».

Ainsi naquit le cycle lunaire avec les douze animaux.

Epilogue

Le rat, ayant obtenu la tête de liste, se retourna tout content chez lui. En rentrant, il vit le chat en train de faire sa toilette. Le chat lui dit : «Ne devions-nous pas partir ensemble ?» Le rat lui rétorqua : «La sélection est finie, où veux-tu aller ?», «Pourquoi ne m'as-tu pas réveillé ?»; «Si je t'avais réveillé, je ne serais probablement pas en tête de liste à l'heure actuelle !» Le chat, en entendant cela, fut hors de lui ; et en une seule bouchée, avala le rat. Depuis ce jour, le rat est devenu l'ennemi du chat. C'est pourquoi chaque fois qu'un chat rencontre un rat, il lui court après pour le mordre.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Juillet 2013 à 09:28:30
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...La flûte et l'anneau enchantés (conte traditionnel d'Artois)

Une bonne femme faisait un jour son pain.
Il resta au fond de la maie un petit morceau de pâte.
Tiens, se dit-elle, si j'en faisais une galette pour mon fils Jeannot ! »
Et la femme prit un peu de beurre, le mêla à la pâte, ajouta deux oeufs et fit
une excellente galette toute dorée pour son fils Jeannot. Lorsque la galette fut
cuite, la bonne femme appela son fils et la lui donna en lui disant d'aller
jouer avec ses camarades.
Jeannot s'en alla sur la route, s'assit sur un rideau et se mit à manger sa
galette.
Une vieille femme passait justement sur la route.
« Bonjour, Jeannot, dit-elle. La bonne galette que tu manges ! Veux-tu m'en
donner un petit morceau ?
- Parbleu ! mais tout, si vous le voulez. Tenez, prenez-la.
- Tu es bien gentil, Jeannot ; je n'en veux que la moitié. »
Et lorsque la bonne vieille eut mangé sa part de galette, elle prit une bague et
une flûte et les donna à l'enfant en lui disant :
« Je ne veux pas être en reste avec toi. Tu m'as donné la moitié de ta galette
et je m'en suis bien régalée mais, en échange, prends cette flûte et cet anneau
merveilleux et garde-les avec soin, car ils pourront t'être de grande utilité
dans la vie. »
Jeannot remercia la fée, car c'en était une, et, dès qu'elle fut partie, essaya
de quelle utilité pouvaient lui être la bague et la flûte. A peine eut-il mis
l'anneau à son doigt qu'il se trouva petit, tout petit.
« Si au moins je pouvais me grandir de même ! » pensa Jeannot.
Et aussitôt il grandit, grandit et devint aussi gros qu'un moulin à vent ou
qu'une meule de foin.
Il ôta l'anneau et reprit sa taille naturelle. Puis il se mit à jouer de la
flûte enchantée, et grand fut son étonnement en voyant qu'autour de lui tout se
mettait à danser, à sauter en mesure de plus en plus fort.
« J'en sais assez, pensa Jeannot, pour faire mon tour de France.»
Et il prit le chemin de la ville.
Comme le soir de ce jour il traversait une forêt, des voleurs l'aperçurent et le
poursuivirent. Mais Jeannot se servit de sa bague merveilleuse et devint petit,
tout petit jusqu'à pouvoir se cacher sous une moitié de coquille d'oeuf.
Lorsque les voleurs l'eurent dépassé, Jeannot reprit sa taille ordinaire et s'en
alla par un autre chemin. D'autres voleurs le poursuivirent encore, et Jeannot
dut se cacher sous une feuille de chou où il passa la nuit.
Le lendemain, le jeune voyageur entra dans un château et y demanda
l'hospitalité. Les domestiques le conduisirent par-devant le seigneur, qui
n'était autre que le roi du pays avoisinant.
« Que veux-tu, jeune homme ? lui demanda le roi.
- A boire, à manger et à dormir, que cela vous plaise ou vous déplaise.
- Tu es un insolent, et je vais te faire rosser par mes valets.
- Je ne crains ni vous, ni vos valets. Je suis le plus puissant des nains et le
plus fort des géants. Voyez. »
Jeannot se fit immédiatement petit comme un moucheron, puis aussi grand que la
plus grosse tour du château, et le seigneur épouvanté lui fit servir un bon
dîner et lui donna une chambre et deux domestiques à ses ordres.
Le roi avait une fille extrêmement belle ; Jeannot la vit et l'aima. Il se
décida à la demander en mariage.
Le roi demanda à réfléchir quelques jours, puis, ce temps écoulé, il appela le
jeune aventurier.
« Je me suis promis, Jeannot, de ne marier ma fille qu'à celui qui m'aura donné
les plus grandes preuves d'adresse. Beaucoup de princes ont essayé ce que je
vais te proposer et n'ont pu réussir. Voici ce qu'il te faut faire pour avoir ma
confiance et obtenir la main de ma fille. Tu vas prendre douze lapins noirs et
douze lapins blancs que tu conduiras par les champs et par les bois sans les
attacher d'une façon ou d'une autre. Si tu ramènes les vingt-quatre lapins au
château lors du coucher du soleil, tu auras ma fille en mariage. Tu as compris ?
- Oui, oui. Je suis prêt à tenter l'épreuve. »
Jeannot prit les lapins et les conduisit dans les champs. Arrivés là, ils
auraient bien voulu s'échapper suivant leur fantaisie, mais Jeannot joua de sa
flûte et les obligea à danser de sorte qu'au coucher du soleil il les ramena
tous au château.
Le roi voulut essayer une seconde épreuve.
« Cette fois, je te donnerai ma fille si tu peux demain échapper au bourreau qui
devra te pendre dans la cour du château. Ce sera la dernière condition, je te le
jure. »
En effet, le lendemain on fit dresser une potence dans la grande cour du palais,
et le roi se mit au balcon pour regarder l'exécution de Jeannot. Au moment où le
bourreau allait lui mettre la corde au cou, le petit aventurier prit sa flûte,
joua, joua, tant et tellement que tous les assistants, depuis le roi jusqu'au
bourreau, faisaient des bonds prodigieux sans pouvoir s'en empêcher. Le roi se
vit obligé de demander grâce à Jeannot, qui épousa la princesse quelques jours
après. Le jeune homme fit venir sa mère au palais.
Quand le roi, son beau-père, mourut, Jeannot fut proclamé roi. Il vécut fort
heureux avec sa femme et il en eut de nombreux enfants.

Henry Carnoy, Contes français, 1885

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Juillet 2013 à 12:51:11
(http://img4.hostingpics.net/pics/599310toi.jpg)
L'oiseau et l'étoile

Il était une fois une étoile du ciel qui se demandait comment ce serait de marcher sur la planète qu'elle illuminait chaque nuit, ou comment ça serait le fait de marcher ou de sentir la brise sur la peau. Alors elle demanda à la Fée de la Lune de la transformer juste pour  un jour en un oiseau pour ainsi pouvoir sentir la liberté de voler sur le firmament, de jouir de la beauté de cette planète et de sentir la terre sous ses pieds.

La Fée de la Lune lui concéda son vœu et la première sensation que l'étoile ressentit, une fois changée en oiseau, fut celle d'avoir perdu sa lumière, cependant, son instinct animal l'orientait.

L'étoile-oiseau savoura pour la première fois le plaisir du vol de la liberté, le plaisir de se laisser aller à la merci du vent, sans battre des ailes, simplement,  en les maintenant dépliées et immobiles pour se rendre aux caprices du mouvement du courant d'air. L'actuel oiseau connut ce qu'était traverser un nuage et sentir l'agréable sensation de la chaleur des rayons du soleil qui brouille son âme animale.

-Oh ! Je peux chanter ─dit l'étoile-. Quel trille si charmant et mélodieux sort de moi !

Et avec sa belle chanson, l'étoile désormais convertie en oiseau, parcourut sans s'arrêter de chanter et piailler les collines et les vallées, pendant qu'elle se laissait séduire par la beauté naturelle de notre planète. Un oiseau au bel plumage s'approcha de lui et lui demanda s'ils pouvaient partager le vol en cette aventure et tous deux continuèrent à sillonner les cieux.

Les deux oiseaux commencèrent à avoir soif et se posèrent près de la rivière pour étancher leur soif.

L'eau  parût  si légère, glissante et cristalline  à l'oiseau ! Il la savourait et la regardait émerveillé. A partir de l'univers il était impossible jouir de la sensation de fraîcheur de l'eau.

L'autre oiseau lui demanda le pourquoi de cette surprise et expectation pour quelque chose de si naturelle comme l'eau, mais il n'obtint pas de réponse. Ils continuèrent leur envol et il se mit à tomber une fine pluie. Les minuscules gouttes traversaient leurs plumes et arrivèrent à leurs peaux. La chair de poule parcourut l'étoile désormais devenue oiseau.

-On dirait que tu es en train de trembler ─lui dit son nouvel et unique ami sur terre-. Je ne comprends pas pourquoi quelques fines gouttes de pluie t'affectent autant...Mais, à nouveau, pas de réponse.

Les oiseaux continuèrent à voler et la pluie cessa. L'arc-en-ciel trônait le ciel, et encore une fois l'oiseau fut fasciné devant autant de beauté de la sublime combinaison de couleurs que le firmament portait.

-Oh, que c'est beau ! ─ s'exclama-t-elle.

-Oui, ça me plaît aussi ─lui dit son ami- mais je ne crie pas de satisfaction chaque fois que je le vois. On croirait que tu n'es  pas terrien- affirma-t-il. Mais encore une fois, pas de réponse.  

-On va au nid? ─lui demanda-t-il- Pourquoi ne réponds-tu pas ? Où est le tien ? Une fois de plus pas de réponse. Simplement ils continuèrent à voler. Ils se dirigèrent vers une contrée naturelle où d'autres espèces animales paissaient tranquillement dans les pâturages. Subitement, un banc de brouillard s'installa dans ce lieu et un froid humide commença à leurs transpercer les os. De manière que les deux oiseaux devaient s'abriter dans leurs nids.

-Allons dans le mien ! ─dit le nouvel ami de l'oiseau-étoile.

Dans le nid, ils se placèrent l'un à côté de l'autre pour ainsi se transmettre la chaleur corporelle et cette nouvelle et inconnue sensation transmit tiédeur et sécurité à l'oiseau venu de l'Univers jusqu'à ce qu'il soit paisiblement endormi...

La Fée de la Lune le réveilla.

-Tu ne te rappelles pas que tu dois rentrer dans l'univers ?  ─lui demanda la Fée.

-Si, mais je suis si heureux ici...─lui répondit-il, pendant que son ami continuait à dormir.

-Tu appartiens au ciel étoilé ─lui dit la Fée-. Ta lumière ne te manque pas ? ─lui demanda-t-elle.

-Si, mais ici je peux sentir le battement de mon cœur et je vis en mouvement avec le moment présent qui me caresse l'âme ─dit  l'oiseau à la Fée.

Rappelle-toi que tu avais promis d'y retourner ─prévint la Fée à l'oiseau.

Alors l'autre oiseau se réveilla et l'oiseau-étoile lui raconta toute la vérité.

-Rentre ─dit l'oiseau à l'oiseau-étoile-. Moi je continuerai à voler près de toi dans le ciel étoilé. Nous partagerons les nuits et tu m'illumineras avec ta lumière stellaire.

-Ce ne sera pas pareil ─lui dit triste, l'oiseau-étoile.

-Bien, au moins tu seras là toutes les nuits et ta lumière me guidera toujours. Tu seras ma boussole.

Sur la joue de l'oiseau-étoile coula une larme et, de cette façon, elle connut l'amère saveur de la tristesse. Mais la larme commença à se transformer en lumière et la lumière commença à entourer l'oiseau-étoile qui se mit à battre ses ailes vers le firmament, qui, amoureusement l'attendait...Subitement, elle recouvra sa forme cosmique originaire et s'éleva avec la Fée de la Lune, en disant au revoir à son ami oiseau.

On raconte que toutes les nuits un oiseau après avoir parcouru le ciel, tout en suivant une boussole cachée dans un endroit retiré, murmure à une étoile une belle trille à l'aube...


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Juillet 2013 à 08:24:14
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La poupée de Sgödi

Trois fillettes du village de Sgödi, la fille du charpentier, celle du tailleur et celle du magicien mirent le nez à la fenêtre, virent les grosses gouttes s'écraser sur le sol et se demandèrent comment elles allaient passer ce jour de pluie. La fille du charpentier proposa : « J'irai sous le vieux tilleul, je couperai une branche, je la taillerai et j'en ferai une poupée!» - «Bonne idée, renchérit la fille du tailleur, et que ce soit un petit bonhomme. Je coudrai un bel habit pour lui et l'en revêtirai. » La troisième réfléchit longuement: « Et moi, dit-elle enfin, j'irai chercher la baguette magique de mon père et donnerai vie à cette poupée. » Elles se mirent aussitôt à l'œuvre. La branche fut détachée du tronc, écorcée et sculptée. Elles en firent un ravissant bonhomme avec des yeux faits de deux raisins de Corinthe et une rangée de têtes d'épingles rouges plantées dans le bois en guise de bouche. Rien n'y manqua, nez et oreilles, ni même la pomme d'Adam... La petite couturière prépara son aiguille. Dans un chiffon, on tailla une mignonne culotte de toile blanche. On borda le frac de soie verte d'une bande de fourrure et on garnit le petit chapeau d'une plume de duvet.
Finalement, la fille du magicien arriva et s'écria en brandissant le bâton magique de son père: « Dans un instant, le petit homme bougera. »
-Les trois fillettes retinrent leur souffle, cependant que la baguette magique touchait la poupée. On entendit un léger grésillement semblable à celui d'un feu qu'on allume. Et le bonhomme de bois commença à se mouvoir, étira ses membres, se dressa lentement puis bondit sur les genoux de la fille du tailleur. « Bonjour, Mesdemoiselles », dit-il gentiment. Les trois fillettes poussèrent un cri de surprise. Alors le minuscule bonhomme s'inclina si bas que les pans de son frac voltigèrent. Il souleva poliment son chapeau et se montra si aimable que les trois enfants s'habituèrent aussitôt à sa présence. La fille du magicien demanda: «Comment t'appelles-tu?» - « Branche de tilleul! » répondit-il d'une voix claire. « Et à qui appartiendras-tu ? » s'enquit la fille du charpentier. « A vous trois, aussi longtemps que vous vivrez en bonne intelligence. »

A l'instant, elles convinrent que Branche de tilleul passerait une semaine dans la famille du charpentier. La deuxième semaine, il serait l'hôte du tailleur, la troisième celui du magicien. Les enfants vécurent des heures délicieuses en sa compagnie. On riait, on plaisantait à journée faite. Branche de tilleul était aussi bon acrobate qu'adroit danseur de corde. Les fillettes le serraient sur leur cœur, le cajolaient et l'embrassaient à qui mieux mieux. L'une le baigna, quand cela fut nécessaire, une autre le peigna et la troisième brossa ses habits. Le soir, à l'heure du couvre-feu, il se laissait border dans un petit lit qu'on balançait doucement, et chacune lui chantait une berceuse. Les papas des fillettes furent enchantés car le petit bonhomme devint bientôt un vrai lutin qui aida le charpentier en rabotant avec ardeur, le tailleur en cousant deux fois plus vite que lui, et le magicien qui put rester tranquillement assis dans son fauteuil, car Branche de tilleul exerçait la magie beaucoup mieux que lui. Bref, il se montrait en toute circonstance un joyeux compère et n'était jamais ni grognon ni maussade. Cette vie merveilleuse aurait pu durer longtemps si la fille du tailleur, volontiers querelleuse, n'avait affirmé un jour : « C'est moi que Branche de tilleul aime le mieux ! » Mais la fille du charpentier répliqua aussitôt : « Non, c'est moi qu'il préfère. Ne l'ai-je pas créé avec du bois, n'a-t-il pas dans la bouche les têtes de mes épingles et ses yeux bruns ne viennent-ils pas de mes raisins de Corinthe ? » A son tour, la petite magicienne, piquée au, vif, s'écria: a Et qui lui a donné la vie ?:» Mais la fille du tailleur trancha: « Ta ta ta... c'est sur mes genoux qu'il a sauté et non sur les vôtres. » Et, repoussant ses compagnes, elle prit Branche de tilleul dans ses bras comme elle l'aurait fait avec un petit chat. Alors les deux autres fillettes, furieuses, la saisirent aux cheveux et l'arrachèrent de sa chaise. Ce fut une vraie bataille. On se griffa et se mordit si bellement que le petit bonhomme, épouvanté, se réfugia sur le miroir suspendu à la paroi et versa des larmes amères, car il souffrait dans son cœur d'être la cause d'une si méchante querelle.

Sur ces entrefaites, le charpentier, alerté par le bruit, arriva pour prêter main forte à sa fille. « Prenez la porte ! cria-t-il aux autres, Branche de tilleul est mon compagnon! » Mais déjà le tailleur accourait en brandissant ses ciseaux. Il hurla : « Le petit bonhomme m'appartient, il est en apprentissage chez moi. » Le magicien, lui aussi, revendiquait Branche de tilleul. Par précaution, il avait amené avec lui des voisins armés. En les voyant, le charpentier et le tailleur appelèrent également à leur aide des hommes munis de piques, de glaives, de hallebardes, si bien que trois troupes en armes se trouvèrent face à face. La plupart des hommes avaient même apporté des vivres pour trois jours car on pensait que la lutte serait longue.
La bataille devait avoir lieu sous le vieux tilleul qui avait fourni la branche. Mais, dès que le signal fut donné, un éclair tomba du ciel et frappa l'arbre qui se fendit. D'un bond géant, le petit bonhomme sauta par-dessus les tètes de centaines d'hommes et disparut dans la fente béante qui, aussitôt, se referma sur lui. Les guerriers, stupéfaits, ouvrirent de grands yeux, puis déposèrent les armes en disant : « Puisque Branche de tilleul est parti, il n'y a plus de bataille qui tienne ! ... » et ils poussèrent un soupir de soulagement. Mais les trois fillettes déplorèrent la perte du gentil compagnon de leurs jeux et projetèrent de tailler plus tard pour chacune un autre petit bonhomme afin de ne plus jamais se quereller.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Juillet 2013 à 09:15:15
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Le prince orphelin

Si vous ne dormez pas, écoutez mon histoire.  C'est l'histoire d'un petit prince orphelin à qui son père, le roi Lambert, en mourant, n'avait laissé qu'un bâton plié en deux, une demi-coquille de noix de coco et une petite chatte au poil jaune.

Le petit prince était bien malheureux.  Après la mort de son père le roi, un méchant ministre appelé Maltorne l'avait mis à la porte du château :

—Ouste! dehors, le petit prince.  Emporte avec toi ton sale chat, ton bâton croche et ta moitié de noix.  Et ne t'avise pas de revenir, sinon je te fais couper la tête!

Le petit prince n'avait ni frère, ni sœur, ni oncle, ni tante, et il n'avait plus de père.  Quant à sa mère, il ne l'avait jamais connue : elle était morte en lui donnant la vie.  Il s'en alla donc la tête basse, la demi-noix de coco dans sa main droite, le bâton courbé dans sa main gauche et la petite chatte à poil jaune sur ses talons.

Il marcha longtemps droit devant lui, longtemps, longtemps.  Il traversa des champs de blé et des champs d'avoine, des ruisseaux et des savanes, des collines et des vallons.  Au soir tombant, il arriva au pied d'une montagne couverte d'arbres majestueux.

Le petit prince était bien fatigué, car il avait marché très loin malgré ses petites jambes.  Et il avait grand-faim, malgré sa tristesse.  Il s'assit sur un tronc de bouleau, et dit à haute voix :

—Je suis bien fatigué et j'ai grand-faim.  La nuit va venir bientôt et je vais avoir froid.  Qu'est-ce que je vais faire?

Et, prenant son visage dans ses mains, le petit prince se mit à pleurer.  L'une de ses larmes tomba dans la moitié de noix de coco et alors...  Merveille!  Une bonne odeur monta au nez du petit prince.  Quand il regarda à ses pieds, il vit que la noix de coco débordait de viandes délicates, de légumes appétissants et de toutes sortes de mets délicieux.  Le petit prince mangea jusqu'à plus faim, et donna les restes à sa chatte.

—Ouf!  J'ai mangé comme un grand prince, dit le petit prince.  Maintenant je m'étendrais bien sur un bon lit, avec une bonne couverture pour me protéger du froid.

À peine eut-il dit ces mots que le bâton plié en deux s'allongea, s'élargit, et bientôt forma un petit lit bien confortable.  La demi-noix de coco roula jusqu'à la tête du lit et prit la forme d'un oreiller.  La petite chatte se gratta l'oreille, et une touffe de poils jaunes s'envola jusqu'au lit et s'agrandit, s'élargit, s'épaissit jusqu'à devenir une moelleuse couverture.

Le petit prince se coucha sur le lit, la petite chatte se coucha au pied du lit, et tous deux s'endormirent sous les étoiles qui commençaient à s'allumer.

Quand le petit prince s'éveilla, il s'aperçut qu'il avait dormi longtemps, très. très longtemps.  Tellement longtemps qu'en se passant la main sur le menton, il sentit qu'il lui était poussé de la barbe!  Ses vêtements étaient devenus bien trop petits : sa chemise avait craqué dans le dos, son pantalon lui montait à mi-jambe, et les orteils lui sortaient par le bout décousu de ses souliers.

Il alla se mirer dans un ruisseau qui coulait près de là, et fut étonné de voir un grand jeune homme habillé comme un mendiant et barbu comme un savant.

Quand il revint du ruisseau la petite chatte au poil jaune, le bâton courbé et la demi-coquille de noix de coco l'attendaient, tout pareils à ce qu'ils étaient quand il les avait reçus de son père mourant.

—J'ai grand-faim! dit le prince en regardant la demi-noix de coco.

Mais la demi-noix de coco resta une demi-noix de coco.

—Je voudrais bien m'allonger un peu! essaya le prince en regardant le bâton courbé.

Mais le bâton courbé resta un bâton courbé.

—Et toi non plus, tu ne peux rien pour moi? demanda le prince en caressant la chatte.

La petite chatte jaune ne bougea pas une patte...

—Il faudra donc que je me débrouille pour manger, m'habiller, m'abriter.  Il faudra que je me débrouille tout seul, dit le prince.

Alors il vit venir, sur la route du sud, un grand cheval monté par un beau soldat avec un sabre au côté et un chapeau à plume sur la tête.

—Bonjour, dit le prince.

—Qui es-tu pour me parler ainsi? demanda le soldat avec une grosse voix.  Je n'ai pas l'habitude de fréquenter les mendiants en guenilles plantés au bord des routes!

—Je ne suis pas un mendiant, répondit le prince.  Et vous, qu'est-ce que vous êtes?

—Je suis un soldat, ça se voit, non?  Je suis le plus beau soldat du roi Maltorne.  Regarde mon grand cheval, mon sabre et mon chapeau à plume!

—Je voudrais bien être soldat moi aussi, dit le petit prince à voix basse.  Et qu'est-ce que ça fait, un soldat?  continua-t-il à voix haute.

—Ça fait la guerre! répondit le soldat en riant.  Puis, piquant ses éperons dans les flancs du cheval, il partit dans un nuage de poussière.

—Qu'est-ce que c'est que la guerre? cria le prince... mais le soldat était déjà trop loin, et ne l'entendit pas.

Alors le prince regarda sa chatte, son bâton et sa demi-coquille de noix, et répéta :

—Je voudrais bien être soldat, avec un grand cheval, un long sabre et un beau chapeau à plume.

Mais la petite chatte se contenta de miauler joyeusement, la demi-coquille de noix ne se changea pas en chapeau à plume et le bâton courbé resta un bâton courbé.

—Il faudra donc que je me débrouille pour manger, m'habiller, m'abriter, dit le prince.  Il faudra que je me débrouille tout seul...

Alors il vit venir sur la route du sud un riche marchand assis dans une calèche tirée par une belle jument.

—Bonjour, dit le prince.

—Qui es-tu pour me parler ainsi? demanda sévèrement le marchand.  Je n'ai pas coutume de lier conversation avec les mendiants qui traînent au bord des routes!

—Je ne suis pas un mendiant, répondit le prince.  Et vous, qu'est-ce que vous êtes?

—Je suis un marchand, bien sûr!  Et un riche marchand.  Je suis le plus riche marchand du royaume de Maltorne.  Regarde ma jument de course, ma calèche légère, et ma bourse pleine d'or...

—Je voudrais bien être marchand moi aussi, dit le petit prince à voix basse.  Et qu'est-ce que ça fait, un marchand?  continua-t-il à voix haute.

—Ça fait des affaires! répondit le marchand sans rire.  Puis, d'un claquement de langue, il lança sa jument au grand trot et s'éloigna dans un nuage de poussière.

—Qu'est-ce que c'est, les affaires? cria le prince... mais le marchand était déjà trop loin pour l'entendre.

Alors le prince caressa sa chatte, prit sa demi-coquille dans sa main droite et son bâton courbé dans sa main gauche, et dit :

—Je voudrais bien être marchand, avec une jument de course, une calèche légère et une bourse pleine d'or.

Mais le bâton resta bâton, la demi-coquille ne se changea pas en calèche et la petite chatte ne miaula même pas.

—Il faudra donc que je me débrouille pour manger, m'habiller, m'abriter, soupira le prince.  Il faudra que je me débrouille tout seul...

Alors il vit venir sur le chemin du sud un vieux bonhomme avec une grande barbe blanche, un sac sur l'épaule et une canne sur laquelle il s'appuyait pour marcher.

—Bonjour, dit le prince.

—Bonjour mon prince, répondit le vieux bonhomme.

—C'est vrai que je suis un prince, fit le prince tout surpris.  Et vous, qu'est-ce que vous êtes?

—Je suis un mendiant; ça se voit, non?  Regarde ma besace, ma canne pour soutenir mes pas et ma grande barbe blanche...

—C'est donc ça un mendiant? se dit le prince à voix basse.  Et qu'est-ce que ça fait, un mendiant?  continua-t-il à voix haute.

—Ça demande la charité, répondit le mendiant.

—Et c'est quoi, la charité? demanda le prince.

—La charité, répondit le mendiant en caressant sa barbe blanche, c'est quand on donne.

—Ah!...  je voudrais bien vous donner la charité, dit piteusement le prince, mais je n'ai rien, je ne sais même pas comment je vais manger, m'habiller, m'abriter...

—Tu as une petite chatte, une demi-coquille de noix et un bâton courbé, remarqua le mendiant.

—C'est vrai, dit le prince.  C'est tout l'héritage que j'ai reçu de mon père, le roi Lambert.  Si je te les donne, je n'aurai plus rien du tout!

—Alors tu deviendras un mendiant, dit le mendiant.  Tu te tiendras au bord des routes et tu demanderas la charité aux passants.

—J'aurais préféré devenir soldat, ou riche marchand, dit le prince à voix basse.  Mais je ne sais pas ce que c'est que la guerre, ni ce que c'est que les affaires.  Tandis que la charité, je sais maintenant ce que c'est.  Alors je veux bien devenir mendiant.  Tiens, vieil homme, continua-t-il à voix haute, voici mon bâton courbé, il remplacera ta canne si jamais elle se brise.  Je te donne aussi ma demi-coquille de noix.  Quant à ma petite chatte, elle ne reste avec moi que parce qu'elle le désire.  Alors elle partira avec toi seulement si elle accepte de te suivre.

Le vieil homme mit la demi-coquille de noix dans sa besace, prit le bâton courbé, et s'en alla.  La petite chatte le suivit.

Et le prince resta tout seul sur le bord de la route.

—Maintenant je sais comment faire pour manger, m'habiller, m'abriter, se dit-il tristement.  Je n'ai qu'à demander la charité aux passants...

Il s'assit sur une pierre et attendit.  Bientôt, par la route du nord, il vit revenir le soldat.  Mais plus de chapeau à plume, plus de sabre au côté, plus de grand cheval!  Le soldat marchait tête nue, en boitant.  Il avait ses habits tout déchirés, il était couvert de poussière et de sang.

—Bonjour! dit le prince.

—Bonjour, dit le soldat; bonjour, mon prince.

—Mais où sont votre cheval, votre grand sabre et votre beau chapeau à plume? demanda le prince.

—C'est que j'ai perdu la guerre, répondit le soldat.  J'ai tout perdu, je suis bien malheureux.

Et le soldat continua tristement sa route.

—Je n'ai pas osé lui demander la charité, pensa le prince.

Il se rassit sur sa pierre et attendit.

Bientôt le prince vit revenir le marchand.  Mais plus de calèche, ni de belle jument, ni de bourse pleine d'or : le marchand se traînait péniblement, ses habits tout déchirés, son corps couvert de plaies et de bosses.

—Bonjour, dit le prince.

—Bonjour, dit le marchand; bonjour, mon prince.

—Mais où sont votre calèche légère, votre jument de course et votre bourse pleine d'or? demanda le prince.

—C'est que j'ai fait de mauvaises affaires, dit le marchand.  J'ai perdu mon or, puis j'ai vendu ma jument et ensuite ma calèche.  Mais comme je n'avais pu payer toutes mes dettes, les autres marchands m'ont battu.  Je suis bien malheureux.

Et le marchand continua tristement sa route.

—Je n'ai pas osé lui demander la charité, pensa le prince.

Il se rassit sur sa pierre et attendit encore.  Il attendit longtemps.  Puis il vit venir à lui, sur la route du nord, un cortège imposant : il y avait de beaux soldats montés sur de grands chevaux, et plusieurs riches marchands dans des calèches légères, et, dans un carrosse bleu, un beau vieillard à barbe blanche vêtu de magnifiques habits.  À ses côtés souriait une belle jeune fille aux cheveux d'or.

—Bonjour, dit le prince.

—Bonjour, dit le vieillard en arrêtant le cortège d'un geste de la main.  Qui es-tu, toi qui oses m'adresser la parole?

—Je suis un mendiant, répondit le prince.  J'aurais voulu être soldat, ou marchand, mais je ne savais pas ce que c'était que la guerre ni ce que c'était que les affaires.  Puis j'ai appris ce que c'était que la charité, alors je suis devenu mendiant.

—Et tu es content d'être mendiant? demanda le vieillard.

—Je pense que oui, dit le prince.  Voyez-vous, j'ai vu ce qui arrivait aux soldats qui font la mauvaise guerre et aux marchands qui font les mauvaises affaires.  Alors j'aime mieux demander la charité.  Me donnerez-vous de quoi manger, m'habiller, m'abriter, mon beau vieillard?

Le vieillard descendit de son carrosse et s'approcha du prince.

—Ne me reconnais-tu pas? demanda-t-il.

—Bien sûr! s'exclama le prince.  Vous êtes celui à qui j'ai donné mon bâton, ma demi-noix de coco et ma petite chatte au poil jaune...

—Je t'avais demandé la charité et tu m'as donné tout ce que tu possédais, dit le vieillard.  Alors demande maintenant ce que tu veux.  Veux-tu la gloire du soldat?  Veux-tu la richesse du marchand?

—Non, dit le prince; je n'aime pas la guerre ni les affaires.  Si vous n'en avez plus besoin, je voudrais bien ravoir mon bâton courbé, ma demi-coquille de noix et ma petite chatte : c'est tout ce que mon père m'avait laissé...

—Tu as bien choisi, dit le vieillard.  Toi qui étais un pauvre prince dépouillé de son royaume, tu as donné tout ce que tu possédais pour me faire la charité alors que tu ne voyais en moi qu'un vieux mendiant.  Sache que je suis le Roi des génies.  Les fées, les elfes, les lutins et tous les magiciens tiennent de moi leurs pouvoirs.  Voici ton bâton courbé...

À ces mots le vieillard fit un geste, et toute la troupe des soldats disparut; à la place, il ne resta que le bâton plié en deux.  Puis il fit un autre geste et les soldats réapparurent.  Mais le bâton ne disparut pas; il devint une épée richement ornée, que le vieillard tendit au prince :

—Cette épée, continua le vieillard, c'est le signe de ta puissance.  Va dans le royaume de ton père, prince Lambert, et fais régner la paix.

Puis le vieillard dit encore :

—Voici ta demi-coquille de noix de coco...

Il fit un geste, et la troupe des riches marchands disparut; à la place, il ne resta que la demi-coquille de noix de coco.  Puis il fit un autre geste, et les marchands réapparurent.  Mais la demi-coquille de noix de coco ne disparut pas : elle devint une couronne brillante de diamants, d'émeraudes et de rubis, que le vieillard posa sur la tête du prince.

—Cette demi-coquille de noix, c'est le signe de ta richesse.  Va dans le royaume de ton père, prince Lambert, et fais régner la prospérité.

Enfin le vieillard dit :

—Voici ta petite chatte au poil jaune...

Il fit un geste, et la belle jeune fille aux cheveux d'or disparut; à la place, il ne resta que la petite chatte au poil jaune, qui miaula joyeusement.  Le vieillard fit un autre geste et la belle jeune fille réapparut.  Mais la petite chatte ne disparut pas : elle continua de miauler joyeusement en regardant tour à tour le prince et la jeune fille.

—Cette jeune fille, c'est la princesse Harmonie, ma fille bien-aimée, à qui je cherchais depuis quelque temps un prince digne d'elle.  Si tu veux l'épouser, amène-la avec toi dans le royaume de ton père, et faites régner l'amour et le bonheur.

—Elle partira avec moi seulement si elle le désire, murmura le prince en rougissant.

À ces mots, la princesse aux cheveux d'or descendit du carrosse et vint en souriant mettre sa petite main dans la main du prince.  Tous les marchands se mirent à applaudir.  Tous les soldats criaient très fort « Vivent le prince Lambert et la princesse Harmonie!  Vivent notre princesse et son prince! »  Et le beau vieillard qui était le Roi des génies, qui régnait sur les fées, les elfes, les lutins et tous les magiciens, les regarda d'un air attendri puis disparut tranquillement, comme disparaît un rêve, quand on s'éveille.

Et la petite chatte au poil jaune tournait autour des amoureux en miaulant joyeusement...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Juillet 2013 à 08:35:20
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Airelle et Myrtil

Lorsque Airelle, conduisant les chèvres, arriva à l'orée du bois, elle entendit de grands coups ! hhan ! hhan ! hhan ! suivis de craquements.
Elle s'avança un peu pour voir ce que cela voulait dire : elle aperçut un homme qui, de sa hache, frappait sans trêve un vieil arbre touffu : hhan !
"Oh, là ! Messire, s'écria-t-elle, vous allez abîmer le roi des chênes.
- Le roi des chênes est un chêne, et c'est du bois de chêne que je veux.
- Il ne manque pas, Messire, de chênes morts qu'on peut abattre sans regrets.
- Ma petite fille, c'est un arbre vivant, robuste et nerveux que je veux."
Et l'homme se mit de nouveau à frapper : hhan !
"Oh, là ! Messire, vous allez faire tomber le nid du rossignol : c'est le roi des chanteurs.
- Le rossignol fera son nid ailleurs, et cet oiseau-roi ne m'intéresse pas avec ses romances inutiles ; je lui préfère une belle oie grasse."
Et l'homme se mit de nouveau à frapper : hhan !
"Oh, là Messire, fit Airelle une trosième fois, vous oubliez que cette forêt est le domaine du roi. Il ne sera pas satisfait de voir abattre son grand chêne sous l'ombre duquel il s'assied.
- Chacun s'assoiera à son tour, lui dessous, moi dessus, et, si le roi n'est pas satisfait, qu'il vienne me le dire ; je m'en moque et j'en ris et, tu pourras lui répéter, je lui prendrai tout son gibier et tout son bois si ça me plaît, foi de Bracco !"
Et l'homme se mit de nouveau à cogner dur : hhan ! hhan ! hhan !
Devant tant d'insolence, Airelle irritée ne dit plus rien ; songeuse, elle mena paître ses biquettes blanches, et le bruit des coups tout le jour l'attrista : hhan ! Le soir vint ; dans le couchant, Airelle entendit le son du cor et bientôt elle vit une troupe de seigneurs au trot alerte de leurs chevaux, escortant le roi et son neveu le prince Myril. Ils passèrent dans la poussière, aux sons de la fanfare : tonton, tontaine et tonton ; mais, quand ils arrivèrent au grand chêne pour faire halte, ils firent de grands cris indignés. Ils revinrent sur leurs pas et le roi s'adressa à Airelle :
"Bonjour, pastourelle, ma mie, n'as-tu  point vu l'audacieux qui abattit le roi des chênes ?
- Salut, Sire, fit Airelle, si, je l'ai vu et menacé de votre colère, mais l'insolent m'a répondu qu'il s'en moquait, foi de Bracco.
- Ah ! ah ! c'est ce Bracco, c'est ce voleur, ce sacripant qui tue mes cerfs et qui me raille. Hardi, Seigneurs, sus au forban ! Et toi, fillette, merci. Si, grâce à toi, je le rattrape et le punis, tu auras la plus belle récompense que tu puisses rêver."
Au galop le roi s'élança, suivi de son neveu, le prince Myrtil, et de ses chevaliers.
... Bracco est déjà loin ; il a emporté le roi des chênes au coeur mystérieux de la forêt, dans un taillis inconnu, son repaire, où nul ne peut le retrouver.
A la place du grand chêne, il ne reste que quelques branches éparses et, parmi les feuilles déchiquetées, le nid du rossignol gît sur le sol.
Airelle doucement le ramasse, l'emporte et le pose dans un cerisier rose de son jardinet. La nuit est venue, Airelle s'endort.
Mais voici que, dans l'ombre adoucie par les étoiles, le rossignol de met à chanter : rititi, tititi... une chanson si pure et si mélodieuse qu'Airelle se réveille ; pour le mieux entendre, elle se met à la fenêtre.
L'oiseau alors saute de la branche voisine, vient se poser tout près d'Airelle et, comme elle le regarde émerveillée, elle s'aperçoit tout à coup... que c'est un tout petit page, vêtu de gis, tenant en main une mandoline dont il s'accompagne : rititi, tititi... et si petit qu'on dirait un oiseau.
"Bonsoir Airelle, chante Rossignolet ; puisque te voilà si gentille et si bien éveillée, prends ta cape de bure et tes sabots de bois léger, je connais la forêt et je sais le repaire où se cache le voleur que le roi veut punir. Viens, Airelle, avec moi, ma chanson te guidera."
Airelle prit sa cape, ses sabots, descendit les trois marches du seuil ; il faisait sombre :
"Rititi, tititi !" De sa chanson, Rossignolet la guidait. Après une longue marche, elle arrive ainsi à une grande clairière.
"Chut, fit Rossignolet, regarde, mais point de bruit."
Airelle, dans un rayon de lune, vit l'homme qui se balançait en cadence, poussant, tirant une grosse lame déchiquetée, faisant des planches avec le roi des chênes.
Puis il prit un maillet et des clous : toc, toc, il se hâtait. Bientôt il y eut une grande table dressée sur la terre.
"Partons", fit Rossignolet.
Airelle revint sur ses pas jusqu'à sa demeure et dormit jusqu'au jour. La nuit suivante, elle dormait : Rititi, tititi. Rossignolet l'éveilla ;
"Prends ta cape de bure et tes sabots de bois léger."
Quand ils arrivèrent à la clairière, l'homme taillait et frappait : toc, toc ; il acheva bientôt un banc, puis un autre, et les plaça des deux côtés de la table.
Et, la nuit suivante, quand Airelle arriva avec Rossignolet, l'homme posait sur la table des plats d'étain luisant chargés de gibiers de toutes espèces, avec, au centre, un grand surtout rempli de pommes.
"Ah ! ah ! fit-il en ricanant, si le roi n'a plus de gibier, j'en ai de reste pour traiter mes amis ; si ses pommiers n'ont que des feuilles, c'est que leurs fruits sont sur ma table !"
Il s'éloigna pour aller quérir ses invités. Rossignolet dit alors à Airelle :
"Souviens-toi, Airelle, qu'il a voulu du bois nerveux, solide, vivant pour ses oeuvres, et, bien que son voeu soit exaucé, le bois vivra."
Airelle, stupéfaite, voit alors la grande table qui, sur ses quatre pieds, se met à marcher l'amble comme un cheval de tournois et les deux bancs l'escorter sur leurs pieds courts ainsi que deux bassets de Poméranie."
"En route ! Airelle, fit Rossignolet, guidons-les vers le bon chemin."
L'oiseau chantait : rititi, tititi ; Airelle allait, la table marchait, les bancs suivaient, tout s'enfonça dans la forêt.
...Cependant le roi, bouillant de colère, depuis trois jours battait les bois sans rencontrer Bracco, ne voulant pas revenir au palais avant d'avoir lavé l'injure.
Suivi de ses gentilshommes, accompagné de son neveu Myrtil, il galopait, sans répit, laissant à peine les montures lamper au passage une gorgée à la source jaillissante ou happer une pousse de taillis verdissant : Bracco devenait introuvable.
Las enfin, et la rage atténuée par cette chevauchée, le roi s'apprêtait tout de même à rentrer à son logis quand il s'arrêta un peu sur la route du retour.
"Hélas ! fit-il, il nous faut revenir avec notre affront et notre peine ; si nous avions eu quelque bonne table bien servie, du moins aurions-nous pu poursuivre nos recherches !"
A ce moment Airelle arrivait ; sur ses cheveux Rossignolet était posé.
"Sire, soyez exaucé."
Et le roi, les yeux éblouis, vit une table toute dressée qui s'avançait au pas de parade, accompagnée de deux bancs. Chacun sauta de selle et s'assit au festin.
...Bracco, pendant ce temps, était allé en toute hâte quérir les bandits ses amis.
"Venez, leur dit-il, faire bombance à la santé du roi."
Mais, quand il revint avec eux, plus de table, plus de festin : il s'étonna ; à la risée de ses amis, sa stupéfaction devint de la rage, il fureta et, sur le sol, il aperçut une pomme tombée, puis à quelques pas une autre pomme...
Au cahot de la marche, les pommes une à une avaient roulé et sur le sol laissaient la piste. Bracco la suivit.
"Hardi, les gars !"
Il la suivit, se dépêchant et, de la sorte, il arriva avec ses amis à la place où la table s'était arrêtée.
Le roi réconforté venait justement de remonter en selle ; les chevaliers, l'arme au poing, attendaient ; son neveu Myrtil l'escortait. Il vit Bracco : "Sus au félon !"
En un instant, Bracco, cerné et capturé, couvert de chaînes, fut mené, avec sa bande, au noir cachot.
"...Maintenant, dit le roi, comment te nommes-tu, fillette ?
- Sire, je m'appelle Airelle pour vous servir.
- Et tu m'as servi au delà de mon espoir ; aussi, fillette, tu auras plus encore que je n'avais promis, approche ici, voici Myrtil mon neveu, il sera ton époux."
En souvenir des fiançailles, le roi planta un chêne, et ce chêne, aujourd'hui remplaçant l'autre abattu par Bracco, est le roi de la forêt ; et le fils de Myrtil et d'Airelle est lui aussi devenu roi.

Jérome DOUCET

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Juillet 2013 à 09:05:17
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La vengeance de la Fée Totorote

Toute la Cour du Royaume Imaginaire était réunie dans la salle des fêtes du palais, où devait avoir lieu, ce matin-là, le baptême du petit prince Frisselis, héritier présomptif de la couronne. Chambellans, dignitaires, ministres, grands seigneurs et belles dames étaient venus de dix lieues à la ronde pour assister à l'auguste cérémonie, et ils attendaient avec une impatience facile à comprendre le moment solennel où les portes s'ouvriraient à larges battants et livreraient passage au cortège royal.
L'attente ne fut pas longue, car bientôt, deux magnifiques huissiers à chaînes annoncèrent gravement :
"Le Roi !... La Reine !..."
Et le couple royal, dans ses plus somptueux habits de gala, pénétra dans la salle pendant que les grandes dames, grands seigneurs, ministres, dignitaires et chambellans, pour bien marquer leur respect, se penchaient vers le parquet, en faisant les génuflexions les plus plates.
Quatre suivantes, magnifiquement parées, apparurent ensuite, portant un palanquin sur lequel se trouvait placée une longue corbeille ; c'était le berceau qu'elles déposèrent au pied du trône.
"Seigneurs et dames de la cour, dit aussitôt le roi, je vous présente Frisselis, prince héritier de la couronne. C'est pour assister à son baptême, que je vous ai conviés aujourd'hui. Nous allons y procéder sur le champ."
Et ce disant, il prit le royal poupon, et l'élevant au-dessus de sa tête le montra à l'assistance. Inutile de dire que le murmure le plus flatteur s'ensuivit. Pendant quelques minutes, on n'entendit que ces mots prononcés à mi-voix, et qui volaient de bouche en bouche :
"Oh ! le bel enfant !... Qu'il est joli !... Qu'il est mignon !..."
Le prince Frisselis était en effet un fort beau bébé, frais, rose, avec deux petites joues toutes pareilles à des pommes d'api. Ses yeux étaient clairs, intelligents, et se portaient de l'un à l'autre avec la plus grande vivacité. Mais ce qu'il y avait de plus remarquable chez lui, c'était encore la bonne humeur empreinte sur son visage, où s'épanouissait, comme une fleur de printemps, le sourire le plus gracieux qu'il fût possible de voir. Depuis le moment où il était né, c'est-à-dire depuis huit jours, non seulement il n'avait pas pleuré une seule fois, mais encore sa jolie petite frimousse ne s'était même pas renfrognée une seconde.
Le petit prince donna d'ailleurs, ce matin-là, la meilleure preuve de son excellent et radieux caractère. En effet, la cérémonie du baptême, à laquelle procédèrent trois grands prêtres en robes rouges, fut fort longue et fort compliquée. On eût pu croire que Frisselis en montrerait de l'énervement et de l'impatience ! Il fut au contraire aussi sage qu'une image et, souriant de plus en plus à mesure que le baptême se prolongeait, c'est à peine s'il bougea dans les bras de sa marraine !...
La cérémonie allait prendre fin quand, tout à coup, un grand massif de camélias blancs, qui tenait le milieu de la salle, s'entrouvrit ... Et, vêtues de belles robes blanches, roses, bleues, aux étoffes chatoyantes et constellées de pierres précieuses, des fées, toutes les fées du royaume, apparurent...
Car j'avais oublié de le dire : en ce temps-là, il y avait encore des fées !...
Pourquoi venaient-elles toutes ainsi au baptême de Frisselis ?... Mais tout simplement parce que les fées assistent toujours au baptême des petits princes pour leur faire don, d'un coup  de leurs baguettes magiques, des plus belles qualités du coeur et de l'esprit !... Et c'est ainsi que la fée Brise-d'Avril donna à Frisselis la grâce, la fée Folle-Avoine, la bonté, la fée Ciel-Léger le courage, et d'autres la douceur, l'énergie, la modestie, la franchise...
Mais voilà que, tout à coup, du beau massif de camélias blancs, surgit une sorte de vieille sorcière, plus laide à voir que les sept péchés capitaux.
Elle avait un vilain nez tout crochu, une horrible bouche toute édentée. Et il eût été difficile de dire lequel était le plus long, ou du nez, ou du menton !... De plus, elle était vêtue ridiculement d'une robe de soie jaune à grands ramages verts, qui formait crinoline autour de son petit corps ratatiné, et d'un incommensurable chapeau en feutre rouge, qu'agrémentait un grand oiseau bleu de ciel.
Cette caricature n'était autre que la fée Totorote, l'une des fées les plus grincheuses qu'il y eût à cent lieues à la ronde !...
Une explosion de rire salua l'entrée de cet épouvantail, qui eut certainement mis en fuite tous les moineaux du royaume !... Le petit prince lui-même, ouvrant comme un O majuscule sa jolie petite bouche, pouffa !... Et ce fût si drôle de voir ce poupon de huit jours éclater de rire au nez  de la vieille fée que les trois grands prêtres eux-mêmes, malgré leur dignité habituelle, se mêlèrent à l'hilarité générale !
La fée Totorote, suffoquée par la colère, s'arrêta au milieu de la salle. Son visage était devenu apoplectique. On crut un instant qu'elle allait avoir une attaque.
"Ah ! c'est ainsi ! murmura-t-elle rageuse. On me tourne en ridicule !... On se moque de moi !... Eh bien ! je vais me venger !"
Et levant sa baguette magique vers Frisselis :
"Petit prince qui te ris de la Totorote, continua-t-elle, tu viens de rire pour la dernière fois ! A partir d'aujourd'hui, tu ne riras plus... plus jamais... plus jamais !..."
Et tandis qu'à la surprise de tous le rire se figeait sur les lèvres du bébé, et la vieille fée disparut.
Totorote avait dit vrai !... Plus jamais, plus jamais, le prince Frisselis ne rit !.. Il grandit, sérieux et mélancolique, et plusieurs années s'écoulèrent sans qu'un seul sourire vînt jamais effleurer le coin de sa bouche !... Ses petits camarades avaient beau rire autour de lui, parmi les larges pelouses vertes où ils nouaient leurs rondes joyeuses, jamais Frisselis ne riait !... Il jouait bien comme les autres, mais en conservant l'étrange immobilité de visage dont il ne s'était plus départi, depuis le jour de son baptême §...
Le roi et la reine étaient désespérés !... Que faire pour guérir le petit prince ?
Pendant plusieurs années les deux souverains firent fouiller tous les coins et recoins de leur royaume, dans l'espoir de retrouver la fée Totorote à laquelle ils comptaient offrir une fortune si elle consentait à lever le mauvais sort qu'elle avait jeté sur leur fils !... Mais toutes les recherches furent infructueuses !... La vieille fée resta introuvable !...
Alors le roi et la reine firent venir du fond du pays et des pays environnants, tous le médecins quii avaient quelque réputation. Ils firent même appel aux charlatans et aux rebouteux de village !... Un grand congrès, où se réunirent tous ces hommes de science, eut lieu ; et l'on agita les moyens les plus divers et les plus insensés, pour rendre la gaieté au petit prince. L'un proposa de le faire voyager, autre du lui souffler du gaz hilarant dans les oreilles, un troisième de lui chatouiller la plante des pieds avec une paille. Quelque invraisemblables et extravagants qu'ils fussent, tous ces traitements furent essayés, et bien d'autres encore qu'il serait trop long d'énumérer !... Mais rien ne réussit, hélas ! Ces expériences n'avaient même fait qu'aggraver l'état du petit prince qui, s'étant aperçu de son infirmité, en éprouvait la plus grande tristesse.
Le roi et la reine, qui avaient compris que le mal dont souffrait leur fils ne ferait qu'augmenter s'il voyait les ravages produits sur son visage, avaient proscrit l'usage des miroirs. Cela n'avait du reste amené aucune amélioration, et les années passèrent les unes après les autres, sans que le moindre changement se produisit.
Le père et la mère de Frisselis étaient devenus presque fous de douleur, et, comme eux aussi depuis bien longtemps ne riaient plus, la pensée seule que d'autres personnes pouvaient rire leur devint insupportable. Ils prirent donc un grand parti et, un matin, donnèrent l'ordre de réunir toute la cour. Puis, lorsque chambellans, dignitaires, ministres, grands seigneurs et belles dames se trouvèrent assemblés, comme le jour du baptême :
"Seigneurs et dames de la cour, prononça gravement le roi, le prince Frisselis, ici présent, n'ayant jamais connu la joie de rire, il est, de par ma volonté, à partir d'aujourd'hui et jusqu'à nouvel ordre, interdit à tous mes sujets de rire, sous peine de voir leurs biens confisqués et leur tête tranchée !"
Un frisson courut dans l'assistance ! Belles dames, grands seigneurs, ministres, dignitaires et chambellans se regardaient atterrés, se sachant si le roi devenait subitement insensé ou se moquait d'eux !...
Mais au même instant, un aigre et bruyant éclat de rire s'éleva au milieu de la salle, et tous les assistants se tournèrent avec stupeur vers l'endroit d'où il partait...
Et dans le beau massif de camélias blancs, ils virent qui ? la fée Totorote, l'affreuse et vieille Totorote, plus ridicule que jamais dans sa robe de soie jaune, à grands ramages verts, et avec son incommensurable chapeau rouge au grand oiseau bleu de ciel !... Et elle était si comique, et le rire qui la secouait avait des notes si inattendues, qu'il ne se trouvait certainement pas à ce moment là une seule personne dans l'assistance , sauf le prince Frisselis, bien entendu, qui n'eût envie d'éclater de rire !
Mais chacun se rappelait l'ordre royal, et personne n'osa !...
"Sire, dit alors la vieille fée, vous avez été chercher bien loin les moyens de guérir votre fils, et vous avez supprimé le seul qui fût vraiment efficace !...
- Et ce moyen, c'est ?... fit vivement le roi.
- C'est... ou plutôt, ce sont... les miroirs et les glaces."
Le roi regarda Totorote avec stupéfaction, et tout le monde crut qu'elle se moquait de lui. Elle continua :
"Ce sont les miroirs et les glaces, où le prince aurait pu voir, en se regardant, combien il est... ridicule. Or rien ne vaut, croyez-moi, l'observation de soi-même, quand on veut se corriger de quelque défaut !..."
Tout en parlant, la fée avait sorti un miroir de sa poche. Elle plaça alors devant les yeux du prince qui, ne s'étant jamais vu, se trouva comiquement lugubre qu'il éclata de rire.
"Que vous disais-je, sire ?... dit Totorote. Voilà votre fils guéri, et guéri malgré moi, car je n'avais pas encore levé mon mauvais sort !"
Puis se tournant vers Frisselis :
"Prince, lui dit la vieille femme, te voilà guéri et pardonné !... Mais que cette leçon te serve, et à vous aussi, qui vous étiez moqué de moi !... N'oubliez pas en effet qu'on ne doit jamais, quand on est jeune, se rire des vieux et des vieilles, aussi ridicules qu'ils puissent être !..."
Et sur ces mots, la fée Totorote disparut comme elle était venue, tandis que le prince Frisselis, heureux de rattraper le temps perdu, était pris d'une inextinguible crise de fou-rire, en se rappelant la tête qu'il avait quelques minutes plus tôt.

Henri de GORSSE
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Juillet 2013 à 12:59:23
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Le Rossignol et la Belle-de-Nuit

Quel délicieux pays que le royaumes des Emeraudes ! Que de curieux voudraient le visiter ! Malheureusement le Temps, impitoyable destructeur, n'a pas plus respecté ses palais d'or et de pierres précieuses que la gloire et la prospérité d'empires plus vastes, dont les écoliers les moins sensibles au charme des études historiques connaissent tout au moins les noms.
Vers l'an 642 après NostamaldaNostamalda, législateur des Emeraudiens, une petite princesse naissait dans le palais royal. Les fées, pressées autour du berceau capitonné de satin, lui avaient prodigué tour à tour la bonté, l'esprit, la grâce, la beauté, quand la fée des Neiges, pâle et triste dans sa parure hivernale, déclara que la mignonne fillette mourrait si elle voyait une seule fois la lumière du soleil.
Désespérés, le roi et la reine voulurent éviter pour toujours à l'enfant la vue du beau ciel de son pays. Ils firent construire pour elle un palais immense, qui, d'après les documents relatant l'histoire de la princesse Zella (c'était son nom) fut considéré comme la 142e merveille du royaume des Emeraudes. Il n'avait pas de fenêtres, une porte d'or couverte de diamants permettait seule aux visiteurs et aux serviteurs l'accès de cette demeure étrange et féerique. Les salles étaient capitonnées de satin bleu, blanc ou rose semé de pierres précieuses aux feux changeants. Cent mille bougies, placées dans des candélabres d'or, y entretenaient constamment une brillante lumière. Toutes les ressources de l'industrie et de l'art avaient été employées pour distraire et charmer la royale recluse.
Amenée dans ce palais d'or sans que ses jolis yeux bleus aient vu l'azur du ciel ou suivi un blond rayon de soleil, Zella s'y trouvait heureuse. Elle y grandit, persuadée que les plafonds aux peintures délicates, les tentures aux couleurs riantes, devaient nécessairement borner ses regards, que la lumière factice illuminant sa demeure était seule qui existât.
Quand la jeune fille atteignit sa dix-huitième année une grande fête réunit dans l'immense salon blanc aux meubles d'émeraude, les rois les plus puissants, les princesses les plus belles et les plus élégantes, les seigneurs les plus aimables de son pays et des royaumes environnants.
La fée des Neiges avait présidé à la toilette de Zella et quand celle-ci parut, vêtue d'une robe bleue pâle pailletée d'aiguilles de givre brillantes comme des diamants finement taillés, un murmure d'admiration l'accueillit et un courtisan empressé la surnomma Belle-de-Nuit.
Un prince étranger nommé Rossignol, le seul sans doute à qui le seul sans doute à qui l'on eût négligé de raconter l'histoire mystérieuse de la jolie princesse, crut que le palais sans fenêtres était né d'un de ces caprices, et en dansant avec elle il dit en souriant :
- Gracieuse Zella, vous avez eu une heureuse idée en faisant construire cette demeure sans ouvertures, car, lorsqu'on peut contempler vos yeux, le ciel le plus bleu semblerait sombre, lorsqu'on peut admirer votre blonde et vaporeuse chevelure, les rayons du soleil ne sauraient charmer les regards.
Ces compliments laissèrent la jeune fille songeuse tout le reste du jour. Le ciel, le soleil étaient des choses inconnues pour elle et après avoir rêvé bien longtemps elle décida à tout tenter pour les voir.
Le lendemain, tout le monde reposait encore au palais d'Or quand Zella, trompant la vigilance de ses femmes, traversa les salles brillamment illuminées, ouvrit la porte et sorti. Les gardes, profondément endormis, n'avaient pas entendu ses pas légers et ele se trouvait dans les rues pavées de marbre, sans que personne soupçonnât cette promenade mortelle.
Habituée à la lumière éblouissante qui inondait ses appartements, la clarté indécise qui enveloppait la ville  cette heure matinale l'étourdit d'abord, mais elle se remit bientôt et marcha à l'aventure. Elle était arrivée prés d'un petit bois, quand le voile, qui semblait couvrir tout d'une lueur bleuâtre, se déchira : dans le ciel azuré, le soleil, rouge comme un globe de feu, darda ses rayons brûlants. La jeune princesse, frappée à mort par cette chaleur ennemie, tomba sous les ombrages puissants, à la protéger. Une exclamation de douleur retenti près d'elle à ce moment. Le prince Rossignol venait d'apprendre la valeur de ses imprudentes paroles, quand, en se promenant dans la ville, il avait aperçut la jeune fille. Affolé de désespoir, il venait seulement de la rejoindre et ne savait comment réparer le malheur qu'il avait causé inconsciemment.
Soudain, la fée des Neiges, plus pâle que jamais, apparut devant lui. De sa baguette froide et brillante elle toucha Zella inanimée et les yeux bleus, les cheveux dorés, la longue robe blanche disparurent. La princesse des Emeraudes n'était plus qu'une jolie fleurette qui ferma aussitôt sa corolle. L'infortunée jeune fille n'était plus qu'une mignonne belle-de-nuit.
Le prince pleurait en appelant Zella. La fée comprit ses regards suppliants, elle eut pitié de sa douleur et, frappant son vêtement avec la baguette de glace, elle le transforma en un petit oiseau gris, au plumage bien humble, mais elle lui donna ce qui charme le plus dans l'oiseau et  il devint le chantre mélodieux des belles nuits de printemps.
Aujourd'hui, les princesses les plus délicates peuvent supporter l'éclat des rayons du soleil, le royaume des Emeraudes n'est plus qu'un souvenir, la baguette des fées est brisée, mais le chant du rossignol n'a rien perdu de sa poésie et la belle-de-nuit est toujours fraîche et gracieuse.
Quand la nuit est venue, quand la nature s'est doucement endormie, que les étoiles d'or se sont allumées, une à une dans le ciel d'un bleu laiteux, que la lune verse sa lumière argentée sur les gazons de velours vert, un chant étrange, aux roulades tour à tour lentes, joyeuses ou tristes s'élève vers le ciel, troublant seul le silence mystérieux. Promeneur solitaire, tu supposes que ces notes sublimes où l'invisible musicien met toute son âme et tout son talent bercent seulement les rêves. Il n'en est rien. Regarde au pied de l'arbre où se tient le roi incontesté de ces nuits si calmes : une mignonne fleurette vient de s'ouvrir, la brise parfumée glisse plus légère, le chanteur ailé commence l'histoire de la malheureuse Zella et la belle-de-nuit écoute !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Juillet 2013 à 09:00:00
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La poudre d'escampette

Il y a plusieurs siècles, vivait en Hollande un géant, le géant Brasidomir, qui était certainement le plus extraordinaire géant que l'on puisse imaginer. Ce singulier personnage semblait avoir collectionné, pour son usage personnel tous les défauts de l'humanité, et il les affichait avec une complaisance et un orgueil qui le rendaient insupportable à tous ceux qui l'approchaient. Cette belle assurance était d'ailleurs naturelle : elle lui venait de la certitude qu'il avait de voir ses mauvaises actions ou ses demeurer impunies.
Le géant Brasidomir, tout comme l'ogre du Petit Poucet, possédait en effet une paire de bottes grâce à laquelle il pouvait franchir, d'une seule enjambée, des pays entiers, et échapper, par conséquent, à toutes les réclamations et à toutes les poursuites. Ces bottes extraordinaires ne devaient point leur vertu à leur confection ou à leur forme, mais à l'introduction dans l'intérieur de leurs talons, d'une simple pincée d'une poudre enchantée. Cette poudre, dont tout le monde a entendu parler, était la poudre d'escampette, et c'est elle qui a donné son nom à l'expression bien connue : "Prendre la poudre d'escampette", qu'on applique aujourd'hui à tous ceux qui, pour une raison quelconque, prennent si vite la fuite qu'il est impossible de les rattraper.
Le géant Brasidomir en usait non seulement pour lui, mais aussi pour Fifrelin, le jeune valet dont il avait l'habitude de se faire accompagner au cours de ses lointaines expéditions. Il eût, en effet, été tout à fait impossible à ce dernier, sans la poudre d'escampette, de suivre, sans être distancé, les longues enjambées de son maître.
Or, un soir que Brasidomir et Fifrelin, après une dure étape à travers les vastes plaines de Hollande, s'étaient arrêtés au bord d'un canal pour se reposer quelques instants, ce petit dialogue s'engagea entre eux.
"Ne trouves-tu pas, dit le géant à son valet, que nos bottes commencent vraiment à avoir fort piteuse mine ?...
- En effet, répondit Fifrelin, en montrant ses semelles éculées, il ne doit plus guère rester de poudre d'escampette sous le cuir de nos talons, or nous sommes bien loin aujourd'hui de faire les huit ou dix lieues que nous faisions, il y a quelques jours encore, d'une seule enjambée !...
- Il faut nous faire faire d'autres bottes ! fit Brasidomir.
- Avec quel argent ?..." questionna Fifrelin, en montant à son maître la bourse qui pendait, lamentablement plate, à son justaucorps de velours.
Le géant, qui était homme de ressources, ne se laissa pas démonter par cette objection.
"Sois tranquille, fit-il, nous aurons d'ici huit jours, et sans payer, une magnifique paire de bottes neuves pour chacun de nous !"
Et, sans en dire davantage, le géant Brasidomir se leva et se rendit, d'un bond, au plus prochain village.
Il y était déjà, que Fifrelin ne s'était pas encore aperçu de son départ ; mais celui-ci eut vite fait d'imiter l'exemple de son maître, et une seule enjambée lui suffit, à lui aussi, pour se trouver sur la place de l'Hôtel-de-Ville.
Deux cordonniers, Faro et Lambic, tenaient justement boutique, l'un en face de l'autre, sur cette place. Brasidomir se dirigea vers l'échoppe du premier et, le hélant pour le faire sortir :
"Holà ! hé ! maître Faro, s'écria-t-il, voulez-vous confectionner, pour moi et mon valet, deux solides paires de bottes ?...
- Mais avec plaisir, monseigneur, et je vais, si vous le permettez, vous prendre à tous deux les mesures."
Ainsi dit, ainsi fait, et lorsque maître Faro eut consciencieusement enregistré les indications qui lui étaient nécessaires, Brasidomir prit de nouveau la parole.
"Monsieur le savetier, dit-il, j'ai maintenant une importante recommandation à vous faire. Il faudra, lorsque vous fabriquez nos chaussures, que vous placiez, à l'intérieur du talon de chacune des deux bottes de droite une pincée de cette poudre enchantée, qui me permet, ainsi qu'à mon valet, de franchir plusieurs lieues à la fois !"
Et, ce disant, il remit deux petites pincées de la fameuse poudre d'escampette au cordonnier, qui promit d'exécuter, de point en point, les instructions de son client.
Brasidomir et Fifrelin se rendirent ensuite à l'échoppe de maître Lambic, et une scène analogue à la précédente s'y déroula entre les trois hommes ; mais avec cette différence cependant que le géant ordonna au deuxième savetier de placer les deux petites pincées de poudre d'escampette, qu'il lui remit aussi, non sous les talons de droite, mais, cette fois, sous les talons de gauche.
Cela fait, Brasidomir et Fifrelin allèrent s'installer dans la plus belle hôtellerie du village, où, en attendant que les quatre paires de bottes fussent confectionnées, ils se mirent à mener l'existence de paresse qui leur était habituelle. Toute une semaine s'écoula ainsi fort agréablement ; enfin un beau matin, maître Faro se présenta avec les chaussures commandées.
"Oh ! oh ! s'écria Brasidomir. La botte de gauche me va très bien, mais celle de droit me gêne horriblement, et il faut que vous la remportiez pour l'élargir !...
- Chose étonnante ! fit à son tour Fifrelin, à qui son maître avait préalablement fait la leçon, il en va tout à fait de même pour moi !..."
Maître Faro, qui ne voulait pas mécontenter ses clients, n'essaya même pas de discuter, et, après avoir laissé les deux bottes de gauche, il remporta les deux bottes de droite pour les arranger.
Il venait  peine de sortir que maître Lambic arriva à son tour.
"Oh ! oh !... s'écria de nouveau le géant, en clignant de l'oeil vers son valet !...
La botte de droite me va très bien, mais celle de gauche me fait cruellement souffrir.
- Chose stupéfiante !... acquiesça aussitôt le valet. Je me trouve exactement dans le même cas !..."
Et maître Lambic, après avoir, à l'inverse de maître Faro, laissé les bottes de droite, emporta, pour les modifier, les bottes de gauche.
"Ca y est ! ils sont joués !" s'écria alors le géant Brasidomir, en esquissant un entrechat pour manifester sa joie.
Puis, se tournant vers Fifrelin :
" Eh bien, mon petit, fit-il, que penses-tu de la façon dont j'ai manoeuvré ?... Nous voici maintenant chacun avec une paire de bottes complète, puisque, chacun, nous avons une botte de droite et une botte de gauche !... Chaussons-nous vite pendant que nos deux savetiers font les réparations ordonnées et gagnons le large !...
Et tapant en même temps sur l'épaule de son valet :
"Te l'avais-je dit, hein, que nous aurions chacun une paire de bottes neuves sans les payer ?
Les deux hommes, oubliant par la même occasion de régler la note de l'auberge, quittèrent alors le village à petits pas, afin de ne pas éveiller les soupçons par une fuite trop rapide, et, quelques instants plus tard, ils se trouvèrent sur la grand route.
"Allons, fit à ce moment-là Brasidomir, si nous pressions un peu le pas ?
- Oui, répondit Fifrelin, faisons quelques belles enjambées !"
Mais nos deux héros eurent beau s'élancer, ils ne purent arriver à faire des pas plus longs que les pas ordinaires.
"Ah ! ça, qu'est-ce que cela veut dire ? s'écria Brasidomir furieux, sans même songer que dans leur précipitation il avait, ainsi que son valet, pris à chacun des savetiers celle des bottes qu'il ne fallait pas !... Ces deux cordonniers de malheur ont donc oublié de mettre de la poudre d'escampette dans les talons de nos chaussures ?... Vite, retournons aux village pour faire  l'échange !"
Brasidormir et Fifrelin s'apprêtaient donc à retourner sur leurs pas, lorsqu'ils aperçurent tout à coup, au loin sur la route, et venant dans leur direction, une troupe de hérauts d'armes !... Comme tous les criminels qui, une fois leur forfait accompli, se croient sans cesse recherchés, ils ne réflèchirent même pas que la présence de ces soldats sur les grands chemins pouvait avoir une toute autre cause que leur poursuite, et ils s'imaginèrent qu'on s'était déjà aperçu de leur disparition !... Cette constatation leur causa une telle frayeur que, et à petits pas, en rampant le long des buissons, en se faufilant sous les broussailles pour ne pas être découverts, ils continuèrent vivement leur route.
Ce petit manège dura toute la journée, et ils pensaient maintenant être tout à fait hors d'atteinte, lorsque, soudain, en une énorme enjambée, qui avait commencé on ne sait où et finissait juste sur eux, deux hommes leur apparurent : c'étaient maître Faro et maître Lambic !...
Ceux-ci, à qui Brasidomir avait, en leur commandant les bottes, dévoilé maladroitement la vertu merveilleuse de la poudre d'escampette, s'étaient empressés de mettre cette confidence à profit pour retrouver leurs indélicats clients, et la chose avait naturellement été très facile, grâces aux immenses enjambées qu'ils avaient pu faire.
Le géant et son valet, malgré leurs protestations, furent aussitôt livrés par eux à la maréchaussée du bourg le plus voisin, et, jetés, pendant plusieurs mois au fond d'un sombre cachot, ils purent longtemps méditer à loisir le proverbe qui dit, avec tant de raison, que "bien mal acquis ne profite jamais !"

Henry de GORSSE
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Juillet 2013 à 10:07:49
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Les anémones

Tyvit ! Tyvit ! dit le vanneau en volant au-dessus de l'étang de la forêt. Voici venir Mlle Primevère ! Je le sens à mes pattes et mes ailes."
Quand l'herbe nouvelle, qui était dans la terre, entendit cela, elle se mit aussitôt à pousser, et joyeusement cligna de l'oeil vers les vieux brins de gazon jauni, car l'herbe est toujours prête à aller bon train.
Les anémones, entre les arbres, entendirent aussi ce que criait le vanneau, mais elles ne voulurent en aucune façon sortir de terre.
"Il ne faut pas se fier au vanneau, disaient-elles ; c'est un éventé sur qui l'on ne peut faire fond. Il arrive toujours en avance, et, tout de suite, se met à crier. Non, nous attendrons paisiblement que le sansonnet et l'hirondelle soient de retour. Ce sont personnes de sens sûr et solide, et qui sont entendues en affaires."
Les sansonnets arrivèrent. Ils se posèrent sur le perchoir de leur villa d'été, et examinèrent les alentours.
"Comme d'habitude, c'est trop tôt, dit M. Sansonnet. Il n'y a pas encore une feuille verte, pas une mouche, sauf une vieille mouche de l'an passé, toute coriace et qui ne vaut pas qu'on ouvre son bec."
Mme Sansonnet ne disait rien, mais elle non plus ne paraissait pas enchantée.
"Que ne sommes-nous restés dans notre confortable maison d'hiver, de l'autre côté des montagnes !" dit M. Sansonnet. Il était furieux que sa femme ne lui répondit pas, car il avait si froid, qu'il lui semblait qu'un bout de causette lui eût fait du bien.
"C'est ta faute, tout comme l'an passé ! Tu es toujours furieusement pressée d'aller à la campagne.
- Si je suis pressée, c'est que j'ai de bonnes raisons pour cela, répliqua Mme Sansonnet. Et tu devrais être honteux de ne pas le savoir, aussi vrai que tes oeufs sont aussi les miens.
- Miséricorde ! dit M. Sansonnet piqué. Quand m'a-t-on vu renier ma famille ? Tu prétends peut-être, par-dessus le marché, que je dois me mettre à chanter pour toi par ce froid.
- Oui, c'est ainsi !" dit Mme Sansonnet, sur un ton qui ne souffrait pas de réplique.
Il se mit donc à siffler du mieux qu'il savait. Mais à peine Mme Sansonnet eut-elle ouï les premières notes, qu'elle le frappa de ses ailes, et lui donna des coups de bec.
"Tais-toi bien vite, lui dit-elle aigrement. Ton chant est si triste qu'il rend le coeur malade. Prends soin plutôt de faire éclore les anémones. Je crois qu'il en est temps."
Aussitôt que les anémones avaient entendu les premières notes du sansonnet, elles avaient avec prudence sorti leurs têtes hors de terre. Elles étaient si bien emmitouflées dans leurs châles verts que l'on ne pouvait les voir.
"Il est trop tôt, murmurèrent-ellesmurmurèrent-elles. Il est honteux de la part du sansonnet de nous tromper ainsi !"
Vint alors l'hirondelle.
"Tsi ! tsi ! pépia-t-elle, et de ses ailes larges et pointues elle fendait l'air. Allons, dehors, vous autres, niaises de fleurs ! Ne voyez-vous pas que Melle Primevère est de retour ?"
Mais les anémones étaient prudentes. Elles se contentèrent d'écarter un peu leurs châles verts, et de regarder autour d'elles.
"Une hirondelle ne fait pas le printemps. Où est ta femme ? dirent-elles. Tu n'es venue que pour voir si l'on pourrait vivre ici, et tu veux nous en imposer. Mais nous ne sommes pas si bêtes. Nous savons fort bien que, si nous prenons un bon rhume, notre affaire est faite.
"Quelles poltronnes !" dit l'hirondelle, et elle alla se poser sur la girouette du toit forestier, et considéra le pays.
Les anémones attendaient et continuaient à avoir froid. Quelques-unes, qui ne surent pas contenir leur impatience, quittèrent leurs châles au soleil. La nuit, la morsure du froid leur fut mortelle, et l'histoire de leur mort piteuse circula parmi les fleurs, et causa un grand émoi.
Enfin arriva Melle Primevère par une belle nuit douce et calme.
Il n'est personne qui sache comment elle est faite, car il n'est personne qui l'ait jamais vue. Mais tous languissent après elle, tous lui rendent grâce et la bénissent. Elle va à travers la forêt, touche les arbres et les fleurs qui, soudain, bourgeonnent et s'épanouissent. Elle va à travers les étables, délie les bêtes et leur donne la clef des champs. Elle va à travers les coeurs des hommes et les rend joyeux. A l'écolier le plus studieux elle rend malaisé de se tenir sage sur son banc, et elle lui fait faire une foule de fautes dans ses devoirs. Mais elle ne vient jamais tout d'un coup. Nuit après nuit, elle accomplit sa tâche, et elle vient d'abord pour ceux qui l'ont le plus longtemps désirée.
Il advint que la nuit même où elle arriva, elle passa près des anémones, qui, enveloppées de leurs châles, ne pouvaient plus les supporter.
Et une ! deux ! trois ! elles se dressèrent dans leurs robes blanches, repassées de frais, et elles avaient tant de jeunesse et de beauté que, de contentement, les sansonnets leur chantèrent leur plus jolie chanson.
"Ah ! comme il fait beau ! dirent les anémones. Comme le soleil est chaud. Comme les oiseaux chantent ! C'est mille fois plus beau que l'année dernière !"
Mais c'est ce qu'elles disaient tous les ans.
Maints et maintes furent heureux, quand ils virent les anémones écloses. Un garçonnet voulait qu'on lui donnât déjà vacances, et le hêtre était dans un extrême mécontentement.
"Ne viendras-tu pas bientôt à moi, Mademoiselle Primevère ? disait-il. Je suis pourtant un personnage d'une autre importance que ces niaises d'anémonse, et voici que je ne peux plus contenir mes bourgeons.
- J'arrive, j'arrive ! répondit Melle Primevère. Mais il te faut encore attendre un peu."
Et elle s'en alla plus loin dans la forêt.
A chacun de ses pas, de nouvelles anémones s'épanouissaient.
Elles se tenaient en foule pressée près des racines du hêtres, et, timides, penchaient leurs têtes vers la terre.
"Allons ! mettez-vous à l'aise, leur dit Mlle Primevère. Profitez du clair soleil ! Votre vie est courte ; il faut donc en jouir."
Elles firent donc comme on leur disait. Elles s'allongèrent, s'élargirent, étendirent leurs feuilles blanches en tous sens pour boire le plus possible les rayons du soleil. Elles faisaient se toucher leurs têtes, et s'entrelacer leurs tiges.
"Je n'y peux plus tenir !" s'écria le hêtre. Et il fit éclore ses bourgeons. Les feuilles, une à une, sortirent de leur enveloppe verte, s'élargirent et s'agitèrent au vent. Toutes la verte couronne du feuillage s'arrondit comme une voûte imposante au-dessus du sol.
"Seigneur ! Est-ce déjà le soir ? dirent les anémones, en voyant que l'obscurité se faisait.
- Non ! c'est la mort, dit Mlle Primevère. Pour vous, c'est fait. Il en est ainsi pour ce qu'il y a de meilleur dans le monde, qui doit germer, fleurir et mourir.
- Mourir ? Déjà ? s'écrièrent quelques-unes des petites anémones.
Durant quelques jours encore elles récriminèrent et gémirent. Puis Mlle Primevère vint une dernière fois à travers la forêt. Elle avait encore à s'occuper des chênes, et de quelques autres vieux compères moroses.
"Maintenant, allez dormir dans la terre ! dit-elle aux anémones. L'année prochaine, je reviendrai et je vous éveillerai de nouveau à la vie."
Quelques-unes des anémones firent comme elle le leur disait. Mais d'autres se prirent à dresser la tête, et elles grandirent gauchement sur leur tige.
"C'est vous qui nous tuez !" criaient-elles aux feuilles du hêtre.
Mais le hêtre secoua ses longues branches et joncha le sol de ses faînes.
"Attendez l'automne, leur dit-il en riant. Alors vous verrez."
Les anémones ne purent comprendre ce qu'il voulait dire. Mais bientôt leur tige se brisa, et elles se flétrirent.
L'Eté avait passé. Le soleil était las de son ardent travail, et se couchait de bonne heure.
La nuit, l'Hiver se glissait parmi les arbres pour voir si son heure n'était pas encore venue. Quand il rencontrait une fleur, il l'embrassait en disant : "Comment, tu es donc encore là ? Je suis vraiment bien aise de te trouver !"
Mais la fleur frissonnait à ce baiser, et la claire goutte de rosée, suspendue à ses feuilles, se changeait sur-le-champ en glaçon.
De plus en plus, l'Hiver courait à travers la forêt. Il soufflait sur les feuilles qui jaunissaient et sur le sol qui durcissait.
Les anémones mêmes qui étaient sous la terre, attendant que Mlle Primevère revînt comme elle l'avait promis, sentaient ce souffle de l'Hiver.
"Et maintenant, mon temps est venu !" dit l'Hiver.
Pendant la nuit, il déchaîna la tempête.
Et la tempête exécuta ses ordres. En hurlant, elle parcourut la forêt, et les branches criaient et craquaient. Celles qui étaient un peu moisies tombaient à terre, et celles mêmes qui étaient en bon état devaient se tourner et se plier en tout sens.
Toutes les feuilles effrayées tombaient sur le sol ; mais la tempête ne les y laissa pas en repos. Elle les prit par la taille, les faisait valser à travers champs, tantôt en l'air, tantôt dans la forêt. Elle les balayait en épais monceaux, puis les disséminait de tous côtés, comme elle en avait fantaisie.
Ce ne fut qu'au matin que, fatiguée, elle s'apaisa. Les feuilles se posèrent alors sur le sol, et s'étendirent comme un épais tapis sur toute la terre.
Les anémones sentirent que la température devenait d'une douce tiédeur.
Il y en eut une qui, prenant courage, regarda ce qui se passait sur la terre.
"Bonjour ! lui dirent les feuilles mortes. Il est un peu trop tôt, ma petite demoiselle ; puisse-t-il ne pas vous en cuire !
- Est-ce que Mlle Primevère n'est pas arrivée ? demanda l'anémone.
- Pas précisement, répondirent les feuilles du hêtre. C'est nous les feuilles du hêtre contre lesquelles vous vous fâchiez si fort cet été. Notre verdure s'en est allée, et nous ne sommes plus gaies ni fières. Nous avons bien profité de notre jeunesse et bien dansé. Et maintenant nous voilà gisantes ici, et nous servons d'abri contre le froid aux petites fleurs qui sont dans la terre.
- Et moi, je gèle avec mes branches nues," dit le hêtre en grondant.
Les anémones se racontèrent cela sous la terre, et trouvèrent que c'était très bien.
"Ces excellentes feuilles de hêtre ! disaient-elles.
- Tâchez donc de vous souvenir de cela, l'été prochain, quand je bourgeonnerai, leur dit le hêtre.
- Nous n'y manquerons point," murmurèrent-elles.
Mais tel promet qui ne tient mie.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Juillet 2013 à 07:14:43
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Cornaline

La vieille fermière, au moment de se mette au lit, s'avisa tout à coup d'aller jeter un coup d'oeil au fromage blanc qui s'égouttait dans la laiterie.
Ce fromage, la vieille femme le destinait au Roi, rien que cela, au Roi, maître de toute la contrée, à la bienveillance duquel elle devait sa ferme, louée et jamais payée, au Roi, gourmet fameux et grand mangeur.
Elle alluma, non pas une allumette, parce qu'à cette époque cette invention n'existait pas encore, mais une brindille de paille aux bûches qui se consumaient.
Quand la paille flamba, elle ouvrit sa lanterne, alluma la chandelle, referma la plaque de verre et s'apprêta à sortir.
Mais à peine la bonne femme fut-elle sur le seuil, qu'un coup de vent caché derrière la maison -ffutt- lui fit cette farce de souffler la lumière. La vieille avare grommela, mais pas longtemps, car elle vit qu'il faisait un admirable clair de lune, et elle songea qu'elle avait failli brûler sa chandelle mal à propos, ce qu'elle se reprocha, regrettant presque peut-être même au fond le brin de paille qu'elle avait inutilement employé.
Elle posa sa lanterne sur un coin de la table et clopin-clopant, cliqueti-cliquetot, à la cadence des sabots, se rendit à la baraque sordide décorée du beau nom du nom frais et joli de laiterie.
Cric-croc, la serrure cria. Croyez-vous que la vieille gâchait son huile à la graisser ? Elle entra.
Le fromage blanc s'étalait sur un lit de paille fraîche, ou mieux se tenait ferme et rond, appétissant, blanc comme la lune blanche au ciel sombre, et la vieille regretta- que voulez-vous, à son âge on a tant de choses à regretter !- que ce fromage ne fût point pour le marché prochain où, pour le moins, il eût été payé six sols, par une châtelaine, six sols à mettre au vieux bas de laine. Mais enfin il était promis, et promis à qui ? Au Roi, mes amis, en paiement d'un loyer de ferme d'au moins six écus.
Croc-croc, à double tour, la vieille femme referma la porte, retira soigneusement la clef et, clopant-clopin, cliquetot-cliqueti, à la cadence de ses sabots, regagna la chaumière sans voir, la bonne vieille, qu'elle avait enfermé le loup en la bergerie : un chat noir rôdeur et voleur et curieux et clair rayon de lune.
Le rayon de lune se posa doucement en rond sur la planche, comme une tache blanche à côté du fromage, et se mit à marcher, à glisser plutôt, lentement, lentement du côté de son voisin.
Le chat noir aussi s'avança lentement du côté du fromage, mais plus vite cependant que le rayon de lune, avec des pas menus, et l'on devinait sous la moustache rude une petite langue rose déjà en fête.
Ce fut l'affaire d'un instant. Et sur la planche il ne resta plus qu'une tache blanche, le rayon de lune, et une tache noire, le chat satisfait, couché en rond et faisant ronron. Le fromage était mangé.
Or le soleil n'était pas encore levé quand la vieille - à son âge on n'a plus de sommeil - alla secouer la petite fille en son lit. Car j'avais oublié de vous dire ce détail : la vieille fermière avait auprès d'elle, pur servante et souffre-douleur, une gentille petite fille, égarée sans doute dans les bois par de méchants bohémiens et qu'elle avait recueillie par intérêt en sa masure.
La fillette eut du mal à s'éveiller et, quand elle fut debout, la vieille lui cira :
"Prends tes cliques et tes claques, ton panier fait d'osier, mets-y le fromage blanc du Roi et porte-le au palais, bon pas, bon trot, qu'il n'attende pas trop."
La fillette se rendit à la laiterie ; croc-croc, avec beaucoup de peine elle ouvrit la serrure grinçante et dure, et tira la porte sur le sol de briques ; elle vit un beau rond blanc, voulut le prendre, et ne saisit rien, évidemment, puisque ce n'était que le rayon de lune.
Et le chat blotti derrière un vase de grès profita de la surprise, pour s'échapper sans hésitation et sans bruit.
La pauvre enfant courut vite à la masure en criant :
"Où est-il, où est-il ?"
La vieille répondit :
"Sotte que tu es, vois sur la planche.
- Mais non, sur la planche je n'aperçois rien.
- Mais si.
- Regarde.
Et la vieille en fureur se mit crier à son tour :
"Ah ! coquine, ah ! gourmande !"
Plic-plac et deux claques, sèches, dures, de sa main de bois, sonnèrent sur les joues de la pauvre innocente.
"Va-t-en, voleuse ! je ne veux te voir avant que tu ne me l'aies rapporté ; tu n'auras rien, tu ne rentreras pas à la maison avant que mon fromage, le fromage du Roi, ne soit revenu."
Pleurant, les yeux changés en torrents, la fillette se mit à courir tout droit devant soi, à la recherche du fromage, et pour échapper aussi aux coups de la vieille, criant à ses trousses, pestant après elle.
Et comme elle courait, elle vit à ses pieds, au moment où elle allait poser ses sabots devant elle, une jolie petite grenouille verte arrêtée sur un brin d'herbe.
L'enfant retin brusquement son élan pour ne pas blesser la rainette, et dans cet effort le pied lui manqua, elle tomba sur le gazon.
La rainette ne bougeait pas ; elle avait eu grand'peur, et on voyait battre vivement son coeur sous sa poitrine luisante de grenouille, et ses yeux tout ronds étaient effarés.
Cornaline - c'était le nom de la fillette - Cornaline, dis-je, prit la bestiole dans sa main et la gronda doucement.
"Ca n'est pas gentil, ma mie, de m'avoir fait tomber ; pourquoi, petite imprudente, te mettre sur ma route, sous mon sabot, au risque de te faire écraser, alors que d'un saut tu pouvais éviter ton mal et le mien ? Si je t'avais tuée, pourtant, sans le vouloir, c'eût été un grand dommage."
La grenouile ne répondit rien ; elle restait les yeux fixes, le cou haletant.
"Allons va, petite, et sois plus adroite une autre fois."
Et pour la renvoyer gentiment, la fillette embrassa la rainette et la posa sur son brin d'herbe.
Mais Cornaline ne put retenir un cri : devant elle une femme s'était dressée. Un manteau de velours tombait de ses épaules, de longs souliers émergeaient de sa robe couleur d'opale, des mitaines de soie verte enserraient ses bras nus, et deux grosses émeraudes scintillaient sur ses tempes.
"Je suis la fée Brikiki, enfant, dit-elle, je te dois ma délivrance, je la dois à ton bon coeur et à ton âme compatissante ; ton baiser a terminé l'enchantement qui, depuis deux mille ans, m'enchaînait à ce corps de grenouille par la puissance d'un enchanteur que j'eus la folie d'épouser ; aussi te suis-je dévouée et suis-je prête à accomplir tes voeux les plus exigeants.
- Hélas ! ma bonne marraine, reprit Cornaline, faites-moi retrouver le fromage blanc du Roi, sinon la fermière sera en peine pour acquitter sa promesse."
La fée sourit : l'enfant n'avait pas songé à demander pour elle ; elle la prit par la main et la conduisit au fruitier.
Du bout de sa baguette elle toucha la porte qui, sans croc et sans cric, s'ouvrit par enchantement ; elle toucha encore le lit de paille fraîche où s'arrondissait le rayon de lune, et le fromage s'y trouva par miracle, rond, blanc, appétissant.
Cornaline se confondait en remerciements...
"va, mon enfant, ton désir est satisfait, mais n'oublie point ceci : en portant ton fromage à la ville, n'accoste personne en chemin, ne t'arrête à aucune invitation, car si tu ne l'avais pas remis avant le coucher du soleil, il t'échapperait à nouveau et cette fois pour jamais. N'oublie pas non plus que si je te protège, toujours prête à combler tes voeux, je ne puis satisfaire plus de trois de tes demandes en un an ; c'est la loi qui nous régit toutes.
L'enfant remercia encore et, joyeuse, apporta le fromage à la vieille.
Elle, sans s'enquérir de la façon dont il s'était retrouvé, trop heureuse de la chose, mais grognon malgré tout, s'écria :
"Qu'attends-tu pour aller à la ville, paresseuse ? Il se fait déjà tard, le soleil monte vite à l'horizon."
Cornaline se souvint des paroles de la fée et, sans songer à mettre le fromage en son panier, s'échappa en le portant sur la main.
Cela alla bien quelque temps, mais, à tenir toujours la main ainsi tendue devant elle, le fromage lui sembla lourd.
"Si j'avais un panier seulement !" dit-elle, et avant qu'elle eût achevé, à ses bras un joli panier d'osier était accroché.
Au fond le fromage se prélassait d'aise.
Cornaline, souriante, continua sa route. Regardant sa misérable robe gris verdâtre, proprette et sans accroc, mais si passée de couleur et si courte, elle songeait :
"Je vais, devant le Roi, faire piteuse mine, si mal parée, auprès des belles dames qui doivent resplendir comme la bonne marraine qui m'a sauvée de mon malheur ; on va se moquer de moi, et qui sait même si on voudra me recevoir, si on ne me chassera pas, comme la fermière renvoie les pauvres gens qui mendient à la porte.
"Ah ! si j'avais une belle robe !..."
Cette robe elle l'avait déjà, et avec elle de beaux souliers de satin blanc, des bas de soie et des dentelles ; car la fée avait éxaucé son voeu avant qu'il fût formulé.
Cornaline sautait et riait, adorable et toute heureuse.
Or, sur le chemin elle rencontra un garçon de son âge.
Il lui parla avec tant de douceur, lui fit tant d'adroits et discrets compliments, lui offrit si adroitement de la conduire à la ville qu'elle ne connaissait peut-être guére, que l'enfant sans malice accepta ce guide inattendu et si complaisant.
Et lui l'emmena si bien par la mauvaise route que le jour se mit à baisser, et que les murailles de la ville n'apparaissait pas encore.
Cornaline se souvint trop tard de la recommandation de la fée, elle s'écria bien vite :
"Je voudrais être arrivée !"
Mais elle avait épuisé les trois voeux, et pour toute réponse elle n'entendit, dans le calme du soir qui tombait, que le rire narquois de son compagnon de hasard, qui lui disait :
"Mon épouse Brikiki a pu croire un moment qu'elle te récompenserait de l'avoir arrachée à ma domination, elle doit voir à présent combien elle s'est trompée. J'ai entravé ta route et te voilà à nouveau perdue et privée pour un an de son secours.
"Quant à elle, j'arriverai bien quelque jour à la duper à son tour, et cette fois, il ne se trouvera pas, je pense quelque fille assez sotte pour embrasser une grenouille et rompre l'enchantement."
Grinçant, grimaçant, hideux, l'enchanteur disparut.Num_riser0004
Et clouée sur place, la pauvre petite Cornaline ne savait quelle route suivre à présent.
Le soleil commençait à s'enfoncer derrière les collines, et la lune émergeait au bord opposé de l'horizon.
Cornaline pensa qu'il fallait reprendre le chemin de la ferme ; elle revint donc sur ses pas et marcha très longtemps. Mais tout à coup, à son bras, le panier eut un frémissement ; la lune arrivait au faîte de la voûte céleste avait aperçu au fond de l'osier son rayon dérobé et, l'attirant brusquement, elle avait emporté le fromage de la fillette.
Et du même coup, tout le charme avait été rompu : la corbeille avait disparu, les souliers et aussi les dentelles, et la belle robe de soie... Cornaline était devenue pauvrette comme devant, les mains vides. Sa joie, comme la chandelle de Pierrot, était morte, du coup, au clair de lune.
Quand elle arriva au logis, la vieille mangeait sa soupe dans son écuelle grise. Entre deux bouchées, elle posa sa cuillère et tendit la main :
"Donne-moi les écus que le Roi t'a remis" dit-elle...
Il paraît que le souverain avait l'habitude de faire quelque menu cadeau en pareille circonstance.
Cornaline reprit :
"Mais le Roi ne m'a pas donné d'écus..."
Elle allait ajouter :
"... pour une bonne raison, c'est que je ne l'ai pas vu, parce que..."
Mais la vieille, furibonde, l'interrompit.
"Tu mens, il t'a remis trois écus tout au moins, pour un pareil cadeau, et tu les as volés comme tu m'avais dérobé le fromage ce matin, coquine, menteus, petite peste. Va-t-en, va-t-en ou je t'assomme, et ne reviens que si tu m'apportes les écus que le Roi t'a donné pour moi, en paiement de mon fromage blanc."
Cornaline repassa le seuil, désespérée, brisée de fatigue, l'estomac serré par la faim. Elle alla s'asseoir machinalement au fond du verger, sur un talus en pente douce, au bord d'une mare. Et là elle se mit à pleurer.
Puis, avisant une grenouille posée sur une feuille plate, elle se prit, oubliant ce que son coeur avait de peines, à songer à sa marraine, la fée Brikiki.
"Qui sait si ma désobéissance n'a point porté malheur à ma protectrice ? Qui sait si l'enchanteur méchant ne l'a point à nouveauc changée en une rainette, pareille à cette pauvre bestiole qui me regarde avec des yeux pleins de reproches..."
Elle tendit la main pour prendre la grenouille. Toc, elle avait déjà sauté, et dans la main serrée de Cornaline, il ne restait qu'une blanche fleur de nénuphar.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Juillet 2013 à 07:15:53
Cornaline (suite et fin )

Alors Cornaline se mit à pleurer.
Et les larmes en coulant grosses, rondes et limpides, sur ses joues fraîche, tombaient une à une dans le calice de la fleur, comme en une coupe, et la fleur s'épanouissait ; son coeur d'or s'enflait doucement, si bien qu'au bout d'un instant, en sa main inquiète, Cornaline s'aperçut que la fleur s'animait. Une femme était devant elle, tout de blanc vêtue.
"Enfant, dit-elle je dois à ton bon coeur, à ton âme compatissante, d'être arrachée à l'enchantement auquel depuis mille ans le mauvais enchanteru m'avait enchaînée pour me punir de l'avoir crédulement épousé, alors qu'il avait fait périr ma soeur Brikiki, sa première femme.
"Il m'avait dit : "Tu vas devenir et rester une fleur qui croît et se développe dans la vase et la boue des mares, jusqu'au jour où viendra t'arroser non la pluie des orages, mais une rosée comme l'eau de l'Océan."
"Et de tes yeux bleus est tombée cette rosée qui a brisé le charme qui me tenait. Pour toi, enfant au coeur si doux, je veux selon ma puissance t'accorder ce que tu me demanderas."
Et Cornaline demanda :
"Je voudrais les pièces d'or dont maman fermière a besoin, que le Roi lui aurait offertes pour prix de son fromage."
La fée sourit :
"La vieille gueuse n'a droit à rien, bien au contraire, elle doit à tous, au Roi, et plus encore à toi ; mais cependant ton voeu sera exaucé."
Au coudrier voisin la fée prit trois feuilles sèches, feuilles d'automne, feuilles dorées par le soleil et par le froid, elle les posa dans la main de Cornaline et dit :
"Ce sont les trois écus du Roi, les écus d'or."
Et les feuilles se changèrent en pièces brillantes.
"Va les porter bien vite à la vieille, mais n'oublie pas, quoi qu'il arrive, que tu ne dois pas ouvrir ta main. Sinon elle disparaîtraient aussitôt. Et, selon le seul pouvoir qui me soit accordé, souviens-toi aussi que je puis exaucer en un an trois voeux que tu ferais, si étranges fussent-ils.
Cornaline la remercia, puis, la main bien serrée, elle reprit le chemin très court qui la séparait de la ferme.
Une voix l'appela. Elle se retourna : c'était un bambin plus petit qu'elle, certes, car elle allait, malgré son air chétif, avoir ses seize ans.
"Cornaline !... lui cria le bambin. N'est-ce pas à toi cette pièce d'or ? Je viens de l'entendre."
Cornaline remercia, prit la pièce, ouvrit la main pour la mettre avec les autres, et le gamin qui la regardais, la bouche close, les joues gonflées, souffla au même moment, si bien que les trois feuilles sèches s'envolèrent dans l'espace. Le gamin ricana et son rire était cruel. Cornaline reconnu le rire de l'enchanteur, mais il avait déjà disparu, évanoui.
"Mes pauvres écus, murmurait-elle, où sont-ils ? Si du moins j'avais encore les trois feuilles de coudrier."
Les feuilles à ce moment se trouvaient dans sa main.
"Les voici, les jolies feuilles, mais ce n'est pas tout, il faudrait que la bonne fée les changeât à nouveau."
Trois écus sonnèrent dans sa main. L'enfant avait gaspillé un de se voeux, car elle pouvait d'un coup demander les pièces d'or !
Elle serra nerveusement sa main, et cette fois, se prit à courir, décidée à ne rien voir, à ne rien écouter avant d'être près de la vieille, dont au loin elle apercevait, par la fenêtre, la silhouette cassée.
Une pierre se trouva sous son pied, elle la heurta, et patatras, roula sur le sol, la tête en avant, les bras tendus. Ses pauvres genoux nus s'écorchèrent aux graviers, son front se frappa au sol, mais, courageuse, elle se releva sans une plainte, la main crispée désespérement, car elle devinait la malice de son persécuteur. Souffrant, inquiète, presque morte de fatigue et de peine, elle reprit son chemin.
Sur le seuil de la porte, une chevrette blanche était couchée en travers. Pour se faire un passage, Cornaline la poussa doucement de la main ; la chevrette se redressa, eut un bêlement très doux et frotta son nez busqué à la jambe de la fillette. Celle-ci voulut lui rendre la caresse et, dans un geste, la pauvre main qui tenait les écus s'oublia un instant : elle s'ouvrit pour glisser gentimetn sur le dos rugueux de la bête, si bien que l'une des pièces roula sur le sol et que les deux autres disparurent en fumée en même temps.
La chèvre eut un bêlement comme un rire et, les cornes en avant, disparut par enchantement dans le sol.
Cornaline n'osa franchir le seuil. Que dirait-elle cette fois ? Qui sait si, dans sa colère, la vieille avare ne  la tuerait pas ? En tout cas, puisqu'elle serait chassée impitoyablement, mieux valait partir sans affronter l'orage.
L'enfant partit à travers la campagne, demi-morte de faim, harassée de fatigue.
Au bout de cent pas elle s'évanouit.
... Quand elle se réveilla, elle était dans une chambre claire, dans un bon lit ; deux personnes, une vieille femme et un vieil homme, étaient assis auprès, causant à mi-voix.
Elle regarda de ses grands yeux bleus étonnés.
"La voilà qui s'éveille enfin, dit le bonhomme.
- Où suis-je ? murmura Cornaline.
Et la bonne femme lui raconta qu'ils l'avaient rencontrée au milieu du chemin, et que depuis un an elle dormait là, comme morte, malgré leurs soins.
"Oh ! merci", dit-elle.
Et frappée de ce mot : un an ! elle demanda :
"C'est bien depuis une année que je suis là ?
- Un an juste aujourd'hui" reprit le bonhomme.
Cornaline se rappela les paroles de ses marraines les fées ; un an, elle avait donc six voeux à formuler.
Alors elle demanda aux deux bonnes gens :
"N'avez-vous point quelque regret au fond du coeur quelque souhait en votre pensée ?"
La femme dit :
"Toute ma vie, j'ai rêvé d'une jolie chaumière avec une grande cour verte, un poulailler, une étable, une grange..."
L'homme continua :
"Toute mon existence, j'ai désiré avoir un fils de vingt ans laborieux comme sa mère ; il nous eût aidés à diriger notre petit bien, si mince fût-il."
La femme reprit :
"Oh ! ce fils, je l'ai tant attendu aussi ! nous aurions eu peut-être des petits-enfants pour égayer nos vieux jours : nous eûmes bien un enfant, un jour ; mais il fut volé par des bohémiens de passage, le jour où disparut aussi la fille nouvellement née de nos voisins."
Et les vieux s'enfoncèrent silencieux dans ces souvenirs tristes et toujours vivants, bien que lointains.
Ils ne voyaient pas qu'autour d'eux tout se transformait. Les murs de la maison étaient maintenant haut, larges et neufs, le petit enclos, agrandi, était semé de pommiers en fleurs, des bêtes y paissaient, des poules y picoraient les insectes et les brins d'herbe.
Sur le seuil un beau garçon de vingt ans attendait, prêt à s'avancer le regard joyeux.
Et derrière lui, deux vieillards l'escortaient, les yeux tendus vers Cornaline transfigurée...
Cinq de ses voeux étaient accomplis. Un sixième lui restait ; jalousement elle le gardait en elle.
Les deux vieillards reconnurent leur fils, virent leurs souhaits de fermiers réalisée, leurs voisins retrouvèrent aussi en Cornaline leur enfant volée ; alors le jeune homme vint plier un genou devant Cornaline et lui demanda si elle ne voulait point devenir sa femme. A peine entendit-on son "oui" étouffé par la joie, et la douce enfant songea.
"Ainsi mon voeu se réalise sans que je l'aie formulé, et il me reste un souhait, ô bonnes fées, que je garde précieusement pour la première peine que je rencontrerai, hélas ! trop vite, chez ceux que je croiserai sur ma route."
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Juillet 2013 à 16:48:32
(http://img4.hostingpics.net/pics/378274nui.jpg)
Petite Fée, la Fée des Rêves

Le rêve de Petite Fée était que les hommes n'arrêtent jamais de croire en leurs rêves...

Elle était la Fée des Rêves et en particulier des Rêves Fous, c'étaient ceux qu'elle aimait le plus.

Mais depuis quelques temps, Petite Fée avait perdu espoir de réaliser ses rêves à elle...

Elle n'y croyait pas assez fort.

Lui arrivait-il souvent de penser.

Avait-elle raison ou tort, là n'était pas la question.

La question était de savoir où sa petite lueur d'espoir s'en était allée.

Elle l'avait cherché en vain derrière ses grands projets, ses petites peurs, ses grandes angoisses, ses plus beaux souvenirs... Nulle part ! la petite lueur d'espoir avait un jour disparu sans qu'elle s'en rende compte.

Un chagrin d'amour lui avait brisé le coeur en mille morceaux.

Eh oui les fées ne sont pas à l'abri d'un chagrin d'amour malgré tout le bonheur qu'elles donnent au monde.

Petite Fée n'arrivait plus à croire aux rêves des autres, elle ne pouvait plus être la Fée des Rêves...

Mais c'était toute sa vie, elle était une fée.

Que deviendrait-elle si elle n'était plus un fée ? Elle se mit à pleurer...

Elle était seule dans un bois tranquille, seule et elle pouvait enfin vider son coeur de toute la tristesse qu'elle avait accumulée toutes ses années...

Après avoir pleuré toutes les larmes de son corps, elle sentit une douce chaleur sur son visage et malgré ses paupières closes, elle pouvait distinguer une lueur d'une luminosité extraordinaire.

Elle n'osait pas ouvrir les yeux.

C'est alors qu'elle entendit une voix aussi douce qu'un murmure lui dire :

- Tu as enfin compris...

Elle ouvrit les yeux et vie une petite fée couleur soleil qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau assise sur une branche. Elle osa parler :

- Compris quoi ?

- Tu es la Fée des rêves, mais tu as aussi TES rêves. Il ne faut pas que tu l'oublies.

Tes rêves sont aussi importants que ceux que tu aides à mettre au monde. Si tu ne crois pas en tes rêves alors tous les rêves mourront aussi...

- Je ne comprend pas...

La petite fée auréolée d'une aura répondit :

- Même les rêves qui meurent ont existé. Ils devaient mourir pour laisser place à un autre rêve. Tu ne peux pas réaliser tous les rêves Et pour réaliser un rêve, il faut vraiment y croire.

Je m'étais enfuie parce que je ne me trouvais plus à ma place...

La petite fée s'était tue un moment puis poursuivit :

– Tu étais tellement triste et tu semblais avoir perdu tout espoir que j'ai décidé de t'aider...

Petite Fée la coupa et s'exclama :

- Mais tu m'as abandonnée...

- Non je ne t'ai pas abandonnée. Je t'ai donné la possibilité de te retrouver, de te délivrer de la tristesse et de croire à nouveau en toi !

Ne te sens-tu pas une différence ?

Petite Fée ferma les yeux et ressentit dans sa poitrine un feu intense mais tellement doux...

Elle ne s'était jamais sentie aussi bien.

Quand elle ouvrit les yeux, le Petite Fée toute dorée n'était plus là, Petite Fée comprit et souriait à présent.

Elle s'était levée et avait commencé à marcher.

Quand elle se retourna une dernière fois pour essayer de l'apercevoir, elle entendit la petite voix de la fée portée par le vent lui dire :


»N'arrête jamais de croire en tes rêves, jamais, jamais... »"
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 30 Juillet 2013 à 06:58:17
(http://img15.hostingpics.net/pics/697355chou.jpg)
Fleur de Cendre

Fleur de Cendre travaillait du matin au soir, humblement courbée aux caprices de sa marâtre qui avait deux filles.

    Elle partait à l'aube des matins blancs à travers le jardin endormi, pieds nus dans ses geta de bois, jusqu'au bord de l'étang pris dans la glace. « Il ressemble si fort à mon pauvre cœur emmuré dans sa peine », songeait-elle en le contemplant.

Reflet d'un amour perdu

L'eau grise d'ennui

Pleure le soleil.

    Puis elle brisait le miroir gelé pour laver les kimonos de soie des ingrates qui régnaient à présent sur le pavillon en bois précieux de son enfance. Une larme roulait de sa joue jusqu'au fond de l'étang. Se pouvait-il que son père l'ait oubliée à jamais ?

    Chaque matin, il disparaissait dans sa chaise à porteurs, la laissant seule avec ses rivales. En lui-même il murmurait, mais elle l'ignorait : « Que son cœur reste pur dans la nuit du deuil ! »

    Les jours succédaient aux jours, la pluie perçait le cœur du ciel, le vent secouait furieusement les bambous. Fleur de Cendre préparait le thé sur le petit fourneau, coiffait les longs cheveux de ses deux sœurs, qu'elles soient d'humeur moqueuse ou rageuse. Chaque jour, Fleur de Cendre les parait en écoutant leurs paroles creuses, puis elle balayait le pavillon et vaquait sans repos jusqu'au soir. Son père ne revenait qu'à la nuit tombée et s'enfermait aussitôt avec sa nouvelle épouse, sans une parole pour sa fille abandonnée à son chagrin. Et chaque soir, silhouette grise, Fleur de Cendre pleurait en silence, recroquevillée tout près du hibashi. Les semaines puis les mois passaient, peines et labeurs ne parvenaient pas à ternir l'éclat de sa beauté, au grand dépit de ses sœurs et de leur mère, qui s'acharnaient en vain à la vouloir flétrir. Rien n'entamait sa douceur ni sa bonté.

    Un jour, enfin, la glace libéra l'étang. Les grenouilles commencèrent à coasser gaiement, les premiers bourgeons se mirent à éclore aux cerisiers et la cloche du temple sonna plus clair dans l'air du matin. La pluie et le vent se radoucirent. Le chagrin lui-même relâcha son étreinte.

Quand le rossignol

Sur la branche du prunier

Salua la neige...

    Un messager apporta une lettre du palais. L'empereur invitait ses honorables sujets à la fête des Fleurs : en l'honneur de son fils, il donnait à la cour une représentation de théâtre nô. C'était le jour de la première lune de printemps. Les deux orgueilleuses firent aussitôt venir Fleur de Cendre :

    — Nous sommes invitées au palais de l'empereur, et toi, Fleur de Cendre, tu n'y viendras pas ! Aide-nous donc à nous préparer, nous devons être les plus belles pour plaire au prince !

    Elles choisirent longuement les étoffes et les couleurs de leurs kimonos de fête, puis les ceintures de soie. Elles envoyèrent Fleur de Cendre quérir des éventails chauves-souris, des peignes d'écaille et d'ivoire, des fleurs et du parfum.

    Enfin arriva le soir de la fête.

La poudre de riz,

Et l'éventail palpitait

Au nô du printemps.

    Fleur de Cendre traça les lignes blanches aux contours des visages ingrats de ses sœurs, dessina l'épure noire des sourcils autour de leurs petits yeux méchants, parsema les lourds chignons de pétales de roses et de lotus, y posa enfin un papillon de soie. Inlassable, elle s'appliquait à leur parure, obéissait à leurs désirs, muette à leurs quolibets.

Les deux précieuses parties,

Cœurs vides d'amour,

La belle resta seule.

    Le visage rond et lisse de la lune se découpait au miroir de l'étang. Un grillon stridulait dans la nuit. Soudain, une ombre légère se détacha du paravent qui masquait l'entrée du pavillon. C'était une inconnue toute de blanc vêtue. Elle parla ainsi à Fleur de Cendre :

    — Pourquoi pleures-tu ?

    — Hélas ! soupira Fleur de Cendre, j'aimerais tant aller au nô...

    La dame lui dit :

    — Ton cœur est noble et courageux dans la peine, sèche tes larmes, va dans le potager et apporte-moi le plus gros chou que tu puisses trouver.

    Étonnée, Fleur de Cendre obéit et revint bientôt avec un légume magnifique aux feuilles toutes frisées.

D'un charme le chou

Devint un beau palanquin

Et le grillon son valet.

    Quelques mots mystérieux... et la dame blanche forma un bel équipage. Fleur de Cendre s'entendit demander :

    — Comment pourrai-je paraître en pareil faste dans mes vilains habits ?

    La dame effleura Fleur de Cendre de son éventail translucide et, à l'instant, elle fut poudrée d'or et d'argent, changée en princesse de lune. Enfin, dans un sourire, la fée fit apparaître deux précieuses geta de nacre. Avant de s'en aller, elle lui fit l'étrange recommandation de ne pas laisser passer le milieu de la nuit pour quitter le palais, sous peine de voir le palanquin redevenir le chou du potager, son valet le grillon, et ses porteurs les grenouilles de l'étang. Fleur de Cendre promit, prit place dans la chaise à porteurs et disparut dans la nuit. Elle arriva au palais dans un murmure d'éventails...

Le fils du Soleil

Entrevit soudain

L'amour d'une belle.

    Le temps suspendit sa course l'espace d'un silence qui traversa l'assemblée. Chacun admirait la beauté de la jeune inconnue. Le prince l'invita aussitôt à s'asseoir près de lui et ne la quitta plus. Le koto, le biwa et la flûte égrenaient leurs notes cristallines tandis que les acteurs chantaient ; les heures filaient... Toutes les dames de la cour contemplaient cette splendeur céleste et se demandaient où elle avait bien pu trouver pareille étoffe pour son kimono, qui l'avait ainsi coiffée et parée...

    Plus tard, le prince fit apporter pour Fleur de Cendre du thé et un plateau de mets délicieux. Il ne la lâchait pas des yeux. Le temps passa, et la belle inconnue entendit sonner les trois quarts de onze heures. Elle s'inclina noblement et quitta l'assemblée aussi vite qu'elle le put.

    Sitôt rentrée, elle remercia la dame blanche et lui demanda de pouvoir retourner le lendemain au palais comme le prince l'en avait priée. À peine avait-elle fini de parler que ses sœurs étaient de retour. Et elles se mirent à lui raconter comment une belle inconnue avait captivé le prince... Fleur de Cendre écoutait, un sourire flottant sur son beau visage.

    — Ne me prêteriez-vous pas l'un de vos vieux kimonos de fête pour que je puisse venir demain ?

    Elle ne reçut pour toute réponse qu'un refus teinté de moquerie...

    Le lendemain, les deux perfides retournèrent au palais ; Fleur de Cendre aussi, encore plus belle que la veille. Le prince ne la quitta pas un instant, il improvisa des poésies qui faisaient d'elle une fleur de lune, une perle de rosée à l'aube d'un matin d'été, un frisson sur la surface de l'océan... Il l'entoura de mille sentiments délicats.

    Le temps coulait sur les eaux limpides de leur rencontre, lorsqu'elle entendit le premier des douze coups de gong.

Du cœur de la nuit

La belle s'envola

Laissant une geta sur le sol.

    Ce fut tout ce qui resta au fils de l'empereur qui avait tenté, mais en vain, de la retenir près de lui. Fleur de Cendre revint au logis à bout de souffle, sans équipage et sans éclat. Seule demeurait la petite geta de nacre qu'elle cacha dans son jupon gris. Les gardes du palais, aussitôt interrogés, n'avaient vu personne hormis une pauvre fille en loques couverte de cendres qui s'enfuyait.

    Lorsque ses sœurs furent de retour, elles racontèrent longuement à Fleur de Cendre comment la belle inconnue était revenue, plus éblouissante que la veille encore, et comment elle avait disparu avec le premier coup de gong du milieu de la nuit, abandonnant dans sa fuite une de ses précieuses geta de nacre. Le jeune prince l'avait gardée dans sa main et il était resté à la contempler jusqu'à l'aube, visiblement éperdu d'amour...

Glissant sur les nuées

Le masque pur

La voix de Shite.

    L'été passa en quête d'une fleur d'iris, d'une fleur de cendre, à travers tout le royaume, parmi des milliers. L'empereur envoya ses messagers à travers tout le pays pour annoncer que son fils épouserait celle dont le pied serait assez fin pour entrer dans la petite geta de nacre. Vinrent d'abord les dames de la cour, des plus nobles à leurs suivantes, et jusqu'aux plus humbles servantes, mais aucune n'eut le pied assez menu. Des envoyés parcoururent l'empire à la recherche de la mystérieuse jeune fille.

    Lorsque la geta parvint enfin en leur demeure, les deux sœurs firent maintes contorsions et grimaces pour faire entrer leur pied dans le socque de nacre, en vain. Fleur de Cendre, qui assistait à la scène, se courba pour demander humblement :

    — Se pourrait-il que je l'essaie ?

    Les moqueries fusèrent :

    — Un pied aussi sot que le tien dans pareille merveille, tu es donc si naïve, pauvre fille !

    Mais l'envoyé de l'empereur, qui la regardait avec attention, la trouva fort belle. Il acquiesça à sa requête, qui lui paraissait juste, fit asseoir Fleur de Cendre sur un petit tabouret et enfila sans aucune difficulté la geta à son pied. Les deux sœurs médusées virent alors Fleur de Cendre sortir le deuxième socque de son vêtement et le chausser à son autre pied.

    À l'instant même, la dame blanche surgit de derrière le paravent. À peine eut-elle effleuré Fleur de Cendre de son éventail qu'elle redevint la belle princesse du palais. Enfin, ses sœurs la reconnurent... et elles ont imploré son pardon. Fleur de Cendre le leur accorda... La nouvelle se répandit à travers tout le royaume, à la vitesse d'une comète.

Il l'a retrouvée

Sa belle envolée de lune

Et de coquelicots !

    L'empereur fit annoncer leur mariage. La belle, qui ne connaissait pas la rancune, accueillit ses sœurs au palais, tandis que son père retrouvait enfin le chemin de son cœur.

    C'est ainsi que l'on célébra les noces de Fleur de Cendre avec le fils du Soleil.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 31 Juillet 2013 à 08:32:20
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JEAN DES MERVEILLES

Il était une fois un petit garçon qui n'avait plus ni père ni mère, rien que sa vieille grand'mère. Elle n'était pas bien riche , mais elle l'éleva tout de même de son mieux. Elle l'envoya à l'école quand il fut en âge d'y aller ; il y apprenait tout ce qu'il voulait, car il avait bonne volonté ; c'était le modèle de la classe, et il avait une bonne volonté ; c'était le modèle de la classe, et il écrivait aussi bien que son maître.

Un jour qu'il y avait une assemblée dans un bourg des environs, sa grand'mère lui dit d'y aller se divertir avec les autres, et elle lui donna des pièces de deux sous pour acheter ce qui lui plairait.

Il se mit en route avec ses camarades ; à un moment où il s'était un peu éloigné des autres, ils virent sur le bord du chemin une pauvre vieille bonne femme qui était assise sur la banquette et avait l'air d'une chercheuse de pain ; mais, au lieu d'avoir pitié d'elle, les petits garçons se mirent à l'appeler sorcière et à lui jeter de la boue, si bien que la vieille ne savait où se fourrer.

En accourant pour rejoindre les autres, Jean vit ce qu'ils faisaient.

- N'avez-vous pas honte, s'écria-t-il, de jeter de la boue à une personne qui ne vous dit rien ? Laissez-la tranquille, ou vous aurez affaire à moi.

Il aidai la vieille à se relever et lui dit :

-Ils vous ont fait mal, pauvre vieille grand'mère ?

-Oui, répondit-elle, toi, tu es meilleur qu'eux, tu seras récompensé et eux punis.

Le voilà qui continue sa route avec les autres ; en arrivant à l'assemblée, ils rencontrèrent une marchande de fruits et ils lui achetèrent des noix qu'ils se mirent à manger. Jean en ouvrit une avec son couteau, et quand ils eut tiré ce qu'il y avait dans la coque, il la jeta.

- Que fais-tu ? dit la marchande ; tu jettes ta coque de noix ?

- Oui, répondit-il ; j'ai mangé ce qu'il y avait dedans et elle n'est plus bonne à rien.

- Ramasse-la, dit la marchande, tu pourras luis commander ce que tu voudras, quand même ce serait d'être invisible.

Jean mit la coque de noix dans sa poche, et il continua à se promener dans l'assemblée avec ses camarades. Ils s'amusèrent de leur mieux ; mais pour s'en revenir chez eux, il fallait traverser une rivière ; pendant qu'ils étaient à se divertir, elle avait débordé et était devenue comme un lac. Ils s'arrêtèrent sur le bord, bien embarrassés comment la traverser.

Jean pensa tout à coup à sa coque de noix.

- Il faut, se dit-il, que je sache si la marchande s'est moquée de moi : Coque de noix, deviens un beau navire, et envoie un canot pour nous passer tous.

Aussitôt il vit un navire ; un canot prit à son bord Jean et ses compagnons, et ils passèrent rapidement de l'autre côté du lac.

- Coque de noix, dit Jean, reviens à ton état naturel.

Il la ramassa dans sa poche, et quand il fut rentré à la maison, il raconta à sa grand'mère qu'il avait un coque de noix qui prenait toutes les formes qu'on voulait.

- Ah ! mon pauvre petit gars, lui dit la vieille qui était un peu avare ; si cela est vrai, commande-lui de se changer en un coffre plein d'or.

- Coquille de noix, commanda Jean, deviens un coffre rempli d'or.

Aussitôt, au lieu de la coquille de noix , il y eut dans la cabane un coffre rempli d'or ; la grand' mère en souleva le couvercle et vit qu'il était plein de louis tout neufs ; elle en prit un dans sa main ; mais elle ne put parvenir à un second ; les pièces d'or semblaient collées l'une à l'autre, et elle mouilla sa chemise sans pouvoir en ramer une  seule, ce dont elle était bien marrie. Jean prit aussi une pièce qu'il mit dans sa poche ; mais il ne put en tirer une seconde.

La nuit venue, ils se couchèrent ; mais la bonne femme ne put fermer l'oeil ; à chaque instant elle croyait entre les voleurs qui venaient pour enlever le coffre. Le lendemain, elle dit à Jean des merveilles :

- Je vais t'acheter un pistolet ; tu veilleras cette nuit, et moi je dormirai un peu.

La nuit venue, Jean se mit à monter la garde ; mais sa grand'mère à peine endormie se réveilla en sursaut et s'écria :

- As-tu tué le voleur ?

- Non, grand'mère ; il n'est venu personne.

- Ah ! dit-elle, j'avais pourtant cru en entendre un rouler par terre.

Tous les jours ils prenaient chacun une pièce d'or ; mais ils ne pouvaient en avoir une seconde.

Cependant Jean des Merveilles entendit parler de la fille du roi qui avait été enlevée et transportée dans une île de la mer ; le roi promettait de la donner en mariage à celui qui réussirait à la délivrer ; beaucoup de navires étaient partis pour tenter l'aventure, mais aucun n'était revenu.

Jean dit à sa grand'mère :

- Je voudrais aller délivrer la fille du roi ; je pense que je pourrai le faire à l'aide de ma coque de noix, et cela nous vaudrait mieux que ce coffre plein d'or où nous ne pouvons pendre qu'une pièce à la fois.

La grand'mère y consentit, et Jean dit :

- Coffre d'or, redeviens coque de noix.

Cela s'accomplit à la minute ; Jean ramassa la coque dans sa poche, et quand il arrive sur le bord de la mer, il la mit à l'eau et dit :

Coque de noix deviens un beau navire bien mâté, bien grée, avec deux batteries, et des canonnier set des gabiers qui m'obéissent à la parole.

Aussitôt il vit un beau navire avec deux rangées de canons, qui masquait ses voiles comme pour attendre quelqu'un, et près du rivage, il y avait une baleinière toute dorée . Jean s'y embarqua, et aussitôt les hommes qui la montaient se mirent à nager aussi bien que les meilleures canotiers de la flotte. Quand il arriva à bord du navire, l'équipage était rangé sur la lisse pour le recevoir : aucun des hommes ne parlait ; mais ils lui obéissaient à la minute .

Il leur ordonna de conduire le vaisseau où la princesse était prisonnière ; aussitôt le navire déploya ses voiles et se mit en route, avant, tribord et bâbord, et il marchait comme le vent. Ils Furent trois jours sans voir aucune terre ; le quatrième, ils aperçurent une île à perte de vue, et ils mirent le cap dessus. Comme Jean des Merveilles en approchait, il vit un navire, deux navires, trois navires ; il en compta jusqu'à quinze qui étaient auprès de l'île ; l'un d'eux s'avança vers lui. Il commanda la manoeuvre à ses hommes ; mais, comme son navire n'avait pas hissé son pavillon, le corsaire qui venait à sa rencontre tira deux coups blanc, puis un troisième à boulet.

- Ah ! commanda Jean des Merveilles, chargez la moitié des canons avec des boulets et l'autre moitié avec de la mitraille, et puis feu partout.

Mais ses hommes ne bougeaient pas, et il était si en colère que, de rage, il se serait bien roulé par terre. Le corsaires arriva et ses hommes sautèrent à l'aborda ; mais les matelots de Jean les laissaient monter à bord sans même essayer de leur résister.

Quand il vit cela, il songea à son pouvoir et dit :

Coque de noix, deviens un petit navire où il y a seulement place pour moi, et tire-moi de ce mauvais pas.

Aussitôt il se trouva dans une petite chaloupe, et les matelots qui étaient à bord se noyèrent ; au même instant le chef des corsaires, qui étaient l'ennemi de la fée qui avait donné la coque de noix à Jean des Merveilles, fut changé en un gros chat noir qui lui dit :

Tu as cent ans à être prince, et moi cent ans à rester chat.

Jean des Merveilles aborda à l'île : il délivra la princesse , et ordonna à son petit bateau de se changer en un beau navire . Il monta à bord avec la princesse, et fit un heureux voyage ; quand il arriva à Paris, le roi fut bien content de le voir et lui donna sa fille en mariage.

Il y eu à cette occasion des noces si copieuses que le lendemain sur toutes les routes on voyait des invités égaillés sur les mètres (tas) de pierres et gonflant comme des bienheureux.


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 31 Juillet 2013 à 10:25:02
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Tamina Couleur Soleil

Aujourd'hui, le ciel est bas dans le cœur de Tamina. Au bord de ses yeux de jais, deux nuages se sont égarés, et sur ses joues d'ébène, deux petits ruisseaux roulent sans bruit et posent sur ses lèvres un baiser au goût salé.
    Tamina court se réfugier dans le buisson de laurier-tin, au fond du jardin. Derrière le feuillage épais, les branches ouvrent leurs bras pour accueillir tous les secrets. Pelotonnée au creux du buisson, Tamina explique à l'arbuste d'où lui vient ce chagrin. Elle ne comprend pas pourquoi elle n'a pas, comme les autres enfants, la peau claire des matins d'hiver.
    L'arbuste ne sait pas quoi répondre. Il connaît les amis de Tamina qui viennent souvent s'amuser dans le jardin. Il trouve que tous se ressemblent : les vêtements sont colorés, les visages joyeux et les yeux malicieux. Seule la couleur de la peau peut faire la différence, mais il ne voit pas en quoi cela aurait tellement d'importance.
    Un merle curieux s'est glissé sous le feuillage. Tout en fouillant le sol en quête de quelque ver de terre à débusquer puis à déguster, petit pas à petit pas, il finit par s'approcher. Tamina le reconnaît, c'est lui qui vient se régaler des fruits tombés sous le pommier.
En deux mots, l'arbuste lui explique le problème de la petite. Le merle déclare que, pour sa part, il est tout à fait satisfait de la couleur de son plumage car le jaune de son bec est bien plus éclatant sur le noir que sur le blanc.
    Tamina n'est pas plus avancée. Elle n'a pas un bec jaune pour justifier l'avantage d'avoir la peau noire. Et puis, c'est bien joli, pense-t-elle, mais tous les merles sont noirs. S'il était le seul merle blanc au milieu de merles noirs, peut-être penserait-il autrement !
    À quelques battements d'ailes de là, l'oiseau confie ce qu'il a vu et entendu sous le laurier à son amie la pie. La pie le raconte au geai, le geai le répète au choucas, le choucas en rend compte au corbeau, le corbeau le rapporte à la buse illico...
    Courant ainsi de bec en bec, de branche en branche et de nuage en nuage, l'affaire a tôt fait d'arriver aux oreilles du soleil.
    Du bout de ses doigts de lumière, le soleil soulève délicatement une feuille du buisson, il effleure la joue de Tamina et, une à une, boit toutes les perles de son chagrin.
    « Quand tu es venue au monde, lui dit le soleil, tu étais belle, si belle... Je crois bien que tu étais le plus beau bébé que la Terre ait jamais porté. Je passais des jours entiers à te regarder, mais à force de t'admirer, ta peau a doré tel un épi de blé. Le soir, je ne pouvais résoudre à me coucher, et je m'accrochais à la ligne d'horizon car mes yeux ne parvenaient pas à te quitter. Plus j'attachais mon regard à ta beauté, plus ta peau prenait la couleur du café. Si j'avais pu imaginer tout le chagrin que cela te causerait, j'aurais demandé aux nuages de te protéger. Tout cela est ma faute, pourras-tu me pardonner ? »
    Dans la paume de ses mains, Tamina compose une guirlande de baisers.
    Elle confie au vent le soin de l'emporter. Et sur son visage, un sourire dessine enfin la courbe du bonheur, car le secret de sa couleur brille maintenant dans son cœur...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 01 Août 2013 à 07:28:55
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Le vieil homme qui faisait danser toutes les saisons

L'histoire que je vais te raconter se passe à l'école d'un petit village.

Dans la classe des plus jeunes enfants, ils n'étaient que sept et tous les sept n'aimaient pas aller à l'école. Tu comprendras pourquoi quand je t'aurai présenté leur maîtresse, « Mademoiselle Petsec ».

Ce n'était pas son vrai nom, bien sûr, mais c'est ainsi que ses élèves l'appelaient... Toujours de mauvaise humeur, elle parlait très très très vite, avec des mots très très très compliqués. Les enfants ne comprenaient rien, ne retenaient rien, et forcément, quand elle les interrogeait, ils ne savaient rien. Alors elle s'énervait et les punissait.

Et puis, un jour, un homme étrange arriva dans leur village...

Il s'installa dans une petite maison en mine, au milieu des vignes, sous un immense marronnier... On n'avait jamais vu quelqu'un d'aussi original !

Cet homme était très vieux et, à n'importe quelle heure et par n'importe quel temps, il déambulait dans les rues en jouant du violon. Il se faisait remarquer avec son immense short, sa veste en peau de lapin et ses cheveux argentés dressés à la diable ! Tout le monde se moquait de lui...

Tout le monde, sauf les sept élèves de Mademoiselle Petsec.

Ils aimaient beaucoup la musique de ce drôle de bonhomme. Et, en le suivant partout pour l'écouter, ils avaient découvert de drôles de choses.

Le violoniste jouait SEUL, et pourtant les enfants entendaient en même temps d'AUTRES instruments de musique. Ils les entendaient, mais ils avaient beau tourner la tête de tous les côtés, ils ne les voyaient pas. Ces instruments étaient invisibles...

C'était toujours les mêmes mélodies. Il y en avait quatre. Et, pour chacune, des phénomènes différents se produisaient.

Pendant la première musique, les petits sentaient d'abord un parfum de muguet, puis des milliers de pétales de fleurs surgissaient on ne sait d'où et se mettaient à voltiger en mesure autour du violoniste.

Pendant la deuxième, c'était l'odeur du foin fraîchement coupé qui chatouillait leurs narines... Ensuite, des centaines de papillons se posaient sur les épaules du vieux monsieur. Ils battaient des ailes très vite, ces papillons, comme s'ils applaudissaient.

Pendant la troisième mélodie, l'air sentait bon la pomme, puis des feuilles mortes toutes dorées venaient faire une ronde autour de ses cheveux argentés. C'était joli !

Enfin, pendant la quatrième, des flocons de neige tombaient comme à Noël, et, comme à Noël, les petits reconnaissaient l'odeur des marrons grillés.

Tant de magie ne t'aurait pas émerveillé toi aussi, hein ?

En classe, un matin, ils étaient en pleine leçon, quand soudain :

—C'est la musique des papillons ! s'écria Joséphine en se levant d'un bond.

Et, avec tous ses camarades, elle sortit en courant rejoindre le violoniste qui venait de passer devant l'école.

—Mais, mais... Mais enfin où allez-vous ? Revenez tout de suite ! Vous me copierez cent fois « Je ne dois pas quitter ma place pendant la classe ». Non, pas cent fois, TROIS CENTS fois ! Non, MILLE fois !

La maîtresse voulut les rattraper, mais au coin de la rue ils avaient disparu. Volatilisés ! Elle les chercha dans tout le village : personne ne les avait vus... Ils avaient dû suivre le violoniste jusque chez lui !  Sûrement !... Alors, Mademoiselle traversa les vignes comme une fusée et trouva le vieil homme devant sa petite maison sous le marronnier. Il jouait comme toujours, mais il était SEUL :

—Où sont les enfants ?

—QUELS enfants ?

—Ben, mes élèves ! Paul, Théo, Marc, Antoine, Anna, Vincent et Joséphine. Ils vous ont tous suivi.

—C'est possible ! Mais je ne les ai pas vus ! Je ne regarde jamais derrière moi ! dit-il en replaçant son violon sous le menton.

Mais OÙ étaient-ils allés ?

Mademoiselle Petsec les chercha partout : derrière l'église, dans les vignes, dans les greniers, au bord de la rivière, dans les caves, et même dans le cimetière... Partout, je te dis, partout ! INTROUVABLES ! Un vrai mystère ! Ils n'étaient nulle part...

L'inquiétude grandissait... Alors ne sachant que faire, elle alla de nouveau questionner le vieux monsieur. Mais celui ne savait rien de plus ! Elle allait s'en retourner, quand elle reçut sur le nez, BING ! une petite sandale rose.

Au-dessus de sa tête, dans l'immense marronnier, devine qui était perché ? Paul, Vincent, Anna, Marc, Antoine, Théo et Joséphine. Tous découverts, à cause d'Anna qui avait laissé tomber sa sandale...

Théo, le plus petit de la bande mais pas le plus timide, dit :

—On est venus ici pour écouter la musique !

—Vous avez quitté la classe pour ça ?

—Ben oui !!

Dans l'arbre, la musique leur avait fait comprendre que chacune des quatre mélodies du vieux Monsieur correspondait à une saison de l'année. Eh oui !

Le parfum du muguet avec les pétales des fleurs, c'était le PRINTEMPS.

L'odeur du foin coupé et les papillons, c'était l'ÉTÉ.

Celle des pommes avec les feuilles mortes, c'était l'AUTOMNE.

Et les marrons grillés en même temps que les flocons de neige, évidemment c'était l'HIVER...

Et sais-tu comment s'appellent justement ces musiques ?

« LES QUATRE SAISONS », et le nom du compositeur génial qui les a écrites : VIVALDI... Antonio Vivaldi.

Une fumée sortit de la cheminée du vieux monsieur... En effet, il sortit sur le pas de sa porte, son violon à la main. Lui qui d'habitude ne parlait jamais ou presque s'approcha de Mademoiselle Petsec :

—Vous êtes-vous demandé, Mademoiselle, pourquoi vos élèves n'aiment pas l'école et pourquoi ils m'ont suivi ?

—Je ne sais pas. Dès que vous êtes passé, ils ont tout quitté. Rien n'aurait pu les empêcher de vous suivre.

—Ce n'est pas MOI qu'ils ont suivi, c'est la MUSIQUE. Elle a certains pouvoirs cette musique si on sait l'écouter, et eux ils SAVENT l'écouter.

—Il faut pourtant bien qu'ils retournent à l'école !

Avec un petit sourire, le vieil homme cala son violon sous le menton.

Le violoniste jouait le concert de L'HIVER, et les enfants avaient vraiment l'impression de voir la neige tomber à gros flocons... Cette mélodie était si belle que même les oiseaux en oubliaient de chanter.

Vue de là-haut, la maîtresse leur paraissait différente... toute petite et fragile. Elle ne bougeait pas, elle écoutait aussi.

Là, il se passa quelque chose qui va beaucoup t'étonner... Plus elle écoutait la musique, plus son visage se transformait. Ce visage toujours sombre et chiffonné petit à petit se détendait, s'adoucissait... Et tout à coup il s'éclaira d'un vrai sourire. Que lui arrivait-il ? À force de bien écouter, elle voyait les flocons de neige elle aussi ? Eh bien oui ! Elle aussi commençait à aimer la musique. Incroyable non ?

Au bout d'un petit moment, le vieil homme sans s'arrêter de jouer, s'en alla à travers les vignes... Aussitôt, les enfants se laissèrent glisser le long des branches pour le suivre.

La maîtresse sentit alors une petite main dans la sienne : c'était celle de Théo. Pour la première fois, un élève osait lui prendre la main...

Tu aimerais bien savoir où le violoniste les emmenait, hein ? Eh bien, c'est dans leur classe qu'il les ramenait ! Oui, mais attends... à partir de ce fameux jour, tout fut différent !

Paul, Théo, Marc, Antoine, Anna, Vincent et Joséphine n'auraient manqué l'école pour rien au monde. Mademoiselle leur parla moins vite, choisit des mots simples pour expliquer les leçons. Calcul, dictées, conjugaisons étaient devenus avec elle vraiment amusants... Souvent, avec des histoires et des imitations, elle les faisait rire comme des fous... Sa gaieté donnait ENVIE d'apprendre, ENVIE de se passionner, ENVIE de se balader dans les livres. ENVIE d'aller à l'école, quoi !

    Comme tu le vois, la musique avait complètement transformé leur maîtresse.

    Il l'avait bien dit le vieux monsieur, le cher homme :

    LA MUSIQUE A DE JOLIS POUVOIRS SI ON SAIT L'ÉCOUTER.

    Et toi, l'as-tu bien écoutée ?... On recommence ?

Marlène Jobert ; Frédérick Mansot
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Août 2013 à 07:55:22
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Histoire d'une rose

Il y avait une fois un jardin magnifique. Des centaines de roses y fleurissaient. Leur parfum était suave et leur éclat tel que celui qui les voyait gardait pour toujours le reflet de leur beauté dans ses yeux.  

Un jour de pluie, quand les nuages semblaient tous s'abattre sur la terre, un pauvre petit scarabée noir errait sur un sentier de ce jardin, en quête de quelque abri.

En face de lui grandissait un rosier couvert de superbes roses rouges; leurs pétales semblaient de velours, et les gouttes de pluie y scintillaient comme des diamants.

Le petit scarabée se dit :

"C'est là que je vais me cacher"

Mais le rosier était haut,  et le scarabée ne savait   presque pas voler . Aussi était-il un peu ridicule quand, péniblement, il s'éleva en l'air. Enfin il se trouva installé et, très content, se mit à l'aise sous les pétales d'une merveilleuse rose.

-Oh ! s'écria celle-ci, en frissonnant de dégoût à la vue du scarabée. Ne t'assieds pas sur moi, vilaine bête, tu pourrais salir ma belle robe!

Le scarabée effrayé s'envola.

Tout près s'élevait un autre rosier très fier et important. Ses fleurs étaient rose-saumon et leur parfum enivrant. Le scarabée se posa sous la plus grande feuille de la plus belle rose, en se faisant aussi petit que possible pour passer inaperçu. Mais hélas ! bientôt la rose le vit.

-Pouah ! dit-elle, a-t-on jamais vu pareille horreur ? Quelle vilaine robe noire! Va-t-en , je ne peux supporter de voir des choses laides et je ne te permettrai pas de t'asseoir sous mes belles feuilles.

Le petit scarabée , triste et fatigué, se remit en route.

De l'autre côté du sentier, il y avait un rosier fort élégant, portant des roses jaunes aux tiges longues et élancées. C'est là que le scarabée se réfugia, aspirant au repos. Mais tout à coup les roses alentour éclatèrent de rire.

-Regardez-le, non, mais regardez-le, disaient-elles, comme il a l'air stupide et morose ! quelle honte d'avoir un animal aussi dégoûtant dans notre jardin !

Et elles continuèrent à dire toutes sortes de choses déplaisantes à l'égard du petit scarabée. Le coeur gros, il se laissa choir sans énergie sur la terre;

Quand il regarda autour de lui, il se trouva assis sous un tout petit rosier, qui ne portait qu'une seule petite fleur minuscule et presque pas de feuillage. Le scarabée ne bougeait pas, s'attendant à être renvoyé par de cruelles paroles. Rien de pareil cependant n'arriva. Mais tout à coup il entendit des sanglots déchirants. Levant la tête, il vit la petite rose en larmes.

-Pourquoi pleures-tu, petite rose ? demanda-t-il.

Celle-ci ne s'était pas aperçue de son arrivée, et elle le regarda, très étonnée et un peu effrayée aussi.

Les autres roses autour de moi sont splendides et magnifiques, et elles se moquent de moi et me taquinent. Cependant, ce n'est pas de ma faute si je ne suis pas aussi belle qu'elles.

-Hum ! murmura le scarabée, et il ne dit plus rien.

-Mais, tu es tout trempé, mon pauvre, s'écria tout à coup la petite rose en remarquant à travers ses larmes l'air piteux du scarabée. Tu vas prendre froid ainsi. Viens plus près de moi pour que je te couvre de mes feuilles !

Ainsi le scarabée trouva un abri, protégé par la toute petite rose.

-Ecoute, proféra-t-il après quelques temps, tu es une gentille rose et tu as été bonne pour moi, alors que tes belles compagnes m'ont chassé avec mépris. Voilà pourquoi, désormais, tu seras plus grande qu'elles et même plus jolie.

La petite rose, incrédule, regardait le scarabée qui disait des choses qui jamais ne seraient.

-Je suis la fée de ce jardin, continua-t-il. Personne ne connaît mon véritable visage, et personne jamais ne le verra. Mais, ce soir, je viendrai te toucher avec ma baguette magique, et tu ne pleureras plus.

La nuit, quand toutes les roses étaient profondément endormies, la fée arriva dans son carrosse de toile d'araignée attelé de douze phalènes (ce sont des espèces de papillons de nuit) scintillantes. Sur ses beaux cheveux dorés brillait un diadème de gouttes de rosée, et sa robe était de la couleur des rayons de la lune.

Elle s'avança vers la petite rose, l'embrassa, la toucha doucement de sa baguette, et puis elle disparut avec son équipage de rêve.

Le lendemain, quand le jardin se réveilla, la petite rose se trouva être aussi haute que le mur gris contre lequel elle croissait. Des centaines de petites fleurs pareilles à elle-même étaient suspendues à ses branches garnies de jolies feuilles vertes. Et toutes elles bavardaient et riaient gaiement.

La petite rose était si radieuse de tant de bonheur qu'elle en rougissait. Cela lui donna la couleur la plus ravissante qu'on puisse imaginer.

Toutes les fières roses alentour regardaient en l'air avec de grands yeux étonnés et jaloux.

Et voilà l'histoire de la rose grimpante

       

                                                                                    Comtesse TOLSTOI
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Août 2013 à 08:21:06
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Les oreilles de la mer

Annette ne manquait jamais de s'arrêter devant les vitrines des marchands de corail, où, parmi les nombreux colliers de perles rouges, roses et blanches, parmi les breloques, les médaillons, les épingles et les belles branches de corail déposées dans les coupes de verre comme des fleurs bizarres, se trouvaient toujours, pour compléter le décor, trois ou quatre de ces grands coquillages, conques merveilleuses ressemblant à des oreilles de chair rose. Le papa d'Annette croyait qu'elle admirait quelque beau collier qui la tentait, et, comme il n'était pas riche, il restait à côté d'elle, sans rien dire, car il savait que le collier blanc, monté en or, qu'il eût aimé offrir à son Annette, avait une trop grande valeur pour qu'il y pût songer.
Or, un jour, la fillette le questionna :
« Est-il vrai, papa, que ces belles coquilles sont les oreilles de la mer ? »
Le père réfléchit un moment. Il y a quelquefois des questions auxquelles les papas eux-mêmes ne savent trop que répondre.
« Les flots parlent, reprit Annette. Donc ils ont une bouche. N'as-tu jamais entendu leur ramage ?
- Pour cela, oui ! » répondit le père avec conviction.
Il était marin et connaissait bien des choses. Que de fois, sur sa barque solitaire, errant au hasard entre le ciel et la mer, avait-il écouté l'eau qui jasait autour de lui ? Il avait même causé avec elle, car le balancement de la mer semblait lui apporter les baiser de sa petite fille chérie. Et lui, il confiait de ses nouvelles aux vagues, parce que, avant de se briser, elles s'en allaient jusqu'à Naples, où, quelqu'un des siens, passant là et entendant le flot battre la jetée, reconnaîtrait peut-être le salut de l'absent... Et puis, allez donc dire aux marins que l'eau ne parle pas !
« Donc, continua Annette, poursuivant son idée, s'ils ont une bouche pour parler et pour m'embrasser les pieds quand je marche sur la plage, ils doivent aussi avoir des oreilles pour entendre ? Que t'en semble ?
- Il me semble que oui, dit le père. Et alors ?
- Alors..., rien ! » soupira Annette, qui, pendant la fin de la promenade, ne questionna plus son père.
Celui-ci avait enfin compris que sa fillette ne s'arrêtait pas devant les vitrines des marchands de coraux pour contempler un de ces colliers qu'il désirait tant lui attacher autour du cou ! Un jour, il lui demanda si elle pensait encore aux oreilles de lamer.
« Toujours, répondit Annette, très sérieusement.
- Mais pourquoi ? »
Le père tiraillait ses longues moustaches, cherchant à deviner.
« Parce que, dit Annette, quand tu seras en mer, si j'avais quelque petite chose à te dire, j'approcherais ma bouche de l'oreille de lamer, comme je l'approche de tes oreilles à toi, et je lui dirais cette petite chose. La mer, ensuite, penserait à te la communiquer. »
Le père d'Annette n'était pas marin pour rien. Cette idée fut de son goût ; il la trouva si belle même, qu'il commença à faire des économies.
« Tu ne fumes plus ? demanda un jour, toute surprise, la maman d'Annette.
- J'en ai perdu le goût, répondit-il avec désinvolture. Cela me faisait mal à l'estomac.
- Tu plaisantes ! dit la maman. Tu as toujours eu un estomac d'autruche, capable de digérer des pierres !
- Cela tient peut-être, bredouilla le père, à ce que je prends trop peu d'exercice. Dorénavant, je ne monterai plus en tramway. »
Grâce à ces petites économies habilement masquées, les oreilles de la mer devenaient abordables. Il semblait à ce « papa gâteau », que l'un des coquillages venait à lui par un chemin toujours plus proche en lui disant :
« Viens, approche encore un peu ! Là, me voilà juste à point..., prends moi. »
Bref, il l'acheta. Deux jours après, papa partait sur la Sainte-Anne, la belle goélette de pêche du patron Carmine.
Avant de partir, il avait donné ses instructions à Annette :
« Tous les matins tu me diras bonjour, et tous les soirs, avant de te coucher, tu m'enverras un baiser. »
L'oreille de la mer fut placée sur la commode de la maman, juste devant la statuette de Sainte-Anne, et la chaise d'Annette était toujours posée devant la commode ! Le bonjour du maint et le baiser du soir furent fidèlement donnés, ainsi qu'il en était convenu, et, de plus, il y avait tant de choses à raconter au père en voyage, la journée était si pleine d'évènements !
Cette oreille de mer devint un membre de la famille, disons plus, le membre le plus précieux. Ne représentait-elle pas l'absent ?... Si la chèvre avait abîme le tricot de la grand'mère, en tirant sur son peloton, papa était le premier à en être informé ; si Annette avait eu pour sa calligraphie dix points accompagnés d'éloges, c'était encore au père qu'elle se hâtait de l'apprendre ; s'il y avait eu des fraises au dîner, Annette lui contait leur saveur. Et puis, elle lui apprenait tant d'importantes nouvelles : « Il pleut... Je vais me coucher... Je mets ma robe à carreaux rouges et bleus, etc... »
Quand il était l'heure de la promenade, Annette disait :
« Maintenant, allons chercher les réponses. »
Il y en avait toujours. La mer, bonne ou mauvaise, n'est jamais au repos. Quand elle clapotait silencieusement autour des barques remuant à peine, Annette entendait son papa qui lui disait :
« Sois sage, ne te penche pas par la fenêtre, donne un baiser à ta maman et à ta grand'mère, dis à tous que je vais bien... »
Quand la mer secouait les barques, gaiement, à la belle lumière du soleil, avec une certaine odeur d'algues qui met en belle humeur, Annette entendait son père éclater de rire :
« La chèvre, eh ! Je l'ai su. Cette Nérotte est une brigande ! Le tricot de la grand'mère ! Tu as dû bien te divertir !... »
Et la petite Annette entendait tant d'autres choses !
Dans les journées de tempête, Annette ne pouvait pas entendre se briser contre la jetée la grande rumeur de la marée sans trembler ! Elles restaient à la maison, la grand'mère, la maman et elle, pâles d'effroi, récitant la prière des marins !
Le tendre papa avait un peu oublié la coquille. Il pensait tant à Annette qui devait le plaindre, et il était aussi tellement occupé ! Ce n'est pas une vie de fainéant que l'on mène à bord ! On travaille jour et nuit, sans interruption. Il ne reste, - quand il en reste, - que le temps indispensable pour s'appuyer le soir sur le pont et regarder le sillage du bateau qui navigue vers la douce terre où on a laissé les siens... Un soir même, la mer était si grosse et le ciel si chargé, que le patron Carmine dit :
« Mes enfants, ce n'est pas le moment de plaisanter ; vite aux voiles. Préparons-nous ; c'est vers trois heures que commencera la danse ! »
Il parlait sur un certain ton, avec une certaine ride au milieu du front, qui fit que tous les hommes le comprirent instantanément. Personne ne connaissait les tempêtes mieux que ce vieux loup de mer. Figurons-nous si, à ce moment-là, le père d'Annette eut le temps de penser à autre chose qu'à toutes les espèces de voiles, grandes ou petites, hautes et basses, triangulaires ou quadrangulaires qui sont sur une goélette et qui s'appellent de vingt noms différents. Justement, le papa d'Annette était gabier.
Le patron Carmine n'avait pas pensé que la bourrasque éclaterait aussi imprévue et terrible. La mer se couvrit, en un instant, de crêtes blanches qui augmentaient, augmentaient, s'élevant comme des montagnes. Le ciel, après avoir été obscur, devint jaune, puis vert. Des rafales formidables envahirent la Sainte-Anne en la renversant sur les flots. On entendait les sourds éclatements du bois qui se brisait, et il semblait que les mâts dussent se rompre à chaque coup de mer : les voiles étaient secouées d'une telle violence, que les robustes gabiers ne pouvaient réussir à les replier.
Les ordres, les cris et les avertissements se croisaient dans le vacarme de la mer et du vent. L'obscurité devenait de plus en plus profonde ; la Sainte-Anne plongeait dans les ténèbres. Un grand nuage de sable l'avait régulièrement recouverte. Au milieu du bruit, on entendit une voix crier :
« Un homme à la mer ! »
Et la Sainte-Anne bouleversée, courait, courait, jouet du destin !
L'homme tombé dans la mer était le père d'Annette ; tout d'abord il fut pris dans un tourbillon, et il se crut à sa dernière heure.
Mais – comme il arrive souvent – la nuée de sable continuant sa route laissa l'air éclairci. Le gabier reprit courage, se coucha sur le flot, et jeta un cri qui fut entendu. Un autre cri lui répondit : « Un homme à la mer ! »
Les compagnons savaient donc qu'il vivait, et ils feraient certainement tout pour revenir sur leurs pas et le recueillir. Pendant un moment, le père d'Annette nagea vigoureusement dans la direction de la Sainte-Anne ; puis, ne voyant plus ni mât, ni voile à l'horizon, il chercha à épargner ses forces, et il se laissa porter au gré des flots. Combien d'heures se passèrent-elles ainsi ? Le père d'Annette ne les compta pas ; il sut seulement qu'elles durèrent une éternité. La venue de la nuit l'avait découragé. Ses compagnons ne revenaient pas ; il était certainement survenu quelque malheur : si la Sainte-Anne n'était pas en péril de naufrage, elle devait, pour le moins, se trouver dans l'impossibilité de se diriger ! Il était donc perdu !voilier
Les heures s'écoulèrent noires, lentes, sinistres. La mer, devenue tranquille, berçait le pauvre naufragé. Qu'importe, à présent, que les flots furieux ne ballottent plus, comme une épave, un homme à bout de forces ? Abandonné de tous, il ne peut plus espérer son salut que d'un miracle.
Ainsi pensait le pauvre papa d'Annette. Le froid l'avait vaincu, ses membres se recroquevillaient, ses bras ne pouvaient plus se mouvoir. Par moments, il avait le désir de fermer les yeux et de se laisser couler au fond.
Mais, tout à coup, il pensait aux siens, à Annette, et le désir de revoir sa petite lui donnait encore une lueur de courage ;  il essayait de nager. Il y avait tant d'heures qu'il attendait, et il se sentait si fatigué, si fatigué ! Un instant, il ferma les yeux, il ne vit plus rien, il ne pensa plus à personne.
... Ce soir-là, Annette avait causé plus que de coutume avec son père si lointain. Elle lui avait dit tant de chose dans le creux du coquillage ! Elle lui avait raconté toute sa journée, et, pour finir, elle lui avait envoyé trois baisers, dont un de la part de sa maman ; puis, elle était allée se coucher. Mais le sommeil n'avait pas voulu venir. Elle entendait sa mère travailler à la machine dans la chambre à côté. Elle pensait que ce serait si beau si son papa et sa maman étaient toujours ensemble, oui, oui, toute la vie, avec Annette.
Au lieu de cela, le pauvre papa était sur la mer !... Annette descendit de son petit lit, marcha sur la pointe des pieds déchaussés, jusqu'à la commode, et là, mettant sa bouche tout près de l'oreille de lamer, elle murmura tout bas, tout bas, pour que sa maman n'entendit pas :
« Petit papa, mon petit papa, reviens vite, vite ! oh ! oui, reviens vite, parce que nous sommes trop seules, maman et moi, reviens, reviens, reviens ! » parce que nous sommes trop seules, maman et moi, reviens, reviens, reviens ! »
Contente, elle se faufila dans ses couvertures et dormit jusqu'à l'aube.
Le message d'Annette mit un peu de temps à arriver ! D'abord, parce que le père était très loin, puis parce que l'Océan lui-même ne fait que ce qu'il peut. Les paroles roulèrent, roulèrent sur la crête des vagues et arrivèrent à l'aube portées par le léger mouvement de la marée. La mer triste, muette, entourait un corps d'homme qui s'abandonnait ; elle commença à murmurer, à chuchoter une chose, une chose... Quelle chose, disait-elle ?
« Reviens, reviens, nous sommes seules, reviens, reviens, reviens !...
L'homme entendit ; il rouvrit les yeux. Il fallait encore lutter ! Les oreilles de la mer avaient entendu les douces paroles d'Annette, et la mer priait pour elle, avec la petite voix de l'enfant, avec son gémissement si semblable à celui de la marée. Courage ! le père d'Annette fit un dernier effort, se souleva sur l'eau et regarda au loin : oh ! joie ! la Sainte-Anne était à l'horizon ! Portée par le vent, elle accourait , toutes voiles déployées.
Cette histoire m'a été racontée par le père d'Annette. La petite riait, les yeux un peu humides, et moi, dois-je vous le dire ? moi... je pleurais !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Août 2013 à 08:16:50
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La renaissance du Soleil

Tous en Cercle, et je vais vous raconter une histoire sur le temps où le Soleil renaît...

C'était le milieu de l'Hiver, et le Soleil était devenu très vieux.
Tout au long de l'année il avait travaillé très dur, se levant et se couchant jour après jour. Tout au long de l'année il avait nourri tout le monde sur terre, brillant et brillant encore, donnant de l'énergie aux arbres, aux fleurs et à l'herbe pour que tout cela puisse pousser et nourrir les animaux, les insectes, les oiseaux, et les gens.
Tout au long de l'année la force de gravitation du Soleil avait retenu la Terre, la Lune et les huit autres planètes de notre système alors qu'elles tournoyaient, tournoyaient si fort que le pauvre Soleil avait le vertige en les regardant.
A présent, le pauvre Soleil si fatigué peinait même à se lever le matin, et très rapidement, eut envie de se rendormir. Alors les jours se raccourcirent, et les nuits s'allongèrent, jusqu'à ce que le jour soir si bref qu'il ne valait presque plus la peine de se lever.
La Nuit ressentit de la compassion pour le Soleil.
« Viens dans mes bras te reposer, mon enfant », dit-elle. « Je suis ta mère après tout. Tu es né de mon obscurité, il y a des milliards d'années, et tu retourneras à moi à la fin de toutes choses. Laisse-moi te bercer maintenant, comme je berce et enlace toute galaxie, et toute étoile dans l'univers. »
Alors la nuit entoura le Soleil de ses longs bras, et la nuit fut en effet très longue.
« Pourquoi il fait noir si longtemps ? » demandèrent les enfants partout sur terre. « Le Soleil ne reviendra plus jamais ? »
« Le Soleil est très fatigué », dirent les adutes. « Mais peut-être que si vous les enfants, vous disiez merci pour tout ce que le Soleil fait pour nous, la lumière pourrait revenir au matin. »
Les enfants chantèrent des chansons pour le Soleil. Ils pensèrent à tout ce qu'Il leur donnait.
« Merci de faire pousser les salades, et le maïs, et le riz et le blé », dirent-ils. « Merci de faire grandir les arbres des forêts et les algues dans les océans et le plancton qui nourrit les baleines. Merci de brasser l'air et d'apporter le vent qui fait pleuvoir. »
Chaque fois qu'un enfant disait merci, le Soleil commençait à se sentir un peu plus chaud, un peu plus brillant. Serré en sécurité dans les bras de la Nuit, il devenait de plus en plus jeune.
Arriva le moment où les enfants durent aller au lit. « On va rester debout et attendre que le Soleil revienne », dirent les adultes.
« On peut rester debout aussi ? » demandèrent les enfants.
« Vus pouvez essayer, mais vous allez vite être trop fatigués », dirent les adultes. « Mais vous pouvez allumer chacun une bougie, parce que toutes les flammes sont des étincelles du Soleil. Posez votre bougie dans un endroit parfaitement sécurisé, et laissez-la monter la garde pour vous pendant que vous dormez et rêvez du lever du Soleil. »
Alors les enfants allumèrent leurs bougies et les posèrent dans des endroits très sûrs, et chaque flamme était une petite étincelle du Soleil. Et le Soleil regarda par les interstices entre les bras de la Nuit, et vit tous les petits feux, il commença à se sentir vraiment plus chaud et plus brillant, et toujours plus jeune.
Tôt le matin, les adultes réveillèrent les enfants. Ensemble ils grimpèrent sur une grande colline et se tournèrent vers l'Est, la direction du lever du Soleil. Ils chantèrent des chants pour Lui et coururent pour se tenir chaud. Ils attendirent et attendirent encore, pour voir ce que l'aube apporterait.
Le noir du ciel commença à se teinter d'indigo et de bleu. Lentement, il devint lumière. Une brillance dorée souligna l'horizon. La Nuit ouvrit ses grands bras, et dans une explosion de brillance, le Soleil apparut, neuf, fort et ardent.
Car durant la longue nuit le Soleil s'était bien reposé et avait rajeuni grâce aux chansons et aux remerciements des enfants, il était neuf comme un nouveau-né issu de la Nuit.
Tout le monde se réjouit, et les enfants sautèrent un peu partout.
« Le Soleil est revenu ! Le Soleil est né à nouveau ! » Crièrent les gens. Et ils dansèrent et chantèrent pour célébrer la naissance du jour nouveau, puis ils rentrèrent chez eux pour prendre le petit-déjeuner.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Août 2013 à 11:30:30
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Au four et au moulin

Il était une fois, dans le pays des moulins, un maître-meunier qui avait un très très beau moulin à eau. Il était plus grand et moulait quotidiennement plus de grain que les autres moulins à la ronde. Il faisait l'envie de tous les paysans et même des seigneurs des environs.

          Pourtant, Emile le meunier n'était pas heureux. Il se faisait vieux, sa femme était morte sans lui donner de descendance et il ne savait pas auquel de ses deux apprentis céder son moulin.

          Tandis que le pauvre homme se tourmentait ainsi pour sa succession, la morte saison arriva, l'eau gela au pied du moulin et le moment vint de prendre quelque repos.

-Je compte sur vous pour revenir dans trois mois, dit Emile à ses deux apprentis, Albert et Nejus. Qu'allez-vous faire d'ici là ?

-Je vais rendre visite à ma vieille mère, dit Albert. Elle habite à trois jours de marche d'ici et cela fait des mois que je n'ai pas pu aller la voir.

-Je vais prêter assistance à mon père qui est bûcheron, répondit Nejus. Avec Noël qui approche et tous les sapins qu'il va falloir abattre, un peu d'aide ne pourra être que la bienvenue.

-Vous êtes tous deux de braves garçons, dit le meunier et j'ai de la chance d'avoir des apprentis tels que vous. Toi, Nejus, avec ta force et toi, Albert, avec ton habileté à traiter avec les paysans, vous ferez tous deux de bons meuniers. Pourtant, c'est injuste mais c'est ainsi, seul l'un de vous deux pourra me succéder. C'est au printemps que je prendrai ma décision. Les autres meuniers n'ont pas ce problème, ils ont tous un ou des enfants pour les remplacer petit à petit mais, moi, je n'ai pas eu cette chance. C'est pourquoi la femme de celui qui me succédera aura autant d'importance que son époux. Vous êtes de braves et courageux meuniers mais trouverez vous une épouse qui fasse une bonne meunière ? Cherchez vous une fiancée et ramenez la avec vous à la mi-mars. Il me sera moins pénible de trancher entre elles qu'entre vous que je connais depuis des années au point d'en être arrivé à vous considérer comme mes fils.

          Les deux garçons furent très surpris par les propos du meunier mais ils avaient toujours été très respectueux vis à vis de leur vieux maître qui était un homme avisé et les traitait avec bonté.

          Aussi promirent-ils de faire de leur mieux pour le satisfaire. En son for intérieur, Nejus avait déjà envisagé de se chercher une compagne dans les mois à venir. Quant à Albert, chaque fois qu'il voyait sa mère, elle lui disait la hâte qu'elle avait de faire sauter des petits enfants sur ses genoux. Ce qui contrariait davantage les deux apprentis était que cette rivalité forcée risquait de causer la fin de leur belle amitié. Néanmoins, sans s'en ouvrir l'un à l'autre de peur de voir leurs inquiétudes prendre corps, ils se séparèrent chaleureusement comme toujours.

Nejus retrouva toute sa famille qui lui fit fête et, tout à la joie de célébrer Noël, il oublia un peu ce que lui avait dit son maître. Ce n'est que fin janvier que la requête du meunier lui revint à la mémoire. Il s'en ouvrit à ses parents.

-J'ai ouï-dire, déclara alors le bûcheron, que tout au cœur de la forêt dans un sous-bois impénétrable jusqu'auquel nous n'allons jamais, se trouve un château dans lequel une princesse est retenue prisonnière par un mystérieux enchantement. Seul son prince charmant pourra la délivrer.

-Je ne suis pas sûr qu'une princesse puisse faire une bonne meunière, rétorqua son fils, mais il ne sera pas dit que j'aurai laissé une gente demoiselle dans la difficulté. Je vais aller sur place voir ce que je peux faire pour elle.

 

          Nejus prit des provisions pour la route et une solide hache de bûcheron afin d'être à même de se tailler un passage dans les recoins les plus obscurs de la forêt. Au dernier moment, son frère cadet, Berus, qui était bûcheron comme leur père, lui proposa de l'accompagner.

-Peut-être y a t'il plusieurs princesses dans ce château, dit-il. Au reste, je n'ai pas besoin d'une princesse. Une jeune fille simple et charmante, fut-elle une servante, me suffira. S'il y a un château avec une princesse dedans, il y a sans doute d'autres occupants.

-Sans doute, approuva Nejus.

           Les deux frères se mirent donc en route. Ils marchèrent, taillèrent dans les buissons, cueillirent des mûres sauvages, abattirent un ou deux arbustes, se perdirent un peu et enfin parvinrent en vue d'une habitation.

-C'est ça, le château ? demanda Berus, surpris. Cela ne ressemble pas du tout à l'idée que je m'en faisais. Ce n'est pas très grand, ce n'est pas très beau, il n'y a pas de tour, pas de pont-levis...C'est juste une maison avec des murs envahis par le lierre.

-Les commérages ont dû améliorer la réalité pour la transformer en légende comme c'est souvent le cas, observa Nejus.

-Cela n'a pas l'air habité, ajouta son frère, désappointé.

-Tentons d'entrer, dit son aîné.

          Il essaya d'ouvrir la porte mais elle ne céda pas. Alors les deux frères prirent du recul et, d'un seul élan, se jetèrent contre le panneau de bois qui daigna se déclarer vaincu.

A l'intérieur, la poussière et les toiles d'araignée régnaient en maître. Il n'y avait pas âme qui vive au rez-de-chaussée mais, dans l'une des chambres du premier étage, ils découvrirent trois jeunes filles et un chien changés en statues de pierre. L'une d'elles était couchée avec le chien sur l'édredon dans un grand lit à baldaquin tandis que les deux autres étaient figées assisses chacune sur un fauteuil à droite et à gauche du lit.

          Berus, s'approchant du lit, posa sa main sur le chien en disant :

-La pauvre bête ! Qu'a t'il bien pu faire pour mériter un sort pareil ?

          Alors qu'il caressait la pierre, celle ci se réchauffa progressivement et le chien, recouvrant la vie, aboya joyeusement et lécha avec affection son sauveur.

          A l'exemple de son frère, Nejus se mit à tapoter les mains de la jeune fille qui se trouvait sur le lit, à lui frotter les pieds mais cela resta sans effet. C'est alors que le chien sauta sur le lit de sa maîtresse et lui lécha énergiquement la figure.

-Où suis je ? Qui êtes-vous ? s'écria t'elle en voyant les deux jeunes gens.

          Alors qu'ils s'expliquaient, la porte en bas s'ouvrit dans un grand coup de vent et un homme monta. Il était grand, mince et vêtu comme un sorcier.

-Je suis le mage Doremi, dit-il. Qui vous a permis de délivrer mes prisonniers ?

-Pourquoi les avez-vous changé en pierres ? demanda Nejus.

-Demoiselle Alice avait repoussé l'amour sincère que je lui offrais, ses suivantes effrontées m'avaient ri au nez et le chien m'avait aboyé dessus alors je les ai tous transformés en statues de pierre il y a dix-huit mois de cela pour les punir de leur dédain.

-Pardonnez-moi, s'écria Alice à l'adresse du magicien, j'ai été vaniteuse et sotte. Si vous voulez encore de moi, je consens désormais à être votre épouse.

-Voilà qui est mieux, se réjouit le mage. Partons de suite dans mon royaume célébrer nos noces. Jeunes gens, il vous suffira d'embrasser amoureusement les suivantes pour les délivrer du sort. Choississez donc bien celle que vous préférez. Seul l'amour peut ôter un sortilège jeté avec haine.

-Je vous donne mon chien Boti pour vous exprimer ma gratitude, dit Alice. Il semble vous avoir pris en affection et, du reste, il ne s'entendrait probablement pas avec les chats du magicien.

-Oh, mille merci ! s'exclama Berus, ravi.

          Le mystérieux mage et sa fiancée s'évanouirent dans un nuage de fumée ; Nejus choisit la jeune fille de droite et Berus celle de gauche puis, dans un même élan, ils les embrassèrent et elles reprirent vie dans l'instant.

          Les jeunes gens leur racontèrent ce qui venait de se passer. Anita, celle que Nejus avait choisi, et Clara, celle que Berus avait voulu, leur exprimèrent toute leur reconnaissance. Tous quatre quittèrent en hâte l'étrange demeure suivi de Boti qui gambadait comme un fou tout à la joie de sa liberté retrouvée.

          Ils rentrèrent chez eux tout heureux et Nejus se mit à préparer progressivement Anita au métier de meunière.

          Pendant ce temps, Albert était rentré chez sa mère et avait eu la fâcheuse surprise de trouver celle-ci beaucoup plus mal en point qu'il ne s'y attendait. La vieille femme, à laquelle une voisine administrait des soins, mourut deux jours après l'arrivée de son fils comme si elle avait attendu pour rendre son dernier soupir de l'avoir revu une dernière fois.

          La voisine, qui s'appelait Angèle, était jeune et pleine d'énergie. Elle s'offrit pour remettre la maison en ordre et le jeune homme, qui se sentait dépassé par les évènements, accepta.

-A présent que je suis orphelin, songea t'il, il est d'autant plus nécessaire pour moi de me marier.

          Il apprit d'Angèle qu'elle était seule au monde également car ses parents étaient décédés de la petite vérole l'an passé. La jeune fille, avec laquelle il avait joué dans son enfance, lui plaisait de plus en plus et il en vint à trouver des prétextes pour la faire venir chez lui ou pour lui rendre visite. Il se mit à chasser beaucoup afin de solliciter l'aide de la jeune fille pour dépecer les bêtes, il lui offrit des vêtements ayant appartenu à sa mère, lui demanda son avis sur ce qu'il devait vendre et ce qu'il devait garder...Au bout d'un mois, il ne pouvait tout simplement plus se passer d'elle.

          Il lui dit donc qu'il l'aimait et lui demanda de devenir sa femme. Seulement, comme il était pauvre, il n'avait pas les moyens de lui offrir une bague de fiançailles. Il lui demanda donc ce qu'elle désirait comme présent.

-Je veux le four magique qui s'allume tout seul, lui répondit-elle.

-Misère de misère, se dit-il. Il y a des jeunes filles qui ont des prétentions simples et il a fallu que j'en choississe une qui veut que l'on décroche la lune pour elle.

-Où puis-je trouver un tel four ? demanda t'il en soupirant.

-Si je le savais, je serais déjà allée le chercher, répliqua Angèle. Mais je suis sûre que toi, avec ton habileté et ta force, tu le trouveras sans mal.

          Albert vit bien qu'il lui fallait en passer par là où elle le souhaitait. Il mit donc dans un sac quelques vêtements et provisions puis il partit. A tous ceux qu'il croisait, il demandait s'ils avaient entendu parler d'un tel four.

          Tous répondaient négativement.

          Un jour, enfin, un petit rouge-gorge lui dit :

-J'ai volé au dessus d'un tel four, il dégageait une forte chaleur et, pourtant, il n'y avait personne pour l'activer. Il se trouve un peu plus au nord près d'un puits de mine abandonné.

          Encouragé par cette nouvelle, Albert accéléra la cadence de ses pas et il découvrit le fameux four au bout de deux heures de marche.

Il mit ses gants puis tenta de le soulever. Le four se mit à protester bruyamment :

-Hé là ! Hé là ! Où vous croyez-vous ? Depuis quand transporte t'on les gens sans leur demander leur avis ?

-Pardonnez-moi, dit le jeune homme, confus. Je ne savais pas que vous étiez vivant.

-Pendant des années, j'ai servi aux ouvriers de la mine à faire cuire leur nourriture. Lorsque le gisement a été épuisé et le site abandonné, le propriétaire de la mine, le mage Doremi, m'a donné vie pour me récompenser. Mais je m'ennuie ici, c'est terrible à quel point je m'ennuie.

-Ne pouvez-vous changer de place ?

-Je le peux. La nuit, je me promène un peu dans la forêt mais le jour, je n'ose pas. Des personnes malveillantes pourraient me détruire en me traitant d'objet de sorcellerie. Pourquoi es tu venu jusqu'à moi ? Tu as quelque chose à faire cuire ?

-En fait, non, dit Albert. Ma fiancée te veut pour présent de fiançailles car elle pourra, avec ton aide, réaliser toutes les pâtisseries qu'elle voudra. Viens avec moi. Nous ne cheminerons que de nuit pour ne pas nous faire remarquer. Si quelqu'un nous voit, je ferai semblant de te porter. Une fois dans ma maison, tu seras en sécurité.

-Ma foi, répondit le four, tu me sembles un jeune homme sympathique et je veux bien te faire confiance. Faisons donc comme tu le proposes.

          Le soir venu, ils se mirent donc en route le four sautillant aux côtés d'Albert.

          Quand ils arrivèrent au village natal du jeune homme, ils réveillèrent Angèle qui poussa des cris de joie à la vue du four magique. Elle l'essaya dès le lendemain matin et en fut enchantée.

          Cependant Albert était bien ennuyé car il ne lui restait plus que quelques jours avant d'aller retrouver son maître-meunier et il savait qu'Angèle n'accepterait pas à l'accompagner si le four n'était pas du voyage. Mais le four consentirait-il à ce nouveau déplacement ?

          L'apprenti meunier lui fit valoir qu'il serait bénéfique pour lui de se trouver à côté d'un moulin car, avec toute la farine qui s'y créait, c'était un endroit idéal pour cuire du pain et des gâteaux.

          Le four réfléchit et acquiesça :

-Tu as raison. D'ailleurs, je n'ai pas beaucoup voyagé dans ma vie jusqu'ici. Je serai content de voir un peu du pays.

          Tous trois se mirent donc en route. Ils atteignirent le moulin le lendemain de l'arrivée de Nejus et d'Anita. Le maître-meunier mit les jeunes filles à l'épreuve de plusieurs manières. Finalement, il réunit ses deux apprentis et leur dit :

-Une bonne meunière est une meunière prompte à répondre à la demande du client. Vous allez tous deux appeler vos fiancées en même temps. La première des deux qui sera là deviendra la meunière en titre du moulin.

          Anita arriva tout de suite mais Angèle tarda à se montrer. Comme son fiancé lui en faisait réprimande, elle rétorqua :

-J'étais en train d'enfourner un excellent gâteau pour le dîner de ce soir. Je ne peux pas être à la fois au four et au moulin.

-Elle a raison, dit le maître-meunier. Nejus et Anita me succèderont au moulin. Quand à toi, Albert, je te suggère d'ouvrir avec ta fiancée une pâtisserie à côté du moulin.

-C'est une excellente idée, s'écria Nejus. Ainsi, nous pourrons continuer à travailler ensemble comme par le passé. Dis oui, Albert, je t'en prie.

          Le jeune homme regarda Angèle qui le supplia des yeux d'accepter et prit sa résolution.

-Eh bien, soit. Après tout, c'est la meilleure solution.

          Les deux mariages furent célébrés le même jour. Les deux ménages vécurent toujours dans le bonheur et l'harmonie sans jamais souffrir du froid ni de la faim même par le plus rigoureux des hivers ce grâce aux bons offices du four magique.

 
Un conte de Sandrine Liochon
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 05 Août 2013 à 08:47:48
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TIMÉOO

Il y a longtemps, très longtemps, dans un lointain pays magique, vivait un petit garçon qui s'appelait Timéoo... Et comme tous les enfants du pays magique, Timéoo n'allait pas à l'école, car le livre de la connaissance avait disparu du pays magique et depuis plus personne ne savait comment le retrouver...On disait qu'on avait volé le livre de la connaissance... et... comme dans tous les pays magiques il y a un magicien, on disait aussi que le vieux magicien, qui habitait de l'autre côté de la montagne, savait où se trouvait le livre de la connaissance. Mais personne n'osait s'aventurer de l'autre côté de la montagne...Et le vieux chat, Siméon, qui était autrefois le gardien du livre de la connaissance, n'avait plus de travail, aussi il s'ennuyait et il passait ses jours et ses nuits à dormir...C'est vrai qu'il n'y avait pas beaucoup de différence entre les jours et les nuits au pays magique. Comme on avait perdu la connaissance, on ne savait plus comment faire apparaître le soleil, ni comment faire disparaître la lune, ni même compter les étoiles qui avait fini par bouder et refusaient de se montrer... On ne savait même plus comment inventer de nouvelles couleurs pour peindre les fleurs qui étaient toutes fanées... Que le pays magique était triste à cette époque là!
Et puis un jour Timéoo décide de tout changer... et il demande au vieux chat Siméon comment faire pour aller chez le magicien de l'autre côté de la montagne. Car Siméon sait tout de même beaucoup de choses, puisqu'il était le gardien du livre de la connaissance autrefois.
"Tu dois partir à la recherche de Bergolin l'écureuil et lui demander de te conduire de l'autre côté de la montagne, dit Siméon. Il connaît très bien la géographie et il a beaucoup voyagé... Il te guidera".

Ainsi fut fait et Timéoo emporte du chocolat aux noisettes, du jus d'orange enrichi en vitamines et il part pour la grande aventure... Il trouve Bergolin l'écureuil dans la forêt :
"Bonjour Bergolin, dit Timéoo, peux tu me conduire chez le magicien de l'autre côté de la montagne? Je veux retrouver le livre de la connaissance.
- Donne moi ton chocolat aux noisettes et je te conduirai, répond Bergolin, mais auparavant nous allons partir à la recherche de Maître Hibou, car il sait très bien compter et il nous dira combien de kilomètres nous allons parcourir pour aller de l'autre côté de la montagne".
Ainsi fut fait et Bergolin et Timéoo partent à la recherche de Maître Hibou. Mais Maître Hibou est bien fatigué, car il a passé la journée à essayer de battre le record du monde de calcul mental...
"Bonjour Maître Hibou, dit Timéoo, peux tu nous dire combien de Kilomètres nous devrons parcourir pour aller de l'autre côté de la montagne? Je veux retrouver le livre de la connaissance.
  - C'est un bien long voyage Timéoo. A vol de hibou, la maison du magicien se trouve à trois cents cinquante sept milliards six cents cinquante huit mille kilomètres... Mais je vais vous accompagner, car j'ai l'intention de demander au magicien de me prendre comme assistant dans son prochain spectacle de magie. On raconte qu'il est très célèbre et qu'il en a assez de travailler avec des lapins. Mais auparavant nous allons partir à la recherche de Grand Furet. Grand Furet est vraiment malin, car il a lu beaucoup d'histoires de détectives autrefois et il saura comment rattraper le voleur du livre de la connaissance"...
Ainsi fut fait et Timéoo, Bergolin et Maître Hibou partent à la recherche de Grand Furet. Mais Grand Furet est bien ennuyé, car il a une très mauvaise vue et il a perdu ses lunettes depuis la veille. Aussi lorsque Bergolin retrouve ses lunettes dans le garde manger, Grand Furet est si heureux, qu'il décide d'être lui aussi du voyage, pour partir à la recherche du livre de la connaissance.

Le voyage est long et difficile... Mais les quatre nouveaux amis savent, que lorsqu'ils auront retrouvé le livre de la connaissance, ils pourront réaliser leurs rêves...Bergolin est ravi de faire un nouveau voyage et d'avoir du chocolat aux noisettes, Grand Furet se dit que dès qu'ils seront de retour chez eux, il pourra écrire leurs aventures, Maître Hibou pense qu'il va enfin apprendre comment font les magiciens pour calculer aussi vite et pour avoir autant de mémoire....et Timéoo sait, que lorsqu'il aura retrouvé le livre de la connaissance, il va découvrir autant de choses que les enfants des autres pays magiques...Ils marchent pendant des jours et des nuits, sauf Maître Hibou bien sûr, qui est perché sur l'épaule de Timéoo et qui continue à s'entraîner à battre le record de calcul mental...

Ils arrivent enfin devant la maison du magicien et Timéoo est très surpris, car le magicien n'est pas du tout comme il l'imaginait. C'est un gros monsieur qui porte un minuscule petit chapeau et qui a l'air très drôle.
"Bonjour Timéoo, dit le magicien, Je t'attends depuis longtemps tu sais. Soyez les bienvenus tous les quatre. Rentrez et régalez vous. Les quatre amis suivent le magicien à l'intérieur de sa maison et là...Quelle surprise! Ils découvrent une table couverte de bonnes choses. Il y a même des noisettes pour Bergolin... Mais le plus surprenant, ce sont les images qui bougent et qui parlent sur un grand mur blanc... C'est extraordinaire! Le magicien explique que cela s'appelle un film et il parle d'un monsieur qui est aussi magicien et qui s'appelle Monsieur Méliès et qui a inventé le cinéma...Les quatre amis voient beaucoup de films de monsieur Méliès et ils découvrent des machines qui avancent toutes seules et qui vous conduisent très loin... et d'autres machines qui vous conduisent jusqu'aux étoiles... Ensuite le magicien leur montre une petite boîte magique avec laquelle on peut faire des images des choses que l'on aime et les garder pour toujours. Ces images s'appellent des photos...Timéoo prend une photo de ses amis pendant qu'ils dégustent toutes sortes de friandises. Il souhaite de tout son cœur que ce moment ne finisse jamais et il veut découvrir d'autres choses encore...

C'est alors que le magicien regarde Timéoo droit dans les yeux... Il lui reprend la petite boîte magique et lui dit:
"Timéoo, tu as fait un très long voyage pour retrouver le livre de la connaissance et dans un instant tu vas rentrer chez toi...Tu as appris beaucoup de choses et tu en apprendras bien d'autres encore, car tu sais maintenant que le livre de la connaissance est à l'intérieur de toi...Et lorsque tu voudras découvrir le monde, tu ouvriras ce livre et il te parlera. Tu l'écouteras et tu voudras en savoir d'avantage, car c'est un livre magique, qui connaît tous les secrets. Et chaque fois que tu connaîtras un secret tu voudras connaître un autre secret.... Mais chut!... C'est un secret...Soudain Timéoo se réveille dans son lit.... A travers la vitre il peut compter des milliers et des milliers d'étoiles... Il serre la photo de ses amis contre son cœur et il pense que lorsqu'il sera grand il deviendra astronome, pour découvrir tous les secrets de l'univers...

ET QUE SONT DEVENUS BERGOLIN L'ÉCUREUIL, GRAND FURET ET MAÎTRE HIBOU???
Figurez vous que j'ai eu de leurs nouvelles pas plus tard qu'hier. Il paraît que Bergolin est devenu reporter photographe et qu'il fait le tour du monde. Grand Furet a écrit son premier roman policier qui a eu tellement de succès qu'il a été traduit dans plusieurs langues. Quant à Maître Hibou, il est devenu un champion du calcul mental. Il est capable de calculer des additions, des multiplications, des divisions avec des nombres à dix chiffres, sans même l'aide d'une machine à calculer et il travaille dans les plus grands théâtres, auprès des magiciens les plus célèbres.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Août 2013 à 13:45:35
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Les paillettes magiques

Il y a bien longtemps, à Tchang Ling, petite ville au pied de la Grande Muraille de Chine, vivait un empereur dans un palais merveilleux.
Jamais personne n'avait vu un tel palais. Il était entouré de magnifiques jardins. On y rencontrait des fleurs parfumées, aux couleurs vives et des arbres aux feuilles dorées. Au bout d'une allée parsemée de petits cailloux blancs et nacrés, coulait une fontaine dont le son rappelait la mélodie du rossignol. Au milieu du jardin se trouvait un rocher incrusté d'or et de pierres précieuses. On y accédait par un petit pont en bois qui enjambait une petite rivière.

Lorsque l'empereur se promenait dans ses jardins, le bonheur emplissait son cœur.

Hélas, un jour, une petite fille lui annonça que la princesse qu'il voulait épouser avait été enlevée. La petite servante lui apprit que des samouraïs l'avaient emmenée de force chez leur maître Hizikato, un puissant seigneur japonais.

L'empereur se rappelait très bien de lui car ils s'étaient battus quelques années plus tôt. Hizikato voulait sûrement se venger de sa défaite.

L'empereur, bouleversé, partit tout de suite à la recherche de la princesse.

Lee Ching, la petite servante, le supplia de l'emmener avec lui. En apprenant qu'elle possédait des dons, Liang accepta.

Ils partirent donc tous les deux vers la mer. Leur voyage dura plusieurs jours. Un matin, ils aperçurent enfin à l'horizon le phare du port de Kinko. Quand ils arrivèrent, ils se renseignèrent pour savoir où se trouvait le palais d'Hizikato. Un pêcheur leur apprit qu'il fallait traverser un pont suspendu au-dessus d'un ravin. Il ajouta que ce pont était le pont de l'Enfer car personne n'en était revenu vivant. Liang décida d'y aller quand même.

Ils prirent donc un sentier étroit qui grimpait le long de la montagne. Au loin, ils entendaient le pont grincer. Au moment de franchir le ravin, ils hésitèrent. Encouragé par la petite fille, Liang continua quand même. Après quelques pas, une latte céda sous son poids.

Alerté par ce fracas, un dragon effrayant surgit du fond du ravin. Dérangée dans son sommeil, l'épouvantable créature enflamma les cordes du pont. Liang ne put se retenir et tomba. Lee Ching, restée sur le sentier, s'élança dans le vide, et, dans son plongeon, elle se transforma en aigle. Alors, elle passa sous l'empereur et le rattrapa sur son dos.

Elle souffla des paillettes magiques qui tombèrent sur le dragon. Le monstre se rendormit.

Après s'être remis de leurs émotions, Liang et Le Ching continuèrent leur route et se rendirent au palais d'Hizikato. Soudain, une patrouille de samouraïs, surgissant de derrière les arbres, leur barra le chemin. Les samouraïs emmenèrent Liang et Lee Ching dans la cour du château pour les interroger.

" Que faites-vous ici ? demanda un des samouraïs.

- Nous venons délivrer la princesse.

- Il n'y a pas de princesse ici. La seule prisonnière que nous avons est une vulgaire voleuse de poules.

- Nous... "

Liang ne put finir sa phrase. Les paillettes magiques n'avaient plus d'effet sur le dragon qui poussa un grand cri. Affolés par ce cri, les samouraïs se précipitèrent vers le ravin.

Lee Ching en profita pour sortir un petit miroir magique de sa poche. Ce miroir permettait de trouver des objets utiles en cas de danger. Cette fois-ci, il détecta une couronne qui se trouvait dans une forêt toute proche. Liang et Lee Ching s'y rendirent sur le champ. La couronne était sur le sol, camouflée sous des feuilles. Liang marcha sur un objet brillant, c'était elle. Il s'en empara et la posa sur sa belle chevelure noire. Sur le chemin du retour, il marcha sur une pierre qui fit apparaître un passage secret dans le tronc d'un arbre.

Alors, ils entendirent des cris de femme. Liang reconnut la voix de la princesse.

Sans hésiter une seconde, il dévala les marches d'un petit escalier en colimaçon, suivi de Lee Ching. Au bout de la galerie se trouvait le cachot de la princesse mais il était bien gardé.

Liang posa sa couronne par terre et la brisa d'un coup sec grâce à son sabre. Ainsi, il put absorber les pouvoirs de la couronne qui lui donnèrent la force de vingt hommes. Il se battit contre les samouraïs présents et les tua un par un.

Pendant la bataille, une clé était tombée de la poche d'un samouraï. Lee Ching l'avait prise et avait délivré la princesse.

Depuis son palais, Hizikato avait entendu des bruits d'épée venant des souterrains. Il rassembla ses samouraïs et les sépara en deux groupes, un à la sortie, l'autre à l'entrée du tunnel.

A leur sortie, Hizikato les attendait pour se battre. Il leur sauta dessus, il voulait commencer la bataille. Elle débuta donc. Pendant ce temps-là, Lee Ching, qui contrôlait les objets par ses pensées, fit se soulever une grosse pierre et la dirigea vers Hizikato. Celui-ci la reçut sur le crâne, perdit l'équilibre et tomba dans le souterrain où il mourut dans l'éboulement, ainsi que les samouraïs.

Lee Ching utilisa son avant-dernier pouvoir, se transforma en aigle pour la deuxième fois et fit monter sur son dos Liang et la princesse. En passant au-dessus du ravin, elle souffla des paillettes. Le dragon se rendormit à tout jamais.

Le voyage du retour vers la Chine dura plusieurs jours. A leur arrivée, Liang et la princesse se marièrent et vécurent heureux.

Lorsqu'ils se promenaient dans leurs jardins, le bonheur remplissait leurs cœurs, et, souvent, un aigle tournoyait dans le ciel.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Août 2013 à 08:27:22
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Pimpernelle et Fantoche

Le roi Marck adorait les roses. Dans un parc immense entourant le palais, des roses en massifs fleurissaient à l'envi, roses de toutes couleurs, roses de tous parfums, toutes les roses que nous connaissons et toutes celles aussi que nous ignorons encore, puisque le roi Marck vivait au temps des fées, dont les fabuleuses merveilles ne nous réapparaissent que peu à peu, parcimonieusement.
Pour cultiver ses roses, le roi Marck avait fait venir un savant horticulteur de Chiraz, la ville des roses, Sim-Slimé ; il l'avait nommé Ministre de l'Agriculture et des Fleurs, puis bien vite Président de son Conseil. A ce conseil, au grand scandale et mépris du Ministre des guerres et de celui des finances, le premier couvert de son armure damasquinée et le second tout habillé de soie, Sim-Slimé venait simplement vêtu de toile bleue, coiffé de son bonnet persan qui lui donnait des airs de bon magicien.
Sorcier ? Au fait, Sim-Slimé ne l'était-il point pour apporter tous les ans, au Conseil, à la lune de juin, une rose nouvelle, et non une petite fleur torturée, et singulière, mais une grosse botte, une lourde gerbe, une odorante brassée.
« Sire, flairez-moi cette arôme ! Sire, admirez cette nuance ! »
Le roi Marck admirait et respirait, humait et s'extasiait. Était-ce beau ! Et il n'écoutait plus que d'une oreille distraite les rapports de ses deux autres Ministres. Ils lui pouvaient annoncer les plus fastidieuses nouvelles, les faits les plus pénibles, le roi Marck hochait la tête : « Charmant... Parfait... » C'était aux fleurs qu'il songeait.
Le roi Marck avait un fils, le prince Karl, beau, robuste, courageux, franc comme l'or, fier comme un lys, grandissant doucement auprès de son père, dans l'étude et la discipline, pour se préparer au rude métier de Souverain ; et Sim-Slimé avait une fille, Pimpernelle, douce, jolie et sage, avec des cheveux de blé, des yeux de pervenche, des lèvres de coquelicot, des joues de rose, le rose de Chiraz, ainsi qu'il seyait à merveille à la fille du Ministre de l'Agriculture et des Fleurs - des Fleurs particulièrement.
Camarades d'enfance, Pimpernelle et Karl s'étaient prêtés poupée et soldats de plomb, avaient échangé des bonbons, puis un jour s'étaient promis quand le temps serait venu, d'être mari et femme.
Le roi Marck et Sim-Slimé s'étaient aussi promis ce mariage qui allait à ravir la plus jolie rose de Chriraz au plus vaillant lys du royaume.
Mais ils avaient compté sans le sort aventureux, les fées malveillantes et les génies malfaisants.
Le roi Marck, à trop s'occuper de ses roses, et son Ministre Sim-Slimé, à le trop suivre dans ce sentier, avaient négligé l'agriculture, les finances et l'armée.
Un été de sécheresse, après un printemps froid, ce fut un désastre pour les récoltes.
Les paysans ne purent récolter les grains, le Ministre des finances ne put ramasser la dîme et le Ministre des guerres n'eut pas de quoi payer la solde des armées. Et les armées abandonnèrent le roi.
Affolés, les deux Ministres prirent le roi, chacun par un bras, qui à droite, qui à gauche, et, loin des fleurs, lui montrèrent brutalement qu'il n'était pas sur un lit de roses.
Le monarque fut atterré : « Que faire ! » s'écria-t-il.
Le Ministre des finances alors répondit :
« Sire, votre voisin, Baudruche, roi du pays des Pantins, ne demande qu'à nous ouvrir ses coffres.
- Eh bien, tout est sauvé.
- Mais, en retour, il demande que le prince Karl épouse sa fille.
- Impossible, impossible, il est le fiancé de Pimpernelle.
- Eh bien, interrompit le Ministre des guerres, que M. Sim-Slimé, le père de cette demoiselle, paye les troupes avec les feuilles de roses, changées en écus sonnants, car voici que j'entends la fanfare qui précède Baudruche, roi du pays des Pantins, venu avec sa fille et son escorte pour conclure cette affaire.
Le roi Baudruche arrivait en effet avec sa fille, la princesse Fantoche, et son armée, musique en tête.
Quand le roi vit la princesse, il fit la grimace. Maigrichonne, petite, prétentieuse, la figure mince, noiraude, nasillant et pédante, maniérée, artificielle, sotte, Fantoche souriait au prince qui la trouvait plus ridicule encore.
« Dites-moi, mon cousin, fit Baudruche sans préambule, gonflé d'orgueil et sûr de son fait, quand ferons-nous la noce ?
- Jamais ! Ne put s'empêcher de crier le roi Marck.
Baudruche fit une fort laide grimace ; froissé, vexé, il lança un ordre aux soldats de sa suite ; le prince Karl se vit entouré, prisonnier, et comme sa garde avait toute déserté, on l'emmena sans défense au palais de Baudruche.
Pimpernelle apprit aussitôt le malheur, les projets de Fantoche, l'enlèvement de son fiancé ; elle se mit à pleurer tant et tant qu'elle mouilla tous ses jolis petits mouchoirs de linon trop fin, trop garnis de dentelle pour un si gros chagrin, si bien que force lui fut pour sécher ses beaux yeux, de prendre en un tiroir de son chiffonnier un grand morceau de toile blanche.
Ce morceau de toile enveloppait par précaution contre la poussière la poupée de Pimpernelle.
En le développant, Pimpernelle retrouva sa petite compagne de jeunesse, encore si proche, et, dans sa peine, ayant besoin de soulager son cœur si gros, elle la prit pour confidente et lui causa comme naguère.
« Ah, Javotte, ma fille, ma pauvre Javotte, que j'ai de la peine ! Tu ne peux me comprendre, me plaindre, ni me consoler ; Javotte, Javotte, j'en vais mourir ! »
Mais, stupéfaite, Pimpernelle vit soudain Javotte se dresser, haute et grande sur ces petites jambes, battre de la prunelle, remuer les lèvres et parler :
« Mais si, justement, Pimpernelle, ma petite maîtresse, je puis t'aider en cette aventure ; ce royaume de Baudruche, cette horrible Fantoche ne sont que de sottes marionnettes sur une terre de convention où je suis dans mon élément. Conduis-moi bien vite à l'appartement du prince Karl. »
Javotte et Pimpernelle, main dessus, main dessous, sont vite arrivées au logis du prince.
« Ouvre ce tiroir, donne-moi cette boite. Bien, merci et patience. »
Javotte à pas menus, mais si rapides, de ses petits petons de bois, plic, ploc, sur la route se hâte ; elle arrive au royaume de Baudruche.
La sentinelle au pont-levis la dévisage, il lui voit une figure de porcelaine tendre, des yeux de verre bleu, des cheveux de soie jaune, des mains de carton rose, il la laisse passer.
Javotte va droit à la salle des fêtes où se donne le grand banquer des fiançailles. Toute la cour est là, foule bigarrée, pantins de toutes sortes, Polichinelles, Pierrots, Arlequins, ainsi qu'il convient chez un roi qui s'appelle Baudruche, et une princesse qui se nomme Fantoche ! Javotte arrive au moment où, sur un plat en fer blanc, on apporte un poulet de carton, peint en brun et verni.
« Bonjour, noble seigneur, salut, gracieuse demoiselle ! »
Javotte s'approche de Fantoche :
« Princesse, je vous présente mes humbles révérences. »
Puis se tournant vers le prince Karl :
« Prince, voici mon cadeau de noce ; pour vos futurs enfants. »
Le prince est si contrit que sentant son chagrin affluer à ses yeux, il se lève d'un bond et se sauve, la boite de Javotte sous le bras, en ses appartements.
Il s'enferme pour pleurer de rage à sa guise.
Machinalement, il regarde le cadeau de la poupée ; il reconnaît cette boite de sapin, mais oui !
Il l'ouvre : sur leurs copeaux, des soldats de plomb en linge sont couchés.
Ce sont ses soldats ! Toute sa douce enfance lui revient en mémoire et ce souvenir le console.
Comme jadis, - c'était hier, - dans le couvercle retourné, un à un, il dresse ses soldats de plomb et, pour épancher sa peine solitaire, il leur cause.
« Ah ! Mes pauvres petits soldats, que j'ai de la peine, vos grands frères qui m'eussent dû défendre m'abandonnent, et vous, hélas ! Vous ne pouvez m'entendre, me comprendre, me défendre, pauvres petits soldats de plomb. »
Stupéfait, le prince Karl voit soudain ses soldats qui s'animent, grandissent et se démènent, l'officier tire son sabre, dresse la tête et ouvre la bouche:
« Garde à vous ! »
Au commandement, tout le bataillon s'est rangé en bataille. L'officier salue d l'épée.
« Prince, en ce royaume de Fantoche, nous sommes en notre élément, dans notre sphère, nous allons te venger... par file à droite, en avant... marche ! »
Une... deux... une... deux..., les talons frappent le sol, la troupe entre dans la salle du festin, les gardes la veulent arrêter, mais leurs hallebardes de carton se brisent sur le plomb des fusils, et bientôt le son coule, lamentable, des poitrines transpercées. Le prince Karl est délivré.
Et les soldats du roi Marck, les vrais soldats, honteux de la leçon que les jouets leur ont donnée, ont réintégré leurs rangs délaissés.
Les paysans, qui voient le prince épouser la fille d'un simple horticulteur, se mettent à l'aimer et payent la dîme sans se plaindre.
L'ordre est rétabli, la prospérité revenue. Le roi Baudruche a été battu par l'armée vengeresse, et la méchante Fantoche, pour le reste de ses jours, a été enfermée dans la sombre et ennuyeuse citadelle de Vieillemalle.

Jérôme DOUCET
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Août 2013 à 07:07:19
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PICCOLO

A la ferme du Chêne-Vert, Jean gardait les chevaux, Pierre gardait les vaches, Louis gardait les moutons, Jacques gardait les dindons, les chiens gardaient les poules contre les renards et rôdeurs, la vieille maman gardait la maison, soignait la laiterie, faisait les repas. Seul, Piccolo ne gardait rien.
Et de cette inutilité, Piccolo souffrait : il eût voulu garder quelque chose. Il était rêveur, il chantait des chansons jolies, il était adroit de ses doigts, seulement, il était si distrait qu'on ne lui voulait confier quoi que ce fût pour y veiller.
Cependant Piccolo dit un jour :
"Je garderai bien quelque chose."
Il coupa une branche à la haie voisine, arracha les feuilles, sauf les deux petites vertes à la pointe, et cette houlette à la main, il s'en alla par le chemin, cherchant moutons, oies, ou que sais-je, mais quelque chose qu'il pût garder.
Sur le vieux mur de terre battue coiffée de chaume, grimpait un escargot. Sa coque couleur de pierre était si grosse, que l'escargot allait tout doux comme un bon vieux, laissant pourtant derrière lui un chemin blanc et plus luisant que l'argent.
Piccolo prit entre ses doigts cet escargot qui se blottit en sa coquille.
Et sur la haie, face au vieux mur, au bord du champ, il aperçut encore un escargot, tout blanc celui-là ; puis plus bas sur l'herbe verte, il vit une troisième bestiole à la coquille jaune.
Il les ramassa tous les deux aussi :
"Ça, se dit-il, avec ces trois animaux-là, je vais me faire un troupeau." Il les plaça tous trois à terre, non dans la poussière du chemin, mais sur l'herbe ras qui encadre le ruban de la route.
Les trois escargots, comme quelqu'un qui s'éveille et s'étire, risquèrent peu à peu leurs corps hors de la coquille, et se remirent à glisser lentement, mais sûrement, marchant à leur manière, marchant fort bien sans pieds ni jambes.
Et Piccolo, sa baguette à la main, se mit à les regarder et à les garder, par malice ou par naïveté, pour garder, lui enfin, quelque chose à son tour.
Du reste il les garda fort mal, non qu'il laissât s'échapper une des trois coquilles, la marche lente des escargots les privant de la fuite, mais parce qu'il savait qu'il pouvait les rattraper d'un pas ou deux facilement ; il s'assit sur un tas de pierres, se mit à siffloter un air, regarda une voiture qui se montrait au loin, si bien qu'un gros corbeau - croa, croa - s'abattit sur le sol, et de trois coups de son gros bec - croa, croa -eut vite gobé les escargots, tout le troupeau de Piccolo.
Mais le corbeau avait fait sottement croa, croa ; Piccolo le regarda, comprit la chose, et saisissant un gros caillou, crac, d'un seul coup, adroit ma foi, frappa l'oiseau qui tomba et trépassa. Piccolo le saisit ; d'un coup net de son couteau, il lui ouvrit le ventre : les trois escargots gobé tout crus et d'un seul coup était encore vivants, blottis au fond de leurs coquilles.
Piccolo les retira, les rinça au ruisseau, et les reposa sur l'herbe, reprenant sa baguette, retrouvant son troupeau qu'il n'avait même pas pu garder une heure.
Les trois escargots à nouveau se détendirent, sortirent doucement de leurs coquilles leurs corps souple ; mais Piccolo se mit à ouvrir grands les yeux quand, sous sa vue, les escargots grossis, enflés, devenus femmes, se dressèrent tout droits avec trois sourires et trois "merci".
Le gros gris était devenu une grande et belle fée, vêtue de gris avec des pavots dans sa chevelure sombre, d'où un léger crêpe de deuil tombait vers le sol ; le blanc était maintenant une adorable fée, blonde et rose et jolie ; et la troisième coquille zébrée était aussi une exquise fée dont la robe d'or et d'argent traînait somptueuse sur le sol, dont les doigts lourds de bagues éblouissaient les yeux de Piccolo, silencieux.
La première dit :
"Bonjour, Piccolo ; je suis la fée Dictame et je suis prête à te servir."
La seconde ajouta :
"Bonjour, Piccolo ; je suis la fée Splendide, ta servante à ton gré."
Et la troisième conclut :
"Bonjour, Piccolo ; je suis la fée Aurale, prête à exaucer tes souhaits."
Elles lui racontèrent que, vaincues par le génie des gouffres, elles avaient vu leurs palais changés en ces coquilles, grise, blanche et striée, tandis qu'elles-mêmes étaient métamorphosées en escargot, et que le génie leur faisait porter sur leur dos leurs demeures d'autrefois.
Aujourd'hui le charme était rompu, Piccolo les avait sauvées toutes trois, les avait arrachées au sorcier à jamais vaincu, et toute leur puissance était reconquise, grâce au bon berger d'un nouveau genre, à ce gardien ne gardant rien.
Piccolo les remercia chaleureusement, il ne se sentait pas de joie d'une aussi douce aubaine, et se promit, dès qu'il pourrait, bon coeur au fond, de faire profiter les siens du pouvoir de ses nouvelles amies.
Alors, les trois fées, Dictame, Splendide et Aurale, prirent leurs trois coquilles, vides maintenant, et les donnèrent à Piccolo pour talisman.
"Quand tu auras besoin de l'une d'entre nous, porte la coquille à ton oreille, parle, et écoute ce que tu entendras : ce sera notre réponse ; compte sur nous. Adieu, l'ami."
Et Piccolo ne vit plus rien que trois petits tourbillons de poussière, qui s'en allaient en tournant et s'éparpillèrent dans l'air.
Il resta là un bon moment, puis, réfléchissant, mit ses coquilles en poche, sa langue aussi, et son mouchoir à grands carreaux par-dessus, et en garçon prudent, se garda bien de raconte son aventure.
Un matin, Piccolo dit aux siens :
"Puisque je n'ai rien à garder ici, que chaque rôle est distribué, je veux aller chercher fortune à la ville prochaine, et j'ai bon espoir de revenir bientôt parmi vous, pour vous donner à tous ce que je désire."
Tous lui répondirent :
"Piccolo, nous te souhaitons bon voyage, bonne santé, bon retour ; à bientôt, n'est-ce-pas ? car en ton absence, nous ne t'oublierons pas et t'aimerons comme autrefois."
Les ayant donc embrassés à tour de rôle, de tout son coeur, Piccolo, ses trois coquilles dans sa poche, s'en alla tout droit, sans regarder en arrière, à la ville, qu'il supposait être au bout du chemin.
Il marcha trois jours, se reposant dans les chaumières hospitalières qu'il rencontra, et arriva enfin devant deux tours gardant l'entrée de la ville forte. On le laissa passer sans le fouiller et sans l'interroger : il avait si bonne mine ; et Piccolo se mit aussitôt à regarder autour de lui, cherchant s'il ne voyait pas quelque marchand ou quelque industriel à qui il pourrait offrir ses services.
Il fut frappé de suite de la grande tristesse qui avait envahi tous les visages. Les gens, sur le pas de leur porte, au seuil des boutiques, avaient des airs lugubres ; les rues étaient silencieuses, les bambins eux-mêmes ne jouaient pas, ne riaient pas, ne couraient pas, ne se battaient pas.
Piccolo sentit son coeur se serrer, mais voulant savoir ce que cette tristesse voulait dire, il s'approcha, son bonnet à la main, d'une brave femme qui tricotait silencieusement, et lui parla :
"Oh là, bonne mère, quel chagrin vous mine et vous absorbe ? Ne pourrais-je pas vous consoler ou vous guérir ? J'ai, Dieu merci, quelque savoir et quelque force, avec aussi quelque pouvoir."
La bonne femme répondit :
"Oh ! mon ami, se pourrait-il, vous ignorez notre misère, vous arrivez de loin, sans doute ?
- Trois jours de route, lui répondit le bon Piccolo.
- Ah ! mon garçon, apprenez donc que la méchante fée Maligne a ravi la santé de notre chère princesse Cyclamen, que la fée Hideuse a volé sa beauté, et que la fée Rapace a dérobé sa dot, la veille même de ses noces ; que le prince, son futur époux, épouvanté, s'est sauvé ; que notre roi se meurt de peur, et que la reine en fait autant, et que la princesse ne survivra jamais à ses parents."
Et la bonne femme pleurait à chaudes larmes, et Piccolo sentit qu'il s'attendrissait à son tour, qu'il allait en faire autant.
Il remercia la bonne femme, remit sa toque, et se fit indiquer le chemin du palais. Il frappa trois coups avec le lourd marteau de fer, toc, toc, toc. Un hallebardier vint lui ouvrir.
"Mène-moi à ton roi," dit Piccolo d'un ton assuré.
Le hallebardier fit bonne mine à Piccolo ; il le mena au sire qui pleurait en un coin. Piccolo mit genou à terre, baisa le manteau du roi et lui dit :
"Sire, je sais votre peine et viens vous consoler : foi de Piccolo, dans trois jours, trois mois ou trois ans, votre fille épousera le prince son fiancé, elle aura retrouvé sa santé, sa beauté, sa fortune."
Le roi du coup s'était dressé.
"Ah ! mon ami, si tu fais cela, ce sera toi qu'elle épousera. Serment de roi."
Et dans sa joie, faite d'espoir, tant Piccolo avait d'assurance, il appela à grands cris : "Cyclamen, Cyclamen, Cyclamen !"
La triste princesse, appuyée sur le bras de sa mère, arriva.
"Cyclamen, ma fille, nous sommes sauvés."
Piccolo à nouveau avait mis un genou en terre, il baisai la main des deux femmes, et sans rien dire, les regardant de son oeil doux, leur fit un signe de patience et d'espérance et s'en alla.
Piccolo appela, suivant ce qui avait été convenu avec les fées : "Dictame, Dictame !" et portant à son oreille la coquille grise de l'escargot , il entendit d'abord comme un bruissement de mer lointaine, puis, parmi ce houhou très doux, la voix caressante de Dictame répondit :
"Piccolo, que faut-il, que veux-tu ? Me voici."
Piccolo répondit :
"Ma bonne fée, venez, venez."
Dictame était déjà devant lui.
En quelques mots, il lui conta la misère de Cyclamen et la pria de l'aider à sauver la princesse.
"La fée Maligne, répondit Dictame, est méchante et habile, il te faut grand courage et grande présence d'esprit pour l'affronter et pour la vaincre. N'oublie pas que si tu es le plus faible, tu souffriras à ton tour, comme Cyclamen, de ses sortilèges et de ses poisons."
Piccolo n'avait pas peur, il le montra en redressant sa tête assurée.
"Eh bien, soit ! reprit la fée, va et tâche de cueillir au jardin de Maligne une pêche rose que tu verras pendue à un arbre rabougrie et desséché, au milieu de son parc, elle a ravi à Cyclamen le duvet rose de ses joues pour en parer ce fruit maudit ; prends cette pêche et rapporte-la à la princesse : avec elle la santé lui sera rendue.
"Mais songe que, partout, derrière les arbres, les buissons, dans tous les coins, Maligne cache des lutins, des poudres mystérieuses, et à chaque objet elle lui donnait un avis, un conseil.
Impatient, Piccolo voulut partir.
Il arriva à la porte de Maligne, que deux cyprès bordaient tristement ; il entra dans le jardin toujours ouvert et aperçut, au milieu de la pelouse, l'arbre sec, et à la branche la pêche convoitée.
Il s'avançait la main tendue, quand un lutin saisit son bras de ses griffes et de ses dents. Piccola faillit crier, mais dans sa poche il prit un talisman de Dictame, frotta doucement le lutin qui s'endormit, et lâcha prise. Il fit un pas, mais un autre à sa jambe s'accrocha bientôt, et fut vaincu de même.
Il fit un pas, et se sentit saisi à la gorge : vite une gorgée du liquide de sa gourde, et la poigne qui l'étouffait lâcha prise. Il fit un pas, une nuée de génies se mirent à le secouer de toutes parts, il grelottait comme une feuille au vent d'automne : il prit ses petits grains de plomb, et les lutins s'enfuirent épouvantés. Il fit un pas, il prit la pêche et la plaça dans sa poitrine.
Il fallait repartir. Il fit un pas, un lutin d'un coup de poignard lui perça la veine du poignet, mais Piccolo étendit sur la plaie un voile rose, et le sang s'arrêta. Il fit un pas et fut dehors.
Il  n'avait pas eu peur, il n'avait pas crié.
Il se rendit au palais, fit prier Cyclamen de bien vouloir le recevoir. Il prit alors la pêche et, avec un couteau d'or, la partagea en trois parts, en donna une à Cyclamen, une à son père, une à sa mère, et conserva précieusement le noyau pour le planter en son jardin. Et cela fait, sans attendre ni merci, ni repos, il repartit en son logis.
Alors il appela, selon la convention :
"Splendide, Splendide !"en portant à son oreille la coquille blanche de l'escargot.
Et il entendit une voix caressante qui répondait :
"Piccolo, que faut-il ? Que veux-tu ? Me voici."
Piccolo répliqua :
"Ma bonne fée, j'ai besoin de vous, venez."
Or, Splendide était là, radieuse, éblouissante.
En quelques mots il lui conta la douloureuse aventure de Cyclamen, la priant de l'aider à rendre à la princesse sa beauté disparue.
"La fée Hideuse, reprit Splendide, est puissante et astucieuse ; ne sens-tu nulle peur ? Ne sens-tu aucune faiblesse ? Songe que si elle était la plus forte, tu serais à ton tour à jamais répugnant et laid."
Piccolo la regarda d'un oeil clair et hardi.
"C'est bon, dit Splendide ; va droit à la demeure de Hideux, entre par la porte ouverte qu'encadrent deux affreux arbres foudroyés, son jardin est accessible à tous ; au milieu de la pelouse, tu verras un rosier, ou plutôt un buisson affreux, où seule un rose exquise fleurit et embaume l'air. Hideuse à volé la beauté de Cyclamen pour en parer cette rose : cueille-la et la princesse est sauvée. Mais songe que de tous les coins, sur la tête, à droite, a gauche, en arrière, des démons au service de Hideuse te guettent et te harcèleront. Pour te défendre, voici quelques talismans."
En les lui confiant, elle lui apprenait le pouvoir de chacun.
Pressé d'accomplir son devoir, Piccola remercia la fée et prit le chemin indiqué. Il franchit le seuil, et aperçut aussitôt la rose resplendissante en cette terre déserte. Il fit un pas, et soudain mille lutins avec leurs lances lui piquèrent les joues. Il s'arrêta, prit dans sa poche un talisman de poudre blanche, et les lutins s'envolèrent aussitôt. Il fit un pas, une vieille horrible se dressa devant lui ; la figure de Piccolo n'eut pas un pli de peur ni de dégoût.
Il fit un pas : un diablotin lui lança dans les yeux une poignée de graviers pour l'aveugler, mais Piccolo ouvrit un talisman en forme de feuille de palmier, qui le garantit des projectiles et aussi de mille flèches que cent démons décochaient sur ses joues.
Il fit un pas vers la rose.
Il n'avait eu ni peur, ni recul, ni dégoût, ni défaillance.
Il sortit du jardin et se rendit au palais. Il pria Cyclamen de bien vouloir le recevoir et remit à la princesse la belle fleur, et aussitôt que Cyclamen eut senti le parfum enivrant, ses yeux s'ouvrirent limpides et bleus, ses cheveux se déroulèrent d'or et de soie ; elle était belle comme autrefois.
Et ses deux vieux parents, le roi et la reine, dont les narines respirèrent un peu du parfum puissant, reprirent un peu de jeunesse et de beauté ; peut-être était-ce aussi de joies, en voyant leur fille sauvée à nouveau.
Piccolo était reparti, discret et prompt.
Il appelait déjà la troisième fée, son amie " "Aurale ! Aurale !" et dans la coquille striée une voix d'or répondit : "Piccolo, me voici !" tandis qu'Aurale apparaissait, resplendissante.
"Il faut, lui dit-elle, quand elle eut écouté sa plainte, aller ravir à la fée Rapace le lingot d'or qu'elle a chaché en son taudis.
"Tu entreras par la porte close, mais que ceci saura faire ouvrir (elle lui remit une clé d'or), tu verras en face de toi, dans une pièce nue et sordide, une caisse en fer ; là est caché le lingot d'or. Pour ouvrir cette caisse, voici un mot, retiens-le bien, et songe que mille démons sont au service de la fée Rapace. Sois le plus fort et le plus fin, sinon tu deviendras à jamais l'être le plus méprisable de ce monde."
Piccolo n'avait pas peur ; il dit merci et s'élança.
Quand il présenta la clé d'or, la porte s'ouvrit toute grande. Rapace obséquieusement le salua. Il fit un pas vers le coffret de fer, et trois lutins, avec des cartes à la main, lui proposèrent de jouer avec lui, pour gagner de l'argent.
Piccolo toucha le talisman que la fée lui avait remis, et les trois gnomes disparurent. Il fit un pas et, à ses côtés il aperçut, presque à ses pieds, une parure précieux, un diamant merveilleux : du pied Piccolo le repoussa avec mépris. Il fit un pas, et trois démons sautèrent à ses poches, cherchant à le dévaliser. Piccolo les laissa faire, faisant toujours un pas, un pas.
Il  n'aimait  ni les bijoux, ni le jeu, ni le gain. Il s'empressa de toucher le coffret de fer, écrivit le mot secret du bout du doigt, sur la porte lourde, et le coffret s'ouvrit. Piccolo prit le lingot d'or.
Il se rendit au palais et remit à Cyclamen sa fortune ravie, si bien que cette fois, comme avant, Cyclamen, était bien portante, belle, riche.
Le roi retint Piccolo ; lui, du reste, ayant accompli sa tâche jusqu'au bout ne songeait plus qu'à s'éloigner.
"Tu as ma parole, dit-il, voici la princesse, ton épouse.
-Princesse, avant tout, répondit Piccolo, en s'inclinant, dites-moi si votre coeur approuve la promesse de votre père, je lui rends sa parole si votre réponse ne m'est pas favorable."
Sans dire un mot, Cyclamen lui tendit la main et le front, et ce furent là leurs fiançailles.
Devenu roi à son tour, Piccolo fit venir ses parents : il donna à Jean qui gardait les chevaux, le commandement des troupes ; à Pierre qui gardait les vaches, la haute main sur l'agriculture ; à Louis qui gardait les moutons, la garde des enfants et la direction des écoles ; à Jacques qui gardait les dindons, il donna la police de la ville, et la vieille maman, avec le vieux roi et la vieille reine, gardèrent tous trois le logis.
Et Piccolo garda le pouvoir ; il devenait du coup gardien de tous les autres, lui qui avait toujours rêvé de garder quelque chose.

Jérôme DOUCET
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Août 2013 à 07:48:29
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N'oun-Doaré

Il y a de cela bien longtemps,
Quand les poules avaient des dents.

Le marquis de Coat-Squiriou, revenant, un jour, de Morlaix, accompagné d'un domestique, aperçut, couché et dormant dans la douve, au bord de la route, un enfant de quatre ou cinq ans. Il descendit de cheval, éveilla l'enfant, qui dormait, et lui demanda :
— Que fais-tu là, mon enfant ?
— Je ne sais pas, répondit-il.
— Qui est ton père ?
— Je ne sais pas.
— Et ta mère ?
— Je ne sais pas.
— D'où es-tu ?
— Je ne sais pas.
— Quel est ton nom ?
— Je ne sais pas, répondit-il toujours.
Le marquis dit à son domestique de le prendre en croupe sur son cheval, et ils continuèrent leur route vers Coat-Squiriou.
L'enfant fut appelé N'oun Doarè, ce qui signifie en breton : Je ne sais pas.
On l'envoya à l'école, à Carhaix, et il apprenait tout ce qu'on lui enseignait.
Quand il eut vingt ans, le marquis lui dit :
—Te voilà assez instruit, à présent, et tu vas venir avec moi à Coat-Squiriou.
Et il l'emmena à Coat-Squiriou.
Le quinze du mois d'octobre, le marquis et N'oun-Doaré allèrent ensemble à la Foire-Haute, à Morlaix, et descendirent dans le meilleur hôtel de la ville.
— Je suis content de toi, et je veux t'acheter une bonne épée, dit le marquis au jeune homme.
Et ils allèrent ensemble chez un armurier. N'oun-Doaré y examina mainte belle et bonne épée ; mais, aucune ne lui plaisait, et ils s'en allèrent sans avoir rien acheté. En passant devant la boutique d'un marchand de vieilles ferrailles, N'oun-Doaré s'y arrêta, et, remarquant une vieille épée toute rouillée, il la saisit et s'écria :
— Voici l'épée qu'il me faut !
— Comment ! Lui dit le marquis, vois donc dans quel état elle est ! Cela n'est bon à rien.
— Achetez-la-moi comme elle est, je vous prie, et vous verrez plus tard qu'elle est bonne à quelque chose.
Le marquis paya la vieille épée rouillée, qui ne lui coûta pas cher, et N'oun-Doaré l'emporta, tout heureux de son acquisition ; puis, ils retournèrent à Coat-Squiriou.
Le lendemain, N'oun-Doaré, en examinant son épée, découvrit sous la rouille des caractères à demi effacés, mais qu'il parvint pourtant à déchiffrer. Ces caractères disaient : « Je suis l'Invincible ! »
A merveille ! Se dit N'oun-Doaré. Quelque temps après, le marquis lui dit :
— Il faut que je t'achète aussi un cheval.
Et ils se rendirent tous les deux à Morlaix, un jour de foire.
Les voilà en champ de foire. Il y avait là, certes, de beaux chevaux, de Léon, de Tréguier et de Cornouaille. Et pourtant, N'oun-Doaré n'en trouvait aucun à lui convenir, si bien que le soir, après le coucher du soleil, ils quittèrent le champ de foire, sans avoir rien acheté.
Comme ils descendaient la côte de Saint-Nicolas, pour rentrer en ville, ils rencontrèrent un Cornouaillais menant par un licol de chanvre une vieille jument fourbue et maigre comme la jument de la Mort. N'oun-Doaré s'arrêta, la regarda et s'écria :
— Voici la jument qu'il me faut !
— Comment ! Cette rosse ? Mais regarde-la donc ! Lui dit le marquis.
— Oui, c'est bien elle que je veux, et pas une autre ; achetez-la-moi, je vous prie.
Et le marquis acheta la vieille jument à N'oun-Doaré, tout en protestant qu'il avait de singuliers goûts.
Le Cornouaillais, en livrant sa bête, dit à l'oreille de N'oun-Doaré :
— Voyez-vous ces noeuds, au licol de la jument ?
— Oui, répondit-il.
— Eh bien, chaque fois que vous en déferez un, la jument vous transportera immédiatement à quinze cents lieues de l'endroit où vous serez.
— Fort bien, répondit-il.
Pais, N'oun-Doaré et le marquis reprirent le chemin de Coat-Squiriou, avec la vieille jument. Chemin faisant, N'oun-Doaré défit un nœud du licol, et aussitôt la jument et lui furent transportés, à travers l'air, à quinze cents lieues de là. Ils descendirent au centre de Paris (1).
Quelques mois après, le marquis de Coat-Squiriou vint aussi à Paris, et rencontra N'oun-Doaré, par hasard.
— Comment ! Lui demanda-t-il, est-ce qu'il y a longtemps que tu es ici ?
— Mais oui, répondit-il.
— Comment donc y es-tu venu ?
Et il lui raconta comment il était venu si vite à Paris.
Ils allèrent ensemble saluer le roi, dans son palais. Le roi connaissait le marquis de Coat-Squiriou, et leur fit bon accueil.
Une nuit, par un beau clair de lune, N'oun-Doaré alla se promener, seul avec sa vieille jument, hors de la ville. Il remarqua, au pied d'une vieille croix de pierre, dans un carrefour, quelque chose de lumineux. Il s'approcha et reconnut une couronne d'or, garnie de diamants.
— Je vais l'emporter, sous mon manteau, se dit-il.
— Gardez-vous-en bien, ou vous vous en repentirez, dit une voix venue il ne savait d'où. Cette voix, qui était celle de sa jument, se fit entendre jusqu'à trois fois. Il hésita quelque temps et finit par emporter la couronne, sous son manteau.
Le roi lui avait confié le soin d'une partie de ses chevaux, et, la nuit, il éclairait son écurie avec la couronne, dont les diamants brillaient dans l'obscurité. Ses chevaux étaient plus gras et plus beaux que tous ceux que soignaient les autres valets, et le roi l'en avait félicité souvent, de sorte qu'ils étaient jaloux de lui. Il y avait défense expresse d'avoir de la lumière dans les écuries, la nuit, et, comme ils en voyaient toujours dans l'écurie de N'oun-Doaré, ils allèrent le dénoncer au roi. Le roi n'en fit d'abord aucun cas, mais, comme ils renouvelèrent plusieurs fois leur dénonciation, il demanda au marquis de Coat-Squiriou ce qu'il y avait de vrai dans tout cela.
— Je ne sais pas, répondit le marquis, mais je m'informerai auprès de mon domestique.
— C'est ma vieille épée rouillée, répondit N'oun-Doaré, qui luit dans l'obscurité, car c'est une épée fée.
Mais, une nuit, ses ennemis, appliquant leurs yeux au trou de la serrure de son écurie, virent que la lumière qu'ils dénonçaient était produite par une belle couronne d'or placée sur le râtelier des chevaux, et qui éclairait sans brûler. Ils coururent en avertir le roi. Celui-ci, la nuit suivante, guetta le moment où la lumière fit son apparition, et, pénétrant subitement dans l'écurie de N'oun-Doaré, dont il avait une clé, comme de toutes les autres, il s'empara de la couronne, la mit sous son manteau et l'emporta dans sa chambre.
Le lendemain, il convoqua les savants et les magiciens de la capitale, pour lui donner la signification de l'inscription gravée sur la couronne ; mais aucun d'eux n'y comprenait rien.
Un enfant de sept ans, qui se trouvait là par hasard, vit aussi la couronne et dit que c'était celle de la princesse du Bélier d'Or.
Aussitôt, le roi fit appeler N'oun-Doaré, et lui parla de la sorte :
— Il faut que tu m'amènes à la cour la princesse du Bélier d'Or, pour être mon épouse, et, si tu ne me l'amènes pas, il n'y a que la mort pour toi.
Voilà le pauvre N'oun-Doaré bien embarrassé. Il va trouver sa vieille jument, les larmes aux yeux.
— Je sais, lui dit la jument, ce qui cause votre embarras et votre tristesse. Vous rappelez-vous que je vous dis de laisser la couronne d'or où vous la trouvâtes, autrement vous vous en repentiriez, un jour ? Voici ce jour venu. Pourtant, ne vous laissez pas aller au désespoir, car, si vous m'obéissez et faites de point en point ce que je vais vous dire, vous pouvez encore vous tirer de ce mauvais pas. Allez d'abord trouver le roi et demandez-lui de l'avoine et de l'argent pour le voyage.
Le roi donna de l'avoine et de l'argent, et N'oun-Doaré se mit en route avec sa vieille jument.
Ils arrivent au bord de la mer, et y voient un petit poisson resté à sec sur le sable et près de mourir.
— Mettez vite ce poisson à l'eau, dit la jument. N'oun-Doaré obéit, et aussitôt le petit poisson, élevant sa tête au-dessus de l'eau, parla de la sorte :
— Tu m'as sauvé la vie, N'oun-Doaré ; je suis le roi des poissons, et si jamais tu as besoin de mon secours, tu n'auras qu'à m'appeler, au bord de la mer, et j'arriverai aussitôt.
Et il plongea dans l'eau et disparut. Un peu plus loin, ils rencontrèrent un petit oiseau, pris dans des lacs.
— Délivrez cet oiseau, dit encore la jument. Et N'oun-Doaré délivra le petit oiseau, qui dit aussi, avant de s'envoler :
— Merci ! N'oun-Doaré, je te revaudrai ce service ; je suis le roi des oiseaux, et si jamais moi ou les miens pouvons t'être utiles, tu n'auras qu'à m'appeler et j'arriverai aussitôt.
Ils continuèrent leur route, et, comme la jument traversait facilement les fleuves, les montagnes, les forêts et les mers, ils arrivèrent bientôt sous les murs du château du Bélier d'Or. Ils entendirent un vacarme épouvantable à l'intérieur du château, de sorte que N'oun-Doaré n'osait pas y entrer. Près de la porte, il vit un homme attaché à un arbre, par une chaîne de fer, et qui avait autant de cornes sur le corps qu'il y a de jours dans l'année.
— Détachez cet homme et rendez-lui la liberté, dit la jument.
— Je n'ose pas en approcher.
— Ne craignez rien ; il ne vous fera pas de mal. N'oun-Doaré détacha l'homme, qui lui dit :
— Merci ! Je vous revaudrai ce service ; si jamais vous avez besoin de secours, appelez Griffescornu, le roi des démons, et j'arriverai aussitôt.
— Entrez à présent dans le château, dit la jument à N'oun-Doaré, et ne craignez rien ; je resterai à paître ici, dans le bois, où vous me retrouverez, au retour. La maîtresse du château, la princesse du Bélier d'Or, vous fera bon accueil et vous montrera nombre de merveilles de toutes sortes. Vous l'inviterez à vous accompagner dans le bois, pour voir votre jument, qui n'a pas sa pareille au monde, et qui connaît toutes les danses de Basse-Bretagne et des autres pays, que vous lui ferez exécuter sous ses yeux.
N'oun-Doaré se dirige vers la porte du château. Il rencontre une servante, qui va puiser de l'eau à la fontaine du bois, et qui lui demande ce qu'il cherche par là.
— Je voudrais, répond-il, parler à la princesse du Bélier d'Or.
La servante va dire à sa maîtresse qu'un étranger vient d'arriver au château, qui demande à lui parler.
La princesse descend aussitôt de sa chambre et invite N'oun-Doaré à visiter avec elle les merveilles de son château.
Quand il eut tout vu, il invita à son tour la princesse à venir voir sa jument, dans le bois. Elle y consentit, sans difficulté. La jument exécuta devant elle les danses les plus variées, ce qui la divertit beaucoup.
— Montez sur son dos, princesse, lui dit N'oun-Doaré, et elle dansera avec vous fort agréablement.
La princesse, après quelque hésitation, monta sur la jument ; N'oun-Doaré sauta aussitôt à côté d'elle, et aussitôt la jument s'éleva en l'air avec eux et les transporta, en un instant, par-delà la mer.
— Vous m'avez trompée ! S'écriait la princesse ; mais vous n'êtes pas encore au bout de vos épreuves, et avant que j'épouse le vieux roi de France, vous aurez pleuré, plus d'une fois.
Ils arrivèrent promptement à Paris. Dès en arrivant, N'oun-Doaré conduisit la princesse au roi et lui dit, en la lui présentant.
— Sire, voici la princesse du Bélier d'Or. Le roi fut ébloui par sa beauté ; il ne se possédait pas de joie et voulait l'épouser, sur-le-champ. Mais, la princesse demanda qu'on lui rapportât d'abord son anneau, qu'elle avait laissé dans sa chambre, au château du Bélier d'Or.
N'oun-Doaré fut encore chargé par le roi d'aller à la recherche de l'anneau de la princesse. Il s'en revint tout triste vers sa jument.
— Ne vous rappelez-vous pas, lui dit celle-ci, avoir sauvé la vie au roi des oiseaux, qui vous promit de reconnaître ce service, à l'occasion ?
— Je me le rappelle, répondit-il.
— Eh bien, appelez-le à votre secours, c'est le moment.
Et N'oun-Doaré s'écria :
— Roi des oiseaux, venez à mon secours, je vous prie !
Aussitôt, le roi des oiseaux arriva et demanda :
— Qu'y a-t-il pour votre service, N'oun-Doaré ?
— Le roi, dit-il, veut que je lui rapporte, sous peine de la mort, l'anneau de la princesse du Bélier d'Or, qui est resté à son château, dans un cabinet dont elle a perdu la clé.
— Rassurez-vous, dit l'oiseau, l'anneau vous sera rapporté.
Et aussitôt il appela tous les oiseaux connus, chacun par son nom. Ils arrivaient tous, à mesure que leurs noms étaient prononcés ; mais, hélas ! Aucun d'eux n'était assez petit pour pouvoir pénétrer dans le cabinet de la princesse, par le trou de la serrure. Le roitelet seul avait quelque chance d'y réussir ; il fut donc envoyé à la recherche de l'anneau.
Avec beaucoup de mal et en y laissant presque toutes ses plumes, il parvint à s'introduire dans le cabinet, prit l'anneau et l'apporta à Paris.
N'oun-Doaré courut aussitôt le présenter à la princesse.
— A présent, princesse, lui dit alors le roi, vous n'avez sans doute plus de raison de retarder davantage mon bonheur ?
— Il ne me manque plus qu'une chose pour vous satisfaire, sire, mais il me la faut, ou rien ne sera fait, répondit-elle.
— Parlez, princesse, ce que vous demanderez sera fait.
— Eh bien, faites-moi apporter mon château ici, vis-à-vis du vôtre.
— Apporter votre château ici !... Comment voulez-vous ?...
— Il me faut mon château, vous dis-je, ou rien ne sera fait.
Et N'oun-Doaré fut encore chargé d'aviser aux moyens de transporter le château de la princesse, et il se mit en route avec sa jument.
Quand ils arrivèrent sous les murs du château, la jument parla de la sorte :
— Appelez à votre secours le roi des démons, que vous avez délivré de ses chaînes, à notre premier voyage.
Il appela le roi des démons, qui vint et demanda :
— Qu'y a-t-il pour votre service, N'oun-Doaré ?
— Transportez-moi le château de la princesse du Bélier d'Or à Paris, devant celui du roi de France, et tout de suite.
— C'est bien, cela va être fait à l'instant.
Et le roi des démons appela ses sujets, dont il vint toute une armée, et ils déracinèrent le château du rocher sur lequel il se trouvait, l'enlevèrent en l'air et le transportèrent à Paris. N'oun-Doaré et sa jument les suivirent et y arrivèrent aussitôt qu'eux.
Le matin, les Parisiens furent tout étonnés de voir l'éclat du soleil levant sur les dômes d'or du château et crurent à un incendie ; aussi, criait-on de toutes parts : « Au feu ! Au feu !... »
Mais la princesse reconnut facilement son château et se hâta de s'y rendre.
— A présent, princesse, lui dit le roi, il ne vous reste plus qu'à fixer le jour des noces.
— Oui, mais il me faut encore une petite chose avant, répondit-elle.
— Quoi donc, princesse ?
— La clé de mon château, qu'on ne m'a pas rapportée, et sans laquelle je ne puis y entrer.
— J'ai ici des serruriers très habiles, qui vous en feront une nouvelle.
— Non, personne au monde ne peut fabriquer une nouvelle clé capable d'ouvrir la porte de mon château ; il me faut l'ancienne, qui est au fond de la mer.
En se rendant à Paris, comme elle passait pardessus la mer, elle l'avait laissée tomber au fond de l'abîme.
N'oun-Doaré est encore chargé de rapporter à la princesse la clé de son château, et il se remet en route avec sa vieille jument. Arrivé au bord de la mer, il appelle à son secours le roi des poissons. Celui-ci arrive aussitôt et demande :
— Qu'y a-t-il pour votre service, N'oun-Doaré ?
— Il me faut la clé du château de la princesse du Bélier d'Or, que la princesse a jetée à la mer.
— Vous l'aurez, répond le roi.
Et il appela aussitôt tous ses poissons, qui se hâtaient d'accourir, à mesure qu'il prononçait leurs noms ; mais, aucun d'eux n'avait vu la clé du château. Seule, la vieille n'avait pas répondu à l'appel de son nom. Elle finit par arriver aussi, portant dans sa bouche la clé, qui était un diamant d'une très grande valeur. Le roi des poissons la prit et la donna à N'oun-Doaré.
N'oun-Doaré et sa jument retournèrent aussitôt à Paris, heureux et sans souci, cette fois, car ils savaient que c'était leur dernière épreuve.
La princesse ne pouvait plus reculer et temporiser, et le jour du mariage fut fixé.
On se rendit à l'église, en grande pompe et cérémonie, et N'oun-Doaré et sa jument suivaient le cortège et entrèrent aussi dans l'église, au grand étonnement et grand scandale de tout le monde. Mais, quand la cérémonie fut terminée, la peau de la jument tomba à terre et laissa voir une princesse, d'une beauté merveilleuse, qui présenta la main à N'oun-Doaré, en disant :
— Je suis la fille du roi de Tartarie ; venez avec moi dans mon pays, N'oun-Doaré, et nous nous y marierons ensemble.
Et N'oun-Doaré et la fille du roi de Tartarie, laissant le roi et la société tout ébahis, partirent ensemble, et, depuis, je n'ai pas eu de leurs nouvelles.

Conté par Vincent Coat, ouvrier de la manufacture des tabacs de Morlaix, avril 1874.

(1) Le sentiment des distances manquait un peu au conteur.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Août 2013 à 07:05:12
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La Chèvre et le Lion

Il est grand, il est beau, il est fort, sa crinière impressionne, son rugissement est puissant...C'est le lion, celui qu'on appelle le roi des animaux. Et un soir le lion s'interroge : "Est ce bien normal pour un roi de dormir dehors, à la belle étoile, exposé au vent et à la pluie, comme n'importe quel manant ? Un roi ça devrait avoir un palais ! Ou au moins une maison... une cabane... c'est plus facile à construire..."

Le lendemain le lion part dans la forêt chercher la clairière idéale où construire sa cabane Celle ci est trop petite, celle là a un sol trop mou, une est en pente, une autre entourée d'arbres tordus... Il passe toute une journée à chercher. Enfin il trouve une clairière vaste et entourée d'arbres majestueux. "Il y a un seul petit problème, l'herbe est un peu haute... Il va falloir que je fauche tout ça avant d'y construire ma cabane. Mais là il se fait tard et j'ai faim, je vais aller chasser, je reviendrai demain avec une faux."

A peine le lion parti, une chèvre arrive, décidée elle aussi à se construire une maison. Elle ne perd pas son temps elle broute toute l'herbe de la clairière, puis assoiffée elle part boire à la rivière.

Quand le lion revient il n'en croit pas ses yeux. Toute l'herbe est fauchée, même plus un tas de foin... Sa faux lui en tombe des mains. "Il doit y avoir dans cette clairière un bon génie qui m'aide" se dit le lion, avant de crier à la cantonade "Merci... Merci beaucoup bon génie ! Tu as bien aidé le Roi des animaux ! Tu peux compter sur ma gratitude ! Tu m'as fait prendre un jour d'avance dans mes travaux. Ca tombe bien car j'ai faim... je vais aller chasser je reviendrai demain faire les murs."

A peine le lion parti, la chèvre revient avec une scie, une hache et un gros marteau. Elle coupe des arbres, elle taille des planches et des pieux, elle plante les pieux, elle fixe la planche... En une journée elle fait tous les murs de la cabane, et épuisée retourne à la rivière.

De nouveau le lion est sidéré. "Ce n'est pas un bon génie qui m'aide... C'est toute une armée de lutins qui doivent travailler pour moi ! Merci beaucoup les gnomes ! Vous avez bien aidé le roi des animaux ! Il ne manque plus que le toit... Si vous pouviez vous en charger aussi ma reconnaissance sera éternelle. En attendant je retourne à la chasse à la gazelle."

La chèvre revient avec un marteau, des planches et des clous, et commence à faire le toit. Pose des planches, plante des clous, pose des planches, plante des clous, et au moment de planter le dernier clou... "Mêêêê !"... Elle se le plante dans le sabot ! Elle l'arrache avec ses cornes et part à la pharmacie chercher du sparadrap.

Quand le lion revient de nouveau il est ébahi, il n'a plus qu'à visiter en inspecteur des travaux finis "Merci beaucoup les gnomes ! Vous avez bien aidé votre roi ! Ma cabane est terminée, et c'est un vrai petit palais... Tiens là je pourrais mettre mes cornes d'antilopes, sur ce mur des têtes de babouins, là ma collection d'os et de crânes... Merci encore ! Je ne vous oublierai pas ! Je n'ai plus qu'à m'installer moi...". Et le lion part dans la savane déterrer les affaires qu'il a laissées un peu partout.

Quand il revient à l'orée de la clairière, il voit un filet de fumée qui s'échappe de la cheminée de la cabane "Une nouvelle surprise des gnomes !?". Le lion s'approche à pas de loup... et ouvre soudain la porte de la cabane... Il y a bien une surprise des gnomes : une petite chèvre en train de lui faire la cuisine.

-Alors bobonne ? Quoi de bon à manger ?

-Mais mêê mêê bobonne mais mêê qui êtes vous ?

-Comment ça qui je suis... Je suis le lion, le Roi des animaux, et tu es dans ma cabane, construite par mes gnomes !

-Mais mêê mêê vos gnomes !? Ce sont peut-être vos gnomes qui ont fauché l'herbe ?

-Mais oui !

-Mais mêê mêê vos gnomes !? Ce sont eux qui ont fait les murs ?

-Mais oui !

-Mais mêê mêê ce sont peut être eux qui ont fait le toit et se sont blessé au sabot en plantant un clou ?

Le lion regarde sa blessure...

-Bon, écoute petite chèvre, de toutes façons je suis le lion, le Roi des animaux, donc cette forêt est à moi, donc cette clairière est à moi, donc cette cabane est la mienne ! Mais comme je suis un roi magnanime, je t'autoriserai à la partager avec moi, à condition que tu me fasses de bons petits plats. Et tu n'as pas le choix, sinon c'est toi que je mange !

La chèvre a accepté, et c'est comme ça qu'a commencé la cohabitation entre la chèvre et le lion.

Au début, tout s'est très bien passé. La chèvre derrière la cabane cultivait son potager, le lion, lui, passait ses journées à la chasse. Le soir il revenait avec de la viande d'antilope ou de gazelle, et elle lui faisait de bons petits plats.

Cette histoire aurait pu se terminer là, et très bien pour tout le monde, si un jour une gazelle n'avait pas été trop rapide. Ce jour là, le lion se dit "faute de grive mangeons un merle" alors qu'il passe devant un petit chevreau: Il se jette sur le bébé chèvre, referme ses mâchoires, le traîne à travers la forêt et le dépose ce soir là, tout sanglant sur le sol de la cabane

-Bobonne ! J'ai faim ! Viens me faire à manger !

-Mais mêê mêê je ne peux pas manger ça, je ne peux cuisiner ça !

-Oh écoutes tu ne vas pas faire ta difficile, j'ai faim, fait la cuisine.

-Mais mêê mêê, ça pourrait être mon fils ou mon frère, c'est un chevreau, l'enfant d'une chèvre, il est du même sang que moi.

-Dis toi que c'est juste une antilope un peu différente.

-Mais mêê non il n'en est pas question !

Et la chèvre part s'enfermer dans sa chambre, quant au lion il doit manger le chevreau froid.

Mais pour lui ce n'est pas le plus grave. Car la chèvre s'est mise à réfléchir, à réfléchir à sa vengeance. A partir de ce jour là, on ne voit plus la chèvre cultiver son potager, au lieu de ça elle part, toujours plus loin, dans la forêt. Jusqu'au jour où elle trouve ce qu'elle cherchait. Un chasseur qui a l'air assoiffé. "Mêê mêê mêê chasseur tu as soif... Peut être voudrais tu boire de mon lait ? Tu n'auras qu'un tout petit service à me rendre."

Et ce jour là, vous me croirez ou pas, mais c'est la chèvre qui est revenue avec un lionceau mort au bout de ses cornes.

-Chériii, aujourd'hui c'est moi qui suis allé à la chasse, tu veux bien me faire la cuisine s'il te plaît ?

Quand le lion voit le lionceau mort parterre il entre dans une colère noire...

-Je ne peux pas manger ça ! Je ne peux pas cuisiner ça !

-Allons dis toi que ce n'est jamais qu'une antilope un peu différente...

-Je suis le lion, le roi des animaux, de toutes manières je ne ferai pas la cuisine. Et lui aussi, c'est un lion, un être de sang royal comme moi ! Comment as tu osé, et d'abord, comment as tu fait, toi une petite chèvre, pour tuer un lion ?

-C'est simple, je l'ai regardé dans les yeux, j'ai voulu qu'il meure, il est mort, voilà. Ce n'est pas comme ça que tu fais toi ?

La chèvre pourrait tuer d'un seul regard... Le lion est devenu tout pâle. Ce soir là il a fait la cuisine pour la première fois.

L'histoire ne dit pas si ni le lion ni la chèvre en ont mangé. Mais en tout cas, à partir de ce jour là, le lion a commencé à se faire de plus en plus petit, il était aux petits soins pour la chèvre, il lui apportait son petit déjeuner au lit. Puis un jour, où il avait sans faire exprès renversé une tasse, il n'a même pas osé la regarder en face, il est parti en courant, sans se retourner, il est sorti de la clairière, il a quitté la forêt, il a atteint la brousse. Et on dit que depuis ce temps là les lions vivent toujours dans la brousse, tandis que les chèvres vivent auprès des cabanes et donnent leur lait aux hommes.



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Août 2013 à 14:13:17
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Le trésor de la souris

Toc, toc !...
- Qui est là ?...
- C'est moi, grand'mère... »
Une gentille petite figure, un peu pâlotte, coiffée d'un béret rouge, se montra dans l'embrasure de la porte.
Devant elle, sur un léger éventaire, s'empilaient des gaufres... On aurait cru voir le Petit Chaperon rouge.
« Tu n'as rien vendu, ma pauvre mignonne ? Et comme tu dois être fatiguée ! s'écria la grand'mère, en levant les yeux au-dessus de son ouvrage.
- Ce n'est rien, cela ! protesta Charlotte Huchette ; je ne sentirais pas ma fatigue, si j'avais vendu mes gaufres !... Mais je vois bien, fit-elle avec une petite moue affligée, que les enfants des Tuileries et des Champs-Elysées ne les aiment pas ! J'avais pourtant mis tous mes soins à les fabriquer ! Celles des vrais marchands sont plus sucrées et plus moelleuses, c'est sûr. »
Charlotte s'assit, d'un air un peu découragé, après avoir déposé sur une table la marchandise dédaignée.
« Je voudrais tant vous aider ! N'importe, reprit-elle en relevant la tête d'un petit air brave, j'irai demain au Luxembourg. Les enfants y sont peut-être moins difficiles. Est-ce que... vous pleurez, grand'mère ?
- Non, ma fille. Ce sont mes pauvres yeux qui se fatiguent.
La vérité est que Mme Huchette venait de se détourner pour essuyer une grosse larme. Il y avait beaucoup de choses dans cette larme : le chagrin de voir sa chère petite-fille s'efforcer vainement de gagner quelques sous, l'inquiétude de sentir ses yeux s'user si rapidement, son métier de brodeuse devenir bientôt impossible !... Au magasin de lingerie pour lequel elle travaillait, on lui avait adressé des reproches : ses broderies, autrefois merveilleuses de finesse, présentaient de légères imperfections. Elle gagnait déjà beaucoup moins depuis quelques années. Que serait-ce plus tard ?
Comment pourrait-elle achever d'élever Charlotte, l'enfant de sa fille, orpheline dès le berceau ?...
« A table, bonne-maman ! » dit l'enfant en apportant la soupière.
Est-ce l'influence de la lampe allumée ou la soupe chaude, ou simplement la réaction de sa jeunesse, la confiance de sa bonne petite nature, la fillette, tout en mangeant, s'efforce d'égayer sa grand'mère :
« Ne vous tourmentez pas ! Je suis grande : j'ai dix ans ! L'année prochaine, j'aurai mon certificat d'études. J'apprendrai un métier... et je vous remplacerai. Ce sera bien mon tour !
- Pourvu que mes yeux durent jusque-là ! ne put s'empêcher de murmurer Mme Huchette.
- Eh bien ! en attendant, je me figure qu'il nous arrivera quelque chose d'heureux !
- Pauvre mignonne ! »
Tout à coup, les sourcils de la grand'mère se froncèrent, sa douce physionomie devint inquiète et nerveuse.
On entendait un bruit menu, menu : Gnin, gnin, gnin....
« Tu entends, Charlotte ?
- Grand'mère, c'est peut-être... le tic tac de la pendule, » fit l'enfant qui émiettait doucement du pain par terre.
Mme Huchette hoche la tête d'un air mécontent.
Quelques instants s'écoulent pendant lesquels Charlotte s'efforce d'occuper l'attention de son aïeule... Mais voici qu'au bas du mur, on voit se profiler, en ombre chinoise, un petit museau pointu, deux petites oreilles rondes, et deux petites pattes qui on l'air de faire un pied de nez...
« Qu'est-ce que j'aperçois, Charlotte ?...
- Grand'mère... c'est... ce doit être... l'ombre de mon pied.
- Depuis quand ma petite-fille est-elle devenue menteuse ?... »
Charlotte rougit, et avec une moue tremblante :
« Eh bien ! oui... c'est la souris qui vient nous voir tous les soirs, et contre laquelle vous vous fâchez toujours. Quel tort vous fait-elle, grand'mère ? Vous, si bonne, comment pouvez-vous lui en vouloir ?... Laissez-la venir grignoter nos miettes, je vous en prie.
- Tu sais que j'ai horreur de ces vilaines bêtes.
- Oh ! bonne-maman ! Elles sont très gentilles, au contraire !... Elles ont des yeux d'oiseau, des moustaches de chat, de petites mains d'écureuil.
- De mon temps, on prenait des chats pour détruire les souris. Il est vrai que, à cette époque, les petites filles ne faisaient pas la loi à leurs grand'mères...
- Oh !... grand'mère !...
- C'est égal, poursuivit Mme Huchette en tapotant le plancher du pied – ce qui eut pour effet immédiat de faire disparaître l'intruse – je ne me serais pas doutée qu'après avoir entretenu la propreté autour de moi, jusqu'à l'âge de soixante ans, je serais condamnée à vivre dans un logis infesté de souris.
- Oh ! grand'mère ! Infesté ? Il n'y a que celle-ci, qui vient depuis quelques mois. Elle n'a jamais fait aucun dégât et serait presque apprivoisée... si vous vouliez !
- Grand merci !
- Qui sait, reprit Charlotte dont les yeux brillaient, si ce n'est pas une petite fée, qui nous rendra riches et heureuses ?
- Tu es folle à lier, ma pauvre enfant. Les contes bleus que tu lis te tournent la tête. Allons, viens m'embrasser, et va vite te coucher : tu dois en avoir besoin, pauvre petite ! »
Charlotte obéit ; mais, cette nuit-là, ses rêves furent hantés de souris et de farfadets.
Chacun de ces petits êtres apportait, entre ses mains minuscules, une parcelle d'or qu'ils déposaient aux pieds de l'enfant. Miette par miette, cela finissait par former un trésor, et grand'mère n'avait plus besoin d'user ses pauvres yeux à travailler !
Le lendemain, par un bel après-midi de septembre, Charlotte partit bravement, avec son béret rouge et ses gaufres, pour le jardin du Luxembourg.
Mme Huchette resta seule au logis, penchée sur son éternelle broderie. Elle était d'assez mauvaise humeur, la pauvre dame !
« Qui m'aurait dit, murmurait-elle, que j'aurais vu l'enfant de ma chère fille aller vendre des gâteaux pour quelques sous, tandis que j'achève de me perdre la vue ? »
En abaissant les yeux, par hasard, Mme Huchette aperçut, à deux pas d'elle, la souris de la veille, l'odieuse souris qui s'invitait à tous les repas et lui inspirait une répulsion nerveuse. Elle lui apparaissait, pour la première fois en plein jour, grassouillette et ronde, semblant la narguer.
Mme Huchette se leva brusquement. La bestiole se sauva sous une chaise et se réfugia, avec prestesse, dans un petit trou au ras du plancher.
« Attends, vilaine bête !... s'écria la vieille dame qui lui gardait rancune, je vais te déloger ! »
Et elle alla chercher le tisonnier.
Qu'eût dit Charlotte, en voyant sa grand'mère, agenouillée par terre, explorant, sans pitié, la demeure de l'ennemie avec la tige de fer pointue ?
Mais que les amis des souris se rassurent : ces petites personnes délurées ont plus d'un tour dans leur sac. Elles connaissent des passages secrets et l'art de s'escamoter elles-mêmes.
Rageuse, comme on le devient quelquefois quand on a du chagrin, Mme Huchette s'acharnait avec son tisonnier.
Tout à coup, la plinthe déjà vermoulue, céda sous ses efforts... De souris, point. Mais que vit-elle ? Que signifiaient ces rouleaux cachés dans la boiserie ?... Elle y porta la main en tremblant. Il y en avait vingt, qu'elle retira successivement ; de plus en plus tremblante, elle un ouvrit un : des louis d'or brillants ruisselèrent sur la table.
Pour le coup, cela tenait du prodige ! Elle crut rêver.
Mais, à ce moment, la porte s'ouvrit sous la main de Charlotte. Celle-ci jeta un cri de joie, et, sautant au cou de son aïeule :
« Oh ! grand'mère ! Cela vient de la souris, n'est-ce pas ?
- Oui, répond machinalement la pauvre Mme Huchette, éblouie, stupéfaite.
- Je savais bien qu'elle était fée ! Et j'ai rêvé, cette nuit, que tu devenais riche ! Quel bonheur, grand'mère ! C'est tout à fait comme dans un conte ! »
Mme Huchette eut besoin d'un moment de réflexion pour reprendre son sang-froid et pour se rappeler que, malgré toutes les apparences, les souris ne sont pas des fées et que la vie n'est point un conte.
« Ma petite fille, cet or n'est pas à nous... Nous ne pouvons pas le garder !...
- Pas à nous !... Mais puisqu'elle te le donne !... »
Il fallut un certain temps pour persuader à la fillette que les souris n'ont pas le pouvoir de faire des dons. Le devoir de la grand'mère était donc d'aller montrer sa trouvaille au commissaire de police du quartier.
Le petit cœur honnête de Charlotte ne se révolta plus. Ce n'était pas pour elle-même qu'elle avait désiré l'aisance et qu'elle s'était réjouie d'abord, mais pour sa chère bonne-maman. Ce fut encore pour celle-ci qu'un gros soupir s'exhala de son cœur.
... Quelques mois se sont écoulés depuis cette aventure.
Nous retrouvons, dans leur modeste logis, luisant de propreté, la grand'mère et la petite-fille.
La lampe brille, au milieu de la table, sous un coquet abat-jour rose. Charlotte circule légèrement, mettant le couvert, comme autrefois. Mais Mme Huchette ne s'acharne plus à terminer une broderie, meurtrière pour ses yeux. Mme Huchette ne travaille plus à la lumière ! Elle brode seulement quelques heures par jour. Charlotte, qui ne vend plus de gaufres et qui vient d'obtenir avec succès son certificat d'études, continue son instructions avec ardeur, afin d'être à même, dans quelques années, d'occuper un emploi honorable.
Un air de contentement et de tranquillité éclaire maintenant le visage de la vieille dame et de l'enfant. D'où viennent ces heureux changements ? Ecoutons-les causer, nous l'apprendrons.
« Je vous le disais bien, bonne-maman, que nous finirions par avoir de la chance !... Qui avait raison ?...
- Pour moi, reprend Charlotte enhardie, rien ne m'ôtera de l'esprit que Grisette est une petite fée...
- Folle !
- Rien qu'un peu fée, si vous voulez... Mais cette fortune est si étrange !
- Etrange, certes, autant que providentielle ! Cependant tu sais ce qu'à dit le commissaire, lorsque je lui ai porté les vingt rouleaux dont chacun renfermait cinquante louis d'or à l'effigie de Louis XVI. C'est du reste, la version qui a été reproduite par les journaux : on suppose que cette petite fortune avait été cachée dans la boiserie par une famille qui fut obligée d'émigrer en 1793.
- Oui, on suppose ; mais cela n'est ni très sûr ni très clair ! En tout cas, il paraît que, l'ayant trouvé, nous avions droit à la moitié du trésor, et nous voilà riches. »
Et , avec une moue d'enfant gâtée, elle ajouta :
« Moi, j'aime mieux croire que c'est le trésor de la souris !... »
Gnin, gnin, gnin... Un grignotement bien connu se fit entendre sous la table.
A ce moment apparut, sur le mur, l'ombre grandissante d'une petite souris à la taille épaissie par le bien-être, qui se barbifiait avec ses deux petites pattes de devant... et qui laissait dire... en gardant son secret !

Henriette BEZANCON
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Août 2013 à 14:54:24
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Le secret de feuillette

Elliot était un petit garçon de 7 ans, qui vivait dans un village tout en haut d'une colline, un petit village où tout le monde se connaissait bien et où il faisait bon vivre. Souvent, il allait rendre visite à son grand-père qui habitait non loin de là, dans une vieille maison toute en bois. Elliot adorait son grand-père qui racontait toujours des histoires extraordinaires. Il l'écoutait ainsi, pendant des heures, assis près du feu crépitant de la cheminée.
Un jour, alors qu'il était chez son grand-père, Elliot découvrit un drôle d'objet posé sur le rebord de la fenêtre. On aurait dit un petit bonhomme emmitouflé dans une grande feuille d'automne, dont on ne voyait dépasser que la tête. L'enfant, intrigué, prit la statuette dans ses mains, et l'examina en la retournant dans tous les sens.
"Dis Papy, qu'est-ce que c'est ?" demanda Elliot à son grand-père.
"Ah mon petit garçon, surtout ne le casse pas. C'est un porte-bonheur. Il renferme un grand secret. Et si tu veux, je vais te raconter son histoire incroyable. L'histoire de Feuillette...
Quand j'étais petit garçon comme toi, mes parents m'avaient offert ce cadeau. Ils m'avaient dit :"C'est un petit elfe. Pose-le à côté de ton lit, il te portera bonheur !" Je l'avais appelé Feuillette, parce qu'il était tout enveloppé dans une feuille. Et tous les soirs, avant de m'endormir, je regardais Feuillette qui semblait me sourire et me dire "bonne nuit!"
Et puis un jour, une chose incroyable arriva. Un soir de pleine lune, je me réveillai au beau milieu de la nuit, et lorsque j'ouvris les yeux, je découvris que Feuillette avait disparu ! Je me frottai les yeux pour être bien sûr que je ne rêvais pas. Mais non ! La feuille était toujours là, mais elle était vide. Mon petit elfe, lui, n'y était plus. Je n'arrivais pas à le croire ! Comment avait-il pu disparaître ? Ce n'était pas possible !
Je me suis mis à le chercher dans la chambre, sous le lit, dans l'armoire, puis partout dans la maison, mais pas de Feuillette ! Il fallait croire que mon petit elfe m'avait quitté ! Je sentis alors de grosses larmes couler le long de mes joues. Je pris ma tête entre mes mains et restai un long moment sans bouger, accoudé sur le rebord de la fenêtre, les yeux plongés dans le ciel étoilé. Je ne comprenais pas ce qui avait bien pu arriver et je me sentis d'un coup bien seul.
Puis soudain, en baissant les yeux, je découvris par la fenêtre, de minuscules empreintes de pieds sur la terre du jardin, qui semblaient se dessiner jusqu'à la barrière. Ce n'était pas des traces d'animal. Trop petit aussi pour des pieds d'homme, ou même des pieds d'enfant ! Qu'est-ce que cela pouvait bien être ? Intrigué par ce que je venais de découvrir, je décidai de suivre les traces de pas pour voir où elles me mèneraient. Il faisait nuit, j'avais un peu peur, mais tout cela était vraiment trop étrange. Il fallait que je sache, et puis je voulais retrouver Feuillette. Peut-être que ces traces me mèneraient à elle...
Après avoir enfilé mon manteau et mes chaussures, je me dirigeai vers la barrière. Les traces de pas continuaient bien au-delà du jardin, et la pleine lune m'éclairait suffisamment le chemin pour que je puisse les suivre. Quelle ne fut pas ma stupeur quand je découvris que les traces me dirigeaient vers la forêt. La grande forêt lugubre que personne n'ose approcher dès que le soleil disparaît derrière la colline ! Les gens du village disent qu'elle est hantée, peuplée de créatures effrayantes ! Mais j'étais déjà bien loin de la maison, peut-être même perdu. Alors tant pis, je décidai de rentrer dans la forêt.
Les ombres des arbres formaient sur le sol de grandes formes toutes noires qui ressemblaient à des monstres géants. Le vent faisait craquer les branches au-dessus de ma tête, tandis que perçait de temps à autre le hululement inquiètant d'un hibou. J'entendais des bruits et des cris étranges que je ne connaissais pas. Je me blottis contre le tronc d'un arbre. J'avais peur. J'étais tout seul, et personne ne viendrait me chercher ici ! Je me mis à éclater en sanglots, lorsque je vis brusquement une lumière scintiller au loin. Je pensais alors qu'il y avait peut-être quelqu'un dans la forêt et qu'il pourrait m'aider à retrouver mon chemin. Je m'approcha timidement de la lumière, sans faire de bruit, et ... surprise ! Je n'en croyais pas mes yeux !
Feuillette ! Feuillette était là et tout un tas d'autres petits elfes qui s'agitaient autour d'un feu de camp. Quand elle me vit arriver, elle s'avança vers moi. Je la pris dans mes mains, tout étonné de voir qu'elle était bien vivante ! Elle me fit plein de petits baisers sur les joues qui effacèrent mes larmes et me ramenèrent bien vite le sourire. Elle me raconta que toutes les nuits, tous les efes de la région se retrouvaient dans la forêt pour éloigner les mauvais esprits et veiller sur les gens du village, dès que le soir tombait. Ils étaient bien drôles les petits elfes ! Il y avait "Fleurine" qui portait sur son dos une grosse fleur d'arum toute blanche, "Semelle" qui avait fait sa maison dans une vieille chaussure d'homme. Il y avait aussi "Taxi" qui transportait les elfes sur le dos d'un crapaud pour traverser les rivières, et "Mélodine" qui jouait de la flûte enchantée, assise à califourchon sur le croissant de lune, et la musique, emportée par le vent, éloignait les mauvais esprits de la forêt, loin du village endormi. Les plus intelligents étaient les "conteurs". Ils savaient lire et détenaient dans leurs gros livres anciens les plus belles histoires d'elfes qu'ils s'amusaient à raconter la nuit autour d'un feu de brindilles.
Je passa ainsi la nuit entière dans la forêt avec les petits elfes, à rire, à danser et faire la fête. Et quand les premières lueurs du jour apparurent, tout ce petit monde repartit dans les maisons du village, retrouver leur apparence immobile durant tout le jour, jusqu'à la nuit suivante où ils reprendraient vie de nouveau. Mais là était le secret des elfes, et j'avais bien fait la promesse à Feuillette que ce secret resterait entre nous."
Elliot avait écouté son grand-père raconter son histoire, sans dire un mot, attentif et émerveillé. Puis il repartit chez lui, avec le petit elfe que son grand-père lui avait donné. Il le serrait très fort contre son coeur, sachant désormais que "Feuillette" veillerait sur toutes ses nuits.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Août 2013 à 09:56:43
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La réunion des arbres

Elles volaient, tourbillonnaient, emportées par le balai qui les poussait en un tas de plus en plus épais. Il faisait déjà froid pour la saison en ces terres de l'hémisphère Nord.

Les mains du balayeur étaient engourdies par le froid et surtout par le vent qui soufflait ce matin par rafales.

Les feuilles étaient toutes si indisciplinées. Il avait beau les récupérer, un souffle, une brassée et tout lui échappait.

Il vit un tourbillon plus important se former dans le sous-bois. Il releva le col de sa grosse canadienne qui lui avait été donnée au foyer du centre de secours. Il grommela entre ses dents sur le mauvais temps. A sa grande surprise, ce qu'il vit devant lui en quelques minutes se former sous ses yeux, de cela il se jura qu'il le raconterait après son travail ce soir au café du village.

Il vit une longue jupe couleur rouille, des bras enveloppés de rainures brunes foncées, jaunes, rejoignaient un cou et un visage entourés d'une longue chevelure auburn.

Il se baissa, ramassa une bouteille de rhum vide à ses pieds.

Il songea que ce ne pouvait pas encore être les vapeurs de la veille qui lui donnaient des hallucinations.

Effectivement la forme quelque peu hésitante se mit en mouvement et s'avança vers lui d'une démarche fluide et aérienne.

-         Bonjour murmura la voix, j'ai dû abandonner mon parapluie dans les fourrés, la grêle était trop forte et il s'est brisé, emportant avec lui mon cœur si fragile. Le coup me fut fatal, la branche s'est cassée, a heurté mon front, me laissant sur le chemin voilà bien longtemps. Personne ne m'a cherché, je n'existe que pour peu de temps.

-         Voilà que j'entends des voix se dit l'homme surpris et embarrassé.

-         Je m'appelle Automne, et pour une fois je viens pour vous aider dans votre entreprise.

-         Cela m'étonnerait lui dit-il d'un ton bougon, nous n'avons même pas été présentés, et même si vous êtes ce que vous prétendez, que me voulez-vous ?

En éclatant de rire, des feuilles se mirent à voleter autour de la forme humaine. L'automne n'en faisait qu'à sa tête. Et ce serait pour le pauvre homme bien du travail supplémentaire. La saison ne voulait rien entendre. Elle dansait autour de l'individu planté le long du trottoir abasourdi que des morceaux de plantes se mettent à lui parler.

Elle reprit de plus belle avec ces mots :

-        Ce matin c'est la fête, tu vas avoir droit à un vœu, c'est l'été qui me l'a autorisé. Quelques rayons de soleil filtraient parmi les branches et les feuillages du grand saule qui se trouvait dans la propriété du coin. Ses longs bras venaient lécher l'eau verdâtre de l'étang, s'y baignant, plongeant également dans les profondeurs obscures de l'endroit.

-         Je ne crois pas aux vœux, ils ne se réalisent pas, ce ne sont que des histoires de bonnes femmes.

-         Tatata Monsieur, vous êtes là chaque année à accomplir les mêmes gestes et me maudissant en votre for intérieur de ces enveloppes qui viennent ainsi vous encombrer les pieds et le balai.  Je sais que vous aimeriez mieux me voir disparaître dans les flammes de l'enfer, ce qu'à bien des endroits sur terre vous réussissez bien, et ceci en signant votre droit à ne plus respirer d'air pur et en nous découpant à tour de bras sur toute la planète.

-         Cela n'est pas mon problème, j'ai besoin de ce travail pour survivre, la saison est dure cette année avec tous ces changements climatiques. Que me voulez-vous finalement ?

-         Chuuuut ! .....fermez les yeux.....attendez un peu.....

Seul le vent sifflait à ses oreilles. Il n'avait pas peur. Dans son existence misérable, il en avait vécu bien d'autres.

-         Ouvrez les yeux maintenant, lui murmura la silhouette frémissante.


Il se retrouva entouré d'autres arbres animés qui s'agitaient dans tous les sens, plongés entre eux dans un bruit épouvantable de feuilles qui bruissaient. Il se rendit compte qu'ils tenaient conseil. Un grand chêne imposant et majestueux semblait être l'orateur principal. Ils avaient dressé une table en tronc d'arbres déracinés par les nombreuses tempêtes. Des fruits de toutes sortes y étaient déposés ainsi qu'une maison légèrement en retrait, de forme circulaire, tout en bois, tournant au gré des rayons solaires l'attendait, prête à s'y installer.

-         Voici ta nouvelle demeure souffla le plus grand dans la verdure.

Le balayeur n'osait y croire, parcourant les pièces une à une, les yeux émerveillés.

-         Pourquoi ? Je ne comprends pas ?

-         Nous nous sommes concerté et nous avons décidé de récompenser ton labeur particulièrement en cette saison. Voilà la raison. Es-tu content ?

-         Oui.......oui......bien entendu.....mais pourquoi moi ?

Il entendait sa voix en écho au-dessus des cimes des ramures, tant le silence s'était fait dense.

Un grand coup de vent, tout disparu. Il se retrouvait seul au milieu d'un parc, le balai à la main. Il s'était endormi sur un banc public. Il se leva, retourna vers son travail abandonné quelques minutes plus tôt. Il souriait. Ce soir au bistro, il aurait de quoi raconter aux copains.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Août 2013 à 08:47:44
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CONTE DE LUTIN

Un soir un lutin, - très sympathique - le lutin,
en voyant une Sorcière danser sous la lune blanche,
dans une clairière bleue.... eu très envie de danser avec elle .....
Alors il s'approcha d'elle et lui parla......
Du coup la sorcière de danser oublia...

Comme ils avaient à deux le pouvoir d'arrêter le temps,
L'un arrêtant la nature
l'autre arrêtant les étoiles
Ils le firent se suspendre...
Et dans la clairière bleue, se mirent à parler .....
A parler .... parler.....
Ils parlèrent si longtemps,
que le temps,
doucement repris ces droits sur la nature et les étoiles
et qu'aucun des deux ne vit le soleil se lever.......
Lorsque les premiers rayons de soleil atteignirent le lutin
celui ci se rendit compte que les mots qu'ils avaient échangés,
s'étaient transformés en une merveilleuse dentelle d'argent que le
soleil faisait scintiller......
D'un seul coup , il eut peur..... que va-t-elle faire avec cette dentelle ??
Après tout c'est une Sorcière !!! Elle pourrait s'en servir contre moi...
Et me garder enfermer dans ce piège là......
Alors le lutin disparu , pffffft envolé, dans une petite fumée....
Et la Sorcière ébahie, ahurie, de rester là !!
Le soleil lui caressant les cheveux au milieu de cette clairière,
devenue verte sous l'astre du jour....
Mais qu'ai-je dit?? Pourquoi ? ??
J'ai du m'approcher trop de lui, et mes ongles de Sorcière l'auront griffés ..??
Elle tenait serré contre elle la merveilleuse dentelle blanche.
En vérité la Sorcière faisait ce qu'elle pouvait pour ne pas laisser glisser
les choses rondes et mouillées qui sortaient de ses yeux verts
-forcément des yeux de Sorcière -
-forcément une Sorcière ca ne pleure pas...

Mais elle n'y parvint pas....
et un ruisseau doucement de ses yeux coula
sur son visage,
sur sa robe,
et sur la dentelle d'argent...
Puis , il toucha le sol et là, se transforma en un magnifique plan de lilas blanc.......

Un lilas,
qui avait sur ses feuilles la couleur des yeux de la sorcière
qui avait sur ses fleurs la blancheur et la délicatesse de la dentelle lunaire...

Le lutin dans la clairière , revint, bien sur....
Il s'était sermonné, et s'était dis :
" mais non, je suis idiot , pas elle !"
Elle ne me fera jamais rien, car bien qu'elle soit Sorcière ...
je sais qu'aujourd'hui, je suis Son lutin ....

Mais dans la clairière, la Sorcière avait disparue
Il y avait un lilas....
Un magnifique lilas blanc
Le lutin s'approcha, le toucha,
doucement le respira .......
Et reconnu le parfum, enivrant de sa Sorcière...
Il resta là .... à regarder ce lilas, jusqu'à ce que le soleil finisse sa course
et que la nuit viennent l'envelopper de ces voiles ...

Lorsque la Lune voulu bien venir éclairer de bleu la clairière...
Le lutin s'écarta du lilas et vit apparaître,
la Sorcière qui tenait serrée contre elle, la dentelle lunaire...

Et depuis ce temps là...
Au printemps,
toutes les nuits on voit,
un lutin et une sorcière,
heureux,
danser sous la lune bleue.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 16 Août 2013 à 14:09:26
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Maëlyne la petite fée Tristesse

Au pied d'une immense chaîne de montagnes rocheuses surplombant l'eau cristalline d'une rivière, était assise toute recroquevillée sur elle-même, Maëlyne une petite fée haute comme trois pommes. Elle méditait, d'ailleurs elle passait tout son temps à méditer. Elle vivait dans une petite chaumière au bord de l'eau, le paysage était magnifique mais elle ne le voyait pas car elle ne le regardait pas... elle méditait.
  « Mais à quoi pensait-elle ? » se demandaient tous les animaux de la forêt avoisinante ainsi que les habitants du lac, ses amis de toujours. Personne ne le savait.

Maëlyne était une très jolie jeune fille, sa chevelure bleue mauve retombait en cascade jusqu'à ses pieds. Dans ses grands yeux couleur noisette plongeaient toutes celles de la forêt mais tout son être était rempli de tristesse. Elle semblait ailleurs, la tête dans les nuages, espérant on ne sait quel événement qui se produirait... mais qui ne se produisait jamais. Alors elle traînait comme une âme en peine à longueur de journée en soupirant.

La vie battait pourtant son plein au bord de la rivière. Le cerf, sa compagne la biche et leur petit faon venaient s'y désaltérer, tandis que Royal le grand cygne blanc régnait en maître sur cette eau qui s'écoulait sans fin au fil du temps dans un flux limpide et serein. Chacun essayait pourtant d'arracher un sourire sur les lèvres de Maëlyne mais personne jusqu'à ce jour n'y était parvenu. Seul Polisson, le petit gnome de la forêt ne se décourageait jamais. Il y passait toutes ses journées et réfléchissait la nuit à ce qu'il pourrait inventer pour redonner du baume au cœur de la jeune fille, mais en vain à son grand désespoir.

Maëlyne était toujours aussi triste et elle ne savait pas pourquoi. Polisson lui rendait de nombreux services, lui préparant de délicieuses confitures à base de fleurs, nettoyant et rangeant la chaumière pour lui rendre sa vie plus agréable. Mais surtout il était toujours présent, en attente d'une demande de Maëlyne qu'il aurait satisfait dans l'instant, n'écoutant que l'affection qu'il avait pour la petite fée. mais elle ne demandait jamais rien, ne parlait pas et surtout pleurait, toujours de plus en plus et c'est pourquoi les habitants de la forêt et du lac la surnommaient : la fée tristesse.

Un jour alors que Polisson ramassait des champignons magiques dans la forêt, il entendit une conversation des plus étonnantes:
- Il faut continuer comme ça et d'ici peu de temps la fée sera complètement anéantie, et alors à nous le pouvoir des fées ! plus rien ne pourra jamais nous arrêter !!
Polisson, intrigué, s'approche prudemment afin d'entrevoir qui peut bien parler de la sorte. Un mauvais pressentiment lui dit que la fée dont il est question est Maëlyne.

Il se glisse le long des arbres jusqu'à distinguer une grande silhouette longiligne et grise. En se rapprochant un peu, au risque d'être découvert, il s'aperçoit, à sa grande frayeur qu'il s'agit de Geiséric le plus grand sorcier démoniaque de la forêt. Celui ci est face à une créature que Polisson ne connaît pas et qu'il aurait préféré ne jamais voir, tellement son apparence est effrayante. C'est un être difforme , qui a de longs bras fins et de grandes mains aux doigts effilés et aux ongles noirs et crochus. Il tient une grande coupelle dans laquelle il malaxe un mélange dont Polisson ne peut deviner la texture.
- Ne vous inquiétez pas maître, personne ne se doute de rien et Maëlyne sombrera d'ici peu .
- Je compte sur toi Crapulet, sinon dis toi bien que tu auras affaire à moi et que je te renverrai tout droit de l'endroit d'où tu n'aurais jamais dû sortir, le gouffre des lamentations !
- Oh non maître ! Je ferai tout ce que vous voudrez mais pas le gouffre des lamentations ! Je ne veux plus jamais y retourner !! s'écrit Crapulet complètement désespéré.
Sans écouter la moindre parole, Geiséric le sorcier s'éloigne rapidement et disparaît dans la brume épaisse du matin.

Polisson trouve cela très étrange et se pose bien des questions. Que se passe- t-il donc dans cette forêt ? Quel mal peuvent donc bien vouloir ces méchantes créatures à une si gentille petite fée qu'est Maëlyne ?
Il lui faut absolument découvrir les intentions de Geiséric et les contrer car son instinct lui dit que la petite fée est en danger et il lui semble aussi que la présence de ce sorcier démoniaque est sans doute à l'origine de la grande tristesse de Maëlyne.
Il décide de le suivre discrètement pour en découvrir un peu plus. Pour passer inaperçu, polisson décide de croquer dans un de ses champignons magiques car ceux-ci exaucent les souhaits que l'on pense fortement. Polisson désire devenir invisible, ce qui se produit instantanément. Ce pouvoir ne va durer que quelques minutes et il lui faut vite retrouver Geiséric et du même coup connaître exactement le détail de ses mauvaises intentions. Il avale un nouveau petit morceau de champignon magique en pensant qu'il souhaiterait voler et à peine l'a t-il pensé qu'il flotte au dessus du sol. Le voilà prêt pour ses recherches.
Il survole au passage Crapulet et distingue au fond de sa coupelle une masse volatile et noirâtre légère comme un petit nuage que celui- ci ne se lasse pas de malaxer par des mouvements circulaires, une fois à droite et une fois à gauche.
Polisson continue son survol et distingue au loin la silhouette du sorcier qu'il s'empresse de rejoindre. Il se cache dans le feuillage épais d'un arbre et de sa hauteur voit s'approcher une présence devant laquelle Geiséric se prosterne. Cette personne n'a pas de forme, c'est une masse noirâtre sans contour délimité qui ressemble étrangement à ce que Crapulet remuait dans sa coupelle, mais en beaucoup plus imposant.

Une voix s'élève grave et caverneuse:
- Dans combien de temps le fil d'énergie des fées sera t-il rompu définitivement ? demande la masse funeste au sorcier toujours courbé.
- Nous sommes dans la dernière phase du processus maître, Maëlyne ne va tarder à s'endormir pour l'éternité et alors nous pourrons procéder au transfert des pouvoirs.
« Alors c'est ça !! » pense Polisson toujours installé sur une branche à l'abri des regards. Le petit gnome se rend compte à quel point sa petite fée bien aimée est en danger, non seulement elle, mais toutes les fées de l'univers. Car depuis la nuit des temps les fées protectrices et bienveillantes sont reliées entre elles par un fil d'énergie, c'est ce même fil invisible à l'œil nu qui leur donne leurs pouvoirs magiques. En quelque sorte toutes les fées sont reliées entre elles et leur énergie est commune. Si ce lien est rompu toutes les fées s'éteindront d'un seul coup laissant libre court aux forces du mal qui régneront sur l'ensemble de tous les êtres vivants de l'univers...

Polisson s'en veut de n'avoir pas pensé que Maëlyne était victime d'un maléfice, elle qui était pourtant si joyeuse, rieuse et qui aimait faire de longues promenades dans la forêt, discutant avec tous les animaux, cueillant des gros bouquets de fleurs dont elle faisait de délicieuses confitures. Ils passaient des heures ensemble, à courir, sauter et s'abandonner aux joies de la baignade en compagnie de Royal le cygne, sous l'œil amusé du cerf, de sa compagne et de leur petit, ainsi que des écureuils et des oiseaux qui profitaient des éclaboussures au cours de leurs jeux d'eau pour se rafraîchir au passage.

Le sorcier a dit que Maëlyne n'allait pas tarder a s'endormir pour l'éternité. Polisson se souvient des différentes étapes de ce mauvais sort. Petit à petit Maëlyne a perdu son appétit, puis sa joie de vivre  et enfin, elle, toujours en éveil sur les beautés de la nature, avait cessé de la voir, de la regarder, plongeant progressivement et profondément dans ses pensées, recroquevillée sur elle-même. Elle avait perdu son sourire, ne parlait plus et pleurait sans cesse. Son énergie la quittait progressivement et rien ne pouvait la sortir de sa torpeur. Mais maintenant il savait pourquoi son amie était dans cet état et il lui fallait trouver une solution pour contrer ce mauvais sorcier et détruire ce maléfice qui entraînait Maëlyne et toutes les fées dans le royaume du néant.

Pendant ce temps Geiséric avait des comptes à rendre. Couper un fil d'énergie n'était pas aussi simple que couper un fil à coudre à l'aide d'une paire de ciseaux. C'était un processus très complexe qui consistait à affaiblir et à extraire toute l'énergie de la fée qui en était victime jusqu'à ce que celle-ci s'endorme et ne puisse plus réagir. En attaquant de la sorte une seule fée toutes les autres étaient également touchées. Mais ce n'était pas non plus sans risques, car si le processus se renversait alors il anéantirait à tout jamais les auteurs de ce mauvais sort. Aussi Geiséric avait-il pris toutes les précautions nécessaires pour mener à bien son projet démoniaque. L'enjeu était important. Se débarrasser de toutes les fées existantes lui donnerait un immense pouvoir, il deviendrait le sorcier le plus craint et respecté de tout l'univers, mais il n'était pas le véritable instigateur de ce projet et le Maître des ténèbres était terrifiant lorsqu'il se mettait en colère, il n'avait pas le droit d'échouer, il n'avait pas le choix, sinon le sort que celui-ci lui réservait  était bien pire que d'être exterminé.

Si le sorcier Geiséric s'enorgueillissait à l'avance du pouvoir que lui donneraient les fées bien involontairement, ça n'était rien en comparaison des avantages que le Maître des ténèbres obtiendrait. Car c'est lui qui bénéficierait du transfert des pouvoirs et ça n'était pas une mince affaire car en recevant le pouvoir extraordinaire de toutes les fées, de bienfaisants ceux-ci seraient transformés instantanément en pouvoirs malveillants et ce serait alors la victoire du mal sur le bien. Le Maître des ténèbres transformerait alors le monde à sa convenance et l'avenir qu'il lui réservait était bien sombre.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 16 Août 2013 à 14:11:02
Maëlyne la petite fée Tristesse (suite et fin)


Polisson entre-temps et à l'insu de tous ces mauvais êtres, s'était empressé de rejoindre le grand cygne Royal pour lui faire part de ses inquiétudes. Royal était un sage et chacun dans la forêt venait lui demander conseil lorsqu'un problème se présentait.
- Il te faut rencontrer l' esprit des quatre éléments, l'eau, la terre,  l'air et le feu ; Car lui seul pourra t'aider à conjurer le sort du Maître des ténèbres, lui souffle dans l'oreille le grand sage.
- Mais comment dois-je faire ? lui demande Polisson.
- Grimpe sur mon dos je vais t'y mener, lui répond Royal.
Le petit gnome ne se fait pas prier et s'installe sur le dos douillet du cygne. Arrivé à proximité d'un tourbillon dont polisson n'avait jamais remarqué l 'existence  Royal plonge d'un seul coup sous l'eau limpide. Polisson, apeuré, s'aperçoit que malgré le fait qu'il soit sous l'eau, il peut respirer. Le grand sage lui dit:
- Ne t'inquiète pas, nous entrons dans le domaine des quatre éléments réunis. Tu peux donc respirer sous l'eau, l'élément du feu va te réchauffer et de plus, dit-il en le déposant délicatement sur le fond de la rivière, la terre va te porter et tu pourras marcher comme à ciel ouvert.
- Merci, lui répond Polisson assez surpris de pouvoir respirer et parler sous l'eau.
Le cygne s'éloigne alors laissant Polisson seul.
- Mais dis moi où je peux trouver l'esprit des éléments !! hurle-t-il alors que Royal est déjà remonté à la surface.
- Je suis là ! entend-t-il dans en écho qui résonne tout autour de lui.
Le petit gnome intimidé par cette voix hors du commun en perd ses moyens. Il ne sait plus quoi dire. Il tente de déterminer qui lui parle, mais il ne distingue rien. Brutalement il se retrouve à l'intérieur d'une grosse bulle d'air, un souffle léger et chaud le berce, tandis qu'il se rend compte que ses pieds sont posés sur un tapis de mousse et de fleurs. Cette bulle roule doucement sur le fond de la rivière dans un halo de lumière blanche qui l'éclaire.
- Tu es sous ma protection Polisson, je connais le but de ta présence, tu vas devoir suivre à la lettre mes conseils pour empêcher le Maître des ténèbres de prendre le pouvoir et ainsi sauver non seulement Maëlyne  mais toutes les fées afin de préserver le bien du mal.
- Je suis prêt à tout, dites moi ce que je dois faire et je suivrai vos conseils, répond le petit gnome avec humilité.
- Tu dois détruire la source du mal et pour cela il faut détruire le maître des ténèbres. Tu auras besoin de toute ma force, aussi je te fais don de quatre graines, chacune est porteuse d'un élément. La graine du feu, celle de l'air, puis de l'eau et de la terre. Elles te seront indispensables pour vaincre le mal. Mais cela ne suffira pas, il te faudra aussi redonner suffisamment d'énergie à Maëlyne pour que le contact pratiquement rompu puisse se rétablir entre les fées. Ce sera difficile et ce sera à la condition que celle-ci ne soit pas complètement endormie, lui explique l'esprit des quatre éléments.
- Mais comment dois-je m'y prendre pour détruire le Maître des ténèbres ? demande encore polisson.
- Toi seul dois en trouver le moyen, c'est à cette condition que le maléfice pourra être levé définitivement, lui répond la voix.
-Mais je ne saurai pas comment faire !! s'inquiète Polisson.
- Tu trouveras le moment venu, je te fais confiance, conclut l'esprit des éléments.

A ce moment là une fleur s'éclaire aux pieds de Polisson, puis elle ouvre largement ses pétales et quatre grosses graines flottent et s'élèvent dans l'air jusqu'à la main du gnome. Celui-ci les prend délicatement, puis les glisse dans une petite poche de son ceinturon tissé dans des racines de plantes.
Dans un souffle la bulle dans laquelle il se trouve éclate d'un seul coup et Polisson est projeté doucement vers la surface de l'eau. Il se retrouve sur la berge de la rivière et chose surprenante il n'est même pas mouillé !
Mais à ce moment là une seule pensée effleure son esprit, se rendre au chevet de Maëlyne en espérant qu'elle n'ait pas encore sombré dans un sommeil profond. Il se met à courir à en perdre le souffle, mais, arrivé à l'entrée de la chaumière, il constate que tous ses amis sont près du lit de Maëlyne. Royal, le cerf, sa compagne la biche et leur faon, ainsi que de nombreux animaux, lapins, écureuils, oiseaux, renards, loups, hérissons et bien d'autres encore qui pleurent à chaudes larmes autour du lit sur lequel repose Maëlyne d'un sommeil dont personne ne peut la sortir.
Alors Polisson s'élance dans une course éperdue, celle du désespoir. Il court à en perdre haleine, puis stoppe net.
- Il faut que je me calme, que je réfléchisse, se dit-il. Il n'est sans doute pas trop tard sinon pourquoi l'esprit des éléments lui aurait-il fait confiance ? Il faut que je retrouve au plus vite le Maître des ténèbres et que j'en finisse une fois pour toutes !! pense-t-il, déterminé à aller jusqu'au bout des choses. Il se souvient des champignons magiques qu'il a toujours au fond de ses poches ; il en croque un en souhaitant se retrouver dans l'instant à l'endroit même où se trouvent le sorcier et le Maître des ténèbres. Ce qui se produit aussitôt.

Heureusement de par sa petite taille, Polisson est dissimulé par une grosse touffe d'herbe. Ils sont là tous les deux en train de parler.
- Ce soir tout sera terminé maître. Crapulet va répandre une dernière fois le concentré de vos vilaines pensées autour de la chaumière de la petite fée et le fil d'énergie sera rompu ...pour l'éternité ! annonce fièrement Geiséric le méchant sorcier.
Polisson comprend tout maintenant ! Voilà comment ils s'y étaient pris pour affaiblir Maëlyne ! et voilà pourquoi il avait constaté une poussière noire anormalement épaisse autour de la petite chaumière de Maëlyne ces derniers temps... Il décide d'attendre la nuit pour intervenir et mettre fin aux agissements malveillants de Crapulet, de Geiséric et du Maître des ténèbres.

La nuit venue, Polisson se tient prêt à intervenir. Caché derrière le tronc d'un arbre Polisson aperçoit dans la pénombre une masse volumineuse se faufiler autour de la chaumière de Maëlyne, il s'agit de Crapulet. L'heure est enfin venue d'en finir...
Polisson s'approche doucement et alors que celui-ci répand de sa grosse main le concentré des mauvaises pensées du Maître des ténèbres, le petit gnome surgit et lance dans la coupelle que Crapulet tenait entre ses mains une des graines que l'esprit des quatre éléments lui a donné.

A ce moment là un souffle énorme emporte dans les hauteurs un gros nuage noirâtre qui s'enroule violemment dans une spirale infernale et s'élève à une hauteur prodigieuse. Puis un cri déchire l'air, strident et puissant il s'agit de Crapulet qui est aspiré dans ce gouffre suspendu dans les airs. Dans le même temps Geiséric le sorcier alerté pas cette plainte magistrale s'était approché et hurlait des mots dont Polisson ignorait la signification. Il s'agissait de phrases répétitives, qui étaient en fait des formules magiques pour stopper le nuage en effervescence. Et effectivement au bout de quelques secondes de paroles ininterrompues, la spirale perdait progressivement de sa puissance. Polisson n'écoutant que son courage s'élança de nouveau au plus près du sorcier pour jeter à ses pieds une autre graine. Celle-ci s'enflamma en touchant le sol, aspirant le sorcier à son tour dans le tourbillon de poussières. Une flamme immense gronda dans ce tonnerre de feu. Elle était rouge et noire et de son cœur brûlant de l'enfer s'éleva une silhouette grise et longiligne ainsi que celle plus volumineuse et trapue de Crapulet  pour éclater en millions de particules de poussières noires qui s'éparpillèrent dans les confins de l'univers. Mais ça n'était pas encore fini !! Il fallait anéantir le Maître des ténèbres, qui, bien qu'affaibli, puisque le concentré de ses mauvaises pensées avaient été détruites, était toujours une menace pour toutes les fées.

Polisson se demanda comment en venir à bout. Il lui restait encore deux graines. Comment allait-il pouvoir s'en servir? La première qu'il avait utilisé était celle de l'air. La seconde celle du feu. Il lui restait donc celles de l'eau et de la terre. Mais il n'eut pas le temps de répondre à ses propres questions qu' un énorme grondement le fit sursauter, suivi d'un violent coup de tonnerre. Un éclair d'une extrême violence transperça le ciel de la nuit qui se transforma en couleur rouge sang éclairant d'une lumière de feu la forêt toute entière. Puis dans un fracassement innommable apparut une montagne noirâtre. Il s'agissait du maître des ténèbres. Il recouvrait entièrement de son manteau funeste la montagne qui surplombait la rivière qui, si limpide d'ordinaire, semblait n'être qu'un torrent de lave brunâtre.

Polisson se sentait bien démuni d'un seul coup avec ses deux petites graines dans le creux de sa main. Lorsqu'il se souvint de ses amis auxquels il avait demandé de rester au chevet de Maëlyne et qui comptaient tous sur lui. Il ne pouvait pas renoncer maintenant. Il lui fallait tenter le tout pour le tout. Il croqua dans le dernier de ses champignons magiques et souhaita devenir invisible puis être transporté au pied de la montagne. Arrivé au pied du Maître des ténèbres il le provoqua, tant et si bien que lorsque le monstre démoniaque ouvrit une énorme mâchoire pour l' avaler, celui-ci se jeta à corps perdu à l'intérieur de ce trou noir et béant et y jeta les deux petites graines qui lui restait. Dans un bruit effroyable tout se mit à trembler à des kilomètres alentours. Puis dans une gigantesque explosion  roches,  poussières et  cendres se dispersèrent dans le ciel pour retomber sur le sol recouvert instantanément d'une épaisse couche de terre. Puis l'eau si brunâtre de la rivière sortit à son tour pour finir de recouvrir cet amas de terre noire. Polisson se retrouva assis au bord de la rivière qui avait retrouvé toute sa limpidité. Un vent léger balaya les nuages noirs laissant place à un grand ciel bleu ensoleillé. Le petit gnome aperçut au loin au dessus de la chaumière de Maëlyne, de nombreuses lumières de toutes les couleurs qui dansaient et s'entremêlaient les unes aux autres semblables à des aurores boréales. Puis un chant envoûtant s'éleva enfin mêlant de nombreuses voix qui n'en faisaient qu' une. Les lumières intenses et douces à la fois s'élevèrent dans le ciel et se dispersèrent à leur tour pour laisser place au silence. Polisson subjugué se mit à courir jusqu'à la chaumière de la petite fée. Tous ses amis étaient là réjouis et il vit avec bonheur Maëlyne...

Elle était debout, elle était vivante et... elle lui souriait. Jamais sourire ne lui avait semblé plus beau ! Il avait réussi et désormais plus jamais personne dans la forêt n'appellerait Maëlyne : la petite fée tristesse.

                                                   ............      ........ Fin
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Août 2013 à 09:01:02
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Cafouille la sorcière

Des sorcières, il y en a de toutes sortes : 

des méchantes, des laides, des monstrueuses, 

des maléfiques, des vieilles 

et même des jeunes qui vont à l'école des sorcières 

apprendre leur métier. 

A l'école des sorcières, 

il y a des petites sorcières, très coquettes, très jolies 

pas encore très méchantes, juste un peu.... 

coquines, énervantes, agaçantes, 

quelquefois même un peu pestes, 

enfin des apprenties sorcières... 

A l'école des sorcières, c'est l'heure des vacances, 

c'est le moment pour elles d'aller dans le monde 

exercer leurs pouvoirs. 

Toutes les destinations sont possibles, 

pas de problèmes de transport, 

elles enfourchent leur balai, 

la formule magique et hop ! 

A peine parties les voilà déjà arrivées 

sur le lieu de leurs vacances ! 

Pas d'embouteillage, 

pas de risque d'accidents sur les routes, le bonheur ! 

Les unes après les autres, 

elles choisissent leur destination : 

moi l'Espagne, pour moi la montagne, 

pour moi le Pôle Nord, et pour moi l'Amérique... 

Seule dans un coin, 

une petite sorcière ne dit rien, timide, 

elle n'ose parler, 

elle prendra ce qui restera. 

Son nom, Cafouille, Cafouille la timide ! 

Elle voudrait bien donner son avis, prendre la parole, 

mais quand elle commence, elle bafouille, elle bégaie, 

les autres parlent fort, 

personne ne prend le temps de l'écouter. 

Tout à coup elle entend : 

-        Qui veut aller dans le Sahara ? 

-        C'est où  demande quelqu'un ? 

-        C'est le désert, c'est pour Cafouille, 

-        elle n'aura pas peur, il n'y a personne. 

Cafouille murmure : 

-        D'accord ! Oui, je veux bien y aller, mais.... 

Elle ne peut continuer, 

on est passé à une autre destination. 

Pourtant, se dit-elle, 

pourquoi aller dans le désert s'il n'y a personne ! 

A-t-on besoin d'une sorcière dans le désert ? 

-        Alors Cafouille ! Tu pars quand ? Tu dors ! 

   

Elle attrape son balai, patatrac !

Elle se prend les pieds dedans et tombe sur les fesses ! 

Un autre essai, elle se cogne le front, 

tout le monde rit et se moque. 

Cafouille devient toute rouge, 

elle voudrait rentrer sous terre, 

elle voudrait que personne ne la voie ! 

Oh ! Oui ! Elle sera bien dans le désert, toute seule, 

personne pour ricaner dans son dos, personne pour crier : 

« Cafouille la Timide, Cafouille qui bafouille. » 

Allez, un effort Cafouille, je lève la jambe droite, je m'assois et... 

.Ah ! La formule magique, j'allais oublier ! 

Quelle est donc cette formule qui va m'expédier dans le désert ! 

Le maître lui tend un papier sur lequel est écrit : 

Chafouri, Chafoura ! 

Ton balai enfourcheras 

Chafouri, Chafoura 

Au désert t'emmèneras! 

   

Un grand souffle chaud, le sable vole et le balai se plante dans le sable au sommet d'une dune. 

Un peu étourdie, Cafouille roule, roule, roule, 

elle est au pied de la dune et son balai est resté en haut ! 

Vite, il faut remonter le chercher ! 

Mais non suis-je sotte  ! 

Je suis une sorcière je connais les formules magiques voyons ! 

Chafouri, Chafoura 

Le balai m'apporteras 

Chafouri, Chafoura 

Le balai sera là ! 

Plusieurs essais, puis miracle ! Le balai est là ! 

Elle bat des mains, ça y est, je suis une vraie sorcière, personne n'a ri ! 

Personne, personne, bien sur, il n'y a personne ! Mais alors que vais-je faire ? 

Chafouri, Chafoura 

Qui viendra ? 

Chafouri, Chafoura 

Qui m'accompagnera ? 

   

Moi ! Moi ! Entend-elle autour d'elle ! 

Mais, mais, mais...Il y a du monde ! pourtant le désert, c'est le désert ! 

Elle se retourne et voit : un dromadaire, un fennec, une gazelle, à ses pieds un lézard... 

Bonjour, je suis  Dromadaire le mâchouilleur, 

moi je suis  Fennec le rusé 

et moi Gazelle l'acrobate, 

et moi Lézard longue langue, 

que viens-tu faire ? 

Je suis sorcière, j'ai appris les tours de magie et je viens les expérimenter ! 

Ouf ! Je l'ai dit, et sans bafouiller, pense t-elle. 

Des tours de magie ? Quésako ? Demande l'animal à bosse. 

A quoi sert la magie ? Ca se mange ? Ca se boit ? 

Euh ! Non ! Mais c'est très utile, je dirais même indispensable. 

Ah ! Bon ! Dit le renard, montre-nous ! 

Bien, je vais te transformer en, en, en poisson ! 

Chafouri, Chafoura 

Un poisson deviendras, 

Chafouri, Chafoura 

Un poisson   tu seras ! 

   

Et le fennec ... devenu petit poisson, ouvre et ferme la bouche. 

De l'eau ! De l'eau ! Vite de l'eau ! 

Cafouille s'affole, que faire ? La formule, la formule ! 

Chafouri, Chafoura 

Redeviens, redeviens, 

Chafouri, Chafoura 

Ce que tu étais, tu redeviens ! 

   

Ouf ! Revoilà le renard. 

Tu parles d'un tour de magie ! J'ai failli y laisser la vie ! 

Mais j'en ai d'autres, j'en ai d'autres ! 

Cafouille s'affole , elle ne veut pas perdre si vite ses nouveaux amis. 

Elle n'est pas mauvaise, Cafouille, 

elle fait partie des sorcières gentilles ! 

Elle réfléchit,  réfléchit, que pourrait-elle faire ? 

Si tu es une vraie sorcière, dit le lézard, 

fait venir la pluie, 

ici, il n'y a que cela de vraiment indispensable. 

La pluie, la pluie, on a bien du lui donner la formule magique à l'école, 

voyons, cherchons, mais oui ! 

L'autre jour, une sorcière a fait tomber une averse le jour du grand pique-nique ! 

Tout le monde s'enfuyait en courant, elle ricanait, 

elle avait même déclenché une vraie tempête, 

les parasols volaient, les nappes s'enroulaient autour des arbres, 

elle, elle applaudissait à ce chari- vari ! 

La formule, vite, où est-elle ? 

Peut-être : 

Chafouri, Chafoura 

Le vent soufflera 

Chafouri, Chafoura 

Les nuages, tu emmèneras ! 

Une tornade de sable se lève ! 

Ah ! Non ! Crient les animaux, ici pas de vent s'il te plait ! 

Essayons autre chose : 

Chafouri, Chafoura, 

Gouttes, gouttelettes ! 

Chafouri, Chafoura, 

Des gouttes sur nos têtes ! 

   

Et quelques gouttes : Flic ! Floc ! Tombent sur le sol ! 

Pas mal, pas mal, mais insuffisant... Faut mieux faire..... 

Elle se croit revenu à l'école, peut mieux faire ! 

Un effort, elle va bien y arriver ! 

Chafouri, Chafoura, 

La pluie appelleras 

Chafouri, Chafoura, 

La pluie viendra ! 

   

Un grand silence, tous attendent, 

un nuage gris apparaît, un autre, un autre 

et une pluie fine  vient les rafraîchir. 

Le dromadaire, le fennec, la gazelle et même le lézard, 

tous approchent d'une flaque d'eau 

et viennent se désaltérer. 

Chafouri, Chafoura, 

Avec nous, elle est, 

Chafouri, Chafoura, 

Avec nous, elle restera !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Août 2013 à 10:44:53
(http://img11.hostingpics.net/pics/318251conf.jpg)
Qui prend les pots de confiture?

Qui prend les pots de confiture?

A chaque saisons à la ferme  nous allons cueillir des fruits, dans les bois, sur les routes, sur les chemins, lors de grandes balades, avec les enfants.

Nous nous promenons pour la cueillette, par beau temps, ou quand il pleut, nous mettons nos imperméable, nos bottes, sauf en hiver. En hiver, on se balade, mais pas pour la cueillette.

Au fil des jours, sur les étagères de la remise, les pots de confiture, augmentaient, à vue d'oeil. Les pots avaient de jolis formes, on y collait des étiquettes dessus, on y écrivait le goût, et les dates. Chaque pot, était avec un tissu, sur le couvercle , entouré d'un joli ruban. Ce qui rendait les pots de confiture, encore plus beau, plus attirant sous nos yeux, mais aussi bien appétissant.

Quand un jour, la fermière, et le fermier s'aperçurent, que des pots de confiture, manqaient sur létagère, dans la remise!

Oh! Oh! Est-ce-qu'il y aurait un voleur? Ce qui est sure, c'est que quelqu'un nous vole des pots de confiture! Dès qu'on en pose au moins quatre, trois pots de confiture disparaissent, subitement.

Le fermier et la fermière décidèrent, de se réunir avec les enfants dans la grande salle à manger.

Ils leur expliquent la situation. Et puisque ce n'est pas un des enfants qui s'amuse à faire des farces, il vaut mieux ouvrir l'oeil, pour démasquer ce petit voleur, de pots de confiture!

Ce qui amusa les enfants, qui se consultèrent, et ont eu envie de jouer aux petits détectives. Ils commençaient à mettre de la farine partout dans les moindre recoins de la remise, pour voir s'ils découvrent des empreintes, certains se cachait pour voir qui rentre dans la remise, et d'autres prirent des notes. Le fermier et la fermière étaient au courant, parce que les enfants leur avaient parler de se qu'ils voulaient faire, pour démasquer le voleur, et il leur fallait un peu de matériel. Comme de la farine, du papier, un crayon, et qu'ils surveilleraient aussi la remise. Le fermier et la fermière étaient tout à fait d'accord, à la condition, qu'ils n'oublient pas leurs corvées, et leurs devoirs d'école. Bref le terrain d'entente était trouvé entre le fermier,  la fermière, et les enfants.

A la fin de la semaine, très tôt le matin, le coupable était pris au piège, on la suivit à la trace il était plein de farine, et derrière la remise, une famille de raton laveur, qui étaient là, à manger les pots de confiture. Seulement, deux de ces cinq ratons laveurs n'avaient pas l'air d'allés bien du tout . Forcement il  y a eu un petit abus de confiture. Le fermier, pris chez lui les deux petits ratons laveurs et les soigna, ils étaient guérit, et les ratons laveurs, trouvèrent de la nourriture dans des grand bol, pour se nourrir, régulièrement, derrière la remise. Quand aux autres pots de confiture, il y en avait tellement, qu'on en donna aux voisins, et on en a fait cadeau, à des enfants qui fêtaient leurs anniversaire!

T'aime la confiture? Moi celle que je préfère c'est la confiture d'abricot. Et si tu prenais une belle tranche de pain, tu demande à ton papa ou ta maman de la réchauffée au four, et tu vas te régaler à étaler la confiture dessus, et surtout à manger ta tartine de confiture. Le matin avec un bon bol de chocolat au lait chaud ou froid, c'est trop miam, miam!!! Essaie!!!


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Août 2013 à 09:02:23
(http://img15.hostingpics.net/pics/863873cor.jpg)
L'origine des contes

Un jour, l'araignée, tissant sa toile, trouva dans les airs une branche d'un arbre inconnu qui pendait du ciel. Elle allongea le fil, l'étira, tant et si bien qu'elle prit appui sur cette branche et atteignit le ciel.

L'araignée explora les nuées...

Vaste monde !

Une araignée n'est pas une bête courageuse. Elle s'arrêta auprès de la première caverne quelle rencontra. Cette caverne était habitée par un génie, et comme la bête mourait de faim, le génie lui donna une ample provision de manioc que la goulue dévora dans la nuit.

Le lendemain, comme elle se disposait à redescendre sur la terre, l'araignée vit que le vent avait arraché sa toile.

Pleurs et cris ! Le génie entendit ses lamentations, et pitoyable lui dit :

-Nous allons attacher une corde à la branche qui t'a aidée à monter. Tu te laisseras glisser le long de cette corde qui, à longueur de jour, contient un noeud. Tu as à faire un long chemin de descente. Prends ce petit sac...Il contient de la nourriture. A chaque noeud que porte la corde, tu pourras te reposer et te restaurer.

-Merci, dit l'araignée. Et si tu me donnais aussi ce canari .

Elle montrait, dans un coin de la grotte, un petit pot de terre cuite, devant lequel le génie se précipita en criant :

-N'y touche pas !

-Je ne pensais qu'il contenait de l'eau pour ma soif, dit l'araignée.

-Que contient-il...?

-Il est plein de choses qui ont peut-être une certaine valeur, mais qui ne désaltère pas les araignées !

Et le génie s'en fut, après avoir fait à l'araignée ses recommandations :

-Tu prendras aussi avec toi ce tam-tam. Quand tu seras arrivée sur terre, tu frapperas un grand coup, pour faire résonner la peau. Et alors moi, je remonterai la corde.

Intriguée par ce canari bien fermé, l'araignée restée seule préféra l'emporter sur la terre, plutôt que de se charger de nourriture.

Elle commença sa descente. Il lui fallut un jour pour atteindre le premier noeud...deux jours pour arriver au second...trois pour parvenir au troisième.

Une corde longue comme plusieurs jours sans pain !

L'araignée, mourant de soif, avait à peine la force de s'accrocher de toutes ses pattes à la corde.

Souvent, elle pensa tout lâcher. Mais les araignées tiennent à la vie, et celle-ci défendait la sienne en essayant de toucher terre le plus vite possible.

Elle arrivait à moins d'un jour du sol, quand des singes qui jouaient à lancer des pierres heurtèrent le tam-tam qui sonna !

Ce son monta vers le ciel.

"Voilà cette sotte bête arrivée sur terre", pensa le génie.

D'un coup brusque il remonta la corde, et celle-ci se cassa.

L'araignée tomba...et le canari ...

L'araignée se brisant... le canari aussi.

Ce canari était rempli jusqu'aux bords des contes qui s'étaient perdus. Ils se répandirent...

En trouve qui sait dans la Grande Brousse. Il y en a un peu partout...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Août 2013 à 09:29:52
(http://img4.hostingpics.net/pics/183871source.jpg)
Le lièvre et le Grand Génie de la brousse

Un jour le lièvre s'en alla trouver le Grand Génie de la brousse et lui dit :
-O Grand Génie ! Toi qui veilles sur tous les habitants de la brousse, Toi qui est le Maître des Maîtres, je veux te demander quelque chose.
-Quelle chose ?
-Une seule chose : c'est que tu augmentes la puissance de ma cervelle.
-Et pourquoi faire ?
-Pour que j'ai plus d'esprit que toutes les autres bêtes de la brousse.
Le Grand Génie réfléchit et dit :
-Je veux bien, mais il faut, auparavant, que tu me montres ce que tu es capable de faire. Emporte cette gourde et emplis-la de petits oiseaux ; prends cette calebasse et emplis la de lait de biche ; emporte aussi ce bâton et va chercher un serpent aussi long que lui. Quand tu reviendras avec la gourde pleine de petits oiseaux, la calebasse pleine de lait de biche, et le serpent aussi long que le bâton, alors je verrai ce que je puis faire pour toi.

Le lièvre partit, encombré de sa gourde, de sa calebasse et de son bâton. Après avoir trotté quelque temps, il vint s'allonger auprès d'une source à laquelle beaucoup d'animaux venaient boire, le soir, au coucher du soleil. Là, il se tint tranquille, et il se mit à penser, à penser et à penser encore jusqu'au moment où le soleil commença à descendre pour disparaître.
Et voilà que les petits oiseaux de la brousse arrivèrent en grand nombre. Et tous ces oiseaux de sautiller, de boire, de chanter, de jouer, de voler, de se rouler et de voleter encore.
Le lièvre se dit :
-Aujourd'hui je vais voir de quoi je suis capable !
Et, sortant de son coin, il commença à sauter à droite, à gauche, en avant, en arrière, en criant de toutes ses forces :
-Non ! Non !... Jamais !... Ce n'est pas possible en vérité !... Comment peut-on croire une chose pareille !... Non, non et non !... Ils ne sont pas assez nombreux pour ça.
Les oiseaux, arrêtés tout droit sur leurs deux pattes, et fort étonnés, l'appelèrent :
-Lièvre ! Que dis-tu ?... Mais que dis-tu donc ?
-Oh ! N'en parlons pas !... il s'agit d'une chose tout à fait impossible...
-Mais quoi donc ?
-Quelqu'un m'a raconté que vous pourriez entrer dans la gourde que voici et la remplir ! Mais je sais bien que c'est tout à fait impossible : vous n'êtes pas assez nombreux pour ça !
-Tu plaisantes, lièvre, s'écrièrent les oiseaux. Vraiment, lièvre, tu plaisantes !
Et ils riaient, tout en sautillant autour du lièvre, et en chantant :
-Nous pouvons la remplir tout entière... Tout entière nous pouvons la remplir !
Le lièvre, sans remuer, dit :
-Non en vérité, non, vous ne pouvez pas !
-Ah nous ne pouvons pas, reprirent les oiseaux mécontents de voir leur parole mise en doute. Attends un peu et tu vas voir !
Un premier oiseau entra par le goulot, puis un second et un troisième, et tant et tant qu'à la fin la gourde fut pleine.
Alors, le malin bondit sur la gourde, la ferma solidement avec un bouchon, et la cacha dans un coin.

A ce moment une biche arrivait pour boire à la source. Et notre lièvre de recommencer à sauter à droite, à gauche, en avant, en arrière, en criant de toutes ses forces :
-Non ! Non !... Jamais !... Ce n'est pas possible en vérité !... Comment peut-on croire une chose pareille !... Non, non et non !... Elle n'a pas assez de lait pour ça.
La biche étonnée , s'arrêta sur ses quatre pattes, le regarda et l'appela :
-Lièvre, que dis-tu ?... Mais que dis-tu donc ?
-Oh n'en parlons pas !... Il s'agit d'une chose tout à fait impossible...
-Mais quoi donc ?
-Quelqu'un m'a raconté que vous pourriez emplir de votre lait la calebasse que voici. Mais je sais que c'est tout à fait impossible : vous n'avez pas assez de lait pour ça.
-Tu plaisantes lièvre ; vraiment, tu plaisantes !
Et la biche de rire, tout en sautant autour du lièvre en chantant :
-Je puis l'emplir tout entière... tout entière je puis l'emplir !
Mais le lièvre secoua ses oreilles et dit :
-Non, en vérité, vous ne pouvez pas !
-Ah je ne puis pas, dit la biche fâchée d'être ainsi démentie. Attends un peu et tu vas voir !
elle s'installa au dessus de la calebasse, et le lait coula, coula, coula tant et tant que bientôt la calebasse fut remplie.
-J'ai perdu mon pari, dit le lièvre. Mon cousin le lion avait raison quand il m'affirmait que vous donnez plus de lait que la vache. Et je m'en vais le lui dire de ce pas.
-Le lion ? demanda la biche. Et elle tremblait déjà de frayeur.
-Mais oui, le lion... il est là, tout près... attendez-moi je reviens avec lui.
-Adieu lièvre dit la biche en bondissant dans la forêt, je verrai le lion une autre fois.
Content de s'être débarrassé si facilement de la biche, le lièvre ferma soigneusement la calebasse pleine de lait et la porta auprès de la gourde pleine de petits oiseaux.

Bientôt un serpent arriva pour se désaltérer à son tour.
Dès qu'il le vit, le lièvre commença à marcher le long du bâton en comptant ses pas et en criant de toutes ses forces :
-Deux pas... Trois pas... Quatre pas... Non ! Non ! Jamais... Cinq pas... Ce n'est pas possible en vérité !... Six pas... Comment peut-on croire une chose pareille !... Sept pas... Non, non et non ! Il n'est pas assez grand pour ça.
Le serpent s'arrêta, tout surpris, se dressa tout droit sur sa queue, regarda la lièvre et l'appela :
-Lièvre, que dis-tu ? Mais que dis-tu donc ?
-Oh n'en parlons pas !... Il s'agit d'une chose tout à fait impossible...
-Mais quoi donc ?
-Quelqu'un m'a raconté que vous étiez aussi long que le bâton que voici. Mais je sais bien que vous n'êtes pas aussi grand que ça !
-Tu plaisantes, lièvre, s'écria le serpent. Vraiment tu plaisantes !
Et il se mit à ricaner, et à ramper dans l'herbe, tout en sifflant :
-Je suis aussi long que le bâton... Aussi long que le bâton, je suis !
Mais le lièvre secoua ses deux oreilles et dit :
-Non, en vérité, non, vous ne l'êtes pas !
-Ah tu crois cela, dit le serpent furieux d'être pris pour un menteur. Et bien je vais me mettre à côté et tu verras que je suis aussi grand que lui. Et le serpent de s'allonger tout contre le bâton.
Notre malin lièvre fit un bond, attacha le serpent au bâton, un lien à la tête, un lien à la queue, et il serra si bien que le serpent ne pouvait plus bouger.

Alors notre lièvre pris la gourde, la calebasse et le bâton et il partit trouver le Grand Génie de la brousse.
-Grand Génie ! appela-t-il.
-Me voici, lièvre. Je t'attendais.
-Regarde, Grand Génie, voilà la gourde pleine de petits oiseaux, la calebasse pleine de lait de biche, et le serpent long comme le bâton.
Le Grand Génie regarda tout cela, regarda la lièvre, lui toucha le front et lui dit :
-En vérité, si j'augmentais la puissance de ton esprit, je ferais une grande sottise.
-Et pourquoi ? demanda le lièvre.
-Tu es assez rusé comme cela ! Si tu l'étais d'avantage, tu deviendrais mon maître.


A. Davesne et J. Gouin
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Août 2013 à 11:27:45
(http://img11.hostingpics.net/pics/952789chameau.jpg)
Comment le chameau acquit sa bosse

Et voici l'histoire suivante qui raconte comment le chameau acquit sa bosse.

Au commencement des temps, quand le monde était tout neuf et tout et tout, et que les animaux commençaient juste à travailler pour l'homme, il y avait un chameau qui vivait au milieu du désert Hurlant car il ne voulait pas travailler, d'ailleurs c'était un Hurleur lui-même. Alors il se nourrissait des bouts de bois, de tamaris, de plantes grasse et de piquants d'épine, avec une douloureuse paresse; et lorsqu'on lui adressait la parole, il répondait : "Bof ! " simplement "Bof" et rien d'autre.

Alors le cheval vient le trouver le lundi matin avec une selle sur le dos et un mors dans la bouche, et il lui dit :

-Chameau, ô chameau, viens donc trotter comme nous tous !

-Bof ! dit le chameau.

Et le cheval s'en fut le répéter à l'homme.

Alors le chien vint le trouver avec un bâton dans la gueule et lui dit :

-Chameau, ô chameau, viens donc chercher et rapporter comme nous tous !

-Bof ! Dit le chameau.

Et le chien s'en fut le répéter à l'homme.

Alors le boeuf vint le trouver avec son joug sur la nuque et il lui dit :

- Chameau, ô chameau, viens donc labourer comme nous tous !

- Bof ! Dit le chameau.

Et le boeuf s'en fut le répéter à l'homme.

A la fin de la journée, l'homme convoqua le cheval, le chien et le boeuf, et leur dit :

-Vous Trois, ô vous Trois, je suis navré pour vous avec ce monde tout neuf et tout ce qui s'en suit, mais cette chose qui dit bof dans le désert est incapable de travailler sans cela, elle serait déjà ici. Je vais donc la laisser en paix et vous devrez travailler deux fois plus pour la remplacer.

Cela mit les Trois très en colère, avec ce monde tout neuf et tout ce qui s'en suit. Ils tinrent conseil à la limite du désert, ils discutèrent, ils palabrèrent....Le chameau arriva en mâchant des herbes, et plus que jamais dans une oisiveté mortelle. Il se moqua d'eux, et rit en les regardant puis il dit "bof" et repartit.

C'est alors qu'arriva le génie responsable de tous les déserts, enroulé dans un nuage de poussières, et il s'arrêta pour discuter avec le cheval, le boeuf et le chien.

-Génie de tous les déserts, dit le cheval, et bien est il juste qu'une créature soit paresseuse dans ce nouveau monde avec tout ce qui s'en suit ?

-Certainement non, répondit le génie.

-Et bien ! dit le cheval, il y a quelqu'un, au beau milieu de ton désert Hurlant, quelqu'un avec un long cou et de longues jambes qui n'a rien fait depuis ce matin et qui refuse de trotter.

-Hou ! Dit le génie en sifflant. Mais c'est mon chameau, par tout l'or de l'Arabie ! Et que dit-il quand on lui parle de ça ?

-Il dit "bof", dit le chien. Et il ne veut pas aller chercher ni rapporter.

-Et...dit-il autre chose ?

-Seulement "bof" dit le boeuf. Et il ne veut pas labourer.

-Très bien dit le génie. Je vais le "boffer" comme il faut, si seulement vous voulez bien attendre une minute !

Le génie s'enveloppa dans son manteau de poussière, survola le désert et trouva le chameau, toujours dans l'oisiveté la plus mortelle, qui regardait son propre reflet dans une flaque d'eau.

-Mon cher faiseur de bulles, dit le génie, qu'est-ce que j'entends dire à ton sujet ? Il paraît que tu ne travailles pas, dans ce monde tout neuf et tout ce qui s'en suit ?

-Bof ! Dit le chameau.

-Si j'étais toi, je ne répéterais pas ça, dit le génie : tu pourrais le dire une fois de trop ! Faiseur de bulles, je veux que tu travailles !

Alors le chameau dit encore une fois :

-Bof !

Mais à peine l'avait-il dit qu'il vit son dos, dont il était si fier, s'enfler, s'enfler et devenir une grosse bosse ballante.

-Tu vois ça ? Dit le génie. C'est ton propre "bof" que tu t'es mis sur le dos en refusant de travailler. Nous sommes aujourd'hui jeudi, tu n'a rien fait depuis lundi, quand le travail a commencé...A présent, tu vas te mettre à l'ouvrage.

-Mais comment le pourrais-je maintenant avec cette "bof" sur le dos ?

-C'est fait exprès, dit le génie, parce que tu as manqué ces trois premiers jours. Dorénavant, tu seras capable de travailler trois jours pleins sans manger, parce que tu vivras sur ton "bof". Tu ne diras pas que je n'ai rien fait pour toi ! Maintenant sors du désert, va rejoindre les Trois et tâche d'apprendre à te conduire. En route !

Alors le chameau se mit en route, avec son "bof" sur le dos et tout ce qui s'en suit, et il s'en fut rejoindre les trois.

Depuis ce jour-là, il porte toujours un bof sur le dos, mais il n'a jamais rattrapé les trois jours de travail qu'il a manqués au commencement du monde, et il n'a jamais pu apprendre à se conduire.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Août 2013 à 07:19:27
(http://img15.hostingpics.net/pics/268965dent.jpg)
UN tout petit jardin

Au coeur d'une grande cité aux maisons grises, hautes et serrées, se nichait un jardin abandonné. Il semblait tout échevelé d'herbes et de fleurs parfumées.
Les chenilles s'y faufilaient, les papillons y dansaient, les escargots venaient y flâner, les abeilles y faire leur marché, les coccinelles s'y cacher, les libellules y boire à petites gorgées aux fraîches gouttes de rosées et les oiseaux y papoter ...
Dans ce minuscule jardin ignoré des autres gens de la cité, Pim et Pomme venaient s'amuser. Ils jouaient parfois au ballon en fredonnant des chansons .... Ils tissaient des colliers de fleurs, se racontaient les petits malheurs et les plaisirs de leur journée ... Ce qu'ils aimaient par-dessus tout, c'était partager des secrets, en chuchotant, sans faire de bruit quand, doucement, le soleil fuit, derrière les feuilles, en fin d'après-midi ...

Un jour, à l'ombre d'un saule pleureur, ils découvrirent une drôle de fleur. Elle avait une tige longue, une curieuse tête ronde, une collerette un peu fripée mais elle n'était parée d'aucun pétale de couleur ! On aurait dit qu'elle avait oublié de s'habiller et dormait d'un sommeil profond ... Afin de la réveiller, Pim et Pomme se mirent à chanter :

Debout ! Debout ! Petite sotte !
Tu ronfles comme une marmotte ...
Le printemps est arrivé !
Il faudra bien te lever
et danser pour le saluer !

Aussitôt, l'étrange fleur bondit et tout étonnée, elle dit :

-Poil de cactus et poil de géranium ! Où est donc passée ma couronne ?

Ses cheveux étaient dressés sur sa tête en une curieuse houppette, Pim et Pomme riaient aux éclats :

-Ta couronne ? Que racontes-tu là ?

La petite fleur se fâcha :

-Figurez-vous que je suis roi ! L'été dernier, j'étais vigoureux et fort avec ma crinière d'or ... Les fleurs m'ont élu souverain de ce jardin. Elles m'ont même donné un nom : je suis le fameux " Dent-de-Lion " ! Mais l'hiver m'a déplumé... Il m'a tout ratatiné !

-Il n'est ni roi, ni rien du tout ! cria quelqu'un tout à coup. Son vrai nom c'est " Pissenlit !" Et si vous le cueillez, vous ferez pipi au lit .... Hi ! Hi ! Hi !

Pim et Pomme s'élancèrent, furieux, vers Thomas qui se moquaient d'eux. Ils voulurent le persuader que ce végétal bizarre, pas très joli mais très bavard, pouvait être extraordinaire ... Mais Thomas se mit en colère !

-C'est un vulgaire pissenlit qui ne vaut même pas un radis !

Alors, les trois enfants commencèrent à se disputer, à s'envoyer des coups de pieds, à se tirer les oreilles et le nez ...
Soudain le pauvre Thomas trébucha .... Il pleura de rage et cria :

-Dent-de-Lion est un porte-malheur ! D'ailleurs, votre jardin abandonné va très bientôt être rasé ... Vous n'aurez plus d'endroit pour jouer seuls ni pour chuchoter des secrets ! Il ne vous restera que le trottoir pour raconter vos histoires ...

Il essuya ses larmes avec son mouchoir, renoua ses baskets et partit le coeur gonflé de jalousie.
Pim et Pomme voulurent le rappeler afin de se réconcilier avec lui, mais le moteur d'une énorme tondeuse à gazon faisait déjà trembler les maisons. Les enfants retrouvèrent Dent- de- Lion dans une drôle de position : les feuilles pendantes et froissées, la tête toute ébouriffée ...

-Vite ! cria le petit roi. N'hésitez pas à souffler sur moi ! Dispersez mes cheveux transparents ... Mes graines s'envoleront au vent ... Qui sait où elles repousseront ?

Le temps passa ... Et chaque fois que la tondeuse vrombissait, le jardin rapetissait ! Il n'y eut bientôt à sa place qu'un grand espace vide et nu. Seul, un recoin tout riquiqui avait échappé comme par magie à cette espèce de folie coupeuse, grondeuse et ratisseuse ...
Pim et Pomme entendirent raconter qu'on allait bientôt édifier des immeubles et des maisons entre lesquels ne pousseraient que de maigres touffes de gazon. Les deux enfants se désolaient. Il n'y avait plus que le trottoir pour se raconter des histoires et pour jouer au ballon.
Soudain, par une fente du pavé ils entendirent crier :

-Coucou ! C'est moi .... Dent-de-Lion, le petit roi ! Je pousse où l'on ne m'attend pas. Vite ! Vite ! Cachez-moi afin que l'on ne me découvre pas !

Pim et Pomme emportèrent la fleur, tendrement serrée contre leur coeur. Ils la déposèrent près des poubelles où, même quand la nuit est belle, il ne vient jamais personne ...
Là, le petit souverain prit la situation en main. Il rassembla les dernières fleurs et leur dit :
-Chardons, pensées ou pissenlits, nous sommes tous dans le même pétrin : on nous a volé notre jardin ! Réveillez donc les papillons ! Et bousculez les escargots ... Prévenez aussi les abeilles, les chenilles et les vermisseaux ... Je veux qu'ils poussent ces bouts de fer, ces vieilles boîtes de conserve, ces détritus et ces boulons dans le moteur de la tondeuse à gazon ! Qu'elle en étouffe ! Qu'elle craque ! Et qu'elle en soit toute patraque ...

Au matin, Dent-de-Lion, courageux, s'en fut s'asseoir dans le jardin presque tout rasé où il ne restait plus que quelques herbes dressées dans l'air tout illuminé d'une fine brume rosée. Quand le jardinier appuya sur le bouton de l'énorme tondeuse à gazon, la machine toussa, s'étrangla, sursauta, rugit et cracha. Elle avança en vrombissant, hoquetant, grinçant et vibrant jusqu'au pied du pissenlit tout tremblant ... Puis, brusquement, s'arrêta, souffla et se tut d'un seul coup.
Les fleurs s'écrièrent :

-Hourra ! Vive Dent-de-Lion, notre roi ! C'est vraiment lui le plus malin ... Il a sauvé notre jardin !

Pim et Pomme accoururent, heureux ... Même, Thomas s'était joint à eux ! Il ne pouvait en croire ses yeux et ne se sentait plus jaloux ! Ce bout de rien du tout serait le coeur de la cité. Ensemble, ils pourraient y jouer, s'y raconter des secrets, courir après les papillons ou même jouer au ballon.
Alors, les habitants du quartier se penchèrent à leur fenêtre. Ils songèrent que des enfants et des petites fleurs des champs, c'était plus joli que des immeubles et des murs gris. Ils décidèrent de protéger le minuscule jardin secret, d'y laisser pousser les chardons, les pensées et les dent-de-lion.

C'est ainsi que le pissenlit demeura parmi ses amis. Il y est encore aujourd'hui ... Quand le vent d'hiver le déplume, parfois, il tremblote et s'enrhume. Mais à chaque printemps il repousse entre les herbes et les mousses. Chacun peut alors voir éclore sa radieuse couronne d'or.


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Août 2013 à 08:24:33
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Elfes et fées du lac de Joux

Au temps jadis, alors que dans toutes les régions de notre pays, les hommes œuvraient et défrichaient, elfes et fées s'étaient réfugiés en un lieu qu'ils avaient rendu inaccessible. C'était une haute vallée entourée d'une ceinture de montagnes hérissées de forêts enchevêtrées. Là, dans un décor charmant, un lac ravissant clapotait, tandis que, sur ses rives, fleurissait un éternel printemps.
Il y croissait les fleurs les plus délicates, aux couleurs irisées. Les elfes, tout menus et gracieux, voltigeaient d'une corolle à l'autre, en compagnie de papillons bigarrés. Les fées, aux longues robes diaprées, dansaient sur l'eau les soirs de clair de lune, au son d'une musique harmonieuse et légère. Flora lyse, la reine des fées, régnait sur ce domaine enchanté.
Or, un jour que tout ce petit monde s'ébattait joyeusement, une biche survient, hors d'haleine.
-Alerte! Les forêts vont s'ouvrir et les hommes envahiront votre royaume! Aussitôt on l'entoure. Les questions pleuvent:
-Quand? - Comment? - Pourquoi? - Les hommes, merci ! On se passe de leur société! La reine Flora lyse saura bien lancer aux alentours des sortilèges qui empêcheront leur intrusion! Toutefois, elle, qui vient de discourir longuement avec la biche, secoue gravement la tête. Non, aucune magie ne pourra agir en l'occurrence: ceux qui projettent de venir dans la vallée sont des moines. Dieu les protège.
-Dans ce cas, remarque Prunet, l'elfe aux ailes violettes, ils ne nous feront pas de mal! - Non, certainement pas, admet la reine. Mais en abattant une partie des forêts, ils ouvriront un passage aux vents et aux l'hiver pénétrera derrière eux. Puis, peu à peu, d'autres hommes viendront et s'établiront sur nos rives. qu'allons-nous devenir? disent les elfes en s'asseyant par terre, prêts à pleurer.
-Ne commencez pas à pleurnicher, protestent Luciole et Myrtille, les fées qui vivent à la lisière des bois. Si les hommes sont vraiment trop rudes pour le petit peuple que nous sommes, nous nous retirerons au fond du lac, voilà tout! Qu'en pense notre gracieuse souveraine?

-La première chose à faire, décide Floralyse, en dressant fièrement sa tête mignonne couronnée de fleurs d'or, est d'envoyer des messagers qui, à leur insu, observeront les hommes s'apprêtant à envahir notre vallée. S'ils se révèlent moins frustes que nous le supposons, il y aura peut-être possibilité de communiquer avec eux.
-Et si ce sont des rustres? interroge Liseron, le fragile elfe bleu à la voix cristalline.
-Dans ce cas, comme l'ont dit Luciole et Myrtille, il faudra nous résoudre à disparaître dans les demeures souterraines où nous créerons un palais qui abritera fleurs rares, insectes trop fragiles, oiseaux et animaux désirant nous accompagner dans notre exil.
Sans tarder davantage, le petit peuple commence ses investigations. Liseron et Prunet, les plus hardis parmi les elfes, se proposent comme observateurs. L'un quitte la vallée guidé par un rouge-gorge, l'autre s'en va dans la direction opposée, accompagné d'une abeille expérimentée.
Ils reparaissent le lendemain, épuisés de fatigue et stupéfaits de ce qu'ils ont vu et entendu. Elfes et fées les écoutent, consternés, tandis qu'ils présentent leurs rapports à la reine Floralyse.
-Hélas! Majesté, annonce Prunet, à mon avis, nous ne pouvons cohabiter avec les hommes. Jamais ils ne nous comprendront. Ils ne savent ni voir, ni entendre ce que la nature leur dispense, et cherchent le bonheur je ne sais où, sans remarquer toutes les joies qu'ils ont à leur portée.
-J'ai chanté pour eux mes plus douces mélodies, se désole Liseron, personne n'y a pris garde.
-J'ai dansé dans un rayon de lune et nul ne l'a remarqué, s'indigne Prunet.

-Comment est-ce possible! murmurent tous les assistants. En êtes-vous sûrs?
-Je crois, dit alors la reine Floralyse, que ces faits sont tristement exacts. Toutefois, avant de prendre une décision, je vais tenter quelques expériences et me rendre en personne sur les lieux. Que l'on amène mon char volant!
Anxieux, le petit peuple voit s'éloigner sa souveraine, dans un pétale de rose traîné par des libellules. Heureusement, elle ne tarde pas à reparaître.
-Non, crie-t-elle avant même d'atterrir, ne nous mêlons pas à de pareilles gens. J'ai fait éclore pour eux des fleurettes exquises et ils les ont foulées aux pieds. Vite, au travail, quittons la surface de la terre!
Lorsque les hommes arrivèrent à la vallée qu'ils nommèrent « Joux » à cause de ses forêts, le petit peuple vivait heureux dans un palais souterrain dont on voit toujours les orifices. Le rocher qui émerge parfois dans le lac n'est autre que le sommet de sa tour.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Août 2013 à 10:13:51
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Conte du Rayon-de-soleil et du Papillon-haut-dans-le-ciel

Il était une fois, dans la douceur et le parfait épanouissement d'un été de juillet, un papillon voletant au gré du vent, sous le regard complice du soleil. Il volait haut dans le ciel, plus haut que n'importe quel autre papillon. Il voulait voir ce qui se cachait par delà les nuages. Sa grâce éthérée et ses couleurs chatoyantes attirèrent l'attention d'un Rayon-de-soleil. Ébloui par la danse aérienne de ce petit insecte éphémère, mais si plein de vie, le timide rayon en tomba profondément amoureux. Ne sachant comment lui exprimer l'ardeur de ses sentiments, il se mit à briller plus fort. Il baigna de lumière le papillon qui volait, volait haut dans le ciel, pour atteindre les nuages. Il l'illumina de toute sa tendresse, l'éclaira de sa passion.
Le Rayon-de-soleil n'avait d'yeux que pour le Papillon-haut-dans-le-ciel. Il lui envoyait chaque jour davantage de lueur et de chaleur, en hommage à ses ailes enchanteresses et à la beauté de sa danse. Il scintilla et flamboya tant et si bien, que sa flamme en devint insupportable. Aveuglé par son amour, le Rayon-de-soleil ne se rendit pas compte qu'il brûlait les ailes du Papillon-haut-dans-le-ciel. Celui-ci, blessé, ne put poursuivre son vol. Il tomba.
Dans sa chute, il vit les nuages s'éloigner, et son cœur se brisa de chagrin devant ce rêve qu'il n'atteindrait jamais. Il allait s'écraser au sol quand le vent, le prenant en pitié, se mit à souffler et le déposa en douceur dans l'herbe verte.
Lorsqu'il vit le papillon qu'il aimait tant tomber, les ailes en feu, le Rayon-de-soleil hurla de peur et de chagrin. Et quand il réalisa que, par sa faute, il ne volerait plus jamais, le rayon se cacha derrière les nuages.
Ivre de douleur et de culpabilité, il pleura.
Il pleura longtemps.
Quand enfin ses larmes se tarirent, il sortit de sa cachette vaporeuse. Sa première pensée fut de trouver le papillon, pour lui demander pardon. Mais lorsqu'il regarda vers la Terre, le Rayon-de-soleil découvrit que le Papillon-haut-dans-le-ciel, qui avait fait battre son cœur, avait disparu. Il partit à sa recherche.
Il ne le retrouva jamais.

En son absence, l'hiver arriva. Le monde sombra sous la torpeur du froid. Puis, un jour, résigné et le cœur gros, le Rayon-de-soleil reprit sa place dans le ciel. L'été revint et réveilla la vie trop longtemps endormie. L'herbe redevient verte, les fleurs ouvrirent leurs corolles et les insectes bourdonnèrent dans les airs. Et, parmi eux, de petits papillons volant de fleurs en fleurs. Parfois, ils volaient haut dans le ciel, pour voir ce qui se cachait derrière les nuages.
À leur vue, le Rayon-de-soleil versa des larmes de joie. Il retrouvait un peu de celui qu'il avait tant aimé dans les couleurs chatoyantes, et les battements d'ailes gracieux. Désireux d'expier sa faute, il se fit un devoir de les protéger, pour que leurs courtes vies ne connaissent jamais que la douceur et la volupté. Les papillons reconnurent en lui un ami. Ils ne se montrèrent plus que s'il était présent pour veiller sur eux.
Depuis ce jour, le Rayon-de-soleil berce d'une lumière suave et légère le vol des papillons, en souvenir de celui qui cherchait à voir au-delà des nuages. Et sa seule présence suffit à les attirer dans les airs et à les faire danser, haut, très haut dans le ciel.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 23 Août 2013 à 11:35:52

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Le berger aux yeux d'étoiles  

Il était une fois un roi si puissant que chaque fois qu'il éternuait tous les habitants du royaume devaient dire: «A vos souhaits! Dieu vous bénisse!»
Quand il était enrhumé, on n'entendait pas d'autres mots à travers son royaume que «A vos souhaits! Dieu vous bénisse!»
Tous faisaient ainsi excepté le berger aux yeux d'étoiles. Le roi ayant eu vent de cela, se mit en colère et fit appeler le berger. Celui‑ci se présenta devant le roi qui se tenant sur son trône était très furieux.

«Dis tout de suite: A mes souhaits! Dieu me bénisse!» cria-t-il.
«A mes souhaits! Dieu me bénisse!» dit le berger aux yeux d'étoiles.
«A moi, à moi, misérable que tu es!» cria le roi.
«A moi, à moi, Majesté!» répondit le berger.
«Mais à mes souhaits, aux miens! Dis immédiatement: A vos souhaits! Dieu vous bénisse, Votre Majesté!» hurla à pleins poumons le roi, hors de lui.
«Quoi qu'il arrive, moi, je ne le dirai pas tant que je n'épouserai pas la Princesse», riposta le berger.

La Princesse, elle-même, se trouvait dans la pièce, et se tenait assise sur un petit trône. Elle appréciait beaucoup ce courageux berger cependant elle ne fit pas entendre qu'elle ne l'épouserait pas.
Par contre, le roi, pris d'une colère noire, ordonna aussitôt que le berger soit emprisonné dans la cellule de l'ours blanc.
Les soldats le saisirent et s'exécutèrent. Mais quand l'ours aperçut les yeux d'étoiles du berger, il recula et se recroquevilla dans le coin opposé de la cellule. Pour rien au monde il n'aurait osé toucher au berger.
Le lendemain, le chambellan vint pour ramasser les os du berger et vit que celui-ci se portait comme un charme. Il reconduisit le berger devant le roi.

«Alors, misérable que tu es! Et maintenant que tu es passé si près de la mort, vas-tu enfin dire:A mes souhaits! Que dieu me bénisse!»

Le berger rétorqua:
«Mais mourir dix fois ne me fait pas peur à moi! Je le dirais à la seule condition que vous me donniez la main de la Princesse.»
«Eh bien, tu vas donc mourir dix fois!»

Le roi ordonna que le berger soit jeté en prison dans la cellule des hérissons géants. Les soldats s'exécutèrent mais dès qu'ils refermèrent la porte, le berger sortit une flûte de la manche de son manteau brodé et joua si bien que les hérissons se mirent à danser bras dessus, bras dessous.

Le lendemain, le chambellan vint voir s'il restait des os. Mais le berger jouait encore de la flûte et les hérissons dansaient toujours. Il n'y avait rien d'autre à faire que de le reconduire devant le roi qui lui dit:
«Alors, misérable que tu es! Maintenant que tu es passé si près de la mort, vas-tu enfin dire : A mes souhaits! Que dieu me bénisse!
-Mais moi, mourir cent fois ne me fait même pas peur! Je le dirais à la seule condition que vous me donniez la main de la Princesse.
-Eh bien, tu vas donc mourir cent fois!» cria le roi dans une immense colère et il ordonna que le berger soit jeté dans un gouffre dont les murs étaient hérissés de faux.

Les soldats se saisirent du berger. Mais avant d'être jeté dans le gouffre aux faux, il les pria de s'écarter un instant pour y jeter un oeil. Peut-être reviendrait-il sur sa décision?

Les soldats sortirent et le laissèrent seul dans le cachot, devant le gouffre. De son côté, il dressa sa masse hérissée de pointes et la déguisa de son manteau brodé et de son chapeau, puis cria aux soldats qu'il ne changerait pas d'avis.
Ceux-ci rentrèrent à nouveau, saisirent la masse habillée du manteau et du chapeau et la jetèrent dans le gouffre pensant qu'il s'agissait du berger alors que celui‑ci s'était caché dans un coin du cachot.

Le lendemain, le chambellan arriva avec sa lanterne et faillit tomber à la renverse en apercevant le berger. Il le reconduisit devant le roi dont la colère ne cessa d'augmenter. Il posa tout de même la question au berger:
«Alors maintenant que tu es revenu du centième cercle de la Mort, vas-tu dire enfin:A mes souhaits! Dieu me bénisse!»

Mais le berger répondit sèchement:
«Je ne le dirais pas tant que vous ne me donnerez pas la main de la Princesse!»

Le roi finit par comprendre qu'il n'arriverait pas à tuer le berger et fit atteler le carrosse royal. Le berger prit place à ses côtés et le roi donna l'ordre d'être conduit dans la Forêt d'argent.

Une fois arrivé, il dit au berger:
«Vois-tu cette Forêt d'argent? Je te la donne si tu dis:A mes souhaits! Dieu me bénisse!»

Mais le courageux berger s'entêta et donna la même réponse:
«Je ne le dirais pas tant que vous ne me donnerez pas la main de la Princesse!»

Le roi donna l'ordre d'être conduit au Château d'or.
Une fois arrivé, il dit au berger:
«Vois-tu ce Château d'or? Je te l'offre ainsi que la Forêt d'argent pourvu que tu me dises: A mes souhaits! Dieu me bénisse!»

Mais le berger répéta inlassablement:
«Je ne le dirais pas tant que vous ne me donnerez pas la main de la Princesse!»

Ils poursuivirent leur route jusqu'au Lac de diamant. Le roi dit:
«Vois-tu ce Lac de diamant? Je te l'offre ainsi que le Château d'or et la Forêt d'argent pourvu que tu me dises: A mes souhaits! Dieu me bénisse!»

Mais le berger répéta sans cesse:
«Non, non, je ne le dirais pas tant que vous ne me donnerez pas la main de la Princesse!»

Le roi finit par comprendre qu'il n'y avait rien à tirer du berger. Il poussa un grand soupir et dit:
«Sacrebleu! Je te donne la main de ma fille mais alors dis-moi tout de suite: A vos souhaits! Dieu vous bénisse!»
«Bien sûr, bien sûr, je vous le dis! Pourquoi je ne le ferais pas?»

Le roi s'en réjouit et annonça à tous les habitants du royaume que sa fille allait se marier. La Princesse, qui avait éconduit tant de prétendants, était désormais la plus heureuse au monde car elle était tombée sincèrement amoureuse du berger aux yeux d'étoiles.

Ils donnèrent un si grand repas de noces que tout le pays buvait, mangeait et dansait. Mais c'est au palais royal que fut célébrée la plus belle fête, que se joua la meilleure musique et que l'on servit les meilleurs plats.

Quand le garçon d'honneur présenta la tête de porc au raifort, le roi plaça le plat devant lui pour le partager, comme il se doit avec tous les invités, quand soudainement l'odeur du raifort le fit éternuer:
«A vos souhaits! Dieu vous bénisse!» cria le premier le berger. Le roi s'en réjouit tellement qu'il tomba de son siège et mourut sur-le-champ.

C'est ainsi que le berger aux yeux d'étoiles devint le roi.
Il devint même un excellent roi qui jamais n'imposait à son peuple de lui présenter ses voeux à contre coeur.
Cependant, tous lui souhaitaient tout le bien possible de tout leur coeur parce qu'il était un très bon roi et tous l'aimaient beaucoup.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Août 2013 à 14:14:31
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Le petit garçon et la chenille.

Il était une fois un petit garçon, qui recevait toujours pour goûter une brioche et du chocolat, et qui s'en allait aussitôt les manger dans le jardin.  

Dès qu'il s'installait sur le banc, à côté du potager où s'alignaient les carottes, les salades et les choux, une petite chenille verte glissait vers lui et venait manger les miettes de brioche, que l'enfant répandait pour elle, tant il aimait la regarder grignoter et faire onduler son long corps soyeux.    

Quand d'aventure elle ne paraissait pas, doucement il chantonnait:  

Chenille, Petite Chenille,
La table est servie,
Brioche et chocolat,
N'attendent plus que toi!  

Et la petite chenille sortait alors du chou, dans lequel elle habitait, et rejoignait le petit garçon, pour partager son goûter.    

Or, un après-midi qu'il était à l'école, sa maman alla chercher un chou dans le potager, et elle prit justement celui dans lequel la petite chenille avait sa maison. Avec un grand couteau, elle commença à détacher les feuilles, une à une, et se mit à les laver sous l'eau tiède.    

La petite chenille, terrifiée, se cramponna de toutes ses forces à la sienne, mais un tel torrent d'eau se déversa soudain sur elle, qu'elle lâcha prise et tomba au fond de l'évier, où elle tourbillonna, avant d'être engloutie dans la canalisation.    

Le petit garçon, quand il revint de l'école, emporta comme d'habitude son goûter au jardin, et se mit à chantonner:  

Chenille, Petite Chenille,
La table est servie,
Brioche et chocolat,
N'attendent plus que toi!  

Mais il eut beau reprendre et reprendre la chanson, la chenille resta invisible. Fouillant des yeux le jardin, il se mit à chercher le chou dans lequel habitait son amie, mais il ne trouva rien. Le chou avait disparu, il n'en restait que quelques feuilles jaunies, et aucune trace de la chenille...    

Soudain, le petit garçon se rappela la bonne odeur qui l'avait accueilli lorsqu'il était rentré de l'école : cette odeur chaude et enveloppante, ce fumet délicieux, oui, cela sentait le chou! Sa maman avait préparé le chou, mais qu'était devenue la chenille?    

Angoissé, le petit garçon rentra aussitôt à la maison, et se mit à chercher partout, dans le moindre recoin. Mais elle n'était nulle part, et plus il y pensait, plus il se disait qu'elle devait être morte, et aveuglé par les larmes, le cœur broyé comme dans un étau, il se sentit seul, terriblement seul, et il s'assit pour pleurer.    

Sa maman eut beau essayer de le consoler, rien n'y fit. «Se mettre dans un tel état pour une chenille», lui répétait-elle, «n'est-ce pas insensé?  Tu en trouveras une autre, le jardin en est plein», et elle l'embrassa tendrement, persuadée que le lendemain, il aurait oublié.    

Mais les jours passèrent, et le petit garçon pensait toujours à la chenille. Quand elle venait manger avec lui, il grandissait en force et en santé, alors que maintenant, il perdait ses belles couleurs et maigrissait de plus en plus. Un matin, il ne put se lever de son lit, tant il était faible, et le docteur, que sa maman avait appelé, déclara qu'il était très malade, et le petit garçon comprit qu'il allait mourir, et que rien ne pourrait le sauver.    

La nuit suivante, comme il ne trouvait pas le sommeil, il se mit à observer les étoiles qui scintillaient au firmament, et soudain, il lui sembla que l'une d'entre elles bougeait et grossissait, comme si elle venait vers lui. Repoussant ses couvertures, il s'assit dans son lit pour mieux voir, et il s'aperçut qu'une boule lumineuse était entrée par la fenêtre entrouverte. Avec un bruit de clochettes, la boule s'ouvrit et une toute petite femme en sortit, tenant à la main une baguette.    

La fée, car c'en était bien une, s'approcha du petit garçon et lui dit: «Ton amie la chenille n'est pas morte. Elle est blottie dans son cocon, qu'elle a filé comme elle a pu, après avoir été chassée avec les eaux sales dans le talus derrière la maison . Si ta maman le trouve et en prend soin, tu retrouveras ton amie et tu guériras». Elle toucha  alors le cœur du petit garçon de sa baguette, et disparut comme elle était venue, ne laissant derrière elle qu'une traînée de lumière.    

Comme si ses forces lui étaient revenues d'un seul coup, le petit garçon pu se lever, et courir jusqu'à la chambre de sa mère: «Maman», lui dit-il, «il faut que tu ailles chercher la chenille. Elle a construit son cocon sur le talus derrière la maison. Si tu en prends soin, je retrouverai mon amie et je guérirai, la fée me l'a promis!»    

Sa maman, croyant qu'il délirait, et craignant qu'il n'attrape froid ainsi pieds nus sur le sol, le reconduisit dans sa chambre, et à peine le petit garçon fut-il couché, qu'il tomba profondément endormi.  

Dès lors, il ne se réveilla plus. Ses paupières restaient closes, sa respiration légère allait et venait, et un sourire flottait sur ses lèvres, comme s'il faisait un rêve délicieux.    

La mère ne parla à personne de ce qui s'était passé cette nuit-là. Bien qu'elle n'ait pas cru un mot de ce que son petit garçon lui avait dit, elle était si désespérée qu'elle s'en alla tout de même inspecter le talus, derrière la maison. Et à sa grande surprise, elle y trouva un cocon, mal attaché à une brindille, et que le vent aurait tôt fait d'emporter. Emue à la pensée de ce petit être sans défense, dont la vie était suspendue à un fil, si ténu qu'un souffle pouvait le briser, elle détacha la brindille avec précaution et l'emporta avec son précieux fardeau dans la chambre de son fils, où elle l'accrocha solidement à l'une des tentures.    

Les journées et les nuits se succédaient, toutes semblables, et puis un jour, la mère perçut dans le cocon un léger mouvement, et petit à petit, une patte, deux pattes se dégagèrent puis le papillon lui-même apparut, tout recroquevillé, et déploya ses ailes fripées, mais déjà éclatantes de beauté.    

La mère l'observait, émerveillée, quand le papillon s'envola brusquement et vint se poser délicatement sur les lèvres du petit garçon endormi. Et juste à cet instant, comme par enchantement, il ouvrit les yeux, et reconnut son amie la chenille, devenue maintenant un magnifique papillon. Ils étaient à nouveau réunis!    

Et le petit garçon se jeta dans les bras de sa maman, dont l'amour les avait sauvés tous les deux de la mort, et leur avait rendu leur joie de vivre.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Août 2013 à 10:34:35
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La fée des forêts


Un jour que je me promenais à l'orée d'une forêt, j'entendis une toute petite voix qui me murmurait à l'oreille: " Bonjour toi! Je te reconnais bien car tous les jours tu viens visiter ma forêt". Je me demandais alors qui pouvait bien me parler ainsi. J'avais beau écarquiller les yeux mais hélas, personne autour de moi!

Je me suis surprise à m'entendre dire à haute voix: "Qui me parle, où êtes-vous donc et que voulez-vous?"

"Je suis la Fée des forêts" me répondit une voix douce et enchanteresse. "Je ne veux rien de toi mais simplement que l'on fasse connaissance. Il y tant de choses que je voudrais te dire, tant de secrets que j'aimerais partager avec toi!"

"Où êtes-vous donc Fée des forêts? J'aimerais bien vous voir et être votre amie!"

Après quelques secondes d'un temps qui me parut éternel, la Fée des forêts me répondit alors: " Écoutes bien ce que je vais te dévoiler car aucun être humain avant toi n'a eu ce privilège. Gardes bien en mémoire tout ce que je te dirai et ne le confie qu'à la personne en qui tu auras toute confiance". "Oui, bonne "Fée des forêts", lui répondis-je. "Je vous promets de garder secret tout ce que vous me direz et je ne le dévoilerai qu'à la personne qui méritera ma confiance".

C'est ainsi que naquit le début d'une merveilleuse amitié entre la "Fée des forêts" et moi.

Ainsi commença l'histoire...

Au début des temps, les fées devaient perpétuellement se cacher des êtres humains de peur qu'ils ne les voient et ne veuillent les capturer afin d'en obtenir quelques voeux à exaucer. Elles choisirent alors la forêt comme lieu de refuge car c'était là le seul endroit où les humains auraient pu penser à venir les capturer. Tels des oiseaux, leurs petites ailes leur permettaient de se promener ici et là, entre les branches des grands arbres.

Vêtues de robes tissées de pétales de trilles rouges et blancs, coiffées d'un joli chapeau fabriqué à même les glands des chênes et portant de mignons petits souliers faits de mousses de lichens, elles voltigeaient gracieusement entre les fougères, les lucioles et les "Sceau de Salomon".

Tout en écoutant le récit de la "Fée des forêts", je lui demandai alors:
"Comment pourrais-je vous retrouver un jour, lorsque je reviendrai dans cette forêt?"

"Rien de plus facile" me répondit-elle. "Suis bien mes conseils et sans peine tu me trouveras. Tu devras cependant être bien attentif car pour me retrouver, tu devras également utiliser ton intelligence afin d'élucider les énigmes et rebus de mon histoire".

Comment trouver la Fée des forêts

À l'aurore, dès que le soleil dispense aux vertes fougères ses tout premiers rayons, vers elles je m'envole, de leurs perles de rosée scintillantes comme des diamants je vais m'abreuver. De baies sauvages, de miel et de petits fruits des champs que m'apporte "La fée des prairies" je me nourris avec joie.

Après ce frugal repas, mon ami le lièvre accourt à ma rencontre. Sur son dos je me pose et ensemble, nous courrons allégrement vers la clairière dont les fleurs multicolores sont un pur ravissement pour le regard. Dès notre arrivée, mes gentils amis les papillons et les libellules viennent nous saluer d'un gracieux battement d'ailes. "Bonjour Fée des forêts! Viens-tu jouer avec nous sur l'étang?" me demandent-ils dans leur doux langage.

Je quitte à regret mon ami le lièvre et m'envole enfin vers le grand étang dont les eaux limpides ont toujours su m'éblouir. Sur l'eau, le soleil fait miroiter de minuscules petites étoiles dont les couleurs multicolores se répandent dans toutes les directions. Sur les pétales roses du nénuphar je me pose pour admirer cette féerie.

Perchée tout en haut du grand pin, la grive solitaire m'aperçoit...Comme un doux sortilège, sa voix cristalline et mélodieuse m'appelle. "Emmènes-moi avec toi!" lui dis-je. D'un gracieux battement d'ailes, elle s'envole alors vers le grand étang, s'approche de la fleur de nénuphar et toute heureuse, m'emporte avec elle".

Nous nous envolons alors vers le ciel et surplombons ensuite vallées et montagnes couvertes de fleurs toutes aussi magnifiques les unes que les autres. Un peu plus tard, la grive me dépose délicatement sur son nid de mousses et de brindilles. "Je te remercie "Grive solitaire" pour ce merveilleux périple" lui ais-je dit. La grive s'envole ensuite vers la clairière enténébrée où se prépare un orage.


"Lorsque les premières gouttes de pluie vont tomber,
sous le chapeau du champignon tu pourras me trouver.
Sous son ombrelle, je me sens rassurée.
Dès que cesse la pluie,
Et que le soleil à nouveau luit,
Vers le bel arc-en-ciel je m'envole,
Sur la nuée me rejoint Éole.

Son souffle me propulse vers la colline
Où l'agneau se repose. De sa voix tranquille,
La brebis le rassure. Dans de verts pâturages,
Du bel oiseau bleu j'écoute le ramage.


Des fleurs jaunes, rouges ou bleues
Je ne peux me passer. Comme le soleil en feu
À son coucher, leurs couleurs me fascinent
Et m'attirent vers leurs corolles si fines.

Mais bientôt le ruisseau me fait entendre sa mélodie,
Légère, joyeuse, envoûtante: "Viens me voir! " il me dit.
J'y accours en déployant gaiement mes petites ailes.
Sur ses eaux limpides je pose mon corps frêle.

"Voilà comment tu pourras toujours me retrouver" me dit à la fin
"La fée des forêts". Depuis ce jour où j'ai trouvé la "Fée des forêts", je me promène inlassablement de forêt en forêt. Si j'observe attentivement ses conseils, il m'arrive de l'apercevoir à l'orée de la forêt ou près du grand étang. Et vous?
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Août 2013 à 12:29:36
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Sarah et la louve magique

Il était une fois, dans la vallée de Görnia, une petite fille nommée Sarah. Elle vivait avec son père dans un chalet de bois.
Un jour, son père, qui était malade, lui dit :
«J'ai besoin d'une plante pour me soigner. C'est une plante avec des feuilles rouges. Tu en trouveras derrière la montagne. »

Sarah partit donc à la recherche de cette plante. Elle marcha très longtemps dans la forêt. Fatiguée, elle décida de s'arrêter un peu.
C'est alors qu'apparut une louve suivie de ses petits. Mais elle n'était pas comme les autres. Elle avait un pelage d'or, des ailes d'argent, et au bout de chaque griffe brillait un diamant. Voyant Sarah, elle dit :
«Bonsoir petite fille. Tu es perdue ?

-Non, répondit Sarah, je dois trouver une plante pour mon père. Une plante avec des feuilles rouges.

-Je vois, dit la louve. Il n'y en a que derrière la montagne. Mais c'est très dangereux de s'aventurer là bas !

-Pourquoi ? Demanda la fillette.

-Il y a un gros dragon vert qui crache du feu !! Dit un louveteau

-Il fait très peur !! Dit un autre.

-Il mange tout ce qu'il voit !! Dit un troisième.

-C'est le gardien de la plante que tu cherches. Si tu la veux, il faut l'endormir très profondément.

-Mais comment vais-je faire ?

-Tu trouveras la réponse sur place.En attendant, viens te reposer dans ma tanière »

Sarah suivit la louve et ses petits, et resta dans la tanière jusqu'au lendemain matin.
Quand Sarah fut prête, la louve lui donna plusieurs pitons d'escalade et un petit maillet :
«La montagne est glissante, ces pitons t'aideront à la gravir.

-Merci dit Sarah » et elle partit.

Elle marcha toute la matinée en se nourrissant de baies sauvages trouvées dans la forêt. Elle gravit la montagne en plantant les pitons dans la roche pour y poser ses pieds.

Une fois de l'autre côté, elle examina les alentours, mais pas la moindre trace de plante. Tout était désert comme brûlé par du feu.
«C'est sûrement le dragon », pensa la petite fille.

Une immense porte se dressait devant elle. Elle essaya d'ouvrir, mais en vain.
Sarah pensait à son père malade, et se mit à pleurer. La nuit tombait, il faisait froid, et Sarah, fatiguée, n'avait nul endroit où dormir. Pour comble de malheurs, elle fut harcelée par une horde de korrigans affamés, qui cherchaient à lui voler son sac, pensant y trouver de la nourriture. Elle se défendit avec tant de courage qu'ils finirent par abandonner. Exténuée, Sarah se laissa tomber sur le sol et sanglota à chaudes larmes.

«Ne pleure pas, dit une voix à ses côtés.C'était la louve, sans ses petits.

-Où sont tes petits ? demanda Sarah

-Ils sont à la tanière avec leur père, expliqua la louve. C'est trop dangereux pour eux ici. C'est le repère du dragon. Prends cette clé, ouvre la porte et laisse moi passer. Je te dirai quand tu pourras rentrer »

Sarah ouvrit la porte et laissa entrer la louve. Le dragon ronflait si fort que la terre tremblait. Il y eu des éclairs de toutes les couleurs et des étincelles .La louve était magique. Elle ressortit et dit à Sarah :

«Tu peux prendre la plante dont tu as besoin pour ton père. Le dragon ne se réveillera pas. Mais dépêche-toi ! »

Sarah, effrayée mais courageuse, couru chercher la plante que son père lui avait demandée, et ressortit. La louve l'attendait.

«Ca y est, je l'ai !! S'écria Sarah heureuse.
-Bien, dit la louve. Monte sur mon dos, je te ramène chez toi. »

Sarah obéit et la louve s'élança, survola la montagne, traversa la forêt et s'arrêta devant le chalet où son père l'attendait. Tout était passé si vite que la fillette n'avait rien vu du voyage.

Elle remercia la louve, qui était devenue son amie, lui dit au revoir et rentra soigner son père.

Quand celui-ci fut guéri, elle lui raconta ses aventures. Son père ne la croyait pas :
«Tu as sûrement rêvé ma fille ! »

A ce moment précis, on frappa à la porte. Sarah ouvrit et la louve entra suivie de sa famille.

«Tu me crois maintenant ! Dit Sarah à son père »

Il n'en croyait pas ses yeux et resta ébahi devant les éclairs et les étincelles de toutes les couleurs.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Août 2013 à 13:57:36
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On a volé le soleil

         Il était une fois, un royaume très lointain, bien au-delà de notre continent, tout près du pays des rêves. Dans ce royaume, régnait un fort bon vieux roi, qui avait deux petits enfants. Une petite fille blonde et vive qui s'appelait Rose (si elle avait été un garçon son petit frère aurait aimé l'appeler : Bleu) et un petit garçon facétieux nommé Hugo. Les deux enfants adoraient aller chez leur grand-père le roi, surnommé en grand secret « Papi-Bonbon ».

         Papi-bonbon était très heureux de voir souvent ses petits-enfants et les gâtait du mieux qu'il pouvait. Il avait fait fabriquer une aire de jeux à l'intérieur d'une salle de son grand château pour qu'ils puissent jouer à l'abri du mauvais temps et dépenser leur formidable énergie. Un endroit rien que pour eux, pour grimper, sauter, rouler, glisser, plonger des heures durant sans se lasser. Au plafond, on pouvait voir briller un magnifique soleil et un arc en ciel plus vrais que nature.

         Un autre de leurs endroits préférés était la grande salle de dessin entièrement recouverte de feuilles où ils pouvaient crayonner sur tous les murs, peindre, coller, décorer avec des tas de crayons de toutes les tailles et couleurs imaginables. Ils avaient appris à dessiner des bonbons de toutes les formes possibles. Une fois le dessin fini, ils l'enfournaient dans une petite fente qui, après quelques minutes d'agitation, leur faisait apparaître les bonbons désirés dans une petite boîte disposée à côté. La machine à bonbons originaux était la grande réussite de Papi-Bonbon, jamais elle ne tombait en panne. Les enfants savaient qu'ils repartiraient toujours les poches pleines, les doigts et la bouche poisseux et colorés, quel régal !

         Depuis leur naissance, Rose et Hugo avaient toujours vu Papi-Bonbon et son visage rond et souriant penché vers eux. Il avait été le premier à venir les voir quand ils étaient tout bébés, le premier à s'extasier devant leurs premiers pas, leurs premiers dessins et c'est aussi chez grand-père que la souris ne manquait jamais de passer, dans son jardin que se cachaient les œufs de Pâques et même par sa cheminée que descendait le père Noël en premier lieu.

         Il était d'une patience d'ange, très confortable lorsque Rose se lovait sur lui pour lire inlassablement des histoires merveilleuses, un peu comme celle-ci. Il connaissait aussi chaque recoin du jardin, chaque plante, chaque fleur et plantait des fraises et des framboises qu'il arrosait pour que les enfants les ramassent. Il était toujours d'accord pour jouer dehors, pour jardiner et les enfants aimaient beaucoup creuser des trous avec leurs petites pioches, juste pour le plaisir de chercher des trésors enfouis et tout reboucher ensuite.

         Mais la grande spécialité de Papi-Bonbon, c'était de concocter de nouvelles recettes de cuisine... Il priait la cuisinière de prendre des congés et s'installait en seigneur et maître dès l'aube dans le grand laboratoire. Lorsque les deux enfants descendaient boire leur chocolat bouillant et les larges tartines qu'il leur avait préparé, ils sentaient les mémorables effluves de viande délicatement découpée et patiemment rôtie.

         Un jour de grand soleil, ils décidèrent de filer à la rivière en passant par le chemin de la prairie parsemé de moucailloux, les moucailloux présentaient le grand avantage de ne pas les blesser lorsqu'ils tombaient parce qu'ils n'étaient pas durs comme les pierres, mais tout tendres. Une fois à la rivière, ils sautaient dans l'eau en pensant très fort à leur couleur préférée et l'eau devenait de la couleur de leur choix. Leur jeu favori consistait alors à se baigner avec plusieurs amis de façon à ce que, chacun choisissant une couleur différente, ils arrivaient à donner à l'eau de la rivière toutes les couleurs de l'arc-en-ciel qui, jaloux, n'osait plus se montrer. En rentrant, leurs yeux brillaient de plaisir lorsqu'ils racontaient leurs exploits à leur grand-père bien-aimé.

         Au moment de se coucher, Hugo et Rose aimaient beaucoup qu'on leur raconte une histoire au lit. Malheureusement, celle-ci se terminait toujours bien trop tôt à leur goût... Alors, un soir, papi-bonbon alla farfouiller dans le grand coffre de sa chambre et leur rapporta un beau livre mystérieux. Il s'installa près d'eux et commença une jolie histoire captivante, mais les enfants s'endormirent, épuisés, sans en entendre la fin. Derrière chaque page tournée se trouvait une autre page et encore une autre, le livre ne se finissait jamais...

Un matin pourtant, il n'y eut pas de jour. Le soleil ne se leva pas. Hugo et Rose restèrent au lit plus tard que d'habitude, pensant qu'il était trop tôt pour se  réveiller. Mais non, l'heure était déjà avancée, il faisait toujours nuit. Au bout d'un grand moment, ils se levèrent ensemble, se tenant par la main, pas très rassurés. Leur grand-père n'avait pas peur lui, mais ne comprenait pas ce qu'il se passait... Mais où était donc allé le soleil ? Dans la salle de jeux, tout était comme recouvert d'un voile sombre. Rien n'avait changé mais les couleurs étaient absentes : plus de soleil visible au plafond et tous les feutres dessinaient avec la même couleur gris sombre. Les enfants n'osèrent pas s'aventurer dans les tunnels obscurs pour jouer. Dehors tout était noir, peuplé d'ombres sombres menaçantes, effrayantes.

Courageusement, ils décidèrent d'aller affronter le noir, chercher le soleil qui inondait d'habitude leur royaume. Parterre, les moucailloux se faisaient souples pour amortir leurs pas hésitants. Ils allèrent jusqu'à la rivière qui coulait telle de l'encre noire. Aucun des deux n'eut envie de se baigner, craignant de voir surgir un monstre affreux. Ils s'assirent au pied d'un grand arbre et écoutèrent le silence, le bruissement du vent dans les feuilles, mais aussi des craquements nettement plus inquiétants. Seuls au milieu de l'obscurité, ils entendaient aussi leur respiration rapide, leur cœur battre très vite... Ils commençaient à avoir très, très peur tout seuls. Hugo eut alors l'idée d'empiler des moucailloux pour faire un petit muret tout autour d'eux. Au fur et à mesure, les moucailloux s'encastraient les uns dans les autres comme les morceaux d'un puzzle, formant une barrière solide. Rose se prit au jeu et bien à l'abri dans leur petite tour de moucailloux, ils continuèrent à les empiler de plus en plus haut. Ils ne voyaient plus la forêt alentour, inquiétante, seulement tout en haut, au dessus de leurs têtes, la nuit noire et quelques étoiles qui scintillaient doucement.  Les étoiles ! Ça brille les étoiles ! Ça fait de la lumière ! Il fallait absolument les atteindre et trouver un moyen de les ramener au royaume de leur grand-père. Grimpant à l'intérieur de la tour grâce aux moucailloux-escaliers, ils continuèrent leur construction, jusqu'à toucher les étoiles. Là, ils entendirent un murmure... « C'est Gourbillar, Gourbillar, Gour-biiiiillarrrrr, c'est lui qui a caché le soleil !!!

-Mais qui est Gourbillar ? demanda Hugo.

-C'est un géant très méchant, très vilain, il est sombre, sa  peau est comme du carton, toute sèche. Il est tellement méchant que même ses dents sont froides. Papi m'a raconté son histoire, un soir » lui répondit Rose.

         Grimpé tout là-haut, Hugo cueillit quelques étoiles qu'il fourra dans sa poche. Puis les deux enfants redescendirent de leur tour et prenant une étoile dans chaque main, ils éclairèrent le chemin du retour. Il faisait toujours aussi nuit, mais les étoiles leur donnaient suffisamment de lumière pour ne plus avoir peur. Il faisait tout aussi froid et noir dans le château de Papi-Bonbon, aussi leur grand-père les entraîna dans le jardin, s'asseoir sous un grand arombre. Sous l'arbre amical régnait une douce chaleur, à la place de l'ombre habituelle. Ils placèrent les étoiles attrapées dans le ciel, sous un globe de verre et réfléchirent ensemble à la pâle lumière des astres.

-Si Gourbillar a pris le soleil, l'affaire est sérieuse, commença Papi-Bonbon. Ça ne va pas être simple de le retrouver.

-Nous allons le chercher et l'obliger à nous rendre le soleil, dit Hugo en se levant.

-Il ne nous écoutera pas, nous ne sommes que des enfants, répliqua Rose.

-Pourquoi a-t-il enlevé le soleil ? s'enquit Hugo.

-Gourbillar est un géant triste et sombre, il ne veut certainement plus voir le soleil qui éclaire la vie et redonne le sourire aux gens, lui expliqua son grand-père. Il aimerait que tout le monde soit triste comme lui.

-Il doit être très malheureux, ajouta Rose avec sagesse.

-Mais nous, on a besoin du soleil !!! ajouta Hugo.

A peine avait-il fini ces mots, qu'un oiseau virevolta et vint leur parler à  l'oreille. Ils entendirent alors le même murmure que tout à l'heure, en haut de la tour.

-Je l'ai vu, Gourbillar, c'est lui qui a pris le soleil !

Les enfants  regardaient le joli martinet, médusés.

-Nous les martinets, volons de longues heures, il nous arrive même parfois de dormir en volant, très haut dans le ciel.

-Dormir en volant ? répéta Hugo stupéfait, il aimerait bien lui, pouvoir manger des bonbons en dormant !

-Hier soir en plein vol, je ne dormais que d'un œil ! J'ai vu Gourbillar avec le soleil. Il l'a emmené... sur la lune même ! Sur sa face cachée, celle qu'elle ne nous montre jamais. Ah ! Il a trouvé une bonne cachette, qui penserait le chercher là bas ?!

-Qui pourra aller le ramener surtout ? soupirèrent les deux enfants... Notre tour ne sera jamais assez haute et comment reprendre le soleil sans nous brûler ?

-Et Gourbillar ? Comment il a fait lui, pour ne pas se brûler ? demanda Papi-Bonbon avec bon sens.

-Il n'a pas pu le prendre, il a dû le persuader, l'obliger à se cacher d'une façon ou d'une autre, réfléchit Rose.

-Et il va falloir trouver une aussi bonne idée pour le convaincre de ressortir, ajouta Hugo. Allons trouver Gourbillar, on en saura peut être plus.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Août 2013 à 14:02:59
On a volé le soleil (suite et fin)

Et voilà nos deux amis, guidés par le martinet et deux étoiles éclairantes, qui s'enfonçaient à nouveau dans la forêt sombre.

-Gourbillar habite une cabane au fond des bois, je la connais, je l'ai déjà survolé plusieurs fois, leur expliqua le martinet. Par contre, il a un chat noir pas très commode, il va falloir le distraire pour entrer.

         Effectivement, en arrivant devant la cabane du géant, un chat noir dormait sur le perron, mais seulement d'un œil, personne ne pouvait approcher sans goûter à ses griffes redoutables.

-Et maintenant qu'est-ce qu'on fait ? demanda Rose pas très rassurée.

-Eh bien, on y va ! répondit Hugo sûr de lui. Et il fila vers la porte d'entrée de la cabane. Il s'approcha du chat et sortit de sa poche des petits poissons et une grosse souris : les bonbons de Papi-Bonbon, les derniers qu'il avait fabriqué avec la machine à bonbon. Il avait eu une vraie bonne idée de dessiner des formes d'animaux ! Pendant que le chat conquis, jouait avec ses anibonbons colorés, Hugo et Rose entrèrent dans la cabane et trouvèrent Gourbillar en train de dormir dans le noir. Le géant, surpris d'être réveillé par deux enfants sans avoir entendu son chat les repousser, n'eut pas le temps de préparer un mauvais coup.

-Qu'as-tu dit au soleil ? Pourquoi s'est-il caché ? demanda Hugo toujours pas impressionné.

-C'est moi qui l'ai caché, héhéhé, leur dit Gourbillar d'un air suffisant.

-Tu n'as pas pu le porter, c'est impossible ! répliqua Rose, il est trop brûlant !

-Le soleil a fait une bêtise, il a bien fait de se cacher, concéda Gourbillar, content de lui. Je l'ai un peu aidé... C'est de sa faute aussi, il a oublié l'éclipse de samedi dernier. Il devait passer derrière la lune et il ne l'a pas fait. Tous les astronomes l'attendaient derrière leur lunette et rien, pas l'ombre d'une lune noire auréolée de soleil. Ils doivent refaire tous leurs calculs maintenant, ils ne comprennent plus rien. Je l'ai dit au soleil, il est trop tête en l'air celui-là... tant pis pour lui. Il est parti se cacher, il doit avoir trop honte. Hahahaha ! Et il est très bien là-bas, j'aime la nuit, moi !

-Mais il faut aller le chercher, il faut qu'il revienne ! lui dirent les enfants.

-Le faire revenir ?? NOOON ! pas question,  répliqua le géant, ne comptez pas sur moi. Au revoir !

     Les enfants un peu abattus, ressortirent de la cabane. Ils croisèrent le chat noir qui vint se frotter contre eux dans l'espoir d'obtenir de nouveaux anibonbons.

-Pourtant, il faut le convaincre de revenir, dit Hugo à Rose. On ne peut pas rester sans soleil, il fait trop froid et trop noir, c'est trop triste.

      Le martinet qui les avait accompagné, voletait dans le ciel non loin d'eux.

-Les martinets volent tellement haut... Tu crois qu'ils pourraient aller jusqu'à la lune, chercher le soleil et le convaincre de sortir ? suggéra Rose.

-On peut toujours essayer, répondit Hugo. Il appela le martinet.

-Je vole peut être les yeux fermés, mais j'entends très bien, leur dit le martinet. Je crois que je peux essayer de voler tout là-haut. Je vais aller voir le soleil. Moi aussi j'ai besoin de lumière pour me nourrir et de chaleur pour mes petits.

         Les enfants retournèrent dans le jardin de leur grand-père et s'assirent sous l'arombre qui les réchauffa de son ombre lumineuse. Ils suivirent des yeux, le plus longtemps possible, l'oiseau courageux qui volait à tire-d'aile, rejoindre le soleil. Le martinet se concentra sur son vol, montant toujours plus haut en direction de la lune. Il en fit le tour et passa de l'autre côté. Effectivement, le soleil, tout rose, se faisait tout petit derrière la lune.

-Soleil, nous avons besoin de toi, il faut sortir, revenir briller, dit le martinet au soleil tout penaud.

-Je ne peux pas, je ne suis pas un bon soleil, répondit le soleil d'une petite voix. J'ai oublié mon éclipse, je vais prendre ma retraite et rester caché pour me faire oublier.

-Mais tu ne peux pas faire ça ! Tout le monde peut oublier de faire quelque chose, ce n'est pas grave. Mes petits ont froid dans leur nid, ils ont peur du noir. Hugo et Rose ont peur eux aussi, ils ne peuvent plus jouer, même les fleurs se fanent. Tous t'attendent avec impatience, je suis sûr qu'ils seront trop contents de te voir pour penser à t'en vouloir.

         Le soleil, tout timide, ne savait plus que penser, il faut dire que Gourbillar l'avait vraiment terrorisé avec ses remontrances. La lune qui l'abritait, elle, était très attentive aux paroles du martinet qu'elle trouvait très courageux et très pertinent. Aussi, elle fit de son mieux pour convaincre le soleil à son tour. Il ne pouvait pas rester caché là toute sa vie. Il lui fallait faire ce  qu'il savait faire de mieux : briller, donner des couleurs, faire vivre les fleurs, jouer les enfants. Le soleil finit par se rendre aux arguments du martinet et de son amie la lune.  Ça lui manquait aussi de ne plus voir les petits courir à la rivière et jardiner dehors. Il devait reprendre sa place dans le ciel et ne plus écouter Gourbillar, trop de monde avait besoin de lui. Il était fier de se sentir important et utile.


Rose et Hugo étaient toujours sous l'arombre, attendant patiemment le retour du martinet.

-Tu crois qu'il va l'écouter ? demandait Hugo.

-Je l'espère, répondit Rose, sinon, ça va être triste.

         A ce moment-là, la lune devint noire, avec une couronne de feu tout autour. Et le soleil sorti, certes son éclipse avait quelques jours de retard, mais il avait décidé de ne plus se cacher. Rapidement ses rayons s'étendirent jusqu'au sol et réchauffèrent les plantes et les animaux apeurés, cachés dans leurs terriers. Tout reprit vie. Les fleurs se relevèrent, les animaux sortirent gambader, les enfants sautèrent de joie et le martinet revint à tire d'aile. Seul Gourbillar, dans sa cabane était furieux. Mais après quelques jours de jeux au soleil et dans la rivière aux mille couleurs, Hugo et Rose revinrent se promener dans la clairière de Gourbillar. Le géant était seul avec son chat et tout triste.  Les deux enfants n'osèrent pas lui parler. Ils s'accrochèrent à une corde qui traînait là, dans un arbre et commencèrent à se balancer, puis à grimper. Ils allèrent dans les branches regarder un nid d'oiseau en discutant joyeusement. Alors qu'ils descendaient de l'arbre, ils virent Gourbillar qui les observait intrigué, mais un sourire aux lèvres.

-Vous êtes bien les seuls à ne pas avoir peur de venir jouer par ici. Je serais moins triste si vous veniez plus souvent. Ça me ferait de la compagnie.

-J'ai une idée ! dit Rose en s'élançant vers le château de son grand-père, Hugo sur ses talons.

Le lendemain, une équipe de bûcherons vinrent envahir le coin de forêt autour de la cabane de Gourbillar et s'affairèrent dans les arbres. A quelques jours de là, tout était prêt. Hugo et Rose entraînèrent plusieurs de leurs amis dans la nouvelle forêt d'aventure qu'ils avaient demandé à leur grand-père. Installée avec des lianes, des petits ponts de bois, des cabanes solides tout en haut des arbres, ils pouvaient jouer pendant des heures et ne manquaient pas d'appeler le géant pour les sortir de situations inconfortables... Le géant d'abord bougon, s'était pris au jeu et venait les aider à monter ou descendre des arbres, leur tenir la main pour traverser et même... leur préparer à goûter lorsqu'ils avaient faim. Le géant n'était plus triste, il était occupé et il pouvait s'amuser à regarder les enfants jouer tout près de lui. Il appréciait grandement leur rire et leur compagnie et il attendait le soleil avec impatience, car il était sûr que les enfants viendraient jouer tout près de chez lui.
 
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Août 2013 à 15:20:00
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La marmotte au collier d'étoiles


Très haut dans la montagne vivait une fois une colonie de  marmottes. Tous les ans, les mamans marmottes avaient des bébés à fourrure soyeuse qui jouaient tout l'été dans les fleurs avant de s'endormir à la première neige.

Cette année-là naquit un bébé marmotte qui n'était pas tout-à-fait comme les autres. Au lieu d'aller gambader dans les gentianes et les rhododendrons  avec les autres petites marmottes, elle préférait rêver devant l'entrée de sa grotte. Mais le soir, dès que le soleil disparaissait, elle restait des heures à contempler les étoiles, avec de grosses larmes dans les yeux. Sa famille et ses amis, très inquiets, finirent à force de questions par connaître la raison de ce comportement étrange: la petite marmotte  avait envie d'un collier d'étoiles  qui resplendirait sur sa fourrure. Mais toutes les marmottes  savaient bien que c'était impossible, on n'avait jamais vu une marmotte aller décrocher des étoiles pour les enfiler ensuite sur un cordon d'herbes odorantes. Aussi essayèrent-elles de lui faire oublier son idée fixe, en l'entraînant dans des courses folles sur la prairie , en lui apportant les baies les plus savoureuses, mais rien n'y fit. La petite marmotte avait toujours les yeux tristes.

Pourtant, un jour, ses amis l'entendirent rire brusquement, tout joyeux, ils crurent qu'elle était guérie et qu'elle allait désormais partager leur vie insouciante. Bien au contraire! La petite marmotte venait d'avoir une idée. Elle attendit toute la journée et quand vint la nuit, elle se glissa silencieusement en dehors de la grotte et commença à marcher vers le pic le plus élevé, celui qui semblait caresser les  étoiles. Elle quitta rapidement la prairie et se mit à grimper dans les rocailles. Ses pattes étaient déjà toutes égratignées par les cailloux tranchants mais elle marchait toujours en regardant vers le ciel. Puis elle arriva sur la neige, glissant sur la glace, ne remarquant ni les difficultés de l'escalade, ni la  brûlure de ses pattes. Enfin, elle atteignit le sommet.

Hélas, elle dut s'apercevoir que toutes ses peines avaient été inutiles: Les étoiles étaient toujours aussi haut, aussi loin que quand elle les admirait de sa prairie. Avec de gros sanglots, elle commença à redescendre vers la vallée, mais, épuisée, s'effondra dans les rocailles . C'est là que la trouvèrent ses parents, affolés de sa disparition, qui la cherchaient depuis l'aube.

La petite marmotte fut longtemps malade, ses pieds étaient douloureux, elle avait voulu aller trop loin, mais surtout, terriblement déçue de n'avoir pas pu réaliser son rêve, elle n'avait plus la volonté de guérir. Toutes les autres marmottes venaient la voir pour essayer de la distraire. Un jour, elle reçut la visite d'une très vieille marmotte que tous respectaient pour sa sagesse et son intelligence, elle s'approchait souvent d'un village voisin, pour essayer de comprendre comment vivaient les  humains. Elle avait appris le désir de la petite  marmotte et une idée lui était venue. Elle avait entendu que les  humains savaient fabriquer des machines pour aller dans les étoiles, la petite marmotte  pourrait peut-être se cacher dans une de ces machines et ramener son collier?

Toute contente, la marmotte se dépêcha de guérir, et dès qu'elle eut le droit de sortir, elle se dirigea avec une amie vers l'endroit où elle savait que les humains s'arrêtaient pour regarder le paysage. Bien avant d'arriver, elles se mirent toutes les deux à tousser, car l'air était empoisonné par toutes les voitures qui passaient par là. Cachées derrière un rocher, elle observèrent les touristes. Mais bientôt, elles renoncèrent, dégoûtées. Les humains parlaient trop fort, ils grondaient leurs petits, jetaient des papiers sales sur le sol et ne regardaient même pas le magnifique panorama. Jamais ils ne pourraient aller dans les étoiles. Déçues, elles rentrèrent lentement à la grotte.

A partir de ce jour-là, la petite marmotte  sembla renoncer à son rêve et participa aux jeux des autres  marmottes, mais sans jamais rire.

Jour après jour, l'air devint plus frais, les nuits plus longues, vint le temps du long  sommeil d'hiver. Toutes les marmottes  rentrèrent dans leurs grottes, s'allongèrent sur leur lit d'herbes et fermèrent les yeux en baillant. Toutes dormirent d'un sommeil sans rêves.
Toutes, sauf une.
Car la petite marmotte  mélancolique commença à rêver.

Légère, toute légère, elle volait d'étoile en étoile, en faisait un magnifique bouquet qu'elle semait ensuite sur la prairie.

Tout l'hiver, elle joua ainsi. Quand le printemps arriva, elle se réveilla doucement et eut d'abord du mal à réaliser que tout n'avait été qu'illusion et faillit pleurer.
Mais très vite, elle retrouva le sourire, car elle savait maintenant que
tous les hivers, elle pourrait rêver du  plus beau collier d'étoiles  qui puisse jamais exister.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Août 2013 à 11:31:09
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L'Arbre Aux Contes

II y a très longtemps vivait un jeune cheval qui s'appelait Saphir. Ce nom n'allait pas avec son physique car il n'était pas très beau. On ne pouvait pas le monter car il était un peu sauvage. Il avait les crins noirs et le reste du corps gris. A certains endroits sa robe était gris pale. Et sur le dos, ses poils étaient tellement clairs, qu'on voyait sa peau. Ses longues jambes minces étaient recouvertes d'un pelage jaunâtre. Tout ceci le rendait disgracieux aux yeux de ses maîtres. Quant aux sabots noirs qui avaient l'air grignotés par des vers, ils étaient tout poussiéreux. De plus, ce cheval était souvent grincheux.

Ses maîtres qui en avaient assez d'avoir un cheval aussi laid dans leurs prés, l'avaient abandonné. Ils avaient pourtant bien essayé de le vendre... Mais sans succès ! Tous les acheteurs intéressés par un prix aussi bas se précipitaient, mais dès qu'ils le voyaient, ils changeaient de couleur, leurs cheveux se dressaient sur leur tête, ils inventaient une excuse pour refuser cet achat et se sauvaient en prenant leurs jambes à leur cou. Le fermier avait beau baisser le prix, personne ne voulait de leur jeune cheval "immontable". C'est pourquoi ils avaient décidé de l'abandonner au beau milieu d'une forêt lointaine et sombre.

Sans but précis, le cheval s'enfonça plus profondément dans la forêt. Il commença à chercher les seaux d'avoine que ses maîtres avaient l'habitude de lui donner. La nuit commençait à tomber, quand il se rendit compte qu'il ne retrouverait plus le chemin de sa ferme. Saphir était très triste, il aurait préféré être au chaud chez ses maîtres, au lieu d'être dans cette sinistre forêt. Il finit néanmoins par s'endormir. Le matin, il se réveilla en se demandant où il pouvait bien être. Il reprit son chemin et erra toute la journée à la recherche d'un nouveau logis. Il déboucha dans une clairière.

Au milieu de cette immense clairière recouverte d'un beau tapis d'herbe verte et tendre parsemée de petites fleurs violettes, s'élevait un arbre gigantesque. Il avait le tronc blanc d'un bouleau et plusieurs sortes de feuilles. Ses grandes branches noueuses servaient de cachette à des dizaines de nids d'oiseaux. Il ne portait pas de fruits mais gardait ses feuilles toute l'année. Ses grosses racines qui sortaient de terre étaient recouvertes de mousse et servaient de refuge aux lapins.

Epuisé, efflanqué, le cheval décida de rester au pied de cet arbre où, si miraculeusement, il se trouvait tellement bien, comme réchauffé de l'intérieur. Il s'endormit, rassuré de trouver un lieu tel que celui-ci pour se reposer. La mousse de l'arbre semblait tiède.

Le lendemain, il s'éveilla de bonne humeur. Il se sentait bien et était parfaitement remis de son aventure de la veille, mais il préférait rester là, blottit dans la mousse, les yeux mi-clos, à se reposer. Il n'y parvint pas car une chose lui chatouillait les naseaux. Il secoua la tête pour chasser cette intruse, mais elle retomba sur le bout de son nez. Excédé, le cheval ouvrit les yeux. Une fine ombre verte le fit loucher : UNE FEUILLE !

La couleur de cette dernière le fit saliver. Cela changerait un peu des seaux d'avoine habituels. Tout à coup, il éternua et la feuille s'envola. Alors il se leva et s'approcha de la feuille pour la déguster mais au même moment, celle-ci re-décolla. Il fît. quelques pas pour la suivre, mais un souffle de vent l'éloigna un peu plus. " Encore raté ! " se dit le cheval. Il s'approcha, mais cette fois une énorme bourrasque la fit s'envoler. Il décida de la suivre et sortit de la clairière pour s'enfoncer dans la belle forêt verte. La feuille virevoltait dans les airs et semblait danser devant lui. Il commença à trotter car elle prenait de la vitesse, emportée par la bise qui la faisait tournoyer sur elle-même. Soudain, il se retrouva en bordure d'un petit ruisseau gorgé d'eau. Il but un peu pour apaiser sa soif et continua sa poursuite. Il suivit alors un beau chemin, tracé par les animaux de la forêt et longé par de belles fleurs sauvages. La feuille s'arrêta devant une petite chaumière.

C'était une fin de journée agréable et l'horizon commençait à s'assombrir. Lentement, calmement, portée par un léger vent tiède, la feuille se dirigea vers la cheminée. Soudain, elle stoppa au-dessus du conduit et, comme aspirée, pénétra dans la maisonnette. Saphir qui s'était approché d'une fenêtre la vit sortir de l'âtre et se poser sur la petite table à côté du lit où dormait le couple de fermiers.

Le cheval s'installa confortablement devant la maison pour attendre que la feuille s'envole à nouveau et ressorte de cette demeure. Il choisit de rester devant la fenêtre pour surveiller d'un œil vigilant cette feuille qu'il désirait tant déguster.

Tôt le matin, il fut réveillé par le chant du coq alors que le soleil se levait à peine. Bien heureusement pour lui, la feuille était encore là. Quelques instants plus tard, il vit les habitants se lever et se précipiter à leur bureau où ils prirent une feuille de papier ainsi qu'un crayon et se mirent à écrire rapidement de longues phrases. Il s'agissait d'un conte. Le cheval ne comprenait guère la réaction de ces personnes et fut déçu quand il s'aperçut que la feuille ne se décidait pas à quitter la table de chevet.

Il opta pour un retour au pied de son arbre pour tenter sa chance avec de nouvelles feuilles. Il avait tellement faim qu'en chemin, il grignota tout ce qu'il trouva : des petites pommes sauvages, des glands oubliés par les écureuils, des champignons aux formes étranges et des écorces recouvertes de mousse. Pendant son trajet, il observa des papillons multicolores, de jolis petits lapins chocolat et toutes sortes d'insectes.

Arrivé à son arbre. Saphir s'écroula de fatigue et s'endormit profondément en rêvant à des champs d'avoine. Il recommença plusieurs jours de suite à poursuivre les feuilles jusqu'aux chaumières, sans arriver à en attraper une. Il avait de plus en plus faim mais il était tout de même heureux car il avait un arbre auprès duquel il faisait de beaux rêves.

Mais un jour après une très mauvaise nuit, pendant laquelle il avait fait d'horribles rêves, se faisant capturer et ligoter à son arbre par des feuilles gigantesques, notre ami se réveilla de mauvaise humeur. En ouvrant légèrement les yeux, il découvrit un tapis de feuilles roussâtres parsemées de taches blanches et trouées.

Il se demanda ce que faisaient ces feuilles froissées étendues par terre ? Il regarda le sol et, affamé, il se laissa tenter. Voyant que les feuilles ne s'envolaient plus, il décida d'en savourer une. Il ferma les yeux pour mieux apprécier le goût, puis les ouvrit à nouveau. Effrayé, le cheval s'étonna : le décor avait complètement changé, les feuilles avaient disparu. L'arbre... où était-il ?

Il vit quelque chose de brillant en dessous de lui et quand il baissa l'encolure, il découvrit avec fierté ses sabots d'or. Ses jambes autrefois jaunâtres étaient maintenant multicolores comme le restant de son corps. Sa crinière miraculeusement épaissie tombait gracieusement sur son poitrail. Quant à sa queue aux couleurs de l'arc-en-ciel, elle formait un élégant panache.

Il se trouvait au beau milieu d'un champ où poussaient des seaux remplis de pêches sans noyaux, de sucre, de foin et de carottes. Après avoir terminé son septième seau de nourriture, rassasié, il releva la tête et aperçut un chevalier en détresse. Ce dernier tenait un gros bouclier en or gravé d'un serpent avec lequel il tentait d'éviter les flammes d'un dragon. Voyant que la bête n'arrivait pas à tuer le chevalier, une meute de Cerbères venue tout droit des Enfers avait accouru pour l'assister. Saphir chargea les chiens et les assomma à coups de sabots, permettant ainsi au chevalier de vaincre le cracheur de flammes.

Pour le remercier de son aide, le chevalier lui donna trois dents de dragon. Saphir, déçu, se demanda ce qu'il pourrait bien faire avec ça. On lui tapota l'épaule. Surpris, il se retourna. Le choc fut terrible pour lui. Il faillit tomber dans les pommes. Devant lui se dressait une merveille : une superbe jument avec de jolis crins argentés soyeux au toucher. Elle-même était beige très clair : presque blanche. Sa queue tout aussi soyeuse était plutôt couleur crème. Ses crins flottaient sous la douce brise. Le cheval eu le coup de foudre. Elle lui dit : " Garde précieusement ces ingrédients pour... "

A peine la gentille petite jument blanche lui avait-elle parlé qu'un tourbillon de feuilles magiques le ramena au pied de son gigantesque et magnifique arbre. Il remarqua avec tristesse et désarroi qu'il n'était plus un superbe étalon multicolore mais qu'il avait retrouvé sa vieille robe grisâtre et jaunie par la saleté. Le jeune cheval se récapitula cette journée bien chargée et, à ce souvenir, il était encore plus fatigué, harassé, épuisé, vidé de toute énergie. Il fit quelques pas et s'affala au pied de son arbre.

Le lendemain. Saphir se réveilla à l'aube, toujours grognon car il avait de nouveau fait des cauchemars. Ces derniers étaient moins effrayants que ceux de la veille mais il n'était pas plus reposé. En se levant, il vit que le nombre de feuilles avait diminué au pied de l'arbre et qu'elles avaient retrouvé un peu de leur couleur. Saphir se demanda s'il n'avait pas rêvé. Avait-il réellement rencontré cette charmante jument et ce brave chevalier ? Au même moment, il sentit quelque chose s'enfoncer dans son sabot droit. Il recula et vit les présents du chevalier. Il n'avait donc pas rêvé.

Notre héros se doutait que les feuilles avait un lien avec son voyage au pays des contes. Pour vérifier son hypothèse, il décida de manger une nouvelle feuille. Effectivement, il arriva dans un nouveau conte. Il avait retrouvé ses belles couleurs et vit un Yeti essoufflé, poursuivi par des villageois. Ce monstre était vêtu d'une cape bordée d'hermine et d'une couronne en or. Saphir qui suivait la scène du regard pensa que quelque chose ne tournait pas rond. Il décida d'induire en erreur les poursuivants en les conduisant sur une fausse piste. Puis le jeune étalon rejoignit le Yeti pour le questionner.

" Merci pour ta compassion, sans toi j'aurais péri entre les mains de ces paysans, dit d'une voix haletante l'étrange bête.

-Il n'y a pas de quoi, mais que te voulaient ces gens ? interrogea le yearling.

-Mon cousin désirait mon trône et il m'a jeté un sort. Mes sujets, en voyant le Yeti que je suis devenu avec la couronne royale, ont cru que j'avais dévoré leur roi. En remerciement pour ton aide, je t'offre ces trois pincées de poudre de neige noire.

-Je te remercie pour ton cadeau et je te souhaite de retrouver ton apparence. Au fait, n'aurais-tu pas vu une belle jument couleur de neige ?

-Bien sûr, elle se dirigeait vers...

Malheureusement pour lui. Saphir n'entendit pas la fin de la réponse. Le tourbillon de feuilles l'emporta à nouveau devant son arbre.

Le troisième jour, il ne vit que quelques feuilles au pied de l'arbre et celles-ci avaient un nouvel aspect : elles étaient orangées avec du vert par-ci par-là. Le jeune cheval en mangea une et ferma les yeux. Il était pressé de retrouver sa jument. La feuille qu'il dégustait était plus sucrée et agréable que la dernière. Il rouvrit les yeux. Il se tenait devant un carrosse dans lequel une princesse parée de bijoux et vêtue d'une longue robe, pleurait. Il s'approcha d'elle et lui demanda la raison de ses pleurs. Elle lui répondit qu'il manquait un cheval à son attelage, et qu'elle n'arriverait pas à l'heure au château de Gençay.

Saphir lui proposa son aide et un laquais l'attela à côté d'un autre cheval. Il se rendit compte, avec bonheur, qu'il s'agissait de Fleur de Lys, sa jument. Elle était aussi belle que dans le premier conte : sa robe d'un blanc éclatant était à moitié recouverte par ses crins d'argent. Seuls ses yeux avaient une couleur sombre.

Une fois arrivé au château, on mit les chevaux de la princesse (ainsi que "notre " cheval) dans l'écurie royale. Avant d'aller au bal, la princesse offrit trois de ses plus beaux bijoux à Saphir en gage de sa reconnaissance. Puis elle partit retrouver son prince au palais en laissant seuls le cheval et sa compagne. Saphir se rapprocha de Fleur de Lys pour lui déclarer son amour mais elle le devança :

" Je suppose que tu t'es aperçu que l'arbre aux contes n'est pas dans son état habituel ?

-Comment le sais-tu ? Demanda le cheval.

-J'ai remarqué que les contes étaient tarabiscotés. Je sais que tu as récupéré neuf précieux ingrédients et je vais t'expliquer la recette d'une potion pour le guérir.

-Je te remercie mais je voulais que tu saches...

-Patiente un peu, laisse moi finir ! Tu devras piétiner les neuf ingrédients jusqu'à ce qu'ils deviennent verts. Ensuite, répands la potion autour de l'arbre et hennis trois fois en te balançant de droite à gauche."

Une fois de plus, le tourbillon emporta Saphir avant qu'il puisse lui déclarer sa flamme.

Exténué et harassé, il se retrouva à nouveau au pied de l'arbre. Il prit bien soin de se remémorer les paroles de Fleur de Lys. Il sortit les neuf ingrédients et les piétina jusqu'à ce qu'ils deviennent verts, comme le lui avait indiqué la jument. Ensuite, il répandit la potion autour de l'arbre et hennit trois fois en se balançant de droite à gauche. Et l'arbre redevint comme au jour où il l'avait connu. Mais au fond de lui, le jeune étalon regrettait sa magnifique et adorable jument, ainsi que sa superbe apparence !

C'est alors que, comme par magie, sans même avoir fait un vœu, un nuage de vapeur l'enveloppa et lui rendit toute sa beauté. Il se retourna pour admirer sa queue et découvrit, des larmes plein les yeux et le cœur battant la chamade, l'amour de sa vie. Sa silhouette fine et élancée se découpait dans la lumière du soir. Nos deux chevaux tout heureux de se retrouver se lancèrent au grand galop au travers de la clairière.

Essoufflés, fatigués, ils s'écroulèrent au pied de l'arbre. Blottis l'un contre l'autre pour se réchauffer, ils s'endormirent. Après une douce nuit sans rêve, ils se réveillèrent de bonne humeur, très fiers d'avoir guéri l'arbre et heureux d'être ensemble. Saphir proposa alors à Fleur de lys une promenade en forêt.

Après avoir dépassé l'orée de la clairière, illuminée par un grand soleil, les deux amoureux découvrirent ensemble les merveilles qui les entouraient. Les arbres se tenaient majestueusement autour d'eux, seul le bruit de leurs pas sur les feuilles rompait le silence. Saphir voyait d'un autre œil cet endroit qu'il avait si souvent parcouru. Il semblait y avoir quelque chose de magique. Mais, en un instant, comme si le vent se levait, ils virent passer les feuilles de l'Arbre aux contes qui s'envolaient comme dans un couloir et s'enfoncèrent au fin fond de la forêt. Les chevaux ne savaient pas comment réagir face à cette situation.

Ils décidèrent alors de suivre les feuilles. Ils remarquèrent qu'elles se détournaient de plus en plus des petites chaumières. Ils continuèrent néanmoins à les suivre en trottinant. Ce n'est que quand le chemin commença à devenir de plus en plus boueux, sombre, inquiétant et sinistre qu'ils commencèrent à se poser des questions. Soudain, les deux chevaux arrivèrent devant une grotte qui se trouvait dans un coin isolé de la forêt. Saphir expliqua à sa compagne que d'habitude, les feuilles rentraient dans de belles petites maisonnettes fleuries. En s'approchant plus près, ils entendirent des ricanements, inconnus et plutôt mauvais, provenant de l'intérieur de la grotte. Saphir et Fleur de Lys hésitèrent, puis décidèrent d'entrer dans cette mystérieuse caverne.

Au détour d'une galerie, ils découvrirent un affreux petit sorcier, vêtu d'une robe rapiécée et d'un chapeau déformé. Ce dernier avait un visage répugnant : son teint était grisâtre, son nez était crochu, son menton était en galoche, ses cheveux étaient noirs, gras et emmêlés et il avait deux petits yeux porcins. Il était recouvert de pustules et ses dents étaient toutes jaunes. Saphir et Fleur de Lys remarquèrent que le sorcier se frottait les mains en voyant les feuilles qui s'accumulaient devant lui. Ils avancèrent et l'entendirent s'exclamer de sa petite voix aiguë : " Je n'ai pas réussi à détruire cet arbre, mais personne ne pourra plus profiter du pouvoir de ses feuilles ! "

Sans prendre le temps de réfléchir les chevaux se précipitèrent sur le sorcier et se cabrèrent devant lui pour le faire reculer. Celui-ci, effrayé, se sauva ventre à terre. Libérées du pouvoir du sorcier les feuilles reprirent le chemin des chaumières.

Nos deux héros retournèrent dans leur clairière, au milieu de la forêt. Ils décidèrent de rester auprès de l'Arbre aux contes et d'y fonder une famille. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup de petits poulains multicolores qui devinrent à leur tour les " Gardiens de l'Arbre " Mais au loin, on pouvait encore entendre un grognement. " Je me vengerai..."
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Août 2013 à 12:08:13
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Histoire du papillon musicien

Il était une fois, un papillon qui s'appelait Joe et qui jouait du cordophone.

Le cordophone, instrument très populaire dans le monde des insectes, était composé d'écorces d'arbres, de nervures de feuilles et de files de toiles d'araignées tendus. On utilise ensuite une brindille appelée cracovribr'. Au frottement de cette brindille, les fils d'araignée de mettent à vibrer et produisent un son inoubliable. Tout le gratin de la haute société insecte se délectait de concerts de cordophones.

Joe ne quittait jamais son cordophone, il dormait avec, faisait ses courses avec, allait voir ses amis avec. Il cordophonait toute la journée, la nuit...dès qu'il pouvait.

Joe avait élu domicile en ville, sur un balcon, dans une petite jardinière peuplée de fleurs ordinaires et près de ses amies araignées qui réparaient son cordophone. Il y était bien. Le soir, assis sur son fauteuil géranium, il se délectait d'un bon morceau de musique en regardant le coucher du soleil sur la ville.

Un jour, Gabrielle la sauterelle entendit parler de Joe et de son cordophone. On lui avait dit qu'il jouait d'une manière merveilleuse et que sa musique réchauffait les cœurs. Elle se mit donc en quête de le rencontrer, d'aller à un se ses concerts ou d'espionner son voisinage à l'affut d'une note perdue. Mais il ne se passa rien! Pas un concert n'était annoncé, pas une note de musique ne s'échappait de son balcon. Le silence total...

Joe le cordophoniste existait-il vraiment? N'étais-ce pas tout simplement un mythe ou une légende?

Elle alla mener son enquête auprès du voisinage. Là elle rencontra José, le grand père cafard du quartier.

-« Ah, ma p'tite dame », lui dit-il, « cela fait plus d'une semaine que personne ne l'a entendu jouer. Moi qui aimait tant l'écouter ça me donne le cafard. Mais, peut être pouvez-vous lui rendre visite? Il habite au cinquième étage. »

Voici donc notre petite sauterelle gravissant les étages à la rencontre de Joe le musicien.

Lorsqu'elle arriva, elle trouva Joe complètement déprimé, abattu, il sanglotait.

-« J'ai perdu mon cordophone », lui expliqua-t-il, en reprenant son souffle. « Hier, alors que je faisait la sieste sur mon géranium préféré, j'ai entendu des pas près de moi. Lorsque j'ai ouvert les yeux, mon cordophone avait disparu. »

-« Tout cela est bien mystérieux, s'écria le jeune sauterelle. Une enquête s'impose. Commençons par rendre visite aux habitants du quartier. »

Ainsi, voilà nos deux compères partis à la recherche du cordophone perdu.

Ils rencontrèrent tout d'abord Léon le bourdon qui vivait sur le balcon d'en face.

-« C'est curieux! », leur dit-il. « Eloi le ver à soie à justement perdu son métier à tisser de la même manière. Peut être devriez-vous lui rendre visite? »

Eloi, le ver à soie vivait dans une boite à chaussures à deux balcons de là. Lors de leur arrivée, Gabrielle et Joe le trouvèrent tout agité.

-« C'est terrible », leur dit-il. « Mon métier à tisser a disparu et le chevalet de mon amie cochenille aussi. »

Cochenille était une jeune peintre adepte d'aquarelles. Elle réalisait de magnifiques tableaux tout en couleurs. Alors qu'elle sortait son puceron domestique, elle s'était fait dérober son précieux chevalet.

Gabrielle, intriguée, se demanda si tout ces vols avaient un lien les uns avec les autres.

-« C'est beaucoup trop fréquent dans le quartier, il y a forcément un seul et même voleur derrière tout ça... »

Au fils de leur enquête, Gabrielle et Joe rencontrèrent ainsi d'autres insectes qui s'étaient fait dérober un précieux objet. Il y avait Juliette, la libellule souffleuse de verre, qui avait perdu son bâton à souffler, Raymond le limaçon écrivain qui n'avait plus sa plume. Aline, la puce acrobate, s'était fait dérober son trampoline...

Le Mystère s'épaississait ainsi et nos deux enquêteurs ne comptaient plus les insectes déprimés, victime de ce mystérieux voleur.

Jusqu'au jour où Gabrielle et Joe, continuant leur tour du voisinage, rencontrèrent maître Youn, le scarabée qui tenait le restaurant japonais du quartier.

-« Il y a un entrepôt près d'ici », leur dit-il. « Depuis quelques semaines, on y entend de drôles de bruits, vous devriez aller voir. »

Chemin faisant, Gabrielle et Joe se mirent à entendre des sons grinçants et stridents qui s'échappaient de l'entrepôt.

-« Mais, c'est mon cordophone! », s'écria Joe reconnaissant le son de son instrument.

Aussitôt, les deux enquêteurs s'élancèrent dans l'entrepôt, bien déterminés à surprendre le vilain malfaiteur, voleur d'objets.

A leur grande surprise, le lieu était rempli d'objets incroyables. Ils y découvrirent le métier à tisser du ver à soie, la canne à souffler de la libellule, le chevalet de la cochenille... le lieu était plein à craquer. Le vilain avait une belle collection de vols à son actif. S'approchant à pas feutrés, ils découvrirent l'identité du voleur qui, ne s'apercevant pas de l'arrivée de nos deux amis, continuait tant bien que mal à apprendre le cordophone.

Il s'agissait du scolopendre. Ce mille pattes venimeux était connu pour ses morsures douloureuses et craint de tous les insectes.

-« Je vous tiens », cria Gabrielle la sauterelle, bondissant sur le scolopendre pour l'immobiliser. Ni une, ni deux, l'insecte se retrouva prisonnier de nos enquêteurs, tentant en vain de se débattre pour s'échapper.

Gabrielle et Joe l'interrogèrent sur la raison de ses crimes.

-« Je suis jaloux », leur expliqua le scolopendre. « Je déteste les autres insectes de mon quartier. Ils ont tous un beau talent: de la peinture, de la musique, du tissage, de l'écriture.... et moi, personne ne m'aime. Je ne sais rien faire, je suis juste bon à empoisonner les gens avec mon venin. Je voulais vous rendre tristes pour que vous compreniez comme c'est dur pour moi d'être un scolopendre. »

Le scolopendre fut remis aux mains des insectes gendarmes. Il fut condamné à rapporter tous les objets volés à leurs propriétaires. Il lui faut également attribué une période de travaux d'intérêt général où il dut tricoter dans un couvent, auprès de mantes religieuses, des pulls et des chaussettes pour les insectes frileux de l'hiver. Notre scolopendre fut tout de même ravi de cette période, il apprenait enfin à faire une activité manuelle et les religieuses étaient très gentilles.

Joe et Gabrielle, furent heureux de se dénouement. La sauterelle put enfin dire au petit papillon la raison de sa venue.

-« On m'a dit que tu jouais du cordophone comme personne », lui expliqua-t-elle. « Je me suis déplacée de loin pour t'entendre. Pourrais-tu m'interpréter un petit morceau? »

Ainsi, Gabrielle put observer Joe le papillon jouant du cordophone et virevoltant dans les airs. Il était éblouissant et sa musique réchauffait les cœurs. Elle comprenait pourquoi il avait une telle réputation.

Cette histoire s'achève autour d'une grande fête, organisée par les habitants du quartier de Joe. On y retrouve cochenille, Eloi le ver à soie, Juliette la libellule, Raymond le limaçon, José le grand-père cafard et bien d'autres encore. Tous organisèrent un grand feu de joie en l'honneur de cette enquête élucidée et du retour de leur précieux objet. Tendez l'oreille, je crois qu'on peut entendre leurs éclats de rire qui résonnent au détour d'une petite jardinière remplie de géraniums.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Août 2013 à 13:08:55
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Les nénuphars indiens

Il était une fois une sorcière, très loin dans la forêt tropicale en Inde. Elle avait un long nez crochu, des mains tordues et un visage effrayant, plein de rides. Sa chevelure ressemblait à un tas de paille et ses ongles étaient pointus et horriblement crasseux. Bref, elle ressemblait en tout point à la sorcière telle que vous l'imaginez.

Et pourtant cette sorcière n'était pas une sorcière comme les autres: elle chantait magnifiquement. A la voir, on aurait pu croire qu'elle hurlait comme une vieille casserole, mais sa voix était belle et claire comme le cristal. Quand elle commençait à chanter, toute la jungle faisait silence. On aurait dit le chant d'une centaine de cantatrices, incroyablement pur et harmonieux.

La sorcière se trouvait horrible. Elle détestait surtout sa chevelure en broussaille. Mais comment trouver un bon coiffeur, en plein milieu de la brousse!

Elle savait qu'elle possédait un don très particulier. Avec sa voix d'or, elle pouvait ensorceler qui elle voulait. Chaque soir, elle se rendait près d'un petit étang pour y chanter. Près de cette eau tranquille, sa voix envoûtante était plus belle que jamais. Tous les habitants de la jungle retenaient leur souffle. Les oiseaux siffleurs, les grenouilles bavardes, les singes criards.... tous faisaient le plus grand silence.

Lentement, le soir tombait sur la jungle et la lune montait dans le ciel. La sorcière se glissait dans un arbre creux noueux pendant qu'elle chantait, afin d'attirer le premier rayon de lune vers l'étang. Elle voulait que la fée de la lune descende du ciel avec tous les enfants des étoiles pour pouvoir les envoûter, et voler leur beauté ...

Soudainement, on vit la fée de la lune danser à la surface de l'eau, dans une pluie dorée d'étoiles scintillantes. Elle portait une tunique d'argent et une couronne resplendissante sur la tête.

Lorsqu'une étoile atteignait la surface de l'eau, elle se changeait en un enfant des étoiles. Quelque temps plus tard, d'innombrables enfants dansaient autour de la fée de la lune, au son du magnifique chant de la sorcière.

Ils dansèrent toute la nuit à la surface de l'eau, alors que le chant de la sorcière devenait toujours plus clair et puissant. Mais dès que le soleil commença à se lever, la fée de la lune dit : "Il est temps, les enfants. Nous pouvons encore attraper le dernier rayon de lune!'

Et avant que la journée ne commence, ils étaient tous remontés au ciel. La sorcière n'avait pu attraper aucun enfant des étoiles dans la lumière du soleil.

Mais la sorcière ne baissait pas les bras. Chaque soir, elle continuait d'attirer les sublimes créatures sur terre ... et par une belle nuit, elle arriva à ses fins!

Sept enfants des étoiles tombèrent sous le charme du chant envoûtant de la sorcière, sans remarquer que le soleil se levait.

La fée de la lune les appelait désespérément: 'Venez les enfants, venez! Nous devons partir. La nuit reviendra demain!'

Mais les sept enfants des étoiles continuaient à danser et la fée de la lune ne pouvait plus attendre. Elle remonta au ciel avec les autres enfants.

Le soleil commença à briller et la sorcière sortit de sa cachette. Elle continua à chanter en montant sur un rocher:

Soleil capture de tes rayons ardents
L'éclat admirable de chaque enfant
Prends leur beauté, je le veux
Pour que je colore mes cheveux

Les sept enfants des étoiles pâlirent soudainement. Et alors que les rayons du soleil touchaient la chevelure hirsute de la sorcière, elle se changeait en une magnifique masse de boucles blondes.

'J'ai réussi! J'ai enfin réussi!' jubila la sorcière. Elle se pencha et regarda son reflet dans l'eau de l'étang.

Mais la sorcière ne fut pas satisfaite par ce qu'elle voyait. Malgré ses jolies boucles, son visage était toujours celui d'une horrible vieille mégère. Et même si les sept enfants avaient perdu de leur éclat, ils étaient toujours aussi jeunes et saisissants de beauté.

La sorcière en devient folle de colère et de jalousie, et leur lança un sort dans un cri déchirant:

Dans la lumière du soleil, tu danseras
Mais en nénuphar tu te changeras!

En un instant, les enfants des étoiles furent transformés en nénuphars blancs, immobiles à la surface de l'eau. Et ils étaient bien malheureux, eux qui aimaient tellement danser.

La vue de ces sept nénuphars aux pétales refermés offrait un spectacle magnifique, mais bien triste.

Le jour même, le ciel bleu a eu pitié d'eux et leur a donné un peu de sa couleur. Voilà pourquoi les nénuphars indiens ont des reflets bleus, contrairement aux nôtres qui sont d'un blanc éclatant.

Les nuits où la lune apparait, la sorcière revient près de l'étang. On voit les nénuphars ouvrir leurs pétales, et les enfants des étoiles peuvent à nouveau danser dans la lumière de la lune ...

Peut-être un jour pourront-ils remonter au ciel près de la fée de la lune. Et de toutes ces étoiles qui ont été un jour leurs frères et leurs sœurs.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 30 Août 2013 à 14:14:20
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La gardeuse d'oies à la fontaine

Un jour, il y a très longtemps, le fils d'un puissant comte, errant dans un endroit sauvage, y rencontra une vieille, très vieille femme en train de lier un énorme tas d'herbe fraîche.
--Qu'allez-vous faire de toute cette herbe? qu'il lui demande.
--L'apporter chez moi pour la donner à mes oies.
--C'est bien trop lourd pour vous, laissez-moi vous aider.
--Volontiers, dit la vieille qui, avec une force insoupçonnée dans ce corps chétif, arrima le tas d'herbe sur le dos du jeune homme et ajouta:
--Prenez donc aussi mes paniers de pommes.
--Est-ce loin? demanda le pauvre garçon, écrasé sous la charge.
--Une heure de marche, pas plus... Allez! En route!
Le chemin grimpait durement, le soleil chauffait, les pierres roulaient sous les pieds, l'herbe pesait lourd comme du plomb, les pommes avaient le poids du bronze. ''Je n'en peux plus'', dit le jeune comte, s'arrêtant pour reprendre haleine.
--Ah! Ah! fit la vieille avec un ricanement, jeune et fort comme tu es, ne peux-tu soulever ce que je transporte à tous les jours? Pourquoi s'arrêter? Personne ne viendra te secourir ici .'' Et, ricanant de plus belle, elle prit son élan et sauta debout sur le tas d'herbe. Le garçon chancela: petite et menue comme elle était, la vieille pesait plus lourd qu'un plein tonneau de vin.
''Assez, vieille sorcière!'' cria-t-il tout en cherchant à se débarrasser de son fardeau. Mais c'était impossible: les paniers demeuraient fixés à ses mains, l'herbe attachée à son dos et la sorcière par-dessus. ''Il n'y a pas de joie sans peine, dit celle-ci. Je te réserve une belle surprise, mais il faut d'abord avancer'', et, disant cela, elle lui fouettait les bras et les jambes à grands coups de chardon.
Quand, au sommet de la montagne, la cabane de la vieille femme apparut enfin, le comte était à rendu bout de forces. Ses genoux tremblaient et un brouillard s'étendait devant les yeux. Il remarqua pourtant, au milieu d'un troupeau, une horrible gardienne d'oies, vieille et édentée, qui, sans se soucier de lui, s'élança vers la sorcière, disant:
--Comme vous revenez tard, mère, que vous est-il arrivé?
--Rien de fâcheux, au contraire, mon enfant; cet aimable jeune homme m'a offert de m'aider, et, en sa compagnie, le temps a passé très vite. Ce fut seulement après avoir longuement plaisanté sur les joies de cette promenade que la vieille, enfin, sauta à terre et délivra son porteur. Celui-ci s'écroula, plus qu'il ne s'assit, sur un banc, et il s'endormit aussitôt, anéanti de fatigue
Une main brutale l'arracha à son sommeil quelques instants plus tard. ''Voici ta récompense, lui dit la vieille, si tu en fais bon usage, elle t'apportera du bonheur.''
Le comte regarda ce qui lui était offert: c'était un coffret d'émeraude contenant une unique mais très grosse perle. Il remercia la vieille et partit aussitôt. Sa fatigue s'était dissipée, mais il dut marcher pendant trois jours avant de pouvoir quitter la montagne et il se trouva alors aux abords d'une grande ville, inconnue de lui. Il demanda son chemin et on le conduisit au palais.
Le roi et la reine le reçurent si bien que, n'ayant rien d'autre à leur offrir, il prit le coffret d'émeraude, qu'il posa sur les genoux de la reine. Celle-ci l'ouvrit et aussitôt, devenant très pâle, elle s'évanouit.
Tandis qu'on ranimait la reine, le roi s'empara du coffret, regarda ce qu'il contenait et demanda: ''Comment avez-vous eu cette perle? Je donnerais tout au monde pour retrouver celle qui l'a perdue.
--Je ne sais pas qui l'a perdue, dit le comte, mais celle qui me l'a donnée ne mérite certes pas tant d'empressement.'' Puis il raconta ce qu'il savait de la sorcière.
Le roi l'écouta avec attention et le supplia de le conduire aussitôt auprès d'elle. Quant à la reine, à peine revenue de son évanouissement, elle insista tellement pour se joindre à eux, que tous trois se mirent aussitôt en route.
A la nuit tombante ils s'égarèrent et le comte se retrouva seul, dans une vallée sauvage où il décida de passer la nuit dans les branches d'un gros orme, au-dessus d'un puits abandonné. Il allait s'endormir lorsque, à la lueur de la lune, il aperçut une forme humaine descendant la vallée: c'était la gardienne d'oies. Elle s'approcha du puits, ôta les nattes grises qui couvraient ses cheveux et le masque de peau qui cachait son visage, puis, se penchant sur l'eau, elle mouilla ses mains, ses bras et sa figure. Alors elle apparut, belle comme le jour, avec son teint de lis, ses yeux clairs et le manteau d'or de ses cheveux la couvrant tout entière.
Si grande était la stupéfaction du comte qu'il ne pouvait en croire ses yeux et, écartant les feuilles, il se pencha pour mieux voir. Mais son geste fit craquer une branche et, prompte comme une biche effarouchée, la jeune fille remit son masque et disparut à travers les buissons, tandis qu'un nuage venait voiler la lune et couvrir sa retraite.
Le comte descendit de l'arbre et s'élança à la poursuite de la si belle inconnue. Il ne put la rejoindre, mais sa course le conduisit auprès de l'endroit où s'étaient arrêtés le roi et la reine et, les éveillant, il leur raconta ce qu'il venait de voir. A son récit, l'émotion de la reine s'accrut encore. Incapable d'attendre que le jour se lève, elle décida le roi à reprendre aussitôt leurs recherches, et tous trois marchèrent longtemps à la clarté des étoiles. Arrivés enfin, au sommet de la montagne, ils aperçurent une lumière. La sorcière veillait encore, guettant les arrivants, et au premier coup qu'ils frappèrent, la porte s'ouvrit.
--Que désirez-vous? dit la vieille, hargneuse.
--Madame, lui dit la reine, d'où tenez-vous cette perle?
--C'est une larme que pleurait une pauvre fille, chassée par ses parents.
--Ma fille aussi pleurait des perles, dit la reine.
--Et moi, je l'ai chassée, dit le roi.
--Si ma fille est encore en vie et si vous savez où elle est, s'écria la reine, dites-le-moi, par pitié.
Mais la sorcière refusa de répondre et lui demanda quel crime avait pu commettre son enfant pour qu'elle soit chassée.
''J'avais trois filles, commença la reine, que j'aimais tendrement, mais la plus jeune était ma préférée.''
--Elle était la mienne aussi, reprit le roi, mais un jour, j'ai voulu savoir à quel point mes filles m'aimaient. L'aînée, qui est coquette, m'a répondu qu'elle m'aimait plus que sa plus belle robe. La seconde, qui est coquette aussi, m'a dit qu'elle me préférait à ses plus beaux bijoux. La troisième m'a répondu: ''Je vous aime comme j'aime le sel.'' Alors je l'ai chassée et j'ai partagé mon royaume entre les deux autres.
--Ah! Ah! Ah! s'écria la sorcière. Les aliments sans sel n'ont pas de goût. Votre fille voulait dire que, sans vous, la vie n'aurait plus de saveur, et vous l'avez chassée. Ah! Ah! Ah!
--Hélas! dit la reine. Nous l'avons compris trop tard! Nous avons fait en vain fouiller la forêt et la montagne. Sans doute les bêtes sauvages ont dévoré notre pauvre fille.
--Sans doute, dit la sorcière et, se levant, elle ouvrit une porte et appela: ''Viens, ma fille.''
Ce ne fut pas la gardienne d'oies qui entra, ou plutôt ce fut elle, sous la forme de la magnifique princesse que le comte avait aperçue au bord du puits. Elle se jeta en pleurant de joie dans les bras de ses parents, et ses larmes étaient des perles. Sans mot dire, le comte observait la scène, puis, détachant avec effort son regard de la belle princesse, il voulut implorer la pitié de la sorcière... Mais il ne reconnut plus celle-ci.
Un sourire de joie la transfigurait et il comprit que cette vieille femme si odieuse n'était pas une sorcière, mais plutôt une bonne fée déguisée.
''Puisque vous avez déshérité votre enfant, dit-elle intervenant alors, et puisque, depuis trois ans, je la considère comme ma fille, avant de vous la rendre laissez-moi la doter. Pour fortune, je lui donne ce monceau de perles, qui sont toutes les larmes qu'elle a versé sur vous. Pour demeure, je lui offre cette chaumière où elle a vécu loin de tout danger, sans autre chagrin que votre absence, et pour époux je lui suggère de prendre ce jeune comte dont le coeur est bon, puisqu'il a tour à tour secouru une vieille femme ployant sous sa charge et aussi des parents accablés par le chagrin.''
A peine avait-elle achevé sa phrase que la chaumière se mit à craquer de toutes parts: un splendide palais la remplaça, et le jour levant éclaira la montagne, brusquement devenue fertile et peuplée. Nul ne revit la bonne fée, mais la fille du roi et le fils du comte vécurent longtemps, heureux et puissants dans le lieu même où, autrefois, il avait été si difficile de nourrir un troupeau d'oies.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 31 Août 2013 à 09:38:52
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La perle rare du géant


Aux temps où géants et lutins vivaient encore parmi les hommes, le seigneur du causse blanc était un géant dont l'orgueil n'avait d'égal que l'avarice.


Il arpentait ses terres arides à grandes foulées en s'appuyant crânement sur une canne haute comme un mât. Elle était taillée d'une pièce dans un chêne centenaire, son pommeau était incrusté d'une énorme perle noire aussi grosse qu'une oule de bonne tenue. Aux yeux de tous, cette merveille symbolisait, à elle seule, la toute puissance du seigneur de céans. Ce dernier, martelant le sol de sa canne et exhibant sa perle obscure aux éclats du soleil, aimait parader, faisant le tour de ses gens pour leur réclamer son dû et ses nombreux impôts. Ces pauvres paysans, brasseurs de caillasses, étaient d'autant plus miséreux que leurs terres, bien froides l'hiver étaient complètement sèches l'été. Les pluies qui les arrosaient parfois, disparaissaient aussitôt dans le sol calcaire, sans que ni bêtes, ni plantes, ni hommes ne profitent justement de leurs eaux convoitées et salutaires.
Or un matin, au cours d'une tournée de taxes, le géant rencontra à la croisée des chemins du Pech de Fourques, un lutin souriant, appuyé nonchalamment sur une canne mal dégrossie dans une branche d'oranger. Après quelques civilités échangées le petit personnage s'adressa ainsi au géant :
"Beau messire, quel magnifique joyau je vois là trôner sur votre canne ! Vous devez être bien heureux de posséder une telle pièce pour orner votre sceptre, mais quel dommage qu'une telle merveille de la nature soit si solitaire dans vos atours d'apparat. Quel serait votre bonheur et votre renommée d'enrichir d'une autre pareille votre feutre, de dix autres votre collier et de vingt autres votre ceinture ? Votre puissance et votre gloire se verraient et se sauraient au-delà des marches du royaume."
"Si fait mon bon petit ami ", dit le géant rêveur et attristé", mais cette perle orpheline est unique en son genre "
"Ah mais qu'à cela ne tienne !" répliqua le lutin enjoué "Il y a ici même sous nos pieds, suffisamment de bonne terre, pour que celui qui sait : quoi quand et comment planter, voit croître et multiplier en abondance les fruits les plus précieux, les plus extraordinaires, les plus surprenants soient- ils. Nous autres lutins, amis des fées, connaissons ces secrets magiques et ancestraux."
"Eclaire-moi donc l'ami, et je te couvrirais d'or et de richesses, à ta suffisance "
"Soit puissant Seigneur! J'ai confiance en ta noble parole ...Pour que ta splendide perle se multiplie, il te suffira de l'enterrer à minuit, un vingt neuf du mois de février, dans un endroit comme ici, désert et bosselé de cailloux. Au-dessus, plante cette branche d'oranger, puis part sans te retourner et ne reviens que sept jours plus tard. Il ne te restera alors qu'à venir cueillir les fruits de l'arbre que tu trouveras en lieu et place. Un sur sept sera une perle du même calibre que celle-ci, pour les plus petites. Quel jour sommes-nous ?" conclut le lutin.
"Le vingt neuf février "répliqua le géant, ravi et réjoui du hasard, de la chance, des fruits promis et de sa bonne fortune.
"Et bien fait ce que bon te semblera pour le mieux de tes intérêts !" claironna le petit être , abandonnant sa canne d'oranger tout en s'échappant en sautillant.
Ainsi le soir même, un peu avant la mi-nuit, le géant, en grand secret, sa canne d'une main, la branche d'oranger de l'autre, se faufila dans la pénombre jusqu'en un lieu adéquat. D'un coup de sa canne en chêne, il ouvrit un trou dans le sol pierreux et y déposa sa perle merveilleuse. Il referma bien le tout en prenant bien soin de planter au-dessus le bois d'oranger. Enfin, il repartit sans se retourner dans la nuit, plein d'espoir et d'impatience...
Au jour dit, fébrile sa longue attente, il retourna sur les lieux ...Mais il ne vit aucun oranger miraculeux, aucun arbre perlier d'aucune sorte. Fou de douleur, il fouilla le sol pour récupérer sa perle, son précieux bien, son âme, son pouvoir. Mais il eut beau planter dix fois, cent fois et plus sa canne en maints endroits, rien n'y fit. Les trous restaient béants, vides de perle.
Alors il courut tout le pays comme un dément, sondant le sol de sa canne mutilée, pleurant toutes les larmes de son corps démesuré après son trésor et son honneur disparus...
Honteux et ruiné, il ne laissait derrière lui qu'une multitude de trous, avec juste en leurs fonds que l'eau de ses larmes et les échos de ses pleurs. Puis un matin, on ne le revit point, en quelque endroit que ce soit .
Cette histoire est vraie de vrai, en voici trois preuves. Depuis cette aventure on ne voit plus de géant dans ce pays. Il n'y a toujours pas d'oranger sur ces terres de causse. Par contre, on peut encore voir les dizaines et centaines de trous, traces des fouilles infructueuses du géant. Les paysans les ont même bâti en puits et citernes .Ils offrent maintenant une autre richesse essentielle dans ces terres calcaires : l'eau...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 02 Septembre 2013 à 07:31:57
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La visite de Mère Hiver

Tous en Cercle, et je vais vous raconter une histoire pour une longue nuit d'Hiver...

Il était une fois deux soeurs, nous pouvons les appeler Zelda et Johanna, même si elles ont vécu il y a tellement longtemps qu'on ne se rappelle plus de leurs vrais noms. Zelda, la soeur aînée, était très belle à regarder, mais elle n'était pas très gentille. En fait, comme elle était très belle, elle menait sa vie en s'imaginant que tout le monde devait lui rendre service, et la laisser faire ce qu'elle voulait ; et assez souvent, c'est ce que les gens faisaient.
Johanna, la soeur cadette, était différente. Elle était sympathique avec tous ceux qu'elle rencontrait, et serviable, surtout avec les personnes âgées de son village. Elle leur rendait toujours service, essayait de s'assurer qu'ils avaient assez à manger et qu'ils avaient tout le confort nécessaire à disposition. Johanna était plutôt quelconque à regarder, pas laide, mais certainement pas une beauté non plus. Seules les personnes suffisamment sages pour voir sous la surface des choses remarquaient son esprit magnifique dont la brillance filtrait par ses yeux.
Un jour Johanna et Zelda filaient la laine ensemble près du petit puits qui alimentait en eau leur cottage. Johanna faisait tourner son fuseau pour tordre le fil et le lâcha brusquement. Le fuseau roula sur la margelle et tomba dans le puits.
«Regarde ce que tu as fait ! » dit Zelda. « Tu ferais mieux de descendre dans le puits et de le récupérer. On ne peut pas se permettre de le perdre. »
Johanna avait peur mais elle savait que Zelda avait raison. Il n'y avait pas assez d'argent pour remplacer le fuseau. Alors elle descendit prudemment dans le puits en prenant appui sur les pierres les plus saillantes.
Elle descendit, encore et encore et encore, jusqu'à ce que le Cercle de lumière en haut devienne une minuscule étoile, puis disparaisse. Et pourtant le fond du puits n'arrivait toujours pas. Mais il fallait qu'elle continue, et qu'elle récupère le fuseau ! Alors elle continua.

Après un très long moment, elle sentit finalement le sol sous ses pieds. Surprise, elle cessa de s'accrocher aux pierres. Le puits disparut, et elle se tint soudain au milieu d'un vaste champ de neige argentée. Elle ne pouvait distinguer ni Soleil, ni Lune, mais le ciel au-dessus d'elle semblait briller d'une lumière d'argent, et au loin se trouvait un petit bois d'arbres à l'écorce blanche, qui semblaient briller de l'intérieur.
Johanna commença à marcher vers les arbres, et se trouva soudain sur un chemin qui serpentait entre eux. Elle marcha encore, cherchant partout du regard son fuseau. Elle arriva finalement dans une clairière.
Au centre de la clairière se trouvait un énorme pommier, très vieux. Ses rameaux étaient couverts de neige et alourdis par des pommes rouges.
« Cueille-les, cueille-les ! » dit le pommier. « Mes branches vont se briser sous le poids de tous ces fruits. Récolte-les ! Aide - moi ! »
Johanna regarda autour d'elle et vit un grand panier à ses pieds. « Je vais t'aider », dit-elle au pommier, et elle se mit tout de suite au travail. Elle cueillit toutes les pommes qu'elle put atteindre, puis grimpa dans l'arbre pour ramasser les fruits sur les branches les plus hautes. En récoltant les fruits, elle commença à se sentir étrange et rêveuse, à se rappeler toutes sortes de choses qu'elle avait oubliées, comme si en ramassant les pommes elle ramassait ses propres souvenirs. Elle se sentit très fatiguée, mais ne s'arrêta pas avant d'avoir récolté jusqu'au dernier fruit. Puis elle redescendit, remercia l'arbre pour ses fruits, accrocha le panier sur ses épaules et se remit en route.

Le chemin la conduisit de nouveau dans la forêt d'arbres argentés ; des oiseaux d'argent s'appelaient les uns les autres au-dessus d'elle, et des écureuils d'argent couraient parmi les branches enneigées. Elle était fatiguée et le panier était lourd, mais elle continua, cherchant toujours son fuseau. Elle parvint enfin à une autre clairière.
Dans cette clairière se trouvait un gros four de briques, construit à l'ancienne. Devant le four se trouvait une table de bois, et dessus, des miches de pain encore crues.
«Fais-nous cuire ! Fais-nous cuire ! » crièrent les pains. « Si on ne nous fait pas cuire maintenant, en respectant bien le temps de cuisson, nous serons gaspillés. Aide-nous ! »
«Bien sûr, je vais vous aider », dit Johanna. « Je sais cuire le pain. » Elle posa son panier et mit les miches de pain au four, puis elle s'assit et surveilla la cuisson. Elle se sentit encore somnolente et rêveuse, mais cette fois-ci, elle repensait à toutes les choses qu'elle souhaitait et prévoyait de faire dans sa vie, comme si les miches de pain étaient ses propres espoirs et ses rêves en train de lever. Elle lutta contre le sommeil bien qu'elle soit très fatiguée, et continua de surveiller le pain jusqu'à ce qu'il devienne doré et que la croûte soit craquante. Puis elle le sortir du four, le laissa refroidir, et le posa dans le panier avec les pommes. Elle remercia le four pour le pain et se remit en route.

Elle marcha encore dans la forêt, où des renards argentés filaient entre les arbres et où des sangliers blancs laissaient des traces dans la neige. Enfin elle parvint à une autre clairière, et là, elle vit une maison à nulle autre pareille.
La maison était faite de toutes les choses bonnes à manger qu'elle pouvait imaginer. Les murs étaient en gâteau de miel et en pain d'épice, le toit en glacis de chocolat blanc, les marches étaient en bonbon dur, et les rampes en sucre d'orge.
Johanna avait très faim, mais elle savait que ce n'était pas poli de commencer à grignoter la maison de quelqu'un sans demander la permission, alors elle frappa à la porte, qui était un gros cookie au citron.
La porte s'ouvrit et Johanna vit une femme. A première vue, elle semblait très, très vieille, mais quand Johanna regarda mieux, elle lui parut plus jeune. Son visage était sombre comme le vieux bois, ou comme le jeune ciel nocturne, mais lorsque Johanna clignait des yeux, elle devenait blanche, pâle et argentée comme une pleine Lune ou un champ enneigé. L'espace d'une minute Johanna voulut sauter dans ses bras et se serrer contre elle sur ses genoux, mais la minute suivante, elle se retrouva presque trop effrayée pour parler et soutenir le regard ardent de cette femme.
«Je suis Mère Hiver », dit la femme. « Qui es-tu, toi qui viens frapper à ma porte ? »
«S'il vous plaît, Mère, je m'appelle Johanna », répondit-elle. « Je suis à la recherche de mon fuseau, que j'ai perdu, et je vous apporte un panier de pommes que j'ai cueuilli, et du pain que j'ai fait cuire. »
«Tu as frappé à la bonne porte », dit Mère Hiver. « Tous les fuseaux perdus viennent à moi. Et tu m'as apporté de bonnes offrandes. Je t'aiderai, mais avant cela, il faudra que tu travailles pour moi. Tu dois couper du bois pour me tenir chaud, nettoyer ma maison, et faire mon lit. »
«Avec plaisir, Mère », dit Johanna, et elle se mit immédiatement au travail. Comme elle avait toujours aidé les gens de son village, elle savait couper du bois avec une hache, laver les sols, nettoyer les tables et faire la vaisselle. Mère Hiver observa tout ce qu'elle faisait, très satisfaite.
«Maintenant, il te reste juste à monter à l'étage et faire mon lit », dit Mère Hiver. « Secoue bien ma couette de plume par la fenêtre, et fais-le vigoureusement. Car je suis Mère Hiver, et quand tu secoues ma couette par la fenêtre tu apportes de la neiges dans les endroits du monde qui en ont besoin, et de la pluie dans les endroits du monde qui en ont besoin. »
Alors Johanna monta et secoua la literie de plume aussi fort qu'elle le pouvait, et dans le monde d'en-haut la pluie et la neige tombèrent comme il le fallait.
«Tu dois être fatiguée et avoir faim », dit Mère Hiver. « Viens prendre un peu de soupe et un repas chaud. »
Dans la cheminée, Mère Hiver avait mis un gros chaudron plein de soupe chaude. Elle en tendit un bol à Johanna, qui pendant un instant put jeter un coup d'oeil dans le chaudron. Le breuvage y était noir comme le ciel nocturne, constellé d'étoiles tourbillonnantes et de flocons de neige.
«Dans mon chaudron, tu peux voir tous les rêves et tous les possibles », dit Mère Hiver. « Tout ce qui est arrivé et tout ce qui ne s'est pas encore produit y mijote ensemble. Maintenant, buvons. »
Johanna but, et la soupe avait meilleur goût que tous les bonbons et tous les gâteaux du monde. Elle était nourrissante, rafraîchissante et excitante à la fois, et une seule gorgée suffisait pour être rassasié.
«Voici ton fuseau », dit Mère Hiver en le tendant à Johanna. Lorsqu'elle le prit en main, il était lourd, et lorsqu'elle le regarda, elle vit qu'il s'était changé en or massif. Puis, Mère Hiver et elle mangèrent du pain et des pommes.
«Tu as bien travaillé » dit Mère Hiver lorsqu'il fut temps pour Johanna de partir. « Tu m'as apporté de bonnes offrandes. Tu as nourri mon feu et nettoyé ma maison, et tu as secoué bien fort ma couette de plume ! Quand tu retourneras dans ton monde, tu découvriras que tu a emporté avec toi des dons. Car je suis la Pourvoyeuse et l'Enseignante. »

Johanna revint donc, parcourut tout le long chemin à travers le bois argenté, passa devant le four, passa devant le pommier, jusqu'au vaste champ où un cercle sombre s'ouvrait dans le ciel comme une bouche béante. Johanna brandit son fuseau d'or, et un rayon de lumière s'éleva dans l'obscurité. Elle sentit soudain les pierres du puits sous ses mains et elle grimpa, monta et monta jusqu'à repasser par dessus la margelle.
Zelda s'impatientait près du puits. « Où était-tu ? » demanda - t' elle. « Qu'est-ce qui t'as pris si longtemps ? Et qu'est-ce qui t'es arrivé ? »
Car Johanna avait l'air assez différente de la jeune fille qu'elle était avant de descendre dans le puits. Ses traits n'avaient pas changé, mais à présent son visage semblait briller d'une lueur intérieure, et la bonté de son coeur la rendait vraiment belle. Elle ouvrit la bouche pour expliquer à sa soeur ce qui s'était passé, et tandis qu'elle parlait, de l'or, de l'argent et des pierres précieuses tombèrent de sa bouche et couvrirent le sol.
«Tu as pris du bon temps, à ce que je vois ! » dit Zelda. Elle était très jalouse. « Pourquoi est-ce que tu devrais avoir toutes ces bonnes choses et moi rien ? Je vais descendre dans ce puits moi-même ! »
Et elle enjamba la margelle pour descendre. Elle se retrouva dans le pays argenté, et marcha à travers le bois jusqu'à la clairière au pommier.
«Cueille-moi, cueille-moi ! » dit le pommier. « Mes branches vont se briser sous le poids de tous ces fruits. Récolte-les ! Aide - moi ! »
«Ha ! », dit Zelda avec ennui. « Est-ce que j'ai l'air d'un jardinier ? Tu ne crois pas que j'ai des choses plus importantes à faire que de perdre mon temps à ramasser des pommes ? Qu'elles pourrissent, tes pommes ! »
Et elle passa son chemin.
Elle arriva bientôt à la clairière au four où des miches de pain attendaient d'être cuites.
«Fais-nous cuire ! Fais-nous cuire ! » crièrent les pains. « Si on ne nous fait pas cuire maintenant, en respectant bien le temps de cuisson, nous serons gaspillés. Aide-nous ! »
«Ha ! » dit Zelda avec ennui. « Est-ce que j'ai l'air d'un boulanger ? Tu ne crois pas que j'ai des choses plus importantes à faire que de m'asseoir et de regarder du simple pain qui cuit ? Qu'il soit gaspillé, qu'est-ce que ça peut bien me faire ? » Et elle passa son chemin.

Elle arriva finalement devant la maison de Mère Hiver, faite en toutes les bonnes choses qu'elle pouvait imaginer manger. Elle avait faim, alors elle brisa un morceau de pain d'épices dans un mur et commença à le manger.
La porte de la maison s'ouvrit et Mère Hiver sortit. « Je suis Mère Hiver », dit-elle. « Qui es-tu, et pourquoi viens-tu ici ? Pourquoi manges-tu ma maison sans m'avoir demandé la permission ? »
«Excusez-moi », dit Zelda. « J'avais faim. Je suis venue parce que vous avez donné des choses vraiment merveilleuses à ma soeur et je pense que vous devriez aussi me faire quelques cadeaux. »
«Ah, vraiment ? Vraiment ? » dit Mère Hiver. « Quelles offrandes m'apportes-tu ? »
«Des offrandes ? » dit Zelda. « Je ne savais pas que j'étais sensée apporter des offrandes. Je pensais que c'était vous qui faisiez des cadeaux. »
«Je suis la Pourvoyeuse, en effet », dit Mère Hiver. « Mais les cadeaux se méritent. Tu as grignoté ma maison sans me demander la permission, et tu ne m'as apporté aucune offrande, mais je vais quand même te donner une chance d'obtenir mes cadeaux. Tu devras travailler pour moi. Il faudra couper du bois pour nourrir mon feu et nettoyer ma maison, et faire mon lit. »
«Je suis obligée ? » pleurnicha Zelda. « Est-ce que j'ai l'air d'une femme de ménage ? » Mais elle ne le dit pas très fort. Elle sortir pour couper du bois mais comme elle n'avait jamais pris la peine d'aider qui que ce soit dans ses corvées auparavant, elle ne savait pas comment couper une bûche ni comment utiliser une hache. Après quelques essais à contrecoeur, elle abandonna. Elle rassembla quelques morceaux qui restaient sur le sol et les apporta à l'intérieur. Puis elle essaya de nettoyer le sol mais tout ce qu'elle parvint à faire fut de déplacer la poussière. Elle fit tomber les miettes de la table sur le sol, ce qui le rendit encore plus sale, et fit la vaisselle avec tellement de mauvaise volonté que de la nourriture collait encore aux assiettes quand elle les empila.
«Je peux avoir mes cadeaux maintenant ? » demanda Zelda.
«Tu n'as pas bien travaillé », dit Mère Hiver. « Tu as grignoté ma maison sans permission, et tu ne m'as apporté aucune offrande. Tu n'as pas nourri mon feu, ni nettoyé ma maison. Pourtant je vais encore te donner une chance. Monte à l'étage et fais mon lit. « Secoue bien ma couette de plume par la fenêtre, et fais-le vigoureusement. Car je suis Mère Hiver, et quand tu secoues ma couette par la fenêtre tu apportes de la neiges dans les endroits du monde qui en ont besoin, et de la pluie dans les endroits du monde qui en ont besoin. »
«Oh, d'accord. » soupira Zelda. Elle monta à l'étage et essaya de soulever la couette, mais elle lui sembla trop lourde.
«Elle ne saura jamais si je l'ai fait ou non », se dit Zelda, et elle se contenta de la tapoter un peu sur le lit avant de redescendre. Ainsi, dans le monde d'en haut, il ne plus pas et ne neiga pas, et la terre resta sèche, brune et altérée.
«Je peux avoir mes cadeaux maintenant ? » demanda Zelda avec espoir.
Mère Hiver soupira. « Tu n'as pas bien travaillé. Tu as grignoté ma maison sans permission, et tu ne m'as apporté aucune offrande. Tu n'as pas nourri mon feu, ni nettoyé ma maison, et tu n'as même pas secoué ma literie. Pourtant je vais t'offrir de goûter à ma soupe. »
«De la soupe ! » s'écria Zelda, indignée. « Je ne suis pas venue ici pour de la soupe. Je suis venue pour l'or et les joyaux et la beauté que ma soeur a eues. »
« Très bien » dit Mère Hiver. « Je suis la Pourvoyeuse et l'Enseignante. Retourne dans ton monde, et tu y découvriras que tu as reçu les dons que tu mérites. »

Alors Zelda revint par le long chemin dans la forêt argentée, passa le four et le pommier et le champ enneigé , grimpa dans le puits, et trouva en passant la margelle sa soeur Johanna qui l'attendait.
« Mais qu'est-ce qui t'es arrivé ! » cria Johanna. Car Zelda avait changé. Bien que ses traits soient restés les mêmes, ils semblaient maintenant tirés et pincés, aussi tordus que son esprit. Et lorsqu'elle parla, des nuages de mouches et de moustiques s'échappèrent de sa bouche.
Et ainsi demeura - t' elle jusqu'à la fin de ses jours, ou au moins jusqu'à ce qu'elle ait compris quelques leçons. Qui sait ? Peut-être qu'elle est retournée dans le puits et qu'elle a mieux travaillé cette fois. Car Mère Hiver est l'Enseignante, qui nous donne toujours une seconde chance.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 02 Septembre 2013 à 08:21:26
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Une rose enchantée...

Il y a beaucoup d'années, très loin au fond
d'une forêt vivait une vieille dame.
Elle se prénommait Rita.
Son dos courbé, ses cheveux gris, sa figure ridée
faisait croire qu'elle était d'un âge avancé.
Mais certaines gens croyaient davantage que c'était
le chagrin qui l'avait transformée ainsi.
En effet, son mari, Alphonse, avait été emporté par les anges.
Et depuis ce temps, elle avait décidé de vivre au travers de la
nature, les fleurs, les animaux dans une petite maison de bois rond.

Elle possédait très peu de choses.
Un poêle à bois, une petite table, une chaise.
Quelques plats, ustensiles et chaudrons pour cuisiner un peu
car elle ne mangeait pas beaucoup et ne dormait pas beaucoup.
Sa plus grande préoccupation, les fleurs de son jardin.
Elles enjolivaient son coeur et lui adoucissaient la vie.
Mais toutes ces jolies fleurs réclamaient des soins.
Et Rita leur prodiguait les meilleurs soins de ses mains et de son coeur.
Et des fleurs magnifiques grandissaient aux yeux ravis de Rita.

Mais un jour, malgré tous les bons soins de Rita,
le soleil ardent et les rares pluies courbaient toutes
les fleurs, marguerites, narcisses, pétunias, jonquilles
et toutes les plus belles variétés les unes des autres
et lui faisait craindre le pire.

Mais...

Mais au coeur de toutes ces fleurs se cachait une fleur spéciale
et d'une beauté rare.
On la prénommait "rose". Rose se teintait de rouge,
de rose bien sûr, de jaune et une petite nouvelle la bleue.
On prétendait que rose était d'une grande fragilité!
Et pourtant avec un peu d'amour tous les jours, rose tenait bon.
Elle conservait sa forme et sa couleur malgré le soleil ardent
et les rares pluies.
Rita l'eut vite remarqué.
Et c'est avec tout son coeur qu'elle lui offrait son amour.
Rose se sentit si aimée qu'elle donna force et courage
à ses petites soeurettes les fleurs pour tenir le coup
jusqu'aux prochaines pluies.

Et un jour plus merveilleux que tous les autres,
une pluie d'argent tomba durant la nuit.

Rose avertit toutes les fleurs leur donna beaucoup
d'amour et on put voir toutes les fleurs reprendre leurs
formes et leurs couleurs devant les yeux ébahis de Rita.
Toutes ses fleurs revivaient, elles étaient miraculeusement
sauvées par l'amour de rose.
Et tournant son regard, elle vit avec son coeur et ses yeux,
un champs sec et aride, se transformer en un champs de
roses de toutes les couleurs!
Mon Dieu! se dit-elle,
"Les mots sont trop petits pour exprimer les sentiments de mon coeur". Et c'est à ce moment qu'une petite voix dit: "Prends une rose, elle exprime tout l'amour du coeur." Elle cueillit une, une belle rouge, elle huma son parfum, la posa sur son coeur et l'aima. Et c'est alors...que Rose redressa le dos, ses cheveux devinrent blonds comme les blés, ses rides disparurent et retrouva son coeur de jeune fille.
Et de loin, elle put voir la silhouette de son Alphonse.
"Alphonse" cria-t-elle.
Alphonse courut vers sa Rita, la prit dans ses bras et maintenant
plus jamais ils ne seront séparés.

Car l'amour que Rita avait prodigué à sa rose,
rose l'avait redonné à son tour à Rita.
Elle avait fait revivre un grand amour celui de Rita et Alphonse.

Et c'est ainsi que rose devint le symbole de l'amour et de l'espoir!
"Un amour n'est jamais tout à fait perdu lorsqu'il y a l'amour et l'espoir"

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Septembre 2013 à 08:53:58
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La petite boîte à mots

Il était une fois une source d'où s'écoulaient des mots. Ils arrivaient un peu au hasard, des fois au compte gouttes, d'autres fois à flots, mais ils s'écoulaient sans cesse. Il n'y avait pas de propositions comprenant plus de deux ou trois mots, pas de phrases, pas d'histoires. Les mots grouillaient de partout : ils bourdonnaient là où on s'y attendait le moins et on pouvait tomber dessus n'importe où. Ce qui est sûr, c'est qu'ils n'avaient ni queue ni tête. On ne comprenait rien à rien, tellement ils étaient nombreux et désordonnés.

Mais un jour, Fantaisissimus, un bon sorcier plutôt facétieux, découvrit la source des mots. Lui, il aimait accomplir toutes sortes de sortilèges, même si certains étaient regrettables. Encore qu'il fut un bon sorcier, comme on disait...
Fantaisissimus se passionna pour la Source des Mots sans Queue ni Tête. Il joua un peu avec les mots, les disposa par rangées de dix, puis de cent, il tissa des tapis de mots et fabriqua des petites maisons avec un feu qui brûlait à l'intérieur et une fumée de mots qui sortait par la cheminée. Cela dura un certain temps, jusqu'à ce que Fantaisissimus s'en lasse.

Alors, il pensa créer un sortilège plus compliqué qui puisse durer pour toujours et dont personne ne se lasserait jamais. Il commença par étudier les mots et s'aperçut qu'ils n'étaient pas tous pareils. Fantaisissimus observa qu'il existait des mots très arrogants, qui nommaient touts ce qui se trouvait autour. Il existait également des mots qui entraînaient d'autres mots, qui les suivaient sagement, comme les poussins suivent leur mère. Il y avait des mots qui ne tenaient pas en place et qui faisaient le lien entre les autres mots. Il y avait des mots boiteux, des mots acariâtres, des petits mots, des grands mots, des mots gentils, des mots méchants, toutes sortes de mots.

Comme les abeilles dans une ruche. Ils ressemblaient beaucoup aux abeilles, en effet, car ils volaient partout, piquaient des fois assez méchamment, mais il arrivait aussi que dans leur batifolage, ils fassent couler du miel.

Après avoir observé toutes les espèces de mots, Fantaisissimus se mit à les organiser. Il prit des petites boîtes spéciales et il construisit toutes sortes d'objets faits de mots qu'il rangea dedans. Des fois, ça lui prenait beaucoup de temps pour remplir une boîte, d'autres fois ça allait assez vite. Il aligna ces boîtes sur des étagères et les envoya dans le monde pour faire un cadeau aux hommes.

Les hommes les nommèrent « livres ». Les livres sont comme des petites boîtes où se tiennent tranquilles, bien organisés par Fantaisissimus, beaucoup d'objets faits de mots. En les ouvrant, on y trouve des choses qu'on a du mal à imaginer : des animaux et des rivières, des grands navires, des palais, des fées et des recettes de bons gâteaux, et aussi des choses un peu plus compliquées, qu'il serait difficile de raconter, comme par exemple des leçons de chimie ou de mathématiques.

Des fois, les mots de certaines boîtes courent et sautent partout dans la maison dès qu'on ouvre un livre – pardon ! une boîte de Fantaisissimus. Puis ils reviennent et se tiennent tranquilles jusqu'à la prochaine fois où quelqu'un ouvre la boîte. Et ils peuvent rester ainsi des mois, des années, des décennies, voire des siècles d'affilée. Des fois ils restent jeunes, d'autres fois, ils vieillissent et quand on ouvre la boîte, ils ne sont plus aussi fringants ; ils grincent et ont besoin de réparations.

Alors d'autres mots, plus jeunes, envoyés par Fantaisissimus, viennent à leur secours. Car la source des mots coule sans s'arrêter et l'enchanteur des mots, Fantaisissimus, s'est installé juste à côté d'elle et fabrique toujours ses boîtes magiques.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Septembre 2013 à 12:50:38
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Le petit garçon à la rose

C'est l'histoire d'un petit  garçon qui trouva un jour sur son chemin une rose.

Il en caressa les pétales, et la rose qu'on avait coupée se dit : « je n'ai jamais eu autant de vie, depuis que ce petit garçon m'a cueillie ».

Mais il ne l'avait pas cueillie, il l'avait trouvée sans vie sur le chemin de sa vie. Il en est ainsi des choses : où certains pensent qu'on les fit, le hasard fit qu'on les trouva.

Et depuis il aimait sa rose et en rêvait souvent la nuit.

Elle était toute rose - sa rose ; il l'avait mise dans un grand verre d'eau, parce que la tige n'était pas longue et qu'elle n'aurait pas aimé la terre où l'on cachait les êtres et les choses.

C'était une belle rose de l'été.

Le petit garçon s'est dit : « ce sera bien pendant l'hiver : quand je regarderai ma rose, je ne verrai plus que l'été et je n'aurai plus de pluie, ni d'hiver ».

Il ignorait que les petits garçons grandissent après l'été et oublient toutes choses - même les roses qui se fanent quand vient l'hiver.

Le petit garçon s'est endormi - rêvant d'une rose perdue dans un grand verre de cristal transparent.

Au matin le soleil brillait : il regarda la rose endormie, dolente - comme le font toutes les roses, quand le jour se lève.

Il avait tant de choses à lui dire qu'il gardait en lui. Il l'aimait, mais il voulait tout faire très vite : arroser sa rose, écrire des lettres sur une ardoise, calculer et dessiner tous ces panneaux qu'il avait appris – comme on suce un sucre d'orge – dans le livre du code de la route. Il avait envie de lui dire aussi qu'il courait après le vent - parce que le vent courait très vite et qu'on avait le temps de rien faire si on ne le rattrapait pas.

C'est qu'il voulait aller très vite le petit garçon à la rose – parce qu'il savait en son cœur qu'il fallait voler l'ombre des choses, avant que le jour nous les vole.

Parfois il restait silencieux à contempler sa rose - à poser son regard sur l'herbe d'un jardin, sur un oiseau qui vole ; le petit garçon à la rose était très curieux, mais il restait souvent silencieux – parce ce que quand on aime,  on a pas toujours besoin de parler.

A le regarder – ce petit garçon à la rose - on se trompait souvent : on pensait qu'il ne voyait pas, qu'il ne rêvait pas. On s'étonnait de son rire et de ses mouvements de bras qu'il faisait parfois en ivresse, comme un moulin à vent -  sans savoir que c'était pour mieux sentir les vents d'été.

On s'étonnait de cette rose qui restait à le contempler, comme lui l'admirait.

A poser le regard sur la tête de boucles blondes, à se perdre dans des yeux aussi clairs qu'un des plus beaux ciels de l'été, le temps semblait s'être arrêté.

Quand vint la fin de l'automne et que la nature s'endormit, un grand rire résonna. L'enfant, comme chaque jour de l'été - avait couru du jardin de l'ouïe où les oiseaux s'étaient tu jusqu'au jardin des odeurs où vivait sa fleur : il ne semblait rester personne – ni des oiseaux, ni des fleurs.

Pourtant, au bout de l'allée du jardin où il avait couru, il s'arrêta émerveillé devant la rose qu'il avait plantée : la rose vivait, éclatante sous les nuages amoncelés d'un automne frileux. Elle offrait à son regard la roseur de ses pétales, la douceur des parfums d'étés : l'amour qu'il lui  avait donné.

L'enfant émerveillé et muet posa son visage sur les pétales de sa belle amie de l'été.

Ce fut la première fois je crois qu'une rose pleura à l'automne des perles de rosée, parce qu'elle se sentait aimée d'un petit garçon à la rose.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 05 Septembre 2013 à 08:19:13
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Le voyage du saule pleureur

Il était une fois un saule pleureur chevelu qui pleurait à froides larmes, sous la pluie, devant une cour d'école. C'est qu'il était tendre, sous son écorce rugueuse, et la misère du monde lui glaçait le cœur.
Mais les gens ne savaient pas que c'était sur eux, qu'il pleurait. Ils disaient:
-Qu'est-ce qu'il a donc, ce larmoyeur , ce triste sire? Avec ses grandes eaux, on dirait une fontaine!
Certains lui donnaient des coups de pied en passant et les enfants lui arrachaient son feuillage à poignées. Alors un matin, il en a eu assez. Il a rassemblé ses racines, son tronc rugueux, ses cheveux verts, ses larmes froides et il est parti. Il avait entendu parler du jardin d'Eden, où tout le monde vivait heureux, au commencement du monde. C'était là qu'il voulait aller.
Facile à dire ! Il était un arbre ! Personne ne lui avait appris à marcher ! Il trébuchait, il tombait, il se relevait, il retombait, il a eu toutes les peines du monde à quitter la ville.
La première personne qu'il a rencontrée était un paysan qui allait au pré chercher ses vaches pour les traire. Il s'est campé devant le saule pleureur en disant d'un ton furieux:
-Dis-donc, toi, a quoi joues-tu? Tu me prends pour un imbécile? Tu voudrais me faire croire que tu marches! Ca ne va donc pas, dans ta tête verte? Tout le monde sait bien qu'un arbre ne peut pas marcher! Donc un arbre ne marche pas! Je vais t'apprendre à te moquer de moi!
Et il lui a donné une grande volée de coups de bâton.
Le deuxième était un ouvrier qui rentrait à bicyclette de l'usine où il avait travaillé la nuit. En voyant l'arbre qui venait vers lui, il a failli se trouver mal. Il est descendu de vélo en disant :
-Un arbre qui marche! Voilà que j'ai des visions ! Je n'ai pourtant pas bu une goutte d'alcool ! Je dois avoir la fièvre et je délire! je suis certainement très malade !
Il tremblait tellement qu'il n'a pas réussi à remonter sur sa bicyclette. Il a continué son chemin à pied, il s'est mis au lit en arrivant et sa femme a appelé le médecin.
Le troisième allait au marché dans sa camionnette. Il a dit:
-Qu'est-ce que je vois de mes propres yeux ? Un arbre qui marche ! Oh ! ça ne peut être qu'un mauvais sujet animé de mauvaises intentions ! Il va peut-être se laisser tomber sur une voiture et écraser d'un coup toute une famille ! Ou peut-être il rêve d'étrangler un enfant avec ses longues branches souples! Il faut le mettre hors d'état de nuire! C'est une mesure d'intérêt général ! Je vais le découper pour le brûler l'hiver prochain dans ma cheminée !
Et il a fait demi-tour pour aller chercher sa tronçonneuse.
Le saule pleureur était à moitié mort de peur. Il avait à peine commencé son voyage et il voyait déjà sa dernière heure arrivée. Il a essayé de courir mais il ne pouvait pas, il s'empêtrait dans ses racines. Il a pris un chemin de traverse mais il savait que l'homme à la tronçonneuse arriverait à le rattraper et dans son cœur, il se préparait à mourir.
C'est alors que le vent est intervenu. Sa plus jeune fille, Petite Brise d'Eté avait beaucoup joué dans le feuillage du saule pleureur. Ils étaient amis. Le vent l'a soulevé dans ses grands bras invisibles, très haut dans le ciel - les gens qui levaient le nez à ce moment-là ont cru voir passer une cigogne ou une oie sauvage égarée - et il l'a déposé loin de là, au bord d'une rivière. L'homme à la tronçonneuse a eu beau chercher, il ne l'a jamais retrouvé.
-Vent, a demandé le saule pleureur, sais-tu où se trouve le jardin d'Eden et pourrais-tu m'y conduire ?
-Désolé ! a dit le vent. Désolé ! Je ne peux pas ! Je sais qu'il se trouve au fin fond de la nuit des temps mais je ne connais pas le chemin qui y mène !
-Tant pis! a dit le saule pleureur. Je marcherai tant que je finirai bien par y arriver.
Il a rafraîchi ses racines et il a décidé d'attendre la nuit pour repartir afin de ne pas rencontrer les hommes. Ils sont trop dangereux pour les arbres qui marchent !
La rivière lui a dit:
-Personne ne va plus au fond de la nuit des temps. Tu n'y arriveras pas plus que les autres. Il faudrait que tu marches à reculons très, très vite. Et même comme ça, je ne suis pas sûre que tu le pourrais. Prends plutôt racine sur ma rive. Tu seras bien, ici.
C'était vrai, l'endroit était tranquille et agréable, mais on ne renonce pas si facilement à poursuivre ses rêves et, dès la nuit tombée, le saule pleureur est reparti.
La lune l'a accompagné un moment. Elle était toute jeune, un mince croissant rose dans le ciel.
-Lune, a demandé le saule pleureur, éclaires-tu le jardin d'Eden et pourrais-tu m'y conduire ?
-Non, je regrette, a répondu la lune. Le jardin d'Eden est très loin derrière nous, au fond de la nuit des temps et mes rayons n'arrivent pas jusque là. Pour y parvenir, il faudrait que le monde se mette à tourner à l'envers et il ne voudra jamais, ça changerait trop ses habitudes. Il va du matin vers le soir, il faudrait qu'il remonte du soir vers le matin. Tu vois un peu les complications! Les gens dormiraient avant de s'être couchés. Ils mangeraient avant d'avoir fait la cuisine. Ils seraient vieux avant d'être jeunes et de retourner dans le sein de leur mère. Les enfants naîtraient avant leurs parents et bien avant leurs grands-parents. Ce ne serait pas pratique du tout et personne ne voudrait en entendre parler. Crois-moi, ton rêve est insensé, tu ferais mieux d'y renoncer. Laisse la vie aller son train et ne te mêle pas de la contrarier !
Mais le saule pleureur n'était pas parti pour s'arrêter si vite et il a continué son chemin.
Maintenant, il marchait bien et d'un bon pas. Il a marché des nuits et des nuits, des semaines et des semaines, des mois et des mois sans trouver le jardin d'Eden. Seulement, à force de marcher, la fatigue l'a gagné. Ses racines se desséchaient , ses branches se cassaient, il n'en pouvait plus et une nuit, il a senti qu'il ne pourrait plus aller beaucoup plus loin. Il se trouvait devant une petite maison blanche avec un jardin superbe, débordant de fleurs. Alors, le saule pleureur a rassemblé ses dernières forces, il a réussi à sauter par-dessus la grille et il s'est allongé sur la pelouse pour mourir.
La maison était habitée par un grand-père, une grand-mère, et deux petites filles qui y passaient leurs vacances. Au matin, les volets se sont ouverts, il y a eu des cris de surprise et tout ce monde s'est précipité autour du saule pleureur.
-Ca, par exemple! Comment cet arbre peut-il se trouver là ? demandait la grand-mère.
-C'est sûrement une fée qui l'a amené ! ont dit les petites filles.
Une fée! La grand-mère pensait qu'il n'y en avait plus sur la terre, qu'elles avaient émigré sur la face cachée de la lune, quand les gens étaient devenus méchants. Mais après tout, peut-être qu'elles revenaient de temps en temps en visite, sans que personne le sache. Elle a approuvé:
-Oui, c'est peut-être une fée. Ce qui est sûr, c'est qu'il n'a pas pu venir tout seul !
Elle croyait ça, la grand-mère ! Comme elle se trompait! Vous voyez bien qu'en réalité, on n'est jamais sûr de rien !
-En tout cas, a dit le grand-père, il faut vite le planter, il est presque mort, ses feuilles sont toutes flétries !
Il s'est mis à creuser un grand trou près de la terrasse. En un rien de temps, le saule pleureur a été planté et arrosé. Quand il a eu fini, le grand-père lui a tapoté le tronc en disant :
-Vieux frère, va, j'espère que tu vas être tiré d'affaire !
Et le saule pleureur s'est senti tout ragaillardi.
Tous les matins, quand il sortait dans le jardin, le grand-père le regardait et disait:
-Ca a l'air d'aller, vieux frère!
Et tous les soirs il lui apportait deux grands arrosoirs d'eau.
La grand-mère et les petites filles s'installaient sous son ombrage pour raconter des histoires.
Il y avait aussi un chat, Alexandre le Magnifique, qui s'était pris d'amitié pour lui et passait des après-midi entières à ronronner sur une de ses grosses branches.
Le saule pleureur s'enracinait et reprenait vie.
Ce n'était pas le jardin d'Eden, mais ça y ressemblait tellement ! Le saule pleureur a su qu'il était arrivé et que ce petit jardin méritait le voyage. Et maintenant il ne pleure plus jamais à froides larmes, car son cœur d'arbre est toujours plein de lumière et de chaleur !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Septembre 2013 à 14:20:51
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La fée aux cerises

Madame Berthier s'apprêtait à descendre pour se rendre à son travail quotidien ; elle enveloppa ses épaules d'un vieux châle élimé ; puis, se retournant vers la couchette d'où son fils chéri, son Hubert, suivait tous ses mouvements, de ses grands yeux fiévreux, elle l'embrassa et lui dit :
"Je pars, mon petit ; mais tu seras bien tranquille, tu ne te pencheras point par la fenêtre, si tu veux prendre l'air... Et je te rapporterai quelque chose de bon pour le déjeuner. Que désires-tu ?
Les prunelles de l'enfant malade brillèrent soudain.
"Oh ! mère, des cerises ; cela seulement me ferait plaisir.
-Des cerises ?... Mais, mon chéri..., nous ne sommes pas en juin, et celles que l'on vend viennent encore de loin.
-Alors elles coûtent trop cher pour nous ? soupira Hubert en détournant la tête. Maman, ne m'achète rien, veux-tu ? Je n'ai pas faim, d'ailleurs."
Hélas ! il n'avait jamais faim, le pauvret.
Cette réflexion de l'enfant, discret et raisonnable, n'empêcha pas la mère une fois dans la rue et frôlant une voiture pleine de primeurs appétissantes de marchander des cerises.
Encore bien pâles, ces premiers fruits de la saison ! mais il pouvait plaire au petit Hubert. Seulement, la vendeuse en réclama un prix si élevé que Mme Berthier s'éloigna tristement, sans pouvoir en acheter.
Ce que gagnait la pauvre veuve, dans sa journée, suffisait à peine à ses deux maigres repas de chaque jour et aux médicaments du malade.
"Que de gens riches sont heureux ! pensait-elle, non sans amertume ; ils peuvent donner à leurs enfants souffrants ce qu'exige leur caprice. Nous, les pauvres, il faut le leur refuser. Hélas !"
Et elle s'en alla au travail.
Pendant ce temps, une gentille fillette blonde rentrait avec sa bonne, une serviette d'écolier à la main. Toutes deux franchirent le seuil d'une belle maison voisine de celle où habitait Mme Berthier.
Arrivée au deuxième étage, la blondinette courut tout droit à la chambre de sa mère occupée à sa correspondance, et qui dit dans un baiser :
"Chérie, tu trouveras à la cuisine un gros colis que t'envoie ta marraine. Ce sont, je crois, des fruits, car elle est à la campagne, dans le Midi. Ouvre le paquet avec Jenny ; moi, je n'ai pas le temps de t'aider."
Ravie, Marguerite obéit et entra dans la cuisine où, avec Jenny, elle détacha la ficelle du colis.
Mme Henner, sa maman, ne s'était pas trompée : la corbeille, envoyée par une marraine très bonne, renfermait des cerises superbes.
Une exclamation, partie d'une fenêtre située à l'étage supérieur, en face de la cuisine, lui fit soudain lever la tête. A cette fenêtre, où flottait un pauvre rideau fané et usé, se montrait un pâle visage d'enfant malingre et souffreteux.
Mais ce qui frappa surtout Marguerite, ce fut le regard d'avidité maladive attaché sur les cerises. Un sourire navrant se dessinait sur les lèvres presque blanches, altérées sans doute, brûlées de fièvre du petit garçon, qui, là-haut, joignait les mains, des mains maigres, émaciées ; toute son attitude angoissée, frémissante de désir, semblait dire :
"Oh ! des cerises !..."
Puis, lassé probablement par cet effort, ou bien ne voulant plus regarder ce qui le tentait si fort et qu'il ne pouvait avoir, il se retira de la fenêtre et regagna son petit lit : sa maman ne lui avait-elle pas recommandé, d'ailleurs, de ne pas se pencher au dehors ?
En bas, dans la cuisine où roulaient les beaux fruits vermeils, Marguerite, soudain pensive, questionna sa bonne :
"Jenny, qui est ce petit garçon ?
-Oh ! répondit la servante, en secouant les épaules avec insouciance, c'est le petit Berthier ; un enfant malade qui ne doit guère s'amuser tout seul, pendant que sa maman travail au dehors.
-Comme il regardait mes cerises !..."
Jenny se mit à rire :
"Je crois bien ; ce n'est pas chez lui qu'on mange de telles primeurs. Ah ! Mademoiselle aura de quoi offrir un joli goûter à ses amies, avec cette belle provision ; ce sera si bon, avec des brioches !"
Mais Marguerite ne l'écoutait plus, elle réfléchissait.
Soudain, laissant là le colis, elle retourna, légère et bondissante, chez sa mère qui eut, à sa vue, un petit froncement de sourcil :
"Eh bien ! qu'y a-t-il, mignonne ? Je t'avais dit de me laisser écrire."
La fillette se pencha et, lui entourant le cou de ses jolis bras, elle lui glissa une prière dans l'oreille.
"Mais oui, ma chérie, répondit Mme Henner ; je te permets toujours d'accomplir une action charitable ; seulement, fais-toi accompagner."
Peu après, Marguerite, suivie de Jenny très étonnée et quelque peu indignée d'une telle prodigalité, grimpait lestement l'escalier noir et raide qui conduisait chez la veuve Berthier.
Au troisième étage, la fillette s'arrêta et, prenant des mains de la bonne la corbeille alourdie par les cerises, elle ordonna :
"Attendez-moi sur le palier, Jenny ; je ne serai pas longue, et maman m'y autorise."
Sans frapper, elle entra chez le petit malade, dont la porte n'était pas fermée à clé, par prudence. Il sommeillait, étendu sur son lit.
Au frôlement que produisit la robe de Marguerite contre sa couchette, il entr'ouvrit un oeil languissant , mais il rêvait, sans doute, car il murmura faiblement :
"Oh ! quelle joie ! la Fée aux cerises ! la jolie Fée !... Si elle venait m'apporter de ses fruits si doux !... Si elle avait deviné mon envie !"
Alors, riant, Marguerite entra dans son rêve, et, jouant le rôle de la fée qu'elle représentait, en effet, avec ses boucles blondes répandues sur ses épaules, avec sa robe claire, et surtout avec son fardeau appétissant, elle répondit en versant sur la couverture le contenu de la corbeille :
"Oui, mon petit garçon, je suis la Fée aux cerises, et je te fais don des beaux fruits que tu désires."
Et, avant que le petit Hubert pût revenir de sa surprise, elle gagna la porte, ses cheveux d'or flottant derrière elle.
Le malade resta persuadé qu'il avait entrevu, très éveillé, une mystérieuse apparition ; et ce fut avec une joie mêlée de respect qu'il commença d'étancher sa soif avec les cerises.
Lorsque Mme Berthier reparut à l'heure du repas, timidement elle apportait à son fils un petit pain mollet, plus une très petite tranche de jambon. Pour payer cet extra, elle se privait elle-même de viande ; et encore ignorait-elle si l'enfant, capricieux depuis sa maladie, consentirait à y goûter.
Et quelle ne fut pas sa stupeur en le trouvant rayonnant, son petit visage transfiguré, au milieu de belles cerises éparses auxquelles il avait déjà fait honneur.
"Qui t'a envoyé ce cadeau coûteux ? demanda l'ouvrière, inquiète.
-Oh ! mère, écoute : je dormais, oui, je dormais, lorsque j'ai vu entrer une demoiselle aux cheveux or, et qui portait péniblement une corbeille pesante... Je l'ai reconnue bien vite, va ; tu te rappelles la jolie Fée que représente mon image coloriée, le dernier cadeau que tu m'as fait, n'est-ce pas ? Eh bine ! c'était elle qui pénétrait chez nous. Bien vite je lui ai dit mon désir d'avoir des cerises, car je mourrais de soif, et tu ne me permets pas de boire l'eau du robinet. Aussitôt, cette belle dame a répandu sur mon lit tous ces fruits, si beaux que je n'en ai jamais vu de pareils, et si doux qu'on devine bien d'où ils viennent. Mange, maman, goûte-les, tu me comprendras... Et, tiens, je crois qu'ils m'ont guéri. Non seulement je ne suis plus altéré, mais il me semble que j'ai faim, que je mangerais avec toi."
Il ne fit pas un repas copieux, le petit Hubert, mais c'était la première fois depuis deux mois qu'il montrait un peu d'appétit, et cela marqua le début de sa convalescence.
Les cerises de la fée l'avaient sauvé.
Secrètement, la mère, des larmes de reconnaissante aux yeux, alla remercier la généreuse fillette dont elle devinait l'intervention charitable.
Beaucoup plus tard, lorsque son fils, devenu un artiste de talent, rappelait un jour l'histoire des cerises, elle lui nomma la charmante Marguerite, la prétendue fée à laquelle il devait une des joies de sa triste enfance.
Hubert était alors en train de devenir un grand peintre. Un de ses grands succès, un tableau qui contribua beaucoup à établir sa réputation et à le conduire à la fortune, fut une toile exquise, intitulée : La Fée aux cerises.
Cette peinture représentait une jolie fillette au visage aussi fin que compatissant ; vêtue de clair, ses longs cheveux blonds répandus sur les épaules, elle semait de cerises magnifiques le pauvre lit d'un petit malade aux yeux ardents, qui joignait les mains avec admiration devant cette aubaine inespérée.

Roger DOMBRE
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Septembre 2013 à 08:15:00
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Les vagabonds de Lune

Ce soir deux pauvres vieux ont frappé à la ferme. Ils marchaient d'un même pas, parlaient d'une même voix, demandèrent du pain, de la soupe et du vin. La lune brillait à la fenêtre, et la fixant ils ont murmuré,
-Voilà qui me rappelle l'histoire des temps anciens.

Voilà qui me rappelle la première nuit, celle où la Lune était bleue, promesse de magie. Voilà qui me rappelle comme elle éclairait le sommeil d'une petite fille bizarrement jolie et que tous admiraient.

Pourtant la deuxième nuit, la magie disparut. Une lune banale flottait au-dessus du château où le prince criait. Un bébé sans attrait, un cri semblable à des milliers. Comme il était fils de roi, on écrivit dans les annales « Il naquit sous une Lune pareille à milles diamants entrelacés ». C'était un mensonge, et on en resta là.
 
Est-ce pour se venger, que la lune se drapa de noir ? C'était la troisième nuit, nuit de cauchemars et de mauvais présages. Ils tombèrent lourdement sur le cœur du nouveau-né qui gardait les yeux grands ouverts sur l'obscurité.
 
Le nouveau-né devint ministre, un peu sorcier, le prince roi, la petite fille dame. Elle était grande et belle comme le reflet d'une forêt dans un lac, et plus fascinante que l'abîme aperçu dans le creux d'une vague. Quand la nuit venait, son front rayonnait d'une étrange lumière bleue, si belle que le roi n'en supportait pas la vue sans verser des larmes de joies. Il lui offrit une couronne pour se protéger, transforma le château en écrin précieux pour sa Dame bien aimée, la couvrit de joyaux, donna des fêtes à s'en épuiser.

L'argent vint à manquer. On leva des impôts, des armées, on eut des guerres et des famines, sans pourtant tarir l'avidité du roi.

Un soir qu'il pensait à ces nouveaux chevaux qu'il venait d'acheter, le ministre se glissa près de lui et murmura en désignant le ciel,

-Quel dommage sire, qu'il y ait tant d'argent près de nous, et pourtant si lointain.  

Suivant son regard, le roi découvrit la pleine lune étincelante. Il éclata de rire.

-Pourtant, poursuivit le ministre, je suis assez versé dans l'art sombre pour vous offrir cette richesse, si vous la désirez.

Sans y croire, un peu par ennui, le roi accepta. Le ministre s'enferma dans une tour isolée dont ne sortaient que des bruits étouffés et de la fumée. Personne n'osait s'en approcher. On prétendait que des choses cruelles, maudites, s'y passaient. Là-bas on aurait peut être retrouvé les enfants disparus, les amoureux pendus, les assassinés, les malheureux, les affamés.
 
La porte de la tour demeura close sept ans durant. Sept ans, et le ministre en sortit, tenant à la main un minuscule pain noir, son cadeau pour le roi. Une bouchée de ce pain remplirait de trésors dix chambres du royaume. Une bouchée de pain noir, un cœur sombre, un sourire démoniaque. La Dame vit tout cela, et supplia son époux de ne pas y toucher. Le roi la repoussa en riant,  

-Ce n'est qu'un peu de pain, et si argent il donne, nous en avons besoin.
 
Pourtant le roi ne prit qu'une miette, sans oser reconnaître qu'il avait un peu peur. Son château se remplit d'argent, comme le ministre l'avait promis, mais il ne dura pas. Une seconde miette le remplaça. De fragments en fragments, on ne remarqua pas que la Lune se fissurait un peu à chaque nouveau mois.
 
Et la Dame, la Dame ne brillait plus autant qu'aux jours anciens. Elle portait une peine qui voilait sa beauté, une peine qui étourdit le cœur du roi. Il voulut la chasser par force divertissement, mets fins, diamants, et croqua à pleines dents dans le pain noir. Et tant pis si la pâte sombre lui déchirait les entrailles, tant pis si la Lune perdait de grands pans de lumière, tant pis si l'argent prenait tant de place dans le château qu'on ne savait qu'en faire, la place des jardins, et la place des gens. Tant pis si le sourire du ministre grandissait, si la Dame dépérissait.
 
Quand le dernier morceau fut mangé, la Lune disparut du ciel, et la Dame s'éteignit avec elle. Elle n'était plus qu'une femme maigre et grise, couverte d'or et de poussière, dévorée par la peine. Oh, dieu merci le roi ne la vit pas. Il tomba foudroyé par la dernière miette du pain empoisonné.
 
Le sorcier rit beaucoup de voir le roi, si banal, si mort, affalé à ces pieds. Il rit de voir la nuit pareille au jour de sa naissance, un trou noir à la place de la Lune. Il rit d'entendre les hommes hurler de terreur, il rit car il savait que l'argent du palais ne remplacerait pas ce qu'ils avaient perdu.
 
Puis son regard tomba sur la Dame abandonnée là, et son rire s'arrêta. Il eut soudain très mal, très froid, très envie de pleurer. Son cœur sombre explosa. Il emmena la jeune femme dans la tour, l'enchanta, l'y enferma et s'en alla.
 
Les hommes oublièrent que la Lune avait brillé autrefois, que les forêts avaient été belles et les lacs profonds. Ils pensèrent que le monde était gris et poussiéreux, que seul l'argent brillait, et qu'une tour en ruine ne méritait pas de s'inquiéter.
 
Sept fois sept mille ans avaient passé. Sept fois sept mille ans le sorcier avait parcouru le monde pour y cueillir ce qui restait de rêves, de poésie, de beauté. De tout ce temps, il ne rassembla qu'assez pour remplir une sphère plus fine qu'une tête d'épingle, scintillant à peine dans l'obscurité. Alors, il regagna la tour, offrit son trésor à la Dame qui l'attendait.
 
La jeune femme prit la petite boule, et l'épingla dans le ciel noir. Une lumière douce apparut comme la Lune reprenait sa place dans la nuit. Le halo bleu revint sur le front amaigri de la Dame. Le sorcier se mit à pleurer.

-Cela ne suffit pas, dit la Dame, il faut rendre tout ce que tu as volé. Les hommes ont oubliés le monde tel qu'il était. Tu dois maintenant te rendre parmi eux, leur dire que c'est la Lune qu'ils voient là, leur montrer les forêts, les reflets dans les flaques d'eau claires. Tu dois leur montrer et je viendrais avec toi.
 
Puis les vieux se sont tus, et nous avons cru voir un peu de lumière bleue autour de leurs cheveux.  


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Septembre 2013 à 16:57:24
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L'épilobe en épi, l'amour impossible

Il y a très longtemps, il y avait une famille d'elfes qui vivait au bord d'une grande, forêt verte , dans un rosier tout rose. Les petites elfes jouaient tous les jours en dessous du rosier sauvage, excepté pendant l' été quand il faisait chaud. Alors elles cherchaient du rafraîchissement en dessous de vieux arbres dans la forêt ou elles nageaient dans un petit lac bleu.

En même temps vivait une famille de nains dans un saule noduleux courbé, pas loin du rosier sauvage. Ils ne savaient rien des elfes qui habitaient ce rosier sauvage. Un jour une elfe jouait en dessous du vieux saule, lorsqu'elle voyait, à sa grande surprise, un petit nain en train de grimper hors du saule. A partir de ce jour l'elfe et le nain jouaient chaque été ensemble dans la forêt bien fraîche.

Après quelques années ils n'étaient plus des enfants et ils tombèrent amoureux l'un de l'autre.
Lorsque l'été se terminait, ils se confièrent que tout un hiver sans la présence de l'autre serait trop long, ils voulaient partager chaque instant. Un beau jour d'automne ils racontèrent à  leurs parents qu'ils voulaient vivre ensemble. L'étonnement et la consternation des parents étaient énormes et ils interdirent à leurs enfants de se marier.
"Des elfes et des nains," dit la mère de l'elfe tout doucement, "ne sont pas faits pour se marier."  Le père du nain s'exclama:" Des elfes se marient avec des elfes et des nains avec des nains!"
L'elfe et le nain ainsi attristés demandèrent à la reine des elfes du conseil et essayèrent d'obtenir son  approbation, mais elle dit: "Un nain et une elfe sur le même oreiller, c'est inviter le diable à s'y mêler."
Le nain rentra à son saule et pleura pendant des semaines entières, ce qui changea son saule en un saule pleureur. L'elfe rentra aussi à son rosier au bord du bois et pleura des jours entiers, ce qui créa un petit ruisseau en dessous de son rosier. Les parents du nain voyaient la grande tristesse de leur fils et craignaient qu'il ne soit plus jamais heureux. Les parents de l'elfe se firent également de grands soucis sur la santé de leur fille et craignaient qu'elle ne pleure éternellement pour son grand amour. Ils allèrent au palais pour demander conseil à la reine des elfes. La reine ne supportait pas de voir tant de malheur et un jour d'automne très froid elle vola vers le roi des nains pour discuter. En grande sagesse ils décidèrent ensemble que les deux pourraient vivre ensemble pour toujours, non pas en tant que elfe et nain, c'était impossible. Ils allèrent changer de forme: ils vivraient en tant que plante, la rose du saule, connue sous le nom d'épilobe en épi.

Reconnaissants et heureux, les deux amoureux acceptèrent la proposition. Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants.
Comment savons-nous que nos épilobes en épi sont les enfants de cet elfe et de ce nain?
Si vous regardez bien la fleur de l'épilobe en épi, vous apercevrez les petites ailes de l'elfe dans les pétales roses tendres et la baguette magique dans le pistil. En automne vous reconnaîtrez la barbe poilue du nain dans les semences.


(L'épilobe en épi grandit souvent dans des clairières, aux côtés d'un fossé et près de lisières.  Bien qu'elle soit une culture améliorante, elle se multiplie principalement par des rhizomes longs, qui peuvent avoir 25 ans et présentent des cernes annuels! Après la floraison d'été, la plante produit des milliers de semences laineuses, qui sont transportés très loin par le vent. Les semences gardent leur puissance germinative pendant des années entières. Les chevreuils adorent les épilobes en épi.
Si vous voyez peu d'épilobes en épi dans certaines forêts, il y a probablement beaucoup de chevreuils. Et si on voit beaucoup d'épilobes en épi, il y a peu ou pas de chevreuils.)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 08 Septembre 2013 à 11:13:14
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Le sentier de nulle part

Chapitre I : Rêveries

Il était une fois...
Dans la grande forêt du pays des légendes... Un chalet qui se dressait fièrement au bord de la rivière. Il était construit en rondins noueux et coiffé d'un toit de chaume. Les barrières, d'un blanc éclatant, pouvaient à peine contenir le flot de fleurs multicolores qui s'épanouissaient au pied de celles-ci.
Il y avait vraiment de quoi faire pâlir d'envie tous les jardiniers de la Terre. De la jonquille à la majestueuse corolle, en passant par la pensée aux teintes veloutées, la rose, le bleuet ainsi que la marguerite que tant d'amoureux ont effeuillée. Il semblait que toutes les variétés du monde, s'y étaient donné rendez-vous.

Pourtant, jamais encore personne n'était venu admirer ce décor fascinant, car cette habitation de rêve était enfouie si profondément dans la forêt, que nul n'en soupçonnait l'existence. Mais qui l'avait construite ? Qui l'habitait ? Et qui l'entretenait ? A l'orée de cette immense forêt, venaient de s'installer un couple très uni, avec leurs trois enfants.

Suzette venait juste d'avoir treize ans. Elle était l'aînée. Rémy, venait juste d'avoir neuf ans. Quant à Johan (dit jojo), avec ses six ans, il était le cadet.
Aujourd'hui, vendredi, la classe terminée à l'école du village, ils rentrèrent chez eux, et les devoirs accomplis, ils passèrent la soirée à regarder la nuit tomber sur l'intriguante forêt. Papa avait donné l'autorisation  d'aller s'y promener à l'entrée le lendemain matin. Déjà, les deux gamins s'imaginaient d'innombrables aventures. Bien sûr, cette promesse valait à condition que : ils soient accompagnés de Suzette, et ne pas s'éloigner plus loin que la vue ne permette de distinguer leur habitation.

Cette nuit-là, les rêves des trois enfants furent peuplés de songes les plus extravagants. Jojo s'engageait sur le sentier forestier et, à peine en avait-il franchi le seuil, qu'il se trouva nez à nez avec un grand dragon bleu luisant, qui le regardait béatement. Visiblement, le monstre était aussi étonné que lui. Jojo, en preux chevalier de six ans, fit face au gigantesque animal et lui dit : "Ote-toi de mon chemin, sale bête !"

Quelques instants plus tard, Jojo emmenait en laisse le dragon bleu. Celui-ci, à chaque pas, ouvrait la gueule pour laisser échapper un flot de bonbons multicolores aux enrobages succulents, qui retombaient en pluie sur le tapis de feuilles. Pendant ce temps, Rémy s'était déjà enfoncé plus en avant, car à neuf ans, on est toujours le premier dans l'aventure. Ayant contourné un gros chêne, il découvrit un merveilleux cheval blanc qui, broutant quelques trèfles, attendait son chevalier Rémy.

Le garçon enfourcha aussitôt son destrier et s'en alla délivrer Lise. Une compagne de classe dont il était follement amoureux, et qui était retenue prisonnière d'un mystérieux crapaud géant qui désirait l'épouser. Pendant les péripéties de ses frères, Suzette flânait au bord d'un vieux puits entouré de toutes parts d'animaux affectueux.

Elle tendit la main pour caresser le faon qui s'était allongé à ses côtés, lorsqu'une douce et chaude voix retentit derrière elle.
-Bonjour, belle demoiselle !  
Je suis le prince de cette forêt, embrassez-moi et je redeviendrai le beau jeune homme que j'étais, avant que la sorcière ne me jette ce mauvais sort. L'adolescente tourna la tête en direction de son interlocuteur. A la vue de l'énorme rat noir qui la regardait fixement de ses yeux rouges, Suzette poussa un hurlement de frayeur.
-Au secours !

Ce cri eut pour résultat de désarçonner Rémy de son fier étalon, qui s'enfuit au galop.
Un étrier accrocha au passage la laisse du dragon bleu qui, étant donné son poids, bascula en avant et se laissa traîner sur le ventre. Rémy voltigea dans les airs en hurlant avant de retomber lourdement sur le sol et perdit connaissance. Quand il revint à lui, il était assis sur la descente de lit, et se frottait les fesses. Jojo fouillait la chambre, tentant de retrouver au moins les quelques bonbons qu'il avait mis en poche.
Tandis que Papa et Maman, accourant à toute vitesse pour voir ce qui se passait, dirent en choeur :
-Eh bien ! En voilà un réveil bruyant !
-De toute façon, il est l'heure de vous lever car il  fait déjà jour.

Chacun vint s'installer autour de la grande table afin de prendre son petit déjeuner. Comme tous les samedis, celui-ci se composait de tranches de pain grillées accompagnées de miel ou de confiture de framboises. Le tout arrosé de lait chaud.

Aujourd'hui, c'était pour les enfants un événement, pour la première fois, ils iraient seuls à l'orée de la forêt.

Chapitre II : Désobéissance

Au fond de la forêt, le chalet de rondins entouré de fleurs, semblait encore plus irréel entouré de la brume matinale percée par les premiers rayons du soleil. D'ailleurs, tout ce qui l'environnait, semblait ne pas exister. On aurait pu le croire créé de toutes pièces par un magicien romantique. Tout y semblait si parfait.

La rivière longeant le logis engendrait un glougloutement mélodieux, que semblait accompagner volontairement le chant des oiseaux, le tout guidé par un chef d'orchestre imaginaire.
-Bottés comme il se doit pour une promenade en forêt, Suzette, Rémy, et Jojo, écoutaient distraitement les dernières recommandations de leurs parents.
-Compris les enfants ? Obéissez bien aux conseils de votre grande soeur ! Dit maman.
-D'ailleurs, ajouta papa, lorsque je sifflerai, cela voudra dire qu'il est temps de rentrer pour le repas.
Bien trop excités, les trois gais lurons s'étaient déjà éloignés, lorsqu'ils répondirent en coeur : ok p'pa !
Sans bien sûr avoir retenu grand-chose de ce qui venait de leur être dit.

Un peu plus tard, ils avaient déjà atteint les limites permises, et n'apercevaient  dès lors plus l'habitation que comme une petite maison de poupée.
Après s'être amusés un peu à "chat perché", croisés quelques branches en guise d'épées, et observés plusieurs champignons aux formes bizarres, ils connaissaient leur nouveau terrain de jeu comme leur poche.
-Bon ! Et maintenant, que faisons-nous ? , Questionna Rémy.
-Allons voir un peu plus loin ! , Proposa Jojo.
-Ouais, bonne idée ! , Répondit Rémy.
-Regardez, fit ce dernier, il y a trois sentiers, face à nous !
Donc si nous empruntons celui du milieu, nous ne saurions nous égarer, et s'il se divise à nouveau, nous faisons demi-tour. Voilà ! De cette façon, nous ne pouvons nous égarer.

-Pas question !, Gronda Suzette en qui les parents avaient placé toute leur confiance. D'ailleurs, si nous nous éloignons encore, ajouta-t-elle, jamais nous n'entendrons le sifflements de papa. Alors ce sera la punition garantie pour nous tous.
-Bof ! , Par ce calme, on entendrait respirer une huître à un kilomètre, répondit Rémy.
Afin d'appuyer  les arguments de son frère, Jojo ajouta : écoutez, on entend même notre chat miauler. Oui, oui ! , Il a raison,  donc rends toi compte de la puissance des sifflements de papa, insista Rémy.
-Non, non ! , C'est inutile, persista Suzette. Je suis d'accord, on entendrait certainement les appels, mais ce serait désobéir aux ordres de maman et papa.
-Bon ! , Dit Rémy, reste donc là bébé, nous les hommes, nous allons faire un tour.
Sur ces mots, les deux galopins s'enfuirent en riant en direction du sentier central. Venez ici, garnements hurla Suzette.
Hooo..., vilains, je le dirai à maman, cria-t-elle.

En quelques secondes, les deux gamins avaient disparus, comme avalés par la végétation abondante. Restée seule, la fillette ne savait si elle devait rentrer chez elle prévenir ses parents, ou poursuivre ses petits frères. Elle réfléchit quelques instants, et se dit : si je rentre, ces deux petits voyous sont capables de s'égarer pour de bon. Et dans ce cas, comment savoir ou ils seront allés se nicher ?

Suzette décida donc que la meilleure solution était de retrouver Rémy et Jojo au plus vite. Et sitôt, elle s'engagea sur le sentier du milieu, et fut rapidement absorbée par le feuillage touffu. Ayant parcouru quelques centaines de mètres, la fillette héla :  
-hoéééé ! Où êtes-vous ? ...Rémyyy...Jojo... !
Mais, à ses appels, seuls répondirent quelques cris stridents d'animaux effrayés.
-Ecoute ! , Dit Rémy en s'adressant à Jojo, Suzette s'est enfin décidée à nous suivre.
Laissons la donc nous chercher un peu, ajouta-t-il.
Ne voyant là, qu'un jeu amusant, les deux garçonnets  s'enfuirent  et s'enfoncèrent ainsi, encore un peu plus profondément dans l'inconnu.
Mais hélas, comment auraient-ils pu savoir, qu'ils venaient de s'engager sur le sentier de nulle part.

Chapitre III : Un monde étrange

Fuîîît...fuîîît...fuîîît...   !
-Bon sang ! Mais où sont-ils donc ? S'exclama papa qui venait d'envoyer, pour la cinquième fois, le signal convenu.
-Viens ! Dit maman, allons les chercher, car ils sont certainement trop occupés à leurs jeux.  
Tous deux se dirigèrent dans la direction qu'avaient prise quelques heures auparavant, le trio de joyeux drilles. Dès qu'ils furent arrivés sur les lieux où, normalement les enfants devaient se trouver, le couple s'inquiéta sérieusement. Rien... personne... pas un bruit, si ce n'est  le bruit de l'envol de quelques oiseaux effrayés par leur présence.

A nouveau, ils appelèrent les petits. Papa eut beau siffler à en perdre haleine, aucune réponse ne leur parvint. Commençons par le sentier de gauche, dit maman. Et nous prendrons celui du centre ensuite et terminerons par le dernier à droite, ajouta le père.
Ainsi fut décidé. Ayant parcouru une distance d'environ  deux cents mètres, l'étroit chemin se terminait en cul-de-sac.
-Faisons demi-tour, et essayons le suivant dit papa.

Entre-temps, Suzette avait réussi à rejoindre ses frères.
-Eh ! Venez voir, le sentier se divise en deux à présent, et forme une fourche, s'exclama Rémy.
-Brrr ! Il y fait encore plus sombre,  répondit Jojo.
-Maintenant ca suffit ! Dit Suzette. Il est plus que temps de rentrer.
-D'accord ! Maugréèrent les deux gamins.
Les enfants  reprirent en sens inverse le chemin qu'ils avaient parcouru. Quelle ne fut pas leur surprise, en découvrant au bout d'une dizaine de mètres, à nouveau la même fourche divisant le sentier.
-Comme c'est étrange dit Suzette, pourtant le chemin était droit lors de notre passage précédent.
-Retournons un peu en arrière, dit-elle nous avons du ne pas remarquer qu'il y avait deux directions.

Mais  un peu plus loin, toujours la même fourche se présentait devant eux. A présent, une brume envahissait les lieux, réduisant la portée du regard à seulement dix ou quinze pas. Mon dieu ! Nous sommes perdus ! Quel est soudain ce monde étrange qui nous entoure ? , Murmura Suzette.

Chapitre IV : Le sentier de nulle part

Les parents étaient maintenant depuis des heures, à la recherche des enfants, et devenaient de plus en plus inquiets. La nuit ne tarderait pas à tomber, ce qui leur rendrait la tâche encore bien plus difficile. La mère proposa à son mari : "et si nous retournions voir à la maison ? Peut-être ont-ils trouvés leur chemin et nous attendent bien confortablement chez nous."
Ainsi fut fait. Mais arrivés à la maison, rien, personne. Tristement, papa se munit d'une torche électrique, et ils repartirent aussitôt fouiller les bois. Il faisait à présent totalement nuit. Près de deux heures s'étaient écoulées depuis qu'ils s'étaient de nouveau engagés sur le sentier central.

-Bon sang ! Tonna le père, ce sentier ne finit donc pas par aboutir quelque part ?
A peine venait-il de prononcer ces mots, qu'à faible distance, il aperçut une faible lueur blanchâtre se mouvant lentement dans le faisceau de la lampe torche.
-C'est vous les enfants ? Crièrent-ils en coeur.
Mais leur appel demeura sans réponse.
-Allons voir de plus près dit ! La maman.
Peu après, ils se trouvèrent face à un véritable mur de brume épaisse. Ils s'y engagèrent, mais impossible de distinguer quoi que ce soit dans cette purée de pois, ils durent donc rebrousser chemin.

-Essayons,  en attendant que la brume se lève, de fouiller le sentier de droite, dit papa.
L'aube pointait, lorsqu'ils revinrent à l'orée de l'immense forêt, et hélas, sans résultat.
Il restait donc le sentier central comme seul espoir d'aboutir quelque part.  
-Vas donc te reposer ma chérie, dit le père à son épouse, moi je retourne à l'endroit ou se trouvait cet épais brouillard, qui nous à empêchés d'aller plus loin. Et surtout, ne t'inquiète pas trop, Suzette est très capable de se débrouiller. Certainement, qu'ils se sont un peu égarés, et surpris par la tombée de la nuit, ils se sont trouvés un abris en attendant l'aube.

Sur ces paroles réconfortantes, le pauvre homme repris seul la direction de la forêt. Plus tard, horreur, le mur de brume était toujours là. Ce qui empêcha le pauvre père d'aller plus en avant. Les recherches furent remises au lendemain, mais cette fois encore était planté là, l'épais brouillard. Et le surlendemain aussi. Et encore le jour suivant, et la semaine suivante également. Deux  semaines maintenant s'étaient écoulées.

Chaque jour, le père accablé se trouvait face à la brume infranchissable. Ce soir encore donc, il devrait annoncer à son épouse que ce sentier ne menait décidément ...nulle part.

Chapitre V : Le naufrage

L'hiver se faisait plus rude de jour en jour. Désespérant retrouver leurs enfants, papa et maman, décidèrent de mettre une barque à l'eau dans la rivière qui traversait le bout du sentier de droite. Aujourd'hui, en plus du froid, la neige était venue étendre son manteau blanc.

Ils ramaient depuis près d'une heure, exténuée, la mère demanda à son époux de s'arrêter un peu. L'homme, ayant abordé la berge, amarra la barque. Il tendit une couverture sur des branches basses, construisant ainsi, un frêle abri pour son épouse. Après s'être alimentés, et pris un peu de repos, ils décidèrent de reprendre immédiatement les recherches avant que la nuit ne les en empêche. Maman était occupée de replier la couverture, lorsque papa s'écria : "Vite, la barque va se détacher !"

Le courant était assez violent, et un énorme tronc d'arbre dérivant, était venu percuter la frêle embarcation. La corde était tendue à se rompre. L'homme las et engourdit par le froid cinglant, tenta de retenir la barque. Mais la corde, soudain céda sous la tension.
Le père tenta de sauter dans la barque. Mais à bout de force, il la manqua de peu, et se trouva emporté par le courant.

La mère, affolée courut vers le bord de la berge. Le spectacle qui s'offrit à ses yeux, lui déchira le coeur. La corde s'était nouée malencontreusement autour du bras de son mari, et l'entraînait dans les eaux tumultueuses. Soudain, l'embarcation chavira, et en quelques secondes, tout fut englouti par les flots glacés.

-Non... pas ça... !
Je n'en peux plus, sanglota la pauvre femme. D'abord mes enfants, maintenant, mon mari, cette satanée forêt m'as pris tous ceux que j'aimais. De désespoir, elle se laissa tomber à son tour dans les remous en furie. Au contact de l'eau glacée, elle perdit immédiatement connaissance.

Chapitre VI : La corne de brume

-Tiens... quelle est cette barque devant notre chalet ?
-Mon dieu ! Venez vite, il y a deux corps allongés sur la berge.
L'homme reprenait connaissance lentement, et la femme venait d'ouvrir les yeux. Le froid avait cédé la place à la douce chaleur du soleil de printemps.

-Youpiiie ! C'est papa et maman, hurlait Jojo en direction du chalet. Eh ! Bien, fais les donc entrer, dit une grosse voix grondant comme le tonnerre. Et passant la tête par la fenêtre, l'énorme dragon bleu cracha un flot de fleurs multicolores en direction des nouveaux visiteurs.

-Mais...   ! Mais... ! Où sommes-nous ? Que s'est-il passé ?
Papa et maman, avaient à présent repris tous leurs esprits.
De joie de revoir leurs enfants sains et saufs, tous deux éclatèrent en sanglots Ils accompagnèrent Suzette jusque dans le chalet mystérieux.
-Soyez les bienvenus messieurs dames, en mon modeste refuge de solitude ! Dit le grand rat noir qui les accueillait. Visiblement, Suzette ne l'avait pas encore embrassé pour qu'il redevienne Prince.
-Moi, je m'en vais chasser le dîner sur le champs, dit le chevalier Rémy, en enfourchant son cheval blanc.

-Et moi, dit Jojo, je vais prévenir toute la population, de votre venue parmi nous dans la forêt magique du sentier de nulle part.

Sur ces mots, il empoigna une espèce de longue corne de brume, et se mit à souffler de toutes ses forces. Tous furent contraint de se boucher les oreilles.
-Aïe... ! Jojo, s'il te plaît, arrête ce bruit est insupportable, demanda papa.
Mais Jojo, soufflait de plus belle. Papa avait tellement mal aux tympans, qu'il tenta de récupérer l'instrument. En se dirigeant vers son petit garçon, il s'emmêla les pieds dans la longue queue du rat noir. Il bascula par-dessus la chaise ou maman était assise, et fit une pirouette avant de tomber dans les pattes du dragon bleu.

Un raffut du tonnerre s'ensuivit. Papa battait l'air de ses bras, et maman le regardait étonnée. Elle arrêta le réveil matin.

Elle alla ensuite relever son mari qui, allongé sur la carpette à côté de la table de nuit renversée, continuait à brasser l'air de ses bras largement écartés. Suzette, Rémy, et Jojo, firent irruption dans la chambre de leurs parents.
-Ouais... ! C'est enfin samedi, allons nous préparer pour la ballade en forêt, s'écrièrent-ils joyeusement.
Entre-temps, papa s'était assis sur le bord du lit, et se demandait encore s'il avait vraiment rêvé.
-Et si nous y allions tous, proposa-t-il avec l'air le plus sérieux du monde.
Sait-on jamais !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Septembre 2013 à 12:52:45
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La Demoiselle Nacrée

Il y avait une fois, dans une famille, trois soeurs, trois jeunes filles qu'on
appelait la Demoiselle Dorée, la Demoiselle Argentée et la Demoiselle Nacrée.
Elles étaient toutes les trois d'une très grande beauté, et l'on n'eût pas
trouvé à la ronde de garçon qui n'eût pas souhaité la main de l'une ou l'autre
des trois. Seulement, la Demoiselle Dorée et la Demoiselle Argentée avaient de
grandes prétentions, et ne pensaient qu'à un fiancé riche et bien né, tandis que
la Demoiselle Nacrée souhaitait que son futur ait avant tout le coeur honnête et
bon.
Un beau matin, la Demoiselle Dorée prit son petit seau d'or pour aller chercher
de l'eau. Elle ouvrit la porte et fit un bond d'horreur. Sur le seuil gisait un
mendiant tout enveloppé de loques, si bien qu'on n'en voyait même pas bien le
visage.
-Qu'est-ce que tu fais là, espèce de mécréant ? s'écria la Demoiselle Dorée.
Ote-toi de mon chemin !
-Aide-moi un peu, demoiselle, répondit le mendiant d'un ton nasillard, avec mes
vieux os, je me relève difficilement.
-Aide-toi toi-même, personne ne t'a demandé de te mettre là ! déclara la
péronnelle, le nez en l'air. Mon père veut de l'eau à mettre dans son vin, ma
mère en a besoin pour son thé et moi, je veux me laver les cheveux. Soit je
t'enjambe, soit je te marche dessus, mais je ne te toucherai pas. Et j'ai
toujours fait ce que j'ai voulu !
Elle fit comme elle avait dit. Elle enjamba le mendiant, mais ce faisant elle
lui marcha sur la main. Le mendiant releva la tête. Ses yeux sombres lancèrent
des éclairs, examinant la jeune fille d'un air sévère. Quand la Demoiselle Dorée
revint à la maison, le mendiant avait disparu.
Le lendemain matin, la Demoiselle Argentée sortit de la maison, son petit seau
d'argent à la main, pour aller chercher de l'eau. Sur le seuil, le même mendiant
était encore affalé. La jeune fille recula.
-Qu'est-ce que tu fais là sur notre seuil, roulé dans tes haillons dégoûtants ?
Ote-toi de mon chemin !
-Cela ne peut se faire si vite, belle enfant, répondit le mendiant d'un air
contrit. Tous les os de mon corps sont douloureux. Aie, je te prie, la
gentillesse de m'aider à me relever.
-Tu n'es pas fou ? demanda la jeune fille en se retirant avec répugnance. Te
donner la main, à toi, je te demande un peu ! Ote-toi de là, te dis-je, sinon je
te marche dessus. Et déjà, sans attendre, elle enjamba le mendiant. Ce faisant,
elle lui heurta la tête de son seau d'argent. Des yeux de braise regardèrent
fixement la jeune fille, puis le mendiant disparut.
Au matin du troisième jour, c'est la Demoiselle Nacrée qui alla puiser de l'eau.
Elle portait un petit seau de nacre qui, au soleil, lançait toutes les couleurs
de l'arc-en-ciel. En voyant le mendiant tout pelotonné devant la porte, elle fut
surprise.
-S'il vous plaît, pourriez-vous me laisser un peu de place pour passer ? lui
demandait-elle, et sa voix était pleine de timidité.
-Volontiers, mais ce n'est pas si facile. Tous mes os me font mal. Tout seul,
je ne pourrai pas me relever.
- Tenez, je vais vous aider, dit aimablement la Demoiselle Nacrée. Elle tendit
la main au mendiant, mais comme c'était difficile, de soulever un tel poids !
Pour un peu, elle serait tombée elle-même. Elle se disait qu'elle ne pouvait pas
faire voir au malheureux combien il était lourd pour elle, pour ne pas le vexer.
Alors elle sourit et dit :
-Vous voyez, grand-père, vous êtes resté un peu trop longtemps sur la pierre,
cela vous a engourdi, mais bientôt vous vous sentirez frais et dispos.
-Pour un peu je te croirais, rien qu'à t'écouter, répondit le mendiant en
hochant la tête. Et pour ta bonté je te souhaite de rencontrer le plus riche
fiancé de la région.
-Riche ou pas riche, dit la Demoiselle Nacrée en riant, l'important c'est qu'il
ait le coeur bon !
-Il s'en trouve de pareils, bredouilla le mendiant qui boitillait toujours aux
côtés de la jeune fille, l'accompagnant jusqu'à la fontaine. La Demoiselle
Nacrée prit de l'eau avec un récipient et quand son seau fut plein, elle voulut
le mettre sur son épaule.
-Attends, je vais t'aider à le soulever, dit le mendiant en se précipitant et
boum, patatras ! Il renversa le seau et toute l'eau se répandit par terre :
-Ne t'en fais pas, grand-père, riait la jeune fille, moi-même, j'ai renversé
plus d'une fois mon seau ! Elle le remplit à nouveau, et le mendiant le souleva.
-Un peu plus haut, grand-père, si ce n'est pas trop lourd pour vous, le
pria-t-elle.
-Volontiers, dit le mendiant qui souleva le seau si haut que la jeune fille ne
pouvait le prendre pour le déposer sur son épaule.
-Ne vous fâchez pas, grand-père, mais comme ça le seau est trop haut, je n'y
arrive pas, lui dit-elle sur un ton d'excuse.
-Cela ne fait rien, essayons encore, dit le mendiant qui pencha tellement le
seau qu'il inonda le dos de la jeune fille. Je suis désolé d'être si maladroit,
dit-il, navré.
-Mais non, vous n'êtes pas maladroit. Cela arrive à tout le monde, de manquer
quelque chose, lui dit la jeune fille pour le réconforter. Le mendiant la
regarda, pensif. Il souleva une fois de plus le seau et patatras ! le seau lui
glissa des mains et tomba, se brisant en mille morceaux. Cette fois, la jeune
fille ne put se contenir et fondit en larmes. Le mendiant l'examina encore très
attentivement.
-Ce n'est pas votre faute, grand-père, lui dit-elle en sanglotant, vous vouliez
m'aider, mais maintenant, à la maison, on va se fâcher. Un seau de nacre comme
celui-là, on n'en trouve plus nulle part !
Dans les loques déchirées, les yeux sombres eurent un éclat de tendresse.
-Peut-être pourrai-je te le réparer, ton seau, dit le mendiant d'une voix
douce. Vite il rassembla tous les morceaux de nacre, les remit en place et en un
clin d'oeil, le seau était là devant la jeune fille, tout rempli d'eau claire.
Le mendiant lui aussi s'était changé soudain. Il se redressa avec souplesse,
souleva aisément le seau et le déposa délicatement sur l'épaule de la jeune
fille en lui disant d'une voix ferme et mélodieuse au point d'en faire
l'frissonner la jeune fille :
-Tu pourrais faire quelque chose pour moi ?
-Tout ce qui sera en mon pouvoir, répondit de bonne grâce la Demoiselle Nacrée.
Je ne sais ce que j'aurais fait, sans votre aide. Maman n'aurait pas cessé de me
gronder à propos de ce seau brisé.
-Veuille demander chez toi qu'on me laisse passer la nuit à la cuisine.
-Cela, je ne sais pas si maman le permettra, dit la jeune fille, assez ennuyée.
Elle ne supporte pas les mendiants. Mais je vais l'en prier.
-En paiement, tu peux lui laisser ce qu'elle trouvera dans le fond de ton seau,
dit en riant le mendiant à la jeune fille fort étonnée. Qu'est-ce qu'il peut
bien y avoir au fond du seau ? Cet homme-là n'est pas un mendiant ordinaire. Ce
seau de nacre était irréparable, et en un clin d'oeil il était comme neuf. Qui
sait si ce n'est pas un esprit bienfaisant ?
La jeune fille reporta enfin son seau d'eau à la maison. Elle demanda à sa mère
si elle ne pourrait laisser un vieux mendiant passer la nuit au chaud, à la
cuisine.
-Pas ce vieux pauvre dégoûtant qui se couche depuis trois nuits sur notre
seuil, sans doute ? demanda la mère, déjà irritée. La Demoiselle Nacrée baissa
la tête, et alla vider son seau d'eau dans une grande bassine de cuivre. Quelque
chose tinta, et au fond de la bassine on vit briller de l'or. En silence, elles
se regardaient l'une l'autre. La mère plongea la main dans l'eau et en retira
une lourde bague d'or. La Demoiselle Nacrée se rappela les paroles du mendiant.
-C'est pour vous, maman, pour payer la nuit du mendiant dans la cuisine,
dit-elle bien vite.
Un mendiant qui distribue de l'or ! s'étonna la mère. Eh bien, qu'il dorme cette
nuit dans la cuisine !
Au cours de la soirée, comme d'habitude, toute la famille était réunie. Le père
buvait du thé, la mère filait la laine de ses moutons et les filles bavardaient
à propos de tout et de rien. Bientôt la conversation tomba sur les prétendants.
-Moi, je veux au moins un prince indien, sinon je ne me marie pas, déclara la
Demoiselle Dorée.
-Il ne doit pas précisément être indien, notre prince me suffirait, estima la
Demoiselle Argentée. Et toi, qui voudrais-tu épouser ? demanda-t-elle à la
troisième soeur. La Demoiselle Nacrée gardait le silence.
A ce moment-là, la porte s'ouvrit et le mendiant fit son entrée. Il dit :
-Je connaîtrais bien un fiancé pour la Demoiselle Nacrée. Le prince Mipam
lui-même serait heureux d'épouser une si bonne et si belle demoiselle.
-Qui est-ce ce prince Mipam ? demandèrent les deux premières soeurs. Il est
aussi puissant et aussi riche que le prince indien ?
-Peut-être est-il encore plus riche et plus puissant, dit le mendiant d'un air
énigmatique en appuyant le regard de ses yeux sombres sur la Demoiselle Nacrée,
et s'adressant particulièrement à elle, il poursuivit :
-Mipam serait heureux de t'épouser et avec lui tu serais heureuse comme avec
personne d'autre. Crois-moi, Demoiselle Nacrée. Quand je m'en irai d'ici, suis
les traces de mon bâton et je te mènerai jusqu'à lui. Le veux-tu pour époux,
Demoiselle Nacrée ?
La jeune fille, se rappelant le seau de nacre miraculeusement réparé, fit un
signe de tête d'assentiment. Le mendiant fit demi-tour et passa la porte. La
Demoiselle Nacrée se hâta à sa suite.
-Où cours-tu? Tu es devenue folle ? lui cria sa mère. Un mendiant ne peut te
procurer comme époux qu'un autre mendiant.
Mais la Demoiselle Nacrée était déjà sur le  seuil de la maison. Le mendiant
avait disparu. Seule une rangée de trous sombres, dans la terre, était visible
dans le clair de lune, et se perdait au loin. La jeune fille courut en suivant
cette piste.
-Eh bien, va si ça te chante ! lui cria de loin sa mère courroucée. Mais dans
ce cas ne reviens plus jamais à la maison !
La Demoiselle Nacrée suivit toute la nuit les traces du bâton du mendiant. Enfin
la lune pâlit, et à l'horizon apparurent les lueurs roses de l'aurore. La jeune
fille constata qu'elle était arrivée à une vaste prairie. Un berger y gardait
des milliers de moutons.
-Est-ce qu'un vieux mendiant n'est pas passé par ici ? lui demanda la
Demoiselle Nacrée.
-Non, mais notre seigneur Mipam est passé. Tous ces moutons lui appartiennent.
La jeune fille poursuivit son chemin et bientôt elle se retrouva au sein d'un
énorme troupeau de yaks.
-Tu n'as pas vu passer par ici un vieux mendiant ? demanda-t-elle au pasteur.
-Je n'ai vu personne d'autre que notre seigneur Mipam, qui vient de passer. Ces
yaks sont à lui.
«Où était passé le mendiant ? » se demandait la jeune fille. « Ne serait-il pas
lui-même le seigneur Mipam ? Alors je me marierai probablement avec un vieux
mendiant ? » Elle marcha donc, allant toujours plus loin. Elle rencontra un
troupeau de chevaux.
-N'as-tu pas vu passer par ici un vieux mendiant ? demanda-t-elle au meneur de
troupeau.
-Pas un mendiant, non, c'est notre seigneur Mipam qui est passé par ici il y a
un instant. Ces chevaux lui appartiennent.
Pendant ce temps-là le soleil était sorti de la brume matinale, et éclairait
tout le  paysage. La jeune fille s'arrêta soudain, émerveillée. Devant ses yeux
se dressait un admirable château d'or, tout scintillant dans les rayons de
l'astre du jour. Devant l'entrée, un vieillard aux cheveux blancs l'attendait en
souriant.
-C'est un temple à Bouddha ? demanda timidement la jeune fille.
-Mais non, lui répondit affublement le vieillard, c'est le palais du seigneur
Mipam. Notre maître t'attend.
La jeune fille s'avança. Là où son pied touchait la terre, aussitôt poussaient
des fleurs par touffes, qui s'épanouissaient et embaumaient d'un parfum divin.
Quand elle entra dans le palais, un immense tapis de fleurs éclatantes se
déroula devant ses pas, et un beau jeune homme venait tout droit à sa rencontre.
Ses yeux sombres brillaient de bonheur, et une série de serviteurs le suivaient,
avec de nombreux présents tous plus magnifiques les uns que les autres. Le beau
jeune homme prit doucement la jeune fille par la main en lui disant :
-Je suis Mipam. Je suis ce vieux mendiant. Me prendras-tu pour époux comme tu
l'as promis ?
La Demoiselle Nacrée avait les yeux fixés sur le beau jeune homme, et ne pouvait
en détacher son regard. Elle crut que son coeur allait éclater de bonheur. Comme
en un rêve, elle fit signe que oui, et Mipam, la tenant toujours par la main,
l'introduisit dans son palais. Là, elle se revêtit une robe qui avait toutes les
couleurs brillantes de l'arc-en-ciel, se para de coraux et de pierres précieuses
scintillantes, puis elle prit place sur un siège d'argent, Mipam s'assit sur un
siège d'or, et ils choisirent le jour heureux de leurs noces.
Après ? Eh bien après, ils ont vécu très longtemps, heureux, car ils sont restés
très amoureux l'un de l'autre.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Septembre 2013 à 13:15:30
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Les canards mandarins et le samouraï

Il y a de cela bien longtemps, sur les bords du lac Mimidoro, que l'on appelle
aujourd'hui Mizoro, au nord-est de Kyõto, un couple de canards mandarins vivait
en paix. Il fallait voir, à la belle saison d'été, le mâle bondir sur l'eau,
prendre son envol, ses moustaches orange, son bec rouge sombre, et ses
magnifiques ailes frisées. Madame et les enfants vêtus d'un modeste gris, même
l'aîné qui portait encore la robe juvénile, ne le quittaient pas des yeux. Le
soir, les canetons rassasiés et endormis, Monsieur, d'un tendre coup de bec sur
la joue blanche et gracieuse, disait bonsoir à son épouse et, dans le trou
d'arbre qui leur servait de maison, toute la famille glissait au pays des rêves.

L'année qui suivit aux premiers jours du printemps, un jeune samouraï vint
installer sa cabane aux bords de l'étang. Sa femme attendait leur premier
enfant. Ils étaient pauvres. Le samouraï avait dû acheter son équipement : les
culottes bouffantes, les cuissardes, les manchettes métalliques et la cuirasse à
quatre pans. Sa femme lui avait confectionné le « bandeau de résolution », sa
mère avait économisé longtemps pour lui offrir les deux épées traditionnelles,
la longue et la courte. Mais il ne possédait pas encore le masque effrayant
destiné à terroriser l'ennemi. Il attendait qu'un noble seigneur le prenne à son
service. Cette nuit-là, sa femme le réveilla et lui dit :
« Mon tendre époux, je sais que nous sommes pauvres, et je ne voudrais pas vous
importuner, mais je sens depuis quelque temps une envie irrésistible de manger
de la viande, et j'ai peur que votre fïls n'en pâtisse. » Le jeune samouraï ne
dit mot. Il  prit son arc et sortit dans la nuit. Il se posta au bord de l'étang
à l'affût de quelque proie. Par hasard, le canard mandarin faisait une promenade
nocturne. À l'éveil du printemps, le nid est encore vide, et il songeait au rude
travail de l'été qui l'attendait quand il faudrait nourrir toute la maisonnée.
Le samouraï aperçut ses ailes frisées qui scintillaient sous la lune. Il tira
une flèche et le tua. Il l'emporta dans un sac et arrivé chez lui, il le fixa
sur une perche devant la cabane. Puis il regagna sa couche et s'endormit.
Un bruit insolite le tira du sommeil. Une sorte de « tap, tap ! », comme un
bruit d'ailes. « Le canard n'est que blessé, songea-t-il, il se débat au bout de
la perche où je l'ai attaché. » Il prit un couteau et sortit. Le canard mandarin
suspendu par les pattes était bien mort. Mais sa femelle était venue, et elle
battait des ailes au-dessus de lui. Le samouraï fit étinceler la lame de son
couteau et le brandit. La cane mandarine ne bougea pas, ne quitta pas la place.
Alors il alluma un feu pour les rôtir tous les deux mâle et femelle. La cane
continuait à battre des ailes, indifférente à son sort, pleurant son époux mort.
Le samouraï fut alors saisi d'un sentiment inconnu. Il alla réveiller sa femme,
lui montra le spectacle de cet amour conjugal et son épouse pleura.
« Je ne mangerai de cette viande pour rien au monde », dit-elle.

Les anciennes chroniques disent que le samouraï coupa son chignon d'homme de
guerre, et se fit moine. Il mena une vie exemplaire, protégeant les animaux, ...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Septembre 2013 à 13:01:27
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...Pour une danse des cordelles (conte traditionnel de Provence)

C'est comme ça, chez nous, petits : on parle, on rit, on chante, on danse... et, quand on danse, on rencontre parfois l'amour. Ça donne de jolies histoires. Certaines finissent par un mariage où l'on chante et l'on danse encore. D'autres finissent tristement. Ça dépend du sort, et des gens. Ainsi, un soir, à Barbantane...

Le gardien de la tour de Barbantane était un homme jaloux, très soucieux de protéger sa fille Mourette des galants qui lui faisaient la cour. Il redoutait surtout ceux dont on disait qu'ils dansaient bien la farandole et la danse des cordelles. Un soir de fête, il ne put cependant interdire à sa fille d'assister aux réjouissances en l'honneur de l'évêque du lieu qui lui avait solennellement remis les clés de la tour de la ville. Les jeunes gens et les jeunes filles tenant des rubans de couleur s'en furent les attacher à un mât planté sur une place. Au son des fifres et des tambourins, ils commencèrent à danser en tenant les extrémités de ces rubans qui s'enroulaient gracieusement autour du mât en une tresse multicolore. Mourette tenait un ruban bleu, comme ses yeux, couleur lavande. Un beau garçon de Barbantane, tenant un ruban cramoisi dansait aussi. Un pas par ci, un pas par là, leurs jolis rubans s'emmêlèrent et ils s'emmêlèrent si bien qu'ils ne purent plus les détacher et qu'à la fin de cette danse, ils étaient tombés amoureux.
Dès le lendemain matin, le garçon vint demander la main de Mourette à son père. Mais celui-ci s'y opposa. Les gens eurent beau lui dire que ce garçon était sérieux, travailleur et consciencieux, il ne voulut rien savoir.
Et il enferma sa fille dans la plus haute chambre de la tour, afin que ni ce prétendant ni aucun autre ne puisse jamais l'ôter à son amour paternel et jaloux.
Le jeune homme, très amoureux, ne se laissa pas décourager. Chaque soir, il vint chanter et danser sous la fenêtre de son aimée. D'en haut, elle le regardait faire, et le chagrin d'être ainsi séparée de lui en était un peu adouci. Au pied de la tour, poussait un lierre.
Et, chaque jour, il grandissait, comme l'amour des jeunes gens. Bientôt, il atteignit la fenêtre à laquelle se penchait la belle Mourette. Et le garçon eut une idée : il attendit la nuit et se mit à grimper le long de la plante, afin de venir délivrer celle qu'il aimait. Quand il fut parvenu sous la croisée, la jeune fille lui tendit la main. Mais c'est alors que, sous le poids du visiteur, le lierre commença à se détacher. Ses grands bras feuillus se délièrent de la pierre et s'abattirent d'un seul coup sur le pavé du parvis, ensevelissant l'audacieux dont la tête se fracassa au rebord d'une fontaine.
Mourette poussa un cri d'effroi et se retira dans sa chambre d'où on ne la vit plus jamais ressortir, ni pour descendre de la tour, ni pour paraître à sa fenêtre, qu'il fît beau ou mauvais temps, les soirs d'hiver ou de printemps, ni même les jours de fête quand les autres, sous le donjon, dansaient la danse des cordelles.
Le lierre repoussa lentement mais avec grande vigueur. Il atteignit de nouveau la fenêtre qui demeura cependant fermée. Et c'est toujours le même lierre qui grimpe au mur aujourd'hui. Les nuits  où souffle le vent, lorsqu'on veut bien tendre l'oreille, de ses longues branches feuillues, monte une voix de garçon qui murmure une chanson, et une voix de jeune fille lui répond par des sanglots.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Septembre 2013 à 13:16:56
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Le vin nouveau (conte traditionnel de Gascogne)

Ceux qui cultivent la vignes comprendront... Est-il possible de ne pas goûter
les fruits de la vendange ?

Le soleil s'était bien installé dans les vignes de Chalosse, face aux Pyrénées
toutes bleues et au-dessus des grandes landes toutes noires. Le soleil, entre
les branches, frisottait sa barbe rousse.
- Comme ces paysans travaillent bien, pensait-il, c'est un véritable régal. Ils
sont hardis et vaillants. Je vais les récompenser, ils le méritent tant. Je vais
donc rester dans leurs vignes jusqu'aux vendanges.
Le soleil resta donc dans les vignes de Chalosse, alors qu'on l'appelait de tous
côtés. À Bordeaux par exemple, ou en Espagne. Rien n'y fit. Il se sentait
délicieusement bien en Chalosse.
Le soleil resta donc dans les vignes de Chalosse, depuis la naissance des grains
jusqu'à leur maturité.
- Qu'ils aient du bon vin, se disait le soleil, qu'ils chantent gaillardement et
l'hiver prochain, ils se rappelleront de moi.
Patiemment, il caressa les vignes, protégea les raisins qui devinrent de petits
soleils miniatures, joufflus, transparents, chauds et juteux.
Abeilles et vignerons étaient satisfaits : le vin nouveau serait un vin de
paradis.
Mais il y avait Yanot, le vigneron de Chalosse, qui aimait le plus le vin, sans
jamais d'ailleurs être ivre. Il aimait surtout les vignes où jouait le vent et
sur lesquelles, dès le mois de septembre, passaient les vols bleus des palombes.
Il passait au moins quatre jours de la semaine à vagabonder dans ses vignes,
dormant dans de petites maisons de pierres sèches qu'il s'était construites.
Yanot était tombé malade.
- Faites, priait-il, que je ne quitte pas cette terre avant d'avoir bu le vin
nouveau. Ce ne serait pas juste, il va être si bon. Laissez-moi boire un seul
verre.
Eh non, cela ne fut pas possible. Yanot mourut deux jours avant la vendange, la
tête tournée vers ses vignes, la bouche ouverte.
Le surlendemain, le vin commença a couler dans le pressoir. On ne chanta pas
comme de coutume et l'on pensa au pauvre Yanot, mais l'on ne put s'empêcher de
boire le vin nouveau : il était si parfumé, si sucré ! Ah oui ! le soleil
s'était vraiment bien appliqué ! Ah ! si Yanot en avait bu quelques gouttes à
peine, il ne serait pas mort. Non, non, ce n'était pas juste.
Vers minuit, alors que l'on achevait de presser les grappes, Marceline, la fille
de Yanot, poussa un cri. Qui donc, là-bas, dans l'ombre avait remué ? Elle avait
cru voir comme une ombre blanche et puis la porte toute seule avait remué.
- Qu'est-ce que tu as ? lui demanda son frère.
- Peut-être, dit-elle toute tremblante, Yanot est revenu.
Tous les autres qui étaient là ne dirent rien. S'ils étaient aujourd'hui saint
Pierre, pour sûr qu'ils auraient laissé Yanot sortir du paradis pour aller faire
un petit tour sur terre.
On offrit un nouveau verre à la fille de Yanot.
- Allez, bois encore un peu de vin.
- Pose le verre sur cette pierre plate, j'attendrai un moment.
La porte, poussée par un petit coup de vent, s'ouvrit et éteignit les
chandelles. Pendant quelques secondes, tous gardèrent le silence et l'on
entendit comme quelqu'un qui buvait.
Quand la lumière revint, le verre, sur la pierre, était vide.
Le lendemain, Marceline en faisant la vaisselle se rendit compte que le verre
était un peu fêlé. Mais elle ne dit rien. Pour ne dit rien. Pour elle, comme pour les autres,
Yanot, ce soir-là, était revenu.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Septembre 2013 à 10:19:20
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Li.Mei et la légende des pandas

"Il y a bien longtemps, dans les hautes montagnes du Tibet et du Sichuan, vivaient les Pandas... Mais ces derniers n'étaient pas exactement comme leur descendants aujourd'hui. Non, ils avaient la tête toute blanche. Ce territoire était aussi celui d'un royaume humain. Dans ce dernier, une très belle princesse vivait. Fierté de son père et de son peuple, on disait d'elle que sa beauté était si grande qu'elle aurait tourner la tête à toute personne la croisant, homme ou femme. Personne ne pouvait résister à son charme. Même la plus humble des soies sur elle semblait tel un lourd et riche brocard; les plus humbles sandales qui ornaient ses pieds ne semblaient plus jamais toucher terre, comme s'ils étaient fait de nuages. La merveilleuse princesse avait cependant une faiblesse, elle aimait se promener dans tout le royaume parcourant campagne et forêt, faisant trembler d'effroi son père le roi pour sa sécurité. Malgré cela, un jour, fuyant la lourde chaleur du soleil estival, elle s'aventura dans la forêt. Un détour d'un sentier, elle entendit un bruit. Laissant sa curiosité l'emporter sur l'instinct qui lui parlait de danger, elle s'avança silencieusement vers le son. Et là, au coeur de la dense forêt de bambous, elle vit un petit panda, tout jeune et abandonné, face à un terrible tigre affamé. Tétanisé de peur, le petit ours-chat ("xiongmao" en chinois veut dire l'ours-chat et désigne le panda) ne pouvait s'enfuir. N'écoutant que son bon coeur, la princesse se jeta sur le bébé panda et le sauva d'une mort certaine. Retrouvant toute sa réactivité, le panda s'enfuit se mettre à l'abri. Mais l'intrépide princesse se retrouva devant le tigre sans réelle possibilité de s'échapper. Le félin, trouvant une autre proie à la place de la première, ne se fit pas prier pour commencer son déjeuner. Quand des jours plus tard, les gens de son royaume retrouvèrent ce qui restaient de la princesse, ils lui offrirent un bûcher pour un semblant de cérémonie funèbre. Au bord de la forêt, le petit panda pleurait, pleurait la mort de la princesse. Et lors que le bûcher ne fut plus que cendres, les villageois partis, il s'approcha et pria pour celle qui lui avait sauvé la vie. De douleur et de chagrin, il se frotta alors les yeux et les oreilles avec les cendres et demanda aux Dieux de lui permettre ainsi de porter le deuil de la princesse. C'est ainsi que depuis, tous les pandas ont les oreilles et le tour des yeux noirs, en mémoire de celle qui se sacrifia pour sauver l'un d'entre eux..."
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Septembre 2013 à 10:42:07
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L'apprenti meunier et la petite chatte

Il était une fois un meunier qui n'avait ni femme ni enfant, mais qui avait à son service trois jeunes apprentis.
Cela faisait quelques années que les apprentis travaillaient auprès de lui et, un jour, il les fit venir et leur dit: " Je suis vieux et je veux maintenant prendre ma retraite au coin du feu. Allez! Parcourrez le monde. Et celui qui me rapportera le meilleur des chevaux devra s'occuper de moi jusqu'à mes derniers jours, et à celui-là je donnerai mon moulin. "

Le troisième apprenti, Hans, était plus jeune que les autres; et ces derniers, le tenant pour idiot, ne lui confiaient jamais le moulin. Lorsque que tous trois se furent retirés, les deux plus vieux dirent à Hans: " Tu peux bien rester ici, jamais de toute ta vie tu ne trouveras de cheval. " Mais Hans alla quand même avec eux. Alors que la nuit tombait, ils arrivèrent à une grotte et rampèrent à l'intérieur pour y dormir. Les deux plus vieux attendirent que Hans se fut endormi, puis ils se levèrent et partirent en secret. Ils laissèrent là le petit Hans et se dirent qu'ils avaient été rusés. Mais la suite n'allait pas se dérouler comme ils l'avaient prévue!

Quand le soleil se leva, Hans se réveilla et constata qu'il n'y voyait goutte. Il regarda partout autour de lui et s'exclama: " Mon Dieu! Où suis-je? " Puis, il rampa hors de la grotte, alla dans la forêt et se dit: " Maintenant, je suis tout seul et je me suis égaré. Comment vais-je donc faire pour trouver un cheval ? " Alors qu'il allait, comme ça, perdu dans ses pensés, il rencontra une petite chatte bigarrée. Celle-ci lui dit gentiment: " Hans, où vas-tu donc comme cela? " " Hélas, tu ne peux pas m'aider ", répondit Hans. " Je connais ton désir, dit la chatte, tu aimerais trouver un beau cheval. Viens avec moi et sois mon fidèle serviteur sept années durant. Ensuite, je te donnerai un magnifique cheval, un cheval comme tu en n'as jamais vu. " " C'est une chatte étonnante, pensa Hans, mais je vais tout de même la suivre pour voir si ce qu'elle dit est vrai. "

Ainsi, la chatte multicolore l'emmena dans son palais enchanté. Là, se trouvaient d'autres petits chats bruyants qui étaient ses serviteurs. Ils montaient et descendaient l'escalier agilement, étaient gais et joyeux. Le soir venu, lorsqu'ils s'assirent à la table, trois des chats durent faire de la musique: l'un joua de la contrebasse, l'autre du violon, le troisième, les joues toutes gonflées, souffla dans la trompette aussi fort qu'il le pouvait. Quand le repas fut terminé, la table fut poussée dans un coin, et la chatte bigarrée dit: " Maintenant viens, Hans, et danse avec moi! " " Non, répondit Hans, avec une chatte, je ne danserai pas; cela, je ne l'ai jamais fait. " " Alors, allez le coucher. ", dit la chatte à ses serviteurs. L'un d'eux prit une chandelle et le conduisit à sa chambre. Là, un autre serviteur lui ôta ses souliers, un autre les bas, et finalement, un autre souffla la chandelle.

Le lendemain matin, les serviteurs revinrent et l'aidèrent à se lever. L'un d'eux lui enfila ses bas, un autre lui mit ses jarretières, un autre le chaussa, un autre le lava, tandis qu'un autre lui nettoyait le visage avec sa queue. " Hé bien! On fait la belle vie, ici ", se dit Hans réjoui de son nouveau travail. Mais il dut travailler et fendre du bois à longueur de journée pour la chatte. Pour cela, il reçut une hache d'argent, un coin d'argent, une scie d'argent et une cogné de cuivre.

Hans s'appliqua à son travail et demeura au palais enchanté. Il mangeait toujours de bon repas, mais jamais, à part la chatte bigarrée et ses serviteurs, il ne voyait quelqu'un. Un jour, la chatte lui dit: " Va! Fauche mon champ et met le foin à sécher." Aussi, lui donna-t-elle une faux d'argent et une pierre à aiguiser d'or, lui ordonnant de tout rapporter en état. Hans partit et fit ce qu'elle lui avait ordonné de faire.

Lorsque son travail fut terminé, il rapporta au palais la faux, la pierre à aiguiser et le foin. Et comme les sept années étaient maintenant écoulées, il demanda à la chatte s'il n'était pas le temps de lui donner sa récompense. " Non, répondit la chatte, tu dois encore accomplir un dernier travail pour moi: voici des matériaux d'argent, une égoïne, une équerre, et tout ce qui peut être utile; tout cela, fait d'argent. Avec cela, tu dois maintenant me construire une petite maison! "

Hans lui construisit une jolie petite maison et lorsque tout fut prêt, il dit à la chatte que, bien qu'il ait maintenant fait tout ce qu'on lui avait demandé, il n'avait toujours pas reçu de cheval. " Peut-être voudrais-tu voir mon cheval? ", rétorqua la chatte. " Oui ", répondit Hans. Alors la chatte sortit de la maisonnette - là se trouvaient douze magnifiques chevaux, si polis et si blancs qu'on pouvait presque se mirer dedans. En les voyant, Hans sentit son cœur sautiller dans sa poitrine. La chatte lui offrit encore un repas et lui dit: " Maintenant, retourne chez toi. Mais je ne te donnerai pas le cheval tout de suite: dans trois jours, je viendrai et te l'apporterai. "

Alors la chatte lui montra le chemin du retour et Hans se mit en route. Depuis sept ans, Hans n'avait jamais reçu de nouveaux vêtements; il dut donc retourner chez lui vêtu de ses mêmes vieilles guenilles, devenues beaucoup trop petites avec le temps. Lorsqu'il arriva au moulin, les deux autres apprentis étaient déjà de retour. Chacun d'eux avait rapporté un cheval, mais l'un était aveugle, l'autre paralysé. Ils demandèrent à Hans: " Alors Hans, où donc as-tu mis ton cheval? " " Dans trois jours il sera ici ", répondit Hans. Les deux autres apprentis s'esclaffèrent et le traitèrent d'idiot.

Hans entra et alla dans la salle à manger. Mais le meunier lui dit qu'il ne pouvait pas s'asseoir à la table, qu'il était trop déguenillé et qu'ils auraient honte de sa présence. Il lui donna un peu de nourriture et l'envoya manger dehors. Lorsque le soir fut venu et qu'il fut temps d'aller se coucher, les deux autres apprentis ne voulurent pas lui donner un lit. Hans dut se faufiler dans la basse-cour et dormir sur la paille.

Quand il se leva le troisième jour, un carrosse arriva, tiré par un attelage de six chevaux. Un domestique en apportait un septième, celui-ci était pour Hans. À ce moment, une princesse, qui n'était nul autre que la petite chatte bigarrée que Hans avait servie sept années durant, descendit du carrosse. Elle entra dans le moulin, et demanda au meunier où se trouvait Hans. " Hé bien! dit le meunier, nous ne pouvons pas lui permettre de rester à l'intérieur. Il est si déguenillé qu'il a dû s'installer dans le basse-cour! " Alors, la princesse demanda à ce qu'on aille le chercher immédiatement.

On alla donc le chercher, et Hans se présenta devant elle vêtu de ses vieilles guenilles. Là, le domestique sortit de magnifiques vêtements; Hans dut se laver et s'habiller. Lorsqu'il eut terminé, il ne pouvait y avoir plus beau prince que lui. Là-dessus, la princesse exigea qu'on lui fasse voir les chevaux que les autres apprentis avaient rapportés. Mais l'un était aveugle, et l'autre paralysé. Elle fit apporter le septième cheval par l'un de ses valets, et lorsqu'il le vit, le meunier s'écria: " Mille tonnerres! Jamais je n'ai vu un tel cheval! " " Il est pour Hans ", dit la princesse. " Si c'est son cheval, alors c'est à lui que je donnerai mon moulin ", dit le meunier. Mais la princesse lui répondit qu'il pouvait garder son moulin.

Elle prit son cher Hans par la main, le fit monter avec elle dans son carrosse et, ensemble, ils s'éloignèrent. Ils se dirigèrent d'abord vers la maisonnette que Hans avait construite avec les outils d'argent. Mais la maisonnette s'était transformée en un immense château, couvert, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur, d'or et d'argent. Puis, ils célébrèrent un grand mariage et vécurent riches et heureux pour le reste de leur vie.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Septembre 2013 à 10:59:21
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Les âmes des fleurs

Toutes les fées vous le diront, les fleurs ont une âme. Et surtout, ne dites pas que les fées n' existent pas, elles se cachent, parce que les humains ne croient plus en elles. Alors, elles se sont réfugiées en maints endroits, comme la forêt de Dartmoor en Angleterre.
Chaque Anglais, a même eu la chance d' en voir, mais cela remonte à longtemps, car notre époque est bien trop dépourvue de rêve et de sens du merveilleux pour cela.

                     Nous en avons cependant quelques portraits;

J' en ai eu une près de mon berceau; elle avait décidé de rester près de moi. Elle s' appelait " Ma Mère " et était une reine. Elle était mariée à un enchanteur, roi merveilleux, qui s' appelait " Mon Père ".

Donc, les âmes des fleurs existent, et je crois que je les ai vues. Elles ne sortent que la nuit, quand elle est bien noire, elles sont blanches et fugitives. Elles surgissent d' un mystérieux hiver, éclatent dans le ciel en formes gracieuses, et se dissolvent lentement, comme à regret.
Et, elles se mettent à rêver.

Dans leur songe, elles se parent de couleurs, jaune , rouge , rose , bleue... D' autres restent blanches, mais se fardent d' une discrète touche de lumière colorée;  Certaines mélangent les couleurs et ressemblent à des ailes de papillons tropicaux;  Elles se voient dans un monde vert et bleu, où le soleil brille, où l' air est doux et chaud.

                   Dans ce monde de lumière, des géants prennent soin d' elles, et, comble de merveille, ils leur apportent généreusement, l' eau magique qui les fait vivre. Et ils leur donnent des noms de poésie.

                   En échange, elles donnent de la beauté, le frémissement de soie quand souffle le doux zéphyr qui les berce.
 Les fées viennent les visiter, et virevoltent autour d' elles, faisant vibrer leurs ailes diaphanes, faisant d' un coup sec de baguette magique, relever la tête à celles qui piquent un peu du nez Les géants ne les voient pas. Etrange !

                   Et puis, elles se réveillent dans un monde redevenu noir. Elles se regardent, incrédules; finies les couleurs éclatantes, les voilà blanches à nouveau. Parfois, un papillon blanc au nez de lumière, les accompagne un moment.
Mais, ce sont des âmes joyeuses, et elles reprennent leur sarabande, sachant bien que le songe reviendra.Les fées leur ont enseigné la sagesse et dévoilé un grand secret de l' Univers : le cycle de la vie, qui, toujours renait après un semblant de mort, car elle est la plus forte.

                   Alors, dansez en toute sérénité, âmes des fleurs, car tout recommence sans cesse, de toute éternité.



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Septembre 2013 à 14:42:36
(http://img4.hostingpics.net/pics/37157946a2.jpg)
ZOÉ ET GÉDÉON

Bzzzzzzz ... Bzzzzzzzzzz (faire comme si une abeille tourne autour du conteur) ... Bzzzzzzzz

(elle tourbillonne et se pose).

Tiens ? !  On dirait Zoé, la petite abeille amie de Gédéon.  Gédéon, ce petit garçon, ... ce charmant galopin qui rit du soir au matin.  Jamais il ne pleure, il est toujours de bonne humeur.

Vous ne connaissez pas Gédéon ?  Alors, il faut absolument que je vous raconte son aventure.  Gédéon n'est pas un garçon comme les autres.

Voilà.

L'endroit où se passe son histoire n'est connu que de quelques personnes seulement.  C'est un lieu étrange, une contrée très éloignée.

Là où vit Gédéon, sur sa drôle de petite planète, le soleil, les villes, les magasins, les jardins, les maisons, les plantes, les animaux ... même les humains ... sont GRIS.  Sur cette planète, tout est triste et gris comme le ciel quand il ne fait pas bon.  Personne ne sourit, les gens sont tristes et grognons; les villes sont polluées et ne sentent pas bon.  Tout sur cette planète est triste et gris ... sauf Gédéon !  Les cheveux orange vif, les yeux verts luisants, les lunettes cassis et le sourire aux dent, rien chez Gédéon n'est pareil.

Il vit dans sa maisonnette jaune citron.  Les portes et les volets rouge groseille sentent bon le fruit mûr.  On dirait que l'intérieur de son petit nid est peint de pulpe de pastèque fraîche et d'éclats de tournesols.  Les fauteuils, les armoires, les vases, les couverts, les essuies vaisselle, tout, absolument tout est coloré.  Même la cuvette des W-C.

"Quelle joie, quel bonheur,

la vie en couleur."

Dans cette atmosphère bigarrée, Gédéon ne peut être que le plus joyeux des garçons.

D'ailleurs, si vous vous approchez de ses carreaux, vous pouvez le voir sautiller, tournoyer et danser ... tout seul ... par simple plaisir.

"Quelle joie, quel bonheur,

la vie en couleur.

Tout semble merveilleux à l'intérieur de cette maison.  On croirait que rien ne peut arriver à Gédéon ...

Sa bonne humeur et son amour dues couleurs rendent ses voisins très jaloux, eux qui ne vivent que pour l'argent, n'ont plus de temps ni pour s'amuser, ni pour décorer leur appartement.

-"J'en ai plus qu'assez !  Y m'embête, celui-là, avec sa bête chanson !"

-"Oui, moi aussi.  Y m'casse les oreilles !  Faut qu'ça cesse !"

-"On n'en peut plus !  Faut agir !  Ça ne peut plus continuer !"

-"Silence ... Silence !  Calmez-vous.  J'ai une idée." dit le plus vieux. "Cette nuit, deux d'entre nous pénétreront chez Gédéon;  Pour s'assurer qu'il ne se réveillera pas, ils lui feront respirer un coton de chloroforme.  Pendant qu'il dormira profondément, ils repeindront le moindre recoin de sa maison en GRIS: les fauteuils, les armoires, les vases, les couverts, les essuie vaisselle, la cuvette des W-C., ses cheveux, ses yeux, ses lunettes, son sourire.  Tout doit être repeint.  Fini les couleurs !"

-"Ouais !  Bonne idée !"

-"A bas les couleurs !"

-"Silence !  Qui se porte volontaire ?"

-"Euh ... Ben euh ... c'est-à-dire que ..."

-"Personne ?  Bon !  Scritch et Richie, vous irez !"

Le soir venu ...

-"O.K.  On a tout.  Coton chloroforme, peinture grise, rouleaux, pinceaux.  Il ne reste plus qu'à attendre qu'il s'endorme.  Gnèk !  Gnèk !"

Ting ... ting ... ting ... (les lumières s'éteignent)

-"Ça y est !  Tout est éteint.  On peut y aller."  Sur la point des pieds, les deux compères entrent chez Gédéon.

-"Quelle ... joie ... rrr ... rrr ... quel bonheur ... rrr."  Gédéon a déjà rejoint le pays des songes.  Lentement, les deux lascars montent à l'étage.  Gniiik ... Gniiik ... Gniiik ...  

 
-"Chloroforme !" ... Iiiiii (la porte s'ouvre).  Plouc plouc plouc ... Frrrt frrrrrt frrrt ...  

-"La vie ... en ... cou ... leurrrrr ..... rrrrr"  

-"Gnèk ! Gnèk ! Gnèk !"

Bip bip bip Il est l'heure de se lever. Bip bip bip Il est l'heure de se lever. Jamais le réveil de Gédéon n'a sonné si longtemps.  Bip bip.  

-"Aowww ... Quel étrange nuit ... quel cauchemar !"  Gédéon se frotte les yeux, les ouvre ...  

-"Qu'est-ce que ? ... Que s'est-il passé ?  Mon Dieu !  Mes fauteuils, mes cheveux, mes armoires, mes lunettes, tout, tout est gris !"  Gédéon ne reconnaît plus  

sa maison.  "Oh mon Dieu !  Quel désarroi !  Quel malheur !  Plus une seule couleur !  Que vais-je devenir?"  

Les jours passent.  Gédéon est triste. Ce gris le rend maussade.  Il ne danse plus, ne sourit plus.  Il n'est vraiment pas comme avant.  

-"Notre plan a merveilleusement bien fonctionné !  Notre petit d'homme arrête enfin de nous casser les oreilles.  Regardez-le, il est aussi gai qu'une lavette !"  

-"Bien joué, les gars ! Beau travail !"  

-"Ouais. Allez, tournée générale ! A la mauvaise santé de Gédéon !"  

-"A la mauvaise santé de Gédéon !"  

Gédéon n'est pas beau à voir.  Il n'a plus de goût pour rien, plus d'envies.  La seule chose qui l'intéresse, c'est acheter des fleurs pour dire d'égayer sa triste maison.

-"Des fleurs grises, ce n'est pas très beau ... mais bon ... c'est déjà ça ...  Allez, zouf !  Dans l'eau, mes amies."  

Il dépose le bouquet dans son vase ....  

-Bzzzzzzz ! Bzzzzzzz ! Za va pas, non ?  Tu as failli me noyer.  Prends garde, zinon, moi, Zoé, la plus vieille des zabeilles, ze vais te piquer."  

-"Oh, je m'excuse, petite abeille.  Je ne t'avais pas vue.  Mais ... mais ... ooh !  Que tu es jolie. Toutes ces couleurs sur ton dos !  Vermillon, indigo, violet, mauve, fuchsia ...  Jamais je n'en avais vues d'aussi éclatantes.  Où as-tu trouvé tout cela ?"  

-"Quelle queztion !  Ben z'est nous qui les fabriquons, tiens !  Mes zamies et moi, depuis des zentaines d'années, à la ruche-usine."  

-"Comment ?"  

-"Prenez 3 gouttes de pétales de rose, 4 grains de pollen de margurite, verzez le tout dans z'une alvéole; mélanzez avec vos zailes juzqu'à obtenzion d'une pâte uniforme et hop !  Grâze à l'énerzie que nous dégazons, les gris se tranzforment en couleur."  

-"C'est magique !"

-Le zeul petit problème !  Nous fournizons tellement d'énerzie pour la préparazion que nous n'en zurvivons pas.  Mais, bon, z'est la vie ! On est là pour za !  Demain z'ezt à mon tour.  Za fait longtemps que ze butine, demain, ze devrai battre des zailes.  Mais, tiens, z'ai une idée.  Tu vas m'aider, toi à économizer un peu de mes forzes.  Ze te propoze un marché.  Tu nous zaides à récolter les ingrédients, on ze charze de les tranzformer et t'offre nos zalvéoles remplies de couleurs.  Bien zûr, tu continueras à aider mes zamies, même zi ze ne zuis plus là."  

-"D'accord, marché conclu !"  Commençons dès maintenant !"  

Gédéon se lance dans la grande aventure.  Il va chez le fleuriste, achète de gros bouquets, revient chez lui, presse les pétales, en récolte le jus, le place dans de mini-capsules, les donne à ses amies abeilles.  Dans la ruche-usine, ces demoiselles s'en donnent à coeur joie.  De toutes leur petite force, elles battent des ailes, dégagent le maximum d'énergie ... lentement ... s'éteignent une à une.  Au revoir, Zoé.  

Tous les jours, c'est le même train-train: fleuriste-maison-ruche - fleuriste - maison - ruche - fleuriste - maison - ruche ...  Le manège commence franchement à intriguer le fleuriste.  

-"Il y a quelque chose de louche là-dessous.  Jamais on ne m'a acheté tant de fleurs en si peu de temps.  Demain, il viendra comme tous les jours.  Je lui vendrai  

sa marchandise, puis je le suivrai discrètement.  Je dois savoir ce qu'il mijote."  

Le lendemain ...  

-"Bonjour, Msieu l'fleuriste.  Vous me mettez comme  

d'habitude ?"  

-"Bien sûr, Monsieur Gédéon, bien sûr."  

Comme prévu, une fois servi, une fois sorti, Gédéon se fait suivre par le curieux.

-"Maison ... pétales gris ... jus de rose ... capsules ...  

abeilles ... ruche-usine ... couleurs !  Mon Dieu ! Des milliards de couleurs !!! C'est impossible !  Il faut absolument empêcher ça!  Je reviendrai demain, muni d'allumettes.  Je reviendrai et je brûlerai la ruche usine !!!"  

Le lendemain ...  

-"Bonjours, Msieur l'fleuriste. Vous me mettez comme d'habitude ?"  

-"Bien sûr, Monsieur Gédéon, bien sûr."  

Servi, sorti, Gédéon ne remarque pas le fleuriste derrière lui.  

-"Maison ... pétales gris ... jus de rose ... capsules ... abeilles ... ruche-usine ... couleurs ... allumettes ... ruche-usine ... CRACK ... FEU !!!  Gnaf ! gnaf ! gna !"  

D'un seul coup, une immense flamme embrase la ruche-usine.  Ça crépite, ça bourdonne, ça chauffe ... chauffe ... ça explose ... VOUF !  

-"Qu'est-ce qui se passe ?"  Depuis sa maison, Gédéon assiste à un étrange phénomène.  "Mon Dieu, la ruche-usine !  Mais ... mais ... Oooh! Comme c'est beau, c'est magnifique !" Gédéon n'a jamais rien vu d'aussi beau.  

Au lieu de détruire la ruche-usine, l'énergie puissante des flammes, d'un coup d'allumette, avait transformé les alvéoles de pétales cachés depuis des centaines d'années en un splendide feu d'artifice.  

Au-dessus des jardins, des maisons, des magasins, des milliers de petites lumières scintillent.  Les maison sont aussi belles que celle de Gédéon.  Au-dessus des villes et de la planète, plus rien n'est triste
et gris.  Les gens rient, dansent, chantent.    

Quel joie, quel bonheur  

que la vie en couleurs !  

La prochaine fois que vous verrez un feu d'artifice, regardez.Peut-être apercevrez-vous l'âme des petites abeilles et celle de Zoé ...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Septembre 2013 à 08:42:10
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La petite peur

Le monde n'est-il par une heure pour nous, une heure contre nous ?
Et puis, quoi, c'est notre monde ... 

Il était une fois, lovée confortablement au creux d'un doux ventre dodu, replet, avec quelques doux plis accueillants, une petite peur recroquevillée sur elle-même.
C'était une petite peur ordinaire, banale, du type "je n'oserai jamais".  La mine normalement effrayée, les yeux inquiets, la gorge serrée, l'estomac noué, les genoux flageolants, elle s'accrochait la plupart du temps de toutes ses petites pattes au ventre rassurant pour surtout ne pas risquer d'en sortir.   

Pourtant ... 

Pourtant, les veilles de pleine lune, exceptionnellement, elle s'offrait une grande inspiration d'audace et décrispait ses pattes crochues pour soulever le store du nombril. 

C'était une petite peur curieuse ! 

Elle écarquillait les yeux sur le monde extérieur:
          Il y avait là LE SOLEIL, rayonnant, dans toute sa majesté, sa splendeur
                    Pouf ! Un nuage noir passait l'assombrir ...
          Il y avait là L'AMOUR et sa plénitude:
                    Et soudain une rupture et des larmes de sang ...
          Il y avait là L'AMITIE et son cortège de joies:
                    Et puis une trahison, des déceptions ...
          Il y avait là LA VIE
                    Il y avait là ... LA MORT 

Le monde n'est-il pas une heure pour nous, une heure contre nous ?
Et puis, quoi, c'est notre monde ... 

Vite, la petite peur baissait le store du nombril, se roulait en boule, se cramponnait de plus belle, en arrachait le ventre - oh elle ne le faisait pas exprès - qui se tordait de douleur ... 

-"Eh, dis-donc, toi, la peur, là, tu ne pourrais pas prendre un peu de vacances, aller voir dehors si j'y suis ?  Ça fait un bout de temps maintenant que tu m'égratignes, ça commence à bien faire."
Le ventre, tout bon enfant qu'il est, commence à en avoir assez de ces malaises, ces élancements, ces crampes, ces tiraillements. "Je sais, je sais, d'aucuns diront que je me plains d'aise. J'ai des copains qui abritent jusqu'à douze, quinze peurs qui cohabitent, tu imagines les journées qu'ils passent ! Mais tout de même ..."
-"Benh, tu sais, notre destin à nous, les peurs, c'est de naître dans les ventres et de nous y accrocher."
-"Ah, benh, ça, c'est la meilleure !  Qui est-ce qui t'a mis des sornettes pareilles en tête ?  Tu n'es pas du tout obligée de rester, et d'ailleurs, tu n'es pas née ici !"
-"Je ne suis pas née ici ?"
-"Non, ma crispée.  Les petits garçons ne naissent pas dans les choux, les petites filles ne naissent pas dans les roses et les petites peurs ne naissent pas dans les ventres !"
-"Benh, je viens d'où, alors ?"
-"C'est veille de pleine lune, soulève le store, regarde ..." 

Au dehors, là, devant les yeux curieux de la petite peur, un enfant intrépide se lance dans la grande aventure de ses premiers pas.  Autour de lui, le cercle des personnes qui l'aiment le plus au monde:
-"Attention, tu vas tomber !"
-"Pas trop vite, sois prudent."
-"Attention, le coin de la table !"

La petite peur frémit, baisse le store.
-"Et alors ?"
-"Alors ?  Ce qu'on apprend au berceau dure jusqu'au tombeau.  Une petite peur vient de naître dans le ventre de ce bébé."
Pourtant, c'est par des chutes que l'on apprend à marcher.
Et toutes les fois qu'il tonne le tonnerre ne tombe pas.     

Le monde n'est-il par une heure pour nous, une heure contre nous ?
Et puis, quoi, c'est notre monde ... 

-"Ah bon ?  Je suis née comme ça, moi ?"
-"Oui, enfin, avec des variantes, en tous cas. 'Attention, ça brûle !' 'Attention, ça pique !'  'Attention, ça mord !'  'Attention ça sent mauvais !' 'Attention, il est noir, jaune, juif, gitan, artiste, différent ... !'  Tout ça souvent avec les meilleures intentions, en étant persuadé de protéger le propriétaire du ventre.  'C'est pour ton bien !'  La version la plus répandue reste 'Que vont penser, ou dire, les Gens ?!'  La maîtresse, le policier, monsieur le curé, le contrôleur, les voisins, les copains, maman, pépère, marraine, le patron, le raton laveur ..."
-"Ah ?"
-"Absolument ! Et c'est comme ça qu'alors qu'on le voudrait pourtant très fort, on n'ose pas réciter un poème devant la classe, marcher seul dans la rue, porter un bonnet vert quand tout le monde en porte un noir, dire à son père qu'on a un amoureux, à sa femme qu'on a pris un café avec un collègue, on dit 'oui' quand on voudrait dire 'non' ...  On craint d'échouer, décevoir, rater, être rejeté, jugé ...  Mais ça, ma tremblante, jugé, on l'est toujours !  Même moi, tiens, là, avec mes plis ...  On en oublie de vivre intensément !"
-"Qu'est-ce que je dois faire, alors ?"  Il est bien plus naturel à la peur de consulter que de décider.
-"Ah, ça, ma bouleversée, tu fais ce que tu veux.  Le plus grand secret du bonheur, c'est d'être bien avec soi.  Mais j'en ai connu de plus troublées que toi qui sont parties ... Alors, on a voyagé, porté des bérets multicolores, chanté faux avec délectation, écrit et récité des tas de poèmes, rencontré des gitans et des S.D.F. riches d'humanité, dit 'non' et 'non' et encore 'non', vécu des passions torrides, belles et tristes, tenu tête à des contrôleurs de toutes sortes ...
-"Wouaahh !  mais toi, tu voudrais que je parte ?"
-"C'est vrai, depuis le temps qu'on se connaît, malgré les soucis que j'endure avec toi, si tu me quittes, il y aura un vide, c'est physique ...  mais - ne le prends pas mal -  il y aura surtout une libération !"
-"Mais comment m'y prendre ?"
-"Quand tu manges un gâteau rond, commences-tu par le centre ?  Vas-y doucement, petit pas par petit pas, fais-toi confiance, rebondis sur tes échecs, avance, avance ...  Surtout, fais provision de caresses à l'âme, de compliments, d'encouragements, fais fi des critiques gratuites, des préjugés qui meurtrissent.  Et aime la vie toute entière." 

Le monde n'est-il par une heure pour nous, une heure contre nous ?
Et puis, quoi, c'est notre monde ... 

Ainsi a procédé la petite peur, doucement, gentiment, bousculée par le ventre qui voudrait lui donner des ailes.  Un jour, une veille de pleine lune, dans une inspiration d'audace plus profonde que les autres, elle est sortie ... 

Et le ventre s'est étiré, étalé, a repris ses aises ... 

Oh, elle revient bien de temps en temps se blottir au creux des entrailles, la petite peur, on ne s'arrache pas si facilement aux vieilles habitudes, c'est difficile de ne jamais se retourner, mais c'est pour mieux repartir encore, avec à chaque fois une confiance plus grande basée sur l'expérience. 

Je sais de quelle petite peur il est question dans cette histoire mais ne comptez pas sur moi pour vous donner son nom, étaler sa vie sur la place publique, ce n'est pas mon genre ... 

Ce dont je suis sûre, c'est qu'elle a bien fait de partir. 

L'autre jour, un ami, un têtu, me prétendait mordicus que son ventre n'avait jamais abrité ce type de petite peur, de type 'je n'oserai jamais'.  J'en doute. 

Et vous, le soir, quand vous êtes allongé dans votre lit et que tout est calme, n'avez-vous jamais entendu dans ces zones (montrer le ventre) des bruitages incongrus, des glouglous, des gargouillis plus ou moins harmonieux ? 

Le ventre et la peur conversent, discutent, et parfois même se disputent ! 

Le monde n'est-il par une heure pour nous, une heure contre nous ?
Et puis, quoi, c'est notre monde ...
La vie, ça n'est jamais ni si bon ni si mauvais qu'on croit. 
                                                                                                                   F I N
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Septembre 2013 à 11:15:36
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La Rose de la Béroche

Du temps passé, du tout vieux temps, du temps si lointain que nos grands-parents eux-même en ont perdu la mémoire, de grandes roselières envahissaient les rives du lac de Neuchâtel.

A l'abri des roseaux, loin des regards indiscrets, une jeune fille aux cheveux dorés venait souvent se baigner.

Elle s'appelait Rose.
Un jour qu'elle nageait dans l'eau claire près d'un saule, elle s'entendit appeler.
Elle retourna sur la berge et y découvrit une grande dame toute vêtue de blanc qui lui dit:

-"Bien le bonjour, ma belle enfant! Je suis en voyage dans ce pays et je dois me rendre sur l'autre rive du lac. Pourrais-tu m'y transporter?"

Rose courut chercher la pirogue que son père lui avait creusé autrefois dans un tronc de chêne.
Elle aida la dame à embarquer et entreprit courageusement la longue traversée. Pendant le voyage, la Dame Blanche l'interrogea sur sa vie et sur celle de ses proches.
La jeune fille répondit volontiers:

-"L'un de mes frères est mort cette année du mal de ventre. Mon père a si mal au dos qu'il ne peut plus se tenir droit. Quant à ma pauvre mère, elle tousse tant qu'elle ne dort plus. La vie est difficile chez nous, ma belle dame. Mais que peut-on y faire? C'est le destin!"

Quand elles eurent accosté, la Dame Blanche pria Rose de l'accompagner dans les prés. Elle ramassa un bouquet de plantes de toutes sortes: de la sauge, de l'argentine, de la belle-étoile, de la reine-des-prés, qu'elle entrelaça de branches de tilleul et de frêne.

-"Pour te remercier de ta peine, voici des plantes aux mille vertus: grâce à elles, tu pourras guérir tous ceux que tu aimes!"

De retour chez elle, Rose confectionna des infusions et des cataplasmes dont la Dame Blanche lui avait confié le secret.
Quand son père rentra des champs, tout courbé à cause de son mal, elle le frictionna avec une de ses pommades merveilleuses, puis lui fit boire une potion et, dès le lendemain, il était de nouveau droit comme un jeune homme.
Grâce aux soins de sa fille, la mère put enfin passer une nuit calme.
Comme une traînée de poudre, le bruit se répandit dans le village: la Rose de la Béroche savait guérir!

A partir de ce jour, ce fut un défilé ininterrompu dans la pauvre cabane: les mères amenaient leurs petits enfants fièvreux, les paysans blessés accouraient pour que Rose pansât leurs plaies, les vieillards perclus de rhumatismes se pressaient chez elle pour retrouver la souplesse de leurs vingt ans.

Or, tout le pays appartenait à un chef très cruel qui demeurait dans une grotte, une "cave", qui domine La Béroche.

De son antre, il pouvait surveiller les alentours.
Comme il ne bougeait guère de devant sa porte, il était gras comme un blaireau.
C'était à lui qu'il fallait demander le droit de ramasser les châtaignes, les glands, les faînes, les pommes sauvages et tous les petits fruits que produit la nature; à lui qu'il fallait acheter la permission de chasser les lièvres et les perdreaux, les sangliers et les chevreuils; à lui qu'il fallait louer les parcelles à esserter pour les transformer en champs et les cultiver en blé et en avoine, en carottes et en poireaux.
Chaque jour, tous les villageois des environs devaient lui apporter tribut et lui rendre hommage.

Mais depuis que la Rose avait le pouvoir de guérir, les gens de son village négligeaient leurs devoirs envers leur chef.
Celui-ci ne tarda pas à le remarquer.
Il entendit chanter les louanges de la guérisseuse et on lui parla d'une Dame Blanche qui l'avait dotée de mystérieux pouvoirs.
Il sentit alors germer en lui la pire jalousie que vous puissiez imaginer:

-"Qui aura peur de moi s'ils ne craignent plus la maladie? Et cette fille, m'a-t-elle seulement demandé la permission de soigner mes gens? Je dois agir, et vite!"

Le gros chef s'éloigna de sa grotte d'un pas pesant. Quand il arriva tout grommelant à la hutte de Rose, celle-ci était seule et pilait des plantes. Elle lui fit bon accueil et s'enquit de sa santé.
Cela ne fit qu'aviver la colère de l'homme qui ordonna brutalement:

-"Suis-moi immédiatement, et mène-moi à l'endroit où tu étais quand l'étrangère t'a hélée!"

Apeurée, la jeune fille le conduisit à la roselière, sous le grand saule.

-"Que faisais-tu quand tu as entendu cette femme?"

-"Je nageais dans l'eau claire!"

-"Eh bien, nage donc!"
Grogna-t-il en lui lançant un regard sombre et menaçant.
Elle obéit et commença à nager.
Alors le mauvais bougre entra dans le lac, lui posa la main sur la tête et l'enfonça longuement sous l'eau.

Son forfait accompli, il remonta tout tranquillement chez lui, soulagé, et s'assit devant l'entrée de sa grotte, comme à son habitude.

Quand la nuit tomba, la mère de Rose s'inquièta de l'absence de sa fille. Elle sortit avec un brandon et alla chez les voisins, mais personne ne put la renseigner. Enfin, après de longues et vaines recherches, on abandonnait tout espoir, quand un enfant s'écria:

-"Mais je l'ai vue, la Rose! Elle allait vers le grand saule avec le chef!"

Guidés par le garçonnet, la mère et les voisins descendirent vers le lac. Soudain, la femme aperçut quelque chose de blanc qui flottait entre les roseaux:

-"Regardez! C'est sa couronne de marguerites! Rose! Rose, réponds-moi, ma petite fille!"

Las! Ce n'étaient pas des fleurs mais le corps de son enfant qui flottait sans vie entre les roseaux!

La pauvre femme en poussa un tel cri que toute la Béroche en frémit de terreur. De partout, les gens accoururent pour apprendre quel malheur était arrivé, et beaucoup de poings impuissants se levèrent en direction de la "cave" du tyran. La mère éplorée ne cessait de se lamenter:
-"Sois maudit, chef cruel! Tu as tué ma Rose, mon enfant! Ah! Si seulement quelqu'un osait!"

A ces mots, un coup de tonnerre éclata et, dans un éclair, la Dame Blanche apparut. Elle s'inclina vers le corps de la jeune morte et murmura d'une voix douce:

-"Rose! Rose tu étais! Rose tu seras pour l'éternité!

Aussitôt, les joues pâles de Rose devinrent pétales satinés et ses cheveux dorés étamines d'or, cepandant que l'air s'embaumait d'un parfum inconnu; son corps s'allongea en une tige souple et légère qui grimpa le long du rocher, s'y agrippant grâce à de fines épines; au bout de ses doigts s'ouvrirent des feuilles vertes et brillantes: Rose était églantine, la rose sauvage dont chaque partie guérit.

Assis devant le feu, au seuil de sa grotte, le chef noyait son crime dans un pichet de cidre. Les villageois, du lac, apercevaient sa silhouette solitaire qui se découpait sur le brasier.

La Dame Blanche tendit la main dans sa direction et proféra ces paroles:

-"Chef cruel! Ours tu as été! Ours tu seras pour l'éternité!"

Aussitôt, un coup de tonnerre fit trembler la terre. Au même moment, le maître de la Béroche sentit ses jambes s'enfoncer dans le sol et la fourrure qui le réchauffait lui coller à la peau. Puis le froid gagna inexorablement ses membres jusqu'à ce que son coeur fût enserré dans une prison de pierre.

Le lendemain, à l'aurore, des paysans lourdement chargés montaient vers la grotte du chef: l'un portait un sac de blé, l'autre une bouteille de cidre frais, le troisième un cuissot de chevreuil: tous allaient payer leur tribut.

Quand ils arrivèrent devant la grotte, ils s'arrêtèrent, intrigués: à l'endroit où le chef avait souvent coutume de paresser au soleil se dressait un ours de pierre couvert d'une toison de mousse. Ils appelèrent, personne ne répondit. Le plus courageux des trois s'aventura jusqu'à l'entrée de la grotte; mais il y entrevit des formes blanches qui flottaient dans l'ombre; saisi par la panique, il prit la fuite, suivi de ses compagnons qui abandonnèrent là leur chargement.

Les compagnes de la Dame Blanche, les filles, comme on les appelait, avaient élu domicile dans l'antre du monstre. C'est pour cela que cette grotte a pour nom la Cave aux Filles et que plus aucun Bérochau n'y a habité.

Et c'est depuis ce temps-là, par ma foi, que la rose fleurit à la Béroche, dans les jardins et dans les haies, embaumant l'air et enchantant les coeurs.

   
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 16 Septembre 2013 à 08:53:33
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Le coeur sans bruit

-Pourquoi le temps se renverse -t-il ?


Jonathan, un petit bonhomme le corps à l'envers, suspendu à une balançoire, laissait tomber cette question à l'oreille du sol. Joanie était cette écoute, luisait de toutes les dents de ses sept ans dans

cette danse quand Jonathan jouait avec le temps, le coeur agrippé à son tee shirt.

-C'est la balançoire. Elle est magique. Quand elle s'envole, le temps
tourne à la renverse.

Le coeur au bout du tee shirt avait un secret, il était sans bruit, démonté. Jonathan s'envolait toujours plus bas pour remonter les

aiguilles de la vie.
Mécanique arrêtée, perdue dans une fissure à l'endroit où gèle la pluie.

-Dis, Joanie, plusieurs saisons se mêlent au mouvement de la balançoire. A l'an vert, une averse, et à l'an droit, un pan de soleil dans le bois oscillant.

Jonathan confondait souvent l'horizontal et le vertical. Il avait la langue à gauche.

-Écoute l'ombre du bois grignoter le temps, graviter aux corps vieillis de deux enfant aux gestes gelés.

La balançoire valsait avec Jonathan penché, valsait à remonter les bretelles des ombres lâches.

-Joanie, je  t'envoie mon tee shirt, garde le au  chaud dans ton

parterre d'étoiles. Toi, tu sais faire chanter le maintenant.


La petite fille comprenait ce tee shirt au coeur endormi. Jonathan, elle le savait, devait faire sourire les ombres d'enfants arrêtés.
-Jonathan, tisse bien les bouts de temps. Le jaune attend le réveil de la fissure.

Ici je défile –de haut en bas. de gauche à droite. Des collections d'images. Être au milieu. Ne plus savoir où. Petite, j'allais de bas en haut sur ma balançoire. Si seulement j'avais pu toucher le ciel.
Un pas au centre. Sauter. Un bonheur. L'attraper d'une main. L'oiseau s'envole. Courir derrière. Le rattraper peut-être. Revenir aux images. Quelque part dans le ciel. Petite, j'avais peur que le ciel ne s'écarte. Qu'aurait-il bien pu y avoir derrière?

Trembler dans le noir. Puis tendre la main. S'étourdir sur soi-même. Retourner parmi. Que d'étoiles. Toujours les mêmes. De loin en loin. Recommencer. Petite, j'avais peur dans le noir. Alors on me racontait des histoires pour que viennent les rêves.
Petite, quand il neigeait, je disais que c'était la lune qui tombait en miettes. Insouciance –Revivre des intensités. Passer à côté. Regarder les miettes.

Juliette Clochelune, Cécile Guivarch
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Septembre 2013 à 09:07:00
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LE CIL DU LOUP

Si tu ne vas pas dans les bois,
jamais rien n'arrivera, jamais ta vie ne commencera.

-Ne va pas dans les bois, disaient-ils, n'y va pas.
-Et pourquoi donc ? Pourquoi n'irais-je pas ce soir dans les bois ?
demanda-t-elle.
-Dans les bois vit un grand loup, qui mange les humains comme toi.
Ne va pas dans les bois, n'y va pas.

Bien sûr, elle y alla . Elle alla malgré tout dans les bois et bien sûr,
comme ils avaient dit, elle rencontra le loup.

-On t'avait prévenue, fît le choeur.
-C'est ma vie, rétorqua-t-elle  . On n'est pas dans un conte de fées.
Il faut que j'aille dans les bois . Il faut que je rencontre le loup,
sinon ma vie ne commencera jamais.

Mais le loup qu'elle rencontra était pris au piège.
Dans un piège était prise la patte du loup.

-Viens à mon aide, viens à mon secours ! Aïe,aïe,aïe ! s'écria le loup.
Viens à mon aide, viens à mon secours et je te récompenserai comme
il se doit . Car ainsi font les loups dans ce type de contes.
-Et comment serais-je sûre que tu ne vas pas me faire mal ?
interrogea-t-elle _c'était son rôle de poser des questions . Comment serais-je sûre que tu ne vas pas me tuer et me réduire à un tas d'os ?
-La question n'est pas le bonne, dit ce loup-ci.
Tu dois me croire sur parole . Et il se remit à gémir et à crier :

Oh, là, là ! aïe, aïe, aïe !
Belle dame
Il n'y a qu'une question qui vaille
Ououououououh
eheheheheheh
laaaaaaaam !

-C'est bien, le loup, je prend le risque . Allons-y ! Et elle écarta les mâchoires du piège . Le loup retira sa patte, qu'elle pansa avec des herbes et des plantes.
-Oh, merci, aimable dame, merci, dit le loup, soulagé.
Et, parce qu'elle avait lu trop de contes d'un certain type, le mauvais, elle s'exclama :
-Allons, finissons - en . Tue-moi. Maintenant.
Mais ainsi le loup ne fit  - il pas . Pas du tout.
Il posa la patte sur son bras.
-Je suis un loup qui vient d'ailleurs,
un loup qui vient d'un autre temps, dit-il.
Et il s'arracha un cil, puis le lui offrit en disant :
-Sers - t'en avec discernement. Désormais tu sauras ce qui est bon et ce qui ne l'est guère ; il te suffit de voir par mes yeux pour voir clair.
Tu m'as permis de vivre
Et pour cela
je t'offre de vivre ta vie
comme jamais tu ne le fis.
Souviens-toi, belle dame,
Il n'y a qu'une question qui vaille
Ououououououh
eheheheheh
laaaaaaaaam
Ainsi revint-elle au village
Ravie d'être encore en vie
Et cette fois, quand ils disaient
"Reste ici, marions-nous"
Ou "Fais ce que je te dis"
Ou " Dis ce que je te dis de dire,
Surtout n'aie aucun avis"
Elle portait à son oeil le cil du loup
Et voyait à travers lui
Leurs véritables motivations
Comme elle ne l'avait jamais fait.
Alors quand le boucher
Posa la viande sur la balance
Elle vit qu'il pesait son pouce avec.
Et quand elle regarda son soupirant
Qui soupirait "Je suis parfait pour toi"
Elle vit que ce soupirant-là
N'était pas bon pour elle
De sorte qu'elle fut à l'abri
Sinon de tous les malheurs du monde
Du moins d'une grande partie.

Plus encore : non seulement cette nouvelle façon de voir lui permit de distinguer le cruel et le sournois, mais son coeur ne connut plus de limites, car elle regardait tout en chacun et l'évaluait grâce au don du loup qu'elle avait sauvé.

Et elle vit les gens de bonté vraie
Et elle s'en approcha
Elle trouva le compagnon
De sa vie et resta près de lui,
Elle distingua les êtres de courage
Et d'eux se rapprocha,
Elle connût les coeurs fidèles
Et se joignit à eux,
Elle vit la confusion sous la colère
Et se hâta de l'apaiser,
Elle vit l'Amour briller dans les yeux des timides
Et tendit la main vers eux
Elle vit la souffrance des collets montés
Et courtisa leur sourire,
Elle vit le besoin chez l'homme sans parole
Et parla en son nom
Elle vit la foi luire au plus profond
De la femme qui la niait
Et la raviva à la flamme de la sienne.
Elle vit TOUT
Avec son cil de loup,
Tout ce qui est vrai,
Tout ce qui est faux,
Tout ce qui se retournait contre la vie
Et tout ce qui se tournait vers la vie,
Tout ce qui ne peut se voir
Qu'à travers le regard
Qui évalue le COEUR avec le COEUR

C'est ainsi qu'elle apprit que ce que l'on dit est vrai : le loup est le plus avisé de tous.Et si vous prêtez l'oreille, vous entendrez que le loup, lorsqu'il hurle, est toujours en train de poser la question la plus importante.

Non pas " Où est le prochain repas ?"
Ni "Où est le prochain combat ?"
Ni "Où est la prochaine danse ?"
Mais la question la plus importante
POUR VOIR A L'INTERIEUR,
pour estimer la valeur de TOUT ce qui vit,

Ououououououh
eheheheheh
laaaaaaaaam ?
Ououououououh
eheheheheh
laaaaaaaaam ?
Où est l'âme ?
Où est l'âme ?

Va dans les bois, va.
Si tu ne vas pas dans les bois, jamais rien n'arrivera,
jamais ta vie ne commencera.
Va dans les bois, va
Va dans les bois, va
Va dans les bois, va.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Septembre 2013 à 09:11:56
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Les Colombes en épicéa

Au pays des gens de Lune, aux confins des étoiles, vivait Bois de Lune. Bois de Lune était surnommé ainsi car son métier consistait à nettoyer le ciel de toutes les branches d'arbres qui gênaient le spectacle interstellaire : il était bûcheron en quelques sortes. Avec ses branches coupées, Bois de Lune fournissait Jean de la Lune, dont l'activité principale était de fabriquer des nuages. Jean de la Lune habitait une sorte de grotte tout en haut d'une immense montagne et faisait du feu de tous bois puis éclaboussait son antre avec une bonne giclée d'eau qui se transformait instantanément en nuage. Il en faisait des gros, des petits et même, de temps en temps des moyens, selon le moment et même parfois suivant son humeur. Par une cheminée, les nuages s'envolaient au gré du vent pour agrémenter nos ciels. L'été, ils étaient bien blancs et joufflus, l'hiver et l'automne, tristes et gris et au printemps ... tout guillerets. La lune ne se formalisait pas de cela, et au contraire aimait jouer à cachecache derrière les nuages de Jean de la Lune ... C'est amusant de penser que, pendant que l'un s'évertuait à dégager la face de la lune, l'autre se plaisait à la cacher ! Mais l'un et l'autre étaient de grands amis et ne trouvaient rien d'assommant à leurs labeurs.

Bois de Lune avait aussi un ami, Pierrot, qui lui, ne faisait rien d'autre que rêvasser. Assis sur une branche en attendant que Bois de Lune vienne la couper, il chantait dans l'espoir de séduire Colombine mais c'est surtout la Lune qu'il faisait sourire. Un jour, Bois de Lune rencontra Belle de Lune et en tomba aussitôt amoureux fou. Bien sûr, Belle de Lune était la plus jolie qui soit dans le firmament et Bois de Lune ne resta pas de marbre devant elle. Après des études compliquées de cosmotologie, Belle de Lune était devenue esthéti-Lune et chaque jour rendait la grande dame plus belle encore. Comme cela, si d'aventure la Lune obtenait un rendez-vous avec le soleil, elle aurait une excuse d'être en retard et lui,
serait conquis, l'astre d'or !

Après une lune de miel qui dura cent lunes, ils s'installèrent ensemble et bientôt eurent un enfant : Fleur de Lune vint au monde une belle nuit étoilée et fut suivie de Poisson-Lune qui avait une figure de poisson-chat, Pied de Lune, qui aimait par-dessus tout jouer au football, Lune Rousse à la chevelure ...blonde et enfin Petite Lune qui s'appelait ainsi parce qu'ils avaient préféré cela à Pierrette ou Léontine.

Dans le pays des gens de Lune, Bois de lune avait une réputation de bon travailleur et de bon père de famille. Les dimanches, il emmenait toujours toute sa petite maisonnée au Lunapark, et si le temps était pluvieux ... un peu à cause de Jean de la Lune, ils jouaient tous ensemble à une partie de Cosmo-poly. Lorsque Bois de Lune avait un peu de temps libre, pour occuper ses mains il fabriquait des oiseaux en fines lamelles de bois, au plumage déployé. Il les fabriquait à partir de 2 petits morceaux de bois, de l'épicéa de préférence, qu'il assemblait à mi-bois pour former d'une part la tête, le corps et la queue et d'autre part les ailes. Plus les ailes et la queue étaient ouvertes en éventail, et plus il était heureux de sa trouvaille.

Bois de lune les laissaient s'envoler afin d'embellir l'endroit. Comme par magie, le vent les déposait dans un souffle léger, sur une branche que Bois de Lune n'avait pas encore coupée. Mais un jour, l'un d'eux se fit prendre par une bourrasque plus forte et après un long ... long ...très long voyage dans les nuées, se retrouva au pays des Carpates. L'oiseau, comme tout bon oiseau qui soit, se posa de lui-même sur une branche d'arbre. Il attendit là qu'une personne chaleureuse veuille bien le récupérer,
bien vite car le froid et la neige commençaient à l'engourdir et l'oiseau ne voulait pas succomber dans une contrée aussi inhospitalière.

C'est à cet endroit que le petit Ivan le trouva. C'était une fin d'après-midi dans la forêt que la lune éclairait du mieux possible et dans laquelle Ivan essayait vainement de semer un loup qui en voulait à son effronterie, l'oiseau de bois lui apporta chance car le loup, à une croisée de chemins, prit la mauvaise direction et rattrapa un malheureux garçon, surnommé Piotr et qui n'avait jamais rien fait au loup ... sinon de crier à tort et à travers qu'il était dans le coin. Mais c'est une autre histoire.

Trouvant l'objet attirant, il le rapporta à sa mère qui habitait un grand château comme celui de la belle au bois dormant et lui indiqua que poursuivi par le loup, la chance lui avait souri au moment de sa rencontre avec l'oiseau. La grande duchesse, car c'était une grande duchesse, recueillit l'oiseau de bois et en garnit aussitôt une vitrine, car elle pensait qu'il fallait la meilleure protection qui soit pour un tel porte-bonheur. En outre, elle décida de ne plus jamais s'en séparer.

Bien plus tard, devenue bien âgée, la grande duchesse fit un long ... long ...très long voyage car elle devait faire une cure dans une station thermale de montagne pour soigner ses maux. Elle avait choisi de venir voir sa cousine, elle-même grande duchesse de Savoie. Bien évidemment, pour se garantir de toutes les mauvaises fortunes qu'un tel voyage pouvait présenter, elle prit soin d'apporter avec elle son oiseau de bois.

Dans le grand Duché de Savoie, elle visita le Val d'Abondance et elle fit la connaissance d'un pays tellement souriant, et de tant de gens charmants, qu'elle décida de s'y installer définitivement. Avant de mourir, la grande duchesse convoqua le maire du village dans lequel elle avait trouvé autant de bonheurs pour ses vieux jours et lui offrit son oiseau de bois.
Et depuis ce temps, on perpétue dans la vallée, la tradition de fabriquer des milliers de colombes en épicéa. La colombe est placée à l'intérieur des chalets, suspendue près de la cheminée, dans la cuisine ou dans la pièce commune. On dit encore aujourd'hui qu'elle porte bonheur.

Jean La Fiarde
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Septembre 2013 à 07:46:24
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Reinette


Il était une fois, dans un royaume lointain, une jolie petite fille, prénommée Reinette. Elle habitait dans un magnifique pommier où poussaient les meilleures pommes du pays. Son papa avait construit dans cet arbre une petite cabane. C'est là qu'elle passait le plus clair de son temps.

Au printemps, lorsque son arbre s'habillait d'un nuage de fleurs blanches, Reinette était aux anges. Elle comptait patiemment les petites fleurs tout en pensant à la fabuleuse récolte qui se préparait. Cette année promettait d'être une des meilleures. Les jours de pluie, elle surveillait tristement son pommier et ramassait, le cœur lourd, les petites fleurs fanées qui n'avaient pas résisté aux assauts du vent. Les jours de beau temps, armée d'un grand roseau, elle chassait les oiseaux qui venaient picorer les pommes nouvelles nées.

En juin, elle délaissait un moment son arbre pour aider à la cueillette des cerises. Mais, la pomme, était vraiment son fruit préféré. Ce fruit était magique. On pouvait le transformer en compote, confiture, tarte, jus, gelée ou cidre et, en profiter toute l'année.

Par un bel après-midi d'automne, Reinette se prélassait dans son pommier en croquant une pomme. Un silence étrange l'arracha de sa rêverie. Pas le moindre chant d'oiseau, pas le moindre bourdonnement d'insecte, pas le moindre bruissement de feuille... Inquiète, Reinette passa discrètement la tête au travers du feuillage et aperçu quelqu'un au pied de son arbre. C'était une vieille femme très laide, très sale qui sentait terriblement mauvais. Elle s'était allongée à l'ombre du pommier et s'était endormie. Contrariée, Reinette avait repris sa rêverie mais le cœur n'y était plus. L'heure tournait et la vieille femme dormait toujours. Son terrible ronflement faisait frémir l'épais feuillage de l'arbre. Les oiseaux n'étaient toujours pas revenus. A présent, une colère sourde animait Reinette et, n'y tenant plus, elle jeta sur l'intruse son dernier trognon de pomme !

Un vent terrible secoua le pommier et un rire effrayant résonna dans tout le royaume. Reinette avait très peur. Mais, cachée dans l'épaisseur du feuillage, rien ne pouvait lui arriver. Cependant, une sensation étrange commençait à l'inquiéter : son corps était parcouru de fourmillements, sa tête lui faisait affreusement mal. En réalité, la vieille vagabonde n'était autre qu'une très méchante fée qui lui avait jeté un sort : Reinette était devenue un ver !

Elle pleura beaucoup puis, épuisée, s'endormit sur son arbre. A l'aube, rien n'avait changé et, en plus, elle mourrait de faim. Elle se mit à dévorer une pomme bien verte en creusant son tunnel et, s'endormit contre un pépin.

Pendant ce temps, toute la maison la cherchait.

-"Reinette ! Reinette ! Où es –tu ? "

Mais, personne ne répondait. Le silence régnait sur le jardin.

Quand Reinette se réveilla après sa sieste, elle eut l'idée d'aller voir sa marraine qui était fée. Mais, cela lui pris beaucoup de temps car c'était un petit vermisseau et qu'elle avait très peur de se faire manger par un oiseau. En plus, sa tante ne la reconnut pas et voulut l'écraser.

-"C'est moi, marraine ! C'est moi, Reinette ! "

La fée faillit s'évanouir. Elle lui demanda comment tout ceci était arrivé. Enfin, après avoir bien réfléchi, elle lui proposa une solution.

-"Si tu veux redevenir Reinette, tu devras faire un très long voyage d'un an. Mais avant, il faut que tu attendes un peu pour devenir un beau papillon car, la vilaine fée ne t'a pas transformée en ver mais en chenille. Je vais donc t'installer dans mon plus beau pommier pour que tu grandisses en paix. "

Aussitôt dit, aussitôt fait. Au bout de quelques semaines Reinette devint, en effet, un superbe papillon multicolore qui s'envola très haut dans le ciel.

Elle arriva, un jour, au milieu d'une petite clairière couverte de fleurs très parfumées et de toutes les couleurs. Elle butina, butina, butina, car elle avait grand faim et s'endormit à l'ombre d'un coussin de violettes.

Un beau papillon bleu la surprit pendant son sommeil. Ebloui par tant de beauté, il tomba aussitôt amoureux d'elle. Quand elle ouvrit les yeux, il la demanda tout de suite en mariage. Mais Reinette se mit à pleurer car elle ne voulait vraiment pas finir sa vie en papillon. Lui, pleura aussi car il ne comprenait pas pourquoi son aimée ne voulait pas de lui. Elle décida de poursuivre sa route, le cœur gros car, elle trouvait que ce papillon bleu était vraiment très beau et très gentil. Aussi, au moment de lui dire adieu, elle lui proposa de la suivre. Ils continuèrent ensemble le grand voyage et devinrent vite inséparables.

Voilà qu'un jour, ils se retrouvèrent dans le jardin de Reinette ! Quelle joie ! Ils s'installèrent dans le fameux pommier où tout avait commencé et, Reinette, raconta enfin son histoire au beau papillon bleu. L'histoire terminée, Reinette se mit à pleurer car elle aimait vraiment son ami. Malheureusement, si son enchantement se terminait maintenant, ils ne se reverraient plus jamais. Le papillon bleu écouta calmement puis, se mit à rire aux éclats quand Reinette commença à pleurer.

-"Sèche tes larmes mon aimée car ton histoire est mon histoire aussi. Si tu veux que nous retrouvions notre véritable apparence, il nous faut trouver une recette inédite pour préparer les pommes. "

Ils passèrent tout le jour à réfléchir sous le regard moqueur des abeilles. Lassée par leur bourdonnement incessant, Reinette lança une pomme dans leur ruche. Le fruit habillé de miel retomba dans l'herbe fraîche.

-"J'ai trouvé ! " hurla Reinette. "Nous allons tremper une pomme dans du caramel à la vanille et nous l'appellerons Pomme d'Amour en souvenir de notre aventure ! ".

C'est alors que nos deux papillons se transformèrent en une très belle jeune fille et en un très beau jeune homme. Ils se marièrent très vite et, devinez quel fut leur métier ?

Ils firent le tour du monde dans une roulotte vert pomme en vendant aux enfants leurs délicieuses pommes d'amour.


FIN
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Septembre 2013 à 14:20:57
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La montagne et le papillon

Il était une fois un papillon qui habitait sur une grande montagne.
Il parlait à qui voulait bien l'entendre de son changement, de l'état de chenille, à celui d'insecte volant, et décrivait cela comme une aventure extraordinaire. Il disait :
-«Quelle chance, nous avons, nous, les papillons, de connaître deux états dans notre vie ! Je ne connais personne qui puisse autant changer dans toute sa vie. C'est fabuleux ! C'est comme si nous vivions deux vies dans une ! »
Les autres animaux écoutaient le papillon déclamer son aventure, mais c'était son histoire à lui, et cela ne les intéressait pas plus que ça...
Mais un jour, la montagne elle-même, lassée d'entendre les discours pompeux du papillon, daigna lui adresser la parole. De sa grosse voix caverneuse, elle lui tint ses propos :
-«Petit papillon... Tu n'es pas le seul à te métamorphoser intégralement. J'en connais d'autres dont le changement est encore plus impressionnant. »
-«Hein ? Quoi ? Qui parle ? » s'étonna le papillon, en cherchant autour de lui, celui qui lui avait adressé la parole.
-«C'est MOI ! La montagne... » continua l'émergence.
-«La montagne ? Mais je ne savais pas que tu pouvais parler toi aussi ! Alors comme ça, tu connais d'autres animaux qui peuvent changer eux aussi, de corps dans leur vie... »
-«Il ne s'agit pas d'animaux, mais d'autres formes d'êtres vivants... » répondit la montagne.
-«Mais de qui veux-tu donc parler ? Ah, forcément, si tu connais des extra-terrestres... Mais bon, ce ne sont pas des êtres de notre planète, alors... on peut tout imaginer ! »
-«Non, c'est terrestre... » reprit la montagne.
-«Alors là, j'ai beau me creuser la cervelle, je ne vois pas... » dit le papillon, en se grattant la tête.
-«C'est MOI » annonça la montagne.
-«Toi ? Mais ce n'est pas possible, tu es tombée sur la tête. Heu, pardon, je dis des bêtises... Mais toi, voyons, tu es une montagne, tu es le symbole de l'immobilité. Tu es là depuis des générations de papillons... Je sais bien que tu ne bouges pas. » s'exclama le papillon.
-«Tu te trompes. Je change, et même beaucoup, mais ce n'est pas dans ton échelle de temps. C'est tout. » continua la montagne.
-«Tu me racontes des histoires. Les montagnes, ça ne change pas. C'est là depuis toujours, même qu'on en fait des cartes, et qu'elles sont toujours positionnées au même endroit... » ricana le papillon.
-«Encore une fois, tu te trompes » gronda la montagne, « il y a très longtemps, je n'étais pas ainsi, j'étais complètement plate. »
-«Alors là, je ne te crois pas... » l'interrompit le papillon.
Mais la montagne continua le fil de son histoire.
-«Oui, c'était juste après la formation des continents sur la terre. Nous étions toutes aplaties, à flotter d'un seul tenant sur l'océan. Puis, il y a eu ces mouvements et des plaques sont venues nous bousculer. Des morceaux se sont détachés et sont partis à la dérive. Nous, nous continuions à être poussés très fort, si bien que, prises en étau entre deux grandes forces, nous avons dû émerger et, petit à petit, monter vers le ciel, jusqu'à devenir ce que nous sommes aujourd'hui. »
Alors là, le papillon en eut le souffle coupé.
-«Mais alors, tu continues de bouger ? » questionna-t-il.
-«Bien sûr » dit la montagne, « je grandis encore, et même j'avance... »
-«Ca alors ! » s'exclama le papillon, « jamais, je ne me serais douté... »
-«Vois-tu » poursuivit la montagne, « je me transforme aussi, mais en un temps beaucoup plus long que toi. Ainsi, il ne faut pas t'en tenir à ce que tu vois, ou à ce qu'on t'a dit, qui s'avère forcément très restreint. Je suis la montagne et je suis en pleine mutation, même si cela est pour toi, comme d'ailleurs pour la plupart des gens, difficile à imaginer... »
Le papillon en resta abasourdi. Son aventure paraissait finalement plutôt modeste, eu égard à celle vécue par la montagne.
Qui plus est, ses champs de vision et de perception semblaient bien réduits pour capter les mouvements autrement plus amples de l'univers.
Il se sentit complètement dépassé, et en même temps plus humble.
Désormais, il n'éprouva plus le besoin de parler sans arrêt de sa particularité de papillon.
Il avait conscience de n'être qu'un parmi tant d'autres et d'obéir à des lois biologiques qui le dépassaient largement.
Ainsi, il vécut heureux, en harmonie avec sa chère montagne.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Septembre 2013 à 07:30:23
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Le soleil engendra les poissons qui engendrèrent le vent


-Conte pour qui ? lança le conteur.
-Conte pour tous, répondirent en chœur les auditeurs.
-Qui l'a raconté ?
-Le caméléon.

Le conteur se frotta le crâne comme pour réchauffer sa mémoire, toussa deux ou trois fois pour s'éclaircir la voix, puis entama son récit.
Il est vrai, dit-il, que sur l'origine des mots et des choses personne n'en sait autant que le caméléon. Lui seul fut capable, dans les temps les plus reculés, de parcourir terre et ciel. Je vais donc vous livrer ce dont il m'a fait part.
Autrefois, il y a très longtemps, l'Homme ne connaissait pas le feu. Il ignorait de même ce qu'était le vent, car il ne l'avait jamais entendu souffler.
Le firmament n'était pas très haut au-dessus de nos têtes. Nous pouvions le toucher de la main en nous haussant sur la pointe des pieds.
Les royaumes du Soleil et de la Lune s'étendaient à perte de vue. Ces deux génies y vivaient en bonne harmonie. Chacun prenait soin de ses nombreux enfants et faisait bénéficier les êtres humains de ses largesses. Le Soleil envoyait ses rayons sur la terre pour la réchauffer sans la brûler. Grâce à lui, ses habitants pouvaient faire chauffer de l'eau et cuire leurs aliments.
Cependant, les enfants de la Lune enviaient la progéniture du Soleil et, ne fut-ce l'interdiction de leur mère, ils se seraient empressés d'aller jouer avec eux.
Un jour, n'y tenant plus, trois enfants de la Lune, désobéissant à leur mère, s'approchèrent trop près du Soleil. Ils furent brûlés, carbonisés et ne revinrent plus.
Mère Lune se douta bien vite de ce qui était arrivé. Elle prépara sa vengeance...
Un beau soir de pleine Lune, elle s'empara de l'un des enfants du Soleil et le plongea dans la mer. Comme il était brûlant, le froid de l'eau lui fit dégager une abondante vapeur, émettre un souffle puissant. En même temps, celui-ci se répandit aux alentours comme une brume persistante.
Mère Lune pensant que la punition était suffisante voulut retirer l'enfant du Soleil de l'eau.
A sa grande surprise, elle vit qu'il se transformait. Ses yeux se fermèrent, sa bouche s'aplatit et s'ouvrit. Le premier poisson, Huêvi, qui signifie enfant du Soleil, venait d'apparaître.
Satisfaite de cet exploit, Mère Lune voulut le reproduire une seconde fois. Elle réussit à persuader le Soleil de faire prendre un bain à ses enfants à lui, disant qu'elle ferait de même pour les siens.
Mais dès que les fils du Soleil entrèrent dans la mer, obéissant à un signal discret de la Lune, la tempête se leva. Les vagues chevauchèrent des montures fougueuses. Elles se couvrirent d'écume blanche, se bousculant les unes les autres comme pour jaillir hors de l'océan. Elles se dressèrent de plus en plus haut jusqu'à recouvrir tout ce qui respire.
Les enfants du Soleil n'échappèrent pas à la plongée générale. L'eau éteignit le feu qui constituait leur corps.
Les enfants du Soleil se sentirent heureux et se mirent à s'agiter en tous sens. Ils ne voulurent plus jamais sortir de l'eau. A leur tour ils étaient devenus poissons, Huêvi. Quand ils s'aperçurent que cette nouvelle manière d'être était irréversible, ils poussèrent tous ensemble un soupir, d'étonnement et de soulagement. Le souffle qui s'échappa au même moment de leurs bouches allongées, fut assez puissant pour parcourir toute la terre. Puis celui-ci s'installa comme un phénomène permanent, ne cessant de tourbillonner autour d'elle. Ce fut là l'origine du vent.
Depuis lors, par jour de grand vent, les pêcheurs sortent leurs filets. Ils espèrent une pêche fructueuse car le vent et les poissons sont toujours de connivence. Ils n'ont pas oublié dans quelles circonstances ils sont apparus pour la première fois en ce monde.

   

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Septembre 2013 à 12:14:17
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CONTE D'AUTOMNE

Il était une fois, dans un royaume pas si lointain que cela, et dans un temps pas si révolu que cela, un petit garçon qui vivait dans une haute, haute maison.

Il habitait, à dire vrai, au sommet d'un arbre un peu étrange, fait de zinc et de toc, lourdes pierres et ferraille grise. De vrais arbres, il n'en avait pas vu souvent, du moins, des arbres en liberté : ceux qu'il connaissait étaient petits, souvent parsemés de lourdes cicatrices, rappel silencieux de branches qui auraient dû être, et, la plupart du temps, enclos par un grillage encore plus gris et ferraillant que les murs de sa maison. Le sol qui les entourait était noir et dur, sale des pas trop pressés qui le foulaient quotidiennement et glissant quand venait la pluie froide des jours d'automne, si bien que le petit garçon se demandait souvent comment les arbres pouvaient encore y prendre racine et étendre au-dessus leur feuillage – frêle feuillage lui-même bien grisonnant.

Un jour que le petit garçon marchait, bien promptement, comme les grands, pour vite regagner ses pénates, son soulier heurta quelque chose au sol. Etonné, il se pencha et ramassa le petit galet sur lequel son pied avait buté. C'était un caillou comme il n'en avait jamais vu, brun, lisse et, une fois débarrassé de la poussière qui le recouvrait, bien brillant.

Le petit garçon s'empressa de le mettre dans sa poche et rentra à la maison pour étudier de plus près sa découverte. Mais c'était sans compter ses parents qui avaient un tout autre programme pour la soirée : devoirs, bains, dîner, brossage de dents et, hop, au dodo !

Une fois ses doigts gris redevenus roses, son ventre bien rempli et ses pieds frileux emmitouflés au fond de son lit, le petit garçon ne tarda pas à sentir le sommeil le gagner et il s'endormit, oubliant tout à fait le galet qu'il avait ramassé avant de rentrer.

Pourtant, à peine s'était-il assoupi que quelque chose le tira de son sommeil. Un petit bruit sortait de la poche de son pantalon roulé en tas derrière la porte, un crissement discret mais persistant, à la manière d'un insecte bruissant impatiemment. Le petit garçon se releva et, les yeux embués d'obscurité encore, il regarda ce qui était à l'origine de ce bruit. Quelle ne fut pas sa surprise !

Sur le galet brillant était apparue une petite croix qui, comme la bouche avide d'un jeune oisillon, semblait s'entrouvrir et lui dire 'Regarde !'

Alors, mû par une vive curiosité, le petit garçon entreprit de regarder par la mince fente du galet, comme il glissait souvent l'oeil au travers de la serrure de sa porte quand ses parents recevaient des invités et qu'il devait rester dans sa chambre à jouer.

Soudainement, il ressentit comme une vague de chaleur le saisir et il se rendit compte qu'il était irrémédiablement aspiré vers l'orifice du caillou... il ne pouvait lutter, tout son corps tendait vers la petite bouche gourmande et quelques secondes plus tard, sa chambre d'enfant avait disparu et le galet avec.

Il se réveilla au beau milieu d'une haute, haute forêt.

Mais cette forêt n'avait rien à voir avec celle dans laquelle il habitait ! Les troncs des arbres n'étaient plus gris et froids, mais bruns et accueillants. Le sol n'était plus dur et noir, mais on s'y enfonçait, comme sur une mince couche de plumes. Et surtout, surtout, les feuilles des arbres étaient impressionnantes : un vrai feu de couleurs ! Tantôt rouge sombre, tantôt jaune d'or, saupoudrées de taches orangées et d'éclairs argent, les feuilles se dessinaient, au sol comme dans les airs, en une véritable farandole multicolore et, l'espace d'un instant, le petit garçon oublia qu'un jour, chez lui, les arbres eussent pu être gris.

Il n'eut cependant pas le temps de les observer davantage qu'il entrevit, non loin sur le chemin, le petit galet qu'il avait ramassé.

Le petit garçon entreprit alors de remettre le caillou dans sa poche, avant de s'aventurer au-delà dans cette grande, grande forêt, mais il fut surpris de sentir quelques gouttes au creux de sa main. Le galet pleurait !

Ou du moins, de fines gouttelettes s'échappaient de sa coque, comme de menues larmes des yeux d'un enfant. Le petit garçon porta l'une d'entre elles à sa bouche et il fut surpris par le goût doux et sucré de celle-ci. Ce n'était pas des larmes, mais bien du lait !

Après avoir étanché sa soif naissante – après tout, il était tard dans la nuit et le petit garçon n'avait pas bu le verre d'eau que sa maman avait, comme chaque soir, déposé au pied de son lit – il décida d'explorer le bois. Afin de pouvoir revenir facilement sur ses pas, il laissa le galet goutter tout au long du chemin : ainsi retrouverait-il facilement l'endroit d'où il venait.

Au fur et à mesure qu'il marchait, il se rendit compte que la route sur laquelle il s'avançait était jonchée de petits galets, semblables au sien.

Alors il décida de les ramasser et d'en remplir ses poches, mais comme les poches de son pyjama n'étaient pas bien profondes, il souleva le haut de celui-ci, de sorte à former une très grande poche, afin d'en récolter le plus possible.

Il marcha ainsi et ainsi pendant fort, fort longtemps, sans toutefois voir le temps passer, trop absorbé qu'il était à sa collecte de galets.

Vint un moment, cependant, où ses poches furent si remplies qu'il n'y avait plus la moindre place pour y glisser quoique ce soit. Comme tiré de sa rêverie, le petit garçon décida alors de rebrousser chemin et de retrouver la voie qui lui permettrait de rentrer chez lui.

Pourtant, à son grand désespoir, il dut se faire à l'évidence : les gouttelettes qu'il avait égrenées avaient toutes disparu ! Il se rappela alors avoir entendu sur son chemin le pépiement d'oiseaux et s'en voulut de ne pas avoir pensé plus tôt que ceux-ci, tout autant gourmands que lui, se délecteraient assurément des larmes douces et sucrées de son galet.

Le petit garçon, perdu dans cette magnifique forêt, le pyjama plein de cailloux brillants, s'assit et se mit à pleurer. A quoi bon tous ces galets et ces feuilles d'or s'il ne pouvait plus rentrer chez lui et être câliné par sa maman ?

Un bruit toutefois le tira de ses sanglots.

Effrayé, il leva la tête et vit, se tenant debout en face de lui, la grande et sombre silhouette d'un homme dont la tête était cachée, recouverte d'un épais capuchon de toile.

'Pourquoi pleures-tu, petit garçon ?', fit l'homme, d'une voix grave mais douce.

'Parce que j'ai aimé la forêt de feu et j'ai voulu ramasser les petits galets qui s'y trouvaient, et maintenant, je suis fatigué et je veux rentrer chez moi, mais je ne peux retrouver mon chemin et jamais je ne reverrai mes parents !', dit le petit garçon, les joues encore mouillées de larmes.

'Si tu souhaites rentrer chez toi, c'est possible, petit garçon, mais tu dois jurer une chose auparavant : si tu reviens dans ton bois gris et froid, où les gens courent sans se voir et toussent leur coeur de poussière, alors tu devras toujours te souvenir de cette forêt de flammes et toujours essayer de colorer les tristes branches de ton monde des mêmes couleurs que celui-ci. Si tu transportes un éclat de ce bois dans le tien, alors tu pourras rentrer chez toi. Es-tu d'accord ?'

'Oui, bien sûr !', s'empressa de répondre le petit garçon, évidemment qu'il le ferait ! Qui ne voudrait retrouver l'éclat de ce feuillage partout là où il va ?

'Alors, dit la haute silhouette en tendant les mains, choisis l'une de ces pierres : une seule te guidera à nouveau chez toi'

Le petit garçon, hésitant, tendit les doigts et choisit l'un des galets sur lequel il crut deviner une mince ouverture en croix.

'Et bien alors, tu ne veux plus te lever ?' demanda la maman du petit garçon d'une voix claire, 'Il fait déjà grand jour, tu sais ! Et c'est dimanche, aujourd'hui, nous allons au bois !'

Le petit garçon ouvrit les yeux, étonné, et regarda autour de lui. Il était allongé dans son lit et sa maman tirait doucement les volets. Le ciel semblait clair dehors et il mit les mains à ses poches, vides.

Vides ? Et si seulement... Ses doigts fébriles s'aventurèrent plus loin sous la couette et, avec surprise, sentirent une petite masse douce glisser sur le drap.

'J'arrive maman !' cria le petit garçon, le sourire aux lèvres, en bondissant hors du lit.

Il attendit que celle-ci fut sortie pour desserrer sa paume et y découvrir le galet qu'il avait ramassé la veille au soir. Alors un grand éclat de rire le saisit et, en même temps qu'il enfila son pantalon et ses bottes pour sortir dehors, il glissa la petite châtaigne dans sa poche et il ne s'étonna pas de voir voleter devant sa fenêtre une feuille d'arbre, jaune d'or dans le ciel bleu. Et la cime des arbres lui parut moins grise sous le soleil d'automne.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Septembre 2013 à 08:34:56
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Pourquoi les arbres changent de couleurs en automne ?

Il était une fois une époque où les feuilles des arbres ne changeaient pas de couleurs en automne : elles tombaient sur le sol et restaient vertes.
Tout comme le ciel, les gens devenaient maussades avec l'arrivée du froid.
Il y avait une petite fille qui n'échappait pas à la règle....
En se promenant dans son petit bois préféré, elle se demandait pourquoi elle était si triste.
Les arbres de ce bois s'inquiétaient beaucoup en voyant un tel chagrin dans les yeux de la fillette. Ils avaient eu le temps d'aimer son rire, les étincelles dans ses yeux, ses promenades pensives.
Alors, un jour, une fois que la petite fille fût repartie vers sa maison, ils commencèrent a examiner la situation : « Qu'arrive-t-il à notre jolie petite amie ? Que pouvons-nous faire pour l'aider ? ». Les bouleaux, les trembles, les tilleuls bruissaient fort, chacun émettant ses hypothèses et exposant son raisonnement :
-Si elle est triste, c'est peut-être à cause du froid ? se demandaient les bouleaux.
-Non, non, elle a mis un manteau chaud et son bonnet, répondaient en choeur les sorbiers .
Le tremble demandait d'un air pensif : « C'est peut-être parce que nous perdons nos feuilles ? ».
Mais elle aime beaucoup marcher sur le tapis vert et doux que nous déroulons pour elle, objectaient d'autres arbres.
Et ainsi, ils examinèrent la question sous toutes les coutures, mais ils n'arrivèrent pas à trouver de réponse.
Finalement, fatigués par tout leurs bruissement, ils décidèrent de s'adresser à l'arbre le plus sage de la forêt, le vieux chêne.
Le chêne sourit et dit :
-J'ai écouté très attentivement toute votre conversation et je suis ravi de voir que vivent autour de moi des arbres aussi bons et généreux, qui se soucient des gens - de notre petite amie en l'occurrence. Et.... il m'est venu une idée : pourquoi ne pas peindre nos feuilles de couleurs différentes - rouge, jaune, orange, marron, quand vient l'automne ? Lorsque le ciel devient triste et maussade, le soleil se fait rare. Mais nous pouvons nous peindre nous-même et recouvrir le sol des couleurs du soleil - jaune vif et rouge chaleureux. Qu'en pensez-vous ?

Les arbres, étonnés par tant de sagesse, agitèrent joyeusement leurs branches et leurs feuilles, pour saluer la simple et bonne idée du grand-père Chêne. Ils décidèrent de changer leurs couleurs sans perdre de temps.
Le lendemain, quand notre fillette sortit dans la rue, elle vit que tous les arbres et la terre étaient inondés de soleil. Eclatant d'un rire joyeux, elle se précipita vers le petit bois, puis en riant, elle courut entre les arbres, soulevant de ses pieds les rayons du soleil de la terre, comme des milliers de gerbes d'or.
Les arbres se regardèrent en souriant.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Septembre 2013 à 08:30:15
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L'histoire du hibou

Il était une fois, un hibou. Comme chacun sait, ou ne le sait pas, le hibou est un grand timide. Il croit qu'il est laid - si laid que personne ne peut le regarder s'il lui arrive de croiser quelqu'un. Si laid, qu'il cause des accidents de la route. Si laid, que les bébés se mettent à hurler s'ils aperçoivent son visage. Pour toutes ces raisons, le hibou ne sort jamais pendant le jour. Il attend la nuit noire, lorsque personne ne peut le voir.

Un soir, alors qu'il est dehors, le hibou rencontre une jeune fille. Ils se mettent à parler et elle l'invite dans sa maison. Il accepte et les voilà assis sous le porche pendant plusieurs heures à discuter. Le hibou dès le premier instant tombe amoureux de la fille et, ce qui tombe bien, elle aussi. Elle l'invite à revenir la nuit suivante et il revient. Ils s'asseyent sous le porche et parlent pendant des heures, presque jusqu'à l'aube. Par moment, ils se tiennent même la main. Nuit après nuit, le hibou revient rendre visite à sa belle et nuit après nuit il s'en va avant l'aube, si bien que la jeune femme ne peut vraiment pas savoir à quoi il ressemble.

La jeune femme a des amis qui ont entendu parler de ce prétendant de la nuit et veulent savoir à quoi il ressemble car ils aiment beaucoup leur amie et sont heureux qu'elle ait enfin rencontré quelqu'un dont elle est tombée amoureuse.
-Pourquoi le Hibou ne te rend-t-il jamais visite pendant le jour, lui demandent-ils ?
-Parce qu'il travaille, répond la fille et lorsqu'il rentre chez lui, il doit faire son ménage, préparer son dîner et il ne peut venir qu'à la nuit tombée.
-Nous voulons le rencontrer, ont dit ses amis.
-Bien sûr, il ne travaille pas le dimanche. Pourquoi n'organisez-vous pas une grande fête en son honneur ? Vous pourriez ainsi tous le rencontrer.

La jeune fille est certaine que c'est la meilleure des idées et lorsque son amoureux vient le soir, elle l'invite pour le dimanche suivant. Une fête sera donnée en son honneur par ses amis. Le Hibou est pourtant vraiment très timide mais il accepte. Vous savez que quand on aime, on est capable de vaincre toutes ses peurs.

Le jours passent. Le dimanche arrive. Le hibou est très nerveux. Il demande à son cousin le coq de l'accompagner car plus le temps passe, plus il a peur.

En chemin, le hibou commence à regarder le coq et à se comparer à lui.
Le coq est grand et bien habillé » pense-t-il en regardant le cheveux roux du coq, ses vêtements colorés et ses bottines jaunes. A côté de lui, je suis morne et terne, se dit-il encore en regardant ses vêtements bruns et en plus de tout, je suis laid. Plus ils se rapprochent de la maison, plus il a peur.

Mon cousin le coq, dit soudain le Hibou, j'ai oublié quelque chose chez moi. Entrez donc sans moi et vous direz que j'ai dû rentrer à la maison mais que je serai de retour d'ici un moment. Le coq entre et fait le message du hibou.

Un peu plus tard, dès qu'il fait très sombre, le hibou arrive à la fête. Il craint un peu que la fille et sa famille ne soient fâchés de son retard mais il se fait violence et avance d'un pas.

Le coq qui l'attend sous le porche, le voit et semble tout à fait effrayé.

-Hibou, demanda-t-il qu'est ce  donc cela sur votre tête ?
-C'est un chapeau, répond le hibou. Beaucoup de gens portent des chapeaux.
-C'est vrai, dit le coq, mais ils les portent sur la tête, et pas comme vous, tout autour de la tête.
-Je me suis blessé aux yeux, dit le hibou, Ils ne supportent pas la lumière. Mon chapeau les protège.
-Oui , réplique le coq et il protège aussi le reste de votre tête.
-Ne vous moquez pas de mon chapeau mais dites-moi plutôt ce qu'on a dit de mon retard. Sont-ils en colère ?
-Ils le seront bien plus si vous n'entrez pas, dit le coq.
-J'entre, j'entre, dit le hibou, mais promettez-moi d'abord une chose.
-Quoi donc ?
-Je dois être de retour à la maison avant le lever du soleil. Essayer donc de me prévenir à temps, plutôt que de chanter au lever du soleil, comme vous faites d'habitude ?
Il ne faut surtout pas que la jeune femme voit son visage à la lumière du jour.
-Bien sûr, hibou, bien sûr dit le coq et il le fait entrer à l'intérieur.

A cet instant précis, la fête bat son plein. Les batteurs jouent et les chanteurs chantent et leur musique donne quelque chose dans le genre de « Dong-aada-dong-aada-dong-aada-dong, Dong-aada-dong-aada-aaii-ee-oooo! Dong-aada-dong-aada-dong-aada-dong, Dong-aada-dong-aada-aaii-ee-oooo! » «

C'est justement la chanson préférée du hibou et quand il l'entend, il veut danser. Il va près de sa jeune amie, lui fait des excuses pour son retard et ils partent sur la piste de danse. Vous savez que le hibou est timide mais ce que vous en savez pas c'est qu'il est un excellent danseur. Plus il danse, moins il sait où il est et moins il sait où il est et plus il danse. « Dong-aada- dong-aada-dong-aada-dong, Dong-aada-dong-aada-dong-aaii-ee-ooo! Dong-aada-dong-aada-dong-aada-dong. Dong-aada-dong-aada-aaii-eee-oooo! » ça dure ainsi toute la nuit.

Le hibou s'amuse tellement qu'il oublie le temps et soudain, il entend son cousin le coq, qui complètement ivre, chante. Il a manqué l'aube et la lumière du jour entre dans la pièce. Le hibou affolé cherche une fenêtre. Il est certain que la fille en voyant son visage, comprendra combien il est laid. Il vole en tous sens. Son chapeau tombe sur le sol. Il vole de plus en plus vite et découvre une fenêtre ouverte par laquelle il s'enfuit. La jeune fille hurle « Hibou! revient!" Elle se précipite par la porte mais en vain. « Hibou! revient!" Le hibou ne l'a pas entendue.

La jeune fille rentre chez elle. Elle aide à tout remettre en ordre. Personne ne sait que penser du comportement étrange du hibou. Le soir, elle s'assied sous le porche et attend. Elle espère qu'il reviendra, mais il ne revient pas. Chaque soir, elle attend et chaque soir, elle espère. Elle repense sans cesse à cette soirée, combien tout a été si agréable. Elle repense au hibou qui danse si bien et comment il l'a regardée. Elle revoit son visage presque rond, ses grands yeux et son petit nez. Elle se dit qu'il a un visage fort, un visage attirant. Elle a aimé ses yeux tout de suite mais elle ne sait pas que le hibou se croit laid.

Elle l'attend des nuits, des jours, des semaines, des mois mais il ne revient pas. Pendant une année entière elle l'attend et puis un jour, elle rencontre quelqu'un d'autre et l'épouse. Mais chaque matin, lorsque le chant du coq la réveille aux premiers rayons du soleil, elle ne peut s'empêcher de penser au Hibou et se demande encore aujourd'hui pourquoi il s'est enfuit en courant et où il est parti.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Septembre 2013 à 08:55:07
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La Légende du Mobile

La Lune a toujours été la petite qu'on se plaisait à moquer car sa mère Saturne, aristocrate parée de bijoux, n'avait de cœur que pour ses deux autres enfants. Mercure d'abord, un curieux personnage, silencieux et effacé, attentif au moindre son, au plus petit détail. Jupiter  ensuite, une horrible peste égoïste qui ne rêvait que de royales réceptions. Oui, depuis la nuit des temps, la Lune était la risée du Mobile.  

Le Mobile, nom donné par les premiers peuples des étoiles à l'ensemble des planètes du système solaire.  

En son centre, le Soleil, aveugle, veille placidement à ce que tout soit dans l'ordre. Sous son regard flamboyant, rien ne pouvait faire changer l'ordre des choses. Rien, car le Mobile est éternel.

Mais il y eut l'incident Vénus et le sommeil de la Lune, et les choses empirèrent.  

C'est une vieille histoire. Mars, père affectueux de Mercure  et de Jupiter, époux silencieux de Saturne, était alors un politicien de haut rang, qui se déplaçait de nébuleuse en nébuleuse pour tisser les liens diplomatiques devant unir le cosmos en un tout gracieux. Ses absences répétées l'éloignaient, peut-être malgré lui, de ce qui pouvait arriver à sa benjamine, la petite Lune, écrasée par son frère et sa soeur. Mercure et Jupiter, parsemés de couleurs scintillantes et de merveilleuses constellations, paradaient dans les carnavals étoilés, maïs la Lune se drapait dans le gris déchu d'une robe minérale.  

Pourtant, pendant tous ces millénaires passés à subir le joug de sa famille, la Lune avait nourri un amour secret et impossible pour Pluton, l'orphelin du cosmos devenu prince, son demi-frère, adopté par Saturne. Elle l'admirait pour son indépendance et sa surface grise, presque invisible. Mais, en amour, la Lune n'avait pas plus de chance : depuis son arrivée dans le Mobile, Pluton était promis à Jupiter, qui multipliait les ruses pour le charmer et offrir à sa mère un fastueux mariage.  

Tout ceci, le peuple des étoiles ne le savait pas. Le peuple des étoiles, ces petites choses qui s'agitent à la surface des astres en applaudissant, et reconnaissent leur planète comme unique divinité protectrice. Des ponts de cristaux jetés entre les planètes, des tours majestueuses dressées vers les cieux, de longs habits aux motifs multicolores et de magnifiques animaux aux fourrures ondulantes... Un monde agité, que le système solaire avait laissé naître et s'épanouir des millénaires durant, en une immense civilisation sans égale dans la galaxie.  

Ainsi les Sélénites, qui arpentaient douloureusement le sol poussiéreux de la Lune, vivaient-ils dans la crainte et l'oppression, utilisés par les Mercuriaux et les Jupitériens comme serviteurs dociles, ou esclaves dans les mines de fromage.  

Si Pluton s'était décidé à épouser la Lune, peut-être que tout aurait pu être différent. Mais, incapable d'attirer l'attention de celui qu'elle aimait, la Lune devenait chaque jour plus triste. Elle aurait fait n'importe quoi pour se faire remarquer, s'affirmer au sein d'une famille ingrate.  

Or, par un beau matin étoilé, Halley, une comète magicienne qui passait régulièrement dans le système solaire pour amuser le peuple des étoiles, décida, par pure provocation, de monter sa foire sur la Lune. Les Sélénites, d'ordinaire bafoués et raillés, purent s'y rendre pour la première fois et découvrir les sublimes spectacles d'une fantasmagorie cosmique défiant l'imagination.  

Alors que la fête battait son plein et que les soucis s'envolaient, la Lune fit parvenir un message à Halley, l'invitant à venir la retrouver le soir dans une de ses cavernes, où elle avait l'habitude de s'incarner. À travers la pierre des parois, la Lune parla de son amour pour Pluton, de son désespoir. Et la comète, qui aimait profiter des situations les plus inhabituelles, eut une idée : elle connaissait un charme qui, disait-elle, pourrait rendre la Lune plus belle et plus grosse que les autres. Mais Halley ignorait les effets secondaires de l'enchantement. Qui savait ce qui pouvait se passer ? Prête à tout, la Lune n'hésita pas. La comète invoqua donc le nom profond du Cosmos et consacra la surface lunaire avec une poudre de météorite laiteux. Puis, son office achevé, Halley décolla pour un nouveau périple dans l'univers, emportant avec elle les rires et les mains tendues des Sélénites.  

Grâce au charme de la comète, la petite Lune, aux roches fracturées et aux déserts poussiéreux, se métamorphosa en  somptueuse planète verte, pleine de vie, de beauté.  

Elle s'élança vers Pluton pour lui déclarer son amour.

Malheur ! Impatiente, la Lune acheva sa transformation, se brisa et se dédoubla : d'un côté, un astre sublime, qui rayonnait de sagesse et de gentillesse ; de l'autre, la pauvre petite Lune, emmitouflée dans son éternelle défroque aride. Croyant que la Lune était venue lui présenter une nouvelle orpheline du système solaire, Pluton ignora sa grise demi-soeur et se tourna vers la belle étrangère verdoyante. Ils tombèrent amoureux et ne se quittèrent plus.    

Après de longues discussions, Mars décida que la nouvelle planète s'appellerait Vénus et qu'elle partagerait l'existence de Pluton. Ils se marièrent dans un extraordinaire festival de cotillons. La Lune était accablée et Jupiter, furieuse de la dérobade de Pluton, la tint pour responsable de son malheur.  Frappée et humiliée, la Lune tomba dans un profond coma dont elle ne sortit jamais plus.  

Mais l'histoire ne s'arrête pas là.

Elle continue, car Mars décida que le coma de la Lune était une tragédie pour les Sélénites. Dans un grand élan de générosité, Mars libéra tous les esclaves. Mais sans la conscience de la Lune, sans sa présence divine, les Sélénites se retrouvaient désormais victimes des lois de la physique, des changements du temps. A force de travail et de sacrifices, les Sélénites firent de la Lune un astre paisible, où les souvenirs douloureux devinrent les clés d'une douceur de vivre contemplative. Mais ça ne devait pas durer.  

Pendant son coma, la Lune commença à rêver, ce qui était bien surprenant car, pour le Mobile, les rêves n'existaient pas, faute de sommeil. Aucune planète n'ayant jamais rêvé, ces songes lunaires complexes et décalés furent si forts qu'ils devinrent réalité. À la surface de la Lune, les Sélénites firent face à un fléau qu'ils n'avaient jamais connu : de fantastiques créatures sortaient des entrailles de la planète, des châteaux se construisaient en une nuit, des géants ravageaient les routes, des histoires absurdes gangrenaient les esprits. La vie devint bientôt impossible et les Sélénites, isolés sur une planète endormie, coupés du reste du Mobile, ne purent appeler à l'aide. Les rêves ravageaient tout sur leur passage et déséquilibraient le fragile équilibre que les Sélénites avaient eu tant de mal à construire. C'est alors que le Grand Savant fit son apparition, un Sélénite sage et bon vers lequel, souvent, le peuple se tournait. Le Grand Savant organisa une grande réunion et confia à ses, frères qu'il avait trouvé l'idée pour éliminer la menace : il allait inventer une machine capable de lire dans les pensées de la Lune, une machine qui décoderait ses rêves et les renverrait en utilisant les rayons solaires, loin dans l'espace. Son projet fut acclamé et la machine fut mise en chantier pour, un beau jour, être inaugurée. L'un après l'autre, les rêves lunaires se volatilisèrent et s'enfuirent en poussière argentée sur les rayons solaires. La population était triomphante, le peuple était sauvé. La voûte céleste pétilla. La machine fut mise en programmation perpétuelle, laissée dans un grand sanctuaire et oubliée comme une tradition. Mais les rêves ne furent pas envoyés dans le néant.  
Ils furent stoppés dans leur chute par un petit astre innocent, que personne ne connaissait vraiment : la Terre. Considérée comme une attardée mentale née d'une ceinture d'astéroïdes, la Terre avait été mise au ban de la société stellaire et éloignée des intrigues du pouvoir. Quand les rêves lunaires débarquèrent sur Terre, l'humanité était dans son âge homérique.

Les créatures orphiques envahirent les côtes de la Grèce antique, les harpies déchirèrent la chair des hoplites. Des géants magnifiques s'installèrent au sommet du mont Olympe et dictèrent leurs commandements. Des monstres gigantesques sortirent des flots : sans entraves pour freiner leur prolifération. Les rêves lunaires prirent possession de ce nouveau territoire et le plièrent à leur volonté.    

Le destin de l'homme était désormais intimement lié à celui de la Lune. Car tous ces monstres n 'existent plus de nos jours. Que sont-ils devenus ? Pourquoi auraient-ils disparu de la Terre sans rien dire ? La réponse est bien simple. Les habitants de la Terre savent rêver et ils ont, au cours de leur histoire, progressivement absorbé les rayons lunaires. Les humains, les plantes, les montagnes, la mer, les animaux... tous. La Lune est en eux. Elle s'est collée à leurs gènes, à leurs cycles naturels. Elle est dans leurs rêves. Et qui a dit que les montagnes ne rêvaient pas ? Elles n'ont pas de cordes vocales, comment pourraient-elles l'exprimer ?  

Les habitants de la Terre sont donc condamnés si la Lune meurt un jour.  

Si la Lune ne leur avait pas envoyé ses rayons, ils seraient des êtres sans rêves, sans espoir, sans merveilleux. Sans les rayons lunaires, ils ne peuvent rêver.  

C'est ainsi.  
   
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Septembre 2013 à 09:15:33
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Le conte de Faika

Il y a très longtemps, aux confins du désert, vivait un roi nommé Nour. Dans le langage des hommes du désert, Nour veut dire lumière.

Il avait une fille aux yeux de vif argent et au sourire à la chaleur sereine. Au sortir du ventre de sa mère, sa tante fut émerveillée par son regard clair et franc.

«Elle avait les yeux grands ouverts, dit la tante à Nour, comme si elle voulait tout comprendre d'un seul trait, tout savoir, comme si elle voulait lire en moi. »

-Eh bien nous l'appellerons Faika ! avait dit Nour à la tante. Faika, l'éveillée.

Elle était belle, mais avait soif d'apprendre, de déchiffrer le monde et les êtres qui le peuplaient.

Auprès des lettrés et des savants que recevait son père, elle apprenait plus qu'on ne doit apprendre à cet âge. Elle cultiva bien des livres féconds et goûta à ce savoir qui parfois enivre, en une fulgurante révélation, et parfois fait pleurer d'espoir démesuré. Elle savait distinguer le mot de la parole, le temps de la durée, l'énigme du mystère et les beautés cachées des apparences vaines.

Elle chantait aux oiseaux dans son jardin profond. Et, lorsqu'elle chantait, les oiseaux se taisaient pour l'écouter. Elle peignait avec des couleurs au secret bien gardé ; et personne ne savait si, ce qu'elle peignait, appartenait à ce monde ou, à l'au delà du monde. Lors de longues promenades, elle savait se perdre sur les chemins de sa muse buissonnière pour mieux se retrouver, au bord de l'abîme d'elle même, le souffle coupé. Et là, elle écoutait attentive, le chuintement de son souffle et la marche rythmée de son cœur battant à l'unisson de pulsions millénaires, les bruissements de son corps furtif et le lent déploiement de son âme, aux multiples questions.

Alors elle murmurait :

Il est plus juste que je m'absente

Que j'habite l'inexplicable

Pour énoncer la question

Et trouver les réponses

Vinrent ses dix huit ans.

Un jour, Faika était à sa fenêtre. Elle contemplait la cité aux remparts de safran, ourlé de l'ocre ondoiement des dunes, annonciateur de lentes caravanes. Elle se souvint des paroles lancées, un jour au Roi Nour, par un vieux mendiant sans regard, les yeux éteints comme si la lumière avait fui le monde pour se loger en lui :

Tu es le sultan de ta vie

Que l'aurore soit ton palais

Et l'amour ton royaume,

Tes palmeraies, ton désert, ton océan !

Son père passait par là avec ses conseillers. Il vint à elle et lui dit :

-Ma fille, voici venir le temps de sortir de l'enfance et d'épouser un pays et son prince héritier. J'ai choisi  ton époux. Il est beau, sage et puissant. Qu'il te donne vingt fils et que Dieu t'aide à vivre.

Elle répondit :

-Hélas mon père, l'homme que j'aime est loin d'ici, si loin que je ne sais où. Pourtant, je sais qu'un jour il me viendra par delà l'horizon. Mais ni lui, ni moi ne savons quand. Mais nous savons que notre temps viendra. Voici passé le temps de l'enfance, vous l'avez bien dit Seigneur. Veuillez me laisser aller à la rencontre de l'homme que j'aime et qui m'aime depuis la nuit de temps. Je construirai la maison où je l'attendrai. Sans lui, je sais que ma vie ne sera que sable sur les flancs de la dune que le vent nu balaie.

Elle salua le Roi, ses conseillers aussi. Elle tourna les talons et quitta le palais. Elle traversa la ville et s'en fut au désert. Elle marcha une journée, vent debout, les yeux fixés sur l'horizon, immuable et changeant à la fois. Le crépuscule vint et le vent s'apaisa. Elle s'arrêta alors et fixa la ligne qui au loin disparaissait dans la nuit qui tombait. Elle se vit seule et droite, vigie vibrante au cœur du monde.

Et là, au milieu de l'infini, elle bâtit une maison basse. Elle monta les murs, posa le toit et fit la porte en bois de temps perdu. Elle franchit le seuil, ferma la porte et se mit à chanter :

Dites moi aux vents qui m'écoutaient

Dites moi où est mon bien aimé !

Dans la cité, la rumeur se propagea comme une traînée de sable, envahit les maisons, les échoppes, les souks et les cafés :

-Savez-vous bonnes gens ? La princesse Faika s'est exilée au désert. Elle espère l'amour ; elle attend qu'il lui vienne.

Qui ne connaissait Faika la fille du Roi Nour. Tous la savaient plus belle et plus désirable que les mille palais du paradis des purs. Tous accoururent alors des coins les plus reculés du royaume : princes ou marchands, lettrés et savants, voleurs ou mendiants, philosophes ou conteurs, timides et fanfarons, bancals et bien portants, tous brûlés d'amour et de folle passion.

Au premier qui frappa à sa porte fermée :

-Qui vient là ? demanda Faika

Le cœur serré l'homme lui répondit :

-C'est moi !

Alors il entendit Faika lui répondre, à l'abri de sa porte close :

-Dans cette maison, toi et moi, ne pouvons vivre ensemble. Dis moi ton nom, homme  et va-t-en !

Il obéit et s'éloigna.

Tandis qu'il s'éloignait, Faika broda son nom sur son manteau de laine blanche.

Le lendemain, un autre vint. Lui aussi frappa à la porte fermée.

-Qui vient là ? lui demanda Faika

Comme son frère de la veille il lança fièrement :

-C'est moi !

Comme son frère de la veille, il entendit les mêmes mots :

-Dans cette maison, toi et moi, ne pouvons vivre ensemble. Dis moi ton nom, homme  et va-t-en !

Le nom fut dit, et le nom brodé sur le manteau de laine blanche.

Ils vinrent cent, ils vinrent mille, ils vinrent durant une, dix et vingt années. Chacun à la question posée, répondait à la porte close :

-C'est moi, Hacène le riche marchand, c'est Ali, le prince fils de roi, c'est moi Hocine, le familier du Roi ; c'est moi, c'est moi....tel coureur de dunes et de vent.

Vingt, dix et cent noms furent brodés sur le manteau de laine blanche.

Les jours et les nuits passèrent, et les printemps et les hivers aussi, jusqu'au jour où fit halte, au seuil de la maison, un errant aux pieds nus

Ce jour là Faika, comme à l'accoutumée,  était en train de chanter son unique  chant d'amour.

Dites moi aux vents qui m'écoutaient

Dites moi où est mon bien aimé !

Il s'appelait Mokhtar.

En langue d'Occident son nom était l'élu. Il n'avait dans ses mains que ses lignes de vie. Tous ses trésors brillaient dans les étoiles de ses yeux et le clair sourire de ses lèvres subtiles.

On raconte qu'à douze ans, le Roi de sa contrée avait organisé des joutes poétiques, ouvertes aux poètes reconnus. Mokhtar, que personne ne connaissait, se présenta pour y participer. Les gardes du Roi le rejetèrent une première fois ; mais il tint bon et revint à la charge. Le Roi averti par le bruit de la dispute, voulut en savoir plus. On le lui dit. Il donna ordre de laisser l'adolescent tenter sa chance.

Et lorsque Mokhtar se mit à parler, un grand silence se fit progressivement. Tous se turent et les plus avertis, reconnurent en lui la voix tant attendue. Le Roi offrit un prix ; mais Mokhtar préféra le vent du sable et de la liberté, en disant au Roi :

Celui qui bâtit le monde

Est celui qui hâte son errance

Parce que l'horizon est l'écho

De ce qui vient et de son cœur

Le vent ne vieillit jamais.

Il ne frappa qu'un seul coup à la porte fermée

-Qui vient là, dit Faika.

Mokhtar, droit sur le seuil, resta bouche close. On entendit, une deuxième fois, le vent grenu caresser les flancs ouverts de la dune.

Une deuxième fois, Faika dit :

-Qui vient là ?

Mokhtar pencha sa haute taille et ne répondit pas. Alors Faika l'aimée de Dieu, s'approcha dans la pénombre de sa masure, posa la tête sur la porte et dans un souffle, par une fente du bois brut dit encore

-Qui vient là ?

Mokhtar, contre la même fente de bois brut, répondit à voix basse :

-C'est toi !

Faika :

Un écho proche ou lointain, en réponse à mon chant, vient de me dire que le secret qui parle de toi et de moi n'a pas d'âge !

Mokhtar :

Quand je plonge mes yeux dans les tiens

Je vois l'aube profonde

Je vois l'hiver ancien

Je vois ce que j'ignore

Et je sens que passe l'univers

Entre tes yeux et moi.

Et la porte s'ouvrit lentement.

Mokhtar entra. Il s'avança ; et que vit-il dans ce clair obscur frémissant ?

Une vieille ridée, les épaules lasses, courbée dans son manteau de laine blanche foisonnant de mille broderies, traces de tous les passants qui trouvèrent porte close.

Mokhtar vit-il ses cheveux fanés et ses yeux fatigués ?

Sur le manteau de laine blanche, il vit un fil qui dépassait. Il le tira, défit le nom et, par la porte ensoleillée, il lança le fil au vent. Le fil, à peine dehors, saisi par la brise, se fit oiseau et s'envola. Il en tira un autre, puis un autre ; à chaque fois, le fil prit son envol, et en oiseau se transforma.

Et miracle, à chaque fil délivré, à chaque nom dénoué, une ride du visage de Faika disparaissait, son teint retrouvait son éclat et ses yeux leur bonheur vivant.

Quand plus un nom brodé ne fut, quand le soleil eut disparu derrière la nuée d'oiseaux qui avaient envahi le ciel, Faika était de nouveau jeune, plus ardente et radieuse qu'au plus beau jour du printemps de sa vie.

Alors les deux qui ne font qu'un s'en allèrent droit dans le désert.

Mokhtar se retourna et dit à l'ombre « Vis lumineux, crée un poème et va accroître l'espace de la terre »

Alors les deux qui ne font qu'un, épousèrent la dune et s'en furent droit dans le désert, pour revivre leur vie.

Depuis, nul ici bas ne les revit, mais pendant des siècles on raconta leur histoire, à l'heure où la cité safran s'endort derrière l'ocre de ses remparts, ourlé du blanc ondoiement des dunes, annonciateur de lentes caravanes et de brûlants secrets.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Septembre 2013 à 10:04:06
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Le chemin des mots

Il était une fois une petite fille qui ne trouvait jamais les mots pour dire ce qu'elle ressentait.  Chaque fois qu'elle tentait de s'exprimer, de traduire ce qui se passait à l'intérieur d'elle, elle éprouvait une sorte de vide.  Les mots semblaient courir plus vite que sa pensée.  Ils avaient l'air de se bousculer dans sa bouche mais n'arrivaient pas à se mettre ensemble pour faire une phrase.  Dans ces moments-là, elle devenait agressive, violente, presque méchante.  Et des phrases toutes faites, coupantes, cinglantes sortaient de sa bouche.  Elles lui servaient uniquement à couper la relation qui aurait pu commencer.  De toute façon tu peux pas comprendre.  Ca sert à rien de dire.  C'est des bêtises de croire qu'il faut tout dire!

D'autres fois, elle préférait s'enfermer dans le silence, avec ce sentiment douloureux.  Que de toute façon personne ne pouvait savoir ce qu'elle ressentait, qu'elle n'y arriverait jamais.  Que les mots ne sont que des mots.  Mais tout au fond d'elle-même, elle était malheureuse, désespérée, vivant une véritable torture à chaque tentative de partage.  Un jour, elle entendit un poète qui disait à la radio que "Il y a chez tout être humain un chemin des mots qu'il appartient à chacun de trouver."  Et, dès le lendemain, la petite fille décida de partir sur le chemin des mots qui était à l'intérieur d'elle.

La première fois où elle s'aventura sur le chemin des mots, elle ne vit rien.  Seulement des cailloux, des ronces, des branchages, des orties, et quelques fleurs piquantes.  Les mots du chemin des mots semblaient se cacher, paraissaient la fuir.  La seconde fois où elle chemina sur le chemin des mots, le premier mot qu'elle vit sur la pente d'un talus fut le mot OSER.  Quand elle s'approcha, ce mot osa lui parler.  Il dit d'une voix exténuée: "Veux-tu me pousser un peu plus haut sur le talus?"  Elle lui répondit: "Je crois que je vais te prendre avec moi et que je vais t'emmener très loin dans ma vie."

Une autre fois, elle découvrit que les mots étaient comme des signes sur le bord de ce chemin et que chacun avaient une forme différente et un sens particulier.  Le deuxième mot qu'elle rencontra fut le mot VIE.  Elle le ramassa, le mit contre son oreille.  Tout d'abord, elle entendit rien.  Mais en retenant sa respiration, elle perçut comme un petit chuchotement: "Je suis en toi, je suis en toi" et plus bas encore: "Prend soin de moi."  Mais là, elle ne fut pas très sure d'avoir bien entendu.

Un peu plus loin sur le chemin des mots, elle trouva un petit mot tout seul, recroquevillé sur lui-même, tout frileux comme s'il avait froid.  Il avait vraiment l'air malheureux ce mot-là.  Elle le ramassa, le réchauffa un peu, l'approcha de son coeur et entendit un grand silence.  Elle le caressa et lui dit: "Comment tu t'appelles-toi?"  Et le petit mot qu'elle avait ramassé lui dit d'une voix nouée: "Moi, je suis le mot SEUL.  Je suis vraiment tout seul.  Je suis perdu, personne ne s'intéresse à moi, ni ne s'occupe de moi."  Elle serra le petit mot contre elle, l'embrassa doucement et poursuivit sa route.

Près d'un fossé sur le chemin des mots, elle vit un mot à genoux, les bras tendus.
Elle s'arrêta, le regarda et c'est le mot qui s'adressa à elle: "Je m'appelle TOI", lui dit-il.  "Je suis un mot très ancien mais difficile à rencontrer car il faut me différencier sans arrêt des autres."  La petite fille le prit en disant: "J'ai envie de t'adopter, toi, tu seras un bon compagnon pour moi."

Sur le chemin des mots elle rencontra d'autres mots qu'elle laissa à leur place.  Elle chercha un mot tout joyeux, tout vivant.  Un mot qui puisse scintiller dans la nuit de ses errances et de ses silences.  Elle le trouva au creux d'une petite clairière.  Il était allongé de tout son long, paraissait détendu les yeux grands ouverts.  Il avait l'air d'un mot tout à fait heureux d'être la.  Elle s'approcha de lui, lui sourit et dit: "C'est vraiment toi que je cherchait, je suis ravie de t'avoir trouvé. Veux-tu venir avec moi ?"  Il répondit: "Bien sûr, moi aussi je t'attendais..."  Ce mot qu'elle avait trouvé était le mot VIVRA.

Quand elle rassembla tous les mots qu'elle avait recueillis sur le chemin des mots, elle découvrit avec stupéfaction qu'ils pouvaient faire la phrase suivante: Ose ta vie, toi seule la vivras, elle répéta plus lentement: "Ose ta vie, toi seule la vivras."

Depuis ce jour, la petite fille prit l'habitude d'aller se promener sur le chemin des mots.  Elle fit ainsi des découvertes étonnantes, et ceux qui la connaissent furent très surpris d'entendre tout ce que cette petite fille avait à l'intérieur d'elle.  Ils furent étonnés de toute la richesse qu'il y avait dans une petite fille très silencieuse.

Ainsi ce termine le conte de la petite fille qui ne trouvait jamais les mots pour se dire.
 

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Septembre 2013 à 09:10:09
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Grenouillette et son violon

Il était une fois, une petite grenouille toute verte et rondelette appelée Grenouillette. Elle habitait un joli petit marais orné de magnifiques nénuphars de toutes les couleurs. Grenouillette avait les plus beaux nénuphars de toute la région ! Elle passait tout son temps à s'en occuper, car Grenouillette était une petite grenouille solitaire et sans amie.

Les autres petites grenouilles des marais alentour n'étaient pas comme elle. Elles étaient toutes minces et avaient toutes un amoureux. Leur finesse leur permettait de faire des bons extraordinaires !

Comme Grenouillette était un peu rondelette, les autres grenouilles ne voulaient pas jouer avec elle. Souvent, les petites grenouilles, plus jeunes, venaient la voir pour se moquer d'elle en la pointant du doigt. Grenouillette était triste et allait se cacher dans sa petite grotte de vase, bien à l'abri des regards, à l'abri du soleil et des moqueries.

      Sa petite grotte était toute fraîche et bien rangée. Elle y avait mis tout ce qu'elle aimait. Grenouillette était une petite grenouille qui mettait beaucoup de coeur dans ce qu'elle faisait. C'était son petit coin secret dans lequel elle se sentait bien .

Quand la nuit venait, Grenouillette repensait aux autres grenouilles. Elle aurait tellement aimé être comme elles. Triste, elle regardait par la petite fenêtre en forme de feuille qu'elle avait fabriquée et admirait la magnifique lune qui se trouvait dans le ciel. Pour se réconforter et enlever son chagrin, la petite Grenouillette prenait son instrument de musique et jouait un magnifique air de violon.

     La mélodie résonnait dans tout le village des grenouilles mais personne ne savait d'où provenait cette magnifique musique . Elle faisait couler des larmes d'émotion de toutes les petites grenouilles qui l'écoutaient, tellement c'était joli et émouvant.

Un beau jour, alors que Grenouillette jouait du violon dans sa petite grotte, un petit crapaud curieux s'en alla à la recherche de cette douce musique. Il suivit le son très attentivement à travers les feuillages, sautant sur de nombreuses pierres dans la nuit, jusqu'à arriver sur un magnifique nénuphar rose et blanc. Il regarda aux alentours et vit par une toute petite fenêtre de la lumière et l'ombre d'un violon. En s'approchant, il vit une grenouille toute rondelette jouer de tout son coeur en pleurant. Il s'approcha de plus en plus et reconnut la petite Grenouillette. Ému, il repartit sans un mot, sans un bruit, vers son marais.

     Le lendemain, alors que Grenouillette faisait son jardin, elle vit plein de petites grenouilles l'observer à tour de rôle. Elles se chuchotaient à l'oreille des choses en la regardant. Grenouillette ne pouvait pas les entendre. Elle pensa que c'était encore pour se moquer d'elle et de cette fameuse fois où elle était tombée dans l'eau en essayant d'attraper un moustique sur une feuille instable.

     Puis la nuit vint. La lune pleine illuminait les cieux et Grenouillette, comme toutes les nuits, prit son violon et joua l'air le plus beau et le plus magnifique qu'elle eut jamais joué. Elle ne savait pas que, cette nuit-là, des centaines de petites grenouilles l'écoutaient jouer dans son marais, regardant avec leurs petits yeux mouillés la fenêtre en forme de feuille et l'ombre de son violon. Le crapaud curieux l'avait répété à tout le monde.

      Depuis ce jour, beaucoup de petites grenouilles vinrent la saluer et parler de ses beaux nénuphars. Chacune d'entre elles gardait précieusement le secret et venait l'écouter jouer toutes les nuits. Grenouillette se fit beaucoup d'amies et, de temps en temps, le crapaud curieux venait boire une tasse d'eau chaude aux algues en sa compagnie.

     Un beau jour, ils se marièrent et eurent beaucoup de petites grenouilles toutes rondelettes.


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Septembre 2013 à 16:11:13
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Lucile

Il était une fois une petite princesse si jolie qu'on ne pouvait pas l'oublier quand on l'avait vue une fois.

Elle avait un sourire doux comme le miel, les yeux bleus et transparents comme la mer au bord de la plage, elle aimait tout le monde et tout le monde l'aimait.

Le roi et la reine lui avaient donné comme marraine la fée la plus gentille du royaume, et cette mignonne princesse était aussi la petite fille la plus heureuse du monde.

«Elle sera la petite fille la plus heureuse du monde tant qu'elle n'ira pas dans la sombre forêt du milieu du royaume. » avait dit la fée en la berçant au creux de son bras.

Et tous les habitants du royaume veillaient sur elle, pour qu'elle n'aille jamais dans cette forêt.

Un jour où elle courait dans un pré, elle vit un petit lapin blanc qui bondissait dans l'herbe.

«Je vais sauter comme toi et je vais te rattraper » lui cria-t-elle.

Mais il allait si vite que bientôt, sans s'en être rendu compte, elle se trouva au milieu d'une grande forêt.

Elle n'y était jamais entrée, et elle eut peur.

«C'est la sombre forêt du milieu du royaume », lui disait son cœur.
Le lapin s'était assis devant elle.

Elle voulut lui demander de l'aider, de la ramener dans le pré.

Tout à coup il se dressa sur ses pattes arrière, et se mit à grandir et grandir jusqu'à devenir encore plus grand que le père de la petite princesse.

Ensuite, il perdit sa tête de lapin.

Ses oreilles devinrent petites et pointues, il lui poussa un gros nez crochu, une grosse bouche avec des dents toutes noires et toutes de travers.

Il lui poussa aussi des cheveux gris et blancs, tout raides, et la petite princesse se dit qu'il était devenu vraiment très vieux.

Et voilà que les yeux ronds du lapin devinrent des yeux tout petits et très méchants, et qu'ils la regardaient. Oui, c'était bien elle qu'ils regardaient, il n'y avait personne d'autre dans cette forêt sombre.

La fourrure tiède et blanche du lapin géant se transforma en une vieille robe grise toute usée, pleine de trous et toute sale.

Comme une énorme chauve souris, un grand manteau noir arriva en volant entre les arbres et se posa sur ses épaules.

Pour le retenir, les pattes douces du lapin se transformèrent en mains aux longs doigts tout tordus, tout crochus, avec de grands ongles vraiment très pointus, prêts à griffer.

La petite princesse se sentait vraiment toute petite devant cet énorme monstre qui continuait à la regarder.

Elle n'osait pas bouger du tout.
Le monstre leva un bras, cassa une branche de l'arbre à côté de lui.

La branche n'était pas grande, et quand il s'appuya dessus comme sur une canne, il devint tout tordu, presque plié en deux.

«Je suis sûre que maintenant, il ressemble à la plus vieille femme du royaume, celle qui habite très loin de tout dans un trou creusé dans la terre et qui mange des araignées à son petit déjeuner. Je ne l'ai jamais vue, puisque les enfants n'ont pas le droit de s'approcher d'elle,  mais oui, je suis sûre qu'elle est comme ça », se dit la petite princesse en secret au fond de sa tête.

«Tu as raison, je suis bien la terrible sorcière que les enfants ne doivent pas voir » répondit la vieille femme avec un rire affreux.

«Mais vous n'auriez pas dû m'entendre, j'ai juste parlé dans ma tête, sans faire de bruit », murmura la petite princesse.

La sorcière n'arrêtait pas de rire, on aurait dit une porte en fer qui grince et grince sans fin, battue par le vent.

La petite princesse avait si peur qu'elle se mit à pleurer.

Elle ne savait pas comment sortir de cette horrible forêt du milieu du royaume.

Elle ne savait pas comment faire partir cette horrible sorcière.

Elle ne savait plus quoi faire dans cette horrible histoire.

«Ah ah, tu ne sais pas quoi faire », ricana encore la sorcière.

«Oui, j'entends tout, même ce que tu penses juste dans ta tête. Et ici, il n'y a personne pour t'aider, surtout pas ta gentille marraine la fée !»
«Oh, vous connaissez ma marraine ? » demanda la petite princesse avec espoir. Peut être réussirait-elle à la faire venir ici, auprès d'elle, et elle n'aurait plus peur ...

«Oui, je connais ta marraine. Je la connais beaucoup trop bien, même, et je le regrette beaucoup. Elle a toujours été gentille et jolie.

Moi je suis laide et méchante, et je ne l'aime pas du tout, mais vraiment pas du tout, ta marraine. Les sorcières, tu vois, ça ne peut aimer personne, et surtout pas les fées très gentilles.»

Comme sa marraine la fée, la petite princesse était très gentille. En entendant cela, elle se dit que quand même cette vilaine sorcière devait se sentir très seule.

«Vous vivez vraiment toujours dans cette sombre forêt du milieu du royaume ? Il n'y a jamais de soleil, ici, on ne voit pas le bleu du ciel, et il n'y a personne à qui parler. Ca doit être affreux » dit-elle.

«Tu as un peu raison. Même mon chat s'est sauvé, il avait trop envie de faire ses siestes à la chaleur du soleil ... Alors, tu vois, une sorcière qui n'a plus son chat, oui, elle se sent quand même un peu seule » répondit la sorcière.

«Et vous n'avez même pas une vraie maison ! » La petite princesse se mit à réfléchir à voix haute :

«Ecoutez, si vous voulez, je peux vous emmener dans notre château, il vous plaira, j'en suis sûre ».

La sorcière regardait la petite princesse avec des yeux tout ronds, tout étonnés et ne dit rien.

«Vous voulez que nous attendions ce soir ? Comme cela, la lumière ne vous fera pas mal aux yeux », dit encore la petite princesse.

La sorcière se taisait toujours.

Elles restèrent toutes les deux l'une près de l'autre pendant que l'après-midi se passait et que le soir arrivait.

Quand le soleil fut couché, la petite princesse prit la main crochue de la vieille sorcière dans sa petite main à elle et, toujours sans rien dire, elles se mirent en marche.

Et voilà que la sombre forêt du milieu du royaume était devenue si petite qu'au bout de sept pas elles étaient déjà dans le pré.

Sept pas de plus et elles arrivaient déjà au château.

La sorcière s'arrêta devant la grande porte, toute peinte en doré.

«Je crois bien que je la reconnais », dit-elle simplement, les yeux flous comme si elle rêvait.
Quand elles furent entrées, le roi et la reine arrivèrent en courant.

«Où étais-tu ? Nous t'avons cherchée toute la journée et nous avons eu si peur que tu sois perdue », dirent-ils en embrassant leur fille et en la serrant très fort dans leurs bras.

Ils virent alors que la petite princesse donnait la main à une vieille femme très très très bizarre.

Mais la reine dit simplement :

«Nous vous remercions du fond du cœur de nous avoir ramené notre petite fille chérie, Madame ».

Et le roi ajouta :

«Madame, Madame, tout ce que vous voulez, je vous le donnerai ».

Personne n'avait jamais dit merci à la sorcière.

Personne ne lui avait jamais dit « Madame ».

Personne ne lui avait jamais fait de cadeau et elle ne savait pas quoi demander.

Comme le roi, la reine et la petite princesse restaient là tranquillement à attendre sa réponse, elle eut une idée.

«C'est la première fois pour moi, et je ne sais pas quoi vous dire. Et pourtant ... si, quand même. Je vais vous demander une chose : dites moi comment s'appelle cette gentille petite princesse. »

Oh, mais qu'est-ce qu'elle avait dit là ?

Voilà que le roi, la reine et la petite princesse se regardaient, et que personne ne lui répondait.
La reine se passait la main sur le front, le roi se frottait le menton.

«C'est extraordinaire, nous n'y avons jamais pensé, notre fille n'a pas de nom ! »

Alors la petite princesse se mit à pleurer.

«Donnez moi un nom, maintenant que je le sais il m'en faut un. S'il vous plaît ... », dit-elle à ses parents et à la sorcière.

Et ce fut la sorcière qui lui répondit :

«Tu es grande, ce serait difficile pour nous de te choisir un nom. Mais si tu veux bien revenir avec moi dans ma forêt, je suis sûre que tu trouveras le nom qui te convient. »

La petite princesse accepta tout de suite et embrassa ses parents.

«Je resterai le temps qu'il faudra dans la forêt et je reviendrai. Ne vous inquiétez pas».

Et voilà, tout était simple, et cette fois personne ne l'empêcha de s'approcher de la sombre forêt du milieu du royaume, ni de descendre dans le trou où habitait la sorcière pour y vivre avec elle.

Elles avaient beaucoup de choses à se raconter, beaucoup de choses à s'apprendre.

La sorcière lui faisait découvrir la vie comme elle la vivait seule dans sa forêt, et la petite princesse lui racontait comment on vivait dans son château.

Mais il faisait toujours bien noir dans la forêt, et ça, vraiment, c'était difficile pour la princesse.

Un soir d'été, elle alla jusqu'au bord du pré, attrapa une douzaine de lucioles et les ramena à la sorcière.

Quel plaisir elles partagèrent en regardant ces petites lumières qui brillaient et se déplaçaient dans la nuit ! 

Et voilà que les lucioles le sentirent, et se mirent à aimer les arbres et l'humidité qui les entouraient. Au bout d'une semaine, de nouvelles petites lucioles étaient nées.

Bientôt, elles furent si nombreuses que les soirées dans la forêt étaient aussi claires que les jours dans le reste du royaume, et le chat de la sorcière vint les retrouver en miaulant de plaisir.

Un soir, la sorcière soupira qu'elle aimerait bien retourner un peu au château, maintenant qu'elle savait comment on pouvait y vivre.

La princesse avait envie de revoir ses parents, et elle fut d'accord pour une visite.

«Nous n'y resterons pas trop longtemps, je n'ai pas encore rencontré mon nom. Mais d'abord, il faut nous faire belles, nous allons nous préparer des robes magnifiques.» dit-elle.

Elles passèrent de longues et belles soirées à coudre, à la lumière des lucioles.
Le dernier soir, elles brossèrent le chat, lui mirent un collier qu'elles lui avaient tressé.

Puis elles prirent un long bain, enfilèrent leurs belles robes et se coiffèrent soigneusement.

Enfin, quand elles se sentirent prêtes, elles partirent vers le château, avec le chat qui trottait en tête. Et les lucioles les accompagnèrent en un nuage serré au dessus de leurs têtes.

Il se trouva que ce soir là, le roi et la reine avaient organisé un grand bal.

Tous les habitants du royaume y étaient invités, et tous y vinrent, car il était bon de penser que la vie était toujours belle, même quand on attendait depuis si longtemps le retour d'une jolie petite princesse...

Il faisait si doux qu'ils étaient accueillis sur les grandes terrasses du château, où des tables chargées de nourriture délicieuse et de boissons fraîches les attendaient.   

De grandes corbeilles de roses, de lys blancs, de chèvrefeuille, de pétunias, embaumaient l'air déjà rempli de rires et de chants.

Les musiciens accordaient tranquillement leurs instruments, déjà installés dans la grande salle où ils feraient danser tout le monde dès que sonnerait minuit.

Et le soleil finit par disparaître complètement à l'horizon.

De l'autre côté, un autre soleil se levait déjà.

Etrangement, il apparaissait du côté de la sombre forêt du milieu du royaume.
Et il s'approchait très vite du château, sans vraiment s'élever dans le ciel.

Un grand silence se fit, puis on entendit juste un miaulement, tout près.

Un gros chat noir vint se frotter contre la robe de la reine et le pantalon du roi, en ronronnant de plaisir.

Et sous le nuage de lumière qu'on aurait presque pu toucher en levant le bras, apparurent deux femmes magnifiques.

L'une était très jeune, légère, vêtue d'une robe de soie rose ornée de rubans qui dansaient à chacun de ses pas.

L'autre était plus âgée, majestueuse, vêtue d'une robe de soie bleue ornée de rubans qui suivaient lentement chacun de ses gestes.

Le roi et la reine les regardaient s'approcher, émerveillés, n'osant les reconnaître.

La plus jeune se mit à courir vers eux, et se jeta dans leurs bras.

«Te voilà revenue », lui disaient-ils en l'embrassant.

«Comment t'appelles-tu ? » demanda doucement la reine.

«Lucile, je m'appelle Lucile », répondit-elle sans hésiter.

Voilà qu'elle savait comment elle s'appelait, voilà qu'elle avait trouvé son nom, voilà qu'elle avait choisi qui elle était.

Rayonnante de bonheur, Lucile se tourna vers son amie de la sombre forêt et elle vit que maintenant, celle qui la regardait avec tendresse, ce n'était plus une sorcière.

C'était une fée, sa marraine la fée, qui se mit à lui parler.
«Quand tu es née, j'ai oublié de m'occuper de te choisir un nom.

J'ai été punie, condamnée à devenir une horrible sorcière solitaire vivant dans un trou, au fond de la sombre forêt du milieu du royaume.

Le sort ne pouvait disparaître que si j'arrivais à réparer mon erreur.

Pendant longtemps, j'ai cru que ce serait impossible, et je crois bien qu'alors j'étais vraiment devenue méchante.

Mais un jour je me suis reprise, et j'ai décidé d'essayer de te rencontrer.

Ce jour là, tu as croisé un petit lapin qui sautait dans un pré ...

Et tu es devenue ma lumière, Lucile».

Le bal qui suivit, tout le monde s'en souvient encore, tellement il fut joyeux, plein de musique, de danses et de lumière.

Les lucioles s'étaient posées les unes à côté des autres sur les feuilles des arbres, sur les rebords des fenêtres du château, comme des guirlandes de Noël dans une belle nuit d'été.

Et si on peut en parler aujourd'hui, c'est parce que Lucile y rencontra son prince charmant, qu'elle l'épousa, et qu'elle raconta son histoire à tous les enfants qu'ils eurent ensemble, puis aux enfants de leurs enfants ...  et qui sait qui vous la raconte maintenant ...



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Septembre 2013 à 15:01:26
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Que deviennent les vieux bateaux de pêche... Légende des mers

Au fond des rias, des rades ou des abers, on trouve, couchées sur la grève, des carcasses de bateaux, le plus souvent en bois,  échoués là pour poursuivre une vie fantomatique et mystérieuse.  Ces vestiges  témoignent de façon émouvante des rudes efforts des marins qui ont servis à leur bord.

Les vieux marins se souviennent aussi que dans ces cimetières de bateaux, la mer vient reprendre à chaque marée haute les restes dégradés de ces bateaux chargés de leur histoire.

Un jour, l'un d'eux m'a conté une histoire qu'il tenait de son oncle, marin thonier à  Groix.   

En montant  faire la marée,  les marins ont embarqué, en pleine nuit, à bord de l'Avel Mor, pour rejoindre les bancs de pêche. L'Avel Mor, qui signifie « le vent de mer » en français, naviguait bon train au clair de lune sur une mer apaisée.   

Les pêcheurs  appréciaient cet éclairage qui rend leur route plus facile. Ils  étaient tous redevables à cet astre qui prenait soin d'eux dans l'obscurité alors que le soleil n'était présent que le jour et encore lorsqu'il ne se cachait pas derrière de gros nuages noirs.

Mathurin était le maître à bord et tout l'équipage,  qui se connaissait de longue date, lui faisait totalement confiance aussi bien pour sa navigation  assurée que pour sa capacité à  dénicher le poisson.  Un seul reproche aurait pu lui être fait dans ce coin de la côte du sud Bretagne, c'est qu'il n'était pas très assidu à la messe : si ce n'était pour rassurer les femmes, il ne participerait pas au pardon marin chaque année.  Mais,  personne ne se serait permis de lui en faire le reproche. 

On ne s'étonnait pas non plus de ces moments de solitude où, plongé dans ses réflexions,  se tenant à la proue du navire, il marmonnait des phrases incompréhensibles, un peu comme s'il s'adressait directement aux éléments.

On ne lui connaissait pas non plus de penchant particulier pour la piquette  ou le rhum contrairement à certains de ces jeunes matelots.  En mer, c'est lui qui conservait la seule bouteille de gnôle qu'il versait  dans les quarts en fer blanc, après les gros coups de mer ou pour fêter une bonne marée.

Cette fois encore, il se plaça à l'avant du bateau comme pour communier avec la mer, solliciter sa clémence et sa générosité, mais  ce soir-là, face au reflet de lune qui rendait la surface brillante comme un miroir, c'est avec plus de véhémence encore qu'il s'adressait aux flots. Inquiet de découvrir le patron dans un tel état, le mousse alla prévenir un matelot,  son cousin, qui l'avait pris sous sa protection pour son embarquement.  Alors que les palabres s'éternisaient et que  le patron paraissait s'agiter de plus en plus, il lui dit de regagner son poste et de garder toute sa confiance dans son capitaine.

Il ne pouvait  rapporter à l'équipage la demande qui venait de lui être faite. Elle était assez inattendue et le rendait soucieux. Il n'en dit rien à personne et retrouva sa place à la barre ; il fallait sans perdre de temps, faire préparer la palangre avec les appâts faits de petites sardines, de crevettes ou de crabes.

Cette pêche ne fut pas très fructueuse, même si les conditions de mer étaient idéales. Sur la route du retour, l'inquiétude ne quittait plus le visage de Mathurin  aux traits déjà creusés par la fatigue.

Dès le retour à quai, contrairement à son habitude,  il quitta le bord sans s'assurer par lui-même du déchargement des cales. A peine pied à terre, il se dirigea vivement vers le bistrot, comme s'il avait un rendez-vous important.

Par respect et politesse il salua un à un tous les matelots déjà accoudés au bar pour se rincer le gosier du sel qui grattait leur gorge.  Un mot gentil pour chacun, puis il trouva une place au bout du zinc et commanda un verre de vin blanc.

A peine, le patron du bar l'avait-il servi, qu'il le prit par la manche pour l'attirer à lui afin de ne pas avoir à parler trop haut.  Tendant l'oreille, le tenancier prit aussitôt un air surpris et sur un ton réservé posa en retour quelques questions. La salle avait retrouvé son animation habituelle et plus personne ne s'occupait de cette conversation qui aurait pu paraître mystérieuse.

Il y avait toujours la table des joueurs de belote très animée  et une autre plus calme avec les  anciens,  adeptes des dominos, autour un ou deux incorrigibles bavards rabâchant sans cesse leurs souvenirs de mer déjà connus de tous. Ici on a l'habitude de dire d'eux qu'ils ont du vent dans leurs sacs, car leurs propos sont souvent sans intérêt.

Mathurin sortit pour rejoindre son équipage, promettant de repasser plus tard pour reprendre cette discussion qui semblait d'importance.

Ce secret, m'a été révélé par ce vieux marin, visiblement encore très touché par le récit que son oncle lui avait rapporté  il y a très longtemps.

Mathurin, en venant au bistrot, s'était souvenu que le patron conservait toujours des pièces de marine retrouvées sur le bord de l'eau. Toute une collection de vieux flotteurs,  œillets d'amarres usées,  de perches de marquage à casiers et de nombreuses pièces d'accastillage rouillées.  Une patte un peu folle lui avait interdit d'embarquer pour la pêche comme tous ses camarades d'école, il en gardait une grande nostalgie ainsi qu'une passion de ces choses de marine.

Mathurin avait parlé plus précisément d'un gros clou de charpente dont le patron était particulièrement fier.

La fée Morgane qui s'était adressée à lui dans le rayon de lune avait été très claire dans sa demande, il s'agissait sans erreur possible de ce gros clou rouillé qui manquait. Elle lui rappela une vieille légende qu'il avait entendu racontée par les anciens,  mais qu'il n'avait pas vraiment prise au sérieux.

Les épaves alanguies sur les grèves, submergées en partie par le jusant sont petit à petit récupérées par les flots. Au fond des mers, tous leurs éléments sont patiemment recueillis par le peuple des Morgans, créatures mystérieuses des profondeurs, chargés de reconstruire chaque embarcation dans son intégralité  avant d'être confié à un équipage fantomatique formé par les naufragés de l'année. Ce dernier voyage permettait de rassembler les âmes de ces pauvres bougres perdus en mer et à jamais arrachés à leur famille, pour trouver enfin un repos éternel.  Mais pour être assuré  de rejoindre  ce paradis bien mérité, il était indispensable de réunir, sans exception, tous les composants de ces vieux bateaux.

Ce clou de charpente marine manquait à l'appel, la fée morgane avait fait sa prière d'intercession auprès de Mathurin pour qu'il l'aide à terminer cette tâche importante. La rencontre avec ces êtres petits comme des lutins, beaux comme des anges, n'étant pas sans danger, le vieux marin en avait été bouleversé, et,  sans attendre de contrepartie, avait promis d'honorer la requête.

Le soir même, en arrivant dans le café, Mathurin s'aperçut que le patron lui avait bien préparé un joli paquet bien ficelé dans un papier journal. Il lui remit discrètement mais avec une certaine solennité dans le regard et une certaine émotion d'avoir malgré lui offensé le monde marin en ramassant innocemment ce vieux clou.

Lors de la marée suivante, dans un même halo de lune se reflétant à sur la surface de l'océan, Mathurin  avait rendez-vous important avec la bonne fée pour restituer  à l'océan cette petite pièce de métal rouillé.

L'équipage cette fois encore, n'avait pas compris son manège, mais il restait soucieux de l'humeur de leur capitaine depuis la sortie précédente.

Quelques instants plus tard, tous à bord constatèrent avec satisfaction qu'il avait retrouvé sa jovialité et son énergie. 

La marée ce jour-là fut abondante et les conditions de mer moins pénibles. Un large sourire sur le visage de Mathurin marquait la joie du devoir accompli vis-à-vis des anciens compagnons perdus en mer qui trouveraient ainsi un repos bien mérité. 

Je ne vois plus ces vieilles carcasses en décomposition de la même façon, mais je prends toujours beaucoup de plaisir à photographier leurs courbes élégantes.  Je regarde ces bateaux valeureux qui ont accompagné les hommes dans leurs efforts  et qui attendent patiemment une renaissance.  Grâce aux assauts des vagues et à la magie de la mer, ils mèneront encore, une dernière fois,  un équipage à bon port.   
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Septembre 2013 à 15:51:37
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Il était une fois un brin d'herbe.

Il était totalement désespéré, tantôt congelé par le froid, tantôt inondé par les pluies, ou brûlé par le soleil, et parfois même piétiné par des centaines de grosses chaussures et de bottes.
Dès lors qu'il commençait à être heureux, à s'étendre vers le ciel bleu et la chaleur du soleil en écoutant les oiseaux s'interpeller et en sentant la brise le caresser, il était tondu ou aplati et compressé contre la terre.

Un jour, ne sachant pas ce qu'il faisait, quelqu'un le coupa si court qu'il savait à peine respirer et ne pouvait certainement plus entendre le chant des oiseaux ou sentir la brise.
Mais, on ne sait pas comment, quelques jours plus tard, il remarqua qu'il avait légèrement grandi et qu'il pouvait à nouveau s'étirer et voir le ciel.

Malheureusement, après quelques semaines, le soleil le brûla si fort qu'il perdit sa couleur verte et devint brun et sec. Il pensa que sa fin était proche jusqu'au moment ou la pluie tomba et qu'il put boire goulûment et s'imprégner d'humidité. Bientôt, il regagna en couleur.

Il y avait toujours quelque chose qui semblait arriver pour le blesser, ou pour le mettre en danger ; la gelée et la neige, le soleil brûlant, les gens qui marchaient, couraient ou sautaient sur lui. Il était désespéré, ça ne valait pas le coup de vivre de cette manière.

Un jour un joli papillon se posa non loin de lui. Quelque chose de magnifique émanait de ce papillon et le brin d'herbe commença à lui parler pour en arriver à lui raconter son histoire misérable.

Le papillon fort sympathique, commença à lui parler. "Je peux comprendre ce que tu ressens mais je dois dire que je suis assez surpris d'entendre ton histoire. Vois tu, de ma perspective, vu d'en haut, au dessus de toi, je te regarde chaque jour. Je vois que tu es tellement flexible que la pire des tempêtes ne te casse jamais, peu importe ce qu'il t'arrive: être écrasé de façon répétitive, être gelé ou brûlé, tu te relèves toujours, lèves les yeux et t'étends vers le ciel et les nuages. Et quand le vent souffle je peux entendre ta chanson, jolie et légère.

Le brin d'herbe remercia le papillon et resta silencieux pendant longtemps. Puis, il commença à murmurer un chant joyeux car il avait enfin réalisé que toute sa vie était un succès et non un échec.

  A bientôt quelque part !

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Septembre 2013 à 10:21:24
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La maison des Lutins

«Ecoutez tous, écoutez bien, élargissez vos coquillages, nettoyez bien vos grandes feuilles... »

Celui qui parle est un vieux lutin des forêts, un très ancien, très vieux, très sage et très savant lutin.

Il est raconteur d'histoires aussi. Mais attention, ce sont des histoires vraies, vraies de vraies : comment les lutins sont arrivés sur terre, comment ils ont fait alliance avec les animaux de la forêt, leur lutte incessante avec les sorcières, leurs ruses pour toujours rester invisibles aux yeux des adultes et comment choisir un enfant pour qu'il devienne ami des lutins et...leur construise des maisons !!!....

Ce jour-là, le vieux lutin a rencontré des enfants qui se promènent en forêt, enfin, qui s'ennuient en forêt, ils n'aiment pas tellement ça, marcher, marcher...et il leur explique la manière de faire...

«C'est mieux si vous êtes à deux ou trois, c'est plus amusant. Il faut choisir un grand arbre, un arbre qui vous plait, avec de belles branches et des feuilles pas encore ouvertes tout à fait (Si c'est au printemps. De toute façon, c'est mieux de s'y prendre au printemps...) Mais c'est le pied de l'arbre surtout qui compte, là où les racines commencent...Plus c'est tordu, noué, avec des creux et des bosses, mieux c'est. Surtout, l'arbre doit être situé bien à l'abri des regards indiscrets ! Vous nettoyez bien autour du tronc avec des branchages, vous enlevez les vieilles feuilles sèches et les brindilles. Puis, vous prenez votre sac et : à la découverte !

Laissez -vous guider par vos yeux, par votre nez, vers des mousses douces, des cailloux colorés et bien ronds, des écorces de bouleau et des graines de toutes les formes. Certaines sont germées déjà, alors il faut les laisser , elles deviendront des arbres. Il y a les châtaignes, les glands, les hélices, d'autres graines rondes comme des billes... Mettez tous vos trésors dans votre sac.

Prenez aussi des jolis bâtons et des feuilles bien sèches, pas abîmées : il y en a qui sont toutes en dentelle, elles sont rares mais nous les aimons beaucoup... Quand votre sac est plein, vous déposez toutes vos découvertes au pied de l'arbre, les cailloux et les pierres ensemble, les feuilles et les graines à part etc...

Ensuite, l'un après l'autre et sans vous disputer, vous disposez vos merveilles à l'endroit bien nettoyé... Parfois, il y a de la sciure quand les bûcherons sont passés, vous pouvez faire un lit de sciure, on adore !...La mousse fera nos lits, les écorces, les tables et les chaises peut-être un toît, si ça tient...Un jour, un enfant m'a fait une balançoire avec une branche fourchue et une écorce...Bref, laissez faire votre imagination... Et la nuit, quand tout sera calme et la forêt endormie, nous sortirons de dessous l'arbre et nous viendrons visiter notre nouvelle maison. Si elle nous plait, nous l'habiterons. Mais, avant de partir, quand vous avez fini de tout installer, il y a encore une chose très importante à accomplir : Il faut, chacun votre tour, saluer et remercier l'arbre qui accueille cette nouvelle maison de lutin, saluer et remercier les pierres, les herbes, le vent et les insectes, la forêt entière...

Puis chanter et danser autour de l'arbre. Nous vous entendrons sous la terre et nous aussi nous chanterons et danserons pour notre nouvelle maison !!!»

Le vieux lutin s'éclipse en un instant comme s'il avait  encore cent ans et les enfants se font la promesse de revenir demain installer une magnifique maison à leurs nouveaux amis... »
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 30 Septembre 2013 à 08:51:44
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Le dragon et le phénix ! (Conte chinois du lac de l'Ouest ! )

Il y a des siècles et des siècles, dans la grotte sur la rive est du fleuve céleste habitait un dragon blanc comme la neige ; et dans la forêt de la rive opposée habitait un phénix coloré.

Dragon et phénix étaient voisins. Le matin, l'un sortait de la grotte et l'autre s'envolait de la forêt en se saluant, puis ils se séparaient pour aller à leurs occupations. Un jour, ils s'amusèrent ensemble : l'un nageait dans le fleuve céleste, l'autre s'envolait dans le ciel. Tout en nageant et volant, ils arrivèrent sans s'en apercevoir à l'île féerique ; là ils aperçurent une pierre étincelante. Phénix, très content, dit à Dragon :

-Dragon, Dragon, tu vois cette belle pierre !

Dragon, plein de joie lui aussi, dit à Phénix :

-Phénix, Phénix, nous allons la tailler et la polir en une perle, d'accord ?

Phénix fit un signe d'assentiment et ils se mirent immédiatement au travail. Dragon ameublissait la pierre avec ses pattes et Phénix la picotait avec son bec ; des jours s'écoulèrent, des années passèrent ; finalement il faut dire qu'ils avaient réussi à façonner une perle ronde. Phénix s'envolait dans la Montagne féerique, il recueillait dans son bec de la rosée pour la verser goutte à goutte sur la perle ; Dragon nageait dans le Fleuve céleste, il y aspirait de l'eau pure qu'il pulvérisait sur la perle ; sous les gouttes et la pulvérisation incessantes, la perle petit à petit commença à émettre des rayons.

Dès lors, Dragon se prit d'affection pour Phénix et celui-ci adorait Dragon ; leur perle faisait leur bonheur. Dragon ne voulait plus rentrer dans sa grotte, ni Phénix revenir dans sa forêt ; ils vivaient donc ensemble dans l'île féerique située au milieu du Fleuve céleste pour veiller jour et nuit sur la perle.

C'était vraiment un perle sans prix. Là où parvenaient ses rayons, s'élevaient des bois verdoyants, s'épanouissaient des myriades de fleurs de toute beauté ; on voyait des pays aux montagnes ensoleillées et aux eaux limpides qui se couvraient de riches récoltes.

Un jour la Reine Mère de l'Ouest sortit du Palais céleste, et aperçut tout à coup la parle dardant ses rayons ; aussitôt son coeur avide brûla du désir de la posséder. À minuit, elle envoya un soldat céleste pour la voler alors que Dragon et Phénix s'étaient endormis. Elle était si contente de sa prise qu'elle ne voulut pas que d'autres puissent y jeter un coup d'oeil. Elle se hâta de rentrer dans son Palais et fit verrouiller neuf portes derrière elle.

Dès qu'ils se réveillèrent, Dragon et Phénix s'aperçurent que leur perle avait disparu. Fous d'inquiétude, ils la cherchaient partout. Dragon fouilla toutes les grottes du lit du Fleuve céleste, il ne trouva rien ; Phénix explora chaque coin de l'île Féerique sans plus de résultat. Très tristes, ils continuèrent quand même leurs recherches jour et nuit. Ils n'avaient qu'un espoir ; retrouver cette perle à laquelle ils s'étaient tant attachés.

À l'occasion de l'anniversaire de la Reine Mère de l'Ouest, les Immortels s'empressèrent d'arriver de toutes parts au Palais impérial pour assister au Banquet de Pêches qui avaient lieu en l'honneur de la douairière . Celle-ci avait fait apporter des pêches en abondance pour les Immortels qui buvaient du bon vin et prenaient les fruits tout en adressant leurs souhaits d'anniversaire : "Vous le bonheur de la Mer de l'Est, la longévité de la Montagne du Sud !" Très satisfaite de ces félicitations des assistants, la douairière se prit à dire :

-Mes vénérables, je vais vous montrer une perle sans prix comme on n'en trouve ni au Ciel, ni sur terre !

À ces mots, elle détacha de sa ceinture neuf clés qui ouvrirent neuf verrous, passa neuf portes, puis sortit sa perle qu'elle présenta dans une assiette d'or et plaça au milieu de la salle. Naturellement, les Immortels s'extasièrent sur la perle qui diffusait une brillante lumière.

À ce moment même, Dragon et Phénix continuaient partout leurs recherches. Phénix remarqua tout à coup le rayonnement de leur perle et dit aussitôt à Dragon :

-Dragon, Dragon, dépêche-toi, dépêche-toi, vois, ce sont bien les rayons de notre perle !

Dragon sortit sa tête du Fleuve céleste, regarda un moment et dit :

-Oui, c'est certainement notre perle, allons vite la reprendre !

Et Dragon et Phénix de s'élancer aussitôt, guidés par les rayons. Arrivés au Palais impériel, ils trouvèrent les Immortels tendant le cou vers la perle, en train de clamer leur enthousiasme. Dragon s'écria en approchant :

Cette perle est à nous !

Phénix, à son tour, affirma :

Oui, elle est à nous, cette perle !

La douairière fut très fâchée de leur intervention ; elle s'approcha d'eux en vociférant :

Qu'osez-vous dire ? Moi, je suis la Reine Mère de l'Ouest, tous les trésors du Ciel m'appartiennent !

En entendant ces paroles, Dragon et Phénix, très fâchés eux aussi, dirent d'une même voix :

-Cette perle n'est née ni du Ciel ni de la Terre, mais c'est bien de nous qui l'avons taillée et polie jour après jour, d'année en année, au prix d'un dur travail.

à ces paroles, la douairière se sentit envahie à la fois par la haine et la honte ; elle prit l'assiette d'or et ordonna à ses soldats et généraux célestes de chasser tout de suite les intrus. Phénix, voyant que la Reine Mère n'entendait pas raison, s'élança pour se saisir de la perle ; Dragon en fit autant. Trois paires de mains s'agrippaient à l'assiette, personne ne voulant lâcher. Secouée par ces trois forces, l'assiette oscilla et la perle roula en bas des marches, vers la terre.

Dragon et Phénix, voyant que la perle risquait de s'écraser sur le sol, la suivaient en descendant, se précipitant d'avant en arrière, de gauche à droite, pour la protéger alors qu'elle tombait lentement. Quand elle toucha le sol, la perle se métamorphosa soudain en lac, le lac de l'Ouest. Comme Dragon ne voulait pas la quitter, il devint la magnifique colline du Dragon qui monte la garde sur ses rives. Phénix ne voulait pas quitter non plus sa perle, il devint la Colline du Phénix qui la garde, elle aussi.

Dorénavant, la Colline du Phénix et celle du Dragon sont couchées silencieusement aux côtés du Lac de l'Ouest. Aujourd'hui, on chante à Hangzhou deux anciennes chansons populaires qui évoquent cette légende :

Lac de l'Ouest issu de la perle descendant du Ciel et Le dragon et le phénix arrivent au bord du fleuve Qiantang .
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 01 Octobre 2013 à 09:10:28
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Le coquelicot

Il était une fois une fleur des champs un  gentil   coquelicot  qui  se trouvait dans un jardin parmi les fleurs habituelles : les roses, les marguerites, les giroflées.. on ne lui parlait pas, il se sentait de trop, comme un étranger dans ce jardin parfois même il avait l'impression qu'on se moquait de lui, le jardinier ne s'en occupait pas, il ne le regardait pas, le jardinier admirait seulement les fleurs du jardin : blanches, jaunes, bleues, roses , pas le gentil  coquelicot  rouge, le jardinier arrosait ses fleurs, leur parlait, les choisissait pour garnir un vase dans sa maison.

Mais un jour il fit très chaud et puis un autre jour et puis un 3è jour, puis 10 jours puis 30 jours puis 2 mois puis 3 mois puis 5..alors le jardinier n'avait plus d'eau pour arroser ses fleurs chéries, elles devenaient laides, sèches, flétries, ils ne les admirait plus, elles se laissèrent mourir de chagrin.  

Le gentil  coquelicot essaya de les réconforter, il les encouragea à patienter, il leur assura que la pluie allait arriver mais elles ne savaient pas patienter, un matin toutes les fleurs chéries du jardinier étaient tombées sans vie sur la terre

Le coquelicot devint la seule fleur du jardin alors le jardinier le remarqua pour la première fois, il découvrit qu'il avait là dans son jardin un beau coquelicot , il commença à lui parler, l'admirer et un jour il voulut le cueillir pour le mettre en vase mais il n'y parvint pas car le coquelicot durant de longs mois s'était endurci face à ce qu'il voyait, entendait, endurait tous les jours, il avait une carapace à tout épreuve, sa tige était dure comme de l'acier, en son fond intérieur il avait gardé son âme d'enfant, il n'avait pas de colère, pas de rancune, pas de vengeance

Le gentil  coquelicot offrit son sourire  au jardinier et se mit à lui parler pour la première fois :

Jardinier nous sommes là tous les deux toi avec ton sécateur et moi avec ma couleur rouge éclatante, qui est le plus heureux de nous deux ? Je te laisse réfléchir et je te dis que j'ai beaucoup souffert dans ton jardin mais j'ai développé dans les épreuves ma force intérieure et je vis bien aujourd'hui, je respire bien, je me nourris chaque jour de l'amour que  j'ai pour moi.    

Le jardinier  s'éloigna le sécateur à la main, il alla s'asseoir sur un banc à l'ombre, la fatigue s'empara de lui subitement, il s'essuya le front avec un grand mouchoir à carreaux et resta  là longtemps, très longtemps songeur.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 02 Octobre 2013 à 08:57:03
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Le secret de Sarah

Il était une fois dans un pays lointain où vivent princesses et lutins, où les arbres sont bleus et le ciel aux couleurs des rires des enfants, une petite fille Clara. Depuis 10 ans, elle vivait dans la forêt au bord d'un joli lac avec ses parents. Elle avait tout pour être heureuse sauf qu'elle se sentait bien seule dans ce monde. Bien sur ses parents étaient adorables et elle ne manquait de rien si ce n'était d'un autre enfant pour partager ses rires. Mais la vie en avait décidé autrement: ses parents n'avaient pu avoir qu'un seul enfant au prix d'une terrible solitude.
La maman de Clara aimait à raconter à sa fille le mystère de sa naissance.
En effet il s'agissait d'une très belle histoire digne des contes de fées.
Ses parents s'étaient mariés très jeunes. Leur amour si parfait fit beaucoup de jaloux dans le royaume si bien que le jour de leurs noces, un mauvais sorcier versa dans le vin de messe un filtre qui allait empêcher les jeunes époux d'avoir une descendance. Découvrant cela, les parents de Clara tombèrent dans une grande détresse car leur vœu le plus cher était de fonder une belle et grande famille. Désormais ce n'était plus possible, seul leur restait leur amour qui malgré le malheur ne cessa de grandir.
Ils avaient alors construit une petite maison au bord de ce magnifique lac dans lequel se reflétait la lune. Depuis leur arrivée dans ce lieu paradisiaque nul n'était venu déranger leur quiétude comme si ce lieu n'existait que pour eux, comme s'il les protégeait du monde extérieur. Souvent le couple venait se recueillir au bord de l'eau sous l'œil attendri de la lune et des étoiles. Ils ne cessaient de prier pour que le maléfice qu'on leur avait injustement jeté soit levé et que leur voeu le plus cher se réalise enfin.
Face à tant d'amour, la lune ne pu rester insensible et, un soir alors que les jeunes époux enlacés la contemplaient en versant des larmes de désespoir, elle leur parla ainsi :
« jeunes amis, votre tristesse ne peut me laisser indifférente... Votre amour est si beau et si pur qu'il m'émeut, je ne peux vous laisser dans une telle détresse. Faites un vœu et je vous aiderai à le réaliser. ».
Les deux jeunes gens crurent d'abord à une hallucination due au souffle du vent dans les branchages mais ils répondirent tout de même d'une seule et même voix :
« Ce que nous désirons le plus au monde est un enfant, hélas un être maléfique nous a jeté un mauvais sort nous empêchant de réaliser notre désir le plus cher ».
« Soit, répondit le lune, je peux vous aider mais sachez que je ne peux réaliser qu'une seule fois ce vœu : vous n'aurez donc qu'un enfant mais il y a une contrainte à laquelle vous ne pourrez échapper : vous devrez rester tous trois dans la plus profonde des solitudes jusqu'au jour où votre enfant trouvera un amour aussi pur que le votre ». Ils se demandèrent comment leur enfant privé de contact avec l'extérieur pourrait rencontrer sa moitié dans ce lieu reclus. Mais la solitude ne les effrayait pas car il la connaissait depuis plusieurs années maintenant et ils savaient que grâce à leur amour ils seraient heureux.
La lune continua donc :
« Attendez la prochaine pleine lune. Cette nuit là, déposez dans une fleur de nénuphar un mélange de vos larmes et quelques gouttes de la rosée du matin même, placez ensuite cette fleur au centre de mon reflet sans froisser la surface plane de l'eau. Au petit matin vous serez alors parents d'une petite fille. »
Voilà encore une difficulté qui alerta le couple mais rien ne pouvait les détourner de leur désir le plus cher. Ils avaient 7 jours pour trouver une solution et ils ne reculeraient devant rien. C'est ainsi que naquit Clara belle comme la lune, fragile comme une larme et légère comme le nénuphar. On pouvait voir sur le pouce droit de la petite fille un petit croissant de lune.
Voilà pourquoi, depuis qu'elle savait marcher, la fillette aimait tant venir se recueillir au bord de ce lac en méditant sur le secret de sa naissance.
Un jour alors que Clara dormait à l'ombre d'un arbre, elle sentit une présence qui l'éveilla. De l'autre côté du lac un enfant de son âge l'observait ! Chose très étrange car depuis son enfance, elle n'avait jamais rencontré personne en ce lieu à cause du pacte que ses parents avaient passé avec la lune.
Dès que Clara se leva le jeune garçon disparu dans la forêt. Très intriguée et folle de joie d'avoir enfin trouvé un compagnon de jeu, la jeune fille essaya de le retrouver mais sans succès, il s'était évanoui dans la nature.
Qui était donc ce jeune garçon ?
Depuis cette fameuse fin d'après midi de sa 12ème année, Clara ne cessa de retourner à l'endroit où elle avait eu cette vision, chaque fois le cœur battant en espérant revoir celui qui avait su éveiller en elle un sentiment étrange qu'elle ne connaissait pas. Chaque fois elle rentrait chez elle le cœur lourd de ne pas l'avoir revu. Ses parents s'inquiétaient car leur fille unique ne vivait plus qu'avec cette pensée, elle était repliée sur elle-même et avait perdu sa bonne humeur. Pourtant, le jour de son 16ème anniversaire, elle revint pourtant chez elle avec un sourire éclatant. En effet, fidèle à elle-même depuis 4 ans, assise sous le même arbre, elle avait revu le jeune homme encore plus beau et mystérieux que dans ses souvenirs. cette fois, il s'était approché d'elle, s'était assis près d'elle dans l'herbe et lui avait avoué que pendant ces 4 ans il n'avait cessé de l'observer assise ici sans oser venir lui parler. Alors il l'avait embrassé sur la joue puis s'en était allé. Clara compris alors qu'il était le "prince charmant" qu'elle attendait depuis toujours...
Les parents mis au courant par leur fille rayonnante comprirent que les événements dont leur avait parlé la lune 16 ans auparavant étaient en train de se réaliser et que le voile de leur solitude était sur le point de se lever.
Le lendemain Clara couru au lieu de rendez vous le coeur remplit d'impatience.
Quand elle arriva, il était déjà là, les pieds dans l'eau. Clara quitta ses chaussures et vint s'asseoir  tout près du garçon, ils restèrent ainsi jusqu'à la nuit tombante. Lorsque la lune apparu dans l'eau, elle semblait leur sourire et c'est à ce moment là que Clara découvrit la petite cicatrice en croissant de lune sur le pouce gauche du jeune homme. Elle lui prit la main et lorsque leurs pouces se joignirent la lune apparut ronde et pleine : les deux moitiés étaient réunies. Les deux jeunes amis se regardèrent et comprirent : ils ne seraient plus jamais seuls et leur bonheur rayonnerait à jamais sous l'œil protecteur de leur marraine la lune.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Octobre 2013 à 16:59:30
(http://img11.hostingpics.net/pics/932946mag.jpg)
" C'est si triste d'être seul ... "
(Le magicien qui peut tout .... sauf rester seul...)


Savez-vous pourquoi seules les vieilles personnes racontent des histoires ?

Parce que les contes sont la sagesse même de notre monde !

Tout passe, et seuls les contes authentiques demeurent...

Les contes sont la sagesse,

Et pour raconter des contes, il faut savoir beaucoup de choses,

Et voir ce que d'aucun ne peut voir,

Mais pour ce faire, il faut avoir vécu de longues années.

C'est pourquoi seules les vieilles personnes savent raconter les contes.

Comme il est dit dans le grand livre antique des enchantements :

" Le vieil homme est celui qui détient la sagesse "

 

Les enfants...,

Ils aiment écouter les contes

Parce qu'il y a en eux

L'imagination et l'esprit qui les font penser à tout,

Et pas seulement à ce que d'aucun peut voir.

Et, si après être devenu grand, l'enfant voit toujours

Ce que d'aucun ne peut voir,

C'est qu'il sait que l'imagination, - c'est la vérité.

Et il reste enfant, un enfant plein de sagesse,

- " Un ancien détenant la sagesse "-,

Comme il est dit dans le grand livre antique des enchantements,

Le "Livre du Zohar ".

 

Il y avait une fois un magicien,

Grand, extraordinaire, beau et d'une très grande bonté...

Mais il était seul, personne

Qui pourrait être à ses côtés,

Personne avec qui jouer,

Personne à qui parler,

Personne qui lui prêterait attention,

Avec qui pourrait-il partager tout

Ce qu'il possède.

Que faire ? ...

C'est si triste d'être seul !

 

Il se prit à penser : et si je créais une pierre,

Même une toute petite, mais une jolie pierre ?

Peut être que cela me suffirait,

Je la caresserais et je sentirais

Comme une présence à mes côtés,

Et nous serions bien,

C'est si triste d'être seul !

 

Avec sa baguette magique il fit " tic !"

Et une pierre apparut à ses côtés,

Exactement comme il l'avait imaginée.

Il caresse la pierre, il l'embrasse,

Mais elle ne répond pas, elle ne bouge pas,

Qu'elle reçoive un coup ou une caresse,

Elle est insensible !

Comment être son ami ?

 

Le magicien se mit alors à faire des pierres et encore des pierres,

Beaucoup d'autres pierres, toutes différentes,

Des rochers, des montagnes, des terres,

Le globe terrestre, le soleil, la lune.

Il remplit de pierres tout l'univers,

Mais toutes n'étaient qu'une seule et même pierre,

Elles ne lui répondaient pas,

Et comme auparavant, il pensait

C'est si triste d'être seul !

 

Puis le magicien pensa :

Et si au lieu d'une pierre, je créais une fleur,

Une jolie fleur ?

Je l'arroserais,

Je l'installerais dans un endroit aéré, au soleil,

J'en prendrais soin,

Elle serait heureuse,

Et tous deux ensemble, nous serions bien,

C'est si triste d'être seul !

 

Avec sa baguette magique il fit " tic !",

Et une fleur apparut à ses côtés,

Exactement comme il la voulait.

Il se mit à danser de joie devant elle,

Mais la fleur, elle, ne dansait pas, elle ne tournoyait pas,

Elle était presque insensible à sa présence.

Elle réagissait seulement à ce que lui donnait le magicien :

Quand il l'arrosait, elle était pleine de vie,

Quand il ne l'arrosait pas, elle s'étiolait.

Comment est-il possible de réagir aussi peu à un magicien d'une si grande bonté ?

Prêt à donner tout son cœur ! ... Et personne...

Comment faire ? ...

C'est si triste d'être seul !

 

Le magicien se mit alors à faire des fleurs,

Des grandes, des petites, des jardins et des forêts, des buissons et des champs...

Mais tous n'étaient qu'une seule et même fleur – ,

Elles ne lui répondaient pas,

Et comme auparavant, c'était bien triste d'être seul...

 

Le magicien pensa longuement puis il se dit :

Et si je créais un animal ?

Mais quel animal ? Le mieux serait un chien. Oui, un chien !

Un petit chien, gai, affectueux.

Je jouerais avec lui,

Nous irions nous promener, et mon chien courrait

Devant, derrière, autour de moi.

 

Quand je rentrerais à la maison, dans mon château,

Plutôt, quand je serais de retour dans notre maison,

Il serait déjà parti en courant à ma rencontre,

Nous serions bien ensemble,

C'est si triste d'être seul !

 

Avec sa baguette magique il fit " tic !",

Et un chien apparut à ses côtés,

Exactement comme il le voulait.

Il se mit à le choyer,

Il lui donnait à manger et à boire, il le caressait,

Lui faisait sa toilette, allait le promener,

Il faisait tout pour lui...

Mais l'amour d'un chien...,

C'est juste sa présence,

Etre aux pieds, suivre...

 

Et le magicien s'aperçut avec regret

Que même le chien

Avec lequel il jouait si bien,

N'était pas capable de lui rendre l'amour

Qu'il lui donnait.

Il n'était tout simplement pas capable d'être son ami,

Pas capable d'apprécier ce qu'il faisait pour lui !

C'était pourtant bien ce que souhaitait le magicien !

 

Il se mit alors à créer

Des poissons, des lézards, des oiseaux, et bien d'autres,

Mais ce n'était pas mieux :

Aucun ne le comprenait,

Et comme auparavant, il pensait, c'est si triste d'être seul !

 

Le magicien pensa longuement, longuement puis comprit :

" Mon seul véritable ami ne pourra être que

Celui qui aura besoin de moi

Et me cherchera.

 

Ce doit être quelqu'un

Qui pourra vivre comme moi,

Quelqu'un qui saura tout faire comme moi,

Qui pourra aimer comme moi,

Comprendre comme moi,

C'est seulement alors qu'il me comprendra !

 

Seulement, comment être comme moi ? ... mmm...

Qui peut être comme moi ?

Qui pourrait apprécier ce que je lui donne,

Qui pourrait me rendre la pareille,

Car même un magicien a besoin d'amour,

Qui pourrait être tel

Que nous serions bien ensemble ?

C'est si triste d'être seul !

 

Mais pour que nous soyons bien ensemble,

Il doit auparavant savoir

Ce que signifie être seul, sans moi,

Eprouver, comme moi... sans lui, que

C'est si triste d'être seul !

A nouveau, le magicien fit " tic !",

Et, loin, très loin de lui, apparut un endroit,

Et dans cet endroit, un homme...

 

Mais l'homme est si loin du magicien

Qu'il n'a pas le sentiment de l'existence du magicien

Qui l'a créé et a tout créé pour lui :

Les pierres, les fleurs, les animaux, les oiseaux,

Les maisons et les montagnes, les champs et les forêts,

La lune et le soleil, la pluie et le ciel,

Et encore beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses..., le monde entier...,

Même le football et les ordinateurs !

Tout ce que possède l'homme...

Et le magicien est encore seul...

Et c'est si triste d'être seul !...

 

L'homme, lui, ne se doute même pas

Qu'il existe un magicien,

Qui l'a créé,

Qui l'aime,

Qu'il l'attend et qui l'appelle :

" Eh, vraiment, tu ne me vois pas ! ?

C'est moi, ... moi qui t'ai tout donné,

Viens !

Nous serons bien tous les deux,

C'est si triste d'être seul !... "

 

Mais comment l'homme qui se sent si bien comme cela,

Qui a le football et les ordinateurs,

Qui ne connaît pas le magicien,

Comment pourrait-il vouloir le trouver,

Le rencontrer,

S'approcher de lui, être son ami,

L'aimer,

Etre tout près de lui,

Et lui dire à ce magicien,

" Eh, magicien, !...

Viens, nous serons bien tous les deux,

C'est si triste d'être seul, sans toi !... "

 

Car l'homme ne connaît que ses semblables

Et que ce qui est autour de lui,

Il sait qu'il faut être comme tous,

Faire tout ce que tous font,

Dire ce que tous disent,

Vouloir ce tous veulent.

Ne pas énerver les grands, demander poliment,

Les maisons, les ordinateurs, le football pour les loisirs,

Et tout ce qu'il veut, il le possède,

Et à quoi bon savoir en fin de compte

Qu'il existe un magicien

Qui est si triste sans lui ...

 

Mais le magicien est d'une grande bonté, d'une grande sagesse,

Sans se montrer, ... il observe l'homme...

... et tout à coup, ... un jour, ...

Délicatement, doucement, tout doucement,

Il fait ... " tic ! " avec son bâton.

 

Et l'homme ne peut plus

Vivre comme avant,

Ni le football, ni les ordinateurs

Ne lui font plus plaisir,

Et il veut, il cherche quelque chose,

Il ne comprend pas encore que

C'est le magicien qui est entré

Dans son cœur avec sa baguette magique en lui disant

" Allez ! ... maintenant,

Viens, nous serons bien tous les deux,

Car toi aussi, tu es si triste d'être seul !..."

 

Et le magicien, d'une grande bonté, d'une grande sagesse,

L'aide à nouveau :

Juste encore un "tic !",

Et l'homme sent qu'il existe quelque part un château enchanté,

Rempli de toutes sortes de bonnes choses miraculeuses,

Et que le magicien l'attend là-bas,

Et qu'ils seront bien tous les deux ...



Mais, où est ce château ?

Qui lui montrera le chemin ?

Comment rencontrer le magicien ?

Comment pourra-t-il le trouver ?

 

Et toujours dans son cœur " tic ! "... " tic ! ",

Il ne peut plus ni manger, ni dormir,

Partout, il voit des magiciens et des châteaux

Et il n'en peut plus d'être seul,

Ce serait si bien ensemble ! ...

 

Mais pour que l'homme devienne comme le magicien,

D'une grande bonté, d'une grande sagesse, aimant, fidèle,

Il doit savoir faire tout

Ce que sait faire le magicien,

En tout, il doit lui ressembler,

Seulement, pour cela, les "tics !" ne conviennent plus -,

L'homme doit apprendre lui-même à les faire,

Mais comment ? ...

 

C'est pourquoi le magicien, discrètement .... tout doucement,

Délicatement ... " tic-tic ... tic-tic "... ,

Conduit l'homme avec précaution

Vers le grand livre antique des enchantements,

Le "Livre du Zohar "...

Qui a les réponses à tout, tout,

Sur le chemin, sur la façon de s'y prendre

Pour que finalement tout soit bien,

Alors pourquoi rester seul?



Et l'homme se dépêche vite, très vite

De se mettre en chemin vers le château, pour rencontrer le magicien,

Pour rencontrer son ami, être à ses côtés,

Lui dire " hé ! ...

Nous serons bien ensemble,

Ca fait si mal d'être seul... "

 

Mais autour du château – une haute muraille,

Et des gardes terrifiants tout autour,

Et plus l'homme s'élève le long de la muraille,

Plus les gardes le rejettent avec grossièreté,

Plus il tombe douloureusement,

Il est sans force, vidé,

Il crie vers le magicien :

Où donc est ta bonté,

Pourquoi me fais-tu souffrir ?

Pourquoi m'as-tu appelé ?

Parce que tu avais mal d'être seul ?

Pourquoi as-tu fais en sorte

Que je souffre sans toi ?...

 

Et, ..., tout à coup, il ressent un "tic ...tic", - et à nouveau,

Il avance, il monte le long de la muraille.

Il faut contourner les gardes, monter le long du mur,

Franchir le portail fermé du château,

Trouver le magicien...

 

Tous les coups, tous les échecs

Lui donnent des forces, de la persévérance,

De la sagesse.

Soudain, du découragement naît le désir de...

Il apprend à faire tous les miracles

Que fait le magicien,

Il apprend à créer ce

Que seul le magicien pouvait créer !

 

Des profondeurs des échecs croît son amour,

Il n'a plus qu'un seul désir :

Etre avec le magicien, le voir,

Tout lui donner, sans retour.

Car c'est seulement alors qu'il se sentira bien,

Ce n'est plus possible d'être seul !...

 

Et quand il n'en peut vraiment plus,

Alors le grand portail s'ouvre,

Et le magicien s'avance à sa rencontre, en lui disant :

"Eh bien, où étais-tu ? Viens,

Comme nous allons être bien maintenant,

Car, tous les deux, nous savons, comme cela fait mal,

Comme c'est triste d'être seul ! "

 

Dès cet instant, ils demeureront ensemble à jamais,

Des amis fidèles, inséparables, aimants.

Et il n'y a pas de sentiments plus élevé, plus profonds,

Et l'amour leur emplit tellement le cœur

Qu'aucun n'a le souvenir

Que c'est si triste d'être seul !...

Si quelqu'un ressent dans son cœur,

Un " tic... tic " doux, très doux,

(Ecoutez bien attentivement !),

Que l'essentiel dans la vie est la rencontre avec le magicien,

L'attachement à lui, l'union avec lui,

Qui, seuls, prodigueront le bien-être,

Mais que, pour l'instant, tout est tristesse et souffrance...

Qu'il s'adresse au groupe des aides du magicien


Dans l'attente...,

Vos : " tics...tics... "
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 05 Octobre 2013 à 17:38:35
Les 2 voleurs et l'âne


On raconte que deux larrons volèrent un âne et l'un d'eux alla le vendre. Il rencontra un homme portant un plateau plein de poissons. L'homme lui demanda :
-« Vends-tu cet âne ? »
-« Oui, répondit le larron. »
-« Tiens ce plateau de poissons, lui dit l'homme, afin que j'enfourche cet âne pour l'essayer. S'il me plaît, je te l'achète à un prix qui te fera plaisir. »
Le larron tint le plateau, l'homme enfourcha l'âne et se mit à le faire courir et à l'essayer par des allées et venues, puis petit à petit, s'éloigna du larron et prit quelque ruelle, puis passa de l'une à l'autre jusqu'à ce qu'il disparût.
Le larron, désemparé, comprit que c'était une ruse pour lui dérober l'âne. Il revint alors avec le plateau de poissons. Son compagnon lui demanda :
-« Qu'as-tu fait de l'âne ? L'as-tu vendu ? »
-« Oui, répondit-il. »
-« A quel prix ? questionna son ami. »
-« Au prix d'achat, et ce plateau en est le bénéfice. »
L'autre lui déclara alors :
-« Que de chasseurs, voulant chasser, se trouvent pris ou reviennent bredouilles. »
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 05 Octobre 2013 à 19:15:11
(http://img11.hostingpics.net/pics/776230ballon.jpg)
Le petit garçon et les ballons

Un petit noir regarde un marchand de ballons dans la rue .Ses yeux brillent .Il y a des ballons de toutes les couleurs ,rouges, bleus , blancs , noirs , jaunes ...

Le vieux monsieur qui vend les ballons voit le garçon qui hésite , puis prend son courage à deux mains et s'approche de lui .

-"Dis ,Monsieur , est-ce que les ballons noirs volent aussi haut que les autres ?"

Le vieux Monsieur a presque la larme à l'œil .Il prend le garçon dans les bras , l'installe sur un muret et lui dit :"Regarde"

Il lâche tous ses ballons qui s'envolent en grappe et montent , montent , montent dans le ciel jusqu'à disparaître tous tellement ils sont hauts .

-"Tu as vu ?"
-"Oui"

-"Est -ce que les ballons noirs sont montés aussi haut que les autres ?"

-"Oui , Monsieur"

-"Tu vois , mon garçon ,les ballons ,c'est comme les hommes .L'important ce n'est pas leur couleur , ce n'est pas l'extérieur .Non , l'important , c'est ce qu'il y a en eux .C'est ce qu'il y a en toi qui fera toute la différence dans ta vie .
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Octobre 2013 à 10:32:45
(http://img4.hostingpics.net/pics/996645champignons.jpg)
Le marchand de rêves

Paltoquin range soigneusement sa cueillette de champignons magiques entre deux couches de mousse et de terre pour les conserver le plus longtemps possible.

Ces champignons ont de très grands pouvoirs dont ceux de rendre invisible ou bien de se déplacer d'un point à un autre en une fraction de seconde.

-est ce que tu connais le marchand de rêves Paltoquin ? demande Poltron tout en se tressant des bottillons avec des brins d'herbe sèche.

-oui bien sur, pourquoi me demandes tu ça ? lui répond le lutin.

-simple curiosité... il paraît qu'il vit près d'ici .... est ce vrai ? l'interroge encore celui ci.

-je te déconseille d'aller le voir, lui répond fermement Paltoquin qui connait assez Poltron pour deviner que ses questions ne sont pas de la simple curiosité.

-que vas tu penser ? tu n'imagines tout de même pas que j'irais le voir sans t'en parler avant ? s'indigne le malicieux personnage en jetant un bref coup d'œil à son ami.

-justement oui ! je l'imagine très bien figure toi ! ça ne serait pas la première fois que tu me fausserais compagnie malgré mes mises en garde... insiste Paltoquin, je ne veux pas qu'il t'arrive malheur et ce marchand de rêves est un manipulateur.

-je te remercie de tant de compassion à mon égard cela me touche beaucoup mais je suis assez grand pour me défendre tout seul tu sais ! lui répond Poltron .

-je n'en doute pas une seule seconde mais crois en mon expérience c'est quelqu'un qu'il vaut mieux éviter, lui dit encore Paltoquin

sur ces paroles Paltoquin se lève et lui dit :

-je dois aller mettre la collecte de champignons magiques dans un lieu sûr ils sont précieux. Cela te donnera le temps de terminer le tressage de tes bottillons ajoute t- il en s'éloignant.

-c'est entendu, lui assure Poltron en continuant son ouvrage, alors à tout à l'heure !

Resté seul Poltron siffle joyeusement quand tout à coup une petite voix le fait sursauter:

-si tu le veux je peux te présenter le marchand de rêves....

Poltron se retourne pour distinguer entre deux pétales de fleurs un petit être grimaçant portant un haut chapeau pointu sur une chevelure verte qui lui tombe sur les pieds.

-qui es- tu ? lui demande Poltron.

-ton meilleur ami si tu le désires ! lui lance l'inconnu qui se dresse devant Poltron, je m'appelle Gargouillot et toi c'est Poltron si je ne me trompe ! j'ai entendu votre conversation tout à l'heure avec Paltoquin qui n'est pas un véritable ami tu peux me croire !

-tu te trompes ! Paltoquin est mon meilleur ami, l'interrompt Poltron.

-ah bon ? lui répond l'autre avec ironie alors dis moi pourquoi il tente toujours de t'empêcher de faire ce que tu as envie ?

-pour me protéger ! ajoute Poltron légèrement agacé.

Gargouillot qui sent bien que son intervention indispose le lutin se radoucit soudainement:

-oui je te comprend et c'est normal que tu ne vois pas ce qui est flagrant.... laissons cela veux tu.... après tout si tu préfères rester là et écouter les conseils et les mises en garde de quelqu'un qui est jaloux de toi et qui te cache des choses....

-de quoi parles tu ? lui demande Poltron que la curiosité emporte.

-enfin mon ami ne me dis pas que tu crois que Paltoquin va te faire profiter de ses champignons magiques ! s'esclaffe Gargouillot devant Poltron stupéfait, pourquoi crois tu qu'il soit parti seul ? mon ami ... mon pauvre ami ! lui dit encore l'autre qui lui caresse le dos, ah ..... je sais bien que c'est difficile à croire seulement que veux tu.... il te roule ! comme il l'a fait avec moi il y a très longtemps et pourtant..... ajoute t-il encore en soupirant '' il se disait mon ami et je lui faisais totalement confiance comme toi en ce moment.''

-tu connais Paltoquin ? s'étonne Poltron, il ne m'a jamais parlé de toi !

-et pour cause ! soupire encore bruyamment Gargouillot, nous étions comme les deux doigts de la main ! inséparables ! jusqu'au jour où il est parti avec notre cueillette de champignons magiques et m'a abandonné à mon triste sort ! dit-il encore en larmoyant, j'ai dû lutter seul contre une armée de gargantuas qui ont failli me dévorer tout cru et de lilliputiens qui voulaient me dépouiller de tous mes modestes biens ! si je m'en suis sorti indemne c'est grâce au marchand de rêves qui passait par là par hasard et qui m'a tiré de ce mauvais pas, lui c'est vraiment un ami quelqu'un qui aime les aventures, la découverte et surtout ! il ne m'empêche jamais de faire tout ce que je veux ! bien au contraire ! il m'y encourage avec beaucoup de vigueur ! ajoute Gargouillot en souriant, il ne tient qu'à toi de le connaître...

-mais Paltoquin doit revenir d'un instant à l'autre et je ne pense pas qu'il ait très envie de le rencontrer, lui annonce Poltron de plus en plus intéressé par la proposition de Gargouillot et bien curieux de voir à quoi ressemble ce marchand de rêves.

-si il revient ! lance l'autre avec conviction, il m'a abandonné alors pourquoi ne le ferait-il pas avec toi ? je l'ai entendu te dire qu'il allait cacher les champignons magiques mais il ne t'a pas dit où ..... quel manque de confiance en toi ! ne crois-tu pas ?

-peut être.... répond Poltron, mais dis moi que va m'apporter ce marchand de rêves ?

Alors Gargouillot prend une posture théâtrale et en levant les bras au ciel lui annonce:

-mais tout ! le marchand de rêve te donnera tout ce dont tu as toujours rêvé ! il n'a aucune limite et il a d'immenses pouvoirs, il suffit de demander ! c'est aussi simple que cela !

-ah bon ? comme ça ? c'est tout, sans rien en échange ? interroge Poltron sceptique.

-disons qu'il demande une toute petite compensation... oh rien du tout ou si peu.... que ça ne vaut même pas la peine d'en parler ! assure l'autre d'un geste évasif de la main.

-parlons en tout de même un peu, lui dit fermement Poltron, après tout pourquoi éluder la question puisque c'est si anodin, j'aimerais savoir, insiste t- il encore.

-et bien puisque tu le demandes... la plume de l'ange des prairies enchantées que détient ton ami Paltoquin et sa collecte de champignons magiques suffiront à son bonheur, tu vois qu'il demande bien peu ....

-je vois ça ! lui répond Poltron, mais puisque ton ami a autant de pouvoirs que ça pourquoi ne s'en sert-il pas pour se procurer tout ça lui même ? interroge le lutin.

-c'est juste une condition pour te mettre à l'épreuve c'est tout '' oh ! bien sûr il pourrait se servir de ses pouvoirs ! mais il ne veut pas les gaspiller pour si peu de choses ! disons que c'est un acte d'amitié qu'il attend de ta part avant de te donner lui aussi tout ce que tu lui demanderas et je dis bien tout ! sans restriction aucune ! imagine ce que sera ta vie.... tu pourras avoir tout ce dont tu as toujours rêvé et sans avoir quelqu'un qui te met toujours des bâtons dans les roues comme ce ... Paltoquin ! ajoute encore Gargouillot avec mépris.

-c'est tentant je dois bien l'avouer... lui accorde Poltron et bien c'est entendu ! alors mène moi voir ce marchand de rêve tout de suite ...

-oui mais je pense qu'il apprécierait beaucoup que tu lui apportes la plume enchantée et les champignons... juste une petite formalité bien sûr.

-tu as raison mon ami ! lui dit jovialement Poltron, attendons Paltoquin ! je lui vole la plume et je lui ordonne de nous mener aux champignons magiques ensuite nous pourrons rejoindre le marchand de rêves.

-voilà un bon raisonnement ! lui dit Gargouillot, je savais que nous étions faits pour nous entendre !

Soudain Poltron et Gargouillot sont interrompus par les rires de Paltoquin qui surgit au bout du chemin des pierres qui dansent. Il a bien du mal d'ailleurs à garder l'équilibre tant les pierres bougent dans tous les sens, ce qui l'amuse beaucoup, et c'est en riant qu'il arrive à proximité de Poltron et de Gargouillot qui a eu juste le temps de se cacher derrière un buisson.

-voilà une bonne chose de faite ! annonce t-il , les champignons sont en sécurité !

C'est alors que Poltron s'avance vers Paltoquin avec détermination et lui dit:

-je veux que tu me donnes ta plume et tout de suite ! et ensuite je veux que tu me dises où tu as caché les champignons magiques ! crois tu que je n'ai pas compris que tu voulais les garder pour toi ? lui lance méchamment le lutin.

-mais.... proteste Paltoquin qui ne comprend pas l'attitude de son ami

Poltron ne lui laisse pas le temps de terminer sa phrase et ajoute :

-il n'y a pas de ''mais'' j'ai compris où tu voulais en venir et je ne suis pas le seul ! ajoute

t-il encore en se tournant vers le talus derrière lequel Gargouillot s'est caché quelques instants plus tôt ''tu peux sortir mon ami" ! lui lance Poltron tandis qu'il ajoute encore ''allez donne moi la plume Paltoquin qu'on en finisse une bonne fois pour toute" !

Alors Paltoquin résigné tend à Poltron la plume magique que l'ange des prairies enchantées lui a offert tandis que Gargouillot sort de sa cachette :

-c'est très bien mon ami ! il ne nous reste plus qu'à trouver les champignons magiques et à nous les grandes aventures !

Mais en dépit de toute attente Poltron dirige la plume enchantée vers gargouillot qui s'étonne :

-mais que se passe t-il ? tu as perdu la tête ? c'est contre Paltoquin qu'il faut s'en servir, exige qu'il te mène aux champignons magiques ! lui ordonne le méchant bonhomme.

-je n'ai pas besoin de Paltoquin pour aller jusqu'aux champignons magiques ''mon ami'' s'exclame Poltron, je dois dire que je me suis assez bien amusé avec toi mais arrêtons la plaisanterie veux-tu et avoues.... tu es le marchand de rêves n'est ce pas ?

Paltoquin intervient à son tour :

-oui c'est lui ! bien qu'il ait changé d'apparence, ce qu'il fait constamment mais la plume magique me dit que c'est lui sans aucun doute mais comment l'as-tu deviné ? demande Paltoquin à son ami.

-juste une pincée de bon sens suffit pour mettre à jour un menteur, voleur et qui plus est un traitre. Comment faire confiance à quelqu'un qui demande de trahir un ami pour lui prouver sa loyauté ! puis en s'adressant à Gargouillot il ajoute : '' je n'ai pas besoin de marchand de rêves car tous mes rêves d'aventures se réalisent avec Paltoquin, de plus un véritable ami n'est pas celui qui vous donne toujours raison mais au contraire celui qui ose vous dire que vous avez tort même si vous n'avez pas envie de l'entendre, là est la véritable amitié.

-pourtant, ajoute Gargouillot avec ironie, ton ami ne t'a pas dit où il allait cacher les champignons magiques ! insiste encore l'autre qui ne s'avoue pas vaincu.

-Paltoquin n'a pas besoin de me dire où se trouvent les champignons, il a fait beaucoup plus que ça mais cela ne te regarde pas. Maintenant disparais de ma vue avant que je ne me serve de cette plume pour te faire disparaître à tout jamais et que je ne te croise plus jamais sur mon chemin ! lui lance encore Poltron, sinon je n'hésiterais pas une seule seconde à te transformer en crapaud gluand et nauséabond !

C'est alors que gargouillot détale à toute vitesse sans demander son reste pour disparaître dans la forêt.

Paltoquin stupéfait s'approche de son ami :

-tu as pris des risques je trouve, Gargouillot aurait pu user de son grand pouvoir magique pour te détruire ! s'inquiète après coup Paltoquin.

-non il n'y avait aucun risque, gargouillot n'a absolument aucun pouvoir c'est pourquoi il se fait passer pour un marchand de rêves pour pouvoir s'accaparer du pouvoir des autres par tous les moyens c'est là son plus grand rêve, la lutte aurait été inégale, la stupidité n'a d'égale que l'indifférence.

-tu deviens quelqu'un de très sage mon ami et je suis fier de toi ! lui dit Paltoquin puis il ajoute encore ''au fait as tu terminé de tresser tes bottillons magiques ? ''

-oui ! lui répond Poltron avec enthousiasme, regarde je les ai mis à mes pieds ! je dois avouer que tu as eu une sacrée bonne idée de cueillir des herbes sèches dans le cercle magique des fées, les herbes sont liées aux champignons et les bottillons m'y mèneront sans même que je ne sache où tu les as caché !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 08 Octobre 2013 à 13:17:06
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Un petit Nuage...

... Je me souviens d'une histoire et viens vous la conter...


Un nuage naquit par un jour de tempête. Mais il n'eut pas le temps de grandir, un vent puissant le poussant vers l'Afrique, là où s'étend le sable doré du désert du Sahara. Il perdit peu à peu de l'altitude et réussit à planer sur une brise douce.


Au cours de sa promenade, il rencontra une jeune dune récemment formée par le vent qui venait de souffler. Comme elle lui souriait, il s'arrêta un instant.

 
«-Bonjour dit-il. Comment est la Vie en bas ?

 
-J'ai la compagnie des autres dunes, du soleil, du vent et de quelques caravanes qui passent par ici répondit-elle.

Et, comment est la Vie en haut ?


-Il y a aussi le vent et le soleil, mais l'avantage est que je peux me promener dans le ciel et connaître beaucoup de choses.


-Pour moi, la Vie est courte dit la dune. Quand le vent revient, je disparais et j'ai l'impression de ne servir à rien, ce qui me rend triste.

 
-Je ressens la même chose que toi : le vent, de nouveau, me poussera vers le Sud et je me transformerai en pluie, mais c'est mon destin »...

 
La dune hésita un peu, puis déclara :

 
«-Sais-tu qu'ici, dans ce désert, nous donnons à la pluie le joli nom de « Paradis » ?

 
-Je ne savais que je pouvais devenir si important ! dit fièrement le nuage

 
-J'ai entendu une légende racontée par une très vieille dune. Elle dit qu'après la pluie, nous sommes couvertes d'herbes et de fleurs. Mais, je ne saurai jamais ce que c'est : dans le désert , il pleut si rarement ! ».

 
A son tour, le nuage hésita puis dit en souriant :


«-Si je veux, je peux te couvrir de pluie. Je viens d'arriver, voulais courir le monde, mais Je t'Aime et désire rester toujours près de Toi.

 
-Quand je t'ai vu pour la première fois, tout blanc dans le ciel, moi aussi je suis tombée amoureuse. Mais ... tu vas en mourir et je ne le veux pas !

 
-L'Amour ne meurt jamais, sache-le, il se transforme, et je veux te montrer le Paradis ».

 
Il commença à caresser la dune de petites gouttes aussi fines que du brouillard, et ils demeurèrent ensemble longtemps, jusqu'au moment où apparut un arc-en-ciel.

 
Le lendemain, la petite dune était couverte de fleurs...

 
D'autres nuages survinrent et, se croyant arrivés au terme de leur voyage, déversèrent leur précieuse cargaison.

 
Bien des années plus tard, la dune était devenue oasis et les voyageurs se rafraîchissaient sous ses arbres.

 
Tout cela parce qu'un jour,

un Nuage Amoureux n'avait pas craint de donner sa Vie par Amour ...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 09 Octobre 2013 à 12:53:30

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Le juge de Cluj ...



Ce n'est pas pour rien que le peuple aimait le roi Mathias: les Hongrois auraient eu du mal à trouver quelqu'un comme lui. Dès que Mathias apprit qu'ici ou là les seigneurs ou les percepteurs oppressaient fortement les paysans, il ne put rester tranquille dans son château de Buda. Il se déguisa et alla voir ce qui se passait réellement dans son royaume.

Un jour, on lui annonça, entre autres choses, que le juge de Cluj accablait ses pauvres habitants. Il n'en fallait pas plus au roi Mathias. Il voulait voir le juge avec ses propres yeux! Malheur au juge si les nombreuses plaintes portées contre lui étaient vraies! D'ailleurs, le roi avait envie depuis longtemps d'aller à Cluj. Mais bien sûr qu'il avait envie d'y aller puisqu'il était né dans cette ville!

Bref, en un mot comme en mille, le roi Mathias se déguisa en paysan et alla à Cluj. Il s'assit devant la boutique de boucher qui était en face de la maison du juge. Il le fit juste au  bon moment! Un grand nombre de gens étaient en train de rentrer des bûches dans la cour du juge et beaucoup d'autres les fendaient pour en faire des morceaux. A côté d'eux, des haïdouks les bousculaient:

«Apportez les bûches, fendez-les, espèces de fainéants!»

Tout à coup, un haïdouk aperçut le roi Mathias.

«Dis donc, et toi, l'apostropha le haïdouk, pourquoi ne fais-tu rien de tes dix doigts? Lève-toi! Toi, le rustre au long nez, ne traîne donc pas!»

Et pour insister, avec son bâton, il donna un coup sur le dos de cet affreux paysan au long nez. Mathias se leva, se frotta le dos, mais il ne bougea pas.

«Vas-y!!
- D'accord, d'accord, mais combien me payez-vous?
- Voilà ce que je te paie, cria le haïdouk, et  il asséna un coup encore plus fort que tout à l'heure sur le dos de Mathias. Allez, vas-y, marche devant moi!»

Mathias n'avait pas d'autre choix que de marcher devant le haïdouk.

«Rentre dans la cour du juge! Fends les bûches, toi aussi, espèce de plouc au long nez!» dit le haïdouk.

Le juge était accoudé à la galerie de sa maison. Mathias l'interpella:

«C'est vous qui êtes le juge?
- Bien sûr que c'est moi. Mais qu'est-ce que ça peut te faire?
- Cela ne me regarde pas, c'est vrai, mais je voudrais savoir combien vous me payez pour fendre le  bois?
- Voyons, espèce de gros rustre, l'injuria le juge, je vais te payer tout de suite, tu vas voir! Donne-lui des coups de bâton!» ordonna-t-il au haïdouk.

Le juge n'avait pas besoin d'insister, le haïdouk donna, pour la troisième fois, une bonne correction à Mathias.

Mathias ne dit plus rien, il fendit les bûches et les plaça dans un coin de la cour du juge. Mais alors quand personne ne le voyait, il marqua son nom avec de la craie rouge sur trois morceaux de bois. Le soir, il s'en alla sans rien dire. Le lendemain, sans se faire annoncer,  il revint à Cluj. Il ne s'était plus déguisé, mais il était en tenue royale. Il ne s'installa pas devant la boutique de boucher, mais il monta directement dans son palais. Il convoqua le juge et tous les conseillers. Il adressa ses premiers mots au juge:

«Quelles sont les nouvelles dans la ville, Monsieur le Juge?
-Rien de particulier, Majesté! Nous vivons en paix grâce à Vous. Pour vous témoigner notre reconnaissance, nous demandons le matin et le soir que vous soyez béni.
- Ah oui, d'accord! Et les paysans? Ne sont-ils pas accablés par leurs supérieurs?
- Personne n'accable les paysans, Majesté. Cela se passe très bien pour eux.
- D'accord, Monsieur le Juge. Je voudrais quand même faire un tour dans la ville pour tout dans les moindres détails. Messieurs, vous êtes priés de me suivre!»

Le roi Mathias partit accompagné du juge et des conseillers. Ils marchèrent d'une rue à l'autre, quand tout à coup, Mathias s'arrêta devant la cour du juge.

«Tiens, vous avez un grand tas de bois, Monsieur le Juge!
- Dieu est venu à mon aide, répondit le juge humblement.
- A part Dieu, personne ne vous a apporté de l'aide? Mais alors, qui a apporté jusqu'ici ce tas de bois?
- Les braves gens de la ville.
- Et combien les avez-vous payés?
- Ils l'ont fait gratuitement, par gentillesse, dit le juge.
- Mais, il me semble que j'ai entendu un autre son de cloche... Hé! Mes hommes, démontez ce tas de bois là-bas! dit le roi à ses serviteurs!»

Ils s'activèrent et démontèrent rapidement le tas de bois. Mathias attendait que les trois morceaux de bois qu'il avait marqués soient retrouvés. Quand ils apparurent, il dit au juge:

«Regardez-les, Monsieur le Juge! Est-ce que vous savez lire?
- Je sais, Majesté! balbutia le juge. Il commença à être mal à l'aise.
- Lisez ce qui est marqué sur ces trois bûches!
- Mathias... Mathias... Mathias..., bredouilla le juge.
- Bien, si c'est écrit Mathias, c'est donc moi qui l'ai marqué. C'est moi qui étais le paysan au long nez que vous avez fait frapper trois fois parce qu'il ne voulait pas apporter les bûches sans être payé.
- Ah, Majesté! Ayez pitié de moi!»

Sur ce, le juge et le haïdouk se jetèrent aux pieds du roi Mathias. Mathias dit au haïdouk:

«Lève-toi! Tu n'es qu'un serviteur, tu as fait ce que le juge t'avait demandé. Par contre, Monsieur le Juge, je vais t'infliger une punition exemplaire. Tu mériterais que je t'envoie à la potence, mais tu auras des coups de bâton, toi, l'oppresseur des pauvres!»

Les gens qui entendaient les paroles du roi, crièrent avec enthousiasme:

«Vive le roi Mathias! Vive la justice!»

... Mais avec la mort de Mathias, la justice fut également morte... les gens disent même aujourd'hui: «Mathias est mort, la justice est perdue...






Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Octobre 2013 à 13:23:01
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L'arc - en - ciel des émotions


Il était une fois une jeune fille qui n'osait jamais dire ses émotions.

A personne, et surtout, surtout pas à ceux qu'elle aimait !

Bien sûr, il n'est pas toujours facile de dire ses émotions car des fois cela déborde. Il y a alors des pleurs, des sanglots ou des rires, des fous rires, des sueurs, du chaud et du froid, bref, plein de choses qui se bousculent dans le corps. Il y a aussi les réactions de l'entourage.. qu'elle imaginait:

-Qu'est ce qu'ils vont penser de moi, qu'est ce qu'ils vont dire ?

Et puis un jour, pour oser parler de ses émotions, il faut déjà les connaître. Vous les connaissez, vous, vos émotions ?

Essayez déjà de m'en dire trois pour voir...

Bon, la question n'est pas là, puisque je raconte l'histoire de la jeune fille qui ne savait pas dire ses émotions. Un jour qu'elle rêvait éveillée dans son lit, en regardant le ciel, à imaginer les bonheurs qu'elle pourrait avoir dans sa vie, elle vit au-dessus d'elle un magnifique arc-en-ciel. Mais ce qu'il y avait d'étonnant dans cet arc-en-ciel, c'est qu'il possédait une huitième couleur, la couleur noire. C'est très rare un arc-en-ciel avec huit couleurs.

Et soudain, elle comprit. Elle comprit tout, elle sut comme cela le nom des émotions qu'elle avait en elle. Grâce aux couleurs de l'arc en ciel. Elle devina que chaque couleur représentait une ou plusieurs émotions. Chaque couleur devenait un mouvement de son coeur, une direction de ses énergies, un élan des sentiments, une vibration du ventre, ou du dos, un scintillement des yeux....

Le rouge par exemple, le rouge était la couleur de la passion, du baiser.

L'orange celle de l'abandon, de l'offrande, du don de soi.

Le jaune celle de la lumière, du jaillissement, du plaisir. Oui, se laisser emporter, confiante, faible comme un sourire de printemps.

Et le vert ? Le vert c'était la couleur du ventre, du mouvement de la vie en elle. De tout ce qu'elle sentait vrai, véritable en elle !

Le bleu, couleur de la tendresse, des caresses sans fin, de la douceur et aussi de l'espoir.

Le violet, lui, était une couleur plus inquiétante, fermée, sourde. Il y a de la violance dans le violet, de la menace. C'est important de savoir aussi reconnaître cela en soi. Violence que l'on porte, violence que l'on provoque parfois.. violence qui arrive par des chemins imprévisibles.

Le noir. Ah ! Cette couleur noire, là, présente dans l'arc-en-ciel.Couleur de la peur, du diable, du diablotin qu'il y avait parfois en elle.

Et puis la couleur blanche, couleur du désir. Du désir infini, multiple, qui renaissait en elle, parfois timide,

d'autres fois plus direct, plus osant !

Cette couleur-là est précieuse, indispensable, sans elle les autres couleurs n'existeraient pas. Le blanc est une couleur lumière, qui capte toutes les autres et leur donne plus d'existence.

A partir de ce jour-là, la jeune fille, ah! j'oublié de vous dire son nom : Yanou, sut parler de ses émotions, car il lui suffisait d'en rechercher la couleur. Elle regardait le ciel, imginait un arc-en-ciel et cherchait la couleur de l'émotion qui l'habitait.

Bien des années plus tard, elle fut très étonnée d'entendre sa fille lui dire : -Tu sais, Maman, je suis un arc-en-ciel d'émotions, je les ai toutes quand je danse. J'adore danser. La danse, c'est le chant des émotions...

Des fois j'éclate quand toutes mes couleurs, je veux dire mes émotions, se mettent à vivre ensemble.. oh ! là là . Je vais éclater un jour. !

Je ne sais pas si la fille de Yanou éclatera comme elle le craint, ce que je sais, c'est que sa mère avait fait une grande découverte en associant ses émotions aux couleurs de l'arc-en-ciel.



Jacques Salomé
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Octobre 2013 à 12:21:11
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Le printemps de Filomène

Lorsqu'elle est sortie de sa coquille, entre deux bouchées de vermisseaux, Filomène l'hirondelle s'est entendu enseigner le destin qui serait le sien.

Chaque automne, juste avant la chute des premières feuilles, elle se rassemblerait avec ses compagnes sur les fils électriques, dans toutes les villes et les villages, comme celui-ci, où elle venait de naître.

Chaque printemps, avant même qu'apparaissent les fleurs roses sur le cerisier de la pelouse de la rue des Barres, avant que l'herbe verte ne se couvre de flocons de soie rosée, elle reviendrait. Elle retrouverait l'arbre qui l'avait accueillie, elle épouserait un jeune hirondeau, se mettrait en quête de brindilles pour construire un nid, y déposerait ses œufs, les couverait, donnerait naissance à des oisillons, leur porterait à son tour des vermisseaux au moindre pépiement et repartirait avec eux dès l'automne venue, vers les pays chauds.

Il en était ainsi depuis que le monde était monde et depuis qu'il y avait des hirondelles. On ne choisissait pas son destin, on l'accomplissait. Ainsi les choses étaient elles réalistes et en tant que telles devaient lui convenir.

Parce qu'elle sentait, dans l'oisillonne Filomène, une volatile éprise de liberté, voire , elle n'osait pas y penser, dépourvue d'instinct grégaire propre à l'espèce, Pétronille, la maman de Filomène et de toute une nuée d'hirondelles depuis quelques printemps insistait, alternait menaces et séductions, appels à l'idéal et au sens de l'honneur.

- Gémir, crier, pleurer est également lâche, a dit un poète nommé Vigny,
fais énergiquement ta longue et lourde tâche
dans la voie que le sort a voulu te donner,
puis après, comme moi,
souffre et meurs sans parler !

Filomène ne trouvait pas ce discours très gai depuis son nid dans le cerisier rose aux fleurs de coton. Elle mangeait ses vermisseaux, écoutait d'une oreille distraite et regardait envieuse les pétales roses chuter, planer, et glisser dans le vent.

Filomène, hirondelle tu es, hirondelle tu demeureras. Mais tu peux être fière, nous les hirondelles apportons à l'Europe et à Paris le printemps. Lorsque nous arrivons d'Afrique, il est là. Et le printemps est la saison des amours. Sans lui, rien n'existerait plus. Il en est ainsi depuis que le monde est monde. Une hirondelle ne se pose pas de questions philosophiques.

Filomène n'était pas sujette aux interrogations métaphysiques. Depuis son nid au milieu des fleurs roses, elle observait tout, suivait la danse d'une feuille ou la marche cadencée d'un insecte et ça lui plaisait. Elle était comme ça, Filomène. Elle trouvait que c'était une responsabilité trop importante pour sa petite personne qui ne savait pas encore voler d'amener le printemps.

Vint le jour ou Filomène voleta, puis enfin vola. D'une branche à l'autre du cerisier en fleurs. D'une rive à l'autre de la Seine, Devant les tours de Notre Dame et au mépris du danger des faucons crécerelles qui y nichaient. Filomène devint amoureuse de Paris. Elle connut les moindres recoins près de la Seine et du jardin de Notre Dame, le robinier énorme du square Saint Julien le Pauvre, les fenêtres à rideaux de dentelle de l'Hôtel Esméralda, le Saule immense de l'Ile de la cité. Elle était solitaire, Filomène, elle trouvait toujours à se nourrir. Paris était généreux aux hirondelles. Partout il y avait des courettes, les chats étaient nourris et elle se trouvait à l'abri. Elle en repéra une verte et moussue où trônait un magnolia à fleurs roses. Il y avait peu d'occupants dans l'immeuble au bord de la Seine. Dans la courette voisine, il y avait un merle, Athanase. Il ne la chassa pas.

Filomène réfléchit enfin. Elle s'était établie sur une île. Elle pourrait vivre les arrivées et les retours, le vent du large et les bouteilles à la mer. Qu'avait elle besoin de parcourir avec toute un banc d'oiseaux des milliers de kilomètres au dessus des mers ? Elle décida de rester.

Elle ne se rendit pas sur le fil électrique.

Les hirondelles y étaient si nombreuses qu'aucune ne remarqua son absence.

Depuis ce temps, été comme hiver, Filomène vit dans la courette au bord de la Seine. Une fois ou deux, elle a eu des petits. Ils sont repartis.

Lorsqu'un des habitants la croise un jour de mauvais temps il grommelle, irrité, que décidément « une hirondelle ne fait pas le printemps ».

Il n'y a qu'Athanase le merle au bec jaune qui ne soit pas d'accord. Il est amoureux de Filomène, aussi, qu'il pleuve ou qu'il vente ou que le soleil soit au zénith, l'hirondelle fait son printemps.

Comme quoi, le printemps, c'est un destin personnel.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Octobre 2013 à 21:10:11
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L'homme qui soufflait des nuages

Une fois, l'hiver fut plus froid que tous les hivers auparavant.

Gorgée des pluies diluviennes des mois d'automne, la Seine coulait lourde, tantôt marron, tantôt verte. Sur le Pont Saint Louis, Saliverneau observait une nuée de goélands argentés qui rasait les vagues du fleuve de boue. Le visage dirigé vers le fleuve, il soufflait et son souffle, dans le froid se changeait en un nuage de buée. Saliverneau recommençait, encore et encore. Et ça durait. Longtemps. Les petites boules de buée s'envolaient et s'évanouissaient dans l'air sec. Intrigués et affamés, les oiseaux de mer s'approchaient de l'homme qui fabriquait les nuages.

Soudain, depuis l'une des deux tours carrées de Notre Dame, une des mouettes piqua vers lui et se posa sur le parapet

Saliverneau, si tu jettes à mes frères goélands le sandwich qui se trouve dans ta besace , ton prochain nuage se transformera en or.

Saliverneau ouvrit sa besace, en sortit le sandwich et le jeta par morceaux aux goélands. Le banc d'oiseaux volait autour de lui en criant comme au retour des bateaux, à la criée. Quand tout le pain fut jeté, Saliverneau souffla dans ses mains et recueillit un nuage de pépites d'or. Heureux, il rentra chez lui, ouvrit le frigo, but un reste de soupe et rangea son trésor dans un coffre de cuir.

Le lendemain Saliverneau revint. A nouveau il souffla et fabriqua des nuages de gouttelettes d'eau. Au moment de sortir le sandwich de la besace, il lui vint à l'idée qu'il n'avait pas fait de courses et qu'il aurait faim. Il rompit le sandwich et ne jeta que la moitié aux mouettes qui tournoyaient au dessus de sa tête. Il remit sa besace sur son dos et souffla dans ses mains. Un nuage de pépite d'or apparut. Heureux, Saliverneau le rangea dans son sac et rentra chez lui manger l'autre moitié du pain. Parvenu à sa chambre sous les toits, il ouvrit la besace. Elle contenait la moitié du sandwich et un tas de miettes de pain. Saliverneau s'en fut à son coffre : catastrophe il n'était plus empli que de poussière.

Le surlendemain il retourna sur le pont et jeta son sandwich. Les nuages de buée demeurèrent nuages.

Depuis ce jour , chaque hiver où il fait très froid, un homme , sur le pont Saint Louis jette du pain aux goélands marins et fait des nuages de buée. Les enfants le regardent et font aussi des nuages. Si vous voyez de loin une envolée de volutes de buée autour d'un homme qui fabrique des nuages, approchez vous de lui , vous le reconnaîtrez : c'est Saliverneau.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Octobre 2013 à 15:51:48
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Le bonheur


Il était une fois un homme. Cet homme n'était ni riche ni pauvre, ni grand ni petit, ni gros ni maigre, ni intelligent ni sot ! Et cet homme n'était ni heureux ni malheureux, au point où vous lui  auriez demandé : « Monsieur, êtes-vous heureux ou malheureux? » qu'il vous aurait dit :

Hmmm... bonne question !

Alors, à force de se faire demander : « Êtes-vous heureux ou malheureux? », il entreprit de chercher le bonheur : « Il a cherchééééééé. Et comme il n'a pas trouvé, il a quitté sa case et il a marché. Il a marché un jour, il a marché deux  jours, il a marché trois jours, il a marché vingt jours !... et moi, je vous fais marcher dans l'histoire !

Toujours est-il, messieurs, dames, société, qu'au bout de vingt  jours, l'homme qui n'était ni riche, ni pauvre, ni grand ni petit, ni gros ni maigre, ni intelligent ni sot, ni heureux ni malheureux, est tombé d'épuisement et s'est affaissé dans le creux d'un arbre.  Et il a fait un rêve où il a vu Grambwa en personne. Grambwa était maigre comme un fil. Et il était GRAAANND, plus grand que les arbres ! Si vrai que, lorsque vous vous perdez dans les bois, c'est maître Granbwa qui vous aide à retrouver votre chemin.

Grambwa s'était fait pousser une LOONNGUE barbe, qui faisait trois fois le tour de sa taille. Dès lors, il fredonna à l'homme :

Tu viens dans les bois

Pour cherchez le bonheur

Mais en arrivant

Voilà tu t'es perdu

Moi, Grambwa, je pourrais t'aider.

En te réveillant, tu verras

Au pied de cet arbre, un rocher,

Lequel rocher tu devras déplacer.

Sous ce rocher, tu trouveras

Un moulin,

Lequel moulin il faudra ramasser.

À ce moulin, tu demanderas,

Tout ce tu voudras et tu l'obtiendras.

Mais n'oublie pas la formule:

« À la formule, les bras croisés :

Moulin, donne-moi ceci, donne-moi cela. »

Mais faut-il bien fermer la formule en disant :

« Akikongo héha héha akikongo ! »


Alors, après avoir tant dormi, l'homme se réveilla.

Et il s'écria en se réveillant :

-Mon Dieu ! Ai-je rêvé?

Confus, il se pinça et vérifia au pied de l'arbre. Il y avait là un rocher, lequel rocher il déplaça et, en dessous du rocher, il y avait un moulin, lequel moulin il ramassa.

  À ce moment, il dit :

-Oh ! Mais ça doit être ça, le bonheur ! Youpi ! J'ai trouvé le bonheur !

Puis, il retrouva son calme.

- Un moulin ! Mais non ! Un moulin ça ne peut pas être ça le bonheur ! Ah, je vais tout de même vérifier la formule.

Alors, il s'écria :

- À la formule, les bras croisés !

Et comme il était perdu, au point où il en avait perdu le nord, eh bien son réflexe premier

A été de dire au moulin :

  -Moulin, rends-moi à ma case.

Aussitôt dit ! Aussitôt fait !

Arrivé devant sa case. Il se pinça, n'en croyant pas ses yeux.

- Je suis arrivé chez-moi ! S'exclama-il. Woy  wololoy  ! Woy  woy  wololoy  !  C'est  ça, le bonheur : perdre quelque chose pour ensuite le retrouver !

Il arrêta brusquement :

-Mais non ! Ça ne peut pas être ça, le bonheur ! J'étais chez-moi, je suis parti le chercher, me voilà encore chez-moi...

Puis il ajouta :

-Hummm ! Maintenant que j'ai un moulin magique, je vais lui demander des pièces d'or. « À la fortune, les bras croisés.  Moulin, donne-moi des pièces d'or. »

Aussitôt dit ! Aussitôt fait !

Messieurs, dames, société, ça coulait ! Il y avait de l'or... Il y avait de l'or !

Puis surgit de son esprit des envies soudaines qu'il n'eut qu'à demander au moulin en utilisant la formule magique.

Ainsi demanda-t-il une grande villa, puis un château, une douce moitié pour partager ses biens, des champs de maïs, de canne à sucre à perte de vue, des hommes forts pour y travailler et bien plus encore. Chaque demande exaucée en amenait une autre.

Heureux, vous pensez? En tout cas, il cherchait toujours.

Mais avec la richesse sont venus le pouvoir, l'avarice, l'égocentrisme et la tête du nouveau riche s'est mise à enfler. Au point où il ne payait pas ses ouvriers qui travaillaient beaucoup trop. C'est alors qu'ils se mirent à comploter contre lui.

-Pourquoi cet homme nous maltraite-t-il tant?  Allons voir d'où il tire sa fortune!

Le géant des travailleurs alla sur la pointe des pieds épier le nouveau riche.

L'homme était justement en train de se fabriquer d'autres pièces d'or.

Voyant cela, le gérant dit :

-Ah ! C'est le moulin. C'est là d'où vient toute cette fortune.

Il partit annoncer la nouvelle aux autres, C'est seulement après le départ de son gérant que

l'homme dit :

- Akikongo héha héha akikongo !

Le lendemain les travailleurs réussirent à prendre le moulin et s'embarquèrent sur un bateau pour la haute mer. Bientôt une violente tempête menaça l'embarcation entière. Toutes les vies furent épargnées, de même que quelques vivres, mais ils manquèrent de sel.

Alors le gérant dit :

Pas de problème. Capitaine. Je vais vous arranger ça en deux temps, trois mouvements !

Il prit donc le moulin, l'installa et demanda du sel.

Il eut du sel.

Il y eut du sel de la cale à la cave, de la cave à la cale.

Et le gérant disait :

-Mais arrête-toi moulin. Ça suffit Arrête.

Mais le moulin ne connaissait pas ce langage-là. Il continuait à moudre du sel, du sel, du sel, du sel !

Il y eut tant de sel que le bateau coula. Depuis ce temps, le moulin continue à moudre du sel dans le fond de la mer et c'est depuis ce temps que l'eau de mer est salée.

Si jamais un jour vous trouvez le moulin, n'oubliez pas la formule : « À la fortune, les bras croisés. Une fois la demande exaucée, n'oubliez pas la deuxième formule : Akikongo héha héha akikongo  ! »


Que ceux qui ont de l'esprit comprennent...

Que ceux qui ont du  génie saisissent...

Et que les autres cherchent LEUR définition de bonheur...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Octobre 2013 à 12:34:29
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Fillette et le langage de la forêt

Il était une fois, à la lisière des bois, une petite cabane de bois. Fillette l'habitait, et s'occupait tout à côté d'un petit potager. Tout l'été, Fillette se régalait des légumes de son jardin. Mais lorsque le froid arrivait, les récoltes se raréfiaient...

Ainsi, un jour d'automne où elle n'avait plus rien à manger, elle alla visiter son potager pour voir ce qu'il y restait. Malheureusement, on n'y voyait plus rien, plus rien qu'un chou-rave... Mais elle avait tant pris soin de lui pendant les dernières semaines, qu'il était vraiment beau, et gros, et paraissait croquant et juteux à souhait ! Alors Fillette décida de le vendre au marché. Elle mit le chou-rave dans son panier, et se dirigea d'un pas décidé vers la ville la plus proche. Elle n'avait pas avancé plus de dix minutes lorsqu'elle rencontra, sur le bord du chemin, une petite vieille toute ridée, assise sur une grosse pierre, et qui se lamentait...

« Que vous arrive-t-il, bonne vieille, demanda Fillette ?
Oh, ma petite, répondit la petite vieille toute ridée, si tu savais comme je suis fatiguée, comme j'ai froid, comme j'ai faim ! Je crois que je vais me laisser mourir au bord du chemin... »

Fillette ne pouvait pas faire grand-chose pour la petite vieille, qui paraissait si pauvrette et fragile... Alors elle détacha son bon châle de laine, qu'elle posa sur les épaules de la petite vieille, afin qu'elle ait moins froid. Et puis, elle regarda son chou-rave, dans son panier, et pensa une dernière fois à tout ce qu'elle aurait pu acheter en le vendant au marché... Et avec un dernier soupir, elle le prit et le déposa dans les mains de la petite vieille.

« Voici, ma bonne vieille, au moins vous pourrez manger ce chou-rave ce soir, il vous ragaillardira, et fera s'envoler toutes vos mauvaises pensées ! Allez vite le déguster !
-Chère petite, quelle générosité ! Pour te remercier de ce si doux cadeau, je voudrais moi aussi te donner quelque chose...
-Quelque chose ? Mais vous ne possédez rien, bonne vieille, répondit Fillette étonnée !
-Oh, je n'ai peut-être l'air de rien, mais je peux tout de même te faire un grand cadeau : à partir d'aujourd'hui, tu entendras le langage de la forêt. A partir d'aujourd'hui, tu comprendras le langage des arbres... »

Et avant que Fillette ait eu le temps d'ouvrir la bouche, la bonne vieille s'était évaporée ! Peut-être était-ce un esprit de la forêt ? Mais ce n'était pas cela qui allait remplir son panier ! Alors Fillette reprit le chemin de sa petite cabane de bois, son panier vide, ne sachant trop ce qu'elle allait bien pouvoir manger...

Mais à peine s'était-elle avancée de quelques pas, qu'elle entendit comme un murmure... « Mmmmmmmh »... Elle s'arrêta, posa son panier à terre et tendit l'oreille : « Grrrmlllblmmmrrbllll »... C'était plutôt un grommellement, en fait ! Fillette s'approcha de l'arbre d'où semblait s'échapper le bruit, colla son oreille au tronc, et entendit :

« Une pierre à mes pieds
Qui m'empêche de respirer...
Une pierre à mes pieds
Qui m'empêche de respirer... »

Fillette n'en revenait pas : elle avait compris ce que venait de dire cet arbre grognon ! Et effectivement, il y avait de quoi être de mauvaise humeur : une grosse pierre venait écraser sa plus belle racine ! Alors Fillette rassembla toutes ses forces pour pousser cet énorme caillou un peu plus loin...

Elle entendit l'arbre tout entier se mettre à respirer amplement, et lui souffler « Meeeeerciiii Fiiiiillette », tandis que ses branches s'agitaient doucement, pour faire tomber des pommes rouges dans son panier.

«Mon panier n'est plus vide à présent », s'écria Fillette tout excitée ! Et elle reprit sa route vers la cabane de bois, le cœur moins lourd. A peine avait-elle fait une dizaine de pas qu'elle entendit de nouveau comme un murmure... « Mmmmmmmh »... Elle s'arrêta, posa son panier à terre et tendit l'oreille : « Grrrmlllblmmmrrbllll »... C'était plutôt un grommellement, en fait ! Fillette s'approcha de l'arbre d'où semblait s'échapper le bruit, colla son oreille au tronc, et entendit :

« Mon tronc troué
Laisse ma sève s'écouler...
Mon tronc troué
Laisse ma sève s'écouler... »

Fillette n'en revenait pas : elle avait compris ce que venait de dire cet arbre grognon ! Et effectivement, il y avait de quoi être de mauvaise humeur : un trou sur son tronc laissait couler la sève de l'arbre ! Alors Fillette ramassa un peu de boue, la mélangea à quelques herbes séchées, et l'appliqua sur le trou, pour le boucher et empêcher la sève de couler...

Elle entendit l'arbre tout entier se mettre à respirer amplement, et lui souffler « Meeeeerciiii Fiiiiillette », tandis que ses branches s'agitaient doucement, pour faire tomber des poires jaunes dans son panier.

«Mon panier est à moitié rempli maintenant », s'écria Fillette tout excitée ! Et elle reprit sa route vers la cabane de bois, le cœur presque léger. A peine s'était-elle avancée sur le chemin qu'elle entendit de nouveau comme un murmure... « Mmmmmmmh »... Elle s'arrêta, posa son panier à terre et tendit l'oreille : « Grrrmlllblmmmrrbllll »... C'était plutôt un grommellement, en fait ! Fillette s'approcha de l'arbre d'où semblait s'échapper le bruit, colla son oreille au tronc, et entendit :

« La lumière cachée
Je ne peux respirer...
La lumière cachée
Je ne peux respirer... »

Fillette n'en revenait pas : elle avait compris ce que venait de dire cet arbre grognon ! Et effectivement, il y avait de quoi être de mauvaise humeur : un enchevêtrement de branches mortes et de feuillages secs s'était accumulé au-dessus de lui, et la lumière ne pouvait plus venir jusqu'à lui ! Alors Fillette s'appliqua à faire, un peu plus loin, un tas avec tous les branchages et les feuilles morts... Et le soleil put à nouveau inonder l'arbre de sa lumière !

Elle entendit l'arbre tout entier se mettre à respirer amplement, et lui souffler « Meeeeerciiii Fiiiiillette », tandis que ses branches s'agitaient doucement, pour faire tomber des prunes bleues dans son panier.

«Mon panier est presque plein à présent », s'écria Fillette tout excitée ! Et elle reprit sa route vers la cabane de bois, le cœur moins lourd. A peine avait-elle tourné au coin du chemin qu'elle entendit de nouveau comme un murmure... « Mmmmmmmh »... Elle s'arrêta, posa son panier à terre et tendit l'oreille : « Grrrmlllblmmmrrbllll »... C'était plutôt un grommellement, en fait ! Fillette s'approcha de l'arbre d'où semblait s'échapper le bruit, colla son oreille au tronc, et entendit :

« L'eau s'est arrêtée,
Ma gorge est desséchée...
L'eau s'est arrêtée,
Ma gorge est desséchée... »

Fillette n'en revenait pas : elle avait compris ce que venait de dire cet arbre grognon ! Et effectivement, il y avait de quoi être de mauvaise humeur : le petit ruisseau qui venait baigner ses racines avait été détourné par un éboulis de cailloux ! Alors Fillette s'appliqua à déplacer un à un tous les cailloux qui empêchaient l'eau de couler en direction de l'arbre... Et bientôt, le petit ruisseau chantait de nouveau gaiement, en baignant les racines de l'arbre assoiffé.

Elle entendit l'arbre tout entier se mettre à respirer amplement, et lui souffler « Meeeeerciiii Fiiiiillette », tandis que ses branches s'agitaient doucement, pour faire tomber des noix brunes dans son panier.

«Mon panier est débordant maintenant, s'écria Fillette tout excitée ! Décidément, que la nature est généreuse quand on sait l'écouter ! Que la nature est généreuse quand on prend le temps de s'en occuper... »

Et Fillette reprit sa route vers la cabane de bois, le cœur léger et joyeux, persuadée qu'à présent, elle ne manquerait jamais de rien, simplement parce qu'elle s'appliquerait à écouter les murmures de la forêt...

En espérant que cela vous ait plu !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Octobre 2013 à 10:39:22
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La Princesse qui apprend à sourire

Il était une fois une petite princesse qui vivait avec son père, le roi, dans un beau royaume près de la mer. La petite princesse aurait été très jolie si elle n'avait pas tout le temps eu mauvais caractère et l'air maussade. Son visage était presque toujours renfrogné et elle trouvait à redire à propos de tout.

Le matin, lorsque sa nourrice lui apportait son petit déjeuner sur un plateau doré, elle éclatait de rage quelles que fussent les bonnes choses qui étaient sur le plateau. "Remporte-le", criait-elle en tapant du pied et en repoussant le plateau. "Je ne veux pas de flocons d'avoine. Pourquoi ne m'as-tu pas apporté du froment bouilli ? Et regarde ce toast. Il n'est pas assez grillé. Je n'aime pas le plat dans lequel a été mis mon oeuf. Remporte tout et apporte-moi ce que je veux".

Toute la journée, elle disait de méchantes choses à son entourage et se plaignait de tout. Même lorsque le roi lui offrait un cadeau, elle grognait au lieu de le remercier et demandait pourquoi il ne lui avait pas apporté davantage.

Dans le même royaume vivaient quelques petits Esprits de la Nature qui aimaient beaucoup le roi. Ils voyaient combien la mauvaise attitude de la princesse le rendait triste, car il aimait sa petite fille et désirait qu'elle soit heureuse. Aussi décidèrent-ils que chaque fois que la princesse serait maussade ou désobligeante ou bien aurait une mauvaise pensée, ils sèmeraient une graine sur le versant de la colline, non loin de leur camp.

Les graines devinrent rapidement de grands arbres et la colline fut bientôt recouverte d'une forêt dense.

Un jour, la princesse se mit très en colère à propos de quelque chose et décida de sortir se promener toute seule. Elle marcha, marcha, et sans s'en rendre compte, elle se perdit au milieu de la forêt profonde de la colline. La nuit survint et la petite princesse se mit à pleurer car elle ne pouvait trouver son chemin pour sortir de la forêt. Comme elle désira, à cet instant, sa maison et toutes les choses dont elle se plaignait si souvent avant ! Elle eut faim mais ne put rien trouver à manger dans les bois, sauf quelques baies amères sur un des buissons. Finalement, étant très épuisée, elle se recroquevilla sur le sol dur et s'endormit.

Le lendemain matin, très tôt, elle fut réveillée par quelqu'un qui l'appelait par son nom. Se redressant brusquement, elle regarda autour d'elle et aperçut les gnomes. "Princesse", dit leur chef, "Nous sommes venus vous dire comment vous pouvez sortir de la forêt". La princesse battit des mains "Oh oui !", s'écria-t-elle, "Je vous prie de me dire comment je peux retrouver le chemin de ma maison car je ne me sens pas bien, ici, dans la forêt et désire retourner à la maison le plus tôt possible".

"Le temps qu'il vous faudra pour la quitter dépendra de la façon dont vous suivrez nos instructions", dit le gnome, "car il n'y a qu'un chemin pour en sortir".

"Oh, je ferai n'importe quoi" répondit la princesse.

"Bien", dit le gnome, "alors d'abord, voici où vous vous trouvez. Chaque arbre de cette forêt est un mot fâcheux que vous avez prononcé ou un acte désobligeant que vous avez commis. Ces épais fourrés sont les récriminations que vous avez faites. A présent, vous devez premièrement cesser de vous plaindre et apprécier chaque chose. Vous devez apprendre à sourire, à voir le bien en toute chose et vous sentir heureuse. Tâcher de rendre les gens heureux et leur faire des gentillesses. Toutes les fois que vous agirez ainsi, les arbres disparaîtront l'un après l'autre et ainsi vous pourrez retourner dans le royaume où se trouve votre maison".

Ce fut très difficile pour la princesse d'agir comme les Esprits de la Nature l'avaient conseillé, mais elle détestait tant la forêt qu'elle décida d'essayer. Elle cessa de se plaindre au sujet de la forêt et se mit à l'apprécier. Commençant par louer le buisson sur lequel poussaient les baies amères, elle s'étonna de voir sous ses yeux qu'à ses paroles d'éloge, les baies qui avaient été si amères devenaient grosses et de goût succulent.

Surprise et heureuse du résultat de sa première expérience, elle commença à sourire.

Elle se souvint des instructions suivant lesquelles elle devait faire quelque chose de gentil pour les autres et elle décida que puisque les nains avaient été gentils de lui dire comment trouver le chemin du retour, elle allait faire quelque chose pour eux.

Après mûre réflexion, elle décida de leur construire de jolies petites maisons où ils pourraient habiter.

Rassemblant des roches et des bouts de bois et utilisant du limon en guise de mortier, elle construisit les plus attrayantes maisons rocheuses qu'il se puisse imaginer et en tapissa l'intérieur de douces feuilles. A l'extérieur, elle fit des jardins de rocaille et y planta toutes sortes de fleurs sauvages.

La princesse était si contente de son travail de construction qu'elle n'avait pas remarqué que de nombreux jours s'étaient écoulés depuis qu'elle était arrivée dans la forêt.

Enfin, les maisons furent achevées et elles étaient si charmantes qu'elle était impatiente que les gnomes viennent et voient leurs maisons neuves.

Le lendemain matin, elle fut réveillée par les rayons lumineux que le Soleil dardait sur ses yeux et, s'asseyant rapidement, elle regarda autour d'elle. A sa grande surprise, l'épaisse forêt avait disparu et les Esprits de la Nature se tenaient devant elle en souriant, paraissant très heureux.

"Ohé, Princesse", crièrent-ils tout en saluant, "vous avez dissous la forêt. Regardez, vous pouvez voir le palais sur la colline avoisinante. Partez, car le roi vous attend".

La princesse sauta joyeusement debout et, après avoir remercié les gnomes de lui avoir enseigné combien il est plus drôle de sourire que d'être renfrogné, elle courut gaiement vers sa maison, résolue à ne plus jamais être maussade ou désagréable.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Octobre 2013 à 14:54:46
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Les trois arbres et la lune

Il était une fois, trois jeunes arbres qui poussaient au cœur de la forêt des arbres qui parlent.

Le premier s'appelait Boubakeur. C'était un saule dont les branches tombantes étaient recouvertes de feuilles ravissantes. Boubakeur était l'un des plus beaux arbres de la forêt. Pourtant, il était très triste et passait son temps à pleurer en rêvant qu'un jour il serait heureux. Boubakeur était un saule pleureur inconsolable.

Le second, Amédé, était un chêne dont les branches musclées faisaient toute sa fierté. Amédé était très fort. Pourtant, il était également très triste. Lui qui ne pouvait pas bouger du sol aurait tant aimé  parcourir le monde. Amédé était un chêne enchainé à ses propres racines.

Le troisième se nommait Dirapa. C'était un figuier très sage avec un cœur gros comme un essaim d'abeilles. Il passait son temps à partager ses figues avec Boubakeur et Amédé. Dirapa était très généreux. Pourtant, lui aussi était très triste. En effet, Dirapa était le seul arbre de la forêt des arbres qui parlent à ne pouvoir parler. Dirapa n'avait pas de bouche.

Par une belle nuit scintillante, la lune réveilla le saule pleureur en déposant de la poussière d'étoiles sur ses paupières fermées.

-Bonjour Boubakeur. C'est moi Madame la Lune. Tu peux me demander ce que tu veux.

-Bonjour Madame la Lune. Je voudrais arrêter de pleurer et être heureux, répondit le saule la larme à l'œil.

-Très bien. Je ferai de toi le plus heureux des arbres. Mais à une condition et une seule ; que tu me donnes tes magnifiques feuilles.

Boubakeur refusa de sacrifier sa beauté et la lune, déçue, disparut derrière un nuage blanc qui devint gris comme le plomb.

La nuit suivante, la lune réveilla le chêne.

-Bonjour Amédé. C'est moi Madame la Lune. Tu peux me demander ce que tu veux.

-Bonjour Madame la Lune. Je voudrais parcourir le monde, répondit Amédé s'imaginant déjà grimper sur les montagnes.

-Très bien. Je transformerai tes racines en jambes. Mais à une condition et une seule ; que tu me donnes ta force.

Amédé refusa et la lune, déçue, disparut derrière un nuage gris qui devint aussi noir que du charbon.

Très en colère, la lune convoqua immédiatement le vent et les nuages et leur dit :

-Ces arbres refusent de vivre leur rêve car ils n'ont toujours pas appris que pour recevoir, il faut savoir donner ! Je veux que vous donniez une leçon à ces arbres égoïstes !

Aussitôt, la tempête se déchaîna.

Une pluie battante se mit à tomber sur Boubakeur et noya ses feuilles et ses branches. Quant au vent, il se déchaîna sur Amédé. Il le déracina et le coucha à terre.  Dirapa ne fut pas touché par la tempête mais le désespoir de ses amis le toucha profondément. Il aurait tant voulu les aider, les consoler et leur dire à quel point il les aimait.

Quelque temps passa et, une nuit, la lune remarqua le jeune figuier.

-Bonjour Dirapa. C'est moi la Madame Lune. Tu peux me demander ce que tu veux.

En guise de réponse Dirapa tourna son regard vers ses deux amis mais la lune n'y prêta pas attention.

-Ne veux-tu donc rien ? ajouta-t-elle.

Dirapa secoua vigoureusement ses branches de gauche à droite et quelques figues tombèrent. Etonnée, la lune en ramassa une et la mangea.

-Merci beaucoup généreux figuier. Tes fruits sont délicieux.

Dirapa tourna alors, une fois encore, ses yeux tristes vers ses deux amis sous le regard compatissant de la lune.

-Tu es un arbre sage et bon. Grâce à toi je viens de comprendre qu'au-delà de donner pour recevoir on peut également donner sans rien attendre en retour.

La lune s'empressa auprès de Boubakeur qui pataugeait dans une mare de larmes. Elle y versa de la poussière d'étoiles. Si tôt fait, la mare se tarit et Boubakeur retrouva branches et feuilles.

-Veux-tu toujours trouver le bonheur Boubakeur ?

-Oui, s'il vous plaît Madame la Lune.

-Je ne sais pas si tu seras le plus heureux des arbres mais tu seras un arbre heureux.

La lune saupoudra de poussière d'étoiles le feuillage du saule pleureur. Boubakeur secoua alors énergiquement ses branches pour faire tomber ses feuilles et les donner à la lune.

-Non, non, arrête ! Je ne te demande rien en échange, lui lança-t-elle.

La lune rejoignit ensuite Amédé qui gisait au sol les racines à l'air et le recouvrit de poussière d'étoiles. Si tôt fait, le chêne sentit sa force parcourir sa sève et se releva.

-Veux-tu toujours parcourir le monde Amédé ?

-Non merci Madame la Lune. J'ai réalisé que je tiens beaucoup trop à mes racines et à mes amis. Pour rien au monde je ne voudrais les quitter.

-Tu ne veux donc rien ?

-Si. Je souhaiterais que vous donniez la parole à notre ami Dirapa.

La lune lança alors de la poussière d'étoiles sur l'écorce du figuier. Si tôt fait, l'écorce se craquela dans le sens de la largeur et une bouche se dessina et s'ouvrit.

C'est ainsi que Dirapa prononça son premier mot. Ce mot était « merci ». Un merci venant du fond du cœur qu'il adressa à ses amis pour leur amitié et la lune pour sa bonté.

Une brise se mit alors à souffler sur la forêt des arbres qui parlent. A chaque feuille frôlée, une note de musique tombait sur le sol. Une fanfare de notes se mit alors à défiler à la queue leu leu, une clé de sol en tête. Tous les arbres se donnèrent les branches et, en chœur avec les nuages et la Lune, chantèrent :

«Si tu veux donner

N'attends rien en retour

Si tu veux donner

Donne et puis c'est tout... »

(Sur l'air de 1 km à pied...).

FIN
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 16 Octobre 2013 à 15:38:27
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Flocon de neige

Il était une fois , un vieux volcan qui vivait sur une île au milieu de l'océan .Ce volcan sans nom adorait chanter , toutefois ;il faut avouer qu'il n'était pas très doué .Personne , en effet ,ne pouvait supporter les notes qu'il déclamait .C'est pour cette raison que jamais aucun arbre ,que jamais aucun oiseau et que jamais aucun animal n'avaient voulu emménager sur cette île qui ressemblait à un énorme rocher .
Pendant de longues années , le volcan resta seul ,passant son temps à chanter et à se lamenter .Un jour , alors qu'il était enroué ,il vit apparaître au milieu du ciel azur ,bien loin à l'horizon ,un minuscule point blanc qui attira son attention .

-Qu'est-ce que cela peut bien être ? S'interrogea le volcan.
-Ça ne peut pas être un nuage .Il est bien trop petit ,et bien trop blanc !s'exclama - t-il

Fixant le ciel intensément , le volcan fini enfin par voir qu'il s'agissait d'un oiseau .
C'était bien la première fois qu'il voyait pareil animal .Oh oui ,des oiseaux , il en avait vu passer ,mais jamais une telle beauté l'avait encore survolé .
Cet oiseau à l'allure magnifique était d'un blanc pur .Cependant , le volcan constata qu'une fine ligne noire se dessinait sur chacune de ses ailes ,si bien crayonnée ,qu'on aurait juré qu'on la lui avait tatoué .Mais ce qui frappa le plus le vieux volcan ,ce fut sans nul doute la mystérieuse queue de cet oiseau .Jamais auparavant ,il n'avait vu une queue aussi remarquable .En effet ,cette dernière était très fine et extrêmement allongée ,et composée  de deux grandes plumes singulières d'un blanc immaculé .

L'oiseau s'était finalement posé sur l'île rocailleuse pour récupérer .Il se désaltéra longuement d'un peu d'eau de pluie que contenait un creux de rocher .
Le volcan ,toujours fasciné ,l'observait silencieusement de peur d'effrayer son visiteur inattendu .Et ce n'est que lorsque l'oiseau commença à se toiletter qu'il décida de parler .

-Bonjour maître oiseau !Osa dire le volcan d'une voix timide et hésitante .

L'oiseau , surprit ,leva brusquement la tête ,cherchant un moment qui lui avait parler .Il se retourna et vit le vieux volcan qui le regardait .

-Oh ,pardon !Je suis tellement navré !Je vous avait pris pour un piton ,s'excusa l'oiseau .
-Moi , un piton !S'amusa le volcan .Non .Non ,je suis bien un volcan !
Confirma -t il d'un ton beaucoup moins hésitant .Mais vous , qu'êtes vous ?Ajouta -t-il ,curieux .
L'oiseau sembla surpris par la question , mais répondit poliment qu'il était un paille -en-queue .
-Un paille -en-queue !Répéta bêtement le volcan .
-Oui ,confirma calmement l'oiseau .Mais cela n'est pas mon nom ,ajouta -t-il posément .
-Vraiment ?S'intrigua le volcan .Et comment vous appelez -vous ?
-Je m'appel Flocon de neige , répondit l'oiseau .
-Flocon de neige ,répéta le volcan .Quel drôle de nom !
-C'est qu'on dit souvent que je suis pareil à la neige ,expliqua  le paille -en-queue .
-De la neige ?Demanda le volcan intrigué .Je n'ai jamais entendu parler de tel chose ici .
-Je suppose que vous n'avez pas beaucoup voyagé .
-Oh !Je suis bien trop gros et bien trop volumineux pour pouvoir me déplacer ,rougit le volcan honteux de son ignorance .
-Hum ...Comment vous l'expliquer ,hésita l'oiseau .La neige ,c'est comme de minuscules pétales de rose blanche qui descendraient du ciel pour embrasser le sol de leurs lèvres gelés .

Le volcan avait du mal à se représenter la neige .Après tout ,dans son océan ,il n'avait jamais vu cela avant .Et il lui était bien difficile de se l'imaginer .Et c'est à haute voix qu'il finit par suggérer qu'il aurait bien aimé voir à quoi elle ressemblait .

-Et vous , comment vous appelez -vous ?demanda l'oiseau au bout d'un moment .
-Je n'ai pas vraiment de nom .Tout le monde m'appel "Volcan" .répondit machinalement ce dernier toujours plongé dans ses pensées .
-Excusez-moi de vous le demander ,mais , je suis à la recherche d'un endroit agréable où je pourrais habiter .Sauriez -vous me renseigner ?
-Pourquoi ne resteriez -vous pas ici ? Proposa naïvement le volcan ,qui au fond était bien content d'avoir un peu de compagnie .
-Sur cette île rocheuse ,sans fleur ni arbre !S'exclama l'oiseau par une telle proposition .

Le volcan attristé face à une telle spontanéité ,se tut .Au fond , l'oiseau avait bien raison ,qui aurait aimé vivre sur cette île ,mise à part un vieux volcan bruyant ?Le volcan était de nouveau plongé dans ses pensées avant de toussoter .
-Etes -vous enroué ?Interrogea l'oiseau .
-Oui ,répondit le volcan . Je pense que j'ai du prendre froid à cause de la pluie ,ajouta-t-il d'un air fatigué .C'est assez ennuyeux ,car je ne peux plus chanter .
-Vous aimez chanter ?
-Oh ,oui ! J'adore cela , c'est mon passe temps préféré .Aimeriez -vous que je vous chante un couplet ?Proposa le volcan ravi d'avoir quelqu'un pour l'écouter .

l'oiseau accepta avec plaisir .Mais à peine le volcan avait -il prononcé la première note de sa chanson ,que le sol s'était mit à trembler ,les rochers à s'effondrer et le tonnerre à gronder .Le paille -en-queue effrayé par cette étrange activité s'éleva dans le ciel .Il regretta un moment d'avoir écouté le volcan chanter .
Voyant son visiteur affolé ,le volcan cessa sa chanson .Un moment plus tard , l'oiseau avait repris place sur le rocher .

-Nom d'une charrette ,quelle était cette chose infâme !S'exclama l'oiseau encore décontenancé .

Le volcan , attristé se mit à pleurer .Des larmes chaudes rougeâtres coulaient à présent de ses yeux .

-Je suis vraiment désolé ,renifla le volcan .Mais vous savez , à chaque fois que je me mets à chanter , tous mes visiteurs disparaissent et ne reviennent jamais .Pourquoi donc êtes -vous resté ?
-Hé bien ...Vous savez ,répondit le paille -en-queue un peu gêné ,je suis plutôt bien élevé ,alors , je ne pouvais m'en aller sans prendre congé .

Le volcan sécha ses larmes .Jamais auparavant quelqu'un n'avait fait preuve de tant d'attention à son égard .
Et c'est en voyant le soleil se coucher ,qu'il proposa à l'oiseau de l'héberger au moins pour la soirée .
Flocon de neige , qui était bien fatigué ,accepta volontiers .Et les deux nouveaux amis passèrent la nuit à discuter de leur vie de solitude pour l'un et de voyage pour l'autre .
Le lendemain ,alors que paille -en-queue dégustait  son petit déjeuner .Il fit part de son étonnement au volcan .

-Tu sais , je te trouve bien gentil pour un volcan .Je suis sûr que cette île serait  très appréciée ,si tu arrêtais de chanter .
-Arrêter de chanter ?S'étonna le volcan .Je n'y avait jamais songé .
-Je dois bien connaître un ou deux arbres qui seraient ravis de vivre ici ,ou encore quelques oiseaux qui seraient heureux de pouvoir y faire un nid ,assura l'oiseau .Mais ,seulement si tu promet de ne plus jamais chanter .

Le volcan était bien sceptique devant une telle affirmation .Il réfléchit un moment :certes ,il aurait bien aimé ne plus être seul sur cette grande île rocheuse :mais en même temps ,il adorait chanter .Pourtant , ces dernières semaines ,sa gorge lui avait fait atrocement souffrir .Il était souvent enroué et il lui était de plus en plus difficile de chanter .Alors , ce n'est pas sans quelques larmes déferlants sur les flans de ses joues qu'il prit sa décision et promit de ne plus jamais chanter ,si l'oiseau arrivait à peupler l'île .
Et c'est sur cette promesse que l'oiseau déploya ses ailes disparaissant bientôt à l'horizon .Plusieurs semaines passèrent ;le volcan tint promesse .Cela faisait plusieurs mois qu'il n'avait pas chanté .Jour après jour ,il attendit le retour de son ami ,scrutant le ciel à la recherche d'un minuscule point blanc .Un jour alors qu'il fixait le ciel ,une vision étrange lui fit regarder à ses pieds .Il n'avait même pas remarqué que de la végétation avait poussée .
Plus tard , on ne sait plus trop quand ,et on ne sait pas trop comment ,plusieurs animaux s'étaient installés.
le volcan était heureux de voir enfin  son île habitée ,bien qu'au fond de lui ,il ne pouvait s'empêcher d'espérer le retour de son ami paille -en-queue .
Et puis un jour ,alors qu'il était occupé à regarder le ciel azuré ,une voix l'interpella .

-Hé bien mon ami ,te voilà bien plongé dans tes pensées ?Constata Flocon de neige .

En apercevant son ami ,le volcan ne put cacher son émotion :il avait tant attendu ,et finalement son ami avait tenu parole !Il était si ému qu'il ne pouvait plus prononcer un seul son .C'est alors que sans attendre le moindre mot ,sans attendre le moindre geste du volcan ,l'oiseau s'envola ,couvrant le volcan d'un mince manteau de neige .

-Un volcan qui ne chante pas , ce n'est plus vraiment un vrai volcan ,dit-il après un certain moment .Alors à partir de maintenant , je t'appellerai Piton des neiges .Et pour te distinguer des autres monts ,je t'offre ce manteau tout blanc .

C'est ainsi que ce volcan sans nom fut baptisé Piton .
On raconte aujourd'hui encore ,que lorsque le Piton des neiges sort son manteau blanc ,c'est assurément parce qu'il reçoit un Flocon de neige tout blanc .
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Octobre 2013 à 15:31:42
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Le Lézard et le maïs

Il était une fois un homme très avare. On l'appelait " l'Avaricieux ". Il possédait dans son jardin toutes sortes de plantes, mais surtout le maïs. Il le faisait garder nuit et jour par des myriades de frelons et autres serpents venimeux. Personne d'autre ne possédait le maïs. Parfois, après s'être fait supplier, flatter, il donnait un peu. Un tout petit peu. Mais il était malin ! Les grains de maïs qu'il donnait étaient déjà grillés, les jeunes pousses pelées ou privées de leurs racines. Si bien que rien de ce qu'on réussissait à obtenir de l'Avaricieux ne poussait une fois planté ou semé dans les jardins.
En ce temps-là, Shabon le Lézard avait une petite bouche, des doigts et des orteils semblables aux nôtres. Il décida un jour d'aller voler du maïs à l'Avaricieux.
-Ce n'est pas dans son jardin qu'il faut aller lui voler le maïs, c'est trop bien gardé... J'irai au cœur même de son domaine, dans sa maison.
Et voilà Shabon arrivant chez l'Avaricieux. Sa femme triait justement le maïs. Tout doux tout miel, le Lézard s'annonça et proposa de l'aider.
La femme de l'Avaricieux se montra d'abord méfiante... Mais elle n'était pas très vaillante à la tâche.
-Ma foi, finit-elle par dire, si tu m'aides réellement, pourquoi pas ? Mais attention ! Ne t'avise pas de me voler un seul grain !
-Moi ? Voler ? répondit Shabon, je suis juste venu pour bavarder et te donner un coup de main.
Et il commença à trier le maïs, sous l'œil soupçonneux de son hôtesse.

Mais ce qui devait arriver arriva : la femme de l'Avaricieux eut soudain une envie pressante, très pressante... Elle compta, un par un, les grains du tas déjà égrené, puis ceux qui restaient sur l'épi de Shabon, tous...
-Et ne t'avise pas, sacripant, de m'en voler un seul ! dit-elle avant de sortir faire ses besoins.
Dès qu'il fut seul, Shabon le Lézard attrapa un grain de maïs et le fourra dans sa bouche, tout au fond, caché derrière la dernière dent... et il se remit consciencieusement à l'ouvrage.
La femme de l'Avaricieux revint. Elle compta un à un les grains de maïs, ceux du tas égrené, puis ceux qui restaient à trier. Il en manquait un ! La colère montait. Elle compta et recompta. Plus de doute possible ! Elle laissa éclater sa fureur :
-Il manque un grain de maïs, tu nous l'as volé !
Elle saisit Shabon et lui fit ouvrir les doigts et les orteils. Rien. De rage, elle lui ouvrit la bouche si fort qu'elle la déchira quasiment jusqu'aux oreilles. Mais le grain de maïs était bien caché, tout au fond, derrière la dernière dent. La femme de l'Avaricieux ne le vit pas.
Et quand l'Avaricieux revint de son jardin, ce fut le même spectacle. Il chercha encore et encore. Il lui ouvrit les mains et pour mieux regarder entre les doigts les lui écarta si brutalement qu'il les déchira jusqu'aux poignets. Il fit de même avec les orteils qu'il lui écarta jusqu'aux talons.
Mais le grain de maïs restait introuvable.
-Peut-être qu'il a roulé sous quelque chose, suggéra le pauvre Shabon, le maïs toujours caché derrière la dent.
Sans attendre, l'Avaricieux et sa femme se mirent à quatre pattes pour chercher. C'est alors que Shabon bondit hors de la maison et déguerpit sans demander son reste. Une fois hors d'atteinte, le Lézard planta le grain de maïs au milieu de son jardin. Il le soigna comme si c'était son fils, et le grain germa...
Et depuis cet exploit courageux de Shabon le Lézard, nous avons le maïs... Et pour que nul n'oublie son exploit courageux, les Lézards ont toujours la bouche fendue jusqu'aux oreilles et des doigts immenses et frêles déchirés jusqu'aux poignets et aux talons.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Octobre 2013 à 17:00:54
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L'eau de la terre

Une grenouille vivait au bord d'un trou rempli d'eau, près d'un ruisseau. C'était une petite grenouille verte, discrète, ordinaire. Elle avait envie de devenir extraordinaire et réfléchissait au moyen de se faire remarquer. À force d'y penser, elle eut une idée. Elle se mit à boire l'eau de son trou, à boire, à boire..., et elle la but jusqu'à la dernière goutte ! Et elle commença à grossir. Ensuite elle se mit à boire l'eau du ruisseau, à boire, à boire..., et elle la but jusqu'à la dernière goutte ! Et elle grossissait de plus en plus. En suivant le lit du ruisseau, elle arriva à la rivière, et elle se mit à boire l'eau de la rivière, à boire, à boire..., et elle la but jusqu'à la dernière goutte ! Et comme la rivière se jetait dans le fleuve, elle alla près du fleuve, et elle se mit à boire l'eau du fleuve, à boire, à boire..., et elle la but jusqu'à la dernière goutte !
Et la grenouille gonflait, gonflait !
.
Comme le fleuve se jetait dans la mer, la grenouille alla jusqu'au bord de la mer, et elle se mit à boire l'eau de la mer, à boire, à boire..., et elle la but jusqu'à la dernière goutte qui était la dernière goutte d'eau de toute la terre. Son ventre, ses pattes, sa tête étaient gorgés d'eau, et même ses yeux, qui devinrent tout globuleux. La petite grenouille était maintenant extraordinaire, gigantesque ; sa tête touchait le ciel !
Les plantes avaient soif, les animaux avaient soif, et les hommes aussi avaient terriblement soif. Alors tous se réunirent pour chercher un moyen de récupérer l'eau de la terre.

«Il faut qu'elle ouvre sa large bouche afin que l'eau rejaillisse sur la terre.
– Si on la fait rire, dit quelqu'un, elle ouvrira la bouche, et l'eau débordera.
– Bonne idée » dirent les autres.
Ils préparèrent alors une grande fête, et les animaux les plus drôles vinrent du monde entier. Les hommes firent les clowns, racontèrent des histoires drôles. En les regardant, les animaux oublièrent qu'ils avaient soif, les enfants aussi. Mais la grenouille ne riait pas, ne souriait même pas. Elle restait impassible, immobile. Les singes firent des acrobaties, des grimaces, dansèrent, firent les pitres. Mais la grenouille ne bougeait pas, ne riait pas, ne faisait même pas l'esquisse d'un sourire.
Tous étaient épuisés, assoiffés, quand arriva une petite créature insignifiante, un petit ver de terre, qui s'approcha de la grenouille. Il se mit à se tortiller, à onduler. La grenouille le regarda étonnée. Le petit ver se démena autant qu'il put. Il fit une minuscule grimace, et... la grenouille éclata de rire, un rire énorme qui fit trembler tout son corps ! Elle ne pouvait plus s'arrêter de rire, et les eaux débordèrent de sa bouche grande ouverte. L'eau se répandit sur toute la terre, et la grenouille rapetissa, rapetissa.

La vie put recommencer, et la grenouille reprit sa taille de grenouille ordinaire. Elle garda juste ses gros yeux globuleux, en souvenir de cette aventure.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Octobre 2013 à 11:36:47
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La petite danseuse


Il était une fois une jolie petite fille handicapée, qui rêvait d'être danseuse.

Hélas ! Elle ne pouvait pas marcher et ne se déplaçait qu'à l'aide de son fauteuil roulant.

Sa maman lui avait expliqué pourquoi elle était différente des autres enfants:

"Ma chérie, il y a de cela sept ans, peu de temps avant ta naissance, tu as été très malade dans mon ventre. Tu sais, la science n'est pas toute puissante et c'est comme ça malheureusement ! Mais tu es un cadeau du ciel et je t'aime par-dessus tout, ma chère enfant !"

Tous les soirs, la petite admirait les astres à travers son télescope et se prenait à rêver. Dans son esprit, elle répétait inlassablement de gracieux entrechats en sautillant sur vénus et dessinait de magnifiques arabesques avec ses bras en caressant la lune. Son sourire devenait alors si radieux qu'on l'aurait appelée "étoile".

Avant qu'elle ne s'endorme, sa maman venait la border dans son lit, et, chaque fois, lui disait doucement :

"Nous avons tous un rêve qui brille dans notre tête, mais le plus important, ce n'est pas qu'il se réalise, tu entends ; le plus important, c'est de ne laisser personne te le voler..."

Puis elle l'embrassait tendrement sur le front.

Une nuit, la lune était si ronde dans le ciel que l'on avait qu'à tendre le cou pour mieux la contempler. Elle avait revêtu sa plus jolie robe de lumière et semblait se tenir prête pour danser.

La petite, cette nuit-là, fit un étrange rêve...

Elle devait se rendre au bal sur la lune mais ne savait pas comment faire pour y aller. Elle demanda alors à une colombe, qui se trouvait près d'elle, de bien vouloir l'accompagner.

"Monte sur mon dos, lui dit l'oiseau, accroche-toi et tiens toi bien droite, tout ira bien !"

La fillette s'installa confortablement, puis elles s'envolèrent.

C'était haut et elle avait un peu peur, mais elle était ravie. Elles étaient presque arrivées lorsqu'un énorme corbeau leur barra la route céleste de ses longues ailes noires et leur dit, menaçant :

"Croa, halte-là ! On ne passe pas, c'est une soirée privée ! Croa, sortez vos cartons d'invitation, immédiatement !"

Bien sûr, elles n'en avaient pas, mais la petite fille lui répondit sèchement :

"Je suis la danseuse étoile de dame Lune, elle m'attend, et si je suis en retard, elle te renverra sur-le-champ !"

Le corbeau eut un moment d'hésitation et, finalement, les laissa passer tout en s'excusant. La petite s'étonna elle-même de son audace et les deux voyageuses se mirent à pouffer de rire.

Puis elles arrivèrent enfin. Il y avait là une foule d'invités : Pierrot, Claire de Lune, des poissons-lunes et plein de bonnes choses à manger. Tout le monde dansa jusqu'au matin. Quelle fête !

Lorsque sa maman vint la réveiller pour l'aider à se lever, la petite fille était encore tout émerveillée. Dans un grand sourire , elle lui dit :

"Je serai astronome ! Merci, maman..."
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Octobre 2013 à 11:38:21
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L'aurore boréal

Quand a lieu une aurore boréale, des rayons lumineux dansent dans le ciel du pôle Nord. On dirait que des êtres fantastiques jonglent avec des boules de feu.

Un chasseur inuit s'était marié avec la plus belle femme du pays. Elle avait une longue chevelure d'un noir profond ; ses yeux rieurs éclairaient son visage aux traits fins et réguliers. Elle était jalousée par toutes les autres femmes du village, qui rêvaient d'être aussi séduisantes.
Cependant, peu d'hommes enviaient le chasseur, car, malheureusement, après plusieurs années de mariage , le couple n'avait toujours pas d'enfants. Que leur vie devait être monotone !

Un soir, alors que le chasseur rentrait chez lui, il s'allongea dans la neige pour regarder la nuit tomber et les étoiles scintiller. Tout à coup, il assista à un spectacle époustouflant : dans le ciel assombri, des faisceaux lumineux flamboyaient et dessinaient des formes mystérieuses. Certaines fois, une boule de feu semblait rebondir d'un bout à l'autre du ciel. On aurait dit qu'il suffisait de lever le bras pour la toucher. Stupéfait, l'homme se demanda si ce phénomène enchanteur était un bon présage.

Lorsqu'il retrouva sa femme, ce soir-là, elle avait un air radieux. Elle lui annonça qu'elle était enceinte et que leur désir le plus cher allait enfin devenir réalité. Fou de joie, le chasseur pensa que ces étranges lueurs lui avaient porté bonheur. Il raconta à sa femme ce qu'il avait vu dans le ciel, mais elle ne crut pas un instant ce qu'il lui dit. Il s'était sans doute endormi, et tout cela n'était qu'un rêve !

Quelques mois plus tard, lorsque leur fils naquit, ils l'appelèrent Atsaniq.

Après plusieurs années, l'enfant devint un adolescent vigoureux, chassant le phoque presque aussi bien que son père.
Un jour, alors que tous deux étaient partis en kayak, le père fut victime d'un tragique accident. Ils étaient au large,loin des côtes, lorsqu'une tempête se leva. Ils tentèrent de regagner la banquise, mais le kayak du père chavira et le pauvre homme fut englouti sans que son fils puisse rien faire pour lui venir en aide. Atsaniq parvint à rentrer chez lui, assailli de remords, se reprochant de n'avoir pas pu sauver son père.

Lorsqu'il annonça cette terrible nouvelle à sa mère, celle-ci fut inconsolable. Elle passa des journées entières à pleurer son mari. N'ayant plus le désir de vivre, elle se laissa mourir petit à petit.
C'est ainsi qu'Atsaniq devint orphelin. Livré à lui-même, il était cependant un habile chasseur; il subvenait à ses besoins sans l'aide de quiconque. ses parents lui manquaient affreusement. Le soir, seul dans le grand igloo, il n'avait personne à qui se confier, et cette solitude l'attristait.

Par une magnifique soirée d'été, il sortit de l'igloo et s'allongea sur le sol pour observer les étoiles, tout comme l'avait fait son père quelques années auparavant. Soudain, à sa grande surprise, des faisceaux lumineux s'élevèrent dans le ciel, semblables à de longues chevelures dansant au gré du vent.
De temps à autre, une boule de feu bondissait de part et d'autre du ciel. Atsaniq se souvint des paroles de son père : un même événement s'était produit peu avant sa naissance. A présent, lui aussi voyait d'étranges créatures qui s'amusaient follement dans le ciel étoilé. Il se sentit appelé et irrésistiblement attiré. Il bondit dans les airs à plusieurs reprises, tout en levant les bras pour toucher les lumières.

Son désir était tellement fort qu'il se mit alors à monter, monter, jusqu'à rejoindre les cieux pour de bon. Alors, il se transforma à son tour en rayon lumineux et se mit à jouer avec les boules de feu.
Depuis ce jour, atsaniq signifie "aurore boréale " dans le langage des Inuits. Quand les hommes ont la chance de contempler ce merveilleux spectacle, ils pensent à ce petit orphelin qui est heureux là-haut pour l'éternité.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Octobre 2013 à 08:19:53
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LE PROCÈS D'UNE CHENILLE

Il y a de ceci bien longtemps. Plus de mille ans. On devait être en juin. En plein champ, à trois lieues de la plus proche maison, au pays des insectes et des fleurs. Un après-midi.

Il faisait soleil tout le long du ruisseau, car un ruisseau passait par là. Sur les deux rives, des criquets cachés dans le trèfle s'injuriaient à pleine tête, comme des gamins qui se disent des noms.

Pas de travaillants autour avec leurs chevaux et leurs pelles. Personne. La terre inventait la moisson, toute seule, dans la paix, comme elle le fait toujours en juin. Sur l'eau tiède du ruisseau, deux patineuses se promenaient d'avant et à reculons; leurs ailes faisaient comme des coiffes blanches au soleil. On aurait dit deux religieuses qui marchaient dans la cours du couvent. Il devait être quatre heures de l'après-midi, l'heure des visites ou de la récréation.

Les deux patineuses au milieu du ruisseau, loin des oreilles tendues pour tout savoir, bavardaient chacune leur tour, penchant la tête de côté, sans tourner le visage, comme font les soeurs.

La plus vieille disait à sa compagne :

"-Tu sais ce que j'ai appris en passant chez les bleuets tout à l'heure?

-Non, fit la plus jeune.

-Eh bien, c'est demain que le procès commence!

-Le procès de la chenille? Alors, on y va. Mais qui te l'a dit?

-Un hanneton. Je filais par ici tout à l'heure, reprit l'aînée, et un hanneton m'a crié en passant : Demain matin, après la rosée, le procès commencera. Soyez-y! Rendez-vous au kiosque, cinquième piquet, où se donnent habituellement les concerts d'été. Dites-le à votre famille, tout le canton y sera!"

En effet, le matin-même, on avait surpris sur le petites heures, une chenille verte, saoule de miel, dans la corolle d'un lys blanc.

Une araignée, qui tissait juste au-dessous, l'avait aperçue et avait donné l'alerte. Aussitôt, deux abeilles policières, guidées pas les petits fanaux des mouches à feu, étaient accourues pour arrêter la voleuse de miel.

Pauvre voleuse ! On l'avait roulée au cachot, dans une galerie souterraine, chez les fourmis, entre deux haies d'insectes qui hurlaient leur colère au passage.

L'araignée était si indignée du scandale, paraît-il, qu'elle offrit gratuitement son fil pour lier la coupable. Elle la lia si bien que la chenille avait disparue sous les câbles, recouverte comme une momie.

Un gros barbeau, le juge de la place, avait fixé le procès au lendemain, après la rosée, dans le kiosque d'un piquet. Plusieurs places étaient déjà retenues. Tout le monde en parlait.

Tout à l'heure, les criquets ne s'injuriaient pas, ils discutaient la chose, comme des commères, chacune de leur fenêtre.

À bonne heure, le lendemain, tout un peuple d'insectes attendait sur le terrain : des criquets du voisinage avec des petits manteaux noirs, luisants comme de l'écaille; des faux bourdons en vestes jaunes; plusieurs araignées assises sur leur ventre et qui roulaient nerveusement leur peloton de fil; plus en arrière, des fourmis qui élevaient des petits murs de sable, où elle grimperaient tout à l'heure pour mieux voir; et des cigales qui plaçaient tout ces gens en faisant beaucoup de bruit avec leur sifflet.

Enfin, le barbeau-juge entra, solennel. La salle se leva en silence. Suivi de plusieurs barbeaux plus jeunes, le juge s'installa sur une feuille d'érable qu'on avait étendue au milieu.

La Cour était ouverte. Les deux abeilles policières, sur un signal, amenèrent l'inculpée sur leurs épaules et brutalement la culbutèrent sur le tapis. Elle roula inerte, sans se plaindre. Il y eut un frisson dans l'auditoire.
On dût sortir deux jeunes éphémères qui avaient perdu connaissance.

Alors, l'avocat des fleurs, une guêpe savante, débita avec chaleur l'acte d'accusation, toute la marche du drame : comment la chenille s'était faufilée dans le lys, son entrée avec effraction dans la chambre à miel, sa saoularde et sa souffrance, l'agonie, puis la mort du beau lys blanc.

Voilà qui était bien dit. L'avocat fut interrompu plusieurs fois par des applaudissements, des réflexions et même des huées.

Le barbeau-juge demanda le silence parfait pendant que le jury réfléchissait. Il réfléchit, et par la bouche du plus vieux, une puce qui se grattait toujours, déclara ceci : "Nous avons trouvé la chenille coupable!".

De toutes les loges d'insectes sortit un grand brouhaha. Quelques-uns étaient pour, d'autres contre.

Enfin, le juge se leva et dit : "-La chenille est coupable. Mais devant des opinions si partagées, nous ne pouvons la condamner à mort.

Plusieurs crièrent : "L'exil ! L'exil !". Ce qui fut décidé. Aussitôt, quatre hannetons cassèrent des brins de foin, les plièrent pour faire un radeau, qu'ils traînèrent jusqu'au ruisseau. La foule entière se rua à leur suite. Les maringouins, les mouches, les pucerons, tous, pêle-mêle, étaient sur la grève. Les guêpes applaudissaient. Les abeilles avaient toute les misères du monde à retenir les bourdons qui voulaient assommer la chenille cachée dans son cocon.

Les criquets faisaient de la cabale, essayaient de soulever les discussions, et plusieurs fourmis retournèrent à l'ouvrage, la tête basse, trop émues pour assister à l'embarquement.

Les grandes libellules aux fragiles ailes étaient déjà parties en vitesse pour annoncer la nouvelle dans leur marécage.

De force, la prisonnière fut déposée au milieu du radeau. Beaucoup la croyait morte, parce qu'elle était immobile. La méchante araignée s'avança et, avec beaucoup d'orgueil et de malice, ligota son ennemie au plancher du radeau. Enfin, trois insectes patineurs, sur l'ordre du juge, sautèrent sur l'eau et à grands coups de patins, poussèrent le petit navire jusqu'au courant. Et le petite navire descendit doucement vers l'exil, ballotté par les vagues qui faisaient des petites glissoires.

Les deux rives étaient noires d'insectes. Un grand nombre pleurait, d'autres se réjouissaient.

Soudain ! Ah... non. C'est difficile à dire, et incroyable, la chose que l'on vit. "Regardez, regardez !" Cria de toute sa force un maringouin. Et dans la stupéfaction et presque la terreur, on vit une chose extraordinaire : le
cocon s'agiter follement, se percer, se fendre, s'ouvrir, et deux grandes ailes jaunes se déplier au soleil, s'étirer, apparaître tachetées de points noirs; des ailes cendrées de poudre d'or avec des dessins dessus, des ailes magiques, brillantes, qui battaient l'air, laissant le radeau continuer seul, passer triomphantes, majestueuses, dans l'avant-midi, au-dessus du peuple consterné qui baisait le rivage.

Le premier papillon était né. Et son premier vol se continuait par-delà les fraises, rouges d'épouvante.

Cette histoire est finie. La leçon fut grande chez les insectes qui avaient jugé la chenille trop sévèrement parce qu'elle était laide et sans défense. Même, on sût plus tard que l'araignée qui avait bâti son cocon s'était tuée..

Si on accuse le papillon d'être volage, c'est qu'il ne croit en personne. Il connaît la fragilité et l'inconstance des amitiés.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Octobre 2013 à 15:13:31
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L'obole de l'écureuil

N'avez-vous jamais remarqué lors d'une promenade en forêt un bruit significatif comme un grignotement produit par des  griffes sur les troncs des arbres? N'avez-vous jamais levé alors la tête à vous rompre le cou et découvert à plus de trente mètres, un petit animal pas plus grand que votre poche qui sautille, bondit et jaillit parmi les branches? Ne vous êtes vous pas demandé de quoi était faite son existence?
Lorsque les premiers signes de la fin de l'été s'annoncent; lorsque le soleil monte moins haut dans le ciel, que ses rayons ne réchauffent plus aussi ardemment la résine dégoulinant du tronc des épicéas, lorsque les nuits s'étirent tard dans la matinée, que les premières gelées blanchissent et engourdissent les brins d'herbe, que la forêt se tapisse de champignons de toutes les formes, lorsque les feuilles s'enluminent de mille couleurs allant du rouge écarlate à toutes les nuances de brun, châtain, havane, bistré en passant par les jaunes ambrés, mordorés, cuivrés, ocres. En un mot, quand l'automne s'installe, prend ses quartiers, annonçant la lente inclinaison vers une dégénérescence totale et complète, un aller simple vers le crépuscule des saisons.
Chacun se prépare à affronter un rude hiver, car l'hiver est toujours rigoureux tant que l'on ne l'a pas traversé, alors on se dit, à la mi-février, encore un de passé, ce n'était pas si terrible, on s'en est bien sorti.
Les hommes coupent du bois en petites bûches, leurs cheminées se remettent à fumer. Cerfs et chevreuils, les seigneurs de la forêt, épaississent leur pelages. Tous les insectes s'endorment. L'écureuil, lui, déploie toute son énergie à remplir son grenier. Il bondit de branches en branches, à la recherche de pignes, de noisettes et toutes sortes de graines riches en lipides.
Il existe une pépinière coincée au fin fond d'un vallon, une sorte de combe d'où partent les versants menant aux crêtes. Peut-être y êtes-vous déjà promené dans la lumière dorée d'une fin d'après midi d'Octobre. Vos souvenirs remontent du fin fond de votre mémoire. Oui, bien sûr, comment aviez-vous pu oublier un tel déchaînement? Une agression en règle, une offensive incontestable. Comment est-ce possible? A peine entré dans ce petit bois où se mêlent pins, sapins et épicéas, vous êtes la cible d'un jet constant de pommes de pins, parfois de petites branches, plus rarement des billes de terre ou encore des petits cailloux. Intrigué, puis irrité, enfin agacé, vous essayer de comprendre d'où provient cette agression peu commune. L'homme étant un loup pour l'homme, vous pensez naturellement à une mauvaise plaisanterie d'un groupe de gamins facétieux dont l'éducation vous semble totalement à refaire. Vous vous apprêtez à leur manifester vos quatre vérités quand vous vous apercevez que vous êtes tout seul dans ce bois, un silence de fonds marins pèse sur la voûte sylvestre, on entendrait le bourdonnement d'insectes. Justement, il n'y a aucun vrombissement. Vous êtes juste là, ridicule. Car enfin, qui peut bien être à l'origine de cette salve de projectiles? Qui peut vous en vouloir de la sorte? Et pourquoi? Vous essayer de vous rappeler vos mauvaises actions de la journée, vous culpabiliser jusqu'à ce que les tirs reprennent de plus belle. Alors vous explosez en lâchant un juron dont vous saisissez immédiatement l'inutile portée. Vous trépignez, vous pestez, vous enragez tout en vous mettant à l'abri d'un gros tronc. Peine perdue, la pluie de projectiles continue autour de vous, sans vous atteindre cette fois. Reprenant vos esprit et votre humeur qui s'était, il faut bien l'avouer, éparpillée quelque peu, libéré d'une colère justifiée mais inefficace, comme tout emportement en général, vous commencez à raisonner, ce qui, de vous à moi, est bien la meilleure chose à faire. Levant le nez, vous pensez avoir deviné une agitation à la cime du sapin en face de vous. Lorsque vos yeux arrivent à cerner les mouvements du dérisoire petit rongeur au poil roux, un soulagement s'empare de votre esprit surchauffé, accompagné d'un sourire intérieur désamorçant ce sentiment du grotesque de la situation. La surprise fait place à l'irritation, cependant qu'elle soit d'origine humaine ou animale, cette brutalité est intolérable et parfaitement injustifiée.
En êtes vous si sûr? Invité chez une de vos connaissance, chez des amis, même convié dans votre propre famille, vous n'imaginez pas débarquer comme ça, les mains vides et le cœur sec. Le bouquet de fleurs, la bouteille de bon vin ou encore le célèbre « j'ai apporté le dessert » ne sont que la preuve éclatante que vous avez pensé à vos hôtes, que vous y avez consacré sinon du temps, du moins une pensée.
Lorsque vous êtes entré dans ce bois, vous avez pénétré dans la maison de ce gentil petit animal sans défense qui, une minute avant vaquait à ces occupations quotidiennes. Vous l'avez dérangé dans son ouvrage. Vous êtes entré chez lui sans prévenir, ni même apporter un quelconque présent. Quelle mauvaise éducation! Vous tonnez contre ses manières belliqueuses mais êtes vous sûr de faire preuve d'un civisme rigoureux, d'une urbanité sans faille? Le doute s'insinue. Vu sous cet angle inattendu vous devenez un freluquet inconvenant et d'une impolitesse à rougir. Vous vous sentez brusquement comme un cheveu dans la soupe, comme un éléphant déambulant grossièrement au milieu de fines porcelaines. Vous sortez en courant de ce bois en vous protégeant des tirs soutenus et plus jamais vous n'entrerez dans la forêt sans déposer au pied du grand sapin qui en marque l'entrée quelques graines, une poignée de noisettes.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Octobre 2013 à 10:06:32
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Le chat qui fit le printemps

Autrefois , il existait un pays lointain qui ne connaissait pas les beaux jours :ni le soleil ,ni les fleurs ne venaient l'égayer .Partout ,ce n'était que paysages glacés ,enfoncés dans les brumes et battus par des vents impitoyables .La vie dans cette contrée était rude et morne .
Le chat n'était alors qu'un animal sauvage ne connaissant pas encore la compagnie de l'homme .Il vivait misérablement de sa chasse ;le menu gibier qu'il rencontrait était maigre et sans intérêt .

Un jour ,alors que l'animal parcourait les chemins à la recherche d'une mince pitance ,le hasard lui fit rencontrer le roi Crapaud .Celui -ci ,comme à l'accoutumée était de fort méchante humeur :
-"Où cours -tu ? Ne vois -tu pas que tu as pénétré mon domaine ,sans invitation ?"
Le matou que la jeunesse aveuglait ,ricana et ne jugea pas utile de s'excuser :à quoi bon ? pensa -t-il, ce vieux grincheux m'ennuie ! Mais c'était sans compter avec le courroux du roi ...
Ce dernier grossit ,s'enfla jusqu'à atteindre une taille monstrueuse ;de  crapaud ordinaire ,il devint un monstre vert  terrifiant et baveux .
"Chat ,il est temps que tu apprennes les bonnes manières !rugit-il .Tous mes sujets me doivent le respect .Pour ta peine , je te chasse de ce pays !"

A ces mots , le chat battit en retraite devant le monstre hideux ,mais il ajouta ,téméraire :
"Pas pour longtemps !Je pars , mais je reviendrai un jour et TOUT changera dans ce pays ,j'en fait le serment !"
C'est ainsi que l'animal quitta son pays natal ,lui qui n'avait jamais voyagé plus loin que La Grande Forêt ...

Après avoir erré longtemps ,il rencontra une oie cendrée qui prenait un peu de repos :
-"Où vas-tu ? Tu sembles las et affamé ? l'interrogea l'oie .
-Je cherche un endroit où le gibier est plus abondant que je pourrais manger pendant des jours sans m'arrêter !Un pays si doux que je pourrais dormir la nuit ,sous un arbre ,sans grelotter !
-Cela existe ...
Et devant l'incrédulité du chat ,elle ajouta :
-Je t'y emmène ,si tu le souhaites ...
Et ce qui fut dit , fut fait .

L'oie cendrée prit son envol , le matou sur le dos .Bien vite ,ils laissèrent derrière eux , les bois et les lacs qui devinrent minuscules et ridicules .Ils étaient cernés maintenant par de nombreux nuages .Puis , tout d'un coup il y eut une éclaircie :la lumière devint aveuglante , irréelle !
L'oie entama aussitôt , une lente descente ,et peu à peu ,le chat découvrit un paysage magnifique .Quand il posa enfin une patte sur le sol ,il n'en crut pas ses yeux :sur le tapis vert où ils avaient atterri ,une multitude de clochettes colorées pointaient le bout de leur nez .Les arbres étaient décorés de ce qui lui sembla être de petites larmes vert pâle ,ravissantes et fragiles .
"Je te laisse , dis l'oie cendrée ...Je reviendrai dans quelques mois .D'ici là ,amuse -toi bien !"Et elle repartit le laissant seul .
Le chat se sentit tellement heureux sous la bienfaisante chaleur du soleil ,qu'il s'endormit paisiblement au pied d'un chêne moussu .
Puis le temps passa .Le chat vécut alors dans une douce quiétude car il n'avait pas à se soucier du lendemain .
Ils fit la connaissance  des hommes .Il se laissa même apprivoisé par un tout petit garçon et le suivit partout ,au cours de ses promenades ...Mais cela est une autre histoire !

Cependant ,il n'oubliait pas sa promesse ,celle de tout changer chez lui pour défier le roi crapaud ...Mais comment ?
C'est l'oie cendrée à son retour ,qui lui donna une partie de la réponse :
"Rentre chez toi , tu portes sur tes poils ,sans le savoir ,de quoi transformer ton pays !Emmène avec toi quelques abeilles et des papillons ;ils t'aideront dans la réalisation de ton projet ...

Bien plus tard ,le chat comprit ce que l'oiseau avait voulu dire ...Au cours de ses flâneries avec l'enfant d'homme ,de minuscules graines s'étaient agrippées à sa fourrure .De retour dans son pays ,elles s'éparpillèrent un peu partout ...Et comme par magie des plantes merveilleuses , des arbres au beau feuillage y poussèrent .
Les abeilles butinèrent de ci ,delà , les papillons multicolores dansèrent une sarabande légère et joyeuse et tous contribuèrent ainsi à la naissance du nouveau monde .Les animaux qui avaient déserté l'endroit autrefois revinrent sans tarder .Et le soleil qui ne voulait pas être oublié ,fit alors des apparitions nombreuses et de plus en plus longues ,à la grande joie de tous !

C'est ainsi qu'un chat fit le printemps .

Quand au roi Crapaud ,dépité par toute cette énergie dans son royaume ,il partit sous d'autres cieux ,plus tristes ,plus sombres ,à l'image de sa méchante humeur .
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 23 Octobre 2013 à 16:35:30
LE CONTE DU PETIT HÉRISSON QUI NE PIQUAIT PAS DE L'INTÉRIEUR



Il était une fois un jeune hérisson pour qui la vie avait été difficile jusque là. La seule chose pour laquelle il semblait vraiment doué, c'était de se mettre en boule... De nombreuses attaques lui avaient appris à se protéger et il savait se faire tout rond plus vite que n'importe quel hérisson. A force de se faire agresser, il avait d'ailleurs fini par croire que tout le monde lui en voulait. Bien des êtres avaient essayé de s'en approcher et s'en étaient retournés tout meurtris. C'est qu'en plus, il avait aiguisé chacun de ses piquants et prenait même plaisir à attaquer le premier. Sans doute se sentait-il plus important ainsi...
..........Avec le temps, il était devenu très solitaire. Les autres se méfiaient de lui. Alors il se contentait de rêver à une vie meilleure ailleurs, ne sachant plus comment s'y prendre pour sortir de cette situation d'agression permanente.
..........Un jour qu'il se promenait toujours seul, non loin d'une habitation, il entendit une étrange conversation entre deux garçonnets.
- " Tu sais , sur le dos il y a plein de piquants, mais mon père dit que le ventre est aussi doux que Caramel, tu sais, ma peluche préférée, disait le plus petit.
- J'aimerais bien voir ça ! - Moi, je sais où il se cache, dit l'autre, sous ces haies. "
.........." Tiens, se demanda notre ami à quatre pattes , ne seraient-ils pas en train de parler de moi ? "
Ces paroles avaient excité sa curiosité. Était-il possible qu'il soit fait d'autre chose que des piquants ?
..........Il se cacha dans un coin et regarda son ventre. Il lui sembla faire ce mouvement pour la première fois. Il avait passé tellement de temps à s'occuper des petites épées sur son dos qu'il en avait oublié cette fourrure douce et chaude qui le tapissait en dessous.
.........." Mais oui, moi aussi je suis doux en dedans, constata-t-il avec étonnement. Doux dedans, doudedan, doudedan " chantonnait-il en sautillant d'une patte sur l'autre. Celles-ci le faisaient rebondir . Tiens, il avait aussi oublié le plaisir de danser. Car les hérissons dansent les soirs de lune, le saviez-vous ?
Tout en dansant, il s'était rapproché des deux garçons. Le plus grand disait à l'autre :
- " Les renards font pipi dessus pour les obliger à s'ouvrir. On pourrait bien en faire autant, comme ça on verrait... - Ah non ! dit le plus jeune. Je ne veux pas leur faire de mal. Ils sont très gentils. Il faut en apprivoiser un en lui apportant tous les jours un œuf. Les hérissons adorent les œufs.
- D'accord, mais il faut d'abord en trouver un ! dit son compagnon. "
..........Le petit animal tendait l'oreille. Cette histoire commençait à beaucoup l'intéresser. Comment ? il existait quelqu'un qui ne lui voulait pas de mal !
..........Après bien des péripéties que je vous laisse imaginer, et aussi des doutes, des hésitations, des peurs et des envies de fuir, notre ami Doudedan, c'est ainsi qu'il s'appelle lui-même, accepta de se laisser apprivoiser.
Il passa de moins en moins de temps en boule. Chaque jour il s'exerçait à montrer sa fourrure. Du coup elle devenait de plus en plus douce et soyeuse. Et ses piquants à force d'être délaissés finirent par s'émousser et devinrent de moins en moins piquants.
..........Ah ! Que c'était bon d'avoir des amis... et aussi de se sentir si doux.
..........A force d'apprendre à être doux, il avait même fini par rencontrer une compagne qui elle aussi avait un ventre très, très doux... et devinez ce qui arriva ?...

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 23 Octobre 2013 à 22:30:08

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La pépite d'or

Une pépite d'or s'échappa de l'établi d'un bijoutier qui polissait un bijou inestimable tant par sa valeur réelle que symbolique. C'était la couronne du roi du pays des sycomores composée d'or très pur, sans aucun alliage.

Cette poussière de lumière tomba par terre puis le vent la transporta à l'extérieur. Depuis, elle demeure là, resplendissante, sur le trottoir, dans une fente de béton. Elle est bien heureuse d'avoir fui ce joaillier qui n'offre que des bijoux usagés à sa femme et qui se garde le quart de toute chaîne qu'on lui porte à réparer.

Anonyme, elle veut demeurer, loin des regards, loin des histoires, loin des nobles cours et des grands bals. Au soleil, elle brille. La nuit, elle brille. Sous la pluie, elle brille. Sous la neige, elle brille. Sous le verglas, elle brille. Elle ne brille pour personne, sinon pour l'amour de briller et de refléter sa vraie nature. Elle ne demande qu'un peu de paix et de tranquillité.

Un clochard du quartier l'aperçut un bon matin d'avril, alors qu'un rayon de soleil avait centuplé son éclat. Le voyant prêt à la ramasser, elle s'est couverte de poussière et se cacha sous un morceau de verre qui, par chance, se trouvait là. Elle plongea encore plus profondément dans sa fente élargie par l'oeuvre du gel et du dégel.

Elle ne voulait pas être appréciée ni aimée. Elle ne désirait pas être portée par les richissimes ni être exploitée. Elle souhaitait rester petite, cachée loin des regards, jamais brocantée.

Le clochard qui souleva le morceau de verre, espérant ramasser ce qu'il croyait être une boucle en or ou une bague, s'en alla bredouille. C'était peut-être une illusion, pensa-t-il. Le soleil peut bien prêter ses rayons d'or à une vitre éclatée.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Octobre 2013 à 13:49:04
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LE CONTE D'HALLOWEEN

La lune caresse la terre de ses reflets argentés.  Au Cimetière, sous les immenses chênes rougeoyants, des ombres transparentes se déplacent silencieusement dans la nuit.  Leurs pas ne dérangent pas le tapis de feuilles multicolores et odorantes qui jonchent le sol. Les Esprits d'Halloween passent inaperçus.

En cette nuit de pleine lune, au repaire secret, se tient la réunion  annuelle des Esprits d'Halloween.  L'entrée du repaire est dissimulée entre les racines noueuses du plus vieux chêne rouge.  Un passage sombre et tortueux descend à plus de dix mètres et mène à la pièce où se rencontrent les Esprits.

Ils sont tous présents et la discussion est animée.

-Cette année je me suis beaucoup amusé à hanter les maisons, s'exclame Ralf.

-J'aime bien passer inaperçu afin de voir et d'entendre ce qui se passe dans les maisons, rigole Alou.

-Quand je vais hanter des maisons, j'entends beaucoup de mères se plaindre que leurs enfants ne ramassent pas leurs jouets fait Boubou.

-Oui, elles ont l'impression que leurs enfants ne semblent pas apprécier tout ce qu'ils ont, soupire Vadim.

-Certaines pensent que leurs enfants méritent une bonne leçon, ajoute Waldy.

-Pourtant d'autres enfants aident volontiers au rangement! s'exclame Wilma.

-Oui, rétorque Valéda, ceux-là mériteraient une récompense.

Tous sont songeurs. Ralf se gratte la tête,  Waldy fronce les sourcils, Wilma se frotte le menton.  Ils essaient tous de trouver un bon tour à jouer aux enfants.  Ils sont espiègles et entendent à rire!

-Je viens d'avoir une idée lumineuse, dit soudainement Alou, c'est le cas de le dire!  Approchez-vous que je vous explique!

Tout le monde se rapproche en formant un cercle serré et un léger chuchotement se fait entendre. Boubou déplie une carte des environs et Valéda se met à gesticuler. Les Esprits chuchotent de plus belle.  On peut presque entendre ce qu'ils disent. D'un geste théâtral, Vadim trace de larges traits sur la carte et chacun se choisit une section.  Lorsque le partage est fait, les Esprits sortent silencieusement de leur cachette.  Ils apportent chacun deux calepins:  un noir et un orange et vont hanter les maisons où habitent des enfants.

C'est très facile pour un Esprit d'entrer dans une chambre d'enfant, il n'a qu'à passer au travers du mur!  Ensuite, il jette un coup d'oeil dans la chambre.  Si les jouets sont rangés, il écrit le nom de l'enfant dans le calepin orange.  Gare aux enfants qui laissent traîner leurs jouets car leur nom se retrouve dans le calepin noir!

Lorsque la tournée est terminée la nuit tire à sa fin. Les Esprits s'empressent d'entrer dans leur repaire et de remettre les calepins en lieu sûr avant de se retirer chacun chez soi.  Ils sont très fatigués et ont certainement mérité une bonne journée de sommeil!

Aujourd'hui c'est l'Halloween!  Enfin le grand jour, oups!, la grande nuit est arrivée. Les Esprits se retrouvent à leur repaire.  C'est leur nuit!  Une nuit magique où tout peut arriver!  Ils se hâtent afin de mettre leur plan à exécution.   Chacun d'entre eux se prend une citrouille magique  et un calepin noir et se dirige vers sa destination.

Les Esprits entrent dans toutes les chambres des enfants ayant leur nom dans le calepin noir. Puisque les enfants dorment à poings fermés et que les jouets sont éparpillés partout c'est très facile de les ramasser et de les mettre dans la citrouille magique. 

Lorsque la tournée est complétée, les Esprits reviennent à leur cachette, vident leurs citrouilles magiques dans une grande marmite et brassent les jouets recueillis jusqu'à ce qu'ils se transforment en une boue multicolore.  Ensuite les Esprits façonnent cette boue en de nombreuses boules.  Lorsque toute la marmite est vide, ces boules se transforment en jouets tout neufs!

Les Esprits déposent ces jouets dans leurs citrouilles magiques, se prennent un calepin orange et se remettent en route.

Comme la nuit est avancée ils doivent se presser pour terminer leur tournée avant la levée du jour. Ils se contentent donc d'entrer dans le salon en passant à travers du mur! C'est rapide et ... discret!

Leur tâche est facile.  La citrouille de l'enfant est gentiment déposée sous un bel arbre aux feuilles multicolores décoré avec fantaisie, et ils n'ont qu'à y déposer un beau jouet tout neuf!

Finalement toutes les maisons ont été visitées!  Les Esprits poussent un soupir de soulagement!  Il était temps!  L'aube approche à grands pas!  Vite, vite il faut entrer au repaire avant que la nature ne s'éveille.  Ouf!  Quelle nuit chargée!  Les Esprits d'Halloween sont épuisés.  Ils se retrouvent à leur cachette et rient de leur espièglerie!  Quel bon tour ils viennent de jouer!  Ils s'imaginent l'expression des enfants à leur réveil!  À cette idée ils se roulent par terre en riant!  Oui, vraiment ils recommenceront l'an prochain!

Esprits d'Halloween
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Octobre 2013 à 15:26:17
(http://img11.hostingpics.net/pics/962690citrouille1.jpg)
La plus petite et minuscule des citrouilles

Il était une fois, au milieu d'un grand champ de courges, une petite et minuscule citrouille. Cette minuscule citrouille était à peine plus grosse qu'une noix. Ce n'était pas un bébé citrouille, puisque les bébés citrouilles sont verts et que cette minuscule citrouille était d'un bel orange éclatant, comme ses frères et soeurs.
C'était la plus petite citrouille du monde entier. C'était aussi la citrouille la plus misérable de tout le champ.
«Ce sera une Halloween merveilleuse pour toi », murmura-t-elle, en pleurant, à son voisin. «Tu seras sûrement choisie par un enfant pour devenir sa lanterne d'Halloween. Mais moi, je suis si petite que personne ne pourrait me dessiner un visage, ni m'insérer une chandelle. En fait, lorsque les fermiers viendront dans le champ, ils ne me verront même pas et ils m'écraseront avec leurs grosses bottes. Je ne verrai probablement même pas l'Halloween.»
Les autres citrouilles avaient de la peine pour elle, mais elles ne pouvaient rien faire pour l'aider.
Ce matin-là, le fermier et ses deux garçons vinrent au champ pour voir toutes les magnifiques citrouilles rondes, orange et si belles parmi les vignes vertes et les grandes feuilles. Le fermier dit à ses fils : «Les citrouilles sont prêtes. Demain, nous reviendrons les cueillir, les mettre dans le camion et les apporter au marché. Les enfants les achèteront et les amèneront à leur maison pour en faire des lanternes.»
Cette nuit-là, dans le champ, toutes les citrouilles étaient excitées en pensant au lendemain. Une énorme citrouille se vantait qu'elle serait probablement la première à être choisie par un petit enfant chanceux. Mais une plus petite citrouille pensait plutôt qu'elle serait la préférée puisqu'un enfant pourrait facilement la prendre et la transporter.
Chaque citrouille y allait de son souhait : certaines désiraient qu'on leur dessine un visage heureux, d'autres voulaient faire peur et même quelques-unes souhaitaient un visage triste - juste pour s'amuser.
La nuit avançait, il faisait de plus en plus noir, la pleine lune brillait au-dessus du champ. Les citrouilles étaient de plus en plus silencieuses, à part quelques chuchotements ici et là. Toute la nuit, la minuscule citrouille regardait, Madame la Lune, si haute dans le ciel. Elle lui parlait.
«Toi et moi, nous sommes semblables. Toutes les deux, nous sommes rondes. Mais toi tu es merveilleuse, sage et aimée. Moi je suis trop petite pour qu'on m'aime.»
La lune brillait de sa lumière d'amour, en tentant de réconforter la minuscule citrouille.
Avant l'aube, alors que la lune s'en allait tout doucement et qu'il faisait très noir, la minuscule citrouille vit une toute petite lumière briller au loin dans le champ. La lumière brillait et dansait à travers le champ, en s'arrêtant ici et là. La minuscule citrouille pensait qu'une étoile avait dû tomber du ciel sur la Terre, mais elle ne pouvait pas voir ce qu'elle faisait. La lumière s'approchait de plus en plus près.
Tout à coup, la lumière se trouvait juste là, en face de la minuscule citrouille et alors elle vit qu'il ne s'agissait pas du tout d'une étoile - c'était une jolie fée d'automne, habillée d'orange et d'or et dansant de mille feux. La fée d'automne se pencha vers la minuscule citrouille et cria : «Oh ! La voici ! La citrouille que je cherchais ! Toutes les autres citrouilles sont bien trop grosses pour moi, je ne pourrais jamais les ramener à la maison pour mes enfants. Celle-ci est parfaite !»
Une immense joie remplit le coeur de la minuscule citrouille lorsque la fée la cueillit et l'amena avec elle dans la forêt. Elles entrèrent au pied d'un vieil arbre, où plusieurs fées d'automne étaient réunies pour admirer leur belle citrouille d'Halloween. Les fées ont pris de minuscules couteaux et ont gravé un beau visage heureux sur la citrouille. Ensuite, elles prirent de petites chandelles de fées, qui changent de couleurs quand elles sont allumées et en placèrent dans la citrouille. Voilà, la minuscule citrouille était devenue une magnifique lanterne d'Halloween.
Alors, toutes les fées d'automne commencèrent les célébrations de leur festival. Il y avait toutes sortes de nourriture et de sucreries, plein de chants, de musique et de danse. La minuscule citrouille passa une magnifique Halloween !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Octobre 2013 à 08:31:42
(http://img15.hostingpics.net/pics/138379hallo1.jpg)
Halloween: un conte d'aujourd'hui

Il était une fois un joli et atroce jardin plein d'arbres morts dans un cimetière qui lui était plein de gens morts. Dans ce joli et atroce jardin, tous les morts résidaient dans d'abominables mais néanmoins fastueux lofts souterrains.

Mais en cet épouvantable soir, c'était la nuit d'Halloween, et ils pourraient tous sortir.

La belle et toutefois horrible princesse Épouvanta ne s'en priva pas.

Elle avait décidé de profiter de cette nuit d'horreur pour trouver un compagnon pour partager son repos éternel (parce que les lofts, on a beau dire, sans coloc', ça coûte un bras pour l'éternité, pis justement, il lui en manquait un ... bras).

Elle erra donc à travers le centre-ville pour aller au speed-dating de tous les cauchemars.

Le premier candidat qu'elle rencontra était effrayant ...

-ARGHHHHHH, cria-t-elle d'une voix de trépassée, un loup-garou !!!

-ARGHHHHHH une momie !!!! hurla-t-il en tombant à la renverse. Car lui aussi eut peur ! Il faut dire que le dernier brushing d'Épouvanta remontait à bien des années...

Remis de leurs frayeurs respectives, il lui expliqua qu'il n'était pas un loup-garou ! Mais qu'il était le Sasquatch.

-Ça m'est égal, lui dit-elle, tu es par trop velu !

-Espèce de momie moisie, lui répondit-il, en s'enfuyant de toute la force de ses jambes.

C'est alors qu'elle le vit : le capitaine-fantôme de ses rêves les plus morbides !

Son beau-bizarre sourire effrayant, son regard profond et désorbité, le prestige de son uniforme poussiéreux...

Ils retournèrent s'installer dans le caveau-loft et ils remoururent abominablement heureux et eurent toute une gang de petits Épouvantables...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Octobre 2013 à 10:04:13
(http://img15.hostingpics.net/pics/550604jack1.jpg)
Jack à la lanterne

Jack était un personnage avare et misérable à la fois. Il était fourbe et n'hésitait pas devant un mauvais coup ou une entourloupette pour parvenir à ses fins. Jack était un maître pour flouer même les plus prudents ou les plus rusés. Un jour ou l'autre, il avait floué à peu près tous les gens de son village, y compris ses proches et ses amis. Ne pouvant jamais demeurer longtemps au même endroit, il errait, vivant de vols, de fraudes et de diverses combines douteuses.

Un jour qu'il fuyait un village où il venait de faire de nombreux vols et des fraudes, Jack vit un homme assis au pied d'un arbre.

-Salut, Jack, dit l'homme. Tu as l'air bien pressé.
-Vous me connaissez? Demanda Jack qui craignait que ce fut là une de ses victimes venue lui demander des comptes.
-Oui, certainement dit l'homme. Je vous trouve même diablement intéressant. J'approuve et j'admire votre vie. Je vous assure que je n'ai nullement besoin de courir après vous.

Jack était assez futé pour comprendre ce que cachaient ces paroles rassurantes. Si ce personnage l'admirait et ne ressentait pas le besoin de lui courir après, c'était parce que Jack allait de lui-même vers cet individu. Lorsque viendrait la fin, lorsque Jack ne pourrait plus s'échapper, c'est bien lui qui l'attendrait. C'était le diable.

Jack fit comme s'il n'avait pas compris qui était le personnage et il conçut aussitôt une nouvelle tromperie. Il s'adressa au diable :

-Un homme qui m'a volé passera bientôt sur ce chemin. Je comptais lui tendre ici un piège afin de reprendre mon bien. Vous n'êtes pas opposé à ce que je fasse justice?

Le diable était absolument ravi à l'idée de voir jack commettre une autre mauvaise action et il n'aurait pas manqué un tel spectacle. Il répondit :

-Mais faites, mon cher. Que ma présence ne vous en empêche pas.
-Il faudrait que nous nous dissimulions dans les ramures de cet arbre afin de l'attendre. Saurez-vous grimper?
-Certainement, répondit le diable. Je vous le prouve à l'instant.

Et il monta aussitôt dans l'arbre. Dès qu'il fut assis sur une branche, il aperçut Jack au pied de l'arbre, qui disposait de nombreuses croix tout autour du tronc.

-Que faites-vous là, demanda le diable, fort troublé.
-Je vous ai reconnu, répondit Jack. Et il n'en tient qu'à moi que vous ne descendiez jamais de cet arbre.
Le diable ne pouvait plus descendre de l'arbre et était complètement fou de rage. Mais Jack ne broncha pas. À la fin, le diable dût se résoudre à demander à Jack ce qu'il voulait.

-Lorsque mon temps sera terminé, je ne veux pas que vous me laissiez entrer en enfer.
-Accordé, répondit le diable. Maintenant, laissez-moi partir.

Il enleva les croix et le diable partit aussitôt, rouge de colère. Ainsi, pensait Jack fort content de sa ruse, j'ai trouvé le moyen de ne pas aller en enfer malgré la vie que j'ai menée.

Des années plus tard, il s'étouffa en mangeant un navet qu'il avait volé et mourut. Lorsqu'il arriva aux portes du paradis, Jack tenait encore le navet volé. Étant donné la vie qu'il avait menée, il ne put entrer. Il pris alors le chemin de l'enfer et se présenta à la porte. Le diable l'attendait.

-Tiens, Jack. Que fais-tu ici?
-Je viens chercher une place, car il n'y en a point pour moi au paradis.
-Il n'y en a pas davantage ici, répondit le diable, car je t'ai jadis promis de ne pas te laisser entrer.
-Mais où vais-je aller? dit Jack.
-Ma foi, ce n'est pas mon problème répondit le diable. Tu ne peux aller ni au ciel ni en enfer. Tu erreras comme tu l'as fait toute ta vie, mais désormais sans être même vivant. Pars par là, dit-il, en indiquant un chemin noir.
-Comment pourrais-je m'engager sur ce chemin, je n'y vois rien, dit Jack?

Le diable saisit un morceau de braise et lui donna. " Tiens, voilà de quoi t'éclairer " lui dit le diable en riant. Jack creusa le navet et y mit le morceau de braise éternelle. Depuis un certain temps, Jack a changé le navet pour une citrouille. Mais il erre toujours, la lanterne à la main sur les chemins sombres ou dans les endroits isolés.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Octobre 2013 à 11:14:37
(http://img4.hostingpics.net/pics/990095courges.jpg)
La vengeance des courges

"Graloche, Graloche ! cria Lili la fourmi à son amie la reine courge.
La reine du potager de Tattouille la tomate sortait à peine de la torpeur.
-Mmmh, que se passe-t-il, Lilinette... Laisse-moi donc dormir...
-Réveille-toi, Graloche, vite, réveille-toi !

Lili la fourmi chatouilla le ventre de la courge puis en escalada les parois pour atteindre son sommet :
-C'est... c'est Mabouille... balbutia-t-elle.
-Quoi ta bouille, qu'est-ce qu'elle a ta bouille ?
-Non non, c'est Mabouille, on a enlevé Mabouille !
-Que dis-tu ? On a enlevé Mabouille la citrouille ? s'affola la courge.
-Ouiiiiiiiiiiiiiiii ! C'est ce que je me tue à te répéter !
-Mais qui ça, "on" ? interrogea la reine désormais bien réveillée.
-Les poireaux disent que c'est le jardinier !
-Que pourrait-il bien faire de Mabouille ?
-Aucune idée, cependant... je suis très inquiète, marmonna la petite fourmi.
-Très bien, Lili. Fais-toi emmener par un bourdon jusqu'à la maison du jardinier et vois ce qui s'y trame."

La petite fourmi choisit un bourdon-boeing rapide comme l'éclair et fut rendue en un rien de temps sur le rebord d'une des fenêtres de la maison.
"Attends-moi là" ordonna-t-elle avant de se faufiler à l'intérieur. Puis elle observa en silence.

"Coucou les enfants ! Jules, Roxane, venez voir ce que papa a apporté !
Deux bambins dévalèrent bruyamment les escaliers.
-Oh la belle courgette ! s'exclama le petit Jules du haut de ses six ans.
-Ce n'est pas une courgette, mais une citrouille ! rétorqua sa grande sœur d'un ton savant.
-C'est vrai, Roxane a raison. Et savez-vous pourquoi j'ai choisi cette belle citrouille ?
-Oui !!! s'exclamèrent les deux enfants de concert. Pour Halloween !!!
-Bravo mes chéris, répondit le papa jardinier. Allez, filez dans votre chambre pendant que je m'occupe de lui refaire une beauté."

La petite fourmi ne bougea pas d'un millimètre. Elle patienta un long moment tandis que le jardinier était parti s'enfermer dans la cuisine.
Lorsqu'il réapparut, Lili n'en crut pas ses antennes. Elle était totalement abasourdie par ce qu'elle voyait, ne pouvant détacher son regard de Mabouille. Ou plutôt, de ce qu'il en restait.

"Bzzzzz ! Bzzzz ! Bzzzzz !"
Elle reprit ses esprits en entendant bouillonner le bourdon-bœing qui lançait des assauts impatients contre un carreau de la fenêtre.
Encore sous le choc, la petite fourmi le rejoignit, puis le bourdon repartir à toute allure vers le potager.

"Graloche ! Graloche ! cria à nouveau Lili la fourmi à son amie la reine courge.
-Alors, Lili, as-tu retrouvé Mabouille ?
-Non, enfin si... Ils lui ont jeté un sort, répondit la fourmi bouleversée.
-Un sort ? Comment ça, un sort ?!
-C'est le jardinier... il... il l'a transformée en lanterne...
-Mais... qu'est-ce que tu me racontes là ?! Mabouille... une lanterne ? Allons, Lili, reprends-toi et raconte-moi ce que tu as vu.
-Je te dis la vérité, Graloche. Le jardinier a montré notre citrouille aux deux galopins qui viennent parfois te trifouiller le pédoncule. Les petits ont hurlé comme des fous en la voyant,  quelque chose comme... 'Allô Winny'. Puis le papa s'est enfermé avec Mabouille dans la cuisine. Et c'est là que...
-C'est là que quoi, Lili ?
-Elle était affreuse, avec de grands yeux vides et des dents de requin. Et cette lumière, qui jaillissait de Mabouille, quelle horreur !
-Hum... Laisse-moi réfléchir... Allô Winny, tu as dit ? Allô Winny... Allô Winny... Mais c'est bien sûr ! J'aurais du y penser avant ! s'exclama la reine courge.
-De quoi parles-tu ?
-Nous sommes bien en octobre, ma Lilinette ?
-Oui, et alors ?
-Alors tu as mal compris... Malheureusement...
-Explique-toi maintenant Graloche ?! Qu'aurais-je du comprendre ?
-Comment te dire... A la fin du mois, il y aura une nuit terrible, enfin, surtout pour les citrouilles. Beaucoup d'entre elles auront d'ores et déjà été ensorcelées et transformées en lanternes à tout jamais. Les enfants eux, se changeront en monstres effrayants et purulents. Toute la nuit, ils feront régner la terreur et iront dévaliser leurs voisins d'énormes sacs de friandises. C'est ce qu'ils appellent Halloween...
-Pourquoi ne pas nous avoir prévenus, Graloche ? Nous aurions pu protéger le potager.
-Tu as raison... je... je suis désolée... Mais je croyais que c'était du flan, moi, ces histoires de courges !
-Et que va-t-il advenir de Mabouille maintenant ?
-Et bien... nous ne la reverrons plus jamais. Cela dit, après Halloween, elle rejoindra le Pays des esprits illuminés. Ne t'inquiète donc pas, elle ne sera pas seule.
-C'est quand même injuste de nous l'avoir ainsi enlevée !
-Je suis bien d'accord avec toi, ma Lilinette. Et je t'assure que nous n'allons pas en rester là : à monstres, monstres et demi ! Nous allons faire passer à ces maudits humains l'envie de kidnapper nos citrouilles !

Du côté de la maison, les préparatifs d'Halloween allaient bon train.

vengeance_courges_halloween_c_380Tandis que Mabouille trônait sur la table du salon, Jules confectionna, avec l'aide de son papa, le déguisement de loup-garou le plus effroyable qu'il soit : de longues dents affûtées, des yeux jaunes globuleux rivalisant avec ceux de féroces hyènes, une queue en pétard plus menaçante que celle d'un dragon, une paire de grosses bottes poilues laissant derrière elles des empruntes de dinosaure. Il aurait fait pâlir le diable en personne.

Avec sa maman, Roxane découpa dans un vieux draps des morceaux de tissus hideux pour se transformer en fantôme. Elle y attacha d'affreuses araignées gluantes et des crapauds baveux dégotés chez le marchand de farces et attrape. Puis elle vernit en noir de faux ongles si acerbes et crochus qu'ils n'avaient rien à envier à ceux des plus méchantes sorcières.

Le soir d'Halloween, à la nuit tombée, Jules le loup-garou affamé et Roxane le fantôme d'outre-tombe s'en furent répandre terreur et malédictions dans les rues de leur quartier.
Ils sonnèrent à une première porte et hurlèrent : "la bourse ou la vie !"
Un vieux monsieur tremblant de peur changea de couleur et courut leur chercher un paquet de bonbons. Ils repartirent en gloussant et sonnèrent à la porte suivante. Une dame en tablier blanc se figea devant eux et balbutia quelques mots :
"Non... je vous en supplie... ne me faites pas de mal... je vous donnerai tout ce que vous voulez...
-Et qu'as-tu donc de bon pour nous dans ta cuisine ? s'enquit Jules en montrant ses crocs.
-J'ai... j'ai du chocolat...
-Tu crois que cela suffit, Jules ? fit mine d'interroger Roxane.
-Non, renchérit Jules, il nous en faut plus si tu ne veux pas te faire dévorer par un loup-garou !
-J'ai... j'ai aussi des sucettes multicolores... hésita la dame au tablier.
-Très bien, conclut Roxane. Alors nous te laissons la vie sauve pour cette fois !"

Puis les deux bambins se sauvèrent en lançant de longs ricanements. Ils continuèrent à arpenter les rues, puis, lorsqu'ils eurent fini de dévaliser tous leurs voisins, reprirent le chemin de la maison.

Jules et Roxane marchaient maintenant dans la pénombre, réalisant soudain combien la nuit était dense et particulièrement silencieuse ce soir-là...
"Dis Roxane, tu ne trouves qu'il y a quelque chose de bizarre ?
-Bien sûr que non ! répondit-elle fermement.
-Pourtant, j'ai... j'ai l'impression qu'on nous espionne...
-Ne raconte pas de bêtise, Jules, et puis, je suis là pour te protéger. Roxane essayait de rassurer son petit frère autant qu'elle même.

Au même moment, il y eu un drôle de bruit. Une sorte de fourmillement qui venait d'un amas de poubelles au coin de la ruelle.
"Qu'est... qu'est-ce que c'est ? bredouilla Jules.
-Mais rien, je t'assure. Presse-toi donc un peu, plutôt que de jacasser.
Les frémissements se firent plus intenses.
-J'ai peur, Roxane, gémit le petit garçon tout penaud.
-Fais-moi donc confiance ! D'ailleurs, je vais te prouver qu'il n'y a rien à craindre : viens, suis moi !"

vengeance_courges_halloween_d_380Jules s'exécuta, ne désirant rester seul dans le noir sous aucun prétexte. Les deux bambins se rapprochèrent des poubelles, tandis que les grouillements angoissants augmentaient encore.

Roxane prit alors ce qui lui restait de courage à deux mains et, très délicatement, souleva le couvercle de la première poubelle.
"Aaaahhhhh !" Elle poussa un cri d'effroi et lâcha le couvercle qui fit un épouvantable vacarme contre le bitume.
Il y avait là un abject rassemblement de vers de terre, limaces, fourmis et autres araignées géantes : pattes velues et corps luisants s'entremêlaient dans un écœurant et gigantesque pullulement. Ça grouillait de partout, c'était absolument répugnant !

Jules et Roxane s'enfuirent, à toutes jambes, sans se retourner, ils coururent et coururent encore, le plus vite possible, jusqu'à perde haleine. Lorsqu'à bout de souffle, ils cessèrent leur course effrénée, ils ne reconnaissaient plus le chemin de la maison.

Et avant même qu'ils eussent le temps de réfléchir, ils furent attaqués par un escadron de tomates masquées sanguinolentes, chevauchant des poireaux volants en guise de balais.
A nouveau, Jules et Roxane décampèrent, dévalant la grand rue d'où ils apercevaient désormais leur maison. Mais ils furent bientôt rattrapés, cette fois par une cohorte de courges et de citrouilles qui les poursuivaient dans une fracassante dégringolade.

"TRICK OR TREAT ! TRICK OR TREAT ! TRICK OR TREAT !*" hurlaient les cucurbitacées.

Les deux galopins galopaient comme des dératés et finirent par arriver devant l'entrée de leur maison. Roxane, tenta d'ouvrir la porte mais, prise de panique, n'y parvint pas.Soudain, surgissant de nulle part et semblant flotter dans les ténèbres, apparut la plus énorme et la plus abominable courge qu'ils eussent jamais vue, bientôt entourée de dizaines de congénères, aussi monstrueuses les unes que les autres.

Toutes, couvertes d'hostiles peintures, répétaient fanatiquement "trick or treat ! trick or treat ! trick or treat !", tandis que des lucioles éclairaient le derrière de la reine pour lui donner une allure encore plus terrifiante.
Puis d'un coup, tout le monde se tut.

"Alors, les enfants, trick or treat ? Ah ! ah ! ah !" rit la reine courge en désignant leur sac rempli de friandises.
Jules et Roxane n'eurent pas besoin de traduction et tendirent immédiatement leur butin.
"Et je compte sur vous pour qu'aucune citrouille ne soit plus jamais enlevée et transformée en lanterne pour Halloween ! C'est bien compris ?"
Les deux enfants terrorisés baissèrent la tête.
-C'est bien compris ? répéta la reine courge.
-Oui Madame", finit par acquiescer Jules, en allant cacher le bout de ses dents de loup-garou dans les draps pendouillants de sa grande sœur.

Enfin, la reine tourna les fesses et s'en fut au milieu d'un long cortège de courges ricanant dans l'obscurité.

(* Trick or treat : la bourse ou la vie).
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Octobre 2013 à 15:49:00
(http://img11.hostingpics.net/pics/550240balai.jpg)
Météo-citrouille et l'aspirateur

Cette fois, pas question d'attendre plus longtemps ! Météo-citrouille a décidé d'emmener son balai chez le vieux sorcier Barbenpaille pour une révision générale. Finis les freinages aventureux et les atterissages périlleux, l'heure est venue de procéder aux réparations qui s'imposent. Après avoir soigneusement fermé la porte de son gros nuage noir plein de pluie, la sorcière enfourche son balai et s'envole vers la maison de Barbenpaille.

Malheureusement, elle n'est pas la seule aujourd'hui à avoir eu cette idée. La salle d'attente du vieux sorcier est pleine de petites bonnes femmes aux nez crochus et aux chapeaux biscornus. Bien entendu, elles sont toutes venues accompagnées de leur fidèle compagnon de bois et de paille. Et tout ce petit monde jacasse à voix basse de bave de crapauds et de potions magiques, d'enfants insupportables et de mauvais sorts. Météo-citrouille, elle, décide de ne pas se mêler aux conversations et, d'un pas assuré, se dirige vers l'unique place qui reste libre, juste à côté de la sorcière Electro-speed.
Electro-speed est une sorcière très originale. Avec ses cheveux rouges tout pointus, ses petites lunettes rondes, sa mini-jupe vert pomme et son manteau en papier aluminium, elle est montrée du doigt par toutes les autres sorcières et personne ne veut être son amie.

Alors, elle est toujours seule, mais elle est quand même très gaie.
-"Salut beauté!" lance-t'elle joyeusement à Météo-citrouille qui vient de s'asseoir à ses côtés. "Tu vas bien ?"

Tout en plongeant vivement son nez tordu dans un magazine de recettes spécialisées, Météo-citrouille marmonne vaguement une réponse dont elle seule connaît la teneur. Mais soudain, qu'aperçoit-elle aux pieds d'Electro-speed ? Un drôle d'engin tout en longueur avec des boutons rouge, vert, orange, deux gros yeux, et une trompe très longue. La petite sorcière n'en a jamais vu de pareil et sa curiosité la pousserait bien à s'approcher davantage de cet étrange appareil, voir peut-être même à questionner Electro-speed... Mais que penseraient les autres sorcières si elles la voyaient parler à Electro-speed ! Rageusement, mais sans perdre l'engin de vue, Météo-citrouille replonge son grand nez dans sa revue.

Quelques secondes plus tard, Electro-speed bondit soudain de son fauteuil, défroisse sa mini-jupe en tortillant son derrière sous le nez de Météo-citrouille, et lui demande très gentiment :
-"S'il te plaît, tu veux bien surveiller mon aspirateur pendant que je vais aux toilettes ? Avec toutes ces vieilles toupies qui ne m'aiment pas beaucoup, je me méfie toujours un peu..."
Météo-citrouille est très honorée d'être distinguée des vieilles toupies, et opine discrètement de la pointe de son chapeau.

Mais à peine Electro-speed a t'elle disparu dans les toilettes que la petite sorcière bondit à son tour de son siège pour inspecter de plus près le fameux aspirateur. Quelle drôle de bestiole quand même ! Avec tous ces boutons... Mais au fait, à quoi peuvent-ils bien servir tous ces boutons ? Météo-citrouille se dit qu'elle pourrait juste faire un petit essai, pour voir, avant le retour d'Electro-speed. Bien sûr, il ne faut pas appuyer sur le bouton rouge, car, quand c'est rouge, c'est souvent dangereux. C'est qu'elle est maligne Météo-citrouille, on ne l'attrape pas comme ça !

Alors, pour bien voir ce qui se passe, la petite sorcière se place juste devant l'engin, en face de la grande trompe et choisit le bouton orange, car, de toute façon, orange, ça ne veut pas dire grand chose. Elle appuie, juste un petit coup...
Pssssscccccchhhhhhhhhhhh ! Un grand jet d'eau plein de mousse vient l'asperger. De grosses bulles de savon flottent tout autour d'elle et la voilà trempée et couverte de mousse blanche de la tête aux pieds! Bien entendu, la petite expérience n'est pas passée inaperçue et toutes les sorcières gloussent de joie devant le spectacle que leur offre Météo-citrouille.

A ce moment précis, Electro-speed sort des toilettes et se tord aussitôt de rire en voyant la petite sorcière pleine de savon. Météo-citrouille est vraiment très vexée mais elle n'ose pas bouger de peur de faire des gros "floc-floc" à chaque pas. Enfin, Electro-speed reprend son souffle, et entre deux hoquets, interroge :
-"Mais pourquoi as-tu utilisé la fonction shampouineuse ? Tu n'étais pourtant pas si sale que ça !!! "
Et la voilà repartie à rire de plus belle.

Météo-citrouille en a cette fois vraiment assez. Prenant son courage et sa jupe trempée à deux mains, elle enjambe l'engin maudit, récupère son vieux balai et se dirige le plus dignement possible vers la sortie en faisant quand même plein de gros "floc-floc". Derrière elle, de petites flaques d'eau marquent son chemin.

La petite sorcière n'est pas près de revenir chez le vieux sorcier Barbenpaille et son balai pourra encore lui faire de nombreuses frayeurs. Mais tout ce qu'il pourra lui faire ne sera rien à côté de l'affreuse honte que vient de lui infliger le stupide aspirateur d'Electro-speed.
Tout en se séchant du mieux qu'elle peut sur son gros nuage noir plein de pluie, Météo-citrouille se promet bien qu'on ne la reprendra plus à s'intéresser aux engins modernes. Décidément, rien ne vaudra jamais son bon vieux balai de bois et de paille !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Octobre 2013 à 18:20:18
(http://img15.hostingpics.net/pics/875287hallo3.jpg)
Conte de la Sorcière Fripounette

I  La rencontre.

Nous sommes au mois de Juillet. Une chaleur épouvantable a envahi la France. Les champs attendent la moisson. Les enfants sont depuis peu en vacances et s'amusent entre amis à tous les quatre coins des rues.

Pourtant, en cette belle journée de juillet, une nouvelle habitante s'installa dans notre bonne petite ville de FripeVille. Elle portait une grande robe. La robe semblait être confectionnée par des centaines de bouts de tissus cousus les uns avec les autres, et de toutes les couleurs. Des couleurs très vives, pour que nous puissions bien la remarquer.

Au milieu de toutes ces jolies couleurs, nous distinguions nettement un large sourire très amical. Ce qui attirait, d'autant plus chez elle, les enfants de son quartier.

Tout l'été, la nouvelle dame accueillie gentiment les enfants. A chaque visite, ils participaient à une véritable fête. Musique en tous genres, gâteaux, chocolats, et jus de fruits étaient au rendez-vous.

Comment Constance, Killian et leurs amis auraient-il pu résister de retourner chaque jour chez leur nouvelle amie ?

Au tout début de leur rencontre, les enfants posèrent beaucoup de questions à la Dame aux mille couleurs, pour mieux la connaître. Et la voilà qui se mis à raconter sa vie, dans tous les sens, à n'en plus finir.

Son discours commença par un bon rire bien joyeux, qui donna le sourire à tous les enfants.

-Ahahaha ...Je me demandais si l'un d'entre vous oserait un jour me poser la question ? dit-elle gentiment.

Et puis repris,

-Je suis la Sorcière Fripounette !

Un « Oh ! » tremblant et gêné se fit alors entendre de la bouche des enfants. Les regards se croisèrent craintivement. Et plus un geste ne se fit autour de la grande table emplie de délicieuses confiseries.

Fripounette ne fut pas vraiment étonnée de la réaction que venaient d'avoir les enfants. Mais elle fut surtout désolée.

Pourtant elle leur dit joyeusement : « Vous vous effrayez parce que vous avez entendu le mot « sorcière ». Voilà une réaction des plus tristes, mes enfants. Vous ai-je déjà fait du mal, avant que vous ne le sachiez ? »

-Non, jamais, répondirent les enfants.

-Bien au contraire, nous avons tout ce que nous voulons ici ! dit Killian, d'un ton assuré !

-Alors, pourquoi vous ferai-je du mal, maintenant que vous savez qui je suis ?

-Je ne sais pas ! répondirent-ils.

-Bien, alors, pour retrouver notre joie... quelle est la formule magique la plus simple déjà ?

Fripounette se leva alors de sa chaise, releva ses manches jusqu'aux coudes, tendit ses bras en avant, et ses grands doigts très fins commencèrent à bouger dans tous les sens. Et dit d'une voix haut perchée : « La formule ! ! ! »

Toute la petite bande cria en même temps : « ABRACADABRA ! »

Tout le monde applaudissait à grands bruits et ils éclatèrent de rire.

Alors Fripounette se décida de leur raconter sa vie pleine de joie et de magie.

-Je viens d'un pays très très lointain... N'essayez pas de chercher l'Ile aux Dragons sur la carte du monde... dit-elle d'un ton amusé... Vous ne la trouverez jamais, elle n'y figure pas ! Et pour cause... C'est une île magique !

Les yeux des enfants s'agrandissaient au fur et à mesure que Fripounette racontait en détail son histoire.

Killian, un petit garçon brun assez dégourdi, interrompit la sorcière pour lui demander : « Dis-moi, est-il vrai que les sorcières volent sur des balais ? »

-Pouah...pouah...pouah... fit Fripounette d'une voix grave.

-Que de baliverne, mon garçon ! C'était bon pour mes ancêtres ce genre de balai. Maintenant nous avons la transplanation ! ! !

-La transplanation ? ! s'étonnèrent les enfants.

-Qu'est ce que cela ? demanda Constance timidement.

-Hé, bien... pour expliquer simplement...Tu disparais de l'endroit où tu te trouves pour réapparaître là où tu veux aller !

-Waouh ! Génial ce truc ! Et tu le fais souvent ? demanda Maël.

-Oh, oui ! répondit Fripounette d'un ton essoufflé. C'est plus rapide et moins fatiguant que la marche à pied ! continua-t-elle dans un fou rire.

Tout d'un coup, Rébecca, assise seule, calmement, dans un coin, dit

-Mais Fripounette... tout à l'heure, tu as parlé d'ancêtres, pourtant les sorciers et les sorcières ne meurent pas ?

-Ahahaha... très bonne remarque ma petite. Alors, ouvrez grand vos oreilles... Les sorciers et les sorcières ne connaissent pas la disparition définitive... Tu as raison Rébecca... Ils partent sur l'Ile aux Dragons, quand ils se sentent à bout de force et que leurs pouvoirs magiques ne veulent plus faire effets. Ainsi, nos amis les dragons s'occupent de nos bons vieux sorciers avec beaucoup de patience, car ce n'est pas si facile que ça de remettre un sorcier ou une sorcière en bonne santé... Croyez-moi !

L'Ile est entourée d'une mer bleue écarlate, les rouleaux des vagues reflètent comme des diamants. Le ciel est d'un mauve très clair, parce que c'est une couleur très apaisante, et comme les sorciers aiment fainéanter lors de leur séjour sur l'Ile, il ne leur fallait surtout pas un bleu clair qui éblouie les yeux quand le soleil pointe son nez !

En fait, les vieux sorciers ne viennent pas uniquement pour récupérer leurs pouvoirs magiques ou pour se reposer, mais ils y viennent surtout pour rajeunir. Ils reviennent donc parmi nous en tant qu'adolescents ou en jeunes adultes.

Donc nous avons des vies infinies et nous pouvons recommencer à chaque fois que nous le souhaitons !

Les vacances d'été s'écoulèrent à une vitesse incroyable, au beau milieu des histoires de la sorcière Fripounette, et de ses nombreuses friandises qu'elle offrait gracieusement chaque jour.

II  L'arrivée de l'automne.

La rentrée des classes se fit dans la joie et la bonne humeur. Les enfants étaient heureux de retrouver tous leurs compagnons de jeux. Même si certains boudaient de devoir travailler en classe.

Et comme toute bonne rentrée des classes, l'automne pointa le bout de son nez. Les feuilles des arbres jaunirent, puis brunirent, et bientôt, avant même que l'on ne s'en rende compte, les feuilles tombèrent des branches. Le soleil n'apparaissant plus dans un beau ciel bleu, les enfants fatiguaient, et la joie sur leur visage se faisait de plus en plus rare.

Pourtant, en une journée bien fraîche et très grise, rentrant de l'école comme chaque après-midi, tous les enfants de la ville  trouvèrent dans leur boîte aux lettres un prospectus très étrange au premier abord, mais qui, finalement, les fit sourire. Et celui-ci disait :

«GNAN...GNAN...GNAN ! ! !

Enfants des Ténèbres,

Enfants de Malheur,

Voici le moment tant attendu

Pour fêter la vie secrète des Sorcières : HALLOWEEN.

Je vous donne donc rendez-vous en cette horrible soirée

Du 31 octobre à 20 heures dans ma terrifiante antre.

Vous trouverez facilement ma demeure

En suivant araignées, serpents et autres farfadets se promenant seuls

En cette nuit d'horreurs.

Un diabolique festin vous attendra.

Je vous y attends tous très nombreux. »

Signée : la Sorcière Fripounette.

Comment ne pas avoir le cœur battant à toute allure et le souffle court après une nouvelle aussi excitante ? ! !

On entendit parler de cette fête d'Halloween dans toutes les écoles de la ville. Impossible de ne pas écouter une conversation d'enfants sans le nom de la Sorcière. Les questions fusèrent à une vitesse incroyable à propos des déguisements.

-En quoi vas-tu te déguiser le soir d'Halloween ? demandait Ludivine à son amie Candice.

-Je ne sais pas encore ! » répondit celle-ci. « J'hésite entre la momie et Vampirella ! ! !

Et toutes les deux, ainsi que d'autres enfants assis à côté d'elles, rirent de bon cœur en s'imaginant à quoi ils allaient bien pouvoir ressembler dans ces costumes d'horreurs.

III  La fête d'Halloween.

Voici le jour tant attendu qui se fit enfin connaître !

Oh, Quelle angoisse pour les parents de fêter les sorcières : de sortir les enfants, tard dans la soirée, dans les rues de la ville à la tombée de la nuit.

Mais quelle excitation pour tous ces joyeux bambins. Se déguiser, se retrouver la nuit entre amis. Toutes ces choses interdites habituellement paraissent merveilleuses. De plus, pour ajouter la cerise sur le gâteau, ils ont rendez-vous dans l'antre de la Sorcière.

Il est donc inévitable, en cette soirée horriblement froide, de ne pas crier, sauter dans tous les sens ou de parler fort.

Oui, c'est en élevant la voix le plus haut possible, que les petits monstres cherchant l'antre, évite de sentir la peur les envahir... Car dans cette nuit sombre... un mélange de cris monstrueux et de musiques mortuaires baignent dans l'air... tandis que... tout à coup, une horrible et terrifiante maison fit surface au milieu de la rue principale... tout le monde se tut... plus aucun bruit ne se fit entendre... Quand la porte d'entrer se mit à grincer... GRRRR... OOOOHHHH ! ! ! ! La peur se faufile dans tous les cœurs. Puis, sur les côtés de la maison, en ces quatre coins, des lumières rouges et violettes s'allumèrent. C'est alors... qu'une ombre... tout doucement... pris place sur le seuil de la porte...

Deux grands bras maigres s'élevèrent dans les airs, un grand coup de tonnerre se fit entendre au même moment, de gigantesques traits de couleurs : rouge ; vert ; jaune ; bleu traversèrent la foule, sous les regards tout à la fois éblouis et apeurés. Une musique rythmée et aussi vivace que les lumières se mélangeaient aux évènements.

Puis, tout redevînt calme, on aurait pu entendre une mouche volée. Quand un bruit de batterie résonna encore plus fort et plus vite que la première fois, c'est alors que la musique retentit à nouveau au rythme des gestes de la Sorcière, qui brandit ses bras. Un immense nuage de poussières argentées sortit du bout de ses doigts, et retomba sur le public époustouflé.

La musique s'adoucit un peu, mais pour mieux retentir une troisième fois et ainsi jaillit un magnifique feu d'artifices.

Il paru infinis, et les enfants n'en avaient encore jamais vus d'aussi beaux ! ! !

Le joli spectacle prit malheureusement fin au bout d'une demi-heure.

Sous les applaudissements et les hourra, Fripounette parla d'une voix aigüe et tremblante :

-GNAN...AN...AN... Voici mes mollusques de petits monstres. Je suis bien terrifiée de vous voir tous accoutrés de la sorte ! ! ! AN... AN... AN...

Après quelques rires sortis de la foule, et de petits regards furtifs donnés par la Sorcière, comme si elle surveillait ce qui se passait autour d'elle en cet instant même, celle-ci demanda :

-Hé, bien petits monstres... vous avez décidé de vous faire peur ce soir ? Alors puisque vous aimez frémir, je vais vous donner un petit cours de Magie. Etes-vous d'accord ?

Un « OUI » venant de la foule, crié par une centaine d'enfants percèrent les tympans des parents.

-Bien... donc... nous allons commencer par une potion de transformation... Bien, bien, bien... il me faut une petite terreur avec moi, au seuil de ma porte. Qui vient ?

Alors, un petit enfant âgé de 7 ans environ, se leva sans dire mot, et s'avança jusqu'à la sorcière.

-Comment t'appelles-tu ? demanda Fripounette.

-Corentin, répondit-il timidement.

-Bien, alors, Corentin, en quoi veux-tu te transformer ?

-En chat de sorcière. Très noir, avec des yeux bien rouges qui brillent la nuit, pour faire peur à ma petite sœur quand elle m'ennuie !

-Pauvre petite sœur ! soupira Fripounette !

-Comme tu voudras ! HUM... attends un petit peu que je me souvienne de la préparation... Ah, oui, ça y est...

A ce moment là, une immense table en bois apparut devant Fripounette et Corentin. Celle-ci, attablée de différentes bouteilles et tuyaux qui zigzaguaient un peu partout, surpris le public.

-Nous y voilà... nous avons donc besoin... de deux gouttes de chauves-souris...

Un « Bah ! ! » de dégoût s'écria, bien que des rires s'y mélangèrent.

-Et puis aussi... de la sauce gluante de dragons...

Cette fois-ci aucun bruit ... Tout le monde voulait entendre la suite de la fabrication.

-Et... Enfin... Un coulis de poils de chat noir. Je remue le tout. On compte tous jusque dix... Attention...

Et les monstres comptèrent tous joyeusement : « 1...2...3...4...5...6...7...8...9...et 10 »

-Vas-y ! Tu peux boire ma potion ! dit la Sorcière, en tendant doucement le verre de potion magique à Corentin.

Corentin bu une gorgée tout d'abord, et dit : « Humm, c'est bon... on dirait du jus de fruits ! »

Et il englouti le contenu du verre en deux secondes trois mouvements.

Au bout de cinq secondes d'attentes... Corentin fit remarquer à Fripounette : « Mais... je suis toujours moi...je ne suis pas un chat ? ! »

«Oh ! » s'écria la Sorcière d'un air gêné.

J'ai oublié de prononcer la formule ! ! !

Après plusieurs secondes de réflexions, Fripounette prononça de sa voix aigüe :

«Chaton...

dos rond...

noir de nuit...

chat noir

tu seras pendant dix secondes. »

Corentin se transforma en cet instant en un joli chaton noir aux yeux rouges.

Le public se mit alors à compter : « 1...2...3...4...5...6...7...8...9...10 ».

Et Corentin redevînt le petit garçon qu'il avait toujours été.

«Ouais ! » s'écrièrent tous les monstres déguisés... « Bravo ! » gronda la foule sous les applaudissements qui n'en finissaient plus.

Quand le calme revînt à nouveau, Fripounette pu enfin annoncer :

-Et maintenant, nous allons créer un filtre d'amitié... qui boira ce filtre, deviendra l'amie de ceux dont il ou elle le désirera.

-Moi... moi... moi... je veux essayer ! ! ! s'époumonèrent quelques petites filles du premier rang.

-Viens me voir, la petite fille aux nattes !

Amandine s'approcha d'un pas décidé. Un grand sourire illuminait son visage.

-De qui veux tu devenir l'amie ? » demanda Fripounette.

-Heu... de Benjamin... parce que je l'aime bien... mais il ne joue qu'avec ses copains ! répondit d'un air un peu triste la petite fille.

-Bien, pas de problème. Nous allons régler ça tout de suite ! Alors... il nous faut... un zest de cœur de biche... une goutte de pétale rose nacré... et... et... de la poussière de lèvre rouge... N'oublions pas le formule cette fois... :

rouge amitié...

rose sucré les bonbons...

petit garçon, petite fille écoute ton cœur...

Un nuage rose pâle sorti d'un seul coup du verre où fut préparée la potion. Les yeux d'Amandine brillaient d'émerveillement à la vue de ce spectacle.

La Sorcière lui tendit le verre en lui précisant bien que l'effet magique n'agirait uniquement lorsqu'elle irait parler à Benjamin.

Après avoir répondu par un « oui » de la tête, Amandine bu la potion en entier.

Le spectacle de formules magiques pris fin au bout de trente minutes. Les enfants s'agitaient, parlaient, se demandaient les uns aux autres ce qui allaient bien pouvoir se passer par la suite.

C'est alors que sous un crie aigüe et tremblant de vieille femme, la Sorcière revêtue de son immense capuche d'où l'on apercevait uniquement ses yeux violets, qui brillaient dans cette nuit de terreur :

-Maintenant que je vous ai transmis quelques secrets de sorcellerie... je vous invite à entrer dans mon antre pour continuer les festivités... Venez... entrez... laissez-vous entraîner par la musique d'Halloween !

La porte de l'antre s'ouvrit à nouveau pour laisser entrer la Sorcière. Au moment, où celle-ci fut entièrement ouverte, on pu entendre de la musique.

Enfants et parents suivirent tous gaiement le cortège de la Sorcière. L'entrée était recouverte de toiles d'araignées. La maison n'était en fait qu'une seule salle de réception ou des centaines d'invités pouvaient s'y introduire. Tout le long d'un mûr, sur d'immenses tables, étaient présentés des gâteaux de sorcières que l'on reconnaissait par des noms tels que : gâteau explosif ; gâteau aux crottes de chauves-souris ; des langues de sorcières. Les confiseries se traduisaient par des : dents de vampires ; sucres empoisonnés... etc ...

On pouvait choisir toute sorte de jus de fruits. La table était d'autant plus attirante par toutes ces couleurs vives et pastelles qui se mélangeaient joyeusement.

Malheureusement, toute bonne chose a une fin. Il se faisait tard, et les enfants devaient rentrer se coucher. Mais c'est avec de sublimes souvenirs qu'ils s'endormirent profondément au milieu des milles couleurs du feu d'artifice.

IV  Le départ.

La fête est terminée. Quelle tristesse pour tous les bambins. C'était tellement bien Halloween cette année.

Pourtant, une petite joie intérieure envahi  leur petit cœur, car après tout, Fripounette, la gentille sorcière, vit toujours parmi les habitants de la ville. Alors, les enfants décidèrent d'aller rendre visite à Fripounette pendant les vacances.

Ils y trouvèrent comme à l'accoutumé, des friandises et des jus de fruits pour le goûter.

Mais aujourd'hui, Fripounette semblait triste. Cela inquiéta beaucoup les enfants.

Constance dit alors d'une voix basse :

-Pourquoi es-tu si triste Fripounette ?

-Hé, bien... justement mes enfants, je devais vous en parler... Il se passe que nous sommes bientôt à la mi-novembre, et comme vous le savez, Noël approche à grands pas... je... je dois partir aider le Père Noël !

-Tu es vraiment obligée de partir chez le Père Noël ? Tu ne peux vraiment pas rester avec nous ? dit la petite Amélie.

-Hélas, ma jolie, j'ai beaucoup de choses à préparer, et mes amis ont besoin de mon aide... répondit la Sorcière.

-Quand dois-tu repartir chez toi ? Aurons-nous le temps de venir te revoir ? répliqua Alexandre.

-Je dois absolument m'en aller samedi matin. Mais je vous promets de revenir dès que possible ! répondit Fripounette d'un sourire forcé.

L'après-midi se passa sous les éclats de rire. Puis tous les enfants rentrèrent chez eux avant la tombée de la nuit.

Samedi matin arriva. Tous les regards enfantins étaient tristes. Ils se réunirent tous devant la maison de la Sorcière Fripounette. Celle-ci sorti au bout de quelques instants. Lorsqu'elle vit les enfants sur le seuil de la porte, un sourire rayonna sur son visage. Fripounette posa ses grosses valises sur le sol, se tourna pour fermer la porte à clé. Puis, sous un gros soupir, elle dit :

-Que faites vous donc tous ici ?

Les enfants répondirent tous en cœur :

-Nous venons te dire au revoir.

-C'est très gentil à vous mes enfants. Ce geste me touche beaucoup, et prouve votre grande amitié ! Hélas, il se fait tard, et je suis un peu en retard, alors je ne vais pas pouvoir rester plus longtemps parmi vous. Mais je vous promets de revenir bientôt !

Fripounette s'installa au milieu de la rue, entourée de ses bagages, et d'un signe de la main, pour dire au revoir, les enfants la virent disparaître. Ils furent tristes de ne pas avoir eu le temps de lui faire signe à leur tour, mais ils se consolèrent en pensant aux prochaines fêtes d'Halloween.


FIN
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 31 Octobre 2013 à 17:54:10
(http://img4.hostingpics.net/pics/919067cocci1.jpg)
Coccinelle.

Une coccinelle, rouge à points noirs, est née, en plein été. Elle fait ses premiers pas, vers le monde des humains, parce qu'elle est un peu curieuse.

Elle vole de-ci, de-là, s'approche d'une maison, poussé par la curiosité, elle va vers une fenêtre éclairée. Ça a l'air chouette ici, se dit la coccinelle.

Elle rentre par la fenêtre, et va vers la lumière, cette lumière était sur un bureau, et c'est aussi la chambre d'une jeune fille. La jeune fille dessinait, à la lumière de sa lampe, il faisait nuit dehors, surprise par cet insecte qui volait près de la lampe, et voulu d'abord chasser l'insecte , par un geste de la main, sans trop s'y intéresser, tellement elle était concentrée à dessiné, sans savoir non plus, quel insecte elle chassait.

Mais la coccinelle revenait, mais cette fois sur le dessin de la jeune fille, la jeune fille leva la tête pour chasser à nouveau l'insecte, et là à sa grande surprise, elle a pris conscience que c'était une coccinelle.

La jeune fille posa son crayon, et regardait la coccinelle, qui elle regardait le dessin de la jeune fille. Elle pris une autre feuille de papier blanche, et sans effrayer, ni chasser la coccinelle, elle dessina son bureau, ses crayons, sa lampe, son taille crayons, et la coccinelle.

La jeune fille avait toujours aimait dessiner, et elle avait le dont du dessin, elle avait un grand potentiel, et un bon coup de crayon. Tout se qu'elle dessinait était magnifique, et presque réel parfois, d'autres fois c'était imaginaire.

Quand la jeune fille dessinait, elle y mettait tout son coeur, elle y passait des heures, c'était , une véritable passion.

La coccinelle était en admiration devant le dessin de la jeune fille. La jeune fille pris la patience de mettre le dessin qu'elle avait fait de la coccinelle sous un cadre, qu'elle avait suspendu au mur, de sa chambre, près de son bureau, et dans une petite assiette, de poupée que sa petite soeur lui avait donnait, elle y avait déposait des pucerons, qu'elle avait trouvé dans le jardin, avec sa soeur. la coccinelle venait tous les soirs voir la jeune fille dessiner, la petite soeur, de la jeune fille, venait chaque soir, voir cette jolie coccinelle aussi, dans la chambre de sa grande soeur, et elle se mit à son tour à faire de très beaux dessins.

Il y a eu un autre dessin suspendu au mur de la chambre de la jeune fille, sur ce dessin était dessiné, la coccinelle, la jeune fille, et sa petite soeur, dans la chambre, une nuit d'été. C'était la petite soeur de la jeune fille qui l'avait dessiné.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 01 Novembre 2013 à 16:32:14
(http://img11.hostingpics.net/pics/869893renardroux.jpg)
Compère l'Ours et le Renard Roux

De tous temps les renards ont été fourbes et paresseux, mais jamais on n'en vit de plus paresseux et plus fourbe que le Grand Renard Roux. C'était un rusé coquin, capable des plus mauvais tours. Compère l'Ours en fit la triste expérience.
Depuis quelques semaines déjà le Renard faisait maigre chère, quand il rencontra un beau matin compère l'Ours.
"Ah ! bonjour, mon cousin, lui cria-t-il d'un air d'autant plus joyeux qu'il lui savait en réserve un gros fromage et un pot de miel. Comment allez-vous ?
-Pas trop mal, répondit en grognant compère l'Ours, quoique ma vue baisse un peu. En outre, je vis bien seul, je m'ennuie..."
De trouver l'Ours ainsi disposé, le Renard suffoquait de joie, et sans plus tarder il lui proposa son amitié. Il lui fit valoir que son imagination fertile en ruses de toutes sortes compenserait largement le partage d'un pot de miel et d'un fromage, et qu'à s'associer, c'est encore lui, compère l'Ours, qui ferait une bonne affaire.
L'Ours n'y trouva rien à redire, et ce fut marché conclu. Quant au pot de miel et au fromage, il fut entendu qu'on les réserverait en vue de quelque fête. Pour l'instant, c'est à l'imagination du Renard qu'il fallait avoir recours.
"Fort bien, dit le Renard, cherchons donc une idée.
"Compère l'Ours, dit-il au bout d'un moment, en posant sa patte sur son front, je ne me sens pas à mon aise, tout d'un coup. Je crois que je ferais bien d'aller voir le docteur. Qu'en pensez-vous ?
- Je pense, répondit l'Ours, que c'est en effet prudent."
Et le Renard partit chez le médecin. Mais le cabinet du médecin, dans sa pensée, n'était autre chose que le garde-manger où compère l'Ours avait serré ses provisions. Le Grand Renard Roux y dévorât une partie du miel, puis dormit au soleil dans une pièce de foin. Il revint ensuite à la maison.
"Eh bien, demanda l'Ours, comment vous sentez-vous ?
-Beaucoup mieux, je vous remercie, dit le Renard.
-Et la médecine était-elle amère ?
-Au contraire. C'était même assez bon.
-Et le docteur vous en a-t-il donné une forte dose ?
-Mais oui. A peu près la valeur d'un demi - pot de miel.N'importe, gémit compère l'Ours, c'est toujours un bien grand ennui que d'avoir affaire au médecin.
Quelques jours se passèrent, et le Grand Renard Roux, un beau matin, ayant brossé son chapeau et peigné les poils de sa tête, dit qu'il allait à un baptême chez son beau-frère ; mais l'église n'était pas bien loin, car, cette fois encore, il ne dépassa pas le garde-manger où il dévora tout ce qui restait du miel, en léchant le pot par-dessus le marché.
"Et tout s'est-il bien passé au baptême ? demanda compère l'Ours quand le Renard fut rentré.
-Mais oui, assez bien.
-Et qu'y avait-il pour le dîner ?
-A peu près la moitié d'un pot de miel.
-Eh bien ! on a dû avoir faim à ce baptême," observa compère l'Ours pour répondre quelque chose.
Or un beau dimanche que les oiseaux chantaient dans les arbres et les criquets dans les roseaux, compère l'Ours dit, en prenant une prise :
"C'est fête aujourd'hui, nous allons manger le pot de miel et le fromage, et nous demanderons à grand-père le Bouc de venir dîner avec nous.
Le Renard se gratta l'oreille et regarda compère l'Ours du coin de l'oeil.
"Fort bien, répondit-il.
"Allez-vous-en Allez-vous-en inviter grand-père le Bouc tandis que j'irai au garde-manger chercher les provisions.
"Voyons, se dit le Renard, une fois arrivé, le calcul est simple : le fromage et le pot de miel appartiennent à tous deux, à lui et à moi, ils m'appartiennent donc à moi."
Et sans plus de façon, il s'installa et, ayant déjà mangé le miel, il dévora tout le fromage.
Quand il revint à la maison, il trouva grand-père le Bouc se chauffant les pattes au coin du feu, tandis que compère l'Ours aiguisait le couteau à pain sur le seuil de la porte de la cour.
"Ah ! bonsoir, grand-père le Bouc, quelle bonne nouvelle ?
-Mais aucune, si ce n'est que nous allons faire un bon dîner.
-Et que fait compère l'Ours ?
-Il aiguise le couteau à pain.
-Ah ! oui, je sais, et quand il l'aura aiguisé, il vous coupera les deux oreilles qu'il fera rôtir pour le dîner. Ah ! ah ! ah !"
A ces mots, grand-père le Bouc fut saisi d'une grande frayeur et prit ses jambes à son cou.
Le Grand Renard Roux s'en fut alors trouver compère l'Ours dans la cour.
"Eh bien, vous avez fait là une jolie besogne en invitant grand-père le Bouc, lui dit-il. Il vient de se sauver avec le pot de miel et le fromage, et il ne nous reste plus qu'à serrer notre ceinture d'un cran."
A cette nouvelle le sang de compère l'Ours ne fit qu'un tour. Il se précipité à la poursuite de grand-père le Bouc en criant :
"Arrêtez, arrêtez ! N'emportez pas les deux ; laissez - m'en au moins la moitié !"
Il parlait des gourmandises du dîner, mais le Bouc, croyant qu'il s'agissait de ses oreilles, trottait si vite que le gravier volait sous ses pas.
"Eh bien ! fit le Renard, quand l'Ours, suant et soufflant, eut renoncé à poursuivre le Bouc, je me demande ce que vous feriez maintenant si vous n'aviez pas la ressource de mon intelligence.
-Il faut en effet que vous nous sortiez de là, dit compère l'Ours avec un gros soupir.
-Attendez ! répondit le Grand Renard Roux. Auprès de la maison du fermier Jean, à une lieue d'ici, se trouve un garde-manger tout plein de saucisses, d'andouilles et de galettes. Je crois que nous pourrions aller voir de ce côté-là."
Et ils partirent, bras dessus bras dessous. Les deux chenapans eurent vite fait de trouver le garde-manger. Malheureusement la porte était fermée.
Le Renard avisa une lucarne assez haut placée.
"Voyons, dit-il à compère l'Ours, aidez-moi à atteindre cette fenêtre, j'entrerai par là et je vous passerai les friandises à mesure."
Compère l'Ours donna le pied au Grand Renard Roux et, hop ! celui-ci glissa dans la salle des provisions comme une carpe dans l'eau.
Naturellement il commença par dévorer tout ce qu'il trouva. Entre temps il criait à compère l'Ours.
"Hé ! compère, que voulez-vous que je vous passe d'abord, les saucisses ou les galettes ?
-Chut ! chut ! répondit l'Ours ; parlez moins haut.
-Oui, oui, hurla le Renard, les saucisses ou les galettes ?
-Mais taisez-vous donc, reprit l'Ours. Vous allez ameuter toute la ferme. Prenez ce que vous avez sous la main, et surtout faites vite.
-Oui, oui ! disait le Renard, si fort que son gosier était sur le point d'éclater ; puisque je vous dit que j'ai tout sous la main. Décidez-vous !"
Mais compère l'Ours n'eut pas à se décider, car le fermier arrivait avec ses gens et trois gros chiens.
"Ah ! ah ! dit le fermier. Voilà compère l'Ours qui vient me voler mes saucisses et mes andouilles ! Je ne vais pas le manquer."
Et l'on poursuivit le pauvre Ours jusque sur la colline, où il reçu la plus belle volée de bois vert de toute sa vie.
"Tandis qu'on poursuit compère l'Ours par ici, se disait pendant ce temps le Renard, je vais filer par la fenêtre qui donne derrière la ferme !"
Or on avait mis sur cette fenêtre une trappe pour prendre les rats : le Grand Renard Roux n'en savait rien. Il va pour sauter et clic ! la trappe se referme, le prend par la queue, et il reste suspendu !
Et pour comble de malheur, voilà le fermier Jean qui revient, car il avait entendu le Renard pousser un cri, et il fut vite là avec tout son monde et ses trois gros chiens.
"Fermier Jean, supplia le Renard, ne me faites pas de mal. Ce n'est pas moi le voleur ; c'est compère l'Ours.
-Oui, oui, répondit le fermier ; compère l'Ours a été corrigé comme il méritait ; chacun son tour !"
Alors le Grand Renard Roux fit des efforts désespérés pour retirer sa queue. Crac ! la queue se rompit et, criant et hurlant, il décampa aussi vite qu'il put avec le fermier Jean, les hommes et les chiens à ses trousses.
Le Grand Renard Roux mit de longs mois à se guérir des coups de bâton et des morsures de chien que lui avait valus sa fourberie.
En outre, privé de sa queue, ornement sans lequel les renards n'osent pas se montre, il dut se retirer du monde et, nourri de racines et d'eau, il termina misérablement sa vie au fond d'un terrier.
Quant à l'Ours, il avait juré qu'à l'avenir il ne s'associerait plus jamais avec un coquin de l'espèce des renards.

Jean MARBEL
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Novembre 2013 à 15:16:00
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Mon cygne argenté

Cinq années ont passé,
et ils sont toujours ensemble ;
cinq années, et j'ai toujours la plume
de mon cygne argenté.
Où que j'aille, je l'emporte avec moi.
Elle ne me quittera jamais.



      Un cygne s'est posé sur mon lac, une nuit, un cygne argenté. Je pêchais la truite au clair de lune. Elle vola au-dessus de moi, ses ailes bruissaient dans le vent. Elle fit deux fois le tour du lac avant de se poser, argentée, argentée sous la lune. Je l'observai sans bouger, tandis qu'elle croisait ses ailes et glissait, majestueuse, sur le lac devenu son royaume. Je restai longtemps ainsi, fasciné, incapable de détacher mon regard.
      Je retournai chaque jour au bord du lac, dès lors, non pour pêcher la truite, mais simplement pour regarder mon cygne argenté. Au début, je prenais mille précautions pour ne pas l'effrayer, restant sans bouger à l'ombre des aulnes. Mais elle devinait ma présence, j'en avais la certitude. Je la trouvai bientôt près du rivage, qui attendait ma venue. Je pris l'habitude d'apporter des croûtons de pain. Elle leur accorda d'abord un regard prudent, presque dédaigneux. Mais au bout de quelque temps, elle étira son long cou, les attrapa au fil de l'eau et se sauva triomphalement.
      Un jour, j'osai tremper les croûtons de pain pour elle, j'osai les lui tendre dans le creux de ma main. Elle s'empara de la poignée de croûtons, s'éloigna, pour revenir quelques instants plus tard. Elle avançait si près maintenant que je pouvais toucher son cou. Je lui parlais tout en la caressant. Elle écoutait vraiment. Je sais qu'elle écoutait. Je n'ai pas vu arriver le mâle. Un matin, je l'ai trouvé qui nageait à ses côtés au milieu du lac. Ils s'aimaient déjà. C'était une telle évidence. Quand ils buvaient, ils plongeaient ensemble leurs deux cous enlacés, quand ils volaient, leurs ailes battaient en parfaite harmonie, à l'unisson. Je crois qu'elle savait que j'étais là, que je la regardais. Mais elle n'est plus revenue me voir, et elle n'a plus attrapé de croûtons dans son bec. Je m'efforçais d'être content pour elle et d'oublier ma propre tristesse, mais c'était difficile.
      Quand l'hiver sembla s'incliner devant le printemps — sembla seulement —, ils commencèrent à construire leur nid sur la petite île, au milieu du lac. Je devais utiliser mes jumelles pour les observer. Je venais chaque jour, quel que fût le temps. Je pressentais quelque chose. Ils n'étaient plus uniquement occupés à lisser leurs plumes, à se nourrir ou simplement à glisser sur le miroir du lac en emportant leur reflet. Ils bâtissaient un nid — un piètre nid à mon avis —, informe et grossier, parmi les roseaux qui bordaient l'île.
      Ils mirent plusieurs jours à le bâtir. Ils semblaient n'être jamais satisfaits du travail de l'autre. Tantôt la brindille apportée était trop grosse, tantôt trop mince, ou tout simplement pas au bon endroit. Je ne les vis jamais ergoter de la sorte, non, mais mon cygne argenté réarrangeait discrètement le nid à son goût quand le mâle n'était pas là. Et il faisait la même chose quand elle n'était pas là.
      Puis un matin étonnamment froid, le ciel était lumineux et le sol craquait sous mes pas, je découvris mon cygne argenté qui trônait enfin sur son nid tandis que le mâle montait fièrement la garde sur les eaux du lac. Je savais qu'il y avait des renards alentour. Je les avais entendus glapir — l'écho de leurs cris déchirait souvent la nuit. J'avais reconnu leurs empreintes dans la neige, mais je n'en avais jamais vraiment rencontré.
      La nuit tombait. Je rentrais du lac à travers bois quand j'aperçus une famille de cinq renardeaux. Leur mère veillait à proximité. Ils ne m'avaient pas vu, ils n'avaient pas flairé mon odeur, alors je m'accroupis pour les regarder. Je remarquai immédiatement qu'ils étaient affamés, mais trop affaiblis pour réclamer à manger à leur mère. Elle-même était si maigre, presque décharnée. Je me souviens avoir pensé : cette famille de renards ne s'en sortira pas si le printemps tarde à venir, si l'hiver dure trop longtemps.
      Mais, cette année-là, l'hiver dura longtemps, trop longtemps.

      J'oubliai bientôt les renards. J'avais d'autres préoccupations, plus importantes. Mon cygne argenté et son mâle montaient continûment la garde ; quand mon cygne argenté devait quitter le nid pour aller se nourrir, le mâle redoublait de vigilance. Et, comme elle recouvrait à chaque fois ses œufs de brindilles, je ne pouvais ni les voir, ni bien sûr les compter.
      Alors je décidai de compter les jours, et je pris la résolution de descendre au lac quoi qu'il arrive, et d'y rester à attendre aussi longtemps qu'il le faudrait. Mais un brouillard très dense tamisait les premières lueurs du jour tant attendu. Je courus jusqu'au lac. Depuis le rivage, l'île était invisible, le lac même avait disparu sous les nappes de brume. Je n'entendais que les cris assourdis du héron et de la poule d'eau. Mais je restai aux aguets toute la journée, et aussi le jour suivant.
      J'étais toujours là deux jours plus tard lorsque, au matin, le brouillard se dissipa enfin, laissant filtrer un pâle soleil. Je retrouvai l'île. Je dirigeai mes jumelles vers le nid. Il était vide. Je scrutais vainement l'horizon encore jonché de lambeaux de brume. Pas le moindre remous. Puis, tout à coup, je les vis, mon cygne argenté, son mâle et quatre petits cygnes. Ils amorcèrent un virage près du rivage et passèrent devant moi. Je jure qu'elle me les présentait en les promenant si fièrement. Ils nageaient tous deux avec une telle assurance, entraînant les petits cygnes dans leur sillage. Mais j'avais mal compté, il y avait un cinquième bébé juché entre les ailes repliées de sa maman. Un fragile voyageur, pensai-je, plus petit que les autres, peut-être, mais bien chanceux en tout cas.
      Cette nuit-là, le vent souffla du nord et gela le lac tout entier. Je me demandais ce qu'ils deviendraient. Mais j'avais tort de m'inquiéter. Ils s'étaient préservé une petite pataugeoire dont ils brisaient chaque jour la mince couche de glace. Ils avaient suffisamment à manger, suffisamment à boire. Les bébés grandissaient de jour en jour, l'un d'eux était effectivement plus petit, mais, à son rythme, il forcissait lui aussi.
      Puis une nuit, pendant mon sommeil, il se mit à neiger. Il neigea sur la ferme, sur les arbres, sur le lac gelé. Au matin, un silence ouaté enveloppait la campagne. Je ramassai des croûtons de pain et me précipitai vers le lac. En sortant du petit bois, je remarquai des empreintes de renard dans la neige. Elles menaient jusqu'au lac. J'accélérai ma course, trébuchant dans la neige, redoutant le pire.
      Le renard tournait autour du nid. Mon cygne argenté défendait ses petits de toute son énergie, son corps frémissait de fureur, son cou était tendu, ses ailes fouettaient rageusement l'air. J'ai crié, j'ai hurlé. Mais j'arrivais trop tard, et j'étais trop loin pour lui venir en aide. Le renard s'élança, telle une flèche, la saisit par l'aile et l'entraîna avec lui. Je courus sur la glace. Je la sentis craquer sous mes pieds. L'eau m'arrivait jusqu'aux genoux et je continuai de hurler. Mais le renard n'abandonna pas. Je voyais le sang, rouge écarlate dans la neige immaculée. Les cinq petits cygnes semblaient paralysés par la peur. Mon cygne argenté continuait de se défendre, mais elle perdait la partie, et je ne pouvais rien pour elle.
      J'entendis tout à coup un bruissement d'ailes dans le ciel. Le mâle ! Il plongea, attaqua le renard en piqué. Ce dernier lâcha sa proie et détala dans la neige, poursuivi par le mâle. J'ai d'abord cru que mon cygne argenté était mort. Elle gisait, inerte, dans la neige. Mais elle s'est remise sur ses pattes et s'est dirigée en boitillant vers son île, une aile battant faiblement, l'autre pendant, ensanglantée. Elle rassembla ses petits, ils étaient tous là. Elle les enveloppait dans une longue étreinte muette quand le mâle réapparut dans le ciel. Il se dirigea vers elle et se posa tant bien que mal sur la glace.
      Il resta près d'elle toute la journée, sans la quitter un seul instant. Il savait qu'elle se mourait. Je l'avais compris moi aussi. Mon cœur était empli de haine et de ressentiment. Je restai là, assis sur le rivage, et l'envie d'aller chercher le fusil de mon père pour traquer le renard meurtrier me traversait régulièrement l'esprit, mais je pensais alors à ses renardeaux et je comprenais qu'elle avait simplement fait ce que toute maman renard aurait fait à sa place.
      Je restais des jours près du lac gelé, à poursuivre ma funèbre veillée. Le mâle s'occupait des petits maintenant. Mon cygne argenté dormait tout près, la tête blottie sous son aile. Elle ne bougeait pratiquement plus. Je n'étais pas près d'elle mais je connais le moment exact de sa mort. Je le connais parce qu'elle le chanta. On dit que les cygnes ne chantent que lorsqu'ils sont sur le point de mourir et c'est vrai. J'étais en train de ramasser du bois pour le feu avant de monter me coucher. Dans la nuit claire et étoilée, son chant était plus pur et plus doux que toutes les voix humaines, tous les chants d'oiseaux que j'avais entendus. Ainsi chanta mon cygne argenté au moment de mourir.
      Je pensais trouver son corps sans vie sur l'île le lendemain matin, mais je ne l'y vis point. Le cygne mâle était sur le nid, immobile, comme pétrifié, entouré des cinq petits cygnes. J'entrepris de la chercher. Je suivis la traînée de sang, de duvet et de plumes qui longeait le rivage et se poursuivait dans les bois. Je savais où elle menait. J'approchais sans bruit. Les renardeaux semblaient repus, ils jouaient gaiement près de leur mère. La renarde, elle, était absorbée par sa toilette ; un monceau de plumes blanches jonchait le sol et elle secouait la tête pour se débarrasser du duvet resté collé et qui l'accusait. Comme je la détestais. Je courus vers elle et j'ai hurlé. Elle disparut avec ses renardeaux dans les broussailles et je restai seul dans les bois. Je ramassai une plume argentée et je me mis à pleurer de chagrin et de colère mêles.
      Le lendemain, le printemps arriva enfin et la neige se mit à tondre. Le mâle et les cinq petits cygnes étaient maintenant hors de danger. J'espaçais mes visites, le lac n'était plus le même sans mon cygne argenté. J'allais tout de même voir comment allaient le cygne et ses petits. J'étais soulagé de constater qu'ils se débrouillaient plutôt bien, jusqu'au jour où je remarquai qu'ils n'étaient plus que quatre petits autour de leur père, les quatre plus résistants. J'ignore ce qui arriva au plus faible. Mais je ne le revis jamais. Pas si chanceux que ça, finalement. De temps à autre, le mâle emmenait ses enfants près du rivage, ils m'attendaient. Je leur apportais des croûtons de pain, mais au bout de quelque temps, il cessa de venir.
      Les semaines passèrent, et puis les mois ; les cygnes grandissaient. Le mâle quittait rarement l'île maintenant. Il restait à l'endroit précis où je vis mon cygne argenté pour la dernière fois. Il ne nageait plus, il ne mangeait plus, il ne lissait plus ses plumes. Il devenait un peu plus évident chaque jour qu'il se consumait de chagrin, qu'il se laissait mourir d'amour.
      Je repris mon poste d'observation. Je me devais d'être près de lui. C'est ce qu'aurait souhaité mon cygne argenté, j'en suis persuadé. J'étais donc là quand cela s'est passé. Surgissant de nulle part, un cygne vola au-dessus du lac. Elle se posa juste en face de lui. Le mâle se dirigea vers elle, descendit dans l'eau, et nagea à sa rencontre. Je les observais, ils se regardèrent attentivement pendant quelques minutes. Quand ils buvaient, ils plongeaient ensemble leurs deux cous enlacés, quand ils volaient, leurs ailes battaient en parfaite harmonie, à l'unisson.

Michael Morpurgo
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Novembre 2013 à 14:13:47
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La broderie

Il était une femme si pauvre qu'elle n'avait devant sa porte pas même une chèvre, pas même un jardon potager. Elle était veuve, elle habitait avec ses trois fils une petite maison bâtie de pierres sèches, au bout d'un village bourbeux, gris et rude. Un sentier grimpait parmi les cailloux et l'herbe rare vers les neiges éternelles. C'était là son paysage familier.

Cette femme tissait et brodait merveilleusement. Tous les jours, de l'aube au crépuscule, elle inventait en fils de soie multicolores des fleurs, des oiseaux, des animaux sur des tissus blancs. Ces broderies, elle allait les échanger de temps en temps contre quelques poignées de riz, au marché de la ville voisine. Ainsi elle gagnait assez pour survivre et nourrir ses enfants.

Une nuit, dans son sommeil, une lumière merveilleuse s'allume dans sa tête. Elle rêve qu'elle s'avance dans un village qui ressemble au sien. Pourtant il est infiniment plus beau : les maisons sont à trois étages, fièrement bâties au milieu de jardins peuplés d'oiseaux, d'arbres fruitiers, de fleurs et de légumes magnifiques. Un ruisseau transparent bondit parmi des rochers moussus. Au loin, sur la montagne, grimpent des pâturages, des moutons, des vaches au poil luisant. La pauvre femme, devant ce paysage, reste longtemps éblouie comme une enfant naïve, puis elle s'éveille sur son lit troué, dans sa maison froide. Elle se lève, sort devant sa porte. Une folle envie envahit tout à coup son coeur et son esprit : broder son rêve sur un tissu de laine avant qu'il ne s'efface de sa mémoire. Le jour même, elle se met à l'ouvrage, assise au coin du feu. Trois ans durant, elle travaille obstinément, jour et nuit, dormant à peine quelques heures avant l'aube. Au soir tombé, elle allume une torche et se penche sur son ouvrage. Ses yeux irrités pleurent. Qu'importe : ses larmes, elle les brode, elle fait d'elles le ruisseau bondissant qui traverse le village rêvé. La deuxième année, les yeux de la pauvre femme sont tellement usés qu'ils saignent, et, de ses larmes rouges tombées sur le tissu, elle fait des fleurs dans les jardins et le soleil de cuivre éblouissant dans le ciel. Au dernier matin de la troisième année, l'ouvrage est fini. Le paysage brodé est exactement semblable à celui qu'elle a vu en rêve. Elle contemple les maisons à trois étages, les jardins - pas un fruit ne manque aux arbres - le ruisseau, les moutons, les buffles dans le pâturage de la montagne, les oiseaux traversant le ciel. Elle est heureuse. Elle appelle ses trois fils : " Regardez, dit-elle fièrement ". Les enfants n'ont jamais rien vu d'aussi beau. Ils s'extasient. " Allons à la lumière du jour, nous verrons mieux. " Ils sortent devant la porte et déposent le grand carré de tissu brodé sur un rocher, en plein soleil. Ils s'éloignent un peu pour mieux le voir. Mais voici qu'un coup de vent subit traverse le village, siffle dans les buissons, couche les touffes d'herbe. Il emporte la broderie merveilleuse, comme une voile, comme un oiseau aux vastes ailes avant que la mère et les enfants affolés aient eu le temps de la retenir. La pauvre femme, les bras au ciel, pousse un grand cri et tombe évanouie. Ses fils la portent dans la maison, la couchent sur son lit, la raniment, puis ils vont courir la montagne, jusqu'à la nuit, et le lendemain tout le jour, à la recherche du chef d'oeuvre envolé. Ils rentrent au soir bredouilles, désolés, épuisés.

Alors leur mère commence à dépérir. Elle ne veut plus manger, elle ne peut plus travailler, elle se meurt, lentement. Ses fils, tous les soirs, gémissent à son chevet. Un jour enfin, elle dit à l'aîné : " Il faut que tu retrouves ma broderie perdue. Pars à sa recherche. Si dans un an tu n'es pas revenu, tu ne me reverras pas vivante ".

Le lendemain, à l'aube, l'aîné chausse ses sandales et s'en va. Un an passe, il ne revient pas. Sa mère, maintenant, est maigre comme la Mort. Elle ne parle plus guère. Un matin, elle dit pourtant à son deuxième fils : " Mon enfant, puisque ton frère nous a oubliés, il est temps que tu partes à ton tour. Va chercher l'image que j'ai brodée, trois ans durant. Si, dans un an, tu n'es pas revenu... Elle hoche la tête, deux larmes ruissellent sur ses joues. Son deuxième enfant s'en va. Il se perd lui aussi. Alors sa mère appelle son troisième fils et lui dit : " Je suis faible comme une mouche. Je ne résisterai plus longtemps. Va, et si tu as pitié de moi, ne m'oublie pas.

Son troisième fils, qui s'appelle Losang, s'en va vers le soleil levant, comme ses frères. Il marche longtemps, traverse des vallées, gravit des montagnes. Il se nourrit de fruits sauvages, il boit l'eau des sources et s'endort au creux des rochers quand la fatigue le fait trébucher. Enfin, un matin, il parvient devant une vaste plaine verte. Le ciel est limpide. Un vent léger courbe l'herbe haute. Au loin, il aperçoit une maison de pierre, assez semblable à celles de son village. Devant cette maison, un cheval étrangement immobile, la bouche ouverte, tend le cou vers un tas de fourrage. Losang s'approche : " Pourquoi cet animal ne mange-t-il pas sa pitance ? se dit-il. On dirait une statue. Il s'approche encore et s'arrête, bouche bée. Le cheval est en pierre. Il le contemple un moment. Alors, sur le seuil de la maison apparaît une vieille femme souriante, qui lui dit : " Je t'attendais mon fils, je sais ce que tu cherches : le carré de laine sur lequel ta mère a brodé un paysage vu en rêve. Oh, je n'ai aucun mérite à savoir cela, tes deux frères m'ont tout raconté. L'un après l'autre, ils sont passés par ici avant toi. Je leur ai conseillé de ne pas aller plus loin, car le chemin qui conduit à la broderie merveilleuse est très malaisé. Je leur ai dit : " Si vous voulez rentrer chez vous, je vous donne pour la route un coffret plein de pièces d'or ". Ils ont accepté. Ils sont partis vivre en ville. Et toi, garçon, que feras-tu ? - Moi, répond Losang, je n'ai que faire de ton or. Je veux retrouver le paysage brodé par ma mère sur le carré de laine. Si tu connais le chemin que je dois suivre, aide-moi. - Ecoute, dit la vieille. Ce n'est pas un coup de vent ordinaire qui a emporté le carré de tissu brodé. Ce sont les fées de la montagne ensoleillée qui l'ont pris. Elles l'ont trouvé tellement beau qu'elles ont voulu broder le même. Or, tu ne peux arriver au pays des fées, sur la montagne ensoleillée, qu'en chevauchant ce cheval. - Il est pierre, dit Losang. - Peu importe, répond la vieille. Le cheval reprendra vie si tu plantes dans ses gencives tes propres dents, afin qu'il puisse manger dix brins de fourrage. Si tu veux, je peux t'aider, je peux arracher ta mâchoire. Non ? Nous verrons, tout à l'heure. Sur ce cheval, tu devras traverser les flammes d'un volcan, les crevasses d'un glacier, et les tempêtes d'un océan. Alors tu trouveras la montagne ensoleillée ". Ainsi parle la vieille.

Aussitôt Losang prend un caillou et se brise les dents. Il les plante dans la gueule ouverte du cheval. Le cheval grignote dix brins de fourrage. Le voilà, tout à coup fringant comme un pur-sang. Losang monte en croupe, salue la vieille et s'en va. Chevauchant, il parvient dans un désert de rochers noirs. Sur ce désert, se dresse une montagne de feu. Il pousse son cheval dans les flammes. Il étouffe, il brûle, le dos courbé dans la fournaise, il va succomber, à bout de forces. Le cheval bondit hors du feu. Losang chevauche encore un jour et une nuit, sur une plaine blanche. Alors il voit devant lui un glacier étincelant. Il le traverse, grelottant, s'écorchant aux rocs transparents, tranchants comme des couteaux. Au bout de ce glacier, voici l'océan immense et gris. Losang plonge dans les vagues avec son cheval. Il s'épuise contre une tempête rugissante. Combien de temps ? Il ne sait. Enfin, un matin, il voit devant lui dressée une montagne verte, ensoleillée, merveilleuse.

Il découvre les fées dans une prairie. Elles sont assises en rond, penchées sur des broderies multicolores. Au milieu d'elles, sur l'herbe, est posé le carré de tissu brodé, depuis si longtemps perdu. Les fées accueillent Losang avec affection. Elles sont belles. La plus jeune l'émeut beaucoup. Elle dit au jeune homme : " Nous savons ce que tu es venu chercher. Tu pourras emporter l'ouvrage de ta mère, demain matin, car nous n'avons pas encore fini de le recopier. D'ici là, tu es notre invité. Losang, jusqu'au soir, se promène sur la montagne ensoleillée bavardant avec la jeune fée. Au crépuscule, elle lui dit : " Nous allons nous séparer. Mais je veux d'abord te faire un cadeau ". Elle prend un fil d'or, se penche sur le paysage rêvé par la vieille mère, brode sa silhouette de fée au bord du ruisseau qui traverse l'image et disparaît.

Le lendemain, Losang s'en va, emportant ce qu'il est venu chercher. Il arrive dans son village, après longtemps de chevauchée. Il bondit dans sa maison : " Mère, regarde, dit-il en triomphant ". Il déroule carré de tissu. La broderie est tellement belle que la maison en est illuminée. Sa mère tremble, tant elle est heureuse. " Allons au soleil, dit-elle, devant la porte, nous le verrons mieux. " Ils sortent. Alors un coup de vent arrache l'ouvrage des mains de Losang. Mais cette fois, par un étrange prodige, il ne l'emporte pas au loin, il l'étend. Le paysage brodé s'agrandit tant qu'il recouvre bientôt le vieux paysage familier. Il prend vie. Voici la montagne couverte de troupeaux, et les maisons à trois étages, et les jardins. Au bord du ruisseau où bondit l'eau fraîche, une jeune fille est penchée. Losang court vers elle. C'est la plus jeune des fées qui a brodé sa silhouette sur le paysage. Ils s'embrassent, en riant. Quelques jours plus tard, ils se marient. Losang, entre sa femme fée et sa mère, vécut heureux sous le soleil clair.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 05 Novembre 2013 à 14:09:29
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Étoile de Neige

Est-ce une étoile qui se pose au creux de ma main ? Qu'est-ce que cette petite chose si belle, si délicate... et qui fond en un instant ? De la neige ! Un flocon de neige !

–Mais qui t'as vêtu d'une si douce robe de cristal ? lui dis-je.

C'est alors qu'apparut, au creux de ma main, un petit être tout habillé de blanc. Sa tête était couronnée de diamants. Du bout de ses doigts, il semblait lancer des étoiles.

–Je me nomme Étoile de Neige, dit-il aussitôt. Je suis un des artisans de l'Hiver.

De l'Hiver ?

–Oui, de l'Hiver ; la saison où se reposent les racines et les semences endormies sous la neige. Au printemps, elles s'éveillent, pleines de force. Poussent alors les herbes et les fleurs. Il y a un temps pour se reposer, et un temps pour travailler. Ainsi, chaque saison est utile !

Il se releva sur la pointe des pieds, étira ses petits bras, puis ajouta :

–Je suis un artisan de la Nature. Et toi, qui es-tu, et que fais-tu ?

–Oh moi, je ne suis qu'un garçon qui ne fait jamais rien d'important...

Au premier coup de vent, le petit être lumineux était disparu, en riant. C'était déjà le soir, et je pensais : «Étoile de Neige, comme j'aimerais être à ta place ! Je me sentirais là tellement plus utile !» Revenu chez moi, je regardais par la fenêtre et j'allais m'endormir, pendant que ma mère me chantait cette berceuse :

«Je m'envole au pays des rêves
Et je ferme doucement les yeux,
Je m'envole au pays des rêves,
M'attends-tu, ô bel oiseau bleu ?
M'attends-tu, ô bel oiseau bleu ?

Irons-nous au-delà des nuages
Nous balancer sur l'arc-en-ciel,
Verrons-nous les plus beaux paysages
Et tous nos amis dans le ciel ?
Et tous nos amis dans le ciel ?»

–Il dort déjà ! se dit ma mère.

Porté par l'Oiseau des Rêves, je survolais les nuages, de plus en plus haut, de plus en plus loin, jusqu'à ce que celui-ci se pose devant une grande maison. Là, des êtres rayonnants m'invitèrent vite à entrer. Nous étions dans une grande salle, dont le plancher brillait comme un miroir. Sur un trône de cristal était assis un jeune roi. C'était Étoile de Neige!

–Cher garçon qui ne fais jamais rien d'important, te voilà aujourd'hui même dans l'Atelier des Nuages, là où nous formons la neige !

Quelle merveille ! Partout autour de moi des êtres travaillaient, en dansant joyeusement comme la neige au vent, et en chantant des airs joyeux comme ceux de Noël !

«Ding-dong, ding-dong !
Chantons, chantons
Comme des clochettes !
Dansons, dansons,
Soufflons les flocons !
Cristal ou diamant,
Que la neige est belle !
Dans les prés, dans les champs,
Voilà, tout devient blanc !

Ding-dong, ding-dong !
Chantons, chantons
Comme des clochettes !
Dansons, dansons,
Soufflons les flocons !
Cristal ou diamant,
Que la neige est belle !
Sur le nez des petits enfants,
Sur mon beau chapeau blanc !»

Ils travaillaient tous avec tellement de joie ! Quel bonheur de se sentir si utile ! Pensez donc : le monde entier, avec toutes ses étoiles, tous ses brins d'herbe et tous ses grains de sable ; tous les petits animaux qui doivent naître au printemps, et tous les fruits si doux pour les nourrir... Que de travail, pour les artisans de la Nature ! Ah, si je pouvais les aider... si je pouvais être utile, moi aussi !

Étoile de Neige m'a alors regardé, avec son plus beau sourire, puis m'a dit, en posant sa main sur mon cœur :

–Sois courageux, mon brave ami. Courageux comme le moineau dans le froid de l'hiver. Le monde est tellement grand : il y a sûrement du travail pour toi !

Et je me suis réveillé. Maman préparait le petit déjeuner à la cuisine, et les bonnes odeurs me chatouillaient le nez. Mais peu de temps après, j'étais déjà dehors : pour voir tomber, sur le bout de mon nez, les cristaux de neige. Mes mains avaient encore la bonne odeur de l'orange.

Ce matin-là, j'étais si heureux que j'ai voulu, moi aussi, partager le travail de la Nature. Fabriquer des cristaux de neige, tirer les fleurs de la terre, pousser les nuages dans le ciel ? Voyons donc ! J'ai plutôt pris ma pelle rouge, encore toute neuve, et j'ai nettoyé le sentier qui mène à notre porte : voilà un travail juste pour moi ! En travaillant, je chantais de tout mon cœur :

«Chantons, chantons, comme des clochettes !...»

Mon père, qui me regardait par la fenêtre, était bien surpris :
–Viens donc voir, dit-il à ma mère, comme notre garçon travaille bien ! Qu'est-ce qui le rend si joyeux ?

Maintenant, je ne rêve plus d'être un gnome, un lutin léger, car je sais que nous sommes tous différents et que nous avons chacun un travail particulier à faire.

Des grands êtres dans les montagnes aux plus petits artisans des fleurs, tous se tiennent la main comme pour une grande ronde. Et pourquoi ne pas entrer, nous aussi, dans cette joyeuse danse où chacun pense à l'autre ?
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Novembre 2013 à 11:30:02
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LA NAISSANCE DE LA LAVANDE

Cette histoire se passe au Moyen-Age, en Provence en un lieu où s'étendait un superbe champ d'oliviers. Les arbres centenaires étaient fiers d'offrir au vieil homme qui était leur propriétaire.

Une année, ils eurent à affronter un hiver catastrophique. Les arbres séculaires pensèrent d'abord à une vague de froid passagère. Mais un matin de février, une formidable tempête s'abattit sur la plaine. Les oliviers en avaient vu d'autres et ce n'est pas de la neige projetée par le mistral qui les effrayait. Mais voilà qu'à minuit le tonnerre se mit à claquer alors que le vent rugissait tel un fauve furieux. Les arbres tentaient de résister stoïquement.
Au petit matin, ils se félicitaient mutuellement de leur héroïque attitude.
La nuit suivante fut pire encore. Le température devint glaciale et la tempête redoubla de force et de violence. Pendant que les arbres enduraient avec bravoure les charge de la tornade, la foudre tomba au beau milieu du verger dans une indicible détonation.

Le lendemain matin, le propriétaire, le Père Fontanille, découvrit l'un de ses protégés gisant, déraciné, les branches disloquées. Il pouvait, grâce à un élixir mis au point par son père, réparer les blessures de ses chers oliviers, mais contre le mal irréversible de celui-ci il ne possédait pas de remède.
Le lendemain, il décida de débiter l'arbre déraciné puis de l'apporter à Marius, le sculpteur, afin que celui-ci lui donne une nouvelle vie en taillant dans son bois des ustensiles pour la table et le plaisir des touristes. Cela valait mieux que de finir comme bois de chauffage.

Le paysan ne se consolant pas de la perte du plus beau de ses oliviers prit la décision de le remplacer par un arbre fruitier qu'on lui avait donné et dont les branches devaient, prétendait-on, porter de délicieuses boules sucrées et à la chair juteuse. C'est ainsi que le mirabellier, inconnu en cette région, y fit son entrée.
Quel ne fut pas l'étonnement des oliviers à la vue de ses feuilles « vert grenouille » et d'une forme tellement bizarre. Les mois passèrent et le mirabellier se sentait bien seul.
Et au printemps, ses voisins dédaigneux s'esclaffèrent : « vous avez vu comme ses fleurs sont ridicules ! Aussi grosses, c'est bon pour des mouches à miel. ».

A l'automne, les arbres ne souffrant plus du tout de leurs blessures se couvrirent de mille et mille olives alors que le mirabellier esseulé se morfondait.
Désespéré, le printemps suivant, il ne déplia même plus ses feuilles.
Le Père Fontanille ne savait plus que faire.
Un soir, alors qu'il arpentait l'oliveraie en réfléchissant à une solution miracle, dans un geste maladroit il bris avec sa fourche la plus grosse branche de l'arbre et un déluge de sève coula de la blessure. Le vieil homme se précipita au mas pour quérir l'élixir et revint en tout hate pour soigner et cajoler le mutilé. Il le consola d'un flot de paroles et de potion3
Dès le lendemain matin, les bourgeons recroquevillés de tristesse éclatèrent ! Des bouquets de fleurs s'épanouirent qui firent place à de petits fruits qui grossissaient chaque jour. Le mirabellier avait retrouvé sa joie de vivre.
Les abeilles se mirent à butiner goulûment les drupes mures.
Un matin, un enfant vint à passer par là et cueillit quelques mirabelles dont il se régala sans mesure. Puis une jeune fille en savoura quelques unes avec délectation. Un ancien passant par là s'arrêta net. Il venait de reconnaître ce prunier qu'il avait rencontré au Moyen-Orient et dont il avait rapporté un scion.
Le pauvre mirabellier, quant à lui, ne se sentait pas bien. Dans l'euphorie du bonheur, il avit réussi à oublier l'hostilité de ses voisins mais après plusieurs semaines, il était encore davantage mis à l'écart par les arbres qui lui enviaient un tel succès.

Le lendemain, un étranger vint à passer par là. Il fut ébloui par le mirabellier. Il voulut absolument faire la connaissance de son propriétaire. Aussitôt il proposa au père Fontanille de lui acheter, ce que ce dernier accepta, instinctivement conscient de la peine du mirabellier face à l'inimitié des oliviers.
A la tombée du jour, les deux hommes entreprirent de le déterrer avec moult précautions, pour ne traumatiser ni les racines, ni les branches, ni les fruits.
L'arbre, peu habitué à de tels gestes d'amour et à de telles marques de sollicitude, en fut si touché qu'une perle toute de bonheur et de sève roula le long de son tronc avant de disparaître dans le sol.
Le lendemain, une magnifique touffe de lavande fleurit à l'emplacement exact où la larme du mirabellier avait coulé et pénétré en terre.
On raconte depuis que cet étranger des marches de l'Est regagna sa lointaine contrée, afin de replanter l'arbre aux bonbons d'or et que celui-ci proliféra à l'aune de l'amour de son nouveau maître et de ses charmants voisins de verger, pommiers et quetschiers.

Et c'est ainsi que la lavande naquit en Provence, de la larme de bonheur d'un mirabellier et que la Lorraine fut choisie pour terre d'élection par la mirabelle.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 08 Novembre 2013 à 15:04:42
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Les singes qui portaient des casquettes

Il était une fois un beau jeune home qui voyageait de village en village. Il était marchand de casquettes. Un soir d'été, alors qu'il traversait une vaste forêt, il se sentit fatigué et décida de faire une sieste à l'ombre d'un manguier plein de branches.

Il posa son sac de casquettes à côté du tronc et s'endormit. Après un petit moment, il se réveilla, il n'y avait plus aucune casquette dans son sac.

"Mon Dieu, se dit-il. Est-ce que des voleurs sont venus tout me dérober ? » Il s'aperçut alors que le manguier était plein de singes adorables portant des casquettes de toutes les couleurs.

Il hurla après les singes, et les singes hurlèrent en retour. Il leur fit des grimaces, et ils firent les mêmes mimiques amusantes. Il leur lança une pierre, et ils le douchèrent de mangues fraîches.

« Comment récupérer mes casquettes ? » se dit-il. Irrité, il retira sa casquette et la jeta par terre. A sa grande surprise, les singes jetèrent leur casquette aussi. Il ne perdit pas une minute, récupéra ses casquettes et reprit sa route.

Cinquante ans après, son petit fils traversa la même jungle. Après une longue marche, il trouva un beau manguier plein de branches, avec une ombre fraîche, et décida de se reposer un moment. Quelques heures plus tard, lorsqu'il se réveilla, toutes les casquettes avaient disparu de son sac. Il commença à les chercher, et trouva bientôt des singes qui étaient assis dans le manguier, avec des casquettes sur la tête.

Il se souvint alors d'une histoire que son grand père lui racontait – et fit un signe de la main aux singes. Les singes firent un signe de la main. Il se moucha, et les singes se mouchèrent. Il jeta sa casquette par terre, et alors un des singes sauta de l'arbre, marcha jusqu'à lui, lui donna une tape dans le dos et lui dit : « Tu penses être le seul à avoir eu un grand-père ? »
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 08 Novembre 2013 à 15:23:45
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Le Lotus et la Carpe

Voici l'histoire banale d'un lotus qui se pensait très beau.

Un lotus, dans le bassin d'un temple, se prélassait au soleil, étalant ses beaux pétales fermes et brillants. De nombreux fidèles du temple s'arrêtaient pour le contempler, lui faisant de nombreux compliments. Difficile de rester modeste face à l'éloge. C'est la plus grande difficulté d'un lotus de temple : ne pas pêcher par orgueil.

Déjà en bouton, il ne recevait que des belles paroles.
"Dis maman, tu as vu le bébé-lotus, comme il est beau ?"

Puis un jour il s'ouvrit avec la majesté du paon qui fait la roue, avec son arrogance aussi.
Il se pavana, s'étira vers le soleil et sous les cris d'admiration, il chercha à plaire, se présentant sous son meilleur profil.
Et une photo de l'un, puis de l'autre. il se prêtait à merveille à ce jeu de séduction.

Il se pencha vers les eaux :
"Miroir des eaux, cher miroir.
Suis-je vraiment le plus beau ?"

Le miroir des eaux lui répondit par une image déformée.
Il ne s'attendait pas à être si laid, avec une couleur terne, des pétales tordus, alors qu'au loin ils voyaient d'autres beaux et fiers lotus, plus blanc que le marbre du temple.

Un pèlerin se pencha vers lui, puis se retira rapidement en disant : "Qu'est-ce que çà sent mauvais ici ?"
Il partit en se bouchant les narines.
Le lotus en fut vexé.
"Cette odeur viendrait-elle de moi ?" se demanda le lotus.
Difficile de rester paisible face à la critique.
C'est la plus grande difficulté d'un lotus de temple : ne pas être susceptible face au moindre commentaire désobligeant.

Il appela la vieille carpe du bassin.
On disait qu'elle était sans âge, peut-être même immortelle ...
Les grenouilles racontaient qu'elle avait reçu la sagesse des Dieux.

"Carpe, ma chère carpe, dis-moi la vérité.
J'ai deux questions à te poser.
Est-ce que je sens mauvais ?
Et suis-je au moins réellement beau ?"

La carpe s'approcha et frotta ses écailles contre la tige du lotus.
Celui-ci vacilla, peu habitué à être chahuté.
Elle continua à s'agiter, à remuer les eaux avec ses nageoires.
"Mais qu'est-ce que tu fais ?" cria le lotus

La carpe s'arrêta et lui dit avec douceur :
"Mais... je te répond !"
Les mouvements de la carpe avaient agité le fond de l'eau.
Les vases remontaient vers le lotus qui fut submergé par un haut-le-cœur : une odeur nauséabonde, insoutenable le saisit d'horreur.

La carpe lui demanda :
"alors est-ce toi qui sent mauvais ?"
"Heu, non", fit le lotus entre deux grimaces.
"Ce sont ces saletés au fond du lac."
Il était un peu rassuré, mais totalement dégoûté par un environnement si malsain.

"Bien. Je vois que tu es intelligent", dit la carpe.
"Donc il n'y a plus de problème, n'est-ce pas ?"
"Heu ! ... Si", dit le lotus, "je ne veux pas vivre dans un tel lieu. Je mérite mieux."

La carpe pensive murmura : "Ah tu mérite mieux !"
Elle plongea, et avec délicatesse, prit dans sa gueule la tige du lotus.
Elle pesa de tout son poids pour que le lotus disparaisse sous l'eau.
Il crut être noyé.
La carpe amena le pauvre lotus jusqu'aux racines de la tige.
Elle lâcha la tige qui resta coincée par ses nageoires, et lui dit :
"Regarde d'où tu viens.
"Regarde d'où tu tires ta beauté qui te fascine tant."

Elle agita la queue libérant un nuage noir et opaque qui aveugla le lotus en détresse.
"Tu viens de cette vase...
Sans elle, tu n'existerais pas.
Ta splendeur vient du noir de cette boue.
La pureté de tes pétales vient du travail nauséabond des profondeurs.
Apprend à voir ces profondeurs comme de la noble transformation.
Tu es cela aussi.
Ne l'oublie jamais."

"Quand à dire si tu es beau, jeune lotus, je vais être très claire.
Oui, la beauté t'envahit. Cette beauté illumine cet étang mais cette beauté n'est pas Toi. C'est une erreur de le croire.
Tu n'en a aucun mérite.
Cette beauté te dépasse, elle est le don de vie que tu as reçu.
Elle ne t'appartient pas. Tu ne peux la posséder.
Elle peut disparaître très vite si quelqu'un te cueille.
Tu finiras alors dans une poubelle encore plus nauséabonde que la vase que tu méprises."

Elle lâche le lotus qui remonta, tout fripé, sale et les pétales de travers.
La carpe le suivit.
"Mais alors, dit le lotus, pourquoi les gens me font tant de compliments ?"
"Ce n'est pas toi qu'on admire, mais ton image.
Cette image n'est qu'une illusion de toi, qu'un écran."

"Alors je suis quoi ?" dit d'un air désespéré le lotus.
"Ce que tu es ? Un lotus, la fleur qui reste sur les eaux stagnantes sans se salir,
qui se nourrit des fermentations des vases,
et qui reste malgré tout propre."

La carpe continua :
"Sais-tu pourquoi les statues des bouddhas sont représentés sur un lotus ?"
"Euh... Non, répondit penaud le lotus.
"Parce que le lotus symbolise cette possibilité de rester propre sur les eaux sales, comme l'être humain peut rester propre dans des milieux troubles, pur au milieu d'un monde malhonnête parfois."

La carpe continuait avec une voix d'outre-tombe ;
"Ainsi, puisse-tu réaliser ta fonction, celle d'apprendre à rester pur en toutes circonstances, pas seulement propre dans tes pétales, mais dans ton cœur.
Reste simple et paisible face aux compliments et aux critiques, identique et sans compromission en toute circonstance.
Sois compatissant pour tous les fidèles qui passent et si ta beauté les réjouit, sois-en heureux pour eux.
Et quand la lame coupera ta tige et que tu partiras sur l'autel du temple, Offre-toi dans ta pureté pour le bien de tous les êtres."

La carpe plongea.
Le lotus pleurait, libre.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Novembre 2013 à 12:13:49
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L'arbre qui ne voulait pas perdre ses feuilles

Il était une fois un arbre couvert de feuilles magiques dorées qui s'appelait Kneuckels. Ses feuilles constituaient un véritable malheur pour lui car régulièrement on venait les lui arracher et cela le faisait beaucoup souffrir. Seuls les magiciens le respectaient et ne se servaient de ses feuilles que lorsqu'ils devaient préparer une potion magique. Ses feuilles pouvaient faire parler et déplacer tout objet immobile. La potion du magicien jardinier servait à acquérir l'eau, la chaleur et l'ombre pour survivre à l'automne.

Un matin, le magicien vint le trouver, pour lui demander quelques feuilles d'or afin de préparer une potion magique. L'arbre accepta à condition qu'il lui préserve tout son feuillage pendant l'hiver et l'automne. Le magicien lui expliqua :

<< Il me faut deux mois pour préparer cette potion.

Alors l'arbre rétorqua :

-Mais je serai complètement dépouillé dans deux mois !!

-Alors, va voir le bûcheron pour lui demander des feuilles d'un autre arbre magique, je sais qu'il en connaît un autre, suggéra le magicien fort embarrassé.

Mais un conflit existait entre Kneuckels et le bûcheron et la plante savait que cela serait difficile. Il demanda donc au magicien un peu d'une potion magique dont il pourrait se servir en cas de besoin. En avait-il encore un peu en réserve ? Heureusement il en avait encore un fond dans un flacon.

<< Cela suffira ! >> s'écria-t-il en la donnant à l'arbre qui avait déjà moins peur d'affronter le bûcheron.

Après quelques heures de route l'arbre arriva chez le bûcheron :

<< Donne-moi une feuille de ton arbre magique et je te donnerai l'une des miennes.

-Non ! grogna le bûcheron.

-Mais tu sais que mes feuilles ont des pouvoirs plus performants. - - Et bien soit... J'accepte ! Mais tu devras me rendre quelques services.

-Si je te rends ces services, me donneras-tu une de tes feuilles ?

-Oui.

-Alors que dois-je faire ?

-Il faut que tu ailles chercher une fleur pour que je puisse préparer ma potion.

-Et où se trouve cette fleur ?

-Elle pousse dans les hautes montagnes des Alpes de Buildard.

Kneuckels se rendit au pied du massif montagneux. Là, il but une gorgée de la potion préparée par le magicien jardinier, ce qui lui permit d'escalader le flan de la montagne. Une fois arrivé au sommet, il vit la fleur et s'en empara. Kneuckels retourna voir le bûcheron :

<< Voilà ta fleur !

-Je suis content que tu aies réussi, mais il me manque encore un ingrédient essentiel à la préparation de la potion. Tu devras trouver l'oiseau bleu et lui demander de te donner l'une de ses plumes.

-Mais où puis-je le trouver ?

-Au milieu de la forêt se trouve une cage dorée, dans laquelle l'oiseau a fait son nid, expliqua le bûcheron.

Kneuckels prit la direction de la forêt et y pénétra. A la croisée des chemins, il s'arrêta indécis.

-Quel chemin vais-je prendre, se dit-il.

C'est alors qu'il aperçut un vieux crapaud se prélassant sur une pierre.

Kneuckels eut une idée.

-Et si je donnais une de mes feuilles à cet animal, il pourrait parler et m'indiquer ainsi le chemin !

Aussitôt kneuckels s'exécuta et le vieux crapaud se mit à parler.

-Que veux-tu savoir arbre aux feuilles dorées ?

-Je cherche l'oiseau bleu, répondit Kneuckels.

-Prends ce chemin et tu le trouveras !

Et le crapaud disparut. Kneuckels arriva à l'endroit où se trouvait la cage dorée. Malheureusement il ne pouvait pas l'atteindre car tout autour d'énormes rochers la protégeaient. Kneuckels déposa l' une de ses feuilles sur l'un de ces rochers et celui -ci se déplaça aussitôt.

L'arbre magique put alors approcher l'oiseau qui lui remit une de ses plumes.

Kneuckels rejoignit le bûcheron qui tint sa promesse. Ainsi le magicien jardinier put préparer la potion magique pour Kneuckels qui vécut très longtemps couvert de toutes ses feuilles dorées.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Novembre 2013 à 12:25:00
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L'Arbre magique

Il est là, isolé, imposant et pourtant discret. Silhouette caractéristique. Il se fond parmi ses congénères en un bosquet, en une forêt. Ancré largement en terre, tronc râblé ou bien effilé, branchage bas ou bien haut perché, il se présente, toujours solide et protecteur. Ses bras généreux offrent l'assistance à l'oiseau léger sur le rameau menu comme à l'animal sauvage, sur ses branches, retranché. Séculaire, il invite à la méditation, aux épanchements.

Mousse douce sous son ombrage, feuilles rousses en palette, ou tapis vert au creux des souches, il offre au vague à l'âme un abri favorable.

Elle est là...

Des parfums l'ont grisée
Le vent l'a emportée
La pluie l'a souillée
Le froid l'a pénétrée
Le chagrin l'a paralysée
Et là, elle a capitulé
Et les larmes ont coulé.

Exténuée, à son pied, elle se laisse tomber. Auprès de l'arbre, son chagrin explose et elle appelle.

Une branche se penche
La ramure vibre
Les feuilles doucement bruissent
Et l'arbre parle :

–Va de l'ombre à la lumière. Sur le sentier écoute le murmure de la Vie, du reptile qui se faufile, de l'herbe verte qui roussit, de l'alouette qui chante. Sur ton parcours, vois l'aile du papillon qui éclate en la fleur généreuse. Suis les volutes des senteurs exhalées. Et avec sept cailloux jolis ramassés, compose le tableau du bonheur.

Et elle va sur le chemin à la recherche du bonheur, laissant l'arbre réconfortant dans sa solitude habitée....

Des pétales envolés , doucement l'effleurent ; la sève, dans ses veines coule dans un élan de vie, des pensées fusent, la mesure s'impose et aussi la relativité. Situation ainsi revisitée, d'une couleur nouvelle est abordée.

Quelque moment plus tard, un cavalier altier sur sa monture fait halte sous l'ombrage végétal.

Pli amer au coin des lèvres,
Air sombre mais déterminé
Il a déjà beaucoup mais il veut tout
Tout lui est dû
Regard tourné vers lui
La vie ne l'a pas satisfait
Il cherche à se venger !

Près de l'arbre, il explose de rage, son visage grimace et il crie de douleur. Là encore, il est entendu :

-Pour l'heure tu es vulgaire et laid .

Tu exiges pour toi et méprises ton prochain Tu dois d'abord expier les maux que tu as causés. Laisse là ta monture que tu retrouveras peut-être. Au pas de course, franchis ce sommet et y cueille l'édelweiss des montagnes .

Dans la grotte tout en bas trouve le passage qui te permettra de rejoindre l'autre versant et m'en rapporte le stalactite en forme de Y sculpté.

Dans le lac glacé, tu devras te plonger.

Tu aideras efficacement quatre êtres vivants que tu rencontreras. Traces de ces aides, tu devras me rapporter avant la nuit.

Si, à ton retour, ton cheval jusqu'alors malmené, t'accepte, tu pourras le monter. S'il se rebelle, tu ne devras pas insister et continuer à expier... C'est de lui que dépendra ton sort ...


Ainsi a parlé l'arbre séculaire sage et noble.
Ainsi fut-il fait ?
Le cheval nous le dira.

Dréa.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Novembre 2013 à 12:23:53
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Koala

Au temps des rêves, Koala était un Jeune garçon qui n'avait ni mère ni père, ni frères ni soeurs Il vivait isolé au milieu de sa tribu Ainsi agissait-il comme bon lui semblait et n'écoutait-il personne.
N'en faisant qu'à sa tête, i1 ne travaillait jamais et passait son temps à Inventer de vilains tours.

Une année, à la saison sèche, les ruisseaux, les rivières et leurs bras tarirent On allait devoir parcourir de longues distances pour atteindre les mares où il restait encore de l'eau.

Tous ceux qui étaient assez grands et assez forts pour cela se mirent donc en route. Tous, hormis Koala ! Lui, il détestait marcher Aussi resta-t-il au camp à inventer de nouvelles sottises

Lorsque les gens de sa tribu furent de retour, il alla de l'un à l'autre quémander à boire. Quelqu'un finit par avoir pitié de lui et lui offrit un peu d'eau.

Mais arriva un jour où plus personne n'accepta de lui en donner. Chacun lut dit de prendre sa propre coupe en bois et d'aller chercher lui-même son eau.

Le lendemain, les hommes partirent à la chasse tandis que les femmes et les enfants se chargeaient de cueillir des racines. Un seul resta au camp : Koala, bien entendu.
Et comme il mourait de soif, il se mit à errer à la recherche d'eau.
Or il n'en trouva pas : le précieux liquide avait été caché avec grand soin.

Koala ne s'avoua pas vaincu. Il chercha ici, là, partout, et, finalement, il découvrit, dissimulées dans la brousse sous des arbres ombreux, des quantités de coupes pleines d'eau.  

Il but longuement et une fois désaltéré, incapable d'avaler une lutte de plus, il se dit : "Je sais ce qu'il me reste à faire. Je vais cacher l'eau dans un endroit secret. Ainsi, je ne souffrirai plus de la soif avant longtemps. "

Il prit une coupe, grimpa à un petit eucalyptus et la posa sur une branche, au beau milieu des feuilles. Puis, l'une après l'autre, de la même façon, il dissimula les coupes qui restaient Il venait juste de cacher la dernière quand l'eucalyptus se mit à s'agiter. Alors, par magie, il commença à pousser, pousser, toujours plus haut. Il devint immense !

Quand il cessa de grandir, le jeune garçon, qui s'était accroché ferme à l'une des branches, se trouvait très haut au-dessus de la terre, près de la cime de l'eucalyptus, entouré des coupes volées. Il songea à regagner le sol. Mais le pouvait-il ? Pas sûr ! Il s'assit alors sur une grosse branche près du tronc et éternua doucement.

Quand le soleil se coucha, les gens de la tribu rentrèrent au camp, en sueur et assoiffés. Ils se rendirent directement à leur cachette d'eau. Hélas ! il n'y avait plus que quelques coupes, vides de surcroît ! Une même pensée leur vint à l'esprit : " Koala ! Où est Koala ?
Ils regardèrent autour d'eux et découvrirent un énorme eucalyptus là où, peu avant, il n'y en avait qu'un petit. Et puis ils virent, près de la cime, Koala et toutes les coupes.
" Koala, crièrent-ils, rends-nous notre eau ! "

Il éclata de rire : il se sentait tellement en sécurité tout en haut de l'arbre gigantesque ! " Si vous voulez votre eau, dit-il, venez la chercher vous- mêmes. "
Un jeune homme prit la parole : Cet eucalyptus a beau être immense, je monterai jusqu'en haut et je rapporterai l'eau.

-Et moi, ajouta l'un de ses amis, je ferai descendre ce gredin de Koala pour lui régler son sort ! Tous deux grimpèrent à l'arbre, épiés à travers les branches par Koala. Quand il les vit sur le point de le rejoindre, vite, il saisit une coupe qu'il renversa sur le tronc et les deux hommes. Et leurs mains glissèrent sur l'écorce lisse et mouillée. Et ils perdirent prise. Et ils tombèrent au pied de l'arbre.

Alors, deux frères proposèrent d'y grimper à leur tour. Rusés comme ils étaient, ils ne montèrent pas en ligne droite. Oh, non! Ils tournèrent et tournèrent autour du tronc, en spirale. Bien sûr, Koala attendit d'être presque rejoint pour les arroser. Or il rata son but car les deux frères se déplaçaient vraiment très rapidement. Ils poursuivirent donc leur ascension, se rapprochant
de plus en plus de lui. Et Koala prit peur. Et il se mit à gémir, geindre, crier.
L'un des frères arriva à sa hauteur, l'empoigna. Il se débattit comme un beau diable, parvint à se libérer, mais perdit l'équilibre. Et il rebondit de branche en branche. Et il se retrouva par terre. Tous les os de son corps lui faisaient mal.
Pourtant, il réagit. D'un bond, il se remit debout et prit la fuite.

Les gens, fous de colère, s'élancèrent à ses trousses en hurlant et en brandissant le poing, décidés à le rattraper coûte que coûte. Ils faillirent y parvenir.

Mais, juste à temps, Koala atteignit un autre arbre et s'y percha le plus vite qu'il put. Alors, par magie, vraiment par magie, sous les yeux des gens de sa tribu, il se métamorphosa.

Une épaisse fourrure grise recouvrit son corps, ses oreilles se fraudèrent de poils et se dressèrent au- dessus de deux yeux noirs ronds comme des boutons et d'un petit nez brillant, noir lui aussi.

Le jeune Koala était devenu koala, l'animal aux airs d'ourson ! Aujourd'hui encore, il ressemble à cela et, le croirez-vous ? Chaque fois qu'il le peut, il fait en sorte de ne pas aller chercher d'eau. S'il vient à avoir soif, il se contente de grignoter les feuilles juteuses des eucalyptus et, en général, cela lui suffit. Mais il se souvient du jour où il manqua être capturé. C'est pourquoi, si quelqu'un grimpe à son arbre, il fait un beau tapage. Il geint, il crie, comme au temps où il était jeune garçon nommé Koala.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Novembre 2013 à 10:43:20
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Une petite note de douceur

Il était une fois une note de musique qui s'était échappée d'une des plus belle partition parce qu'elle ne pensait pas être à sa place.
Elle avait le plus doux et le plus joli son de toutes les notes mais elle était tellement rapide qu'elle se sentait inutile au milieu de toute ses soeurs.
Elle voulait tellement être plus lente pour pouvoir faire profiter plus longtemps de sa beauté.
Sa pensée était simple; elle attendrait que le pianiste s'aperçoive qu'il ne la jouait plus, et comme ça il pourrait peut être grâce à son talent et à son oreille se dire qu'il manquait une note douce et lente dans son oeuvre.
Le musicien joua chaque soir pendant un long moment et même si elle s'impatientait la petite note attendais car elle était sûr qu'il s'en apercevrait.
Un soir par pur hasard, une petite fille s'approcha du piano, elle toucha d'abord une touche blanche, puis une noire, puis une blanche et ainsi de suite... elle allait tellement vite qu'elle réveilla la petite note mais ce fut si rapide que elle n'y prêta pas d'attention.
Le pianiste qui l'observait et bien sûr l'écoutait se tourna vers elle et lui dit:
"tu as joué une des plus jolie note et une des plus douce mais tu n'y as pas fait attention"
il se leva, regarda le piano, et commença à jouer le premier morceaux qui lui avait fait aimer la musique.
Il ne se souvenait plus de cet air qui pourtant avait décidé de son avenir...
Le pianiste avait oublié la plus jolie des notes , et la douceur de son enfance...
Plus ses mains s'amusaient et plus la petite note s'entendait, plus les sons retentissaient et plus son visage s'éclairait...
C'est comme ça que la plus jolie note est revenue, et qu'elle ne quitta plus les pensées de celui qui la faisait sonner avec tant de douceur et d'émerveillement... comme un enfant.  
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Novembre 2013 à 17:44:02
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Le Lac de Côme et sa terre du milieu

C'était l'année ... On ne sait pas dire, mais c'était il y a très, très longtemps. Le Lac de Côme n'avait pas à l'époque la forme que nous connaissons. C'était un lac classique, on pourrait dire rond, entouré des montagnes sur trois côtés et le quatrième côté donnait sur la plaine. Ses rives n'étaient pas très différentes de celles d'aujourd'hui: évidemment il n'y avait pas de maisons, il n'y avait pas de villas pour lesquelles il est célèbre partout dans le monde : c'était un lac tranquille, ou au moins en apparence. Mais ... c'était sous l'eau que pullulait la vie, il y avait un peu de tout : une population marine bizarre et colorée de poissons, mollusques, crabes, et tout ce qu'on peut trouver sous l'eau.

Celui qui dirigeait ce peuple colorée était Gédéon le Saumon (oui, il est inutile que vous écarquillez les yeux, il y avait aussi les saumons: en effet on parle de il y a plusieurs années).

Gédéon le saumon était un vieux et sage poisson qui régnait sur le peuple bariolé, depuis des décennies avec sagesse et justice, et tout le monde était heureux. Les journées pour les gens du lac étaient toujours une fête: on dansait, on chantait, on faisait des fêtes ... bref, c'était une véritable cocagne.

Cependant, même Gédéon avait son talon d'Achille (étant un poisson, il serait plus approprié de dire nageoire): Duccio le brochet, son chef cuisinier! Malheureusement, il était un grand maladroit et pas un jour ne passait sans qu'il ne provoque une catastrophe. Le roi Gédéon avait essayé de le surveiller ou de lui empêcher de cuisiner: il n'y avait rien à faire: Duccio réussissait toujours à se fourrer dans le pétrin avec la cuisine. Pots en explosion, nourriture immangeable ... bref, une vraie catastrophe. D'autre part, le roi Gédéon savait que Duccio avait un grand cœur: il avait sauvé sa vie et celle de son fils quand ils avaient risqué d'être pêchés, il était généreux, plein d'esprit, il était de bonne compagnie... eh bien, s'il n'avait pas eu la folle passion de la cuisine il aurait était parfait.

Au lieu de cela, chaque jour, le roi Gédéon était obligé d'embaucher quelqu'un qui essayait de surveiller la veine créative que Duccio avait en cuisine.

Mais comme toutes les histoires dignes de ce nom, le jour fatidique arriva. Le Roi Gédeon fêtait ses premiers 100 ans et il avait organisé une grande fête à laquelle tout le monde était impatient d'y participer: il y aurait eu même des feux d'artifice sur l'eau (pour une telle occasion on avait conclu une trêve entre la population du lac et les humains qui peuplaient les rives). Le matin de ce jour-là Duccio se réveilla avec une seule pensée: celui d'étonner son roi, à qui il était sincèrement attaché. Il avait trouvé parmi les vieux livres, la recette d'un succulent gâteau au chocolat qu'il voulait immédiatement essayer.

Entre autres choses, il savait que le roi Gédéon était très gourmand de chocolat voilà pourquoi ... il se mit immédiatement à l'œuvre.

Sachant que le roi le faisait surveiller, il chargeait son cousin Gino le Missoltin de prendre le large et de chercher des algues, que certainement, Gino n'aurait jamais trouvé. Il fut magnanime: il lui donna même son nouveau manteau écaillé.

En réalité, c'était une astuce de sorte que les gardes chargés de le surveiller, prenaient Gino pour lui et le suivaient. Son plan fonctionna et Duccio se retrouva alors, complètement libre d'agir. Il prit le livre de recettes de son oncle Gaetano poisson nain et se mit au travail.

"Donc. Du cacao, de la farine, d' algues noires de Bellano, de la farine de blé de Varenna et de la levure de Tremezzo... mince j'ai terminé la levure ... mais un moment, il m'est resté de la levure spéciale de Mandello, cela devrait marcher quand même , il suffit d'en mettre un peu plus ...

" Maintenant, notre pauvre Duccio ne savait pas que la levure de Mandello avait des pouvoirs levants à la nième puissance par rapport à une levure normale: Madame Grigna en savait quelque chose elle ! puisque pour un pari, en mangea une petite dose et devint soudainement elle-même la montagne la plus haute de la région ...

Cependant Duccio mélangea tous les ingrédients et enfourna le gâteau (il s'agissait évidemment d' un four étanche): Gideon allait enfin être fier de lui et ce dernier se serait racheté de toutes les mauvaises impressions faites ...

Et alors, bercé par ces pensées célestes, il s'endormit.

Pendant ce temps dans son four les pouvoirs levants de la levure de Mandello commençaient à produire leurs effets: le gâteau grandissait à vue d'œil: il ne tarda pas à sortir du four et à monter, à monter jusqu'à la surface de l'eau et continuait à augmenter et monter. Le plus beau, c'était qu'il ne montait pas uniformément, mais dans certains points plus et dans d'autres moins : en somme, pour être bref ,quand il finit de monter, le lac de Côme avait pris la forme que nous tous connaissons: une branche vers Côme, une branche vers Lecco et au milieu ... le gâteau au chocolat Duccio!

Une catastrophe ... Heureusement, tous les gens du lac réussirent à se sauver. Le roi Gédéon avec son bon sens habituel, rassembla tout le peuple du lac et, ensemble, ils réussirent à faire face à l'urgence: maintenant le mal était fait, il n'existait plus un lac unique, mais deux branches avec un gigantesque gâteau au milieu ...

Il faut se rappeler que Duccio depuis ce jour-là ne mit plus son pied dans la cuisine: la peur avait été trop forte ...

Depuis ce jour-là, les mois, les années, les siècles passèrent et le terrifiant gâteau de Duccio se consolida jusqu'à devenir la Terre du Milieu. Les parties les plus levées devinrent des montagnes (Bollettone , Palanzone ). Les humains bâtirent des villes: enfin, le gâteau devint une terre à habiter.

Personne ne transmit plus cette histoire et personne ne se souvint plus du gâteau de Duccio.

Mais on vous dit que pendant les soirées de vent, l'odeur qui vient de ces zones est celui du cacao.



Fin
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Novembre 2013 à 16:56:12
(http://img4.hostingpics.net/pics/850928papo.jpg)
LE GNOME ET LE PAPILLON

Il était une fois, dans la partie la plus septentrionale de la Finlande, une charmante famille de gnomes. Comme tous ceux de leur clan, ils vivaient dans le creux d'un arbre, taillé à même le tronc, mais sans avoir fait souffrir lors de la construction de la maisonnette, le vieux hêtre qui leur servirait pour toujours, et sur plusieurs générations, de refuge et d'ami, les gnomes étant capables de parler aux arbres, comme à toutes les autres créatures de la nature, comme aux rivières, aux rochers, aux nuages et aux étoiles, aux arcs en ciel, aux rayons de soleil, et à la rosée du matin. 


Ce couple gnome typique était formé du père de famille (12cm, barbe blanche depuis son adolescence à 130 ans, embonpoint rassurant pour madame gnome, bonnet de rouge de 10cm, grosse ceinture sur sa veste de feutre, bottines souples et minuscule couteau taillé dans une canine de musaraigne, attaché à son côté), de la mère de famille (11cm, longues couettes blondes tressées avec des gros noeuds en forme de papillon au bout, poitrine opulente surtout depuis le fait qu'elle est mère d'une si charmante famille de gnomons, robe traditionnelle brodée et en dentelle, toujours avec un des petits près d'elle, dont le tout dernier, encore nourrisson, attaché dans un linge en bandoulière), et les charmants gnomons, au nombre de 8, allant de l'aîné au plus petit (de 6 à 2cm donc, l'aîné, âgé de bientôt 85 ans, sort à peine de l'école, mais possède déjà un adorable duvet sous le menton, dont il est très fier, bien évidemment)..

Une famille gnome ne pourrait pas vivre dans leur maisonnette, malgré le confort cosy de l'intérieur, les petits meubles en bois sculpté, le petit lit clos où dort toute la famille en même temps, sans leur animal de compagnie typique, un muscardin (comme un loir, mais en plus petit). Le leur s'appelle coquin, car il n'arrête pas de jouer avec une noisette vide, ce qui a le dont de faire ronchonner le père de famille, mais d'amuser les petits, sous le regard attendri et complice de leur mère pendant qu'elle s'occupe, généralement, du petit dernier, prénommé "rouge" parce que c'est de cette couleur que la tribu a choisi qu'il serait vêtu... (en effet, le jour de sa naissance, une petite chenille rouge étant tombé d'un arbre, sur les linges du nouveau-né, devant le conseil du village. Tout de suite, comme c'est la coutume, ils ont décidé de l'appeler d'un nom commençant par "Sim" qui signifie "rouge" en gnomique, et dès lors il se nomma Simon). Et c'est là qu'est le problème, le rouge étant la couleur du sang, les gnomes voient généralement comme un mauvais présage l'utilisation autrement que pour le bonnet, de cette couleur. Cet enfant aurait donc des chances, malgré la fameuse gentillesse des gnomes, d'être exclus de la communauté. Son père et sa mère en étant conscient, ils décidèrent donc tout au long de sa jeunesse, d'être encore plus prévenants, et protecteurs qu'à leur habitude. Ainsi, toute son enfance, ils le sortirent partout, l'emmenant au bord de la rivière jouer avec les libellules, faire de la luge le long des feuilles d'arbres, l'hiver, jouant à la balançoire entre deux champignons, lui permettant même de visiter la cité secrète des écureuils, ce qui est rare pour un gnomon de cet âge. Lors de son adolescence, une cinquantaine d'année plus tard, il eut même la permission de faire un bout de voyage à dos d'oie sauvage, avec son ami Nils.

Il put ainsi découvrir le monde, survoler les lacs d'eau pure de cette région, parler aux biches et aux capucines. Mais malgré cette jeunesse riche en découverte, il se sentait un peu rejeté, car aucune gnomette ne voulait de lui, dès qu'elle apercevait la couleur rouge de ses vêtements. Ses camarades de classe, bien qu'étant très gentils avec lui, gardaient tout de même une distance qui le gênait. Un beau matin de printemps, à l'heure où le bruit des fleurs qui éclosent réveille les petits gnomons le matin aux premières heures du jour, alors que toute la famille dormait les uns blottis chaleureusement contre les autres, ayant échangé comme chaque nuit leur bonnet par un bonnet de nuit (la plupart des gnomes n'aiment pas trop qu'on les voit sans leur bonnet, dont ils sont si fiers, donc je ne m'attarderai pas trop dessus, pour ne pas les importuner, alors qu'ils sont si adorables, les uns contre les autres), bien au chaud dans leur lit-clos en bois et derrière un magnifique rideau en dentelles faite par grand-mère, ou sa mère encore, c'est difficile de le savoir, un grand tremblement et des appels réveillèrent tout le village. Les cris étaient les alertes données par quelques coccinelles qui passaient par là et qui avait repéré un danger. Les gnomes étant très prudents et discrets, ils se savaient en sécurité dans leurs maisonnettes cachées dans les arbres ou les racines... Mais ils s'affolèrent, principalement de peur qu'il arrive quelque chose à leurs voisins les lapineaux et les gerbilles. Les meilleures guerriers, sur leur fidèles destriers (quelques renards, quelques louves, et quelques chouettes) s'élancèrent courageusement en dehors des maisons, laissant les familles, blottis dans les bras les uns des autres, dans l'expectative et l'appréhension qu'il arrive un malheur.

Après quelques longues minutes où seul les coeurs de chacun troublait le silence, mis à part les ronflements de Coquin, le muscardin qui dormait comme d'habitude quand il ne joue pas, la nature repris vit, et les bruits rassurants de la nature commencèrent à revenir, signifiant que le danger était passé. Le conseil du village se réunit, et le grand gnome vénérable (plus de 6000 ans) expliqua au village qu'un Troll était passé dans les parages, près du village. Les guerriers auraient dû se battre, si l'intervention d'un blaireau n'avait pas fait fuir l'intrus malveillant. Le village jugea que si un troll errait dans les parages, c'est uniquement parce que le doute planait sur le village, que c'était un mauvais présage, et que pour le prévenir, il fallait qu'un autre mauvais présage parte du village. Simon, bravement s'avança alors et lança à l'assemblée, que s'il partait du village, le mauvais sort quitterait le village, et que celui-ci pourrait vivre paisiblement, comme avant. Tout le monde fondit en larme, refusant de laisser partir l'un des leurs, mais le gnome rouge fit comprendre qu'il était décidé à sauver son village, et qu'il jurait sur la beauté des nébuleuses, qu'il trouverait une solution pour revenir, libéré du fardeau qu'il imposait au village. Il partit donc sur la petite route à l'orée du village, juste derrière la "Carrière dorée", avec son baluchon contenant un couteau offert par son père, et une bague humaine en or, que lui avait confié par sa mère qui le tenait de ses ancêtres (Simon avait hésité à l'emmener, à cause de l'encombrement que ça représentait, mais comme c'était un cadeau de sa mère, il le pris avec amour).

Il partit pendant des jours et des semaines, allant même jusqu'à dépasser les vieilles ruine de Yerdua, et le menhir sacré du Kad, il croisa les créatures les plus fabuleuses du monde, fut aidé par des cygnes et des ours, pu échapper de justesse à la vue des humains. Il marcha pendant des jours et des jours, malgré la neige (se protégeant en dormant contre les animaux qui se proposaient tous de l'aider, d'autant qu'il était repérables, avec cette couleur sur la neige). Il ne savait même pas ce qu'il cherchait, mais suivait les signes que lui présentait la nature, entre les vibrations à la surface des ruisseaux, le profil des nuages, ou le vol de oiseaux migrateurs, il se dirigeait toujours plus au sud. Un jour, alors qu'il sentait tout espoir perdu, de retrouver sa famille, trouver une gnomesse à sa taille (12cm) et pouvoir vivre le bonheur dont il rêvait tant, il s'assit sur un rocher qui lui avait proposé de s'assoupir sur son dos. Et il se mis à pleurer, en cachant son visage dans ses petites mains. Il ne pouvait même pas apprécier la beauté et la quiétude de l'endroit où il était, au bord d'un étang, près d'une prairie dont l'herbe regorgeant de vie était d'un vert qui aurait pu lui donner de l'espoir, et proche d'oursons qui jouaient ensembles, innocemment. Fier, comme tout ceux de son espère, il pleurait en silence, et la seule chose qui le trahissait, étaient ses larmes chaudes qui coulaient le long de sa barbe... glissant, jusqu'au bout de celle-ci, jusqu'à tomber dans l'herbe, se mêlant avec la rosée de cette pourtant si douce journée. C'est alors qu'une dernière larme tombait qu'un magnifique papillon rouge l'aperçut et se posa sur son épaule dans un bruissement de cil. Le gnome sécha ses larmes et salua ce si magnifique insecte, en lui demandant ce qu'il faisait là. S'il était comme lui contraint par sa couleur de devoir fuir les siens? Le papillon sourit doucement et lui dit qu'il avait quelque chose à lui montrer. Il s'envola doucement, et virevoltant dans la brise printanière, il se dirigea, suivi du gaillard, vers une colline verdoyante. Arrivé en haut de cette colline, les yeux du gnomes, encore vaguement embués par les dernières larmes, furent émerveillés par la beauté de ce qui se présentait à lui. En contrebas, des millions de couleurs, celles des fleurs et celles des papillons, formaient une danse magnifique, de mouvement et de lumière, qui aurait émerveillé même le plus borné des gnomes.

Le papillon lui dit qu'il s'agissait du village secret des papillons, là où le Dieu de la lumière et des couleurs avait créé son espère, ce lieu où toutes les espèces de papillons pouvaient vivre et rivaliser de couleurs avec les plus radieuses des fleurs. La magie irradiant de ce lieu faisait frissonner notre gnome, qui avait le souffle coupé d'émerveillement... Le papillon l'invita à venir, ce que le gnome fit. Il vit alors dans quelle harmonie vivait cette communauté, si belle par sa diversité et sa simplicité. Le gnome se reprit à pleurer en souhaitant que sa famille puisse un jour connaître un bonheur semblable. Alors il sentit un frisson parcourir son échine. Il sentit comme une caresse d'un vent doux, le long de son dos. Il ne s'aperçu pas que des ailes de papillon lui poussaient dans le dos. La sensation était tellement agréable qu'il ne fut même pas apeuré par cette situation. Le papillon s'approcha et lui dit que c'était lui-même, quand il était petit, encore sous la forme d'une adorable chenille rouge, qui lui avait été déposé dessus par la destiné. Que Simon avait été choisi par les Dieux pour être dépositaire d'un grand secret et d'un grand destin... Il devrait retourner à son village, et expliquer que désormais, le peuple des papillons et celui des gnomes ne faisaient plus qu'un. Qu'ils avaient été créé en même temps à l'aube du monde, et que désormais ils devaient vivre ensembles. Le gnome n'écoutant que son coeur et son idéalisme, remercia son ami de toujours, le papillon, et s'envola avec ses nouvelles ailes vers le nord, si heureux de prendre la route du retour.

Il suivit les arc en ciel et arriva une douce soirée d'été en vue de sa forêt qu'il adorait tant. Le village l'aperçu arriver, toujours de rouge vêtu, avec de magnifiques ailes rouges dans son dos. Un peu effrayés, mais tellement heureux de voir le retour de l'un des leurs, ils l'accueillirent à bras ouverts. La coutume gnomique voulant que chaque gnome prenne dans ses bras l'un après l'autre, le nouveau venu, ce fut une gnomesse que le destin voulut lui mettre entre les bras. Elle était vêtue de blanc, la peau claire, comme ses yeux et la blondeur de ses cheveux le firent fondre. Dès qu'il la pris dans ses bras, des ailes radieuses poussèrent dans le dos de cette jolie gnomette. Effarouchée elle alla se réfugier dans les bras de ses parents, qui virent aussitôt des ailes de papillon pousser dans leur dos. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, il ne fut pas un gnome qui n'eut pas sa magnifique paire d'ailes. Ils comprirent devant une telle variété de couleur qu'ils ne devraient plus jamais faire une différence selon la couleur des vêtements du gnome qui les portent. Ils décidèrent de rendre visite à leurs nouveaux amis les papillons, dans le sud, puisque leurs ailes les empêchait de vivre normalement dans leurs maisons des bois. Le village entier vola escorté par des aigles et des hirondelles. Et sous le charme de ce nouveau village au milieu d'une merveilleuse prairie, ils décidèrent de ne plus jamais le quitter.

Pendant tout le vol, la gnomette qui avait été la première à avoir des ailes, et probablement parmi les plus douces et appréciées de son village, avait les ailes les plus magnifiques de toutes, et ne put s'empêcher de remercier Simon, par un fameux baiser gnomique (frotter le nez contre le nez). Simon tomba éperdument amoureux et jura de ne plus jamais la quitter. Ils vécurent ainsi, heureux et eurent de nombreux et magnifiques gnomons, dans un village de papillons et de gnomes où plus jamais un individu ne fut rejeté. Le soleil se lève et se couche toujours sur le monde des gnomes, mais ce village, pour sa protection est invisible aux yeux des humains, en dehors des enfants, dont l'innocence et la pureté permet de respecter cette existence. Depuis, les gnomes ne vivent plus que dans les histoires qu'on raconte aux enfants et aux filles adorables qui passent beaucoup de temps à envoyer des messages, mais jamais aucun animal, être de la nature ou créature féerique n'oubliera jamais l'histoire du gnome et du papillon...



Da viken...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Novembre 2013 à 17:28:52
(http://img15.hostingpics.net/pics/602026chat.jpg)
LE CHAT EXTRAORDINAIRE

Il était une fois un roi qui aimait les animaux.
Il en avait adopté déjà beaucoup dans son palais
et de toutes les espèces . Cependant il n'avait pas encore
de chat. C'est qu'en ce cas bien particulier, il ne désirait pas
n'importe quel chat: étant roi il désirait adopter un
chat extraordinaire!
Tous les chats qu'on lui amenait étaient certes des
chats de race mais aucun ne lui paraissait si extraordinaire
qu'il méritât sa faveur.
Un jour pourtant un vieux sage se présenta aux portes
du palais, prétendant par le chat qu'il apportait,
combler tous les désirs du roi.
Ce n'était pourtant qu'un simple "chat de gouttière"
mais le sage chuchota à l'oreille du roi:
"Sire méfiez-vous des apparences: ce chat est enveloppé
de mystère. Si vous lui donnez un nom extraordinaire,
il se révélera en effet extraordinaire.
Voilà le roi bien embarrassé:
"j'ai bien envie de te croire, dit-il au vieux sage,
mais quel nom extraordinaire lui donner?"

-"Si je puis conseiller votre Majesté, je lui donnerais le
nom de "CIEL"
Qu'y a-t-il de plus extraordinaire que le ciel?
Voilà une bonne idée, dit le roi. J' appellerai mon chat "ciel"
Et dès cet instant le chat devint aux yeux du roi
extraordinaire : c'était" le chat ciel"
Quelque temps plus tard un courtisan lui dit:
"Quel drôle de nom a votre chat Majesté!"

-C'est que dit le roi , le sage qui m'apporta ce chat
m'a bien recommandé de lui donner un nom extraordinaire
et nous sommes tombés d'accord pour dire qu'il n'y a rien de
plus extraordinaire que le ciel!
-La votre Majesté fait peut-être erreur, dit le courtisan.
Il y a quelque chose de plus extraordinaire que le ciel
ce sont les nuages. Car lorsque les nuages passent ils cachent
le ciel!
-Tu as raison, dit le roi. je n'y avais jamais pensé.
Eh bien j' appellerai mon chat: "NUAGE"

Quelque temps plus tard vint un autre courtisan
Vous avez appelé votre chat "nuage" Majesté
et je sais pourquoi mais il y a plus fort que les nuages:
il y a le vent. Lorsque souffle le vent les nuages sont chassés!

-C'est vrai dit le roi. Eh bien, j' appellerai mon chat
VENT.
Les courtisans se succédaient...
Un autre vint encore, qui dit:
"majesté il y a plus fort que le vent: il y a le mur!
Lorsque le vent rencontre un mur, toute sa puissance
est arrêtée
Et bien j'appellerai mon chat "MUR"
Un autre encore: il y a plus fort que le mur : c'est l'éléphant!
A lui seul il peut briser le mur!
Soit j' appellerai mon chat: "ELEPHANT"

Quelle drôle d'idée, Majesté, dit encore quelqu'un.
Certes un éléphant c'est une masse énorme et puissante.
Pourtant vous savez tout comme moi que cette masse est
vulnérable: qu'une toute petite souris grimpe dans sa trompe
et l'éléphant devient fou!
La petite souris, minuscule est donc plus forte que l'éléphant!

Quel paradoxe dit le roi! Et pourtant tu as raison : la souris est plus
extraordinaire que l'éléphant. J'appellerai mon chat
"SOURIS"
-Appeler votre chat "souris " Majesté mais vous savez bien que
les chats croquent les souris!
-Mais évidemment dit le roi!
Que n'y ai-je pas pensé plus tôt!
J' appellerai mon chat "CHAT"
mais est-ce que cela le rend extraordinaire?
Je n'y comprends plus rien. Faites revenir le sage qui m'a
apporté ce chat!...

Majesté, dit le sage, dés qu'il fut remis en présence du roi,
je savais qu'un jour vous me rappelleriez, après avoir
épuisé tous les noms extraordinaires à donner à votre chat!
Voici que vous en êtes arrivé tout simplement à appeler
votre chat: "CHAT"
et vous avez dû convenir vous-même que c'est un
nom extraordinaire. Ce qui rend votre chat extraordinaire c'est que
tout simplement qu'il soit un chat!
Nul autre que lui n'a ce nom: il est original , exceptionnel:
VOTRE CHAT EST.... UN CHAT
................................
CHAQUE ETRE EST UNIQUE.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Novembre 2013 à 17:30:44
(http://img11.hostingpics.net/pics/855371pommes1.jpg)
Le pommier sauvage de Saint-Aubin-sur-Mer

Il était une fois un pommier sauvage qui poussait tout au fond d'un jardin, près de la mer en Normandie, à Saint-Aubin-Sur-Mer. A l'automne il donnait son fruit : de très petites pommes, rouges et blanches, craquantes et juteuses, d'un goût délicieux.

Sur la route de l'école, les enfants s'arrêtaient toujours pour en ramasser, et même pour en cueillir sur l'arbre, car quelques branches penchaient par-dessus le mur, et c'était facile de les attraper.

Dans le jardin on voyait quelquefois passer un vieux jardinier tout courbé, mais il ne s'occupait pas de ce pommier. Ce petit pommier avait poussé tout seul, le vent avait amené un jour le pépin de très loin. Car sur presque toute la terre les gens mangent des pommes et jettent les pépins n'importe où. Le vent avait donc joué un moment avec la graine, et quand il en avait eu assez, il l'avait déposée là dans ce jardin où elle s'était endormie pour s'éveiller au printemps petit pommier sauvage.

Donc le jardinier, un peu vexé de trouver là un pommier qu'il n'avait pas invité à pousser ne s'en occupait pas : il ne voulait soigner que des pommiers plantés par des jardiniers.

Le petit pommier s'en fichait. L'eau de pluie, les rires des enfants sur le chemin de l'école et le chant des oiseaux formaient toute sa nourriture. Et aussi de temps à autre le soleil et le ciel bleu. Il était heureux. Quatre fois par jour passaient les enfants, dont les joues ressemblaient à ses pommes, et lui, quand il les voyait, se penchait, se penchait de tout son poids par-dessus le mur pour qu'ils puissent attrapper les pommes plus facilement, si bien qu'il finit par être un peu tordu.

Or un jour, dans sa maison cachée par les arbres, le vieux jardinier mourut. Sitôt après l'enterrement, ses patrons le remplacèrent par un jardinier en pleine force de l'âge, avec une grosse moustache marron et un regard très perçant. Dès le premier jour il aperçut le pommier qui offrait ses petites pommes par-dessus le mur, et s'écria :

- Que vois-je ! Les pommes des patrons  gaspillées sur la route ! et si petites que, foi de jardinier, j'en ai honte ! SI petites, et dans MON jardin !

Et il décida sur-le-champ de mettre bon ordre à cela. Il commença par placer un tuteur au petit arbre, et le pauvre pommier, malgré ses efforts ne put pas se pencher pour regarder les enfants aller et venir, et il entendait leurs petites voix navrées, déçues, se désolait de n'avoir pas de voix pour leur expliquer ce qui était arrivé...

Ensuite le jardinier décida de le greffer. Il vint avec un couteau spécial, et pendant qu'il opérait, il disait : "Ha ha, quelles belles pommes aurons-nous l'an prochain. Mes patrons seront contents ! Ils pourront les servir à table, car celles-ci sont tout juste bonnes à donner aux   cochons !"

Les saisons passèrent, le pommier souhaitait mourir, car les enfants ne parlaient plus de lui, ni de ses pommes, ils l'avaient oublié, et c'étaient ses plus chers amis ! Et pendant ce temps, ses pommes s'arrondissaient sur lui, prenaient des couleurs magnifiques, et il n'y pouvait rien : des inconnus indifférents allaient les manger...

Enfin le jour où il sut que les pommes étaient mûres, car le jardinier avait parlé de les cueillir, de toutes ses forces il se pencha par-dessus le mur, se pencha jusqu'à ce que la branche habituelle dépasse et soit accessible aux petits bras des enfants, il se pencha jusqu'à mourir de douleur, et il se donnait du courage en pensant qu'il allait enfin revoir les petits "ce sont eux qui mangeront ces grosses pommes, comme je suis heureux..." Il se pencha, se pencha encore, et le tronc fragile cassa ; le petit arbre était mort.

Les enfants revenant de l'école furent très surpris : "Oh regardez ! notre pommier est tout cassé !  Pauvre pommier ! Et regardez les grosses pommes qu'il a !"

Ils mangèrent toutes les pommes et emportèrent quelques feuilles en souvenir. Les oiseaux goûtèrent aussi les morceaux qui restaient, et le vent, le vent de la mer passant par là emporta dans les airs le plus de pépins possible afin que, dans dix, vingt, cinquante jardins de Normandie poussent l'année suivante des pommiers sauvages semblables au brave petit pommier qui aimait tant les enfants.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 16 Novembre 2013 à 11:31:40
(http://img4.hostingpics.net/pics/647584serp.jpg)
Le serpent et l'indien

En ces temps reculés, le soleil s'était arrêté au-dessus de la Terre et la brûlait de tous ses feux. Il n'y avait pas d'ombre pour se réfugier, ni de nuit pour se reposer. Les hommes et les animaux, qui avaient déjà inventé le sommeil, ne pouvaient plus dormir. S'ils avaient le malheur de s'assoupir un instant, la lumière brûlait leurs yeux et ils se réveillaient bien vite.

Seuls les serpents s'y étaient adaptés. On les voyait se cacher sous les pierres ou les racines. Les serpents possédaient le secret de l'ombre et des ténèbres.

Quand les indiens s'en aperçurent, ils voulurent eux aussi posséder le sortilège de l'ombre. Le sachem s'enfonça donc dans la forêt et se dirigea vers le royaume des serpents, afin de leur demander de partager les ténèbres avec tous.

Au bruit que fit le sachem en s'approchant de lui, le roi des serpents se réveilla en sursaut :
"Qui es-tu pour troubler ainsi mon repos? siffla-t-il, mécontent.

Le sachem déposa devant le serpent le cadeau qu'il avait amené : un arc et des flèches, et lui dit :
"Je suis un vieil homme fatigué, et je viens te demander de partager les ténèbres avec mon peuple. Accepte ce cadeau en signe de notre amitié."

"Et que puis-je faire d'un arc?, demanda le serpent, je n'ai pas de mains!"

"C'est vrai, répondit le sachem, pardonne-moi, je vais aller consulter les Anciens." Le sachem retourna  chez lui et exposa le problème aux Anciens. Ils décidèrent alors d'offrir au roi des serpents une crécelle, dont le bruit accompagnera les danses des serpents. Le sachem retourna voir le roi des serpents, qui lui dit :

"Et que puis-je faire d'une crécelle? Je n'ai pas de mains!" Mais maintenant, le sachem avait une réponse : "Je vais l'attacher au bout de ta queue, ainsi, tu pourras l'agiter et en entendre le son." Et il l'attacha au bout de la queue du roi tout en parlant. Le roi agita sa queue et trouve la crécelle fort drôle. Il donna alors un sac de cuir au sachem et lui dit : "Tiens, ce sac contient un peu de nuit et de ténèbres."

Le sachem trouva le sac bien petit... "Ô roi des serpents, que désirerais-tu en échange de la nuit complète?" Le serpent réfléchit : "La crécelle est bien amusante, mais bien peu de chose en regard de ce que tu me demandes. Apporte-moi une grosse cruche de ce poison que vous mettez aux bouts de vos flèches. Cela me sera plus utile." Le sachem remercia le roi et repartit vers son village.

Lorsqu'il ouvrit le sac, le village fut plongé dans le noirceur et son peuple put enfin se reposer. Mais, cela ne dura guère, car le sac était bien petit! Le soleil revint vite brûler les yeux. Le conseil des Anciens fut à nouveau convoqué et le sachem leur exposa la demande du roi des serpents. Les Anciens consentirent à donner au roi ce qu'il voulait et tout le village fabriqua le poison pour remplir la cruche à ras bord. Cela prit beaucoup de temps, car le poison était fabriqué goutte par goutte, mais enfin, un jour, la cruche fut pleine. Et le sachem repartit une troisième fois voir le roi des serpents.

Entre-temps, le roi des serpents avait fait préparé un immense sac rempli de ténèbres, et il le donna au sachem en échange de la cruche. Le sachem le remercia et demanda au roi : "Que vas-tu faire de tout ce poison?, cela m'intrigue..." Le roi lui répondit : "Tout le monde nous méprise, nous marche dessus. Nous sommes sans défense. Ce poison nous servira à nous défendre lorsque nous le devrons." Le sachem hocha la tête : chacun a le droit de se défendre... Le roi lui fit une dernière recommandation : "Surtout, n'ouvre pas le sac avant d'être arrivé à ton village. Il me faut du temps pour distribuer le poison à mon peuple."

Le sachem promit et reprit le chemin du retour. Il croisa le hibou qui lui demanda ce qu'il portait. "J'ai un sac rempli de ténèbres." Cela intéressa le hibou qui n'aimait pas beaucoup le soleil. Il croisa ensuite la corneille. Quand elle sut ce que le sac contenait, elle s'envola et s'empressa d'annoncer partout dans la forêt que le sachem avait un sac de ténèbres. Tous les habitants de la forêt se rassemblèrent autour du sachem en se bousculant car ils voulaient tous voir cette chose merveilleuse. Le sachem essayait de protéger le sac, car il voulait tenir la promesse faite au roi, mais hélas, dans la bousculade, le sac s'ouvrit. Aussitôt, la Terre entière fut plongée dans une profonde obscurité.

Le roi des serpents, qui était en train de distribuer le poison à son peuple, ne put terminer sa tâche. Les serpents affolés couraient dans tous les sens, la cruche fut renversée, et son précieux contenu perdu. Voilà pourquoi, encore aujourd'hui, il y a des serpents venimeux, dont la morsure est parfois mortelle, et des serpents inoffensifs, et ce n'est pas une tâche facile de les distinguer. Seule la famille royale est facile à reconnaître : ses membres portent tous une crécelle au bout de leur queue, le cadeau du sachem.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Novembre 2013 à 11:21:50
(http://img4.hostingpics.net/pics/786220mia.jpg)
Le rêve de Mia

      Le village de Mia s'appelle Campamento San Francisco et se situe entre la grande ville et les montagnes enneigées. Ce n'est pas vraiment un village, mais c'est là qu'elle vit, qu'elle est chez elle. Il n'y a pas de jolis jardins, ni d'arbres. Il n'y a pas de vraie route, rien qu'une piste de terre.
      Le papa de Mia se rend tous les jours à la ville dans sa camionnette pour vendre de la ferraille. Dans le temps, c'était des terres cultivables ; mais la ville s'est étendue démesurément et, aujourd'hui, tout ce qu'il reste à récolter c'est ce dont elle se débarrasse. Les maisons sont faites de bric et de broc, avec toutes sortes de matériaux de récupération. Les enfants adorent jouer au foot devant l'école. Les villageois sont très forts pour réparer ce qu'ils trouvent dans les décharges.
      Tous les soirs, Mia court à la rencontre de son papa. Parfois, il revient content avec de l'argent en poche ; parfois, il revient triste, car il n'en a pas. Le papa de Mia rêvait au jour où il pourrait se construire une maison en briques.
      Un soir, au début de l'automne, le père de Mia est revenu avec un drôle de sourire aux lèvres. Il a ouvert son blouson et un joli petit chien a pointé son museau ! Papa l'avait trouvé en ville, tout seul, abandonné.
      Mia a fait un bisou sur le museau de son petit chien. Elle a décidé de l'appeler Poco, parce qu'il était tout petit. Mia a montré son nouveau petit chien à tout le monde, et ils sont vite devenus inséparables.
      Poco aime bien sa nouvelle famille. Il lèche le visage de Mia et puis celui de Maman et de Papa.
      Mia présenta Poco à Sancho, le cheval. Poco suivit Mia partout, même à l'école. Il est très sage et attends dehors la fin de la classe.
      Mais il a fait très froid, cet hiver-là, et un jour Poco a disparu. Mia l'a cherché dans tout le village, puis elle est partie avec Sancho faire le tour des décharges pour voir si Poco n'y était pas.
      « Vous n'avez pas vu mon petit chien ? Il est tout petit, marron, avec des taches », demande-t-elle aux gens.
      Mia s'éloignait de plus en plus de son village. Jusqu'au moment où elle est arrivée en haut de la montagne, beaucoup plus haut qu'elle n'était jamais montée jusqu'alors. D'où elle était, elle pouvait voir le nuage noir qui flottait toujours sur la vallée. Au-dessus du nuage, l'air était si pur que Mia avait du mal à respirer. Elle était étourdie par toute cette blancheur alentour. Elle est descendue de Sancho et a pris une poignée de neige qu'elle a goûtée. Puis elle a fait des roulades sur l'immense tapis blanc.
      Sancho la regardait et il n'a pas tardé à l'imiter, se roulant dans la neige en battant l'air de ses vieilles jambes fatiguées. Ensuite Mia s'est couchée sur le dos, bras et jambes ouverts en croix sur la neige. Jamais le ciel ne lui avait paru si bleu et si proche. Ils ont appelé Poco et l'ont cherché jusqu'à la tombée de la nuit et l'apparition des premières étoiles. Mia était fatiguée, mais elle savait que Sancho la ramènerait saine et sauve à la maison.
      Ils sont repartis tranquillement, quand soudain Sancho s'est arrêté pour renifler le sol. Mia a regardé autour d'elle. Il n'y avait plus de neige, mais des fleurs à perte de vue. Mia en a cueilli tout un bouquet, avec les racines. Elle savait que, quoi qu'il arrive, ces fleurs lui rappelleraient le jour où elle avait tant cherché Poco et découvert cet endroit sous les étoiles.
      Le lendemain, Mia a planté les fleurs. Elle en met quelques-unes dans des boîtes de conserve. Elle s'en occupe et les arrose tous les jours. Les fleurs poussent très bien, croissent vigoureusement et s'étendent tout l'été. À l'automne, le vent disperse les graines tout autour du village.
      Les fleurs se sont multipliées très rapidement. Le printemps suivant, elles avaient envahi tout le village et recouvert les décharges d'un manteau aussi blanc que la neige des montagnes. Mia adorait admirer ses fleurs, mais elle n'avait pas oublié Poco qu'elle continuait à appeler tous les jours.
      Un beau matin, alors que son père partait à la ville avec un tas d'objets à vendre, Mia lui a demandé de l'accompagner pour essayer de vendre ses fleurs. Elle en avait des dizaines, plantées dans des boîtes de conserve. Son père a ri et a accepté qu'elle tente sa chance. Mia a installé ses fleurs sur les marches de la cathédrale et Papa, sa ferraille à côté d'elle. Mia n'a pas tardé à se faire une clientèle si nombreuse que Papa a dû laisser tomber son petit commerce pour l'aider.
      « Mais d'où viennent ces fleurs ? » demandaient les gens.
      « Ce sont les fleurs de Poco », se contentait de répondre Mia.
      Depuis ce jour, Mia vend des fleurs avec son papa et rêve avec lui d'avoir un jour une maison en briques. Et chaque fois que passe une meute de chiens, Mia ne peut s'empêcher de songer à Poco. Jusqu'au jour où l'un des chiens s'est arrêté pour venir sentir les fleurs. Il a léché le visage de Mia et s'est couché à ses pieds.
      « Ces fleurs viennent des étoiles », a-t-elle murmuré.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Novembre 2013 à 16:34:49
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Anouk des neiges

Anouk était une petite inuit très intelligente qui vivait avec ses parents dans un bel igloo au pôle nord. Le papa et la maman d'Anouk étaient de très bons parents qui s'aimaient tendrement, et dont chaque seconde de leur vie était consacré à son bonheur. Anouk était donc une enfant très heureuse !

Un beau matin, juste avant qu'Anouk ne s'éveille tout à fait, voilà que l'igloo, si confortable d'habitude, se mit à craquer de partout. Les blocs de glace qui formaient le toit se fendillèrent et des morceaux se mirent à tomber dans leur jolie maison. Affolée, Anouk suppliait ses parents de faire quelque chose, car elle avait très peur. Mais sa mère et son père avaient beau essayé de retenir les blocs de glace, ils étaient beaucoup trop nombreux et trop lourds pour eux. Alors, malgré tous leurs efforts, un énorme bloc s'écrasa sur Anouk qui, sous le choc, perdit totalement conscience.

Les parents d'Anouk, très inquiets, décidèrent donc que sa mère resterait près d'elle et que son père, qui avait plus de force pour courir dans la neige, irait vite chercher le médecin au village le plus proche.

Le lendemain, lorsqu'Anouk se réveilla enfin, le docteur Pingouin et ses parents étaient près d'elle. Tous avaient bien de la peine de la voir dans un si mauvais état. Anouk avait un affreux mal de tête, des bleus partout et beaucoup de difficulté à respirer.

Le docteur Pingouin lui expliqua qu'elle avait une côte fêlée; c'est elle qui lui faisait si mal chaque fois qu'elle respirait. Pourtant, le médecin affirma à ses parents que la petite n'avait pas besoin de plus de soins : « Elle ira de mieux en mieux chaque jour à partir d'aujourd'hui, car les enfants guérissent toujours très vite » disait-il.

Pendant le trajet en traîneau qui les amenait à leur nouvel igloo, le père et la mère d'Anouk lui expliquèrent que cet accident était arrivé parce que la température était devenue rapidement très douce au cours de la nuit. C'était un phénomène très rare au pôle nord et cela avait fait fondre une partie de la glace de leur igloo. Mais tandis que ses parents tentaient gentiment de la rassurer, Anouk se sentait de plus en plus terrifiée à mesure qu'ils approchaient de leur nouvelle demeure.

Le temps passa, mais les parents d'Anouk ne reconnaissaient plus leur petite fille. C'est vrai qu'elle allait de mieux en mieux comme l'avait prédit le docteur Pingouin, mais elle ne s'amusait plus et elle faisait des choses bizarres. Anouk passait souvent de longues heures dans l'igloo sans rien faire d'autre que d'écouter le silence ou de regarder les parois lisses et brillantes de l'intérieur. Et comme elle refusait de retourner à l'école avec ses amis, ses parents crurent que quelque chose s'était brisé dans la tête d'Anouk. Elle ne redeviendrait peut-être plus jamais comme avant.

En réalité, c'est dans le cœur d'Anouk que quelque chose s'était brisé : Anouk avait peur tout le temps ! Si elle écoutait le silence, c'était pour surprendre chaque bruit au cas où l'igloo craquerait encore, et si elle scrutait les murs et le toit de leur maison de près, c'est qu'elle était à la recherche de la moindre petite crevasse. Mais Anouk gardait toute cette terreur dans son cœur, car elle voulait être une petite fille courageuse.

Dans le temps où Anouk aimait s'amuser dehors avec ses amis, elle contemplait souvent les oiseaux des neiges qui vivent au pôle nord. On lui avait dit que ces très beaux oiseaux s'appelaient des harfangs. Son ami, Nilak, avait même prétendu que les harfangs avaient des pouvoirs magiques ...

C'est en pensant à cette histoire qu'Anouk remarqua le magnifique harfang des neiges qui s'était posé sur la colline tout près de sa maison. Or l'oiseau des neiges était si beau, son regard si doux et invitant qu'Anouk se décida à sortir pour voir de plus près ses merveilleuses plumes argentées. Et c'est alors que la magie se produisit, car le bel harfang lui parla en employant la langue magique des oiseaux, un langage que seuls les enfants peuvent comprendre.

L'harfang des neiges parla longtemps sans qu'Anouk ne pense un seul instant à aller surveiller l'igloo et il termina son discours ainsi ; « Je suis un vieil oiseau et avec le temps, j'ai appris qu'un harfang courageux n'est pas un harfang qui n'a pas peur, car je peux bien te l'avouer, j'ai eu souvent peur au cours de ma longue vie. J'ai appris à être courageux en faisant les choses que je devais faire.

Lorsqu'il m'est arrivé que la peur soit très grande, j'ai demandé à quelqu'un qui m'aime de me tenir la main. Et je me suis un jour aperçu que ma peur s'était envolée comme un oiseau dans le ciel de l'arctique. J'ai confiance en toi jolie jeune fille, tu es une petite bien intelligente, tu trouveras un jour les choses que tu dois faire.

Quelque temps plus tard, l'harfang magique vit Anouk s'amuser dans la neige avec sa maman avant de se rendre à l'école. Nilak lui tenait la main, ensemble ils riaient de bon cœur. Si l'harfang avait pu, je crois qu'il aurait souri...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Novembre 2013 à 13:12:21
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Princesse Clématite

Il était une fois une fleur très spéciale qui n'avait pas le moral. C'était la Princesse Clématite. Un jour de grand soleil, celle-ci expliqua à Dame Rose (une fleur voisine très gentille, mais aussi très curieuse) le pourquoi de sa tristesse :

— Je ne sais plus très bien à quoi je sers ni si je suis encore utile. Personne ne sait que j'existe, aucun bourdon, aucun papillon ne vient jusqu'à moi. Même le jardinier n'a pas un regard envers ma petite troupe de sépales.

La jeune Princesse pleurait son sort. Elle était l'unique survivante de sa famille et malgré sa petite taille, elle résistait encore et toujours aux aléas de la vie florale. Ses parents avaient établi leurs racines à côté de l'abri de jardin, derrière un imposant et magnifique rosier. À cette époque, ils devaient se cacher, car un fougueux mangeur de Clématites sévissait dans les environs. La bête en question n'était autre que la légendaire Limace Géante ! Depuis la dernière saison de pluie, ce gastéropode hors normes avait décimé toutes les fleurs bleues, clématites ou non, mais principalement celles-ci.

Ses parents avaient succombé alors qu'ils protégeaient leur unique enfant. L'assassin était passé juste à côté de la princesse, la trouvant trop chétive pour s'arrêter pour elle. Princesse Clématite cessa de grandir depuis ce terrible jour.

— Oh ! C'est terrible ce que vous me racontez là, Princesse ! Il est vrai que grâce à nos piquants, la Terrible Limace Géante ne s'intéresse pas à nous, lui dit Dame Rose en essayant de la réconforter.

Les épines de Dame Rose frissonnaient de tristesse. Et dans ses pétales, une certaine agitation commençait. Un bourdon qui butinait son pollen avait tout entendu. Ce dernier, indigné par l'histoire, s'empressa de s'envoler pour raconter le malheur de la princesse des Fleurs.

— Pardon, pardon, laissez-moi passer. J'ai un message urgent à transmettre au peuple des ailes. L'insecte au gros ventre jaune orangé poussait de son corps massif ses autres congénères à qui il avait demandé de se rassembler.

— Mes bien chers frères, mes bien chères sœurs, papa, maman, belle-maman, beau-papa, et cetera, j'ai une importante mission à vous confier. Pas plus tard qu'à l'heure où le soleil était entre nos deux arbres préférés, j'ai entendu une terrible histoire que je dois vous conter.

Le bourdon, chef de sa colonie, imposa le silence. Il expliqua en détails toute la mésaventure de la Princesse Clématite. Après quelques bourdonnements de stupéfaction, tous étaient d'accord pour venir en aide à la princesse. Chacun avait pour mission de raconter l'histoire à une autre famille d'insectes. C'est ainsi, qu'après bien des distances parcourues, bon nombre de papillons, d'abeilles et autres butineurs avaient vent de l'affaire en cours.

Le Chef Bourdon élabora un plan diabolique pour exterminer la Limace Géante.

— Que les membres de ma colonie continuent à travailler. Il ne faut surtout pas montrer que nous nous occupons d'autre chose, ça pourrait éveiller des soupçons. Vous les papillons, vous irez vous poser – et butiner si vous le souhaitez – sur toutes les roses de la cabane pour veiller sur la Princesse Clématite et enfin, vous les guêpes, vous assurerez notre protection à tous. Une guêpe par insecte devrait suffire. Je répète, il ne faudrait pas éveiller les soupçons du Tueur de Clématites. Enfin, quand je décrirai trois cercles au-dessus de la Fleur Solitaire, ce sera le signal pour dire que le jardinier arrivera. Seuls les papillons resteront près de la Princesse pour guider le Grand Maître du jardin. Est-ce clair ? Des questions ? Non ? Alors au travail mes amis !

Bien dissimulée par les mauvaises herbes et par un tas d'orties, la Limace Géante a tout capté du plan.

— Ainsi donc, la Princesse Clématite vit toujours, quelle délicieuse nouvelle ! dit la plus terrible des créatures rampantes en se léchant la bouche gluante.

Le monde ailé est en ébullition et chacun se met en place, prêt à tout pour sauver la dernière Clématite de cette propriété.

Quelques instants plus tard, le Chef Bourdon décrivit trois cercles au-dessus de la Fleur Solitaire. Le soleil se coucha lorsque le jardinier ouvrit la porte de la maison de briques et sortit avec son arrosoir pour donner à boire à tout végétal en terre ou en pot. La journée avait été chaude et sèche, tous attendaient avec impatience cette eau divine.

Dans le jardin, un doux bourdonnement éveilla la curiosité du Grand Maître du jardin.

— Tiens, que font ces insectes encore debout à cette heure tardive ?

Quand il s'approcha des rosiers, il stoppa net et déposa l'arrosoir. Devant lui, sur chacune des treize roses se tenaient trois papillons ! Ce ne fut pas tant le nombre d'espèces différentes de ces papillons qui l'étonna, mais bien leur comportement. Tellement surpris par ce spectacle, il ne prit pas la peine d'aller chercher son appareil photo et voulut comprendre la raison de ce soudain regroupement. Aucune aile ne bougea quand il toucha une tige du rosier. Puis, tout à coup, les roses qui entouraient la Princesse Clématite bougèrent, poussées par certains papillons qui avaient ouvert leurs ailes. Dame Rose encourageait ses sœurs à fournir un dernier effort et à ne pas crier alors que les pattes des insectes tiraient leurs pétales. Petit à petit, une minuscule fleur bleue apparue au regard du jardinier qui gardait des yeux immensément ouverts devant une telle volonté de la nature !

— Oh ! Mais que fais-tu là toute seule, Petite Fleur ? Tu es bien trop jolie pour te cacher. Même un ciel bleu dégagé de nuages n'a pas autant de lumière que toi. Ne sois pas timide, montre-toi, je ne te ferai aucun mal, bien au contraire !

Pendant ce temps-là, l'horrible créature tueuse en série rampait doucement, mais sûrement vers sa victime convoitée. Mais c'était sans compter sur une jeune coccinelle qui admirait le spectacle depuis l'envers d'une feuille de rose.

Alors que le Grand Maître du jardin rentrait en vitesse chez lui pour aller chercher tout le matériel nécessaire à la protection de sa dernière Clématite (ficelle pour attacher certaines tiges des rosiers afin que La Petite puisse avoir du soleil, tuteur pour lui permettre de garder la tête bien droite, purin d'amour pour une bonne croissance,...), la Limace Géante arriva au pied de la Princesse !

Miss la coccinelle avait des contacts dans tous les rangs d'insectes. C'est ainsi qu'elle eut l'idée de contacter Tica, une amie de longue date. Cette amie, élevée au rang de Tique Solitaire, a élu domicile sur un aimable hérisson. Lequel ne doit plus faire sa réputation d'amateur de limaces ! Et à l'instant même où la Terrible Limace commença son ascension sur la tige de la Princesse Clématite, la terre se mit à trembler et une forte odeur de mammifère affamé arriva rapidement dans toutes les narines.

— Hum, je sens un fumet puissant de limace ! Le festin va être exceptionnel, car l'odeur est forte et... exquise ! Elle est où ? Elle est où ? dit le hérisson hors d'haleine qui arriva en courant et en regardant de tous côtés.

Personne ne dut lui préciser le chemin. En moins de temps qu'il ne faille à un papillon pour s'envoler, la Limace Géante fut dévorée ! D'aussi grande taille fut-elle, la Terrible Créature n'a pu faire face devant une bouche si immensément gourmande.

Le jardinier arriva juste après, se désolant de ne pas avoir été plus rapide. Lorsqu'il aperçut la tige abîmée de la Princesse Clématite (elle avait été un peu écrasée par la patte puissante du hérisson), il se retourna, arracha une toile d'araignée proche et entoura la blessure du doux filet apaisant.

— J'espère que cela suffira. Je suis désolé pour toi l'araignée, mais c'est pour la bonne cause !

Lorsque le jardinier dévoila la Princesse Clématite à tous les habitants du jardin, un magnifique papillon aux reflets azuré, inconnu jusqu'ici, arriva et posa ses pattes délicates sur la petite fleur rayonnante de bonheur.

— Princesse Clématite ? Comme je suis heureux d'enfin vous trouver ! Laissez-moi me présenter : Prince Argus pour vous servir. Mes ailes ne doivent leur couleur qu'à votre pollen. Accepteriez-vous ma trompe ?

Princesse Clématite ne sut que dire... Si ce n'est que pour toute réponse, elle ouvrit davantage ses sépales pour offrir son cœur tendre au Prince.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 21 Novembre 2013 à 15:42:35
Histoire du coffre

Que mon conte soit beau et qu'il se déroule comme un long fil !
Il y avait un roi et ce roi avait un fils tendrement aimé qui lui dit :
Roi mon père, laisse moi aller au marché et voir tes sujets.
Fais selon ton plaisir, lui répondit le roi.

Le prince s'en vint donc au marché et dit à tous les hommes :
Vous ne vendrez ni n'achèterez, vous n'achèterez ni ne vendrez que vous n'ayez compris ces devinettes.

La première :
Quel est l'être qui , le matin, marche sur quatres pattes, à midi sur deux et le soir sur trois ?

La seconde :
Quel est l'arbre qui a douze branches et dont chaque branche porte trente feuilles ?

Aucun ne sut répondre. Tous les hommes restèrent muets. Le marché se dissout.
Une semaine tourna. Le jour du marché ramena le fils du roi. Il demanda :
Avez-vous trouvé des réponses à mes devinettes ?

Une fois encore tous se turent et se dispersèrent. Qui devait acheter n'acheta pas. Et qui devait vendre ne vendit pas. Le marché se défit.

Or parmi ces hommes rassemblés se trouvait le surveillant du marché. Il était trés pauvre et avait deux filles, l'une fort belle et l'autre, la plus jeune, chétive mais pleine d'esprit.

Le soir lorsque son père rentra, cette dernière lui dit :
Mon père, voici deux marchés que tu pars et que tu nous reviens les mains vides. Pourquoi ?
Ma fille, répondit le surveillant, le fils du roi est venu et nous a déclaré : " Vous ne vendrez ni n'achèterez, vous n'achèterez ni ne vendrez que vous n'ayez compris le sens de ce que je vais dire."
Et que vous a demandé de deviner le prince ? reprit la jeune fille.

Son père lui rapporta les paroles du prince.

La jeune fille réfléchit un peu avant de répondre :
c'est facile, mon père : l'être qui , le matin, marche sur quatres pattes, à midi sur deux et le soir sur trois, c'est l'homme.

Au matin de sa vie, il rampe sur les pieds et les mains, plus grand il avance sur ses deux pieds. Devenu vieux, il s'appuie sur un bâton. Quand à l'arbre, c'est l'année :
l'année a douze mois et chaque mois porte trente jours.

Une semaine passa. En ramenant le jour de marché, elle ramena le fils du roi. Il demanda :
Et aujourdhui avez-vous deviné ?

Le surveillant parla. Il dit :
Oui, Seigneur. L'être qui le matin marche sur quatres pattes, à midi sur deux, le soir sur trois, c'est l'homme. Et quand à l'arbre, c'est l'année.
Ouvrez le marché ! ordonna le fils du roi.

Quand vint le soir, le prince s'approcha du surveillantet lui dit :
Je veux entrer dans ta maison.

Le surveillant répondit :
Bien seigneur.

Et ils partirent à pied. Le prince déclara :
Je me suis enfui du paradis de Dieu. J'ai refusé ce que voulait Dieu. Le chemin est long ; porte-moi ou je te porterai. Parle ou je parlerai.

Le surveillant garda le silence. Ils rencontrèrent une rivière : Le fils du roi dit :
Fais moi traverser la rivière ou je te la ferais traverser.

Le surveillant qui ne comprenait rien ne répondit pas.

Ils arrivèrent en vue de la maison. La plus jeune fille du surveillant (celle qui était malingre mais pleine d'intuition) leur ouvrit. Elle leur dit :
Soyez les bienvenux : ma mère est allée voir un être qu'elle n'a jamais vu. Mes frères frappent l'eau avec l'eau. Ma soeur se trouve entre un mur et un autre.

Le fils du roi entra. Il dit en voyant la plus belle fille du surveillant :
Le plat est beau mais il a une fêlure.

La nuit trouva toute la famille réunie. L'on tua un poulet et l'on fit un couscous de fête. Lorsque le repas fût prêt, le prince dit :
C'est moi qui partagerai le poulet.

Il donna la tête au père ; les ailes au jeunes filles ; les cuisses aux deux garçons ; la poitrine à la mère. Et il se réserva les pattes. Tous mangèrent et se disposèrent à veiller.

Le fils du roi se tourna alors vers la jeune fille pleine d'esprit et lui déclara :
Pour que tu m'aies dit : "Ma mère est allée voir un être qu'elle n'a jamais vu il faut qu'elle soit sage-femme". Pour que tu m'aies dit "Mes frères frappent l'eau avec l'eau" ils arrosaient des jardins. Et quant à ta soeur, "entre un mur et un autre", elle tissait la laine avec un mur derrière elle et un autre : le métier.

La jeune fille répondit :
Lorsque tu t'es mis en route, tu as déclaré à mon père : "Je me suis enfui du paradis de Dieu". C'est la pluie qui pour la terre est le paradis de Dieu : Tu craignais donc de te mouiller ? Et puis tu as dit : "J'ai refusé ce que voulait Dieu". C'est la mort que tu refusais ? Dieux vuet nous mourions, mais nous, nous ne voulons pas.
Tu as dit enfin à mon père : "Le chemin est long, porte moi ou je te porterai ; parle ou je parlerai" pour que le chemin semble plus court.
Tout comme lui tu as dit, lorsque vous vous êtes trouvé devant la rivière : "Fais moi passer la rivière ou je te la ferais passer" : tu voulais dire : "indique-moi le gué ou je chercherai" .


En entrant dans notre maison, tu as regardé ma soeur tu as dit "Le plat est beau, mais il a une fêlure". Ma soeur est belle en effet, elle est vertueuse, mais elle est fille d'un pauvre homme.
Et puis tu as partagé le poulet. A mon père tu as donné la tête : il est la tête de la maison.
A ma mère tu as donné la poitrine : elle est le coeur de la maison.
A nous les filles tu as donné les ailes : nous ne resterons pas ici .
A mes frères, tu as donné les cuisses : ils sont les soutiens, les piliers de la maison.
Et toi tu as pris les pattes parce que tu es l'invité : ce sont tes pieds qui t'on amené jusqu'ici, ce sont eux qui te remmèneront.

Dés le lendemain le prince alla trouver le roi son père et lui déclara :
Moi, je veux épouser la fille du surveillant du marché.......

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Novembre 2013 à 16:42:52
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La Légende Des Etoiles ...

Il était une fois

Un beau Pays de Lune, tout y était très blanc.
Les robes étaient d'argent, tissées de fils de lune.
Les maisons étaient faites avec des pierres de lune.
Les gens n'y marchaient pas, ils passaient en volant sur un rayon de lune.
On s'éclairait le soir avec des vers luisants.
Et dans le ciel sans voile seule y régnait la lune, car il n'existait pas la plus petite étoile.

Lunili était Roi.
Son palais de cristal vibrait au moindre vent en notes très légères, en chansons cristallines...

Lunala son épouse veillait près du berceau fait d'un croissant de lune leur fille nouvelle-née Lunelette chérie.

Pour bien la protéger, la parer, la vêtir, d'habiles araignées tissaient de vraies soieries.
Afin de la nourrir cinquante jeunes filles chantaient dans le vallon de la forêt des Los, des arbres enchantés aux feuilles en forme de lune.
Sur chaque mélodie, l'arbre dansait très beau, s'agitait sans arrêt, afin que bientôt tombent de sa feuille légère des gouttes argentées et doucement sucrées que les jeunes Lunniennes recueillaient aussitôt dans de larges bassins nacrés et scintillants.

Vint le jour du baptême.
La Reine fit venir chacune de ses soeurs et le Roi.
Ses amis:
Lori,Roi des Etangs, vint sur un nénuphar.
Lilo,Roi des Cascades, vint sur la nuée grise, portée par des mésanges.
Lana,Reine des Sources, vint sur un miroir d'eau, suivie de libellules.
Léta,la Souveraine des Gouttes de Rosée, vint en perle dorée sur l'aile d'un zéphyr.
On goûta quelques feuilles de ce La-Do sucré qui pousse au son des harpes.
On but de ce La-Mi, jus doré qu'on extrait de hautes tiges qui croissent lorsque chantent les flûtes.

Lunelette dormait dans son croissant de lune.
Et chacun accrocha aux cornes du berceau le voeu que chaque jour la Princesse put voir s'accomplir ses beaux rêves.
Alors, du fond du ciel donnant son bel éclat à ses plus chauds rayons, parcourant les espaces, traversant le cristal, soulevant les rideaux, le Soleil, lui aussi, voulut toucher du doigt le petit lit d'enfant et porter son souhait.
Et Lunelette ouvrit ses yeux bleus et le vit.
Et ses Mains se tendirent vers l'astre insaisissable.
Et tous avaient compris que l'enfant désirait posséder le soleil...

Depuis ce jour grandit dans le Pays de Lune une princesse triste qui rêvait de soleil...
En vain dans le Palais, le bon Roi Lunili l'entourait de jouets, de présents faits de Lune.
En vain ses moindres rêves étaient réalisés.
Seul restait le premier de ses tendres souhaits qui ne fut accompli et l'unique impossible à satisfaire, un jour au beau Pays de Lune où tout demeurait blanc des doux rayons d'argent que leur tissait la Lune.

La Reine Lunala lentement se mourait car jamais Lunelette n'avait voulu sourire.

Alors en toute hâte, on pria les héraults, chouettes silencieuses et hiboux valeureux, d'aller chercher partout les meilleurs ouvriers du royaume de Lune.
Ceux qui forgeaient le fer, ceux qui coulaient le bronze, ceux qui filaient le verre, ceux soufflant du cristal la merveilleuse bulle qu'irisait la lumière de son bel arc-en-ciel.
Ils devaient travailler sans jamais s'arrêter afin de façonner l'image du soleil pour que vive la Reine et sourie Lunelette.
Chacun se mit à l'oeuvre:
L'un se servit d'argent, de topazes, de rubis.
L'autre prit du phosphore en recouvrit du cuivre.
Le troisième inventa un feu qui rougeoyait sans s'éteindre jamais.
Le plus habile enfin fit un miroir immense afin de conserver du matin jusqu'au soir l'image du soleil.

Déjà le Roi croyait le drame terminé.
On touchait le Soleil, même il vous aveuglait.
Hélas! la nuit tomba. Plus rien ne subsista.
La Lune brillait seule de son reflet d'argent ayant chassé l'image du Soleil disparu de la vasque trompeuse.
Alors brisant de rage le miroir inutile il en jeta dans l'air les fragments innombrables qui se plantèrent au ciel comme autant de clous d'or.

Lunelette à l'instant voyant la féerie de ces mille et un feu fixés dans l'infini, se sentit libérée et sourit à la nuit.

Dans le Pays de Lune depuis la joie demeure.
La Reine vit heureuse et Lunelette aussi.
Car le soir et la nuit brillent dans le ciel noir comme autant de soleils les milliers de feux d'or des brillantes étoiles.

Les princesses Lune et Etoile ......

Et tous les enfants avaient les yeux emplis d'étoiles
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Novembre 2013 à 10:43:25
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La petite Marguerite

La Marguerite mit sa clé sous son paillasson et se dirigea vers le bout du champ.

Toutes les fleurs de la prairie lui crièrent à la fois:
— Marguerite, où vas-tu?

Le vieux merle qui chantait sur le pommier, se pencha en lui sifflant:
— Où vas-tu?

Et le pierrot, la mésange, la tourterelle répétèrent en choeur:

— Où vas-tu?

Au pré fleuri, à tous les arbres habités, la Marguerite répondit:

— Je veux savoir ce qu'est devenu le petit mouton qui m'a brouté deux feuilles.

Elle se mit à marcher sans plus regarder personne. Oiseaux et fleurs crièrent encore:

— Marguerite, tu es folle !

Mais elle ne les entendait pas.
Au bord du champ, Gloudouglou le ruisseau lui barra le chemin.

— Hé ! Gloudouglou, veux-tu me laisser passer?

Gloudouglou était trop occupé pour l'entendre. Il courait de toutes ses forces à travers prés pour tomber en cascade sur la roue grincheuse du vieux moulin.

La Marguerite perdit l'équilibre, tomba et fut entraînée vers la chute d'eau dont le bruit l'effrayait.

La voyant dans cette position dangereuse, le lézard du moulin cria:
— Accrochez-vous à n'importe quoi!

Et il l'aida à se tirer de là.

Pendant que la pauvrette se séchait, son nouvel ami lui proposa de la conduire chez Père Ducorbeau, un vénérable savant qui donnait des conseils merveilleux et nichait au sommet d'un peuplier.

Père Ducorbeau n'entendait que d'une oreille et fort mal. L'autre s'était bouchée à force de dormir dessus depuis tantôt cent sept ans. Mais il avait un cornet acoustique et, quand on criait bien fort, il finissait par comprendre.

— Père Ducorbeau, qu'est devenu le petit mouton qui m'a brouté deux feuilles?

Le vieux savant ne saisit pas tout de suite la question;
il répéta longtemps :

— Mouton... deux feuilles...

Puis, après une profonde méditation, il dit:

— Je pense qu'il est devenu grand!

— Ah ! répliqua la Marguerite, mais où est-il ? Je voudrais tant le voir !

— Il est dans sa chemise de laine !...

C'est tout ce que Lézard et Marguerite en purent tirer et ils descendirent de leur perchoir.

La pauvre petite, s'endormit sous un champignon et Lézard retourna à son moulin.

A son réveil, Marguerite fit sa toilette sous un rocher d'où s'échappait une source claire, ornée de cresson et de fougères. Elle but de bonnes gorgées d'eau fraîche, et se remit en route.

Elle rencontra sur sa route un drôle d'animal brun et elle demanda...

— Hé ! là ! est-ce vous, le mouton qui m'a brouté deux feuilles? Vous avez bien grandi!

— Ah ! ah ! ah ! Un mouton ! Un mouton ! Voyez-vous cette Marguerite qui prend un boeuf pour un mouton ! Même s'il est devenu grand, ton petit mouton, il est encore dix fois moins gros que moi !

— Mais, voilà, a-t-il eu le temps de devenir grand? Je crains bien que tu ne le retrouves jamais.

— Que voulez-vous dire?

— Ils sont partis pour la montagne, lui et ses frères et cette aventure est dangereuse avec tous les loups qui y rodent...

— Et pourquoi faire?

— Tu ne sais donc pas que les loups s'attaque parfois aux moutons?

— Mais il faut les prévenir. Il faut les sauver ! J'y vais ! J'y cours ! Adieu !

C'est qu'elle l'aimait, son mouton !

Quand il lui avait brouté deux feuilles, il était si petit, tout blanc, encore tremblant sur ses pattes et bêlant après sa mère. Et pour l'encourager à brouter de l'herbe, la Marguerite lui avait offert ses deux feuilles...

Marguerite se mit vaillamment en route vers la montagne. Quelle fatigue de monter par ces chemins pierreux ! Que de cailloux, d'épines, sans parler du sol brûlant qui lui rôtissait les pieds ! La pauvrette avait soif et ne reconnaissait plus rien qui lui fût familier. Elle se sentait une étrangère.

Le parfum de fleurs inconnues lui donnait mal à la tête. On la regardait, car personne, dans ce coin de montagne, n'avait vu marcher une marguerite.

— Où est mon mouton ? Par où sont-ils passés ? demandait-elle à chaque pas.

— Suivez le petit sentier, lui répondait-on.

Un bourdon voulut même l'embrasser, sous prétexte qu'elle avait de grosses bonnes joues. Comme c'était haut une montagne !

Parfois, un petit bruit annonçait une source et la Marguerite y courait étancher sa soif, s'y reposer, puis elle repartait.

Enfin, elle arriva à un herbage magnifique. L'herbe était fine comme des cheveux.

Il y avait une foule de fleurs, bleues, jaunes, rouges. Et cela sentait si bon, si fort, qu'elle se serait évanouie, sans le vent frais qui la ravigotait.

Au milieu de ce pâturage, paissant parmi ses frères, elle aperçut son cher mouton (elle le reconnut bien, car il avait une petite tache noire à l'oreille). Marguerite courut vers lui.

— Mouton, hé ! Mon cher mouton, ne me reconnais–tu pas ? Je suis la Marguerite qui t'a donné deux feuilles quand tu étais petit !

Le beau mouton était étonné et attendri.

— Je voulais te revoir. Mais, en voyageant, j'ai appris des choses terribles. On m'a dit que dans la montagne, il y avait des loups qui s'attaquaient parfois aux moutons. C'est le boeuf qui m'a prévenue!

— Sauve-toi, sauve-toi vite!

— Je ne puis le croire, dit le mouton... Me sauver ! Je périrais de chagrin sans mes frères ! Autant partager leur sort!

La nuit tombait.

— À demain, ma courageuse petite fleur, je dois rejoindre un peu plus loin mon troupeau...

La Marguerite s'étendit sur l'herbe douce. Elle aperçut le pré du ciel épanoui d'étoiles. Elle n'avait jamais vu de fleurs si brillantes et s'endormit en les regardant.

Le jour revint. La Marguerite tapota sa jupe de feuilles, déplia sa collerette, et se présenta à ses voisines de l'herbage.

Elle entendait tinter des clochettes ding, dong, dang, et le troupeau s'éparpillait sur les pentes.

Mouton, bien éveillé, cherchait son amie.
Enfin il la retrouva...

— Marguerite, j'ai une bonne nouvelle à t'apprendre, lui dit-il.

— Tu vas te sauver ?...

— Mais non...regarde la belle cloche que le berger m'a mise au cou ce matin. Il m'a dit que grand-père Bélier était trop vieux maintenant pour conduire le troupeau et il m'a choisi pour le remplacer.

— Sais-tu que le bélier est le plus beau mouton du troupeau et qu'il doit avertir les autres à la venue du danger. Cette cloche me permetra d'avertir le berger.

— Quelle joie ! Moi aussi, je vais te dire quelque chose: je m'installe ici pour toujours et j'élèverai sur la montagne une nombreuse famille.

Et, quand arriva l'automne, on vit sur le pré des touffes et des touffes de marguerites qui serraient contre leur coeur des poignées de petites graines.

Le froid commença. Bientôt les moutons s'en retournèrent dans la plaine...

La neige vint recouvrir toutes les fleurs, toutes les plantes. Les petites graines s'enfoncèrent bien profond dans la terre afin de préparer pour l'année prochaine un beau tapis pour la venue des moutons.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Novembre 2013 à 15:15:37
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Petit flocon

La nuit est tombée sur la montagne. La lune brille, dans un ciel de velours noir, entourée de ses amies les étoiles. Elles veillent toutes ensemble sur le sommeil des sapins, des chamois, des marmottes...et des hommes, petits et grands, endormis bien au chaud dans le chalet caché sous la neige.
Tout est calme... Plus un bruit ne résonne...
Plus un bruit ? Mais alors quel est ce son léger, étouffé qui semble tomber du ciel ?

C'est un petit flocon de neige, accroché là-haut à son nuage, qui pleure.
Toute la journée, il a regardé ses amis voler, tournoyer dans le ciel, puis se laisser tomber doucement, portés par un souffle d'air, sur le sol. Il les a entendus rire, crier leur joie.
Il les a vus courir après le vent, puis jouer avec les enfants de la montagne. Il les a regardés encore se laisser attraper, embrasser par les petites bouches vermillon, caresser par les menottes emmitouflées. Qu'il aurait aimé les rejoindre !!! Surtout en fin d'après-midi, lorsque les enfants ont rassemblé tous les flocons pour confectionner le magnifique bonhomme de neige, coiffé d'un bonnet bleu et nanti d'un si long nez orange, qui garde maintenant le jardin.

Mais lui est resté seul, sur son nuage. A présent, il est triste. Il pleure... Soudain, la nuit devient plus lumineuse. C'est la lune qui s'approche, s'approche, et demande d'une voix douce...
« Mais qu'as-tu donc, petit flocon, pour être si triste ?
- Oh, Dame la Lune, je pleure parce que je suis seul. Mes amis sont tous partis, là-bas, dans la montagne.
- Pourquoi ne les as-tu pas accompagnés ?
- Je n'ai pas osé !
- As-tu peur de quitter ton nuage?
- Non, non.
- As-tu peur alors de ne pas savoir voler ?
- Non, non, ce n'est pas ça !
- Mais alors, je ne comprends pas. Explique-moi ! »

Dame la Lune le regarde si gentiment, avec tant de douceur que le petit flocon de neige se décide à tout lui expliquer : voilà, il est un peu plus gros, un peu plus épais que tous ses camarades. Tout rond, il ne ressemble à aucun flocon de neige. Tous ses camarades étaient fins, ciselés comme de la dentelle. Et beaucoup s'étaient moqués de sa forme bizarre, jamais vue au pays des neiges. Il avait donc pris l'habitude de bien demeurer caché tout au fond du nuage duveteux.
Mais les flocons ont grandi et aujourd'hui était venu le jour du grand envol. Tous avaient quitté avec joie le nuage, heureux de connaître l'ivresse des airs. Tous, sauf lui, qui n'avait pas voulu montrer à nouveau sa forme inhabituelle, lui qui n'avait pas voulu subir encore les moqueries de ses camarades. Alors, il était resté là, solidement accroché au rebord de son nuage.
«Mais, lui dit la Lune, tous les flocons de neige sont différents. Comme mes amies les étoiles : quand on les regarde de loin, on trouve qu'elles se ressemblent. Mais dès qu'on s'approche, on remarque à quel point chacune est différente, unique. Il en est de même pour tous tes camarades.
Et toi aussi petit flocon, tu es unique. C'est ta différence qui fait de toi quelqu'un de précieux.
Alors, ne crains pas de te montrer ! Sois fier de ce que tu es : un flocon extraordinaire ! »

A ces mots, le petit flocon a séché ses larmes. Il s'est redressé. Il a regardé son nuage, puis la montagne enneigée... Il a respiré profondément... Et après un dernier sourire à la Lune, il s'est élancé... a tourbillonné dans les airs, goûté la joie de se sentir libre et léger...avant de venir se poser...là, juste sur le bout du nez du bonhomme de neige.

Sous le regard attendri de la lune, dans le froid de la nuit étoilée, petit flocon brille, brille de mille feux, tel un diamant car il sait désormais qu'il est précieux parce qu' ...

UNIQUE.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Novembre 2013 à 10:09:13
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Le mystère de l'île aux épices

Dans une petite île des Caraïbes, appelée l'Île aux Épices, vivait autrefois, tout là-haut dans les montagnes, une vieille dame. Petite Mama mesurait environ quatre pieds et était la plus petite dame de l'île. Ses yeux étaient noirs et profonds. Elle parlait d'une voix sèche comme les branches mortes et lorsqu'elle riait, son rire éclatait comme le tonnerre.
     Même si Petite Mama n'était pas grande, elle était très forte et le travail ne lui faisait pas peur. Elle possédait beaucoup de terres ; celles-ci s'étendaient jusque dans la montagne et étaient plantées de tous les fruits tropicaux imaginables. Il y avait des sapotes, des mangues, des bananes, des caramboles, des pommes grenades, des goyaves, des oranges, des corossols, des prunes et plusieurs autres. Lorsque les fruits étaient mûrs, Petite Mama parcourait ses terres, les cueillait et les chargeait dans sa carriole tirée par un âne. Elle entourait ensuite sa tête d'un foulard aux couleurs merveilleuses, mettait son chapeau de paille à larges bords et descendait de la montagne pour vendre ses fruits.
     Personne ne se rendait là-haut pour acheter les fruits de Petite Mama. Les gens avaient tous peur d'elle car elle vivait seule. Ils croyaient qu'elle pratiquait la sorcellerie ou le vaudou. Mais cela ne dérangeait pas Petite Mama. Elle descendait à la ville, arrêtait son chariot sur le côté de la route et les gens venaient de partout dans l'île pour acheter ses fruits car ils étaient les plus sucrés et les plus juteux qu'on pouvait goûter. Même si Petite Mama possédait plusieurs arbres fruitiers, ses préférés étaient les muscadiers qui donnent les noix de muscade et le macis.
     Un peu plus haut dans la montagne, juste au-dessus des muscadiers, se trouvait au beau milieu d'un volcan, un lac sans fond. Des gens étaient souvent venus de loin avec leur équipement sophistiqué pour tenter de trouver le fond de ce lac, mais, malgré tous leurs efforts, ils n'y étaient jamais parvenus. Petite Mama disait que sur ce lac vivait une jeune fille noire. Elle l'appelait « La Princesse Muscade » car elle n'apparaissait que lorsque les noix de muscade étaient prêtes à être cueillies et que leur parfum sucré embaumait l'air.
     « Elle est la plus jolie princesse que vous ayez jamais vue », racontait Petite Mama. « Elle a de grands yeux et un sourire magnifique. Elle est toujours habillée de bleu clair, ses cheveux sont nattés en centaines de petites tresses et au bout de chacune pend une goutte de rosée qui ressemble à un diamant. Je crois — poursuivait Petite Mama —, qu'elle est d'une beauté qu'on ne peut décrire avec des mots. Celle-ci émane de son âme et de son cœur. Lorsque la Princesse apparaît, elle est assise au milieu du lac sur un radeau fait de tiges de bambou attachées les unes aux autres et elle se laisse glisser sur l'eau en fredonnant une douce mélodie. Parfois son chant est triste, quelques fois il est joyeux. Mais en l'espace d'un éclair, elle disparaît aussi rapidement qu'elle est venue. »
     Petite Mama était la seule à avoir vu la petite princesse du lac. C'est pourquoi les gens de la ville bavardaient sur son compte et croyaient qu'elle était un peu bizarre.
     Dans cette ville, vivait un garçon appelé Aglo. Ses parents ne possédaient pas beaucoup de choses, mais le peu qu'ils avaient leur permettait d'être heureux car la maison d'Aglo était pleine d'amour et les choses matérielles avaient bien peu d'importance pour lui. Sa meilleure amie était une jeune fille joufflue appelée Pétale. Elle habitait tout près de chez Aglo, à quelques maisons de la sienne. Aglo et Pétale adoraient lire. Ils étaient chanceux car le papa de Pétale qui était le bibliothécaire de la ville ramenait souvent à la maison plein de merveilleux livres. Ils s'asseyaient alors sur les marches ou sous un manguier et se faisaient la lecture, s'évadant dans les pages magiques des livres.
     Aglo n'avait pas peur de Petite Mama car pour lui elle était un être humain comme les autres. Chaque fois qu'il la rencontrait vendant ses fruits il lui criait : « Avez-vous besoin d'aide aujourd'hui, Petite Mama ? » Et elle lui répondait : « Non merci, mon gars, non merci. » Ou Aglo lui demandait : « Avez-vous quelque chose pour moi aujourd'hui, Petite Mama ? » Et elle lui donnait un fruit. Certains jours, elle le surprenait en lui lançant un livre. Aglo bondissait alors de joie et descendait la rue aussi vite qu'un oiseau-mouche jusqu'à la maison de Pétale. Tous les deux s'asseyaient ensuite dans l'escalier pour lire le nouveau livre.
     Un beau jour, Aglo décida de se rendre dans la montagne pour voir Petite Mama. C'était la première fois qu'il montait là-haut.
     « Petite Mama », cria-t-il.
     « Que veux-tu ? » répondit-elle de sa voix sèche.
     « Dis-moi, Petite Mama, la Princesse Muscade existe-t-elle vraiment ? »
     « Pourquoi veux-tu savoir cela ? »
     « Parce que j'aimerais la voir. Les noix de muscade sont presque mûres et elle apparaîtra bientôt. »
     « Est-ce que tu crois que moi je peux vraiment la voir ? » demanda Petite Mama.
     « Oh oui ! Petite Mama, je le crois. »
     « Alors écoute-moi bien. Tu dois, comme moi, te lever très tôt, à quatre heures du matin, avant que le premier coq ne chante, tandis que l'air est pur et frais et qu'on peut sentir l'odeur de la muscade et celle de la rosée sur les fleurs. Crois-tu que tu peux te lever aussi tôt ? »
     « Cela ne me pose aucun problème, Petite Mama, vraiment aucun problème », répondit Aglo tremblant d'excitation.
     « Ensuite, lorsque tu entendras le premier chant du coq, lui dit-elle, tu commenceras à gravir la montagne. Tu marcheras au-delà des arbres fruitiers et des muscadiers jusqu'à ce que tu atteignes la rive du lac. Assieds-toi sur la grosse pierre près de la vieille barque rouge et attends. »
     « Viendra-t-elle ? » demanda Aglo.
     « Seul Dieu le sait, mon enfant. »
     Sur ces mots, Aglo redescendit la montagne aussi vite que l'éclair jusqu'à la maison de Pétale.
     « Pétale, Pétale » cria-t-il.
     « Qu'est-ce qui se passe, Aglo ? » répondit Pétale qui se tenait à la fenêtre.
     « Demain c'est samedi. Il n'y a pas d'école. Je vais monter dans la montagne jusqu'au lac pour tenter d'apercevoir la Princesse Muscade. »
     « Cela semble amusant. À quelle heure ? »
     « À quatre heures et demie du matin. Est-ce que tu viens avec moi ? »
     « Compte sur moi. À demain. »

  « Cocorico, cocorico ».
     Le lendemain, à cinq heures moins le quart et au premier chant du coq, ils avaient déjà gravi la moitié de la montagne. Il faisait encore nuit et l'air tropical était pur et frais. On pouvait entendre le bruit sourd de la rivière coulant dans la montagne. « Wouah ! Wouah ! » Un chien aboyait au loin et plusieurs autres lui répondaient en chœur. Aglo et Pétale continuaient de grimper. Ils traversèrent les champs d'arbres fruitiers où ils s'arrêtèrent pour cueillir quelques mangues. Un peu plus haut, ils passèrent près des muscadiers et finalement, atteignirent la rive du lac.
     Il était cinq heures trente lorsqu'ils virent la grosse pierre près de la vieille barque rouge. L'odeur de la muscade était très forte et embaumait l'air frais du matin. Le chant familier des oiseaux emplissait leurs oreilles d'une douce musique. Ils s'assirent et attendirent en mangeant leurs mangues, mais rien n'apparut sur le lac, rien d'inhabituel.      Soudain, les oiseaux cessèrent leur chant et tout devint immobile.
     « Regarde, regarde, dit Aglo doucement, la voilà. »
     « Mais où, où ? » murmura Pétale.
     « Là » répondit Aglo à voix basse.
     Mais peu importe dans quelle direction regardait Pétale, elle ne pouvait voir la princesse.
     « Elle nous regarde, Pétale ! Elle nous regarde ! »
     « De quoi a-t-elle l'air, Aglo ? Je ne la vois pas. »
     « C'est une très belle dame. Vraiment très belle. Elle porte une longue robe bleue et elle nous sourit. »
     « Est-ce qu'elle a des diamants dans ses cheveux ? »
     « Oui, et une aura tout autour d'elle. »
     « Que fait-elle ? »
     « Elle nous sourit. Oh ! Elle est partie. Pétale, elle est partie. »
     « Comme j'aurais aimé la voir ! » dit Pétale, déçue.
     « Peut-être la prochaine fois, Pétale. Rentrons à la maison. »
     Ils descendirent de la montagne à toute allure. En passant près de la maison de Petite Mama, ils lui annoncèrent la bonne nouvelle. Petite Mama les regarda et sourit. Ils continuèrent leur route criant à tous qu'ils avaient vu la Princesse Muscade.
     « Mais qui donc fait tout ce bruit dans la cour ? » demanda une voisine.
     « C'est Aglo et Pétale. Ils disent avoir vu la Princesse Muscade » répondit une autre voisine.
     « Vous voyez ce qui arrive lorsqu'on parle à des gens comme Petite Mama » dit un pêcheur.
     Aglo entra à toute vitesse chez lui pour annoncer la bonne nouvelle.
     « As-tu déjeuné ? » lui demanda son père.
     « Non, papa » répondit Aglo.
     « Alors, voilà pourquoi tu as vu la Princesse Muscade. Ton ventre est creux et tu as besoin de manger. »
     Personne ne voulut croire Aglo, sauf Pétale et Petite Mama. Mais la nouvelle sur la princesse aux diamants se répandit vite et même si les gens ne croyaient pas Aglo, la moitié des habitants de la ville grimpèrent la montagne jusqu'au lac. Ils étaient avides ; ils croyaient que si Aglo disait vrai et que la princesse existait vraiment, ils pourraient prendre quelques diamants de ses cheveux et être riches pour le reste de leurs jours. Les deux premiers matins la princesse n'apparut pas. Mais le troisième matin, Aglo et Pétale retournèrent au lac et s'assirent à leur endroit préféré sur la grosse pierre près de la barque rouge. Et une fois de plus, tous les oiseaux cessèrent de chanter et tout devint calme.
     « La voilà » dit Aglo.
     « Où ? où ? » se mirent à crier les gens.
     Mais personne ne put la voir. Même Pétale. Tout ce qu'ils aperçurent c'est le radeau de bambou. Mais cela suffit à Pétale, car dans son cœur elle savait qu'Aglo pouvait voir la princesse.
     « Je vois un radeau » dit une dame portant un parapluie.
     « Les diamants sont peut-être sur le radeau », reprit un pêcheur.
     Alors, dans un grand plouf, ils sautèrent tous à l'eau et commencèrent à nager vers le radeau. La Princesse Muscade demeurait immobile. Elle fredonnait une chanson. Mais son chant était triste car elle savait que ces gens ne se préoccupaient que de richesses et de rien d'autre. Elle fit alors signe à Aglo et Pétale de s'approcher.
     « Elle veut qu'on la rejoigne... mais... mais je ne sais pas nager. »
     « Servons-nous de cette vieille barque » dit Pétale.
     « Bonne idée » répondit Aglo.
     Ils poussèrent alors la barque jusqu'à l'eau, y montèrent et ramèrent vers la princesse.      Mais c'était une vieille barque et à mi-chemin l'eau commença à s'infiltrer et la barque à couler.
     « Je ne sais pas nager. Je ne sais pas nager » cria Aglo pris de panique.
     « Ne t'inquiète pas, répondit Pétale, moi je le sais. Lorsque nous serons dans l'eau accroche-toi à mon épaule et tout ira bien. »
     Aglo agrippa doucement l'épaule de Pétale. Elle se mit alors à nager et tous les deux atteignirent le radeau, trempés et sans force.
     « Est-elle là ? » demanda Pétale hors de souffle.
     « Oui, elle est là. Et elle nous sourit » répondit Aglo.
     À chaque fois que quelqu'un de la ville s'approchait du radeau, celui-ci dérivait hors de sa portée jusqu'à ce que, épuisés, les gens regagnent la rive et s'assoient pour regarder Pétale et Aglo flotter sur le lac. Le visage d'Aglo resplendissait de joie. Tout à coup, la princesse remua ses cheveux et tous les diamants de rosée se répandirent sur le lac. C'était comme si le ciel s'ouvrait pour laisser s'échapper des millions d'étoiles. Un des diamants se posa au milieu du front de Pétale, elle leva les yeux et, à son tour, vit la Princesse Muscade.
     « Je peux la voir, Aglo. Je peux la voir ! »
     « Tu n'es pas égoïste, dit la Princesse. Tu n'as pas pensé qu'à toi mais plutôt à l'amour que tu portes à ton ami et tu l'as sauvé. Répands cet amour dans le monde. Va maintenant, poursuis tes rêves et si tu crois en toi, tout est possible. »
     Et elle disparut.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Novembre 2013 à 17:27:31
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Petit conte au coin du feu :Frau Holle

Comme vous le savez, il y a très longtemps, les contes étaient racontés par les grand-mères à leurs petits enfants. On les nommait alors des contes de grand-mère, et chacune avait sa version qu'elle transmettait aux générations suivantes. Et puis, quelques messieurs ont décidé un jour de mettre tous ces contes par écrit. Ils sont donc allés trouver les grands-mères pour leur demander de raconter les histoires, et en publièrent quelques livres.
­Ce fut quelque chose de bien, car désormais, ces contes, qui n'étaient jusque là conservés que dans les mémoires, se trouvaient mis sur papier, et on était assuré de les voir survivre au passage du temps. Mais ce fut également quelque chose de moins bien, car désormais, une seule version s'imposait par dessus toutes les autres: celle de l'auteur du livre. Ce n'était pas forcément la pire, mais ce n'était pas forcément la meilleure non plus: c'était une version parmi les autres.
­C'est ainsi qu'en France, parce que notre collecteur de contes à nous s'appelait Charles Perrault, nos contes de grand-mère sont devenus les contes de Perrault. En Allemagne, ce sont les Frères Grimm qui ont collecté tous les contes, et ils sont devenus les contes de Grimm. Et comme Charles Perrault et les frères Grimm ne connaissaient pas les mêmes grands-mères, ils n'ont pas noté dans leurs livres exactement les mêmes histoires.
­Le conte que je vais vous dire à présent vient du livre des Frères Grimm. Mais comme je ne suis ni l'un des frères Grimm, ni la grand-mère qui leur a raconté cette histoire, je ne vous raconterai pas cette histoire à la manière des frères Grimm, mais je vous raconterai la version que ma grand-mère aurait pu me raconter. Si vous avez vous-même à la raconter à quelqu'un d'autre, ne la reprennez pas telle que moi je vous la raconte, mais comme votre grand-mère aurait pu vous la raconter, car c'est ainsi que vivent les contes.
­Voici l'histoire de Frau Holle, "Frau" étant le mot allemand pour "Madame".



­Il était une fois une petite fille très gentille, et très belle. Elle vivait chez sa belle-mère, avec sa demi-soeur qui était, elle, très méchante, pas belle du tout, et surtout très paresseuse. Et comme la belle-mère était jalouse que sa fille à elle soit moins belle que l'autre, c'était la petite fille très gentille et très belle qui devait tout faire à la maison. C'est elle qui faisait la vaisselle. C'est elle qui faisait le ménage. C'est elle qui faisait la couture.
­C'était il y a très longtemps, et les machines pour faire la couture n'étaient pas aussi bien faites qu'aujourd'hui. En fait, elles étaient très dangereuses, avec plein d'aiguilles partout, et un jour, en faisant la couture, la petite fille très gentille et très belle s'est piqué le doigt avec une des aiguilles, et s'est mise à saigner, à beaucoup saigner.
­Elle est donc sortie en courant de la maison, pour aller jusqu'à la fontaine, et a trempé son doigt dans l'eau fraiche pour qu'il arrête de saigner. Et là, la petite fille très gentille et très belle est tombée en avant, et à été aspirée dans l'eau de la fontaine. Elle s'est retrouvée au centre d'une grande prairie toute verte, avec au dessus de sa tête un très beau ciel tout bleu et un grand soleil qui brillait.
­La petite fille très gentille et très belle a commencé à marcher dans la prairie. Et elle est arrivée jusque devant un grand pommier, qui était tout plein de pommes. Il était tellement plein de pommes que toutes ses branches pliaient vers le sol, et que le pauvre pommier ressemblait à un saule pleureur.
­Alors quand il a vu la petite fille très gentille et très belle arriver, le pommier lui a crié « S'il te plait! Secoue-moi! Secoue-moi, pour que mes pommes tombent et que ce soit moins lourd à porter!» Et la petite fille, qui était très gentille et très belle, prit le tronc du pommier à deux mains, et le secoua, secoua, jusqu'à ce que toutes les pommes tombent. Le pommier était très content, et toutes ses branches sont remontées vers le ciel. Il a remercié la petite fille, et celle-ci a continué son chemin.
­La petite fille très gentille et très belle est arrivée ensuite devant un grand four de boulanger, vous savez, avec une très grande ouverture et plein de pains qui cuisent à l'intérieur, et aussi une grande pelle de boulanger posée sur le côté. Et quand ils ont vu la petite fille très gentille et très belle arriver, tous les pains qui étaient dans le four lui ont crié « S'il te plait! Sors-nous de là! Sors-nous de là, car nous allons être trop cuits!»
­Et la petite fille, car elle était très gentille et très belle, prit la grande pelle de boulanger et la plongea dans le four, pour sortir tous les pains avant qu'ils ne soient trop cuits. Et tous les pains l'ont beaucoup remercié, et la petite fille très gentille et très belle a continué son chemin dans la prairie.
­Elle est arrivée ensuite jusque devant une très grande et très belle maison, et devant la porte de la maison, il y avait une très vieille femme qui la regardait, assise dans son fauteuil. Et quand elle a vu la petite fille très gentille et très belle approcher, la vieille dame lui a dit « Bonjour, petite fille. Je suis Frau Holle, et je voudrais te demander un service. Vois-tu, je suis très vieille, et j'ai du mal à me déplacer, aussi je voudrais que tu m'aides à nettoyer ma maison.» Et la petite fille, comme elle était très gentille et très belle, accepta d'aider Frau Holle à nettoyer sa maison.
­Elle est entrée dans la grande et belle maison et a commencé à tout nettoyer, et pendant qu'elle nettoyait, c'était l'hiver chez nous. Et à chaque fois que la petite fille secouait un drap du lit ou une des belles robes de Frau Holle, à chaque fois que de la poussière en tombait, c'est de la neige qui tombait chez nous.
­Quand la petite fille eut finit de tout nettoyer, elle est revenue voir Frau Holle, et lui a dit « Ça y est, j'ai tout nettoyé dans ta maison.
– C'est bien, ma petite. Maintenant écoute-moi: tu vas retourner d'où tu viens. Tu vas retourner au centre de la prairie, là où tu es arrivée, et là, tu recevra ta récompense et tu rentreras chez toi.» Et la petite fille très gentille et très belle fit ce que Frau Holle lui avait demandé. Quand elle arriva au centre de la prairie, un beau nuage tout doré s'est formé au dessus de sa tête, et une pluie d'or s'est mise à tomber, et la petite fille a été entrainée avec la pluie d'or, et s'est retrouvée dans la fontaine, à côté de chez elle.
­Elle a alors remarqué que la pluie avait laissé des traces dorées sur elle, et quand elle s'est secouée, tout l'or est tombé, et elle a pu le récupérer. Elle a couru jusqu'à chez elle, en emportant tout l'or, et a tout raconté à sa belle-mère et à sa demi-soeur.
­Mais la demi-soeur, qui, vous vous souvenez, était très méchante, très paresseuse et pas jolie du tout, la demi-soeur s'est dit « Je vais faire pareil. Je vais aller voir Frau Holle, et je vais ramener encore plus d'or, comme ça, on sera encore plus riche.»
­Et la petite fille très méchante, très paresseuse et pas jolie du tout a prit une aiguille et s'est volontairement piqué le doigt, puis elle a couru jusqu'à la fontaine pour tremper son doigt dans l'eau. Et elle aussi, elle est tombée en avant, et a été aspirée pour se retrouver dans la grande prairie toute verte, avec le beau ciel tout bleu et le grand soleil.
­Elle a commencé à marcher, et elle est arrivée devant le grand pommier, qui était de nouveau tout couvert de pommes. Et quand il a vu la petite fille très méchante, très paresseuse et pas jolie du tout, le pommier lui a crié « S'il te plait! Secoue-moi! Secoue-moi, pour que mes pommes tombent et que ce soit moins lourd à porter!» Mais la petite fille lui a répondu « Pas question! Et si je prennais une pomme sur la tête ? Je ne veux pas me faire mal!» Et elle a continué son chemin, sans se préoccuper du pauvre pommier.
­Elle est arrivée devant le grand four de boulanger, avec la grande pelle de boulanger posée à côté. Et quand elle est passée près du grand four de boulanger, tous les pains à l'intérieur lui ont crié « S'il te plait! Sors-nous de là! Sors-nous de là, car nous allons être trop cuits!». Mais la petite fille très méchante, très parresseuse et pas jolie du tout a répondu « Pas question! Vous savez comme c'est sale, un four de boulanger? Je ne veux pas me salir!» Et elle a continué son chemin en laissant les pains brûler dans le four.
­Et puis, la petite fille très méchante, très paresseuse et pas jolie du tout est arrivée devant la grande maison de Frau Holle, et s'est approché de la vieille dame qui était assise dans son fauteuil devant la porte. Et la vieille dame lui a dit « Bonjour, petite fille. Je suis Frau Holle, et je voudrais te demander un service. Vois-tu, je suis très vieille, et j'ai du mal à me déplacer, aussi je voudrais que tu m'aides à nettoyer ma maison.»
­Et là, la petite fille, qui était très paresseuse et n'avait pas du tout l'intention d'aide Frau Holle, a quand même répondu qu'elle allait le faire, car elle savait que c'était Frau Holle qui avait donné la récompense à l'autre petite fille, celle qui était très gentille et très belle, et qu'il fallait donc faire semblant de faire le travail. Mais comme Frau Holle était très vieille et ne pouvait plus se déplacer, quand elle est entrée dans la maison, la petite fille très méchante et pas jolie du tout n'a rien nettoyé. Elle pensait « De toute façon, ça ne lui sert à rien: elle reste tout le temps devant sa porte et n'y rentre jamais, dans sa maison. Je ne vois pas pourquoi je me fatiguerait à la lui nettoyer.» Et comme elle n'a secoué aucun drap, ni aucun vêtement, cet hiver-là, chez nous, il n'a pas neigé du tout.
­Et puis, au bout d'un certain temps, le temps qui lui aurait fallu pour nettoyer la maison si elle avait respecté sa parole, la petite fille très méchante, très paresseuse et pas jolie du tout est retournée trouver Frau Holle et lui a dit « Ça y est, j'ai tout nettoyé dans ta maison. Et maintenant, je voudrais avoir ma récompense et pouvoir rentrer chez moi.»
­Mais Frau Holle n'avait pas besoin de se lever et d'aller voir dans la maison pour savoir que la petite fille n'y avait rien fait du tout. Elle le savait très bien, comme elle savait aussi que la petite fille n'avait pas voulu secouer le pommier, ni sortir les pains du four. Alors elle lui a répondu « Tu vas retourner d'où tu viens. Tu vas retourner au centre de la prairie. Là, tu vas pouvoir retourner chez toi, et recevoir la récompense que tu as mérité.»
­Et la petite fille est retournée au centre de la prairie, et quand elle y est arrivée, un gros nuage s'est formé au dessus de sa tête, mais cette fois, c'était un nuage tout noir, comme quand il y a de l'orage. Et la pluie qui est tombée sur la petite fille était toute collante et très désagréable. Et quand elle s'est retrouvée dans la fontaine, la petite fille très méchante, très paresseuse et pas jolie du tout s'est aperçue qu'elle était toute salle et a voulu se laver, mais la saleté collait à sa peau, et elle n'a jamais pu la nettoyer.
­Et c'était bien fait pour elle.




Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Novembre 2013 à 14:57:52
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Les secrets du Сhâteau de Fleurs

Il était une fois un pays, dont la gloire s'étendait à travers le monde entier. Là, tout était extraordinaire: les palais frappaient l'imagination d'un luxe (les habitants les appelaient «château»), les bois surprenaient par l'abondance d'oiseaux et de bêtes. Mais la chose la plus remarquable de ce pays c'était un jardin magique, où poussaient des fleurs et des arbres extraordinaires entièrement couverts de fruits dorés. Chaque nuit la récolte devenait complètement mûre et le matin les habitants pouvaient de nouveau goûter les fruits savoureux. Mais le principal secret du jardin magique consistait en ce que chacun après avoir mordu dans un morceau du fruit devenait beaucoup plus heureux, que ce qu'il avait été avant.
      On appelait ce pays «Rosstchastliviya» (c'est-à-dire «rendant heureux») et ses habitants — «stchastlivorossy» («les Slaves heureux»). L'apparence des habitants du pays était aussi remarquable — les femmes étaient réputées pour leur beauté et l'élégance. Chez eux il était à la mode de piquer dans les cheveux des pétales dorés du jardin, grâce à quoi la lumière de leurs yeux possédait un attrait extraordinaire. Les hommes portaient des manteaux de velours, qui sur leurs larges épaules avaient l'air des manteaux royaux. Ils ne devaient pas porter l'arme. Leur dignité et le courage étaient la meilleure preuve de la force. Leur langue était tellement chantante, que pendant qu'ils tenaient des conversations il semblait comme si la musique magique sonnait. Dans ce pays tout respirait l'harmonie et le bonheur.
      Mais le temps passait et les habitants n'ont pas eux-mêmes remarqué que quelque chose dans le monde merveilleux s'était mis à changer. Par désoeuvrement quelqu'un avait dit quelque chose de blessant, quelqu'un avait envié quelqu'un... Comment cela s'est passé — personne ne l'a remarqué, l'envie et la méchanceté avaient envahi le pays. Les femmes ont commencé à mal vieillir, les pétales dans leurs cheveux ont pâli
et se sont effeuillés, les épaules des hommes se tassaient. Les vices des gens que personne n'avait auparavant remarqués ont commencé à se manifester.
Et même dans le jardin il y a eu un malheur — le vieux jardinier Flergan a été atteint d'une maladie mortelle. Le jardin magique s'est très vite couvert de mousse et de lichens, les sentiers se sont couverts de prunellier. Les fleurs et les fruits magiques se couvraient sous les yeux de mousse et tombaient des branches, n'ayant pas eu le temps de mûrir. Les habitants étaient épouvantés par les changements arrivés: leur beau monde s'évanouissait. Le silence et la terreur se sont faits à Rosstchastliviya.
      Personne ne savait comment aider le jardinier aimé, comment rendre leur beau monde. Chaque soir les gens ont commencé à se réunir dans le jardin près de l'arbre autrefois luxuriant. Le malheur commun a rapproché les habitants, les a réunis ensemble. Par qui est venue l'idée d'apporter de l'eau du ruisseau et d'arroser l'arbre — maintenant on ne le rappellerait déjà pas, mais alors... Alors il y a eu un miracle — sous les yeux des habitants stupéfiés: un petit bouton a émergé sur l'arbre presque sec! Le travail a battu son plein: tous portaient les seaux d'eau et arrosaient le jardin magique. Le rire s'est fait entendre et en un clin d'oeil tout a commencé à changer — sur les arbres les bourgeons se gonflaient, les feuilles et les fleurs s'épanouissaient.
      Une fleur était tout à fait particulière. Les pétales roses couvraient en frémissant les étamines dorées, sur lesquelles il y avaient les gouttes de rosée reflétant les rayons de la lumière. Soudain les pétales se sont mis à trembler et la rosée, comme les larmes, a coulé de la fleur. Là, où dégouttait la rosée, germait l'herbe d'émeraude. Les gens ont cueilli un peu de rosée, et tous ensemble sont partis chez le vieux jardinier Flergan. Quelques gouttes ont suffi pour que le jardinier se soit rétabli. Quand il est sorti au jardin les oiseaux chantaient, le vent léger caressait l'herbe juteuse et fraîche. Flergan s'est tourné, son visage brillait de la lumière du bonheur. «Depuis longtemps j'attendais ce moment, — a-t-il dit, — vous-mêmes êtes la source de la vie. Ce n'est que vous-mêmes qui êtes un récipient magique d'une harmonie exceptionnelle, qui rend tous plus heureux!»
     Alors les habitants du pays magique ont compris que le principal — l'harmonie de la vie, l'amour de l'un envers l'autre — est encore vivant! La musique magique a retenti, tous les habitants de Rosstchastliviya disaient à qui mieux - mieux des mots agréables l'un à l'autre. Flergan a ouvert des caves dans le jardin et a organisé un festin de roi. Tous les «stchastlivorossy» l'aidaient, le rire sonnait partout.
      Et j'étais là, goûtait les mets magiques, que le vieux magicien offrait. C'est ce que je vous souhaite!
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Novembre 2013 à 15:34:29
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Conte de Lune

Il était une fois une panthère voyageuse, myrtillée et sans logis. Une nuit qu'elle avançait, droit devant elle sans jamais se retourner, à la recherche de sa terre, de sa planète panthère passion, elle vit devant elle une montagne à contre-lune. La montagne respirait lourdement, saccadée et sonore. Vibrante. La terre en tremblait. Mais la montagne était un lion, un petit lion endormi dans la brousse. Il fermait les yeux pour faire semblant de ne pas voir la forme inquiétante qui avançait. Très fort. Tellement fort qu'il l'imaginait plus sauvage et plus dangereuse qu'elle ne l'était. Une lionne peut-être. Une chasseresse qui l'empêcherait d'être libre. Seul un parfum de myrtille et de voyage lui faisait deviner qu'elle pouvait peut-être être douce. Pendant ce temps la panthère se demandait comment escalader cette montagne. Elle n'a pas pensé la contourner. Elle n'avait jamais vu une montagne aussi puissante. Elle la sentait vibrer sous ses pattes. Un petit singe passa par là. Il regarda tour à tour la panthère figée devant cette grande masse ocre, et le lion faisant semblant de dormir. Le petit singe rigola. Mais pourquoi restes-tu là arrêtée devant un lion, il a peur de toi, tu ne crains rien... Ce n'est pas un lion, dit la panthère, c'est ma montagne. Je t'assure que c'est un lion, répondit le petit singe et qu'un lion ne peut pas être ta montagne. La panthère ne bougeait pas. Le lion qui avait tout entendu, ouvrit un œil . Il vit tour à tour la panthère et le singe et se dit qu'il était d'accord avec le singe et qu'il ne pouvait pas être une montagne. La panthère ne ressemblait à aucune lionne. Elle était plus noire, plus lisse, elle semblait plus forte et plus guerrière. La panthère s'approcha de la montagne - le lion - et se frotta doucement contre lui. Une bouffée de douceur envahit le lion. N'aie pas peur de moi, dit la panthère. Je cherche ma terre panthère passion pour voyager plus loin, ma terre ocre de soleil, un petit prince voyageur, je cherche un sourire dans le silence et les chants de la plaine, je cherche une petite montagne triste d'avancer seule. J'ai l'air puissante et dure pour cacher ma douceur, féroce contre ma tendresse, et noire contre ma pureté. Deviens ma montagne, mon petit bout de terre, et nous voyagerons ensemble. Le petit singe avait écouté tout cela et il ne pouvait pas croire que la panthère continue à prendre le petit lion pour une montagne. Le petit lion regarda à nouveau la panthère mais cette fois-ci au lieu de la regarder du dehors il plongea dans ses yeux et il y vit tous les voyages qu'elle avait faits, tout l'amour qu'elle pouvait donner, sa tendresse - tout ce qu'il n'avait pas vu d'abord. Petite Panthère, répondit le lion, tu ne me fais plus peur. Je devine maintenant qui tu es. Tu cherches une montagne. Je ne suis qu'un lion. Mais je veux bien t'accompagner pendant ton voyage et te protéger si tu as besoin de moi. Regarde mes griffes qu'on ne voit pas quand je dors, je pourrai mordre si on te fait du mal, et te tenir chaud quand tu auras froid. La panthère le regarda longtemps sans rien dire. Finalement elle s'avança vers le lion et lui dit à l'oreille: Tu seras toujours ma petite montagne.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Novembre 2013 à 17:16:41
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Le secret des roussettes

C'était il y a longtemps, très longtemps, à cette époque où les animaux pouvaient vivre en toute liberté, sans crainte de l'homme.
La mer appartenait aux poissons de toutes sortes, la terre était le royaume des mammifères et autres insectes, quant au ciel, les oiseaux aux milles couleurs venaient l'égayer de leur vol incessant.
Les oiseaux, justement, étudions-les de plus près. Du perroquet à la perruche, les uns rivalisent avec les autres pour mettre en valeur leur plumage d'une beauté exceptionnelle. Mais qu'est-ce donc que ce drôle d'oiseau noir qui vole parmi les perruches?... Mais oui, c'est bien une roussette! Et que fait ce mammifère parmi ces beaux oiseaux? c'est bien simple: une solide amitié unit les deux espèces.
Toute la journée, perruche et roussette jouent ensemble. De caractère gai, la perruche invente mille facéties pour faire rire son amie. Celle-ci, un peu naïve, aime toujours la compagnie de la perruche. On ne s'ennuie jamais! Volant d'un arbre à un autre, de concours de vitesse au partage d'une mangue, les deux amies s'entendent à merveille.
Plus grande, la roussettes, par sa présence protège la perruche des prédateurs éventuels. Maligne, cette dernière apprend des tours de son invention à son amie. Parfois, elle profite gentiment de la naïveté de la roussette.

C'est ainsi qu'un jour, les deux animaux se retrouvent sur une branche. Lassées de leurs jeux précédents, elles cherchent ensemble ce qu'elles pourraient faire pour changer un peu.
- Tu veux une mangue? propose la roussette.
Perruche, tête baissée honteuse de son mauvais tour -Non, merci, j'ai assez mangé pour aujourd'hui. Tu ne connais pas un autre jeu? répond la perruche, qui commence à s'ennuyer.
- Ben... Non!
Tout à coup, la perruche exécute un drôle de tour, comme si elle tombait de l'arbre.
- Eh! Qu'est-ce qui t'arrive? s'affole son amie.
Revenue sur le haut de la branche après avoir fait un tour complet, l'oiseau rit de l'étonnement de la chauve-souris.
- Et toi? Tu saurais faire ça? Regarde bien...
Ouvrant des yeux ébahis, la roussette voit l'oiseau faire le tour entier de la branche, suspendue par les pattes. Inquiète au départ, elle éclate de rire en voyant son amie revenir à une position plus normale.
- Ça a l'air drôle! Crois-tu que je pourrai le faire? demanda-t-elle avec envie.
- Bien sûr! Je vais t'expliquer....
La perruche commence alors à détailler le mouvement pour son amie, afin de pouvoir jouer ensemble. Et la roussette de s'élancer, non sans appréhension. Plouf! Elle se rattrape de justesse, encore étourdie par le tour qu'elle vient de faire.
- Super comme jeu! On recommence?
- D'accord! On y va ensemble. Un, deux, trois, ... partez!
Et les deux amies de faire un tour autour de leur branche! Le souffle coupé par le rire et l'exaltation de leur nouveau jeu, elles tournent et tournent encore.
Puis, au milieu d'un tour, la perruche s'arrête et reste accrochée, la tête en bas. Revenue en haut de la branche, la chauve-souris s'étonne de ne pas voir son amie. Puis, elle l'aperçoit:
Roussette, la tête à l'envers- Eh reviens, qu'est-ce que tu fais?
La perruche rit en voyant le désarroi de sa compagne de jeu. Elle revient à côté d'elle après avoir fait un tour complet de la branche.
- Je t'ai bien eu, hein? Puis, malicieusement car elle sait que la roussette aura peur de le faire, elle ajoute: Vas-y toi! Tu fais comme avant mais moins vite, pour rester la tête en bas! Tu verras, c'est facile!
La roussette hésite: son équilibre est déjà précaire et elle à peur de tomber ou d'être ridicule. Mais un peu fière, elle décide de ne pas reculer devant l'obstacle. Elle s'élance et... reste en bas, comme son amie l'avait fait 2 minutes auparavant. Fière de cet exploit, toujours la tête en bas, elle interpelle l'oiseau:
- T'as vu, j'ai réussi! Et maintenant qu'est-ce que je fais?
- Ben, tu reviens!
Mais malgré tous ses efforts, la chauve-souris ne parvient pas à se redresser, ce qui déclenche les rires de la perruche.
Après plusieurs tentatives, et toujours sous les moqueries de sa camarade qui commence à la vexer, la chauve-souris finit par se laisser tomber et voler... loin de la perruche qui s'est moqué d'elle.

Depuis, les roussettes et leurs congénères s'accrochent aux branches la tête en bas et ne se tiennent plus debout, comme avant. Rancunières, elles ne côtoient plus les perruches et vivent même la nuit pour éviter de rencontrer ces oiseaux de malheur qui les ont condamner à dormir la tête en bas.
Vous connaissez maintenant le secret des roussettes et comme nous l'a recommandé notre conteur, ne le répétez surtout pas! Vous risqueriez de les vexer!
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Novembre 2013 à 20:04:55
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Quand Silence rencontra Petite Phrase

Silence s'écoutait, s'étirait dans l'ombre de l'horloge. Il se mesurait, se comparait à la taille du ciel et des nuages, réfléchissait. Était-il aussi profond qu'on le dit ? Silence pensa aux imbéciles qui le croyaient muet, lui qui inlassablement se parlait sans dire mot. Un frisson de peur soudain le fit frémir, un petit bruit frappait à sa porte. Non pas un petit bruit : un sorte de bruit vagabond ou de bruit qui court, plus exactement : une petite phrase.

Silence s'inquiéta : était-ce un bruit perdu, une phrase solitaire, ou un horrible traqueur de silence, un de ces massacreurs de quiétude qui peuplent les villes ? Avait-on découvert son refuge ?

Laissant peu de place à l'indésirable, Silence se fit tout petit. Il ne voulait rien écouter.

Petite Phrase criait : "ouvre-moi ta porte, je suis fatiguée, épuisée, laisse-moi partager ta solitude". En matière de silence, elle s'y connaissait Petite Phrase, elle savait que Silence n'aimait pas partager sa solitude. Pourtant elle insista : "ouvre-moi ta porte".

Prudent, Silence avait fermé ses oreilles, sa porte, et verrouillé son cœur à double tour. Mais Petite Phrase grattait aux oreilles, griffait les murs du château de Silence, se lamentait, pleurait au pied du donjon : "laisse-moi entrer, laisse-moi me réfugier", suppliait-elle ;

"la grande armée de Vacarme me pourchasse ; je ne suis que le murmure d'un poème, je ne te blesserai pas".

Petite Phrase pleurait : "si tu n'ouvres pas ta porte, je serai pareille à une larme que la rivière avale, comme elle, je me dissoudrai, me noierai dans l'océan et la foule des chahuts".

Apeurée, elle interpellait de plus belle : "Silence, connais-tu le désarroi des petites phrases inécoutées, des idées perdues, l'angoisse des mots égarés ? S'il te plait Silence, protège-moi, je ne suis que les mots d'un poème, la cohue et le bruit me tueront".

Rien ne faisait, Silence ne bronchait pas :

"Tu ne sais rien de la horde qui me poursuit", continuait Petite Phrase, "les Toni truands et leurs motos, le vibraphone et ses marteaux, les violons et leurs archets, une famille d'épinettes, de flûtes traversières, et même Pan, sont à ma poursuite". Elle rajouta : "la Grande Rumeur et ses mille langues, la foudre et les bruits qui courent, aussi sont à mes trousses".

Insupportable litanie ! Silence l'avait écouté de sa plus petite oreille, pourtant il fut ému au point que les verrous de son cœur se brisèrent et qu'il ouvrit sa porte.

C'est ainsi que se fit leur curieuse rencontre.

Silence et Petite Phrase cohabitèrent comme le tic et le tac d'une horloge.

Petite Phrase murmurait de brèves paroles puis laissait place à Silence le temps d'un soupir. Sitôt après, elle égrenait un autre chapelet de mots et cela rythmait leur vie.

Silence parfois se demandait s'il avait été raisonnable d'écouter son cœur : était-il naturel que Silence sauve Petite Phrase ? Immanquablement, cette pensée lui faisait déverser de longs soupirs.

En fait Silence et Petite Phrase s'apprivoisaient et ils s'étaient tant habitués l'un à l'autre qu'ils se marièrent et eurent un enfant qu'en raison de sa petite voix, ils nommèrent : Sourdine.

Évidement, Sourdine, comme son nom l'indique, ne parlait qu'en sourdine. Petite Phrase lui avait légué sa voix à poèmes, et Silence, sa voix intérieure, celle que certains appellent la voix du cœur.

L'harmonie régna jusqu'à ce que Sourdine explore le monde, car aussitôt les princesses, les faunes et les lutins vinrent l'écouter. Ses mots et ses silences croisés étaient si beaux que tous se croyaient à la fête. On eut dit des sortilèges de bonheur.

Son succès fut tel qu'il en devint dévastateur. Princesses, faunes, lutins, venaient de partout et tous répétaient en cœur ses paroles, tous voulaient les mettre en chanson, en musique, en symphonies. Les princesses, les faunes, les lutins ne savaient pas qu'il n'est pas besoin de dire fort les choses pour qu'elles soient belles et grandes. Aucun d'entre eux ne savait que les mots doux parlent mieux au cœur que le grand vacarme.

Cependant, la voix de Sourdine reprise par tous, devint une rumeur grandissante, tant et si bien que le Grand Chahut, la Cohue, le Tohu-Bohu assiégèrent bientôt la forteresse de Silence et Petite Phrase. Les Toni truands et leurs motos, le vibraphone et ses marteaux, les violons et leurs archets, une horde d'épinettes, de flûtes traversières, et même Pan, furent de la fête. La Grande Rumeur et ses mille langues, la foudre et les bruits qui courent, les avaient aussi rejoints. L'orgue de Barbarie parlait si haut, si fort, que Silence se bouchait les oreilles. Terrorisé il devenait si petit que Petite Phrase fut contrainte de le blottir dans ses mots pour le protéger. Sourdine, désolée, s'efforçait de ne pas pleurer.

Quand la nuit terrible s'acheva, que le Grand Vacarme, le Grand Chahut, la Cohue, le Tohu-Bohu, les Toni truands et leurs motos, le vibraphone et ses marteaux, les violons et leurs archets, une horde d'épinettes, de flûtes traversières, Pan, la Grande Rumeur et ses mille langues, la foudre et les bruits qui courent, l'orgue de Barbarie, furent assoupis, Petite Phrase se fâcha, dit une bordée de gros mots, bien trop gras pour entrer dans son vocabulaire habituel, puis elle ouvrit son plus beau poème et partit sur la pointe des pieds. Silence et Sourdine s'enfuirent avec elle. Sans donner d'adresse à qui que ce soit, ils partirent très, très loin de là au pays des ours sauvages et du froid éternel.

Depuis, Sourdine sait que Silence est un gardien de vérités essentielles que seule Petite Phrase approche pour en faire des poèmes.

Très loin d'eux, le Grand Vacarme, le Grand Chahut, la Cohue, le Tohu-Bohu, les Toni truands et leurs motos, le vibraphone et ses marteaux, les violons et leurs archets, une horde d'épinettes, de flûtes traversières, Pan, la Grande Rumeur et ses mille langues, la foudre et les bruits qui courent, l'orgue de Barbarie, qui avaient agité la terrible nuit, parlent encore du temps où Sourdine leur avait divulgué la magie des mots, distribué le sucre des silences et la musique du verbe. Tous sont nostalgiques et attendent son retour.

Huit siècles ont passés. Sourdine a grandi, elle sait maintenant qu'il faut lire au fond des yeux  pour rencontrer les silences et les mots millénaires.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Décembre 2013 à 15:35:55
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Le Soleil et le Tournesol

Notre ami le soleil,

qui rend joyeux tous les enfants,

qui fait pousser par sa lumière

tous les fruits, les fleurs et les légumes,

celui qui réchauffe le coeur,

notre ami le soleil s'ennuyait.

Il est si haut ,  et si seul  !

Un jour dans un petit jardin,

une semence qui dormait depuis trop longtemps,

s'éveilla.

Quel joli endroit que celui-ci , se dit-elle

Autour d'elle, des fleurs faisaient la causette,

Madame la rose se trouvait la plus belle,

le timide myosotis se cachait sous son manteau,

la fière tulipe ajustait les plis de sa corolle.

Toutes brillaient sous le soleil de mai.

Et la semence se mit à grandir, grandir......

Les autres se moquaient de cette longue tige.

Oh! qu'il est laid, disait la rose.

Oh ! qu'il est maigre, répondait la tulipe.

Il nous fait de l'ombre, renchérissait le myosotis.

Mais le soleil la consolait,

ne les écoutes pas, disait -il.

Et le jardinier la soignait, la chouchoutait même.

Les autres fleurs en étaient vertes de jalousie,

Quoi ! il nous préfére cet échalas qui ne fleurit pas !!!!

Par un beau jour de juillet,

enfin la plante, un tournesol,

ouvrit son coeur auréolé de jaune,

comme un soleil, cousin de celui du ciel.

Alors, à l'aube de chaque jour,

le tournesol et le soleil s'éveillaient,

et toute la journée, ils jouaient

à des jeux tenus secrets.

Et notre ami le soleil  riait,

et ne s'ennuyait plus.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Décembre 2013 à 16:55:49
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Roulé .. le Loup !

C'est l'histoire d'une petite grand-mère
qui est maigre, maigre comme un clou.
Un jour, sa fille l'invite à son mariage.

La petite grand-mère s'habille ..
et pour pouvoir bien danser, elle met
une jupe, un jupon, une jupe, un jupon, ..
sept jupes et jupons !!
Elle ferme la porte et s'en va.

Bedam, bedi, bedam, bedi,
la p'tite grand-mère est bien partie !

Elle marche, elle marche, elle marche, ..

Soudain, sur le chemin, un LOUP !
-Petite grand-mère, je vais te manger !!
-Tu es fou le loup ! Je suis maigre comme un clou !
Si tu me manges, tu auras encore faim.
Mais je vais au mariage de ma fille.
Pendant trois jours et trois nuits,
je vais boire, je vais manger et quand je reviendrai
je serai toute ronde et toute rose.
Alors tu pourras me manger et te régaler !
-Pas bête la grand-mère, dit le loup, à ton retour, je te mangerai !!

Bedam, bedi, bedam, bedi,
la p'tite grand-mère est repartie !

Elle marche, elle marche, elle marche, ..
Quand elle arrive chez sa fille, la fête a déjà commencé.
La p'tite grand-mère s'en donne à coeur joie.
Elle chante, elle danse, elle mange, elle boit ..
Mais quand la fête est finie,
la p'tite grand-mère dit à sa fille :
-Il y a un loup sur le chemin, il m'attend pour me manger.
-Ne t'inquiète pas, répond sa fille, j'ai ce qu'il faut pour te cacher.
Elle va dans son jardin,
cueille une grosse pastèque et la coupe en deux.
La p'tite grand-mère s'installe dans la pastèque.
Aussitôt refermée, la pastèque,
sous le poids de la p'tite grand-mère,
se met à rouler, rouler, rouler, ..

Roule, roule la pastèque. Roule boule jusqu'au bout.
Roule, roule la pastèque, .. Elle est arrivée devant le LOUP !

Le loup n'est pas content du tout :
-Pastèque ! Tu n'as pas vu sur ton chemin
une grand-mère toute ronde et toute rose ?
-Je n'ai vu personne, le loup, mais je suis très pressée,
alors tu me manges vite ou tu me laisses passer !
-Moi, un loup affamé ! Manger des pépins et de l'eau sucrée !!
Tu me prends pour une chèvre ou quoi ?
Allez ! Roule ton chemin la pastèque !
Le loup donne un coup de pied dans la pastèque
qui se remet à rouler ..

Roule, roule la pastèque. Roule boule jusqu'au bout.
Roule, roule la pastèque, .. Elle a bien roulé le LOUP !

Et la petite grand-mère est arrivée toute contente chez elle
avec des pépins partout .. Et elle n'a plus jamais entendu
parler du loup.

Voilà, C'EST TOUT !



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Décembre 2013 à 08:46:00
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Un conte pour la Saint Nicolas

Il était une fois, il y a de ça très longtemps, un petit garçon au grand cœur qui s'appelait Nicolas.
Nicolas était un garçon fort généreux. Il aimait beaucoup donner, partager et faire plaisir aux autres. Quand il voyait quelqu'un qui avait faim, il lui donnait sa collation. Quand il voyait quelqu'un qui avait froid, il lui donnait son manteau. Nicolas aidait les autres autour de lui. Son cœur rayonnait de bonté.
Un jour, alors que le petit Nicolas était devenu un jeune homme, il apprit qu'il y avait une grande ville, loin de chez lui, où tous les gens étaient pauvres et n'avaient rien à manger. Nicolas demanda à ses amis de l'aider. Ensemble, ils firent le tour du village pour demander aux gens d'être généreux. C'est ainsi qu'ils recueillirent des grands paniers remplis de pommes, de clémentines, de noix et de pains. Nicolas et ses amis mirent tout ça sur un grand navire bleu et ils partirent pour la grande ville lointaine.
Le vent souffla dans la grande voile blanche. Il leur fallut naviguer longtemps : 7 jours et 7 nuits. Lorsqu'ils arrivèrent aux portes de la grande ville, c'était le soir. Il n'y avait personne dans les rues, mais on voyait la lumière briller aux fenêtres. Nicolas frappa à une porte. Une maman ouvrit, mais il n'y avait personne. Elle trouva une corbeille remplie de pommes, de noix, des graines et un pain. Toute la famille se réjouissait et ensemble ils mangèrent un bon repas. C'était la fête !
Nicolas et ses amis firent ainsi le tour de la ville. Tout le monde avait le coeur en fête ! Bientôt, les enfants retrouvèrent leur santé et leur bonne humeur.

Nicolas continua d'être généreux et bon avec tous ceux qu'il croisait.
Quelques années plus tard, alors que Nicolas était un vieillard, il rencontra une famille très pauvre. Il y avait trois jeunes filles et leurs parents. Le soir, les fillettes faisaient sécher leurs chaussettes sur le bord de la cheminée et allaient se coucher. Un matin, à leur réveil, les filles remarquèrent une bosse dans leur chaussette. Elles les décrochèrent, plongèrent leur main à l'intérieur et découvrirent un sac rempli d'or ! Il y avait suffisamment d'or pour toute la famille. Ils étaient si heureux !
Devinez qui avait lancé l'or dans la cheminée ? Nicolas, bien sûr !

Nicolas a toujours aidé les autres. Son cœur était si grand, si bon et si généreux que certains l'appelaient Saint-Nicolas. Il aimait aider particulièrement les enfants, si bien que d'autres l'appelaient Père Nicolas.
Maintenant, Nicolas est au ciel. Tous les ans, à son anniversaire, sur la Terre, les hommes bons se souviennent de lui et de ses bonnes actions. Alors, pour nous aussi, c'est le moment de déposer de l'amour et de la générosité dans notre cœur, afin que tout le monde participe à la grande chaîne de bonté.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Décembre 2013 à 10:11:01
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Rudolph et la pomme magique

Il était une fois en Laponie, par-delà les mers et les océans, un modeste chalet perché sur une grande montagne reculée. Dans ce cabanon habitait un homme à la mine joyeuse, plutôt rondouillard, toujours vêtu de rouge et de blanc. Cet homme dirige un peuple de lutins ailés aux oreilles pointues, qui fabriquent tout au long de l'année des jouets pour les enfants du monde entier. Il se balade dans un traîneau tiré par neuf rennes dont Rudolph, le renne au nez rouge. Il est le seul qui peut guider notre bonhomme au manteau rouge dans la nuit nuageuse de Noël. Vous avez deviné qui était ce bonhomme, le chef de ce chalet et le seul homme sur terre qui soit capable de parler à ses rennes ? C'est le Père Noël, bien sûr !
Voila la drôle d'histoire qui arriva au Père Noël il n'y a pas si longtemps. Un soir, le vingt décembre plus précisément, notre bon Père Noël se rendit à l'étable afin de nourrir ses rennes. Lorsqu'il entra dans le box de Tempête, il n'y avait personne. Il pénétra dans celui de Flash, personne non plus. Dans le box de Comète était vide lui aussi. Et ainsi de suite, il fit le tour de tous les boxes. Ils étaient tous vides à l'exception de celui de Rudolph. Tout le monde était rassemblé autour du petit dernier, le plus important de toute la tribu car sur son museau, il possède une petite ampoule rouge qui lui permet d'orienter le Père Noël dans la neige et le brouillard durant les rudes nuits d'hiver. Il devait se passer quelque chose de grave pour que tous les rennes soient rassemblés dans le box de Rudolph. Le Père Noël demanda à ses rennes de s'écarter et de le laisser passer. C'est ce qu'ils firent sur le champ car ils écoutent toujours la voix de leur maître. En s'approchant du box, le Père Noël vit que Rudolph était couché, la tête tournée, pour ne pas regarder le Père Noël. Il dit au Père Noël :
- "Non, ne me regarde pas, j'ai trop honte, remets-moi parmi d'autres rennes. Désormais je ne te servirai plus à rien."
Le Père Noël le rassura :
- "Je ne ferai jamais une chose pareille. Mais pourquoi dis-tu que tu ne me serviras plus à rien ? Tu es de mes rennes le plus important, non seulement tu es unique mais en plus sans toi, je ne peux pas avancer au milieu de la nuit noire. Et si je ne peux pas me diriger dans la nuit, je ne peux pas livrer mes cadeaux aux enfants du monde entier à temps." Rudolph tout tremblant se retourna vers le Père Noël en lui disant :
- "Cette année, je ne te servirai pas à grand chose".
Une fois que Rudolph fut retourné, le Père Noël vit l'inimaginable. Comment une chose pareille avait-elle pu se produire ? Rudolph lui-même ne le savait pas. Il se souvenait juste que la veille, il s'était endormi avec sa lumière. Ce matin, en se réveillant, son ampoule était éteinte.

Le Père Noël retourna au chalet, fort anxieux. Il rassembla tous ses lutins et il fit arrêter la production de jouets afin d'annoncer l'horrible nouvelle aux lutins. Ensuite, il alla téléphoner au seul vétérinaire magique qui n'était pas en congé à Noël. Quelques instants plus tard, le vétérinaire apparut sur le pas de la porte du chalet. Le Père Noël s'empressa de conduire le médecin auprès du malade. Le docteur annonça la pire des nouvelles :
- "L'ampoule de Rudolph est grillée. Je ne vois que deux solutions, proposa le vétérinaire : soit on change son ampoule, soit vous arrivez à trouver la pomme magique du lapin pur. Remplacer l'ampoule était une chose impossible à faire car elle faisait partie de son corps. La seule façon de réparer cette ampoule grillée était donc de trouver ce fameux lapin pur et sa pomme, comme l'indiquait le vétérinaire. Pour cela, le Père Noël dut faire appel à ses elfes, pour aller chercher ce lapin pur. Mais il y en eut peu dans la maisonnée qui osèrent se présenter pour accomplir cette mission, tant elle était importante. Celui qui fut sélectionné s'appelait Fantasias. C'était un elfe petit, tout fin, blond aux yeux bleus et pétillant de malice en permanence. Il était toujours prêt à voyager et à découvrir de nouvelles contrées. Il connaissait d'ailleurs beaucoup de choses sur le monde extérieur. Le lendemain matin, le 21 décembre, Fantasias partit accomplir sa mission. En chemin, il rencontra un renard des neiges et il lui demanda :
- "Aurais-tu vu le lapin pur ?"
- "Non mais si je le vois je lui dirai que tu le cherches. En plus, je sens son odeur donc il ne doit pas être très loin. Fantasias remercia le petit renard et continua sa route. Après avoir marché durant plusieurs heures, notre petit elfe rencontra un ours polaire et il lui posa la même question :
- "Ours, grand ours blanc, roi du pôle aurais-tu vu le lapin pur ?"
Il lui répondit d'une voix douce et calme :
- "Oui, bien sûr, on vient de discuter ensemble, il y a à peu près dix minutes. Il est parti par là, en direction du soleil couchant. Il ne doit pas être très loin. Tu peux peut-être encore le rattraper".
Le farfadet courut, courut plus vite que le vent. Il parcourut tout le glacier, jusqu'à en perdre haleine, jusqu'au soleil couchant. Mais le lapin pur n'était pas là. Devant cet échec, Fantasias perdit tout espoir de retrouver ce fameux lapin pur. Il avait un tel poids sur les épaules. Il devait sauver l'un des rennes du Père Noël. Epuisé, il s'allongea et s'endormit dans la fraîcheur glaciale de la neige. Le lendemain, Fantasias se réveilla en même temps que le soleil. En face de lui apparaissait deux yeux noirs. Les yeux lui dirent :
- "Bonjour, tu vas bien ?"
L'elfe ne parut pas effrayé par les deux yeux noirs car il se rendit vite compte que les yeux étaient en fait ceux d'un petit lapin blanc. Fantasias sans hésiter demanda à la boule de poil :
- "Es-tu le lapin pur ?"
- "Non, ça c'est mon papa", répondit le lapinou. "Moi, je suis le lapin de l'espoir. J'apparais devant toutes les personnes qui ont perdu leurs espoirs et je les aide à les retrouver. Dès que j'ai entendu que ton cœur avait perdu tout espoir, j'ai accouru vers toi aussi vite que j'ai pu. Mais au fait pourquoi as-tu perdu tout espoir ?"
Fantasias lui raconta toute l'histoire et surtout qu'il devait sauver l'un des rennes du Père Noël. Le petit lapin ouvrait des yeux de plus en plus grands au fur et à mesure que l'elfe lui racontait son histoire. Une fois que l'elfe eu finit de raconter son histoire, la petite boule de poils lui dit :
- "Vite grimpe sur mon dos. Nous n'avons pas une minute à perdre. Je te conduis tout de suite chez mon papa."
Fantasias, n'écoutant que son cœur, grimpa sur le dos de la petite bête. Le lapin courut le plus vite qu'il put et arriva à la tanière blanche du lapin pur. Sur le pas du terrier une voix grave se fit entendre :
- "Qui va là ?"
- "C'est moi, Fantasias. Je suis un des elfes du Père Noël et je suis là car j'ai besoin de votre aide pour sauver l'un des rennes du Père Noël grâce à votre pomme magique."
Sur un ton très méchant, la voix au fond du terrier gronda :
- "Qu'est-ce que tu veux que ça me fasse que tu aies parcouru tant de kilomètres pour sauver un des rennes du Père Noël. Je me fiche également que tu t'appelles Fantasias. Je peux toujours te donner ma pomme, mais qu'est-ce que j'y gagne, moi, en échange ?"
Fantasias surpris par la question lui répondit :
- "J'en sais rien, moi. Il faudrait que tu demandes à mon patron. Mais j'ai une question à te poser, pourquoi on t'appelle lapin pur si tu es aussi méchant ?"
- "Car je n'ai jamais été aimé par un être humain et là est mon seul et unique rêve."
Fantasias lui dit :
- "Peut-être que si tu viens avec moi, mon patron pourra faire quelque chose pour toi mais en échange, je veux ta pomme magique."
Le lapin lui dit :
- "Oui, je l'ai toujours sur moi mais pour la posséder tu dois répondre à mon énigme : je suis blanche, je suis ronde mais pas toujours présente. Parfois je suis une moitié, parfois je suis entière et parfois on voit de moi qu'une tranche. Parfois je suis lumineuse, parfois je suis sombre, parfois les deux en même temps. Tout le monde a envie de marcher sur moi mais seuls quelques chanceux l'ont fait. Qui suis-je ? Je te donne un jour et une nuit, lui dit la voix au fond du terrier. En attendant, repose-toi car demain sera une rude journée pour toi. Le lendemain matin le 22 décembre, avant-veille de la distribution de cadeaux.

Dans son chalet, le Père Noël était inquiet de ne pas revoir son elfe et de voir que l'état de Rudolph ne s'améliorait pas. De son côté, Fantasias réfléchissait à l'énigme mais la réponse lui paraissait trop évidente pour ses connaissances. Il retourna vers le lapin et il cria à l'entrée du terrier :
- "La lune, la réponse à ton énigme est la lune !"
La voix grave du lapin lui répondit timidement :
- "Oui, c'est bien la bonne réponse. De toutes les créatures qui ont voulut s'approprier ma pomme magique, tu es le premier à trouver la bonne réponse."
Le lapin sortit enfin de son trou et l'elfe put enfin mettre un visage sur la voix grave du fond du terrier. Le pelage du lapin était noir. Il possédait des yeux rouges comme la braise. Fantasias monta sur le dos du lapin et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, il se retrouva au chalet. Le lapin fit ses recommandations pour donner la pomme à Rudolph : deux quartiers de pommes par heures jusqu'aux premières lueurs du jour. Le Père Noël découpa la pomme en six morceaux. L'intérieur de celle-ci était bleu et sentait la menthe. De minuit à trois heures du matin, il donna par morceaux la pomme à Rudolph. Epuisé d'avoir veillé son renne toute la nuit, il s'endormit contre son protégé.

Le 23 décembre, le Père Noël fut soudainement réveillé par une douce lueur rouge, ainsi qu'une immense chaleur. Il pensait que c'était le soleil qui était en train de se lever. Il ouvrit donc les yeux et il se rendit compte qu'il faisait encore nuit. En réalité, il s'agissait de l'ampoule de Rudolph qui brillait de milles feux. Le renne était plus en forme que jamais. Le Père Noël alla voir le lapin et lui dit :
- "Tu as sauvé mon renne et tu as sauvé la fête de Noël que puis je faire pour toi ?"
- "Je veux être aimé répondit le petit lapin."
Le Père Noël lui promit de faire tout son possible pour réaliser son souhait. Le lendemain, le 24 décembre, le Père Noël n'avait toujours pas trouvé de solution à la promesse qu'il avait faite au lapin mais il lui dit ceci :
- "Je n'ai pas encore trouvé de solution à ce que tu m'as demandé mais je peux te proposer une balade en traîneau et de me suivre dans ma distribution de jouets dans le monde entier."
- "J'accepte avec le plus grand plaisir", répondit le lapin pur.
Le Père Noël, prépara son traîneau, y chargea tous ses cadeaux et attela tous ses rennes au véhicule. Il passa son costume magique et il se mit en route pour distribuer les cadeaux aux enfants du monde entier, accompagné de son fidèle elfe Fantasias et du lapin pur.

Durant la nuit, le Père Noël déposa tous les cadeaux dans les maisons de tous les enfants sages du monde entier. Le petit Mickaël, un enfant qui avait été particulièrement sage, avait demandé au Père Noël, qu'un seul cadeau : un lapin à chérir et à aimer. Le Père Noël, en soulevant la cage du lapin de Mickaël, la trouva très légère. Il regarda à l'intérieur : Horreur ! La cage était vide ! Le lapin s'était échappé durant la tournée du Père Noël. Sans réfléchir, le lapin pur prit de l'élan et sauta dans la cage. Il regarda le Père Noël et lui dit :
- "Merci d'avoir exaucé mon souhait."
En homme sage, le Père Noël ne répondit rien et déposa délicatement la cage du lapin pur, au pied de la cheminée. Et il repartit vers son chalet, où les rennes et le Père Noël eurent un repos bien mérité avec en prime pour les rennes, cette année-là, une double ration de foin croquant.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 08 Décembre 2013 à 14:53:27
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Le sapin

Là-bas, dans la forêt, il y avait un joli sapin. Il était bien placé, il avait du soleil et de l'air ; autour de lui poussaient de plus grands camarades, pins et sapins. Mais lui était si impatient de grandir qu'il ne remarquait ni le soleil ni l'air pur, pas même les enfants de paysans qui passaient en bavardant lorsqu'ils allaient cueillir des fraises ou des framboises.

«Oh ! si j'étais grand comme les autres, soupirait le petit sapin, je pourrais étendre largement ma verdure et, de mon sommet, contempler le vaste monde. Les oiseaux bâtiraient leur nid dans mes branches et, lorsqu'il y aurait du vent, je pourrais me balancer avec grâce comme font ceux qui m'entourent. »

Le soleil ne lui causait aucun plaisir, ni les oiseaux, ni les nuages roses qui, matin et soir, naviguaient dans le ciel au-dessus de sa tête.

L'hiver, lorsque la neige étincelante entourait son pied de sa blancheur, il arrivait souvent qu'un lièvre bondissait, sautait par-dessus le petit arbre – oh ! que c'était agaçant ! Mais, deux hivers ayant passé, quand vint le troisième, le petit arbre était assez grand pour que le lièvre fût obligé de le contourner. Oh ! pousser, pousser, devenir grand et vieux, c'était là, pensait-il, la seule joie au monde.

En automne, les bûcherons venaient et abattaient quelques-uns des plus grands arbres. Cela arrivait chaque année et le jeune sapin, qui avait atteint une bonne taille, tremblait de crainte, car ces arbres magnifiques tombaient à terre dans un fracas de craquements.

Où allaient-ils ? Quel devait être leur sort ?

Au printemps, lorsque arrivèrent l'hirondelle et la cigogne, le sapin leur demanda :

-Savez-vous où on les a conduits ? Les avez-vous rencontrés ?

Les hirondelles n'en savaient rien, mais la cigogne eut l'air de réfléchir, hocha la tête et dit :

-Oui, je crois le savoir, j'ai rencontré beaucoup de navires tout neufs en m'envolant vers l'Egypte, sur ces navires il y avait des maîtres-mâts superbes, j'ose dire que c'étaient eux, ils sentaient le sapin.

-Oh ! si j'étais assez grand pour voler au-dessus de la mer ! Comment est-ce au juste la mer ? A quoi cela ressemble-t-il ?
-Euh ! c'est difficile à expliquer, répondit la cigogne.

Et elle partit.

-Réjouis-toi de ta jeunesse, dirent les rayons du soleil, réjouis-toi de ta fraîcheur, de la jeune vie qui est en toi.

Le vent baisa le jeune arbre, la rosée versa sur lui des larmes, mais il ne les comprit pas.

Quand vint l'époque de Noël, de tout jeunes arbres furent abattus, n'ayant souvent même pas la taille, ni l'âge de notre sapin, lequel, sans trêve ni repos, désirait toujours partir. Ces jeunes arbres étaient toujours les plus beaux, ils conservaient leurs branches, ceux-là, et on les couchait sur les charrettes que les chevaux tiraient hors de la forêt.

-Où vont-ils? demanda le sapin, ils ne sont pas plus grands que moi, il y en avait même un beaucoup plus petit. Pourquoi leur a-t-on laissé leur verdure?

-Nous le savons, nous le savons, gazouillèrent les moineaux. En bas, dans la ville, nous avons regardé à travers les vitres, nous savons où la voiture les conduit. Oh ! ils arrivent au plus grand scintillement, au plus grand honneur que l'on puisse imaginer. A travers les vitres, nous les avons vus, plantés au milieu du salon chauffé et garnis de ravissants objets, pommes dorées, gâteaux de miel, jouets et des centaines de lumières.

-Suis-je destiné à atteindre aussi cette fonction ? dit le sapin tout enthousiasmé. C'est encore bien mieux que de voler au-dessus de la mer. Je me languis ici, que n'est-ce déjà Noël ! Je suis aussi grand et développé que ceux qui ont été emmenés l'année dernière. Je voudrais être déjà sur la charrette et puis dans le salon chauffé, au milieu de ce faste. Et, ensuite ... il arrive sûrement quelque chose d'encore mieux, de plus beau, sinon pourquoi nous décorer ainsi. Cela doit être quelque chose de grandiose et de merveilleux ! Mais quoi ?... Oh ! je m'ennuie ... je languis ...

-Sois heureux d'être avec nous, dirent l'air et la lumière du soleil. Réjouis-toi de ta fraîche et libre jeunesse.

Mais le sapin n'arrivait pas à se réjouir. Il grandissait et grandissait. Hiver comme été, il était vert, d'un beau vert foncé et les gens qui le voyaient s'écriaient : Quel bel arbre !

Avant Noël il fut abattu, le tout premier. La hache trancha d'un coup, dans sa moelle ; il tomba, poussant un grand soupir, il sentit une douleur profonde. Il défaillait et souffrait.
L'arbre ne revint à lui qu'au moment d'être déposé dans la cour avec les autres. Il entendit alors un homme dire :

-Celui-ci est superbe, nous le choisissons.

Alors vinrent deux domestiques en grande tenue qui apportèrent le sapin dans un beau salon. Des portraits ornaient les murs et près du grand poêle de céramique vernie il y avait des vases chinois avec des lions sur leurs couvercles. Plus loin étaient placés des fauteuils à bascule, des canapés de soie, de grandes tables couvertes de livres d'images et de jouets ! pour un argent fou – du moins à ce que disaient les enfants.

Le sapin fut dressé dans un petit tonneau rempli de sable, mais on ne pouvait pas voir que c'était un tonneau parce qu'il était enveloppé d'une étoffe verte et posé sur un grand tapis à fleurs ! Oh ! notre arbre était bien ému ! Qu'allait-il se passer ?

Les domestiques et des jeunes filles commencèrent à le garnir. Ils suspendaient aux branches de petits filets découpés dans des papiers glacés de couleur, dans chaque filet on mettait quelques fondants, des pommes et des noix dorées pendaient aux branches comme si elles y avaient poussé, et plus de cent petites bougies rouges, bleues et blanches étaient fixées sur les branches. Des poupées qui semblaient vivantes – l'arbre n'en avait jamais vu – planaient dans la verdure et tout en haut, au sommet, on mit une étoile clinquante de dorure.

C'était splendide, incomparablement magnifique.

-Ce soir, disaient-ils tous, ce soir ce sera beau.

«Oh ! pensa le sapin, que je voudrais être ici ce soir quand les bougies seront allumées ! Que se passera-t-il alors ? Les arbres de la forêt viendront-ils m'admirer ? Les moineaux me regarderont-ils à travers les vitres ? Vais-je e rester ici, ainsi décoré, l'hiver et l'été ? »

On alluma les lumières. Quel éclat ! Quelle beauté ! Un frémissement parcourut ses branches de sorte qu'une des bougies y mit le feu : une sérieuse flambée.

-Mon Dieu ! crièrent les demoiselles en se dépêchant d'éteindre.

Le pauvre arbre n'osait même plus trembler. Quelle torture ! Il avait si peur de perdre quelqu'une de ses belles parures, il était complètement étourdi dans toute sa gloire ... Alors, la porte s'ouvrit à deux battants, des enfants en foule se précipitèrent comme s'ils allaient renverser le sapin, les grandes personnes les suivaient posément. Les enfants s'arrêtaient – un instant seulement -, puis ils se mettaient à pousser des cris de joie – quel tapage ! – et à danser autour de l'arbre. Ensuite, on commença à cueillir les cadeaux l'un après l'autre.

«Qu'est-ce qu'ils font ? se demandait le sapin. Qu'est-ce qui va se passer ? »

Les bougies brûlèrent jusqu'aux branches, on les éteignait à mesure, puis les enfants eurent la permission de dépouiller l'arbre complètement. Ils se jetèrent sur lui, si fort, que tous les rameaux en craquaient, s'il n'avait été bien attaché au plafond par le ruban qui fixait aussi l'étoile, il aurait été renversé.

Les petits tournoyaient dans le salon avec leurs jouets dans les bras, personne ne faisait plus attention à notre sapin, si ce n'est la vieille bonne d'enfants qui jetait de-ci de-là un coup d'oil entre les branches pour voir si on n'avait pas oublié une figue ou une pomme.

-Une histoire ! une histoire ! criaient les enfants en entraînant vers l'arbre un gros petit homme ventru.

Il s'assit juste sous l'arbre.

-Comme ça, nous sommes dans la verdure et le sapin aura aussi intérêt à nous écouter, mais je ne raconterai qu'une histoire.

Voulez-vous celle d'Ivède-Avède ou celle de Dumpe-le-Ballot qui roula en bas des escaliers, mais arriva tout de même à s'asseoir sur un trône et à épouser la princesse ?

L'homme racontait l'histoire de Dumpe-le-Ballot qui tomba du haut des escaliers, gagna tout de même le trône et épousa la princesse. Les enfants battaient des mains. Ils voulaient aussi entendre l'histoire d'Ivède-Avède, mais ils n'en eurent qu'une. Le sapin se tenait coi et écoutait.

«Oui, oui, voilà comment vont les choses dans le monde », pensait-il. Il croyait que l'histoire était vraie, parce que l'homme qui la racontait était élégant.

-Oui, oui, sait-on jamais ! Peut-être tomberai-je aussi du haut des escaliers et épouserai-je une princesse !

Il se réjouissait en songeant que le lendemain il serait de nouveau orné de lumières et de jouets, d'or et de fruits.

Il resta immobile et songeur toute la nuit.

Au matin, un valet et une femme de chambre entrèrent.

-Voilà la fête qui recommence ! pensa l'arbre. Mais ils le traînèrent hors de la pièce, en haut des escaliers, au grenier... et là, dans un coin sombre, où le jour ne parvenait pas, ils l'abandonnèrent.

-Qu'est-ce que cela veut dire ? Que vais-je faire ici ?

Il s'appuya contre le mur, réfléchissant. Et il eut le temps de beaucoup réfléchir, car les jours et les nuits passaient sans qu'il ne vînt personne là-haut et quand, enfin, il vint quelqu'un, ce n'était que pour déposer quelques grandes caisses dans le coin. Elles cachaient l'arbre complètement. L'avait-on donc tout à fait oublié ?

«C'est l'hiver dehors, maintenant, pensait-il. La terre est dure et couverte de neige. On ne pourrait même pas me planter ; c'est sans doute pour cela que je dois rester à l'abri jusqu'au printemps. Comme c'est raisonnable, les hommes sont bons ! Si seulement il ne faisait pas si sombre et si ce n'était si solitaire ! Pas le moindre petit lièvre. C'était gai, là-bas, dans la forêt, quand sur le tapis de neige le lièvre passait en bondissant, oui, même quand il sautait par-dessus moi ; mais, dans ce temps-là, je n'aimais pas ça. Quelle affreuse solitude, ici ! »

«Pip! pip ! » fit une petite souris en apparaissant au même instant, et une autre la suivait. Elles flairèrent le sapin et furetèrent dans ses branches.

-Il fait terriblement froid , dit la petite souris. Sans quoi on serait bien ici, n'est-ce pas, vieux sapin?

-Je ne suis pas vieux du tout, répondit le sapin. Il en y a beaucoup de bien plus vieux que moi.

-D'où viens-tu donc ? demanda la souris, et qu'est-ce que tu as à raconter ?

Elles étaient horriblement curieuses.

-Parle-nous de l'endroit le plus exquis de la terre. Y as-tu été ? As-tu été dans le garde-manger ?

-Je ne connais pas ça, dit l'arbre, mais je connais la forêt où brille le soleil, où l'oiseau chante.
Et il parla de son enfance. Les petites souris n'avaient jamais rien entendu de semblable. Elles écoutaient de toutes leurs oreilles.

-Tu en as vu des choses ! Comme tu as été heureux !

-Moi ! dit le sapin en songeant à ce que lui-même racontait. Oui, au fond, c'était bien agréable.

Mais, ensuite, il parla du soir de Noël où il avait été garni de gâteaux et de lumières.

-Oh ! dirent encore les petites souris, comme tu as été heureux, vieux sapin.

-Mais je ne suis pas vieux du tout, ce n'est que cet hiver que j'ai quitté ma forêt ; je suis dans mon plus bel âge, on m'a seulement replanté dans un tonneau.

-Comme tu racontes bien, dirent les petites souris.

La nuit suivante, elles amenèrent quatre autres souris pour entendre ce que l'arbre racontait et, à mesure que celui-ci parlait, tout

lui revenait plus exactement.

«C'était vraiment de bons moments, pensait-il. Mais ils peuvent revenir, ils peuvent revenir ! Dumpe-le-Ballot est tombé du haut des escaliers, mais il a tout de même eu la princesse ; peut-être en aurai-je une aussi. »

Il se souvenait d'un petit bouleau qui poussait là-bas, dans la forêt, et qui avait été pour lui une véritable petite princesse.

-Qui est Dumpe-le-Ballot ? demandèrent les petites souris.

Alors le sapin raconta toute l'histoire, il se souvenait de chaque mot ; un peu plus, les petites souris grimpaient jusqu'en haut de l'arbre, de plaisir.

La nuit suivante, les souris étaient plus nombreuses encore, et le dimanche il vint même deux rats, mais ils déclarèrent que le conte n'était pas amusant du tout, ce qui fit de la peine aux petites souris ; de ce fait, elles-mêmes l'apprécièrent moins.

-Eh bien , merci, dirent les rats en rentrant chez eux. Les souris finirent par s'en aller aussi, et le sapin soupirait.
-C'était un vrai plaisir d'avoir autour de moi ces petites souris agiles, à écouter ce que je racontais. C'est fini, ça aussi, mais maintenant, je saurai goûter les plaisirs quand on me ressortira. Mais quand ?

Ce fut un matin, des gens arrivèrent et remuèrent tout dans le grenier. Ils déplacèrent les caisses, tirèrent l'arbre en avant. Bien sûr, ils le jetèrent un peu durement à terre, mais un valet le traîna vers l'escalier où le jour éclairait.

«Voilà la vie qui recommence », pensait l'arbre, lorsqu'il sentit l'air frais, le premier rayon de soleil ... et le voilà dans la cour.

Tout se passa si vite ! La cour se prolongeait par un jardin en fleurs. Les roses pendaient fraîches et odorantes par-dessus la petite barrière, les tilleuls étaient fleuris et les hirondelles voletaient en chantant : « Quivit, quivit, mon homme est arrivé ! » Mais ce n'était pas du sapin qu'elles voulaient parler.

-Je vais revivre, se disait-il, enchanté, étendant largement ses branches. Hélas ! elles étaient toutes fanées et jaunies. L'étoile de papier doré était restée fixée à son sommet et brillait au soleil... Dans la cour jouaient quelques enfants joyeux qui, à Noël, avaient dansé autour de l'arbre et s'en étaient réjouis. L'un des plus petits s'élança et arracha l'étoile d'or.

-Regarde ce qui était resté sur cet affreux arbre de Noël, s'écria-t-il en piétinant les branches qui craquaient sous ses souliers
L'arbre regardait la splendeur des fleurs et la fraîche verdure du jardin puis, enfin, se regarda lui-même. Comme il eût préféré être resté dans son coin sombre au grenier ! Il pensa à sa jeunesse dans la forêt, à la joyeuse fête de Noël, aux petites souris, si heureuses d'entendre l'histoire de Dumpe-le- Ballot.

«Fini ! fini ! Si seulement j'avais su être heureux quand je le pouvais. »

Le valet débita l'arbre en petits morceaux, il en fit tout un grand tas qui flamba joyeusement sous la chaudière. De profonds soupirs s'en échappaient, chaque soupir éclatait. Les enfants qui jouaient au-dehors entrèrent s'asseoir devant le feu et ils criaient : Pif ! Paf ! à chaque craquement, le sapin, lui, songeait à un jour d'été dans la forêt ou à une nuit d'hiver quand les étoiles étincellent. Il pensait au soir de Noël, à Dumpe-le-Ballot, le seul conte qu'il eût jamais entendu et qu'il avait su répéter... et voilà qu'il était consumé ...

Les garçons jouaient dans la cour, le plus jeune portait sur la poitrine l'étoile d'or qui avait orné l'arbre au soir le plus heureux de sa vie. Ce soir était fini, l'arbre était fini, et l'histoire, aussi, finie, finie comme toutes les histoires.

conte de Noël d'Andersen.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Décembre 2013 à 18:06:22
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De la neige pour Noël

C'était un hiver comme on n'en avait jamais vu : un hiver où il faisait presque chaud !
Les gens ne mettaient pas de manteau et les rouges-gorges n'avaient pas besoin de chercher des miettes près des maisons.

Dans les stations de ski, on patientait les bras croisés en regardant le ciel.
Des enfants faisaient de la luge sur l'herbe et attendaient la neige avec impatience . Le Père Noël, lui, guettait les premiers signes de l'hiver. Tout en regardant le thermomètre, il pensait :
"Saperlipopette ! Il faut faire quelque chose : Noël avec un temps de printemps, ce n'est pas Noël !"
Le Père Noël prépara son traîneau en veillant à ne rien oublier.
Puis il alla consulter Roni, le plus vieux de ses rennes, celui que l'on appelait Roni-Météo.
Celui-ci avait une curieuse façon de regarder d'où venait le vent, en clignant des yeux et en grattant du sabot, avant de dire quel temps il ferait dans les jours à venir.
II ne se trompait jamais.

Ce jour là, il annonça au Père Noël :

"Ce sera un Noël sans neige, à moins que...
-A moins que quoi ?" interrogea le Père Noël, très inquiet.
Le Vieux renne se racla la gorge et dit :
"A moins que tu n'appelles Perce-neige !"
Perce-neige était une adorable fée très coquette qui ne pensait qu'à ses robes, ce qui agaçait beaucoup le Père Noël.
Elle avait souvent la tête dans la lune et faisait des bêtises plus grosses qu'elle.
Au dernier Noël, par exemple, elle lui avait donné de la poudre à éternuer pour soigner son rhume !
"Non, non et non, elle se trompe trop souvent ! dit le Père Noël à Roni.
- Mais elle est gentille !" répondit le renne.
Justement, la fée Perce-neige venait faire admirer son nouveau chapeau.
-De la neige pour Noël ?
Facile ! s'écria t elle en levant sa baguette magique :
Aglaglacadabra ! L'hiver le voici, le voilà !" dit-elle en faisant tournoyer sa jupe.

Aussitôt, l'air se rafraîchit et il se mit à tomber des glaçons gros comme des citrons.
"Aïe ! cria le Père Noël qui en reçut sur la tête. Qu'as-tu encore inventé, Perce-neige ?

-Abracadastop ! Suffit les dégâts !" cria la fée avant de faire mille excuses au père Noël.

Le Père Noël jeta un regard de reproche à Roni, qui baissa les yeux sur ses sabots.

Mais Perce-neige promit d'arranger tout ça.
Elle prit soin d'abord de couvrir ses épaules d'une fourrure scintillante, puis elle leva sa baguette et dit :
"Aglaglacadabra ! L'hiver est là et bien là !"

Aussitôt, tout devint de givre.
La moindre goutte de rosée était gelée.
Les sapins semblaient décorés de perles blanches.
"Et maintenant, gronda le Père Noël, mes bottes sont prises dans la glace !
-Abracadastop ! Suffit les dégâts !" cria la fée avant de faire mille excuses au Père Noël.
Perce-neige sourit au Père Noël en promettant d'arranger tout ça.
Elle serra encore plus fort sa baguette et dit :

"Aglaglacadabra ! L'hiver viendra, l'hiver viendra !"
Aussitôt, la glace se mit à fondre.
Et bientôt, tout le monde eut les pieds dans l'eau.
Les sapins semblaient pleurer de toutes leurs aiguilles.
Le Père Noël se fâcha tout rouge :
"Dans trois heures, je dois partir. Je refuse de faire ma tournée en bateau. Perce-neige tu m'entends bien ?"

La petite fée fit mille et mille excuses au Père Noël et lui promit d'arranger ça.

Perce-neige lança sa baguette au-dessus de sa tête.
La baguette se courba et devint un anneau doré qu'elle passa à son doigt.
Elle fit un signe d'adieu au Père Noël étonné de la voir s'élever dans les airs.

Alors, le ciel se remplit de papillons blancs.

"Regarde, dit Roni en riant, ces papillons blancs sont des flocons de neige !

-Ouf ! Il était grand temps !" dit le Père Noël en souriant.
Et il courut atteler ses rennes.
Lorsque le traîneau commença à glisser sur la neige, il soupira :
«Un Noël tout blanc, c'est quand même beaucoup mieux pour les enfants !"

Françoise Bobe
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Décembre 2013 à 15:26:19
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Pirouette et l'Hiver


Je vais vous conter la belle histoire de Pirouette et l'Hiver.

«Connaissez-vous Pirouette ? C'est une petite fille, une marionnette, aux yeux noisette, au nez en trompette, des tâches de rousseur plein les joues et de longs cheveux roux.

On l'appelle Pirouette, car toujours elle danse et fait des pirouettes.

C'est une petite fille très joyeuse, comme vous, et pourtant Pirouette habite un drôle de pays.

Un pays où le temps n'existe pas. Il ne s'est jamais installé ici.

Ici, c'est un pays où il n'y a pas de saison : pas d'automne, pas d'hiver, pas de printemps, pas d'été.

Jamais le vent ne souffle, ni la pluie, ni la neige ne tombent. Le ciel n'a pas de couleur.

Parfois des nuages passent, doucement dans le ciel, mais sans déranger le temps.

On peut porter tous les jours les mêmes habits et les arbres ont toujours des fruits, beaux et bons. Quand on cueille une pomme, hop ! une autre pomme pousse immédiatement, comme par enchantement, toute aussi bonne et toute aussi juteuse.

Voilà le beau pays de Pirouette où rien ne semblait devoir changer.

Et pourtant, un jour, Pirouette trouve un livre à la bibliothèque, et elle lit ....

«L'histoire du Papa Noël »

Le Papa Noël habite loin, loin, dans un pays où il fait très froid. Toute l'année, avec ses lutins, il fabrique des jouets, pour tous les enfants du monde. Puis, le soir de Noël, il charge tous ces jouets dans son traîneau et il les apporte aux enfants endormis... »

Cà alors ! s'écrit Pirouette, mais le Papa Noël n'est jamais venu ici.

Alors Pirouette se met à rêver. Comme elle aimerait que le Papa Noël lui apporte des jouets. Mais pour cela, il faudrait que l'hiver s'installe dans son pays et fasse tomber de la belle neige, bien blanche.

Alors Pirouette appelle l'Hiver : Hiver où es-tu ? Hiver que fais-tu ?

Tout d'abord, ce ne fut qu'un nuage, une brume qui s'enroula au pied du lit de Pirouette. Puis un long ruban couleur arc en ciel déploya des bras, noueux comme des branches. Un corps de terre où miroitaient des feuilles, des mers et des forêt s'éleva et tout en haut un visage rayonnait, tel un soleil.
Pirouette éberluée demande d'une voix tremblante : « mais qui es-tu ? »

-Tu m'as appelé, je suis le Temps. J'ai la tête dans les étoiles et les pieds dans les profondeurs de la terre. Tu as demandé l'Hiver, alors me voilà. C'est moi qui fait les saisons. Je suis donc très important ; tout le monde parle de moi :

«Bonjour ! Quel temps fait-il ?
Quel beau temps !
Je n'aurai jamais le temps !
Quel temps de chien ! »

Même à la télé, on essaie de savoir le temps qu'il fera. Mais je suis imprévisible ! je fais ce qui me plait. Je souffle parfois le chaud, parfois le froid. Cela dépend de mon humeur. Bref, je fais la pluie et le beau temps !

-Mais, dit Pirouette intimidée, j'avais demandé juste l'hiver !

-Ah, Ah, Ah ! s'esclaffe le temps, mais l'hiver tout seul n'existe pas ! il lui faut l'automne qui fait tomber les feuilles des arbres. Il lui faut le printemps pour réchauffer la terre que l'hiver a glacée, mes saisons ont besoin les unes des autres. Ensemble, elles se donnent la main et forment une ronde éternelle.

-Mais pourquoi donc veux-tu l'hiver ?

-Je voudrais qu'il fasse froid pour que le Papa Noël passe cette nuit. Mais tu le connais toi, le Papa Noël ? ».

-Bien sûr que je le connais ! Nous travaillons ensemble depuis bien longtemps. Je peux lui demander de venir ici, mais je dois d'abord installer mes saisons. Et que me donneras-tu en échange ?

-Je n'ai pas grand chose. Je suis une toute petite fille. Et qu'est-ce qui pourrait te faire plaisir, à toi qui est si grand, si puissant ?

-J'aime quand les enfants chantent des chansons qui parlent de moi, ou bien me disent des poésies. Car vois-tu, je suis un peu poète.

Alors Pirouette réfléchit et se met à chanter : « Vive le vent, vive le vent, vive le vent d'hiver, qui s'en va soufflant crachant dans les grands sapins verts.... »

A la fin de chanson, le Temps charmé lui dit : « merci Petite fille. Tu m'as fait grand plaisir. Maintenant, tu vas aller te coucher, car il est tard. Pose tes chaussures au pied de ton lit et ferme tes yeux. Fais de beaux rêves et si tu rêves du Papa Noël, peut être qu'il passera cette nuit... ».

Et le temps s'enfuit, laissant l'hiver derrière lui. La neige se mit à tomber et au milieu de la nuit, on entendit au loin une musique qui s'approchait. C'était les clochettes du traîneau du Papa Noël.

Depuis ce jour là, le temps s'est installé au pays de Pirouette et le Papa Noël passe chaque année.

Merci Pirouette d'avoir charmé le temps!
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Décembre 2013 à 16:36:05
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Charlotte la Marmotte !

Les  rennes piaffaient d'impatience. Le traîneau attendait dans la poudreuse que l'ordre de départ fût donné. Dans ses mains gantées, le Père Noël tenait la lettre que lui avait envoyée Charlotte la marmotte. Il la relisait une dernière fois.
•"Cher Père Noël
Les copains se moquent de moi parce qu'ils disent que je dors tout le temps. Ce n'est pas vrai, je dors presque tout le temps, mais pas complètement tout le temps ! Pour dormir encore un peu moins tout le temps, j'aimerais bien avoir un nouveau réveil comme cadeau, mais un spécial, qui réveille vraiment. Un clocher par exemple. Les autres, je ne les entends pas. Au contraire, leurs tic-tac ont tendance à m'endormir. Merci Père Noël !
Bon, je vais me recoucher.
Charlotte"
•Ah ! cette Charlotte, quel numéro ! pensa le Père Noël en glissant un large sourire dans sa barbe blanche.
Si le Père Noël souriait, c'est parce qu'il se souvenait que l'année d'avant, Charlotte avait déjà demandé un réveil, et l'année encore avant, encore un réveil. Cette fois, il fallait la satisfaire.
•Il vérifia que le cadeau qu'il lui destinait était bien dans sa hotte et grimpa sur son traîneau. Une minute plus tard, il traversait le ciel comme une comète.
•La nuit était déjà très avancée quand il survola les montagnes immaculées où vivait Charlotte. Sans bruit, il se glissa chez elle, guidé par des bruits étranges, et la découvrit calée contre une paroi dans le fond de sa chambre. Il le savait, la plupart des enfants, dans l'espoir de l'apercevoir, essayaient de rester éveillés le plus longtemps possible le soir du réveillon, jusqu'à ce que, vaincus par la fatigue, ils s'écroulent un peu avant son arrivée.
•Avec Charlotte, aucun risque ! La petite marmotte était allongée sur le ventre, une expression de félicité béate sur le visage. Un petit sourire lui étirait la bouche, et un léger ronflement faisait vibrer ses moustaches.

        Le Père Noël étudia les lieux et dut se forcer pour ne pas rire : chez Charlotte, depuis l'année précédente, les réveils avaient fait des petits ! Ils s'étaient multipliés ! Sans doute en avait-elle reçu pour son anniversaire ou pour la Sainte Charlotte. Sur des étagères s'alignait une belle collection de cadrans, des gros, des petits, des lumineux, à cloche et même une horloge qui devait abriter le coucou qui fait coucou toutes les heures. Le bruit qu'il avait perçu, c'était celui du concert de tic-tac qui envahissait la pièce et berçait la bienheureuse.
•Un soupir le fit se retourner. Charlotte avait roulé sur le dos. Ses pattes repliées sur son ventre de fourrure, elle souriait aux anges des marmottes. À quoi rêvait-elle ? Le Père Noël aurait juré que ce n'était pas à une sonnerie stridente.
•Il récolta les réveils alignés, les entreposa sous une épaisse couverture qui en atténua considérablement le bruit et posa son cadeau sur une étagère. Délicatement, il enleva le papier, car il savait qu'elle ne le ferait pas tout de suite, et en sortit... un réveil, mais un réveil dont le cadran était un peu spécial. A la place des chiffres habituels, les douze mois de l'année y faisaient une ronde. Il régla la minuterie sur le mois d'avril et trouva sur un bureau de quoi rédiger une lettre. D'une écriture soignée, il commença :
•"Chère Charlotte.
Laisse tes copains se moquer un peu, ce n'est pas grave. Je crois que tu leur manques, c'est tout, mais explique-leur qu'il ne faut pas forcer la nature. La tienne est de te reposer. Profites-en ! Et tu fêteras Noël au printemps !
Joyeux Noël, marmotte au bois dormant !
Le Père Noël"
•Il déposa l'enveloppe auprès du cadeau et sortit sur la pointe des pieds.
Mais il savait cette précaution inutile. Le petit ronflement l'accompagnait...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Décembre 2013 à 17:11:37
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LE LUTIN MALICIEUX

Dans un endroit secret, perdu au milieu des neiges étincelantes, se cache l'atelier du Père Noël.

                          Depuis plusieurs semaines, il y règne une effervescence magique car la date du 25 décembre approche et des centaines de lutins fabriquent poupées et jouets de bois pour les enfants sages du continent.

                          Tous, avec entrain, chantent des cantiques, assemblent, colorent ces cadeaux merveilleux qui mystérieusement trouveront place sous les sapins lumineux. Le Père Noël contrôle ce petit monde joyeux et de sa grosse voix accompagne les lutins remplissant sa hotte des paquets enrubannés.

                          Tout se passe dans l'harmonie et pourtant, oui, voilà un lutin "malicieux", chargé de déchiffrer les lettres adressées au Père Noël par les enfants. Mais là, il est perplexe ! il lit et relit la lettre de Petit Jean et il semble très embêté. Pourquoi ?

                           Parce que Petit Jean ne demande ni voiture, ni château-fort, ni sucrerie; non, ce qu'il aimerait c'est  UN AMI  !

                           Un ami ? Lutin "malicieux" secoue son chapeau à grelots et ses petites ailes frémissent de contrariété.

                           Dans l'atelier, les jouets s'entassent mais il a beau regarder de tous côtés, il n'en voit aucun qui corresponde au souhait de Petit Jean. Et puis, soudain, il a une idée mais il sait que le Père Noël leur a interdit de s'en servir.

                           Lorsque le soleil paraît, les lutins fatigués regagnent leur maison et s'endorment sauf Lutin "malicieux"

                           Il se glisse jusqu'à l'atelier et entre en frissonnant.

                           Plus de musique, plus de chants, rien que des jouets à peine terminés attendant que les lutins les parent de papiers dorés.

                           Il fait le tour de l'immense pièce, cherche, farfouille, trifouille quand soudain le voilà !

Il transporte triomphalement sur la grande table de travail un bel ours en peluche.

                            Oh ! par n'importe quel ours !

                            Il a choisi le plus doux, celui dont les yeux sont les plus tendres, les pattes les plus caressantes.

                            Lutin "malicieux" prononce la formule magique :

                            "Que cet ours de peluche devienne un être vivant pour Petit Jean et qu'il sache toujours l'écouter et le conseiller"

                            Alors, un éclair foudroie l'ours et il se met à parler au lutin, très fier de son courage.

                            Lutin "malicieux" habille le nouvel ami de Petit Jean de papier coloré, de rubans argentés et écrit son prénom sur ce cadeau "très spécial".                                 

                            La veille de Noël, le Père Noël monte dans son traîneau, dit adieu aux lutins et s'élance dans les airs tiré par les rennes aux nez rouges qui lui permettent de franchir les distances en un instant.

                            Seul, Lutin "malicieux" remarque la patte de l'ourson qui s'agite pour lui dire au-revoir.

                            Voilà la maison de Petit Jean. Il dort à poings fermés, rêvant à son ami de NOEL.

                            Le Père Noël s'engouffre par la cheminée et glisse jusqu'au foyer. Il dépose le cadeau et disparaît.

                            Au petit matin, Jean découvre le plus mignon des ours mais sa surprise est plus grande encore quand celui-ci lui murmure :

                                       "S'il te plaît, adopte-moi ! "
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Décembre 2013 à 17:10:59
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La fuite du Père Noël

Ce matin,

le Père Noël est un peu grognon,

il bougonne dans son atelier et ses lutins font bien attention de ne pas le déranger,

car ils ne veulent pas le mettre en colère....

L'ennui, c'est que les lutins ignorent pourquoi le Père Noël ne va pas bien,

et ils n'osent pas le lui demander.

C'est qu'il est très impressionnant le Père Noël, quand il se met à crier, même si c'est très très rare...

L'un d'entre eux décide d'aller voir Patou pour lui demander conseil.

Il le cherche partout et finit par le dénicher dans la cuisine,

en train de goûter un flan qui a l'air délicieux.

Le lutin lui explique la situation et Patou essaie de se remémorer les dernières choses qui sont arrivées au Père Noël...

Il s'est levé comme d'habitude, il n'avait pas l'air particulièrement soucieux ou contrarié.

Il s'est préparé et a salué la Mère Noël, et il est ensuite parti à l'atelier.

C'est donc là qu'il a du se passer quelque chose se dit Patou, mais quoi ?

Un peu désemparé,

Patou part chercher Titoune qui est souvent au courant de tout !

Il lui explique la situation et lui confie les craintes des lutins de l'atelier.

Mais le Père Noël n'a rien dit de particulier à Titoune, et celle-ci a beau se creuser la cervelle, elle ne voit pas ce qui a pu se passer...

Nos trois compagnons retournent ensemble à l'atelier et découvrent alors une scène horrible :

le Père Noël est parti !

Il a laissé toutes ses affaires et a pris la poudre d'escampette.

Cette fois-ci, la situation est grave !

Que se passerait-il si Noël ne pouvait avoir lieu ?

Le domaine du Père Noël est grand :

Patou et les lutins partent à sa recherche.

Ils cherchent dans toute la maison, dans la poste, dans l'écurie où les rennes attendent tranquillement le grand jour...

En vain !

Ils cherchent aussi dans les moindres recoins, dans le traîneau, dans les maisons des lutins...

Ils sont terriblement inquiets :

et si le Père Noël était parti pour toujours ?

Pendant ce temps là, Titoune est partie demander conseil à la Mère Noël.

Celle-ci est très étonnée par le comportement de son mari qui est si gai d'habitude !

Avec Titoune,

elle retourne la maison de la cave au grenier,

vérifie que le Père Noël n'est pas simplement reparti se coucher,

mais elle ne le retrouve pas.

Le Père Noël a bel et bien disparu !!

Les lutins sont très tristes et se sentent abandonnés.

Et le pire c'est qu'ils ne savent pas pourquoi !

Ont-ils fait une bêtise ?

Que se passe t il donc de si grave ?

Ils décident de ne pas se laisser abattre et

de tous se réunir pour chercher une solution et essayer de comprendre ce qui a bien pu se passer.

Ils s'installent tous en rond

et commencent à discuter lorsque Titoune s'exclame :

"Il manque quelqu'un à cette réunion ! Nous avons oublié Mme Atoufo !"

Patou se tape le front :

"Mme Atoufo, bien sur ! La voilà la solution ! Nous allons lui demander où est parti le Père Noël !".

Aussitôt dit aussi tôt fait !

La petite troupe part à l'autre bout du village,

pour consulter la célèbre voyante.

Celle-ci accepte bien volontiers de leur rendre service :

après tout,

le Père Noël est aussi son ami et elle est aussi très soucieuse...

Elle sort sa boule de cristal et la pose sur sa table de voyance.

Il faut qu'elle se concentre car elle a tellement l'habitude de deviner si les enfants vont recevoir le jouet qu'ils espèrent qu'elle a du mal à faire autre chose.

Elle commence par voir une farandole de lutins qui dansent autour du Père Noël.

Ils semblent bien tous s'amuser, d'ailleurs.

Mme Atoufo ne comprend pas,

car les lutins,

qui sont autour d'elle ne peuvent pas être en même temps autour du Père Noël !

Elle chasse l'image de sa boule et se concentre à nouveau.

Il faut qu'elle réussisse à localiser le Père Noël !

Autour d'elle,

les lutins retiennent leur souffle

pour ne pas faire de buée sur la boule de cristal.

Enfin, une nouvelle image apparaît !

C'est le Père Noël,

et il est bien seul cette fois-ci !

Autour de lui,

elle voit quelque chose de jaune,

mais,

elle ne parvient pas à deviner ce que c'est.

En regardant un peu plus loin autour,

elle voit de grosses taches noires et blanches.

Soudain, elle comprend :

"Il est à l'étable ! Avec la petite vache !"

Les lutins se regardent un peu gênés...

"Zut", se disent-ils,

on a complètement oublié de regarder dans l'étable !"

Titoune et Patou se précipitent vers l'étable

et

y trouvent effectivement le Père Noël,

qui caresse la petite vache sur le museau en lui parlant tout doucement :

"-Tu comprends, petite vache, moi je travaille toute l'année, je fabrique les jouets, je les transporte, je les livre, et je ne joue jamais... Moi personne ne m'a jamais offert de jouet. Je ne vais quand même pas m'offrir un jouet moi-même... Mais je ne vais pas en réclamer à mes amis. Je voudrais qu'ils le fassent spontanément, pour me montrer qu'ils m'aiment, eux aussi..."

Titoune et Patou ont enfin compris la tristesse du Père Noël.

Il a quitté l'atelier pour ne plus voir ces piles de jouets qui ne lui seraient jamais offerts.

Ils approchent doucement du Père Noël et le prennent dans leur bras :

"Mais vous savez bien qu'on vous aime, Père Noël !"

Le Père Noël se sent tout penaud d'être ainsi découvert, mais la gentillesse qui brille dans les yeux de Titoune et Patou lui redonne du baume au coeur.


"-Vous avez raison les enfants, je ne vais pas me laisser abattre !

Il y a des enfants qui attendent leur cadeau et je ne vais pas les décevoir ! "

Et sur ce, il repart à l'atelier, tout ragaillardi.

Quant à Titoune et Patou, ils décident que ça ne suffit pas et que le Père Noël mérite effectivement de recevoir un cadeau !

Ils préparent alors une grande fête surprise dans le dos du Père Noël,

et quelques jours plus tard, quand tout est prêt,

que la salle est décorée , que les plats sont préparés,

que la musique résonne dans toute la pièce,

ils y mènent le Père Noël les yeux bandés...

Quand celui-ci dénoue le bandeau, il aperçoit tous ses petits lutins qui ont concocté la surprise !

Tout heureux, il s'exclame :

"Vraiment, je ne m'attendais pas à un si beau cadeau !",

car plus qu'une fête, le Père Noël voyait là tout l'amour que lui portaient ses lutins.

Un peu plus tard,

tandis que la fête battait son plein,

Mme Atoufo qui avait été conviée comme invitée d'honneur,

s'écria :

"J'ai compris pourquoi j'ai vu les lutins qui dansaient dans ma boule de cristal ! C'était le cadeau du Père Noël !"

Elle fut rassurée car elle savait maintenant que sa boule n'était pas cassée,

et s'en fut danser la farandole.


Fin





Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Décembre 2013 à 15:45:38
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LE PREMIER  NOEL DU PETIT RENNE BLANC

Il était une fois, dans la plaine du Nord, un petit renne blanc comme la neige. Au milieu de sa famille rassemblée autour du traîneau de Noël prêt à partir, il regardait tour à tour le grand renne et le Père Noël.
Il s'approcha du Père Noël, glissa sa tête sous son gant et lui demanda :

S'il te plaît, est-ce que je peux vous accompagner ?

Le Père Noël sourit et lui expliqua :

Cette nuit de Noël serait trop longue pour toi ... Je pense que tu seras mieux ici !

L'an prochain, tu pourras venir ! ajouta le grand renne.

L'an prochain ? soupira le petit renne blanc. Mais c'est loin... l'an prochain !

Avec de la tristesse plein les yeux, il regarda le traîneau s'éloigner. Le manteau du Père Noël ne fut bientôt plus qu'une minuscule étoile rouge à l'horizon. Les autres petits rennes l'invitèrent à jouer, mais il hocha la tête en regardant le ciel.
Sous la clarté de la lune, les arbres, habillés de neige scintillante, se dressaient merveilleusement. Il faisait presque aussi clair qu'en plein jour. Soudain, le petit renne blanc aperçut quelque chose au pied d'un sapin. Il trottina jusque-là, et que vit -il ? Un paquet !

"Il est certainement tombé du traîneau ! " pensa-t-il, et il n'hésita pas une seconde.

Avec la plus grande délicatesse, il souleva le paquet avec ses bois et avança dans les traces du traîneau.
La neige crissait, craquait sous ses pas. Lorsqu'il franchissait les miroirs de glace, ses sabots faisaient de petits bruits secs. Le petit renne blanc était heureux. Il se sentait tout léger à l'idée de rejoindre le père Noël et le grand renne avec, dans ses bois neufs, un peu de leur précieux chargement.

Mais arriverait-il à temps ?

C'est alors que, occupé par cette pensée, il dévala malgré lui, au galop, une pente vertigineuse et arriva un peu brutalement au pied d'un arbre. A demi assommé, il cligna des yeux, releva ses pattes une à une et finit par se redresser.

"Ouf ! je n'ai rien ! " se dit-il.

Mais il réalisa soudain que ses bois étaient vides.

"Le paquet ? ... Où donc est le paquet ? "se demandait-il en fouillant du regard autour de lui. Il contourna les arbres les plus proches :pas de paquet ! Il grimpa sur un petit rocher. Il regarda bien de tous les côtés : toujours pas de paquet !

"Il ne peut pas être bien loin ! "se répétait-il pour se rassurer. Il fit encore quelques pas, et, au pied d'une touffe de houx, que vit-il ? Le paquet. Il fit deux ou trois cabrioles tant il était content. Délicatement, il le reprit entre ses bois et poursuivit son chemin.
En traversant une plaine blanche, le petit renne blanc aperçut enfin un village. Il se sentait de plus en plus léger. De temps en temps, il levait les yeux vers le ciel étoilé. De son gros oeil rond, la lune semblait le surveiller. Les flocons s'étaient remis à tomber. A l'entrée du village, dans toute sa blancheur, la neige s'étalait comme un vrai tapis que personne n'avait osé froisser. Le petit renne blanc avait perdu les traces du traîneau ! Il ne savait plus par où se diriger. Il avança dans une première rue. Les maisons silencieuses semblaient dormir profondément. Pas un bruit ! Ni dans cette rue ni dans aucune autre.

"Je vais bien finir par les retrouver ! " se disait-il pour se donner du courage.
Il fit encore quelques pas, et, à l'angle d'une maison, que vit-il ? Le traîneau, puis le grand renne, puis le Père Noël. Tout guilleret, il les surprit en leur adressant un

"JoyeuxNoël ! "

Le Père Noël se retourna et son visage s'illumina :

Le cadeau que je cherchais ! Je peux dire que tu arrives à temps !

Il ne savait comment le remercier. Il enleva son gant pour mieux lui caresser le museau. Qu'il était beau, le petit renne blanc avec dans ses bois veloutés le petit paquet auquel s'étaient accrochés quelques feuilles de houx et de gui !
Aujourd'hui encore, ces perles rouges ou blanches se mêlent au décor de Noël.
Le Père Noël prit le paquet et disparut dans une maison, tandis que le grand renne, fier du petit renne blanc, lui manifestait sa joie.


Françoise Bobé
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Décembre 2013 à 15:56:49
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LE BONHOMME DE NEIGE

Quel beau froid il fait aujourd'hui ! dit le Bonhomme de neige. Tout mon corps en craque de plaisir. Et ce vent cinglant, comme il vous fouette agréablement ! Puis, de l'autre côté, ce globe de feu qui me regarde tout béat ! Il voulait parler du soleil qui disparaissait à ce moment.
-Oh ! Il a beau faire, il ne m'éblouira pas ! Je ne lâcherai pas encore mes deux escarboucles. Il avait, en effet, au lieu d'yeux, deux gros morceaux de charbon de terre brillant et sa bouche était faite d'un vieux râteau, de telle façon qu'on voyait toutes ses dents.

Le bonhomme de neige était né au milieu des cris de joie des enfants. Le soleil se coucha, la pleine lune monta dans le ciel ; ronde et grosse, claire et belle, elle brillait au noir firmament.
-Ah ! Le voici qui réapparaît de l'autre côté, dit le Bonhomme de neige. Il pensait que c'était le soleil qui se montrait de nouveau.
-Maintenant, je lui ai fait atténuer son éclat. Il peut rester suspendu là-haut et paraître brillant ; du moins, je peux me voir moi-même. Si seulement je savais ce qu'il faut faire pour bouger de place ! J'aurais tant de plaisir à me remuer un peu ! Si je le pouvais, j'irais tout de suite me promener sur la glace et faire des glissades, comme j'ai vu faire aux enfants. Mais je ne peux pas courir.
-Ouah ! Ouah ! Aboya le chien de garde. Il ne pouvait plus aboyer juste et était toujours enroué, depuis qu'il n'était plus chien de salon et n'avait plus sa place sous le poêle.
-Le soleil t'apprendra bientôt à courir. Je l'ai bien vu pour ton prédécesseur, pendant le dernier hiver. Ouah ! Ouah !
-Je ne te comprends pas, dit le Bonhomme de neige.

C'est cette boule, là-haut (il voulait dire la lune), qui m'apprendra à courir ? C'est moi plutôt qui l'ai fait filer en la regardant fixement, et maintenant elle ne nous revient que timidement par un autre côté.
-Tu ne sais rien de rien, dit le chien ; il est vrai aussi que l'on t'a construit depuis peu. Ce que tu vois là, c'est la lune ; et celui qui a disparu, c'est le soleil. Il reviendra demain et, tu peux m'en croire, il saura t'apprendre à courir dans le fossé. Nous allons avoir un changement de temps. Je sens cela à ma patte gauche de derrière. J'y ai des élancements et des picotements très forts.
-Je ne le comprends pas du tout, se dit à lui-même le Bonhomme de neige, mais j'ai le pressentiment qu'il m'annonce quelque chose de désagréable. Et puis, cette boule qui m'a regardé si fixement avant de disparaître, et qu'il appelle le soleil, je sens bien qu'elle aussi n'est pas mon amie.
-Ouah ! Ouah ! Aboya le chien en tournant trois fois sur lui-même.

Le temps changea en effet. Vers le matin, un brouillard épais et humide se répandit sur tout le pays, et, un peu avant le lever du soleil, un vent glacé se leva, qui fit redoubler la gelée. Quel magnifique coup d'oeil, quand le soleil parut ! Arbres et bosquets étaient couverts de givre et toute la contrée ressemblait à une forêt de blanc corail. C'était comme si tous les rameaux étaient couverts de blanches fleurs brillantes. Les ramifications les plus fines, et que l'on ne peut remarquer en été, apparaissaient maintenant très distinctement. On eût dit que chaque branche jetait un éclat particulier, c'était d'un effet éblouissant. Les bouleaux s'inclinaient mollement au souffle du vent ; il y avait en eux de la vie comme les arbres en ont en plein été.

Quand le soleil vint à briller au milieu de cette splendeur incomparable, il sembla que des éclairs partaient de toutes parts, et que le vaste manteau de neige qui couvrait la terre ruisselait de diamants étincelants.
-Quel spectacle magnifique ! s'écria une jeune fille qui se promenait dans le jardin avec un jeune homme. Ils s'arrêtèrent près du Bonhomme de neige et regardèrent les arbres qui étincelaient. Même en été, on ne voit rien de plus beau !
-Surtout on ne peut pas rencontrer un pareil gaillard ! répondit le jeune homme en désignant le Bonhomme de neige. Il est parfait !
-Qui était-ce ? demanda le Bonhomme de neige au chien de garde. Toi qui es depuis si longtemps dans la cour, tu dois certainement les connaître ?
-Naturellement ! dit le chien. Elle m'a si souvent caressé, et lui m'a donné tant d'os à ronger. Pas de danger que je les morde !
-Mais qui sont-ils donc ?
-Des fiancés, répondit le chien. Ils veulent vivre tous les deux dans la même niche et y ronger des os ensemble. Oua h ! Ouah !
-Est-ce que ce sont des gens comme toi et moi ?
-Ah ! Mais non ! dit le chien. Ils appartiennent à la famille des maîtres ! Je connais tout ici dans cette cour ! Oui, il y a un temps où je n'étais pas dans la cour, au froid et à l'attache pendant que souffle le vent glacé. Ouah ! Ouah !
-Moi, j'adore le froid ! dit le Bonhomme de neige. Je t'en prie, raconte. Mais tu pourrais bien faire moins de bruit avec ta chaîne. Cela m'écorche les oreilles.

-Ouah ! Ouah ! Aboya le chien. J'ai été jeune chien, gentil et mignon, comme on me le disait alors. J'avais ma place sur un fauteuil de velours dans le château, parfois même sur le giron des maîtres. On m'embrassait sur le museau, et on m'époussetait les pattes avec un mouchoir brodé. On m'appelait " Chéri ". Mais je devins grand, et l'on me donna à la femme de ménage. J'allai demeurer dans le cellier ; tiens ! D'où tu es, tu peux en voir l'intérieur. Dans cette chambre, je devins le maître ; oui, je fus le maître chez la femme de ménage. C'était moins luxueux que dans les appartements du dessus, mais ce n'en était que plus agréable. Les enfants ne venaient pas constamment me tirailler et me tarabuster comme là-haut. Puis j'avais un coussin spécial, et je me chauffais à un bon poêle, la plus belle invention de notre siècle, tu peux m'en croire. Je me glissais dessous et l'on ne me voyait plus. Tiens ! J'en rêve encore.
-Est-ce donc quelque chose de si beau qu'un poêle ? reprit le Bonhomme de neige après un instant de réflexion.
-Non, non, tout au contraire ! C'est tout noir, avec un long cou et un cercle en cuivre. Il mange du bois au point que le feu lui en sort par la bouche. Il faut se mettre au-dessus ou au-dessous, ou à côté, et alors, rien de plus agréable. Du reste, regarde par la fenêtre, tu l'apercevras. Le Bonhomme de neige regarda et aperçut en effet un objet noir, reluisant, avec un cercle en cuivre, et par-dessous lequel le feu brillait. Cette vue fit sur lui une impression étrange, qu'il n'avait encore jamais éprouvée, mais que tous les hommes connaissent bien.
-Pourquoi es-tu parti de chez elle ? demanda le Bonhomme de neige. Il disait : elle, car, pour lui, un être si aimable devait être du sexe féminin. - Comment as-tu pu quitter ce lieu de délices ?
-Il le fallait bon gré mal gré, dit le chien. On me jeta dehors et on me mit à l'attache, parce qu'un jour je mordis à la jambe le plus jeune des fils de la maison qui venait de me prendre un os. Les maîtres furent très irrités, et l'on m'envoya ici à l'attache. Tu vois, avec le temps, j'y ai perdu ma voix. J'aboie très mal. Le chien se tut.
Mais le Bonhomme de neige n'écoutait déjà plus ce qu'il lui disait. Il continuait à regarder chez la femme de ménage, où le poêle était posé.
-Tout mon être en craque d'envie, disait-il. Si je pouvais entrer ! Souhait bien innocent, tout de même ! Entrer, entrer, c'est mon voeu le plus cher ; il faut que je m'appuie contre le poêle, dussé-je passer par la fenêtre !
-Tu n'entreras pas, dit le chien, et si tu entrais, c'en serait fait de toi. *
-C'en est déjà fait de moi, dit le Bonhomme de neige ; l'envie me détruit.
Toute la journée il regarda par la fenêtre. Du poêle sortait une flamme douce et caressante ; un poêle seul, quand il a quelque chose à brûler, peut produire une telle lueur ; car le soleil ou la lune, ce ne serait pas la même lumière. Chaque fois qu'on ouvrait la porte, la flamme s'échappait par-dessous. La blanche poitrine du Bonhomme de neige en recevait des reflets rouges.
-Je n'y puis plus tenir ! C'est si bon lorsque la langue lui sort de la bouche !
La nuit fut longue, mais elle ne parut pas telle au Bonhomme de neige. Il était plongé dans les idées les plus riantes.

Au matin, la fenêtre du cellier était couverte de givre, formant les plus jolies arabesques qu'un Bonhomme de neige pût souhaiter ; seulement, elles cachaient le poêle. La neige craquait plus que jamais ; un beau froid sec, un vrai plaisir pour un Bonhomme de neige. Un coq chantait en regardant le froid soleil d'hiver. Au loin dans la campagne, on entendait résonner la terre gelée sous les pas des chevaux s'en allant au labour, pendant que le conducteur faisait gaiement claquer son fouet en chantant quelque ronde campagnarde que répétait après lui l'écho de la colline voisine. Et pourtant le Bonhomme de neige n'était pas gai. Il aurait dû l'être, mais il ne l'était pas. Aussi, quand tout concourt à réaliser nos souhaits, nous cherchons dans l'impossible et l'inattendu ce qui pourrait arriver pour troubler notre repos ; il semble que le bonheur n'est pas dans ce que l'on a la satisfaction de posséder, mais tout au contraire dans l'imprévu d'où peut souvent sortir notre malheur. C'est pour cela que le Bonhomme de neige ne pouvait se défendre d'un ardent désir de voir le poêle, lui l'homme du froid auquel la chaleur pouvait être si désastreuse. Et ses deux gros yeux de charbon de terre restaient fixés immuablement sur le poêle qui continue à brûler sans se douter de l'attention attendrie dont il était l'objet.
-Mauvaise maladie pour un Bonhomme de neige ! Pensait le chien. Ouah ! Ouah ! Nous allons encore avoir un changement de temps !
Et cela arriva en effet : ce fut un dégel. Et plus le dégel grandissait, plus le Bonhomme de neige diminuait. Il ne disait rien ; il ne se plaignait pas ; c'était mauvais signe.
Un matin, il tomba en morceaux, et il ne resta de lui qu'une espèce de manche à balai. Les enfants l'avaient planté en terre, et avaient construit autour leur Bonhomme de neige.
-Je comprends maintenant son envie, dit le chien. C'est ce qu'il avait dans le corps qui le tourmentait ainsi ! Ouah Ouah !
Bientôt après, l'hiver disparut à son tour.
-Ouah ! ouah ! aboyait le chien ; et une petite fille chantait dans la cour : Ohé ! Voici l'hiver parti Et voici Février fini ! Chantons : Coucou! Chantons! Cui...uitte ! Et toi, bon soleil, viens vite !

Personne ne pensait plus au Bonhomme de neige.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 16 Décembre 2013 à 16:38:43
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Le Petit Lutin et la Lune en voyage

Il était une fois un petit lutin qui vivait tout seul au pôle Sud. Il s'ennuyait terriblement.

Un soir, alors qu'il pleurait assis sur un iceberg, la lune apparut dans le ciel :

"Pourquoi pleures-tu, petit lutin ?

-je m'ennuie tout seul, Madame la Lune, emmenez-moi."

La lune céda :

"Montes sur mes épaules, je t'emmène dans la savane.

- merci ", s'écria le lutin.

La lune le déposa dans la savane. "Si  tu veux que je revienne dis mon nom trois fois, petit lutin."

Et la lune  disparut.

Un vent chaud soufflait et au loin une girafe dormait.

"Oh, je suis sur que je ne m'ennuierai pas ici", s'écria le lutin.

Mais soudain, il entendit un rire sinistre et vit une énorme hyène prête à bondir sur lui.

"Lune, lune lune , au secours !"

La lune apparut et le petit lutin sauta sur son dos avant de se faire croquer par la hyène.

"Puisque  la savane ne t'a pas plu, je t'emmène dans la jungle" dit la lune

Et ils s'envolèrent dans la jungle.

"Si tu veux que je revienne, dis mon nom trois fois, petit lutin." Et la lune disparut.

Des gouttes d'eau tombaient des arbres et des singes sautaient de liane en liane.

"Oh , je suis sûr que je ne m'ennuierai pas ici", s'écria le lutin.

Mais soudain, il entendit un sifflement au-dessus de lui. Il leva la tête et vit un énorme serpent prêt à l'engloutir.
"Lune, lune, lune, au secours !"

La lune apparut et le petit lutin sauta sur son dos avant de se faire avaler par le serpent.

"Puisque la jungle ne t'a pas plu, je t'emmène à la montagne".

Et ils s'envolèrent, la lune déposa le lutin en haut d'une montagne.

"Si tu veux que je revienne, dis mon nom trois fois, petit lutin."

Et la lune disparut.

Il y avait de la neige, partout !

Soudain, le lutin entendit un grondement inguiétant et aperçut un énorme ours affamé.

"Lune, lune..."

Mais trop tard !

Il trébucha et tomba de la montagne avant d'atterrir, POUF, sur un épais tapis de neige.

Etourdi, il regarda autour de lui : au milieu d'une clairière de sapins se dressait une minuscule maison en bois, décorée de guirlandes et de branches de houx.

De la musique et des rires s'échappaient des fenêtres éclairées.

Et partout des lutins ! Certains emballaient des jouets, d'autres, plus coquins, faisaient de la luge au lieu de travailler et un gros bonhomme habillé de rouge attelait son traîneau déjà chargé de cadeaux.

Trois lutins l'observaient d'un air curieux

"où suis-je ? Qui êtes vous ? demanda le lutin

-Tu es au pays enchanté du père Noël, expliqua l'un des lutins

Nous l'aidons à  fabriquer les cadeaux pour les enfants Veux-tu nous aider ?"
Fou de joie, le petit lutin appela :

"Lune, lune, lune !"

Celle-ci apparut ronde et lumineuse dans le ciel

"Que veux tu encore, petit lutin ?

-Vous pouvez continuer sans moi, madame la lune

Ici, je serai heureux, merci !"

Avant de s'éloigner, la lune sourit et souffla :

"Joyeux Noël, petit lutin".
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Décembre 2013 à 16:55:53
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Le traîneau du père Noël

Le matin du 24 décembre, la neige tombe doucement sur la petite maison du Père Noël.
Tranquillement installé dans son fauteuil moelleux, le Père Noël relit les lettres des enfants, quand soudain sa mère surgit :
-Surprise, mon Nono chéri !
Le Père Noël lève la tête. Sa mère lui tend un énorme gâteau plein de bougies.
«Oh non, j'avais oublié ! se dit le Père Noël affolé. C'est mon anniversaire ! »
Normalement, le Père Noël devrait être heureux mais il ne l'est pas du tout.

Il faut dire que chaque année, les cadeaux de sa mère déclenchent des catastrophes.
Il y a deux ans, elle lui a offert un distributeur automatique de cadeaux qui a livré tous les jouets de garçons aux filles et tous les jouets de filles aux garçons.
L'an dernier, elle lui a apporté une machine à emballer les jouets qui a écrasé tous les paquets...
«Qu'a-t-elle inventé cette année ? » se demande le Père Noël inquiet.
-Viens avec moi, dit sa mère, l'air réjoui.
-Voici ton nouveau traîneau, mon Nono ! s'écrie madame Noël.
-Mais où sont les rennes bredouille le Père Noël.
-Justement, il n'y en a pas, répond sa mère. C'est un traîneau mécanique. Avec lui, tu iras bien plus vite.
-Euh... marmonne le Père Noël embarrassé. C'est gentil, tu sais, mais je...
-Non, non, ne me remercie pas, c'est tout naturel. Allez, essaie-le, tu m'en diras des nouvelles! Voici le mode d'emploi !

Perplexe, le Père Noël le prend et lit à haute voix :
-Tourner la clé vers la droite.
-Appuyer sur le bouton rouge.
-Tirer le volant. vers soi.
-Utiliser avec beaucoup de précautions la manette blanche.
La dernière phrase est écrite si petit que le Père Noël ne réussit pas à la lire.
«Tant pis, allons-y » se dit le Père Noël en montant dans le nouveau traîneau,
Une fois installé, il tourne la clé vers la droite, appuie sur le bouton rouge et tire le volant vers lui. Aussitôt, le traîneau glisse rapidement sur la neige et s'envole en moins de dix secondes.
-Bravo ! s'exclame madame Noël.
Le Père Noël sourit. Cette fois-ci, le cadeau fonctionne.
«Je prendrais bien un peu de vitesse, se dit-il. Mais quelle manette actionner, la blanche ou la bleue ? Essayons la blanche. »
Le traîneau accélère subitement et le Père Noël se retrouve plaqué contre son siège.
-Catastrophe ! s'écrie-t-il, je ne contrôle plus rien !
Affolé, il actionne la manette bleue. Les gaz se coupent tout net et le traîneau s'écrase dans la neige comme une pierre tombée du ciel. Sous le choc, le Père Noël s'évanouit.

Quelques heures plus tard, il se réveille enfin. Il est allongé sur son lit.
-Mon pauvre Nono chéri ! s'écrie sa mère en le voyant revenir à lui.
-Nono chéri ? dit le Père Noël. Mais qui êtes-vous ?A qui parlez-vous ?
Sa mère ouvre de grands yeux. Le choc lui aurait-il fait perdre la mémoire ?
-Allons, dit-elle, tu te rappelles, tu es le Père Noël !
-Le Père Noël, répond-il, qui c'est celui-là ?
-Mais c'est toi, lui dit sa mère. Tu distribues les jouets aux enfants la nuit de Noël !
-Distribuer des jouets, la nuit, dans le froid ! dit le Père Noël. Quelle drôle d'idée ! Mieux vaut lire un bon livre devant la cheminée.
-Regarde-toi dans la glace, dit madame Noël, tu ne te reconnais pas ? Le Père Noël se lève d'un bond :
-C'est moi ça ! s'écrie-t-il. Mais cette barbe me vieillit affreusement. Il faut que je la rase. Et puis ce gros ventre n'est pas très séduisant, je vais faire un petit régime !
-Mais si tu rases ta barbe, les enfants ne te reconnaîtront plus, dit sa mère. Et si tu maigris, ton costume sera trop grand pour toi.
-Tant mieux ! s'exclame le Père Noël. Ce costume n'est plus à la mode. Je m'achèterai un pantalon à paillettes.
Très inquiète, madame Noël téléphone au docteur.
-Je ne vois qu'une solution, dit le médecin. Donnez-lui un bon coup sur la tête.
«Espérons qu'il a raison », se dit madame Noël en s'approchant de son fils avec son rouleau à pâtisserie.
-Ne fais pas ça ! crie le Père Noël en se retournant. Je n'ai pas perdu la mémoire, je faisais semblant ! Tu sais
, Mamounette, je voulais juste te faire peur pour que tu ne m'offres plus tes cadeaux de malheur !
-Tu n'as pas aimé mes cadeaux, murmure madame Noël, toute triste. Moi qui pensais te faire plaisir...
-C'était gentil, marmonne le Père Noël, mais...
-Oh, après tout, tu as raison, l'interrompt sa mère. Ces cadeaux n'étaient pas très réussis. L'an prochain, je t'offrirai une hotte-parachute. J'ai vu ça au magasin de nouveautés ! Ce sera plus pratique pour faire ta tournée !
Le Père Noël soupire :
«Décidément, je ne la changerai jamais ! Enfin, il est temps d'aller retrouver mes chers petits rennes et mon vieux traîneau. Les enfants attendent leurs cadeaux ! »
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Décembre 2013 à 16:43:23
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Révolution dans un sapin

Dans le sapin  de Noël, une boule a bougé. Oh ! Pas de beaucoup ! Mais elle a bougé.
Un angelot, posé sur une branche du sapin, l'a bien vue. Il ne dit rien mais il l'a bien vue.
Une étoile d'argent, suspendue un peu plus haut, croit bien avoir aperçu un mouvement, aurait-t-elle rêvé ?
Se pourrait-il qu'il y eut un mouvement ?
Tout en bas du sapin, sur la dernière branche, une petite clochette pailletée sursaute :
-Que se passe-t-il donc ? J'ai failli sonner de stupeur !
C'est un petit chat en carton, peint par un petit garçon blond, qui donne l'alarme :
-Il y a quelque chose qui bouge !
-Allons , cela n'est pas possible, dit un mouton de la crèche.
-Mais si, mais si, dit la petite clochette, je l'ai bien senti que quelque chose bougeait !
-Voyons , du calme ! Dit une guirlande d'une voix grave. C'est une guirlande qui a déjà vécu plusieurs soirs de Noël, elle se présente à moitié nue. Au fil des années qui passent, elle a perdu quelques morceaux de dentelles mais elle est toujours là.
Son conseil ne sert à rien, cela jacasse du haut en bas du sapin, toutes les parures ont quelque chose à dire, jusqu'à ce que l'on entende chanter.
C'est le silence instantané !
Ah ! Mais qu'est-ce donc ? Que se passe-t-il dans ce sapin ?
D'habitude c'est le calme dans un sapin de Noël !
Le chant continue, tout joyeux, comme si le chanteur était content.
Puis il se produit comme un balancement dans les branches.
Toutes les décorations dans l'arbre , l'âne et le boeuf dans la crèche, les moutons et leurs bergers sur la mousse, regardent, incrédules, la boule rouge cerise qui danse et qui chante.
Lorsqu'elle s'aperçoit que tout le monde la regarde, elle cesse.
La guirlande âgée lui dit sur un ton de reproche :
-Que vous arrive-t-il ? Etes-vous malade ?
-Oh oui ! Je suis malade, malade d'ennui. Est-ce amusant pour vous de rester immobiles et muets ? Moi, je ne veux pas rester ainsi, Noël c'est la fête et je veux la célébrer !
-Vous avez peut-être raison, lui dit l'angelot blanc, cela me tente aussi !
-Nous n'avons pas le droit ! S'écrie la petite clochette d'une voix émue.
Le boeuf dit :
-Voilà bien des années que je me demande si je chante bien, je vais essayer !
-Moi aussi, moi aussi ! C'est la petite voix fluette de l'étoile.
-Un chant commence, et un deuxième, puis d'autres suivent.
Toutes les voix se mélangent, c'est un joyeux tintamarre.
Le sapin, jusqu'à présent, s'était tu, car il réfléchissait. Il ne pouvait pas dire n'importe quoi, son statut l'obligeait à la sagesse, n'était-il pas le roi de la forêt ? Mais il pensait néanmoins que ce serait amusant de danser.
Faisant fi des convenances, il se met en balancement, tout doucement, avec grâce et majesté. On pourrait croire qu'un vent léger agite ses ramures et toutes ses décorations.
De temps à autre, un rire fuse, de-ci, delà.
Lorsque la nuit laisse la place au jour, ils se mettent tous d'accord : la nuit prochaine, ils resteront tranquilles car ce sera la nuit magique de Noël.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Décembre 2013 à 16:52:19
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La magie de Noël

C'était la veille de Noël. Il faisait très froid. Le soleil faisait briller les arbres du parc de milliers d'étincelles argentés. Le lac était gelé. La sonnerie de l'école venait de sonner et les enfants s'échappaient en courant et en criant. Ils se dispersaient pour certains vers leur maison, pour d'autres vers le lac pour aller patiner encore un peu avant le coucher du soleil. Ce soir c'était la veillée de Noël. Tous les enfants avaient hâte d'être au lendemain sauf peut-être un petit garçon solitaire. Il s'appelait Henri, il se tenait un peu à l'écart du groupe, il ne criait pas mais observait les enfants qui couraient. Il n'était pas pressé de rentrer chez lui car personne ne l'attendait. Il s'assit sur un banc au bord du lac, pas trop près ni trop loin du groupe d'enfants, à un endroit où il pourrait observer les enfants qui patinaient sans qu'eux puissent le voir car il n'avait pas de patins. Il sortit de son cartable un morceau de pain et une barre de chocolat qu'il dégusta avec plaisir. Non il n'était pas pressé de rentrer chez lui. Ses parents n'étaient sûrement pas rentrés de voyage et il était sûrement le seul à ne pas attendre le lendemain avec impatience car il savait que le Père Noël ne lui laisserait rien sous le sapin car ses parents étaient partis depuis plusieurs semaines maintenant et il n'avait pas pu envoyer sa lettre au Père Noël, il n'y avait pas de sapin de Noël chez lui. Il sortit la lettre qu'il avait écrite au Père Noël de sa poche et la lut encore une fois. Il demandait une paire de patins à glace pour pouvoir se joindre aux autres enfants du village qui tous patinaient. Il venait d'arriver au village et n'avait pas d'amis. Le soleil se couchait à l'horizon et petit à petit tous les enfants quittaient leurs patins pour rentrer chez eux. Ils avaient tous hâte de se coucher pour être au lendemain et découvrir leurs cadeaux. Henri se décida à rentrer chez lui. La nuit allait tomber très vite car c'était l'hiver. Quand il poussa la porte de sa maison il trouva sa grand mère endormie dans le fauteuil près du poêle. Elle était très âgée et ne pouvait pas s'occuper de lui. Une dame du village passait tous les jours lui faire un peu de ménage et lui préparait ses repas ainsi que ceux d'Henri qui était arrivé chez elle depuis peu. Henri trouva sur la table deux assiettes, le repas était préparé mais la dame était partie. Il réveilla doucement sa grand mère et ils dînèrent tous les deux d'un repas ordinaire. Pour tous les enfants du village c'était la fête, la veillée de Noël. Dans les maisons on riait et on chantait tout en mangeant de bonnes choses mais chez Henri c'était très calme. Après le souper sa grand mère était partie se coucher. Henri après avoir débarrassé la table monta lui aussi se coucher. Après avoir lu un livre de contes il s'endormit très vite. Sa journée avait été longue et fatigante. Il avait posé sa lettre sur le bord de la fenêtre espérant que le Père Noël la verrait et pourrait lui laisser une paire de patins même s'ils n'étaient pas neufs. Il rêva qu'il patinait sur le lac avec les autres enfants. Le lendemain aux aurores il se réveilla. C'était le jour de Noël, il descendit tout doucement l'escalier sans bruit après s'être habillé rapidement. Sa lettre n'était plus sur le bord de la fenêtre. Il voulait voir si le Père Noël lui avait laissé un cadeau. Il eût beau faire le tour de la maison, il ne trouva rien. Il se demandait qui avait pu emporter sa lettre. Il s'apprêtait à prendre son petit déjeuner un peu déçu quand il vit un petit lapin qui l'observait derrière la vitre de la cuisine. Intrigué il revêtit des vêtements chauds et sortit dans le jardin. A l'heure où les enfants se réveillaient dans les maisons du village et découvraient émerveillés leurs cadeaux au pied du sapin, lui s'apprêtait à sortir et à suivre Lili, une petite lapine curieuse jusque dans la forêt. Il avait neigé pendant la nuit et la forêt était toute blanche, ses pas laissaient des traces dans la neige et on aurait pu le suivre facilement. Lili la lapine bien que sautillant devant lui se retournait souvent pour voir si Henri la suivait toujours. Il marchait bien depuis une demi heure dans la forêt quand il se remit à neiger, ses traces allaient s'effacer. Dans sa maison sa grand mère n'était pas encore levée. Il n'avait pas pris de petit déjeuner et commençait à avoir faim. Au bout d'un moment il voulut retourner chez lui, Lili la lapine continuait à avancer et Henri en avait assez de marcher. Il s'assit pour manger un reste de goûter de la veille trouvé dans sa poche et se demanda comment il allait retrouver son chemin. Lili la lapine s'était arrêtée elle aussi et l'observait. Henri comprit que Lili la lapine avait besoin de lui et qu'elle l'attendait, aussi décida-t-il d'être courageux et malgré sa peur continua d'avancer dans la forêt au risque de s'y perdre complètement. Qui pourrait le retrouver si loin de chez lui. Il ne neigeait plus. Il décida de marquer les arbres tout au long de son chemin. Après un temps qui lui parut très long Lili la lapine s'arrêta enfin d'avancer et s'assit à quelques mètres d'une grosse butte de neige qu'elle gratta de ses pattes. Henri s'approcha et enleva la neige autant qu'il put et découvrit l'entrée d'un terrier. En regardant à l'intérieur il vit trois petites boules de poils et comprit que c'était les bébés de Lili la lapine qui avaient dû être ensevelis sous la chute d'une grosse boule de neige. Il ne comprenait pas pourquoi Lili la lapine était venue le chercher lui et pas un autre enfant mais il était fier d'avoir pu réunir cette famille de lapins car il savait combien il était important d'avoir ses parents près de soi, lui à qui ses parents manquaient énormément. Il s'éloigna un peu et vit Lili la lapine rentrer dans son terrier. Il pensa à la joie qu'ils devaient tous avoir de se retrouver le jour de Noël. Puis il décida de prendre le chemin de la maison. Il n'eut aucun mal à retrouver l'endroit où il avait mangé le reste de son goûter car il avait marqué les arbres mais il se demandait comment il allait faire pour retrouver sa maison car à partir de là il ne savait plus où aller, il n'avait pas pensé à marquer son chemin et la neige avait recouvert ses traces de pas. Il avait de plus en plus faim. Il commençait à désespérer quand il vit arriver trottinant Lili la lapine qui le ramena chez lui. C'était un Noël merveilleux, Lili la lapine lui rendait service elle aussi, elle ne l'avait pas oublié. Arrivé chez lui et très heureux il ouvrit la porte et eut une surprise, sa grand mère était dans son fauteuil souriante, ses parents assis sur le canapé avaient posés près du poêle un cadeau. Tous se jetèrent dans les bras l'un de l'autre trop heureux de se revoir après tant de semaines de séparation. Henri ouvrit son cadeau et découvrit dans la boîte une paire de patin. L'après midi même il se joignit aux autres enfants sur le lac et joua avec eux. C'était la magie de Noël.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Décembre 2013 à 17:13:55
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LE PERE NOËL ET LE PETIT CHAT

La neige tombait sur la ville sans faire de bruit. Le petit chat marchait dans la neige sans faire de bruit. Les flocons saupoudraient de blanc ses poils roux. La rue était déserte, c'était la nuit de Noël !

Bientôt, les douze coups de minuit allaient sonner pour la plus belle nuit de l'année.

Mais le petit chat ne le savait pas. Il n'avait que trois mois et avait encore beaucoup de choses à apprendre. Surtout cette nuit où il faisait si froid ! et il ne savait pas où se nicher pour dormir. Il était seul pour se débrouiller, si seul et si ignorant des astuces.

Ce n'est pas comme ce gros matou gris de tout à l'heure qui l'avait chassé du coin chaud où il s'était blotti. Il en savait des choses, lui ! mais quel égoïste ! croyez-vous qu'il aurait partagé ce qu'il était en train de manger ?

"Va pleurnicher ailleurs" lui avait-il dit.

Aussi, le petit chat marchait seul dans la rue. Il avait faim, il avait froid. Et il regardait les fenêtres éclairées derrière lesquelles il devait faire bon vivre.

Entendit-il sonner les douze coups de minuit? ça n'est pas sûr mais, par contre, il entendit parfaitement quelque chose passer au-dessus de lui, comme le vol d'un gros oiseau.

Il s'aplatit au sol de frayeur; quand il osa relever le museau, un drôle d'engin venait de se poser sur la maison d'en face. Il n'avait jamais rien vu de pareil ! Et maintenant, voilà qu'un gros bonhomme tout en rouge en sortait avec un sac sur le dos.

Et devant le drôle d'engin, deux grands rennes se mettaient à parler au bonhomme tout en rouge :

-Fais attention Père Noël, disait l'un, la cheminée n'a pas l'air bien solide !

-Ne te mélanges pas dans ta liste, disait l'autre, ici, c'est des rollers et une panoplie

-Mais oui, mais oui .... Vous n'allez pas commencer à me surveiller quand même ! vous savez bien que je ne me trompe jamais !

D'en bas, le petit chat ne pouvait pas voir si ce bonhomme avait une barbe blanche. Il lui trouva quand même une ressemblance avec le bonhomme en manteau rouge des images qu'il voyait partout dans la ville depuis quelques jours.  Mais, que faisait-il donc là-haut?

Pour en avoir le coeur net, il décida d'aller voir ça de plus près;

Oui, mais comment faire pour monter? En passant par les escaliers? C'est que le petit chat gardait le souvenir cuisant des méchants coups de pied qu'on lui donnait quand il voulait rentrer dans une maison.

Il fit donc le tour de l'immeuble et finit par trouver un endroit pour grimper jusqu'au premier étage. Ce ne fut pas très difficile. Restaient deux autres étages et avec des pattes gelées, ce n'était pas évident !

Il lui fallut sept essais avant d'arriver en haut. Sept essais dont quatre moments d'équilibres acrobatiques, trois griffes arrachées et un rétablissement miraculeux.

Mais ça y était, il était sur le toit, il allait savoir.

L'engin était toujours là. Les rennes bavardaient entre eux de choses que le petit chat tout essouffé ne comprenait pas.

Il était question d'une liste avec des noms de garçons et de filles, d'horaire à suivre, d'adresses... Le petit chat se dirigea sans bruit vers l'engin. C'était plein de sacs dedans. Et plein de paquets aussi. Des gros, des très gros même, des plus petits, des minuscules. Tous avaient des couleurs joyeuses et scintillantes qui lui donnèrent envie de jouer avec. Il sauta hardiment dessus. Malheur! une petite musique se déclencha sous ses pattes. Le coeur battant, il s'enfuit au fond du traîneau où il trouva un sac à demi - ouvert pour se cacher.

C'était tout sombre dedans mais il y faisait chaud et doux. Le petit chat sentit des poils contre lui. Il renifla pour comprendre si c'était un autre chat ou un de ces monstres de chien mais comme ça ne sentait ni l'un ni l'autre et que ça ne bougeait pas, il se blottit tout contre, rassuré. Puis il attendit.

Dehors, un renne parla :

-çà doit être un appareil de musique qui s'est encore déclenché tout seul !

Puis la voix du vieux bonhomme à l'habit rouge retentit, sonore et joyeuse :

-Allons-y mes amis, au suivant de la liste !

Le petit chat sentit tout bouger autour de lui; Il eut la sensation de s'envoler puis quelques instants après, un coup de frein suivi d'un choc le déséquilibra. Son coeur tapait fort. Dehors, le vieux bonhomme riait :

-Ah! Ah! Ah! cette fois, la cheminée est large, je vais pouvoir descendre à l'aise

Le petit chat commençait à sortir le museau dehors quand tout bascula brusquement. Secoué de droite et de gauche, il roula dans le sac parmi les paquets qui l'écrasaient.

Une grande descente dans le vide lui remonta l'estomac dans le gosier... Il miaula fort. Une main l'attrapa par la peau du cou. Un grand rire résonna à ses oreilles :

-Mais qu'est-ce que je vois là? Mais croyez-vous ça ! un passager clandestin !

Le bonhomme en habit rouge le tenait en l'air en riant très fort. Ses yeux riaient autant que sa bouche.

Tu as donc voulu savoir comment je m'y prend pour faire ma tournée?

Mais le petit chat était effrayé. Et il avait si faim et si froid qu'il miaulait à s'en étrangler et qu'il tremblait à en claquer des dents.

-dis-moi, dis-moi, tu n'as pas l'air si courageux que ça pour un petit curieux ? Il suffit qu'on te découvre pour que tu appelles maman au secours ? Allons, voyons, je suis le PERE NOËL, tu n'as rien à craindre de moi. Bien sûr, je devrais te punir de m'avoir suivi alors que personne ne doit accompagner le Père Noël pendant sa tournée mais, comme tu viens de me donner une très bonne idée, je ne dirai rien et je vais même te garder un petit moment avec moi.

Et le Père Noël le mit dans la grande poche de son manteau. C'était doux à l'intérieur et c'était chaud. Le petit chat s'y trouva bien de suite.

Il ne savait pas encore qu'il allait vivre ce qui sera la nuit la plus extraordinaire de son existence. Ah, si seulement il n'avait pas cette faim atroce au ventre !

Il se redressa pour sortir le nez et pousser un petit miaulement de détresse. Peut-être que ce gentil bonhomme comprendra son problème.

-Veux-tu bien te taire, tu risques de réveiller les enfants! si tu veux m'accompagner, il faut rester silencieux. Aussi silencieux que la neige qui tombe.

Le bonhomme était en train de déposer des paquets auprès de deux paires de chaussons, tout petits, si petits qu'ils disparaissaient sous les paquets;

-tu vois, ici, c'est pour Mélanie : elle a commandé un poney en peluche et une piscine magique. Là, c'est pour Lucas, il a demandé un établi de moulage. Et regarde comme ils sont gentils tous les deux, ils ont laissé une tasse de lait et des biscuits pour moi. Ils savent que je suis un peu gourmand, tu comprends ? et puis ça me redonne des forces. Hé, mais qu'est-ce que tu fais?

Le petit chat s'était jeté sur le lait et il le lapait en s'étranglant tellement il allait vite

De retour au traîneau, le Père Noël s'approcha des rennes avec un air mystérieux

-regardez qui va passer la nuit avec nous !

Il sortit de sa poche une petite boule de poils ébouriffés et aux babines barbouillées de lait.

-Il avait si faim, le pauvre chaton, que j'ai partagé mon goûter avec lui .. Enfin, disons qu'il m'en a laissé quelques gouttes ! allez les rennes, aux suivants !

Le petit chat garda les yeux écarquillés toute la nuit; Jamais il n'avait vu autant de belles choses, jamais il n'avait vu autant de couleurs scintillantes, jamais il n'avait vu autant de jouets et jamais il n'aurait crû que quelqu'un pouvait avoir autant de joie à déposer dans les maisons toutes ces merveilles.

À la fin de sa tournée, le Père Noël rentra dans une demeure où brillait une lampe de chevet dans une chambre. Des pantoufles de grand-mère attendaient près du lit.

-tu vois, ici habite une gentille mamy qui m'a écrit pour me demander un cadeau. Elle voudrait quelque chose qui puisse la distraire pendant ses longs jours solitaires et qui, en même temps, attirerait ses petits-enfants pour qu'elle les voit plus souvent. Alors, j'ai pensé à toi. Tu sera heureux ici ! regarde comme tout est accueillant ! tu seras bien au chaud et je suis sûr que tu te régaleras ! les grand-mères savent si bien faire la cuisine! mais, chut .... Ne dis à personne que tu m'as accompagné cette nuit.

Il déposa doucement le petit chat dans une pantoufle, lui fit un gros bisou et attendit qu'il s'endormit, le museau niché dans les pattes, le coeur à jamais étoilé de cette merveilleuse nuit de NOËL.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Décembre 2013 à 15:10:00
(http://img4.hostingpics.net/pics/600272fns.jpg)
Le noël d'une petite fée

Je me présente : Je suis Sweet la petite fée des bois.

Je suis à peine plus grande qu'une fleur mais je suis une intarissable bavarde !

Cette nuit-là il avait neigé. Au matin, chaque arbre, chaque buisson scintillait au soleil. C'était une merveille ! Le temps idéal pour la promenade.

J'enfilai mon manteau de laine rouge, chaussai mes bottines en nacre et me voilà partie...

Je volais par-dessus les prés et les champs, en écoutant chanter le vent. Près du grand sapin bleu, j'aperçus trois enfants qui construisaient un bonhomme de neige.

-Ce soir, c'est  Noël, chouette ! Disait l'un.

Il fixa plusieurs pierres sur la face blanche du bonhomme, en guise de bouche.

-J'aimerais bien avoir mes cadeaux, tout de suite ! s'exclama le deuxième.

Il ôta son écharpe pour entourer le cou neigeux.

Quant au troisième, le plus petit, il ajouta, les mains dans les poches :

-Et le Père Noël... Qui lui fait des cadeaux ?

Les garçons éclatèrent d'un rire sonore :

-Que tu es bête ! Le Père Noël est bien trop vieux pour recevoir des cadeaux !

Cet enfant était loin d'être stupide. Oui, qui pensait à faire des cadeaux au Père Noël ? Personne.

Je poursuivis ma route, songeuse. Un rayon de soleil se posa un instant sur ma joue et me réchauffa le cœur... Je poussai un cri de joie : Je tenais une idée de cadeau !

Là, où habitait le Père Noël, le soleil s'absentait souvent. Il me suffirait de le capturer pour l'offrir en présent au vieil ami des enfants.

Attraper le soleil, ne fut pas chose aisée. Je dus m'y reprendre à plusieurs fois. Après plusieurs tentatives, plusieurs coups de baguette magique, je parvins à le faire entrer dans un pot en verre. Puis je serrai ensuite fortement le couvercle.

La nuit tomba d'un coup. Mais qu'importait ! Je voletai, joyeuse, en direction de la Finlande. Quand je parvins au domaine de « L'enfant roi », la résidence du célèbre bonhomme rouge, celui-ci s'apprêtait à partir.

Ses rennes attelés, il grommelait en montant dans son traîneau :

-Curieux ! La nuit est tombée bien vite, aujourd'hui !  Où est passé ce maudit soleil ?

Intimidée, je m'approchai et lui tendis mon cadeau. Etonné, il entreprit de l'ouvrir avec un grand sourire.

-Ma chère petite...

Son sourire s'élargit quand il découvrit, au milieu des papiers de soie, la boule de feu.

-Ah, je comprends tout ! C'est toi, coquine, qui as fait disparaître le soleil !

Il dévissa le couvercle et laissa s'échapper le bel astre.

-Sweet, je suis heureux que tu aies pensé à moi. Je te remercie.

Mais je n'ai nul besoin de cadeau... Seule la joie des enfants, chaque année, fait mon bonheur. Et le soleil ne peut vivre qu'en liberté...

Je fus sur le point de pleurer. J'avais été bien sotte, comme d'habitude.

Le Père Noël me tendit la main :

-Allez, monte ! Ce soir, tu m'accompagnes !

Je séchai immédiatement mes larmes pour grimper à ses côtés, ravie.

Il donna le signal du départ à ses rennes :

-Tchââ ! Fougueux, Danseur, Fringant, Mégère, Comète, Cupidon, Tonnerre, Eclair ! Allons-y !

Cette nuit-là, je devins l'amie du Père Noël. Une nuit magique, croyez-moi !

Et si je ne craignais pas de me montrer trop bavarde, j'aurais de belles histoires à vous conter...   



                                    JOYEUX NOEL ! 



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bellparole le 20 Décembre 2013 à 22:43:28


http://www.youtube.com/watch?v=pCa3jUsPvhs&feature=player_detailpage
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Décembre 2013 à 08:21:15
(http://img15.hostingpics.net/pics/156572nm2.jpg)
Noël aux quatre coins du monde

Il était une fois, en Finlande, un joli petit village qui se nomme Noëlville. Ce n'est pas un village ordinaire. En effet, ici, les personnes y résidant sont des familles de lutins. Et il y en a de tous genres, comme les humains : des adultes, des plus vieux, des enfants, des bébés, hommes et femmes. Ils se sont tous installés dans ce village pour rendre service à un vieil homme et pour que tous les enfants du monde soient heureux, un peu grâce à eux. Ils vivent tous en paix et en harmonie, heureux et gais, jour après jour. Leurs habitations, magnifiquement décorées et lumineuses, forment un cercle autour d'une maison centrale, aux nombreuses couleurs. Elle est recouverte de paillettes, étincelantes de mille feux, et de dessins en tout genre : des sapins, des étoiles, des branches de houx, et encore bien d'autres. Mais à qui donc appartient cette maison si grande et si belle ? Elle appartient à un vieil homme, à qui on ne donnerait pas d'âge, avec une grande barbe blanche tombant jusqu'au ventre, assez rebondi d'ailleurs. Il est célèbre dans le monde entier et les enfants l'appellent le Père Noël. Au bout du village, on peut apercevoir un grand établissement multicolore. Il s'agit de l'atelier du Père Noël et de ses petits lutins. En effet, c'est à l'intérieur de celui-ci que, durant toute l'année, tout le monde s'active à la fabrication des jouets. Et chaque année, il faut que tout soit prêt pour la veille de Noël. Lors des derniers jours d'ailleurs, l'atelier est semblable à une gigantesque fourmilière. Il faut emballer les derniers cadeaux et les charger dans le traîneau. Mais généralement, chaque année, tout est prêt à l'heure.
En ce soir du 24 décembre 2013, le Père Noël s'agite dans sa chambre car il cherche ses vêtements en mettant toute la pièce sans dessus dessous. Mais heureusement que la Mère Noël est présente à ses côtés pour retrouver tout ce que son mari perd.
- "Je vais être en retard pour ma tournée !"
- "Mais non ! Chaque année, c'est la même chose et tu sais bien qu'au bout du compte, tout se finit très bien !"
- "Oui, mais où sont mes chaussettes ?"
- "Sur ton lit !"
- "Et mes bottes ?"
- "Sous ton lit !"
- "Elles sont cirées au moins ?"
- "Mais oui ! Je l'ai fait ce matin", répond-t-elle, patiente.
Le Père Noël est très agité, mais finalement, au bout de vingt minutes, il est enfin prêt. Il se regarde dans la glace et demande à sa femme :
- "Comment me trouves-tu ?"
- "Magnifique, comme d'habitude !"
Il se passe un dernier coup de peigne sur ses cheveux blancs mais soyeux et met son bonnet rouge au pompon blanc. Le vieil homme fait un bisou à la Mère Noël et se dirige vers les écuries, en prenant bien soin de ne pas oublier sa hotte remplie de cadeaux. Puis, il ouvre les portes de l'immense grange. A l'intérieur de celle-ci, se trouvent sept magnifiques rennes. Les lutins viennent à l'instant de terminer de les brosser, pour que eux aussi soient beaux en ce soir de fête. Le Père Noël attache Rodolphe de sorte qu'il soit à la tête de l'attelage. C'est un lutin qui l'a trouvé dans la forêt, deux mois auparavant. C'est un renne étrange avec un nez rouge. Le Père Noël sait que Rodolphe va beaucoup l'aider. En effet, il doit affronter des conditions météorologiques si mauvaises qu'il risque d'être en retard dans ses livraisons nocturnes. Mais grâce au nez lumineux de ce renne, il peut s'orienter plus facilement dans la turbulence hivernale et mener à bien sa distribution de cadeaux. Ensuite, derrière Rodolphe, il place Dasher et Dancer, puis Prancer et Vixen. Vient ensuite le tour d'atteler Comet et Cupid, et finalement, en dernier, Dunder et Blixen. C'est la première fois que le jeune Rodolphe va participer à la distribution des cadeaux dans tous les pays du monde, et le renne est un peu angoissé. Les autres animaux s'impatientent car, pour eux, la veille de Noël est symbole de joie et d'extase. Enfin ils vont se dégourdir les pattes et voler toute la nuit durant. Le Père Noël dépose sa hotte dans le traîneau, rempli à ras bord de cadeaux. Puis, il s'installe. Tous les lutins, générations confondues ainsi que la Mère Noël se trouvent sur la grande place de décollage et un des petits êtres demande au vieil homme :
- "Père Noël, êtes-vous certain de vous souvenir de la route ?"
- "Judicieuse question", s'exclame la Mère Noël avec un air malicieux.
- "Moi non", répond-il, "mais eux, oui ", dit-il en désignant du doigt ses chers rennes.
Puis, tout le monde lui souhaite de faire une bonne route. Les flocons de neige commencent à tomber. La distribution de surprises peut débuter ! Le Père Noël s'envole au-dessus des toits et des cheminées qui crachent d'épaisses fumées blanches.
Arrivés dans la capitale de la Finlande, Helsinki, les rennes freinent tout en douceur pour lancer des cadeaux dans les cheminées. Mais, tout à coup, les animaux stoppent brutalement pour laisser passer une chouette et son bébé qui est en train d'apprendre à voler. Seulement, cet incident provoque la chute de la hotte. Rodolphe, ayant compris le problème, se pose immédiatement dans un champ. Le Père Noël descend du traîneau et se met à chercher le précieux sac. Soudain, il s'arrête net. Face à lui, se trouve un jeune garçon d'une dizaine d'années. Et il se trouve juste à côté de la hotte. Le vieil homme s'exclame :
- "Oh ! Merci, jeune homme ! Tu as retrouvé mon sac. Je peux dire que tu m'as sauvé la vie ! Que puis-je te donner en remerciement ?"
Le Père Noël se gratte la tête, et tout à coup, il a une idée.
- "Comment t'appelles-tu ?"
- "Yrjö !"
- "Alors, Yrjö, veux-tu venir dans mon traîneau pour m'accompagner dans ma tournée ?"
- "Oh oui, Père Noël, oui", s'exclame l'enfant, fou de joie.
Alors, il monte dans le beau traîneau en bois, et ils s'envolent ensemble. Yrjö demande :
- "Où va-t-on, Père Noël ?"
- "Et bien tous les enfants finlandais ont eu leurs cadeaux, alors maintenant, nous allons en Pologne."
- "Waouh", lance-t-il, émerveillé.
Dans les rues de Varsovie, le vieil homme découvre un garçon qui court pieds nus. Intrigué, il saute de son traîneau pour atterrir sur le toit d'une maison, et il dit au jeune finlandais :
- "Tu es un grand bonhomme de dix ans, alors je te confie la distribution de cadeaux dans les maisons. Je te rejoindrai bientôt, d'accord ?"
- "C'est compris ! Tu peux avoir confiance en moi !"
Le Père Noël se met à rattraper le petit et après quelques minutes de course, il attrape l'enfant par la main.
- "Bonsoir", dit-il.
- "Père Noël ? C'est vraiment toi ? Ou est-ce quelqu'un qui s'est déguisé ?"
- "C'est vraiment moi ! Tu peux tirer sur ma barbe et tu verras qu'elle est bien réelle !"
Aussitôt dit, aussitôt fait. Il tire sur la barbe et constate :
- "Ce n'est pas une blague alors ! Moi je m'appelle Samuel et j'ai cinq ans."
- "Pourquoi tu courrais ? Où allais-tu comme ça ?"
- "Je ne sais pas où j'allais mais quand je suis triste, je cours pour oublier."
- "Et pourquoi tu es triste ? Ce soir, pourtant, c'est magique !"
- "Oui, mais mon grand frère que je n'aime pas beaucoup m'a dit que tu n'existais pas. Et que c'étaient que les bébés qui croyaient en toi."
- "Mais tu n'es plus un bébé et j'existe réellement ! Et tu pourras lui dire qu'il s'est trompé à mon sujet !"
- "Oh non ! Il arrive et moi, je ne veux pas passer le réveillon de Noël avec lui parce qu'il est méchant."
- "Et avec qui veux-tu passer cette soirée alors ?"
- "Avec toi ! C'est possible ?"
- "D'accord !"
Il prend donc Samuel dans ses bras et ils rejoignent le traîneau où les attend Yrjö.
- "Excuse-moi pour le retard, Yrjö, mais je viens t'amener un nouveau copain. Je te présente Samuel et il va faire la suite de la tournée avec nous. Au fait, la distribution de cadeaux s'est-elle bien passée ?"
- "Oui, j'ai tout fait comme il faut !"
Les rennes hochent la tête en signe de confirmation. Puis ils s'envolent dans la minute suivante en Allemagne.
Le Père Noël, Yrjö et Samuel peuvent maintenant admirer les mille couleurs du Noël de Berlin. Et ils constatent que c'est la fête en-dessous d'eux. En effet, ils entendent des cris de joie et des rires. Les hommes jouent de la musique pendant que les enfants dansent en faisant des rondes. Quant aux femmes, elles gèrent le banquet et donnent à manger à ceux qui le leur demandent. Au milieu de cette effervescence nocturne, Samuel, du haut du ciel, remarque qu'un jeune garçon ne se mêle pas aux jeux des autres enfants.
- "Père Noël", demande alors le petit garçon, "pourquoi il est tout seul l'enfant là-bas ?"
- "Je ne sais pas du tout ! Mais je pense qu'une petite promenade en traîneau lui ferait le plus grand bien."
Samuel et Yrjö se penchent pour mieux observer le petit inconnu. Alors, le Père Noël leur dit :
- "Allez voir ce garçon et persuadez-le de monter avec nous. Vous étiez comme lui des petits garçons tristes avant de me rencontrer, alors il vous écoutera et vous suivra certainement."
- "D'accord, Père Noël !"
Alors, les deux petits, une fois arrivés sur le sol, se dirigent vers le jeune garçon. Samuel est le premier à lui demander :
- "Bonsoir ! Pourquoi tu es tout seul ?"
- "Parce que je suis malheureux."
- "Et pourquoi tu es malheureux ?"
- "Parce que mon papa et ma maman, ils ne m'aiment pas. Depuis que ma petite sœur est née, ils ne s'occupent plus de moi."
Yrjö coupe la conversation en demandant :
- "Veux-tu venir avec nous dans le traîneau du Père Noël qui nous attend un peu plus loin ?"
Le petit garçon ouvre grand ses yeux et ses larmes disparaissent tout d'un coup.
- "Il est avec vous ? Je peux vraiment le voir ?"
- "Oui", répondent les deux autres en chœur.
Alors ils l'entraînent vers le Père Noël et le vieux monsieur lui dit :
- "Bonsoir, toi ! Comment t'appelles-tu et quel âge as-tu ?"
- "Je m'appelle Hans et j'ai six ans et demi. Bientôt sept ! C'est vrai que je vais pouvoir faire une promenade avec toi, Yrjö et Samuel ?"
- "Mais oui ! Allez, montez les enfants ! Nous allons finir notre tournée dans ce pays et ensuite, direction Paris, en France."
Et les rennes guidés par Rodolphe, reprennent leur chemin, sur lequel le Père Noël lance des cadeaux dans les cheminées, quasiment sans s'arrêter. Puis, au bout un moment de traîneau magique, ils peuvent enfin apercevoir Paris et sa Tour Eiffel. En la voyant, Hans et Samuel s'exclament en même temps :
- "La dame de fer !"
Et ils contemplent la belle ville lumineuse, émerveillés par ce spectacle féerique. Les rennes se chuchotent quelques phrases et prennent la décision de faire le tour du monument pour le plus grand bonheur des enfants qui rient, joyeux. Les rennes continuent à tourner. Soudain, le traîneau est déstabilisé à cause de quelque chose qui vient de tomber dedans. Alors les animaux conducteurs du chariot se posent sur le champ de Mars. Le Père Noël s'énerve :
- "Quelle est cette chose qui a failli faire chuter mon beau traîneau tout neuf ?"
La chose est tombée tout droit dans la hotte du vieil homme. Et tout à coup, il voit sortir de celle-ci une petite fille d'environ huit ans qui est toute gênée. Ahuri, le Père Noël demande :
- "Mais que fais-tu ici, petite enfant ? Et qui es-tu ?"
- "Je m'appelle Sabrina et je suis désolée si j'ai fait chavirer ton traîneau."
- "Et d'où es-tu tombée, Sabrina ?"
- "De la Tour Eiffel."
Le Père Noël fronce les sourcils, comme pour recevoir un peu plus d'explications, ce que la petite fille s'empresse de lui donner.
- "Ma maman m'a raconté que le soir de Noël, on pouvait t'apercevoir, mais seulement, si on se trouvait très haut. Alors, je suis montée sur la Tour Eiffel et lorsque j'étais au sommet, j'ai eu le vertige et je suis tombée."
L'homme en rouge sourit et prend l'enfant dans son traîneau, puis ils partent. Sabrina demande :
- "Mais Père Noël, tu ne me ramènes pas chez moi ?"
- "Et bien non !"
- "Et pourquoi ? Où va-t-on ?"
- "Tu ne vois pas d'inconvénients à ce que je finisse ma tournée de cadeaux en France, et qu'ensuite, nous allions ensemble en Espagne ?"
- "Oh, Père Noël, je suis tout à fait d'accord !"
- "Mais d'abord, nous allons passer dans un petit appartement, dans le village de Monteux."
- "Pourquoi ?", demande Sabrina.
- "Parce que cette année, j'ai reçu une très jolie lettre d'une petite fille âgée d'un an. Elle s'appelle Emma et elle mérite d'avoir plein de cadeaux !"
Après être passés chez Emma, ils se dirigent vers Madrid. Arrivés là-bas, les enfants et le Père Noël atterrissent. Le vieil homme entre dans la cheminée d'une petite maison et s'engage dans le salon. Il remarque que le sapin brille de mille feux. Il pose les cadeaux commandés au pied de l'arbre. Il trouve sur la petite table basse de bois, trois galettes et une tasse de thé. Alors, il mange et boit un peu. Mais au moment où il s'apprête à partir, une petite voix le fait sursauter :
- "C'était bon, Père Noël ?"
Il se retourne et voit un enfant qui se présente :
- "Moi, je m'appelle Julio et j'ai sept ans. Et toi, quel âge as-tu ?"
- "Oh moi, je suis très vieux !"
- "Ah bon ? On ne dirait pas pourtant !"
- "Merci ! Mais que fais-tu debout à cette heure-ci ?"
- "Et bien, je voulais te voir. Et j'ai aperçu des enfants dans ton traîneau. Comment ont-ils fait ?"
- "Ils m'ont demandé de venir avec moi."
- "Alors, moi aussi je peux !"
- "Bien sûr ! Allez, suis-moi !"
Et le Père Noël emmène Julio jusqu'au traîneau, où le jeune garçon fait connaissance avec les autres enfants des différents pays.
Puis, ils s'envolent en direction de l'Italie. Le vieil homme continue sa distribution de cadeaux tandis que les enfants, les yeux étincelants, admirent le paysage. La neige tombe toujours aussi fortement mais le nez lumineux de Rodolphe les aide beaucoup à s'orienter. Dancer demande au jeune renne en tête :
- "Alors Rodolphe, ça va ? Tu t'en sors ?"
- "Je crois que oui. Vous trouvez que je me débrouille bien ?"
- "Oh oui, sans aucun doute !", s'exclame Blixen.
- "Moi, je trouve que pour le moment, ta première tournée est une réussite !", ajoute Comet.
Alors Rodolphe est heureux et redouble de vitesse. Dans les rues de Rome, les surprises volent jusqu'aux cheminées. Mais dans une ruelle sombre, le Père Noël est attiré par un petit arbre dégarni. Alors, il y descend et au beau milieu des cartons qui jonchent le sol, il aperçoit une petite fille frigorifiée et se rend compte que l'arbre dégarni est son sapin de Noël. Il prend dans ses bras la fillette qui dort et arrivé au traîneau, il l'enveloppe dans une couverture pour qu'elle puisse se réchauffer. Alors que le chariot reprend se route vers le Royaume-Uni, la petite italienne se réveille :
- "Où suis-je ?"
- "Dans le traîneau du Père Noël", lui répond Yrjö.
- "Ne t'inquiète pas, nous sommes tes amis", rajoute Sabrina en la serrant fort contre elle. "Comment tu t'appelles ?"
- "Moi, c'est Tina et je crois que j'ai six ans."
- "Que faisais-tu dehors ?", lui demande le Père Noël.
- "Et bien, je vis dehors. Ma maison, ce sont mes cartons mais je suis tellement heureuse que tu aies trouvé mon arbre de Noël. Je ne sais pas pourquoi mais je savais que tu viendrais me voir, même si je vis dans la rue."
- "Mais où sont tes parents ?", interroge Samuel.
- "Je n'ai pas de parents. Je vivais dans une autre famille que la mienne et je suis partie car ils étaient trop méchants avec moi."
Tout le monde reste muet mais le Père Noël reprend la parole :
- "Écoute Tina, ce soir est un soir de fête alors je veux que tous les enfants oublient leurs problèmes et que tout le monde soit heureux."
- "D'accord !", s'exclament Tina et les autres enfants.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Décembre 2013 à 08:24:28
Noël aux quatre coins du monde  (suite)

- "Regardez les petits, nous arrivons à Londres !"
Les cadeaux pleuvent de plus belle sous les paroles du Père Noël :
- "Des surprises pour les enfants Douglas, des jouets pour les MacLand..."
Soudain, le traîneau stoppe net au beau milieu du ciel. Intrigué et inquiet, le vieil homme demande :
- "Ola, les rennes ! Que se passe-t-il ?"
- "C'est Prancer qui vient de se faire mal à la patte", explique Vixen.
Alors ils se posent sur le sol londonien. Tandis que le Père Noël soigne le pauvre renne, Neville, un petit anglais de six ans s'introduit dans le chariot. Étonnés, les autres enfants l'assomment de questions. Yrjö demande :
- "Qui es-tu ?"
- "Neville."
- "Tu viens de ce pays ?", interroge Samuel.
- "Ben oui !"
- "Il fait toujours aussi froid ici ?", questionne Sabrina.
- "Presque toujours mais quelquefois, il fait chaud aussi !"
- "Tu habites ici depuis longtemps ?", demande Julio.
- "Je ne sais pas."
- "Tu ne sais pas ? Tu sais compter pourtant !", s'exclame Hans, étonné.
- "Oui mais je crois que je n'ai pas assez de doigts pour calculer."
Les enfants se mettent à rire.
Puis le Père Noël se réinstalle dans le siège du traîneau, se tourne vers les enfants et constate :
- "Je vois que vous êtes bien joyeux, alors, on peut repartir !"
- "Tu es le vrai Père Noël, toi ?", questionne Neville.
- "Tiens, voilà un nouvel enfant !", s'exclame l'homme en rouge. "Comment te nommes-tu, petit ?"
- "Il s'appelle Neville et il a six ans", répondent les autres enfants en chœur à la place du petit Anglais.
- "Et bien, je vois que vous avez déjà fait connaissance. Très bien ! Et bien bonsoir et bienvenue à bord du traîneau du Père Noël. Notre prochaine destination est le Groenland."
Alors que le chariot magique survole l'océan Atlantique, le Père Noël ordonne à ses enfants :
- "Les petits, vous trouverez dans la grande malle à votre droite des pulls en laine. Alors prenez-les et couvrez-vous bien car nous arrivons dans un pays très froid où les maîtres de ce monde sont les pingouins, les phoques et les ours polaires !"
Sur les conseils du Père Noël, ils s'habillent plus chaudement et ils arrivent sur les terres enneigées et les océans de glace. Tout est blanc, pur et beau. C'est la première fois que Julio, le petit espagnol, voit de la neige et il est tout émerveillé.
- "Que c'est beau ! Que c'est beau !", ne cessent de répéter les enfants.
- "Oh, il y a un troupeau de pingouins sur la banquise", remarque Sabrina.
- "Et il y en a même un qui se noie," constate le garçon finlandais.
- "Voyons Yrjö", réplique le Père Noël, "les pingouins savent nager !"
- "Oui mais il y a quand même quelque chose qui se débat dans l'eau," montre Samuel.
- "Rodolphe, pose-nous à terre ! Il me semble qu'il s'agit d'un enfant."
- "Mais", proteste Dasher, "la neige est trop fine à cet endroit, et il y a peu de glace. Nous risquerions de couler nous aussi."
- "Je sais ce que nous pouvons faire, propose Hans, nous allons faire du rase-motte sur l'eau et les deux enfants les plus âgés, c'est-à-dire Yrjö et Sabrina vont attraper l'enfant".
Le plan est mis à exécution et ils peuvent enfin repêcher le tout petit garçon. Le Père Noël décide qu'il ferait le reste du voyage avec eux. Julio enveloppe l'enfant dans une grande couverture laineuse. Le petit tousse un peu, et Sabrina, telle une petite maman, s'occupe de lui et lui pose quelques questions.
- "Comment t'appelles-tu, petit garçon ?"
- "Inouk."
- "Inouk ?", répète-t-elle.
- "Oui."
- "Et tu sais quel âge tu as ?"
Sur cette question, l'enfant déplie trois de ses doigts : le pouce, l'index et le majeur. Il a donc trois ans, et c'est le plus jeune des huit enfants. Par la suite, Neville se plaint :
- "Il fait très froid ici ! On ne peut pas aller ailleurs ?"
- "Et bien, l'avantage du Groenland", répond le Père Noël, "c'est qu'il y a très peu d'habitations. Je finis ma distribution et après nous irons dans un autre pays."

Finalement, ils se dirigent vers le Canada et le vieil homme dit :
- "Nous allons à Montréal."
- "Mais il fait froid aussi là-bas", constate Julio.
- "Oui, mais beaucoup moins qu'au Groenland en tout cas", rétorque Yrjö. Le traîneau doit se poser dans cette ville à cause de Cupid qui a attrapé un gros rhume lors de leur passage chez les pingouins.
A Montréal, il y a la fête foraine mais le Père Noël a ordonné aux enfants de rester dans le traîneau. Une si belle fête dans une ville si étincelante, Inouk n'en a jamais vu, lui qui vient du pays de la glace et de la banquise. Alors discrètement, il sort du chariot et se faufile entre les gens. Il marche droit devant lui mais finit par se perdre parmi tous ces adultes. Lorsqu'il se rend compte qu'il ne sait plus où il est, il s'assoit à côté des auto-tamponneuses et se met à pleurer. Les gens qui rient passent à côté de lui, sans même se rendre compte de sa présence. Mais heureusement que Lara le remarque. Elle s'accroupit près de lui et lui demande :
- "Pourquoi tu pleures ?"
- "Parce que je me suis perdu."
- "Où sont tes parents ?"
- "Au Groenland. Moi, je suis avec le Père Noël."
- "Le Père Noël ? Je suis passée à côté de lui, il y a quelques minutes. Il y a un traîneau et plein d'enfants dedans, n'est-ce pas ?"
- "Oui, oui !"
- "Allez, donne-moi la main, je vais te raccompagner jusqu'à lui."
La jeune canadienne se faufile entre toutes ces personnes, et finalement, elle le ramène jusqu'au Père Noël, qui s'exclame en le voyant :
- "Inouk ! Mais où étais-tu passé ? Nous te cherchions de partout !"
- "Je me suis perdu. C'est elle qui m'a aidé", dit-il, en désignant Lara.
- "Bonsoir", dit le Père Noël.
- "Bonsoir !"
- "Heureusement que tu étais là ma petite..."
- "Lara ! Mon nom est Lara et j'ai neuf ans."
- "Alors, Lara, je pense que si tu n'avais pas été présente, je pense que je n'aurais pas pu le retrouver. Il me cause bien des problèmes, ce jeune Inouk !"
Évidemment, le Père Noël plaisante. Lara compte bien faire partie du voyage et le vieil homme l'invite à monter à bord. Puis ils partent en direction de New York. Alors que la joyeuse troupe frôle l'immeuble le plus haut de la ville, l'Empire State Building, ils voient une fillette d'environ sept ans, Kate, qui est sur la fenêtre du plus haut étage. Entre temps, le traîneau passe à côté d'elle. La petite, surprise, trébuche, mais heureusement, elle atterrit sur le dos de Rodolphe. L'homme en rouge l'attrape, et, intrigué, il demande à Kate :
- "Que faisais-tu, tout là-haut ?"
- "C'est à cause de mon chat. Il était sur la fenêtre, et moi, je voulais le récupérer. Mais lui, il s'amusait. Et quand le traîneau est arrivé, il est rentré car il a eu peur, et moi, je suis tombée. Je m'appelle Kate et j'aurai huit ans dans onze mois."
Le Père Noël sourit et l'emmène avec eux.
Après la distribution des jouets aux Etats-Unis, ils se dirigent au Pérou, à Lima. Cette nuit-là, le vent souffle très violemment et Louisa, une pauvre petite orpheline de cinq ans ne dort pas. Elle se promène non loin de l'auberge que tiennent ses parents adoptifs, avec son lama de deux mois, Flopito. Elle a mal aux yeux et elle a froid. Soudain, une incroyable rafale lui arrache son bonnet et va se poser sur celui du Père Noël. Alors, le traîneau se pose aux côtés de Louisa et le vieil homme s'approche d'elle, en lui tendant gentiment son bonnet.
- "Bonsoir, chère petite ! Je crois que cela t'appartient !"
- "Oh, merci beaucoup ! Tu es gentil, Père Noël !"
- "Mais qui es-tu et d'où viens-tu ?"
- "Je m'appelle Louisa, j'ai cinq ans et j'habite l'auberge là-bas."
- "Avec tes parents ?"
- "Ce ne sont pas vraiment mes parents. Ils disent qu'ils m'ont trouvé devant leur porte quand j'étais bébé."
- "Ah bon ?"
- "Ils sont gentils mais je suis triste car ils ne veulent pas fêter Noël, même si je sais que je n'aurais pas eu de cadeaux."
- "Moi, je vais te faire une belle surprise Louisa. Veux-tu venir avec nous en Australie ?"
- "Oh oui, Père Noël ! Je serais très heureuse !"
Alors, encore un nouvel enfant monte à bord, et tandis que les autres font connaissance avec la petite péruvienne, le traîneau atteint petit à petit Sydney. Le soleil se couche sur les plaines où sautent des centaines de kangourous. Le Père Noël distribue ses cadeaux, mais par un lancer mal visé, une surprise tombe au sol. Il décide alors d'atterrir mais les rennes ne parviennent pas à freiner et tout l'équipage glisse sur la terre et les quelques herbes qui jonchent le sol. Soudain, le chariot percute une chose, ce qui freine définitivement Rodolphe et les autres rennes. Yrjö et Lara sautent du traîneau pour savoir ce qu'ils ont percuté. Lara pousse un cri. Il s'agit d'un petit garçon. Il est habillé pauvrement mais une jolie gourmette en or orne son petit poignet. Dessus, il est écrit : "Cody- 15 juin 2002". Ce petit bonhomme a alors un peu plus de trois ans. Heureusement, le choc ne l'a pas gravement blessé mais une écorchure au genou saigne un petit peu. Le Père Noël, bon médecin, lui colle un pansement et l'emmène dans son traîneau. Le petit est encore inconscient mais le vieux monsieur a un bon plan.
Après la distribution de jouets aux enfants australiens, il est certain que le bon air des Indes va faire du bien au petit garçon. Et c'est ainsi qu'ils se retrouvent tous à New Delhi. Il fait nuit, mais pourtant la ville est bercée par un doux air de musique. Malheureusement, ni l'air si agréable, ni les bonnes odeurs de la ville ne font effet sur le jeune Cody, et le vieil homme est désespéré. Le petit Samuel demande, les yeux écarquillés :
- "Mais tu pleures, Père Noël ?"
- "Presque, mon petit."
- "Mais pourquoi ?", interroge Sabrina.
- "Parce que notre ami australien n'a pas rouvert les yeux depuis que je l'ai fait chuté. C'est une bien triste nuit de Noël", se lamente-t-il.
Cachée derrière un muret, une petite fille indienne de neuf ans entend tout. Alors, elle décide de s'approcher de l'homme en rouge et commence à lui expliquer :
- "Moi, je connais des plantes qui ont la vertu de réveiller les gens."
Le Père Noël relève la tête, une lueur d'espoir dans les yeux. La fillette se présente :
- "Je m'appelle Botum Ponu et je suis une des descendantes d'une famille de magiciens-sorciers. Ma mère m'a appris le nom des plantes médicinales et comment s'en servir."
- "Tu peux nous aider, alors ?", demande Yrjö.
- "Je pense que oui. Attendez-moi ici, je n'en ai que pour quelques minutes."
Lorsqu'elle revient, un instant plus tard, tous s'aperçoivent qu'elle tient dans ses mains de grandes et belles plantes vertes. Elle s'agenouille à côté de Cody qu'on a allongé à même le sol. La fillette frotte ses mains sur les herbes magiques et se met à frictionner le torse du petit garçon. Celui-ci, au bout d'un moment, pousse un soupir, puis se met à remuer ses petites mains. Enfin, il ouvre les yeux mais ne parait pas étonné de se retrouver face au Père Noël. Lorsqu'il parvient à se relever, il lui saute quand même au cou, en le remerciant :
- "Merci, Père Noël ! Merci ! Tu m'as réveillé !"
- "Ce n'est pas moi que tu dois remercier, petit Cody mais plutôt cette jeune indienne. Sans elle, je ne sais pas ce que j'aurais fait."
Alors, l'enfant se tourne vers sa guérisseuse et lui demande :
- "Comment tu t'appelles ?"
- "Moi, c'est Botum Ponu."
- "Merci beaucoup de m'avoir réveillé, Botum Ponu."
Et Cody embrasse très fort la jeune indienne. Bien sûr, le Père Noël, pour la remercier de son geste, l'invite à monter à bord de son traîneau et elle accepte sans aucune hésitation.
Puis après la tournée de cadeaux en Inde, ils recommencent tous ensemble à parcourir les airs. Le traîneau, tel un bel oiseau léger, fait route vers la Chine. Et c'est à Pékin que le Père Noël rencontre la quatorzième enfant qui va faire le reste du voyage avec eux. Elle s'appelle Yukiko et est âgée de huit ans. Elle a treize frères et sœurs, et ses parents, de très modestes pêcheurs, ont élu domicile avec leurs enfants dans un petit bateau. Ils ne s'occupent guère de Yukiko, oubliant souvent de lui donner à manger. Cette nuit-là, l'enfant a très faim, et ne trouve rien de mieux pour se rassasier que de voler quelques fruits dans l'étalage que tient un vieux marchand hargneux. Yukiko s'empare de deux, trois pommes, les cache dans sa poche, et mine de rien, s'en va vers les rues adjacentes de l'avenue principale. Mais le marchand, ayant remarqué le vol, commence à hurler :
- "Au voleur ! Au voleur !"
Des gens se mettent alors à courir derrière la pauvre chinoise.
Ses jambes lui font très mal, et elle sent qu'elle va bientôt tomber. Soudain, plusieurs paires de mains s'agrippent à ses bras, et comme par magie, elle se soulève du sol. Sabrina, Lara, Botum Ponu et Yrjö crient au Père Noël :
- "C'est bon, nous la tenons !"
Ainsi, sur la route d'Oulan Bétor, en Mongolie, la fillette se présente :
- "Je m'appelle Yukiko Chang et je vis à Pékin depuis que je suis née."
- "Mais pourquoi tous ces gens te courraient après ?", questionne le Père Noël.
- "Parce que j'ai volé des pommes. Je sais que ce n'est pas bien, mais mes parents sont très pauvres et ils ne nous donnent pas souvent à manger à mes frères, ma sœur et moi."
- "Tu as combien de frères et sœurs ?", demande Sabrina.
- "J'ai douze frères et j'avais une petite sœur mais mes parents l'ont vendue à un couple d'Européens pour avoir un peu d'argent."
- "Les enfants", coupe le Père Noël, "ce soir, c'est la nuit de Noël et j'exige que tout le monde soit heureux. Alors, je veux tous vous entendre chanter !"
Et pendant ce temps, les rennes, toujours guidés par le courageux Rodolphe, atteignent la Mongolie où l'homme en rouge continue de distribuer ses cadeaux sans se lasser. A quelques kilomètres d'Oulan Bator, la capitale, les passagers du traîneau remarquent d'étranges signaux dans un champ. Curieux, le vieux bonhomme demande à son attelage de se poser non loin de la chose lumineuse, qui est en réalité un petit garçon, tenant dans ses mains des torches allumées. Et c'est Louisa qui s'approche en premier de lui. Elle lui dit poliment :
- "Bonsoir, je m'appelle Louisa. Avec mes nouveaux amis, on fait une promenade avec la Père Noël. Comme tu es tout seul, on pensait que tu pourrais venir avec nous. Tu es d'accord ?"
L'enfant sourit et fait plein de gestes avec ses bras. Ses lèvres remuent mais aucun son ne sort. Affolée, la jeune péruvienne avertit immédiatement l'homme en rouge :
- "Père Noël ! L'enfant ne parle pas !"
Alors, il descend du traîneau pour se retrouver en face du petit mongol qui tient dans ses mains un petit carnet de notes et un stylo.
Il écrit : "Kubilaï- 7 ans- mère partie- père méchant".
Alors, le Père Noël semble tout comprendre et résume :
- "Si j'ai bien compris, tu t'appelles Kubilaï, tu as sept ans. Tu es muet depuis que ta mère est partie de chez toi à cause de ton père qui était méchant avec elle."
Un sourire radieux illumine le visage du jeune garçon car pour la première fois depuis la perte de sa parole, quelqu'un le comprend enfin. Puis l'enfant montre successivement lui, le ciel, le Père Noël, la petite troupe, le traîneau et les rennes. Julio comprend et prend la parole :
- "Tu veux venir avec nous dans le ciel avec le traîneau du Père Noël et de ses rennes. C'est ça ?"
Kubilaï hoche la tête de haut en bas. Alors, le vieil homme soulève l'enfant et le dépose à côté des cadeaux restants. Puis, pour finir la nuit, le Père Noël embarque encore dans son chariot quatre autres enfants. En Polynésie, il trouve Tini, un garçon de quatre ans qui tient absolument à rencontrer le Père Noël mais c'est un enfant heureux et sans histoires.
Ensuite, au Maroc, à Rabat, dans un champ de dattes, ils aperçoivent une petite fille qu'ils recueillent. Elle se nomme Zora et elle a dix ans. D'après sa mère, quand elle sera grande, elle deviendra voyante. Le Père Noël lui demande alors qu'elle sera leur prochaine destination et la jeune marocaine répond correctement : "l'Afrique du Sud, dans la ville du Cap".
Là-bas, ils rencontrent Mamadou, qui a huit ans. Ses parents sont très pauvres, alors ils ne fêtent pas Noël et l'enfant africain n'a jamais eu de cadeaux. Enfin, sur le lieu de leur dernière destination, en Grèce, ils font monter avec eux Nikos, un jeune garçon, âgé de cinq ans. Maintenant, le traîneau est plein. Il n'y a plus de cadeaux car la tournée est enfin finie.
Mais aucun des enfants ne sait où il va désormais se rendre. Mais les rennes savent où aller, et s'envolent à travers les étoiles.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Décembre 2013 à 08:30:55
Noël aux quatre coins du monde  (suite et fin )


Le Père Noël demande :
- "Les enfants, vous voulez me faire plaisir ?"
- "Oui", répondent-ils, en chœur.
- "Alors, fermez les yeux ! Je vais vous emmener dans un lieu magique mais il ne faut pas que vous regardiez !"
Evidemment, les enfants sont d'accord et tous cachent leurs yeux avec leurs mains. Puis, au bout d'un moment, ils peuvent enfin regarder. Tous sont émerveillés et ouvrent grand les yeux : ils sont dans le village du Père Noël. Les rennes se posent dans un champ d'étranges fleurs : leurs tiges sont très longues et blanches, et les pétales de la même couleur, avec des fils argentés. On dirait que les fleurs sont passées sous un nuage de paillettes argentées. Botum Ponu, curieuse, demande :
- "Père Noël, je connais toutes les fleurs du monde entier mais je ne reconnais pas cette variété. Qu'est-ce que c'est ?"
- "Ce sont des fleurs qui ne poussent que dans mon village, chaque année, à Noël."
Les enfants sont extrêmement heureux de découvrir l'endroit où vit l'homme le plus apprécié des petits. La Mère Noël est sur le seuil de sa maison, et en voyant son mari qui est de retour, elle court vers lui pour se jeter dans ses bras et elle lui fait un bisou. Tous les enfants sont étonnés :
- "Mais Père Noël", demande Mamadou, "tu as une femme ?"
- "Et bien oui ! Alors, ils sont encore plus enchantés de rencontrer la famille de l'homme en rouge."
- "Et vous avez des enfants ?", interroge Nikos.
- "Oui et non", répond la Mère Noël.
- "En fait", explique son mari, nous n'avons pas eu d'enfants ensemble mais tous les petits du monde entier sont comme nos propres enfants.
- "Alors, on peut t'appeler papa", dit Louisa qui n'a pas connu son père.
- "Ici", répond-t-il, "tout est permis alors tu peux m'appeler comme bon te semble !"
- "Allez les enfants", coupe la Mère Noël, "entrez dans notre maison pour vous réchauffer !"
Et les petits ne se font pas prier. Dans la grande habitation, tous s'assoient et Lara se met à parler :
- "Nous sommes bien ici, Père Noël, mais que faisons-nous maintenant ?"
- "Et bien, vous allez me dire ce que vous désirez pour votre Noël et j'irai fabriquer vos jouets."
Les enfants, enchantés, confient au Père Noël ce qu'ils veulent, et celui-ci se retire dans son atelier, en compagnie de quelques lutins qui vont l'aider dans ses travaux. La petite troupe veut faire une surprise à l'homme en rouge, pour le remercier de tout ce qu'il fait pour eux. Alors, ils se concertent et chacun donne son idée :
- "Nous pouvons danser pour lui", propose Botum Ponu.
- "Et chanter !", s'exclame Cody.
Kubilaï imite quelqu'un qui joue de la flûte et Mamadou traduit :
- "Oui, Kubilaï n'a pas tort ! Nous pouvons jouer de la musique aussi !"
- "Ce serait bien, mais nous n'avons pas d'instruments."
- "Il y a une solution", dit la Mère Noël. "Allez voir les lutins et je suis certaine qu'ils vous prêteront les leurs. Lara et Sabrina, allez-y ! Et pour les autres, si vous le voulez bien, nous pourrions cuisiner les spécialités de vos pays."
- "Oh oui, ce serait une belle surprise pour le Père Noël !", s'exclame Yrjö.
- "Dans ma cuisine, il y a tous les ingrédients qu'il vous faut. Nous allons préparer une sorte de buffet et chacun pourra manger ce qu'il désire quand la fête commencera."
Au terme d'une longue heure, tous les plats sont enfin prêts, et la table du buffet est dressée. Lara et Sabrina sont revenues, les bras chargés d'instruments de musique.
- "Écoutez-nous ! On va vous dire le nom de chaque instrument, et vous répondrez s'il vient de votre pays."
- "D'accord", crient les autres enfants.
- "Alors, le violon, pour qui est-ce ?"
- "Pour moi", répond Hans.
- "Le petit piano ?"
- "A moi !", crie Sabrina, qui distribue aussi les instruments.
Puis elles donnent une guitare à Julio, une cornemuse pour Neville, le banjo à Kate, la flûte de pan à Louisa, une sitar pour Botum Ponu, un petit tambour de feu à Yukiko, un balalaïka pour Kubilaï, et pour Mamadou, un tam-tam. Ils s'entraînent tous un petit moment jusqu'à ce que Inouk, qui fait le guet, les avertit que le Père Noël arrive. Alors, ils lui demandent de fermer les yeux et le conduisent au devant de leur surprise. Chaque enfant se trouve derrière la spécialité de son pays. L'homme en rouge ouvre finalement les yeux et pousse un cri d'émerveillement. Alors, il commence, avec la Mère Noël, à faire le tour de la grande table où chaque enfant explique le nom et les traditions de Noël de son pays. Le premier à commencer est Hans :

- "La spécialité d'Allemagne est un gâteau qui s'appelle kouglof. C'est dans mon pays qu'est née, il y a 400 ans, la tradition du sapin. Dans le nord du pays, on dit que c'est saint Nicolas qui donne les cadeaux le 6 décembre, en descendant du ciel dans sa luge. Mais dans le Sud, c'est toi, le Père Noël et moi, je trouve que c'est mieux ! Joyeux Noël en allemand, ça se dit " Froeliche Weihnachten "."
- "Chez moi, explique à son tour Sabrina, on mange de la dinde et de la bûche de Noël. Tu déposes nos cadeaux dans nos souliers dans la nuit du 24 au 25 décembre. Et on dit " Joyeux Noël "."
- "Et c'est quoi ces petits gâteaux ?", demande l'homme en rouge.
- "Et bien, mon papa est français et ma maman est belge, alors, j'ai aussi fait la spécialité de la Belgique."
- "Et quelle est leur tradition ?"
- "En Belgique, on dit que le 6 décembre, c'est Saint Nicolas qui vient sur son âne chargé de surprises. Près de la cheminée, les enfants déposent un navet et une carotte pour l'âne. Et ces biscuits sont des spéculoos en forme de Saint Nicolas. Ils sont très secs et très sucrés."
- "Merci beaucoup, petite Sabrina ! A toi, Neville, explique-moi tout !

- "En Angleterre, on t'appelle Santa Claus et tu passes dans la nuit du 24 au 25 décembre. Tu déposes nos cadeaux dans des chaussettes, placées au coin du feu. Chez nous, il n'y a pas de Noël sans dinde ni plum-pudding. C'est un gâteau préparé cinq semaines avant Noël pour qu'il vieillisse correctement. Et le soir du 24, il est arrosé de punch, puis flambé ! Donc, j'ai fabriqué ce pudding, mais je ne suis pas certain qu'il soit très bon !"
- "Ce n'est pas grave !"
- "Et en Angleterre, on dit " Merry Christmas "."
- "En Amérique du Nord", explique Kate, "pour terminer le repas de Noël, on mange des cakes aux fruits. Et Joyeux Noël, ça se dit aussi " Merry Christmas "."
- "En Chine", dit à son tour Yukiko, "on mange du riz tous les jours, alors, à Noël aussi ! Mais il y a beaucoup de familles pauvres et le riz coûte assez cher, même s'il est très bon. En chinois, Joyeux Noël se dit " Gun Tso Sun Tan'Gung Haw Sun ". Vous remarquerez que c'est très long à dire !"
- "Au Maroc, continue Zora, Noël n'existe pas mais moi, je le fais secrètement avec mes amis. Et pour l'occasion, on mange pleins de dattes ! Et on dit " Idah Saidan Wa Sanah Jadidah "."
- "Très bien, dit le Père Noël. Et chez toi, Mamadou ?"
- "En Afrique, je ne sais pas si tout le monde fête Noël, mais chez moi, on le fait et on mange de la semoule de mie. Et Joyeux Noël, ça se dit " Een Plesierige Kerfees "."
- "En Espagne, explique Julio, Noël est avant tout une fête religieuse parce qu'on fête la naissance de Jésus. Les adultes disent qu'il n'y a pas de Père Noël, mais moi, je n'y crois pas ! Ce sont les Rois Mages qui viennent le 6 janvier mettre les jouets dans les sabots posés sur les balcons. Et pour le repas, on prépare de la soupe aux amandes. Et en dessert, on mange du turón. C'est un mélange de caramel et d'amandes. Et c'est-ce que j'ai préparé, avec l'aide de la Mère Noël, évidemment. En espagnol, Joyeux Noël se dit " Feliz Navidad "."
- "Hum ! C'est très bon ! Félicitations ! A toi, Tina, dis-moi quelles sont les traditions en Italie ?"
- "Et bien, chez moi, les fêtes de Noël durent trois jours, du 24 au 26 décembre. Mais les cadeaux sont distribués beaucoup plus tard, le 6 janvier. On dit que c'est une vieille dame qui le fait, la dame aux cheveux blancs, la sorcière Befana. Mais il y a beaucoup d'enfants qui disent que c'est le Père Noël qui vient mais qu'il est déguisé. En Italie, on dit " Buone Feste Natalizie ". Et nous, on mange du panneton."
- "Il parait que c'est très bon!"
- "Et bien goûte-le, Père Noël !"
- "En effet, c'est succulent ! Et pour finir, nous avons la Grèce !"
- "Oui, Père Noël, répond Nikos. Pour les Grecs, Noël est moins important que les fêtes de Pâques. On dit qu'il n'y a pas de Père Noël mais que c'est saint Basile qui apporte les cadeaux le 1er janvier. Le soir, les enfants grecs vont chanter chez les voisins et en échange, ils reçoivent des friandises. En voilà quelques unes. Mais moi, je savais que tu existes, et ce soir, j'en ai même la preuve ! Et Joyeux Noël en grec, c'est " Kala Christouyenna "."
- "Merci beaucoup, mes enfants, je suis fier de vous !"
Et pour continuer la surprise, certains petits jouent de la musique avec les instruments des lutins, tandis que d'autres dansent comme des fous. Certains encore font des va-et-vient entre les deux extrémités du banquet, ne sachant que choisir pour manger, tant que tout est si bon. Puis, au bout d'un moment, ils décident de se reposer et ils s'assoient tous en rond. Maintenant que les enfants se connaissent tous, ils se rendent bien vite compte qu'ils ne savent rien des pays respectifs de leurs amis. Alors, ils se mettent à parler de cela. C'est le jeune finlandais Yrjö qui commence :
- "Mon pays, il est très grand ! L'hiver, lorsqu'il y a de la neige, on peut apercevoir des rennes et ils ressemblent d'ailleurs beaucoup à ceux du Père Noël. Et en Finlande, Joyeux Noël se dit " Iloista Joulua "."
- "En Pologne", explique Samuel, "il y a quelque chose que j'aime énormément. Ce sont des montagnards qui portent encore leurs gilets de laine brodés lorsqu'ils descendent le foin des hautes prairies dans leurs barques. Ils vont très vite car le courant de la Dunajec est rapide. En plus, c'est le métier de mon papa ! Et nous, on dit " Weselych Swiat "."
- "En Allemagne, continue Hans, des gens ont construits le mur de Berlin et le peuple l'a détruit en 1989."
- "Quand a-t-il été construit ?", demande Botum Ponu.
- "Je ne sais pas, ma maman ne me l'a pas dit ! Et toi Sabrina, qu'y a-t-il dans ton pays ?"
- "Il y a la tour Eiffel. Elle se trouve à Paris. C'est une gigantesque tour d'acier, très haute. Et c'est Monsieur Eiffel qui l'a construite pour une exposition."

- "Chez moi aussi, il y une tour", dit Tina. "C'est la tour de Pise, mais je ne sais pas en quoi elle est faite !"
Puis, Julio prend la parole :
-" En Espagne, il y a beaucoup de vignobles qui donnent de très bons vins."
- "En Angleterre", explique Neville, "nous avons le London Bridge, un des nombreux ponts qui sert à traverser la Tamise. Et il se soulève pour laisser passer les gros bateaux. Mais il y a aussi Big Ben qui est une grosse horloge !"
- "Chez moi, assure Inouk, il existe des animaux que vous ne pourrez pas trouver chez vous. Sur la banquise, on voit des manchots, des pingouins, des ours polaires et des phoques aussi. Et dans mon pays, Joyeux Noël se dit " Jutdlime Pivdluarit Ukiortame Pivdluaritlo ". C'est long à prononcer !"
- "Au Canada, s'exclame Lara, il y a beaucoup de lacs, de forêts, et surtout de gros ours bruns."
- "A New York, se trouve la Statue de la Liberté qui est immense. Il y a aussi des immeubles très hauts qu'on appelle des buildings. Et puis, il y a aussi beaucoup de stars qui travaillent à Hollywood."
- "Au Pérou", dit Louisa, "on a énormément de lamas. Beaucoup de familles en possèdent au moins un. Et même moi, j'ai le mien, c'est mon meilleur ami. Les lamas sont des sortes de chevaux avec plein de poils partout !"
- "En Australie, nous n'avons pas de lamas, mais des kangourous et des koalas. Les koalas sont comme des ours mais en plus petits !"
- "En Inde, nous n'avons pas ça mais des tigres du Bengale", confie Botum Ponu. "Ce sont des animaux majestueux mais très dangereux. Il ne vaut mieux pas se retrouver en face d'eux ! Et chez nous, Joyeux noël se dit " Shub Naya Baras "."
Par la suite, Yukiko explique que chez elle, il y a la grande Muraille de Chine. Kubilaï, par des gestes, fait comprendre que dans son pays, existe le train transsibérien et qu'il y a beaucoup de chevaux. Zora parle du grand désert du Sahara et Mamadou raconte les incroyables courses d'autruches. Quant à Tini, il décrit son île comme la plus belle du monde entier. A la fin, ils sont tous aussi émerveillés les uns que les autres. Mais le jour va bientôt se lever et les enfants doivent rejoindre leurs pays respectifs. Mais avant de partir, le Père Noël entame sa distribution de cadeaux qu'il a fabriqué rien que pour eux, sur commande ! Au fur et à mesure, il les appelle et chacun des enfants est enchanté. Mais pour certains, il réserve le meilleur pour la fin. Maintenant, il faut partir, mais tous refusent car ils veulent rester ensembles. Alors, le Père Noël leur promet qu'il reviendra l'année prochaine et que les petits pourront à nouveau se revoir pour décrire les merveilles de leurs pays, une fois de plus.
- "Enfin, mes enfants, je vais vous faire un dernier cadeau à chacun. Je vais faire en sorte que vos familles croient pour toujours en la magie de Noël. Ainsi, Zora, par exemple, tu pourras fêter Noël en famille sans ne plus avoir à te cacher".
- "Merci, Père Noël !"
- "Et puis, pour cinq d'entre vous, vous découvrirez une surprise en rentrant chez vous. Cela concerne Louisa, Tina, Mamadou, Yukiko et Kubilaï. Et maintenant, il faut partir."

Tous les enfants font de gros bisous à la Mère Noël en la remerciant chaleureusement ainsi que les lutins qui les ont accueillis et prêtés leurs instruments de musique. Puis ils montent à bord du traîneau et les rennes, toujours guidés par le vaillant Rodolphe, s'envolent au grand galop, à travers le ciel étoilé. Puis ils s'arrêtent à chaque pays où un des enfants habite. Le Père Noël, une fois tous les petits déposés, retourne chez lui, et s'endort à côté de la Mère Noël, pour un repos bien mérité. La totalité des enfants trouve chez elle, au pied de leur sapin, une multitude de cadeaux. Mais c'est surtout un Noël magique pour cinq d'entre eux comme l'a promis le Père Noël. En effet, Mamadou trouve une belle maison neuve avec un magnifique sapin. Yukiko a, elle aussi, une très grande maison neuve et ses parents ont reçu beaucoup d'argent de la part de l'homme en rouge. La jeune chinoise, les larmes aux yeux se rend compte qu'à côté de son lit se trouve sa petite sœur. Quant à Louisa, elle a retrouvé son auberge et son lama mais elle est accueillie par un homme et une femme très gentils qui lui font mille bisous à son retour. Tina, la petite fille de la rue trouve à l'emplacement de ses cartons une très grande maison où l'attendent un papa et une maman adoptifs ainsi qu'un frère et une sœur. Finalement, Kubilaï retrouve sa maman, son papa qui est devenu très gentil et retrouve surtout l'usage de sa parole. Il est presque six heures du matin. Les enfants s'endorment, en pensant à leurs amis du monde entier. Yrjö, Samuel, Sabrina, Tina, Julio, Lara, Kate, Inouk, Louisa, Cody, Yukiko, Tini, Kubilaï, Neville, Zora, Mamadou et Nikos font de beaux rêves enchantés, les yeux fermés mais plein de vie, le sourire aux lèvres et la tête pleine d'étoiles. Ils s'endorment heureux, serrant contre eux le jouet que le Père Noël leur a fabriqué et offert avec tant d'amour.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 22 Décembre 2013 à 11:10:22
Madame SMITH est un peu triste. Cette année, elle sera seule pour Noël. Sa fille et ses petits enfants habitent trop loin d'ici.

Tant pis ! Madame SMITH va tout de même se préparer un bon petit repas !

Mais le bois est mouillé, le feu ne s'allume pas. Pour se consoler, Madame SMITH se sert un bol de lait. Le chat se précipite, il renverse le bol. Madame SMITH trébuche, elle tombe, et se tord le petit doigt.

Décidément, rien ne va !


Madame SMITH est malheureuse.

Assis dans son fauteuil, elle ferme les yeux et revoit sa fille, avec ses boucles blondes qui, toute petite, lui caressait l'oreille en lui disant tout bas : "je t'aime maman !"

Comme elle était heureuse dans ces moments là !

Madame SMITH s'endort en rêvant d'elle, si bien qu'elle n'entend pas les drôles de bruits qui résonnent brusquement chez elle.

Ca trotte, ça frotte, ça glisse, ça grince, ça chuchote...


Tout à coup, Madame SMITH ouvre les yeux.

Une bonne odeur lui chatouille le nez et elle est tout émerveillée.

Autour d'elle, c'est un vrai conte de fée : le feu crépite dans la cheminée, son manteau est reprisé, le sapin est décoré et...

Madame SMITH n'a pas le temps de comprendre ce qui s'est passé, qu'elle aperçoit alors par la fenêtre, ses tendres et chers petits enfants :

"C'est nous ! On est tous là ! Tu sais, on t'aime, Grand-Mère !"


FIN ;D
   
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Décembre 2013 à 17:47:05
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Petit sapin deviendra roi

Autrefois, à Noël, les enfants laissaient leurs souliers n'importe où : sous leur lit, près de la porte, au pied de la cheminée ...

Le père-Noël ne savait jamais où déposer ses cadeaux. Il tâtonnait dans le noir à la recherche des souliers et se cognait aux meubles.

Un jour, il décida que tout le monde aurait désormais un arbre de Noël et poserait ses souliers dessous. Et il organisa un concours pour désigner celui qui aurait l'honneur de devenir "l'arbre de Noël"

Dès le printemps, le père Noël se mit en route pour passer en revue les candidats. Tous voulaient se présenter sous leur meilleur jour.

En Europe, les chênes, les bouleaux, les platanes se couvrirent de feuilles tendres et vertes :

"regardez père-Noël, comme nous sommes beaux et majestueux !

-Mouais .... sauf qu'à noël, vous aurez perdu toutes vos feuilles et vous aurez l'air de vieux squelettes !"

En Afrique, le père Noël tomba sur le baobab : "c'est moi ton arbre, papa noël, car je suis le plus gros du monde !

-c'est bien cela le problème : comment veux -tu entrer dans les maisons ?"

En Amérique, le père Noël rencontra le séquoia : " trop grand !"

Au Japon, le bonsaï : "trop petit !"

Dans les iles, le palmier : "difficile à décorer !"

L'hiver venu, le père Noël finit par rentrer chez lui bredouille.

Fatigué par son voyage, il rata l'atterrissage de son traîneau qui fit des cahots dans la neige.

"Aïe ! Ouille ! Attention, il y a quelqu'un dessous ! résonna une petite voix étouffée.

-qui a parlé ? s'étonna le père Noël.

-moi le sapin ! "lui répondit un minuscule arbre couvert de neige.
Le père-Noël se rapprocha : "Oh , petit sapin, tu es si discret que je t'avais oublié. Pourquoi n'as-tu-pas participé au concours de l'arbre de noël ?

-je suis trop petit, trop piquant et trop banal pour avoir cet honneur ! "soupira le sapin en frémissant de toutes ses aiguilles.

La neige qui le recouvrait s'éparpilla alors sur le sol. Et dans son manteau vert, des cristaux de givre se mirent à briller comme une guirlande d'étoiles.

Emerveillé, le père Noël se pencha sur le sapin et huma sa douce odeur de résine.

"j'ai fait le tour du monde, mais ce que je cherchais était caché devant ma porte ! dit-il en éclatant de son bon gros rire.
Désormais, je te le promets, à Noël ce sera toi le roi des forêts et de toutes les maisons !"
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Décembre 2013 à 15:38:35
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Histoire d'une rose

Il y avait une fois un jardin magnifique. Des centaines de roses y fleurissaient. Leur parfum était suave et leur éclat tel que celui qui les voyait gardait pour toujours le reflet de leur beauté dans ses yeux.  

    Un jour de pluie, quand les nuages semblaient tous s'abattre sur la terre, un pauvre petit scarabée noir errait sur un sentier de ce jardin, en quête de quelque abri.

    En face de lui grandissait un rosier couvert de superbes roses rouges; leurs pétales semblaient de velours, et les gouttes de pluie y scintillaient comme des diamants.

    Le petit scarabée se dit :

    "C'est là que je vais me cacher"

    Mais le rosier était haut,  et le scarabée ne savait   presque pas voler . Aussi était-il un peu ridicule quand, péniblement, il s'éleva en l'air. Enfin il se trouva installé et, très content, se mit à l'aise sous les pétales d'une merveilleuse rose.

    - Oh ! s'écria celle-ci, en frissonnant de dégoût à la vue du scarabée. Ne t'assieds pas sur moi, vilaine bête, tu pourrais salir ma belle robe!

    Le scarabée effrayé s'envola.

    Tout près s'élevait un autre rosier très fier et important. Ses fleurs étaient rose-saumon et leur parfum enivrant. Le scarabée se posa sous la plus grande feuille de la plus belle rose, en se faisant aussi petit que possible pour passer inaperçu. Mais hélas ! bientôt la rose le vit.

    - Pouah ! dit-elle, a-t-on jamais vu pareille horreur ? Quelle vilaine robe noire! Va-t-en , je ne peux supporter de voir des choses laides et je ne te permettrai pas de t'asseoir sous mes belles feuilles.

    Le petit scarabée , triste et fatigué, se remit en route.

    De l'autre côté du sentier, il y avait un rosier fort élégant, portant des roses jaunes aux tiges longues et élancées. C'est là que le scarabée se réfugia, aspirant au repos. Mais tout à coup les roses alentour éclatèrent de rire.

    - Regardez-le, non, mais regardez-le, disaient-elles, comme il a l'air stupide et morose ! quelle honte d'avoir un animal aussi dégoûtant dans notre jardin !

    Et elles continuèrent à dire toutes sortes de choses déplaisantes à l'égard du petit scarabée. Le coeur gros, il se laissa choir sans énergie sur la terre;

    Quand il regarda autour de lui, il se trouva assis sous un tout petit rosier, qui ne portait qu'une seule petite fleur minuscule et presque pas de feuillage. Le scarabée ne bougeait pas, s'attendant à être renvoyé par de cruelles paroles. Rien de pareil cependant n'arriva. Mais tout à coup il entendit des sanglots déchirants. Levant la tête, il vit la petite rose en larmes.

    - Pourquoi pleures-tu, petite rose ? demanda-t-il.

    Celle-ci ne s'était pas aperçue de son arrivée, et elle le regarda, très étonnée et un peu effrayée aussi.

    Les autres roses autour de moi sont splendides et magnifiques, et elles se moquent de moi et me taquinent. Cependant, ce n'est pas de ma faute si je ne suis pas aussi belle qu'elles.

    - Hum ! murmura le scarabée, et il ne dit plus rien.

    - Mais, tu es tout trempé, mon pauvre, s'écria tout à coup la petite rose en remarquant à travers ses larmes l'air piteux du scarabée. Tu vas prendre froid ainsi. Viens plus près de moi pour que je te couvre de mes feuilles !

    Ainsi le scarabée trouva un abri, protégé par la toute petite rose.

    - Ecoute, proféra-t-il après quelques temps, tu es une gentille rose et tu as été bonne pour moi, alors que tes belles compagnes m'ont chassé avec mépris. Voilà pourquoi, désormais, tu seras plus grande qu'elles et même plus jolie.

    La petite rose, incrédule, regardait le scarabée qui disait des choses qui jamais ne seraient.

    - Je suis la fée de ce jardin, continua-t-il. Personne ne connaît mon véritable visage, et personne jamais ne le verra. Mais, ce soir, je viendrai te toucher avec ma baguette magique, et tu ne pleureras plus.

    La nuit, quand toutes les roses étaient profondément endormies, la fée arriva dans son carrosse de toile d'araignée attelé de douze phalènes (ce sont des espèces de papillons de nuit) scintillantes. Sur ses beaux cheveux dorés brillait un diadème de gouttes de rosée, et sa robe était de la couleur des rayons de la lune.

    Elle s'avança vers la petite rose, l'embrassa, la toucha doucement de sa baguette, et puis elle disparut avec son équipage de rêve.

    Le lendemain, quand le jardin se réveilla, la petite rose se trouva être aussi haute que le mur gris contre lequel elle croissait. Des centaines de petites fleurs pareilles à elle-même étaient suspendues à ses branches garnies de jolies feuilles vertes. Et toutes elles bavardaient et riaient gaiement.

    La petite rose était si radieuse de tant de bonheur qu'elle en rougissait. Cela lui donna la couleur la plus ravissante qu'on puisse imaginer.

    Toutes les fières roses alentour regardaient en l'air avec de grands yeux étonnés et jaloux.

    Et voilà l'histoire de la rose grimpante.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Décembre 2013 à 18:20:06
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Les treize lutins de Noël

Ce soir, Tom ne pouvait dormir alors Maman est venue lui lire une histoire.
Elle a ouvert le grand livre de Noël celui des contes et des légendes, qu'il aimait tant et, une fois encore, la recette fit miracle.
Le pouce à la bouche, blotti tout contre sa mère, l'enfant se laissa bercer par la voix maternelle.
Il glissa peu à peu dans le merveilleux pays du sommeil, sans même s'en apercevoir. Maman posa alors le livre sur la table de chevet, éteignit la lumière et, après avoir déposé un dernier baiser sur le front de Tom, referma doucement la porte de la chambre derrière elle. Un grand silence prit dès lors possession de la chambre; C'est à peine si l'on entendait la respiration légère de Tom. Mais ce fut de courte durée car c'est ce moment-là que choisit le grand livre pour s'animer ! Il s'ouvrit, déplia lentement ses pages une à une, puis s'étira avec nonchalance.
Aussitôt, treize petits lutins malicieux et un chat s'en échappèrent, en se faisant la courte échelle et en s'esclaffant joyeusement ! Puis, à la queue leu leu, ils entreprirent l'ascension du lit et s'assirent en tailleur, près de l'oreiller, - le chat, lui, préféra le confort moelleux du fauteuil voisin - et tous observèrent le petit Tom, pendant quelques instants. Mais, comme ce dernier dormait toujours ... Alors, ils soufflèrent en cœur sur son nez.

Réveille-toi: C'est bientôt Noël! Tom ouvrit les yeux et les contempla avec étonnement. C'est ce souffle tiède et aussi léger qu'une plume qui l'éveilla.

Celui qui semblait le plus bavard, prit encore une fois la parole :
- Tu ne nous reconnais pas ?...
Nous sommes les lutins de ton livre !
Nous habitons en Islande et nous distribuons des cadeaux aux enfants sages.
Les chenapans n'ont droit qu'à une pomme de terre dans leurs chaussures.
Le chat s'approcha à son tour et demanda d'un ton railleur :
- Auras-tu un vêtement neuf pour cette fête?
Moi, j'emporte et croque ceux qui ont oublié de changer d'habits, ce jour-là...
C'est la coutume ! Noël! Les lutins, l'écartèrent aussitôt avec colère et le matou vexé n'insista pas et il alla se coucher au pied du lit.
Tom, nous avons fait ce long voyage depuis chez nous pour t'aider à préparer Noël car tu es le plus adorable des petits garçons..."
Mais l'enfant n'eut pas le temps de répondre car, l'instant suivant, une pluie d'étoiles délicates et multicolores descendit du plafond et recouvrit le lit, le sol et les jouets de la chambre.
La pièce fut illuminée alors par ces minuscules gouttelettes irisées et changeantes. A la vue de cette merveille, Tom battit des mains de bonheur. Puis, mystérieusement, tout disparut : les lutins le chat et l'étrange averse... Le petit dormait de nouveau paisiblement, sous la couette, dans le silence de la nuit.

Au matin, Maman le réveilla avec une joyeuse impatience: "Tom, viens vite voir! "
Et, joignant le geste à la parole, elle ouvrit la fenêtre et elle poussa les persiennes... L'enfant vit alors un jardin magnifique. Durant toute la nuit, la neige était tombée et, à présent, recouvrait toits et arbres. Elle tapissait le moindre recoin du village d'une lumineuse blancheur immaculée...

Tu vois, Tom, autant de beauté, c'est cela la magie de Noël, ajouta Maman, ravie.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Décembre 2013 à 16:52:37
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La louve, le fennec et la girafe

Un conte venu d'Ailleurs...

Dans le Grand Nord, une jeune louve blanche trouvait le temps bien long. La jeunesse a de ces effets : l'adolescence paraît ne jamais devoir finir. La monotonie du paysage la navrait : du blanc partout. L'air était toujours frisquet : la température manquait de chaleur, elle n'atteignait jamais zéro degré, ce qui convient bien aux plantigrades, mais pas aux loups, fussent-ils blancs. Elle vivait seule car elle s'était lassée de ses compagnons qui ressemblaient par trop à la neige quand ils fermaient les yeux et enfonçaient leur nez noir entre leurs pattes. Elle en avait eu assez de suivre la longue file familiale qu'ils formaient avec ses père et mère, oncles et tantes, cousins cousines, visibles l'un au suivant que par la petite tache noire sous la queue, à peine distinguée quand soufflait le blizzard et que les aiguilles de glace piquaient les yeux. Dans le Grand Nord tout est blanc : les bébés phoques, les oiseaux, les renards, les lièvres. Et même les icebergs qui partaient vers l'aventure, mettant le cap vers la pleine mer. En plongeant dans l'eau glacée, ils faisaient un gros bruit. Comme les phoques, ils trouvaient l'eau trop froide et soufflaient de surprise en remontant à la surface respirer.

Où allez-vous grands blocs de glace ? Je vais vers le sud, disait l'un. Voir du pays, répondait l'autre. Au bout du monde, clamaient les plus insolents. La louve les regardait s'éloigner cahin caha comme des pingouins. Maladroits, ils s'entrechoquaient, pressés qu'ils étaient d'atteindre l'horizon. Les courants et les vents les prenaient dès qu'ils avaient atteint le large et leur masse blanche se reflétait longtemps dans le ciel bleu. Elle voulait les suivre, mais trop souvent ils servaient d'île à des ours blancs qui ne sont pas trop regardant sur la viande et l'auraient dévorée sans remords et même avec un plaisir pervers.

Un jour, elle vit un esquif glisser sur l'eau. Elle regarda l'Inuit qui le conduisait et se dit que cet engin serait bien pratique pour son projet. Un projet qu'elle n'avait pas une seconde avant et qui se forma tout armé dans ses moindres détails dans sa tête lupine. Elle suivit en se cachant de l'homme des glaces (c'était simple : elle cachait son bout du nez dans la neige et fermait les yeux et le blanc la recouvrait de son manteau de neige). Quand il fut fatigué, l'Inuit rangea son kayak sur la glace, se fit un igloo et y rangea son petit barda puis s'enferma pour se reposer quelques heures dans la courte nuit laiteuse. La louve alors vola la pagaie et le kayak et s'enfonça vers le sud.

Elle rejoignit rapidement les icebergs et les accompagna durant des milles et des milles, nautiques naturellement, ce qui rallonge fort la distance de devoir en suivre les creux et les bosses. L'océan roulait ses longues lames surmontée d'une crête mousseuse. La louve se nourrissait de poissons imprudents qui venaient voir ce curieux Inuit ; elle les cueillait d'un preste coup de pelle de pagaie, les lançait en l'air et les gobait, ne les croquant que s'ils méritaient cet honneur par leur taille. Pour se désaltérer, elle suçait un morceau de ses accompagnateurs quand cela était nécessaire.

Les glaces fondaient, la température montait, un jour, elle fut seule avec sa soif au milieu de l'océan. Le kayak souffrit de la chaleur : il la prévint dans la langue kayak qu'elle comprenait à force d'avoir fréquenté l'esquif. De craquements des arceaux de bois et d'os en chuintements de peaux cousues et de fils de nerfs, la louve entendit que le kayak prenait l'eau et allait mourir. Il était heureux du voyage, mais le sien s'achevait. Etait-ce la fin du mien aussi ? se demanda la louve inquiète. C'est alors qu'elle vit une masse sombre entre les ondulations de la houle. Elle s'approcha mi ramant, mi nageant.

C'était un grand tronc d'arbre qui roulait sa masse à des milliers de milles marins des tropiques. La louve lui demanda ce qu'il faisait là. " Je suis un vaillant okoumé des forêts d'Afrique ", lui répondit l'arbre. Cet imbécile de Gulf Stream me balade de par le monde, il attend que les vers me bouffent, que les moules me noient de leur poids mort ! Il pleurait en parlant. La louve lui dit alors : " Je vais t'aider à te diriger, allons chez toi ". (Elle se disait qu'ensuite elle irait au bout du monde par d'autres chemins.) Elle dit adieu au kayak démantibulé qui sombra, heureux du voyage, heureux de devenir sous-marin.

Ils naviguèrent longtemps. La louve dirigeait le tronc en profitant des courants. Elle assommait les tortues marines trop curieuses, cueillait les poissons volants trop imprudents et croquait les oiseaux paresseux qui avaient confondu la robe de la louve avec de l'écume. Les pluies avaient empli d'eau pure les anfractuosités de l'arbre, et elles ne manquèrent jamais car c'était la saison des grands orages.

Et ce fut un jour une longue ligne brunâtre à l'horizon. La louve dirigea le tronc courant d'un bord à l'autre pour l'orienter. L'okoumé ne se tenait plus d'impatience : " Ça sent la terre d'Afrique ! ", criait-il en roulant sa masse dans l'eau salée, et la louve devait sauter pour ne pas se tremper. Effectivement, c'était l'Afrique, mais pas celle des pluies et des éternelles forêts mais celle des ciels toujours bleus et du désert non moins éternel. C'est ainsi qu'ils abordèrent une plage de sable roux sur laquelle la louve sauta alors que l'okoumé y enfouissait sa masse, trop heureux d'être là et content de mourir chez lui, même s'il était né un peu plus au sud. Leurs adieux furent brefs car le tronc s'endormit aussitôt et la louve s'avança dans le Sahara.

Elle marchait depuis quelque temps quand elle entendit un petit rire. Elle avait beau tourner la tête tout autour, elle ne voyait rien, elle était étonnée de ne rien voir, elle qui était habituée à voir sans être vue. Finalement, elle vit la lumière sur le sable bouger : une petite chose, comme un tout petit renard, dressa la tête. Il était couleur de dune, seuls ses yeux et son nez faisaient trois petites taches noires sur le sable, il avait de grandes oreilles. " Qui es-tu ? " lui demanda-t-il. " Je suis une louve du Grand Nord ", répondit-elle. " Pourquoi es-tu toute blanche ? " " Pour me confondre avec la neige ". La réponse était si absurde qu'elle-même éclata de rire. " Et toi ? " " Moi, je suis un fennec. Touareg de haute lignée, renard du désert et clerc du Livre. J'ai la robe rousse pour me confondre avec le sable. Je pense que si j'allais chez toi, c'est toi qui me verrais et moi qui te rechercherais ". La justesse du raisonnement étonna la louve qui se prit d'amitié pour ce petit bout d'animal dont elle n'aurait fait qu'une bouchée si elle l'avait trouvée gambadant dans ses neiges éternelles.

"Je suis sûr que tu as soif, dit le fennec, viens je vais t'amener à une source ". Et ils marchèrent ainsi quelques heures, ce qui au regard de l'éternité est bien peu, chose dont dû convenir la louve à son nouvel ami dont la sagesse semblait être inépuisable, et dont le verbe était fort disposé à la partager. Le soir venu, dans la nuit froide, il l'invita chez elle où ils déjeunèrent frugalement d'un petit tas de sauterelles, d'un lézard et d'un serpent dont la louve ne voulut pas. C'est ton fétiche ?!, constata plus qu'il n'interrogea, le fennec. " Moi, dit-il pour répondre à l'interrogation qu'il lut dans ses yeux, je n'ai pas de totem, je mange de tout ". Toute la nuit ils parlèrent. La louve parla de son rêve d'aller au bout du monde, le fennec lui, n'avait pas de rêve de ce genre, mais aller explorer le monde, pour un philosophe tel que lui, ne manquait pas de charme. Plurielle est l'humanité, multiple est l'univers, ils en convinrent, demain, ils partiraient vers le sud.

Dès qu'ils furent réveillés, ils prirent la route et atteignirent le grand fleuve Sénégal en quelques jours. Le gibier abondait, la louve se nourrissait facilement : gazelles et lièvres la regardaient étonnés, quand aux troupeaux des hommes, peu habitués aux incivilités des loups, ils ne se méfiaient nullement. Il lui était facile de s'en saisir. Le fennec accompagnait son amie à la table et en dessert dévorait puces et tiques dont le goût d'insecte le ravissait.

Ils atteignirent ainsi les immenses savanes herbeuses, avec leurs grands arbres : baobabs ventrus, caïlcédrats aux contreforts de cathédrales, rôniers élancés. Et dans les bas-fonds humides, l'enchevêtrement végétal des lianes, palmiers, nim... C'est là qu'ils rencontrèrent une girafe. Elle broutait les pattes écartées quand le fennec la salua. Une grande arrachée d'herbe dans les dents, elle regardait la petite chose insolente qui la toisait. C'était un animal bien petit pour un chacal ! Par ses grandes oreilles, ce n'était pas non plus un écureuil des sables ! Et d'une queue plus touffue qu'un lièvre, dont elle avait l'insolence du regard... Devant l'interrogation muette, la petite chose lui dit : " Je suis un fennec. Bien le bonjour madame la girafe ". " Monsieur, corrigea-t-elle, Monsieur la girafe, monsieur le minuscule à quatre pattes ". " Monsieur la girafe ", reprit le petit à quatre pattes qui ne se vexa pas pour autant. (Décidément, le fennec devait être apparenté au lièvre, se dit la girafe : il ne se démonte pas facilement, en a l'intelligence ; en aurait-il l'astuce ? Elle décida de se méfier.) Le petit être roux siffla et la louve les rejoignit. La girafe méfiante se redressa, prenant son assise pour envoyer une ruade de ses sabots sur la nouvelle venue habillée tout de blanc comme un colonial, mais sans casque colonial... ce n'était pas un colonial. Blanche comme une Addjia revenue de La Mecque, enturbannée et vêtue de voiles immaculés ! se dit la girafe. La louve vint et quand la confiance fut établie, elle raconta son désir d'aller à l'autre bout du monde.

L'autre bout du monde ? Mais c'est la ville ! Car, dit la petite voix mâle perchée sur son long cou, quoi de plus opposé à la brousse que la ville ? Allons à Dakar ! D'autorité, ils prirent tous trois un taxi-brousse qu'ils payèrent en monnaie de singe qu'un babouin leur avait donnée contre des intérêts exorbitants qu'ils acceptèrent et oublièrent tout aussitôt. Après de multiples pannes, crevaisons, dérapages incontrôlés qui faisaient perdre des bagages et obligeaient à revenir sur ses pas pour les recueillir, les trois amis arrivèrent enfin à Dakar.

Quel monde ! Quelle cohue ! Des haut-parleurs braillaient des réclames pour des pagnes de toute qualité, des klaxons résonnaient par toute la ville. Nos trois amis apeurés se tenaient par la main, tentant de traverser aux feux, pour eux toujours rouges puisqu'ils n'étaient que de faibles piétons. Un petit saï-saï de rat de ville les vit et comprit tout le profit qu'il pourrait faire à cornaquer ces trois broussards mal dégrossis dans la grande ville, la capitale de l'Afrique Occidentale, et donc du monde.

Il les promenait dans les hauts lieux de la ville : Sandaga, avec son crépitement ininterrompu des machines à coudre et à broder, le marché Kermel ruisselant de victuailles, le Teranga et son grand hôtel, la Place de l'Indépendance enchâssée dans ses grands immeubles (celui des allumettes les impressionna particulièrement), la plage de Soumbédioune et ses longues et fines pirogues multicolores. Il voulut les emmener voir l'île de Gorée, ce qui effraya bien la girafe qui sentait le bateau bouger dangereusement mais laissa le fennec de marbre car il tenait serré contre lui les Saintes Paroles écrites sur un éclat de peau dans un petit étui de cuir protecteur. Quant à la louve, elle n'avait pas peur, elle connaissait la mer d'ici au pôle nord. Le rat, lui, attendait l'occasion de les dépouiller de leurs sous. C'est lui qui payait tout pour les mettre en confiance et, quand il voulut se faire payer le repas avant de les détrousser, il s'aperçut que ses hôtes n'avaient pas d'argent. Pas même des travellers check en bois ? Non, rien. Rien que des paroles. Il voulut s'éclipser mais la girafe passant sa tête au-dessus du mur de la rue le récupéra par le pantalon et le livra au restaurateur pendant que le fennec expliquait aux clients l'énorme arnaque dont ils étaient la victime. La venue de la police rendit sa liberté au trio qui, fatigué de tout, du bruit, de la poussière, de la ville et de ses lourdes odeurs alla dormir au Point E, sur la plage, bercé par le ressac des vagues alors que le centre IFAN restait illuminé et que la côte se dessinait par les multiples réverbères qui longeaient la rive à la queue leu leu, tournant le dos à la mer et regardant la route que seuls empruntaient quelques taxis en maraude qui roulaient à tombeau ouvert.

Non, pensait la louve dans la nuit chaude, alors que le fennec s'était blotti au plus chaud de la girafe en recherchant sa tiédeur, non, ce n'était pas ici le bout du monde. Même si c'était le contraire de son monde à elle : chaleur, bruit, odeurs..., ce n'était pas le bout du monde.

Au matin, elle s'en ouvrit au fennec qui en parla à la girafe qui en décida derechef de rentrer dans son Sénégal Oriental, avec ses buissons épineux bien savoureux, ses herbes sèches comme des coups de trique, son sable qui craquait bien sous la dent... Elle, la girafe mâle, avait été à son avis au bout du monde et maintenant qu'elle avait bien vérifié qu'il n'y avait rien à y voir, elle pouvait rentrer chez elle. Elle voyait que pour ses deux compagnons penchés sur une mappemonde le voyage était à peine commencé, alors, dans le jour naissant, elle fit ses adieux et de son amble infatigable prit la route de l'est, vers Thiès, Tambacounda et tous les villages qu'égrènent les hommes le long des routes. Elle se fit très discrète et rentra sans encombre à la maison.

L'année se terminait, une aube nouvelle s'annonçait. La louve et le fennec prirent la route à leur tour. Mais ils ne dirent à personne où ils avaient décidé d'aller. Un jour, l'odeur des neiges manquerait à la première, et le second se languirait de celle des ergs brûlés... mais pour se nourrir, de telles nostalgies demandent du temps et de l'espace, où s'épuisent les rêves.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Décembre 2013 à 15:22:08
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Le petit monde de l'Arc-en-Ciel

Le ciel voilé, cerné de gros nuages grisonnants, laissait deviner l'approche d'un orage.

Dans la vallée paisible, le souffle léger du vent, faisait frémir les feuillages des arbres et courber les herbes folles les plus rebelles...

Popeline qui sentit l'arrivée imminente de la pluie, partit en courant s'abriter dans une vieille bergerie, abandonnée au milieu des grands prés.

Déjà l'odeur humide s'évaporant de la terre venait lui chatouiller les narines, la petite fille de chiffon huma les odeurs douces et suaves qui l'envahissaient...

Les gouttes de pluie tombèrent enfin ! Popeline ne risquait rien.

Dans la tiédeur de son abri de fortune, la poupée de chiffon regardait effrayée et admirative, le ciel se déchirer par la violence des éclairs qui zigzaguaient et illuminaient la vallée, désormais en pleurs !

Pensive, elle la vit à peine...

Une petite fille, marchait là sous la pluie devenue rageuse, elle n'était pas terrorisée par le vacarme du tonnerre, ni par le ballet intempestif des éclairs !

Popeline voyant le danger, appela de toutes ses forces l'enfant ruisselante de pluie, la petite fille de chiffon faisait de grands gestes, lui disant de venir au plus vite s'abriter et se protéger de l'orage qui devenait de plus en plus menaçant.

L'enfant arriva enfin dans l'asile improvisé, dégoulinante de pluie, le visage ruisselant de larmes, il y avait tellement de désespoir dans le regard de la petite fille que Popeline sentit sa gorge se serrer... Qu'est-ce qui peut rendre si triste et si inconsciente du danger une si jeune enfant ?

Gracieuse et toute menue, la fillette devait avoir à peine cinq ou six ans.

Ses fins cheveux blonds comme les blés, collaient sur son front haut, les larmes avaient pâli ses yeux d'un vert aussi profond que l'éclat d'une émeraude.

Cette enfant était d'une exquise joliesse, pourtant un savant mélange de désarroi et d'espoir semblait l'envahir.... Popeline au coeur tendre, en fût très émue.

Ensemble, en silence, les fillettes attendirent que l'orage s'éloigne et que la menace s'écarte définitivement.

L'accalmie ne se fit point attendre, déjà la pluie avait cessé et le soleil commençait à pointer délicieusement ses premiers rayons doux et tièdes.

Popeline se décida enfin, à demander à la fillette ce qui la rendait si triste...

Elle s'appelait Elwing, pluie d'étoiles en langage Elfique, sa maman adorait les fées, les elfes et lui contait de merveilleuses histoires, d'un pays imaginaire, nommé Féerie.

Elwing avait six ans et venait de perdre son compagnon de jeux, un adorable petit chat noir, bien imprudent qui n'avait pas vu la voiture arriver !

La détresse de la petite fille était sans fin...

Sa mère, lui avait dit que l'Arc-en-Ciel qui se dessine dans le ciel, les jours ou le soleil joue avec la pluie, était un pont entre la Terre des humains et les êtres chers qui nous avaient quittés...

C'était la raison pour laquelle Elwing, errait les jours de pluie, le coeur emplit d'espoir d'apercevoir un Arc-en-Ciel qui lui permettrait de retrouver, même l'espace d'un instant, son petit ami.

Popeline, attendrit par cette jolie croyance, prit Elwing par la main et toutes deux s'éloignèrent de la bergerie...

La fillette aux grands yeux émeraude parlait timidement avec la poupée de chiffon, elle ramassait des grosses marguerites, encore gorgées de gouttelettes en récitant à voix basse :

-Je t'aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie... mon éternel ami !

Soudain, dans l'horizon limpide se dessina un superbe Arc-en-Ciel !

La surprise des fillettes fût grande, lorsqu'elles virent, haut, bien loin dans le ciel, tout un petit monde qui s'animait et s'agitait.

Elwing, les yeux rivés vers l'infini, aperçu le chaton, il était là lui aussi.

Tendrement, la petite fille, le regard embué de larmes lui envoya un doux baiser.

Mais déjà les couleurs lumineuses de cet Arc de Lumière se firent plus pâles, jusqu'à disparaître, laissant place à un ciel sans nuage.

Les fillettes se regardèrent troublées par cet événement inattendu, le coeur envahit d'un baume d'une délicieuse douceur.

Alors, c'était vrai ! Nous ne perdons jamais ceux que l'ont a aimé, ils sont toujours là, près de nous...

Et si c'était dans la beauté d'un Arc-en-Ciel !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Décembre 2013 à 08:55:32
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La Femme-Fleur

     Toutes les femmes sont des fleurs et personne n'osera me contredire –surtout pas les femmes – mais il y a des femmes qui sont plus fleurs que d'autres : ce sont les Femmes-Fleurs.

           Les Femmes-Fleurs : elles ont deux vies. Rose au soleil et Femme à la lune. Une de ces Femmes-Fleurs avait séduit un homme, à se faire aimer de lui et même à se faire épouser. L'homme savait bien que son épouse était une Femme-Fleur, mais elle était si belle, si différente qu'il n'avait pas pu lui résister. Alors tout le jour, il l'attendait et lorsque le soleil se couchait, il l'espérait. Et quand le soir venu, elle venait à lui, l'air était comme empli de promesses. Un soir, il l'attendait comme à son habitude, elle est venue à lui, le rose aux joues, plus vive que jamais.

« Mon mari, une grande nouvelle ! si tu me cueilles demain matin, avant-midi, toi mon unique, je serrai avec toi pour toujours. Par contre, si tu te trompes et que tu cueilles une autre fleur, tu ne verras plus jamais ! »

           L'homme accepta le défi. Et le lendemain matin, il est allé dans le jardin. Il y avait des dizaines et des dizaines de fleurs. De toutes les couleurs, de toutes les formes, de tous les parfums. Il a tranquillement fait le tour de son jardin, a examiné chaque fleur puis il s'est approché d'une fleur, elle était blanche. Il a saisi sa tige entre ses doigts et il l'a cueillie. Et la fleur est devenue Femme, sa femme.  

L'histoire ne nous dit pas s'ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants...

Mais l'histoire ne nous dit pas non plus comment l'homme a-t-il pu retrouver son épouse parmi  des centaines et des centaines de fleurs ?


*Si la Femme-Fleur passait la nuit dans sa maison, dans les bras de son mari, elle ne pouvait, le matin venu, être couverte de rosée. Voilà comment l'homme a découvert la bonne fleur parmis toutes les autres.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Décembre 2013 à 17:29:46
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L'amitié d'un petit nuage

Autrefois, un village situé sur un endroit surélevé abritait une petite tribu de pêcheurs. Il était relié par un talus au reste de la vallée dans laquelle le clapotis d'un ruisseau résonnait en un bruit sourd !

L'eau de ce ruisseau coulait vers le grand fleuve qui serpentait dans cette vaste contrée équatoriale. Des algues aquatiques, parsemées en îlots sur le fleuve formaient un tapis vert... quelques oiseaux frôlaient l'eau dans leur survol.

Une fillette, du nom de Djenita, s'engageait sur la descente vers le ruisseau, une bassine de vaisselle à laver sur la tête. Elle avait le cœur gros ! Sa mère ne lui avait pas permis de prendre le manioc aux arachides qu'elle avait demandé. Sur ce, Anita, son aînée de deux ans, se moqua d'elle en grimaçant. Cela déplut à Djenita. Elles se disputèrent, la mère les sépara et les réprimanda. Anita, plus espiègle, s'expliqua de manière à faire retomber toute la faute sur sa petite sœur, qui se fit gronder. Et, comme si cela ne suffisait pas, la mère lui ordonna d'aller faire la vaisselle au ruisseau ; pourtant, elle aurait préféré jouer avec ses amies.

En s'y rendant, la petite décida d'aller voir sa grand-mère, pour lui rapporter tous ses malheurs ! Mais, au lieu de condamner les autres comme elle souhaitait l'entendre, cette dernière se lança dans un long discours de moralisation que Djenita trouva ennuyeux. «Décidément, personne ne me comprend !» se disait-elle poursuivant son chemin.

Assise au bord de l'eau, ces petits faits trottinaient dans sa cervelle ; d'un air absent, elle jetait des cailloux dans l'eau.

C'était l'équinoxe de mars ; les pluies étaient plus qu'abondantes en cette époque de l'année. La nature était luxuriante, riche en verdure. L'eau du ruisseau épousait la couleur verte des hautes herbes d'alentour.

Après le grand orage de la nuit, une radieuse matinée s'était levée ; la rosée avait la couleur de l'arc-en-ciel.

Au loin, une magnifique forêt équatoriale se dressait. Quelques singes sautillaient d'une branche à l'autre. L'un d'eux se plaça au sommet d'un arbre comme pour prendre un bain de soleil. Des gouttes d'eau dégoulinaient à chacun de ses mouvements. Dans le ciel, quelques nuages blancs flânaient... un oiseau battait des ailes, puis vola plus haut...

Djenita observait l'oiseau et le nuage ! «Comme il serait agréable de nouer amitié avec le petit nuage blanc ! Il m'invitera peut-être un jour à lui tenir compagnie dans sa balade aérienne. Là, je serai gaie, à l'abri des taquineries d'Anita, des réprimandes de ma mère et des incompréhensions de grand-mère !» se disait-elle.

Et, si cela arrivait, poursuivit-elle, comment m'y prendrais-je ? Faudrait-il monter sur l'arbre et de là être portée sur les ailes d'un oiseau ?

Ainsi plongée dans ses rêveries, la gamine s'endormit. Dans son sommeil, elle vit ce qui suit :

Elle se trouvait dans un lieu beau. Il y avait une multitude d'oiseaux de toutes tailles. De nombreux lutins glissaient furtivement ça et là, et dans le ciel le petit nuage dont elle souhaitait l'amitié planait...

Étonnée, son regard allait des oiseaux aux lutins. Et, quand elle regarda le nuage, elle se dit : «Peut-être que les ailes puissantes de l'aigle vont me porter...» Elle fit un pas vers lui, mais de nombreux lutins lui barrèrent le passage. Ne comprenant rien, elle s'arrêta.

L'index droit posé sur les lèvres, elle réfléchit rapidement : «Sûrement, j'ai fait un mauvais choix !»

Lorsqu'elle voulut s'avancer vers un autre, les lutins l'empêchèrent de passer.

Et, ce fut ainsi pour toutes les tentatives qu'elle fit. N'y comprenant rien, elle s'assit sur une pierre. Ses yeux se remplirent de larmes : «Ô gentil petit nuage, ne peux-tu pas descendre toi-même me prendre ?» pleurait-elle.

Émus, les lutins l'entourèrent. Ils compatissaient bien à sa peine, mais ne pouvaient rien pour elle. Elle devait trouver la solution de l'énigme toute seule.

Ses larmes coulèrent tellement qu'elles s'accumulèrent et formèrent une petite flaque d'eau sur le sol.

D'en haut, le petit nuage avait suivi toute la scène et avait perçu le souhait de Djenita. Il s'adressa à un rayon solaire : «Aidons-la !» lui dit-il. Ce dernier comprit ce qu'il fallait faire.

Le rayon descendit en chantonnant et se braqua sur la petite flaque d'eau. En un rien de temps, le liquide se transforma en vapeur qui monta allègrement rejoindre le nuage blanc. Djenita suivit la scène avec stupeur. Son regard allait des lutins au mignon rayon de soleil qui avait été à la base de ce miracle.

Qu'est-ce que cela veut dire ? Et les lutins et le rayon de soleil avaient les yeux fixés sur elle, comme s'ils attendaient quelque chose.

Elle comprit qu'elle devait trouver elle-même.

Soudain, elle se dit : «il me semble que je dois devenir aussi légère, aussi transparente que cette vapeur qui s'est élevée tout à l'heure...» Avant même qu'elle ait terminé sa réflexion, les bons amis applaudirent. Elle comprit alors que sa pensée était juste.

Ensuite, elle se dit : «Alors, si je ne suis pas aussi légère et transparente, c'est que je suis lourde et sombre... Pourquoi ?... Ah ! À cause de la rancœur que j'entretiens contre Anita, ma mère et ma grand-mère.»

Son désir de s'élever était tellement grand qu'elle dégagea facilement ce qui l'alourdissait. Elle secoua fortement son buste, et, trois petites boules noires tombèrent une à une de son cœur, roulèrent sur le sol et finirent par tomber dans un trou noir et profond.

Libre, légère, elle s'éleva facilement et de nombreux oiseaux l'escortèrent. Le rayon du soleil la précédait, illuminant son chemin et les lutins pirouettant de joie.

Comme l'accueil du petit nuage fut chaleureux ! Djenita fut surprise et émerveillée de constater que le nuage qu'elle croyait inerte était devenu un être bienveillant ! Il lui fit un accueil de princesse.

Au rythme d'un hymne solennel, tous, oiseaux et sylphes, firent visiter à Djenita les profondeurs du ciel. Que de beauté ! Que de merveilles la nature ne renfermait-elle pas !

Enfin, elle fut raccompagnée sur terre où ses amis l'attendaient avec des sourires satisfaisants. Sur ce, Djenita se réveilla. Regardant autour d'elle, elle émit ce souhait :

«Abandonner la rancune pour rester aussi légère qu'un fin pétale de fleur, aussi transparente qu'un sourire candide, afin de goûter, encore et encore, à cette félicité».
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 31 Décembre 2013 à 10:03:57
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Le château de sable

La mer allonge devant elle de longues vagues qui lèchent la plage avec une tendresse imperturbable.

-La marée monte, remarque Amidou.

A ces mots, Harida ne réussit plus à retenir ses larmes qui coulent silencieusement le long de son visage. Amidou la serre contre lui comme pour la consoler, mais lui aussi a le cœur gros et s'efforce de ne pas pleurer. Il était si beau leur château de sable, ce château qu'ils avaient construit avec amour pendant tout un après-midi, ce château qui avait abrité leur rire et leurs contes d'enfants. Que de coquillages retournent ainsi à la mer, anonymes! C'était Harida qui les avait presque tous découverts puis en avait décoré la solide construction de son frère. C'est le château le plus magnifique qui ait jamais été construit et voilà que la mer l'efface impitoyablement, à coup de petites vagues.

La dernière tour du château  s'efface. Le petit garçon se recroqueville pour cacher des larmes qu'il ne peut plus contenir lui non plus. La mer continue de monter, mais les enfants ne bougent pas, comme s'ils voulaient rester solidaires de leurs jeux enfouis sous l'eau. La mer se heurte à ces quatre tours de chairs qui semblent ne jamais vouloir bouger, malgré la voix inquiète qui hurle au loin:

-Amidou, Harida. Où êtes-vous ? La marée monte. Revenez !

Mais les deux enfants ne l'entendent pas, cette voix-ci.

Ils ne remarquent pas que la mer va finir par les emprisonner. C'est alors qu'une toute petite voix les tire de leur torpeur. Une petite voix qu'ils ne connaissent pas.

-Ne restez pas là, la mer est féroce.

Amidou et Harida regardent autour d'eux, s'affolent. Comment ont-ils pu oublier les recommandations de leur mère ? L'eau leur arrive presque à la taille. Ils ne parviendront jamais à rejoindre la terre ferme à temps. Ils essayent de courir, mais la mer est plus rapide qu'eux et semble se jouer de leurs efforts. Une fois encore la petite voix susurre tout près d'eux.

-Pas par-là. Nagez vers le rocher qui pointe là-bas au large.

Un rocher ? Ils n'en avaient encore jamais vu sur cette plage. Qu'importe ! C'était peut-être plus facile d'atteindre ce rocher à la nage que de retourner vers le rivage qui s'éloigne, et d'attendre là qu'on vienne les secourir. Les deux enfants se mettent à nager du mieux qu'ils le peuvent. Amidou reste près de sa sœur de peur de la perdre. Le rocher se rapproche. Les voilà sauvés. Ils se hissent sans trop de difficulté au sommet de la roche et ils se mettent à attendre sans trop savoir quoi. Mais bientôt le rocher se met à trembler tandis que la voix, dont ils n'ont toujours pas vu le propriétaire, les rassure.

-Ne bougez pas, il ne vous arrivera rien.

Pourtant, le rocher tremble de plus en plus, et les enfants ont peur, se serrent l'un contre l'autre, craignant à tout instant d'être projetés dans l'eau froide. Tout à coup, une explosion formidable semble secouer l'océan... le rocher est alors happé par les fonds marins. Les deux enfants se mettent à hurler, mais leurs cris ne leur servent à rien, sont avalés par l'abîme qui s'ouvre à leurs pieds... Et la petite voix toute tranquille qui continue à leur affirmer qu'ils n'ont rien à craindre n'atténue que peu leur effroi, cramponnés qu'ils sont à leur rocher.

Leur course folle à travers la mer finit enfin par se terminer. Les voilà au cœur de l'océan. Curieusement l'eau qui les entoure ne les oppresse pas. Ils respirent normalement. Très vite, ils s'habituent à l'obscurité ambiante et aperçoivent autour d'eux de petits poissons lumineux qui les observent avec intérêt. Harida aimerait parler à son frère, mais elle a peur d'avaler de l'eau en parlant. C'est ce moment-là que choisit un poisson étrange, un peu plus grand que les autres, pour s'approcher d'eux. Son corps de couleur bleue est lisse, sans écaille. L'animal nage lentement autour des deux enfants, comme pour les observer, comme s'il était pensif. Harida et Amidou, gênés, aimeraient bien pouvoir se cacher, mais, il n'y a aucune roche, aucune algue aux environs sous lesquelles disparaître. C'est alors que le poisson se met à grandir, grandir... pour atteindre la taille d'un enfant... ou plutôt d'une petite sirène. Car le poisson a un joli visage à présent. Il a un corps et des bras. Harida ne peut s'empêcher d'ouvrir la bouche toute grande d'étonnement, cette bouche qu'elle s'efforçait tantôt de garder fermée de peur qu'elle se remplisse d'eau. Harida se met alors à tousser l'eau de mer qui en a profité pour pénétrer dans sa gorge. La petite sirène éclate d'un rire rempli de bulles et se met à tourbillonner autour d'eux à toute vitesse. Lorsqu'elle s'arrête enfin, elle s'exclame :

-Que faites-vous donc ici ? Vous n'avez ni nageoires, ni tentacules!

Harida est furieuse contre cette sirène insolente qui se moque d'eux. Elle voudrait lui répliquer quelque chose de méchant, mais elle ne sait pas quoi. Quant à Amidou, insensible à l'impertinence de ce poisson-femme, il lui répond gentiment, sans songer au risque qu'il a d'avaler de l'eau :

-C'est un rocher qui nous a amenés ici.

La voix d'Amidou résonne étrangement et, étonnamment, l'eau n'a pas pénétré dans sa bouche quand il a parlé.

La sirène éclate encore de son joli rire rempli de bulles.

-Ah ! Le rocher...

La petite sirène tourne deux fois autour des deux enfants et disparaît sans donner d'explications. Les deux enfants se regardent, frigorifiés, ne sachant que faire. Prisonniers au fond de l'eau, ils se demandent comment se sortir d'une situation aussi étrange. Harida tremble, voudrait se montrer courageuse face à son grand frère, et elle lutte pour ne pas céder à la panique qui l'envahit peu à peu.

-On pourrait essayer de remonter à la surface, suggère Amidou d'une voix déformée par l'eau environnante. Essayons de nager.

A ces mots, Amidou saisit la main de Harida et tous deux tentent de nager vers la surface de l'eau. Ils agitent leurs jambes le plus vite possible, mais le sol ne s'éloigne pas le moins du monde. Ils sont comme attirés par le sable du fond de l'eau.

-J'étais sûre que cela ne marcherait pas, soupire Harida au bord des larmes.

Amidou tente de la rassurer :

-On trouvera bien une solution.

A ce moment, l'eau se met à bouillonner autour d'eux remuant le sable des fonds marins ; lorsque le sable retombe, une dizaine de petites sirènes les entourent, dont celle qui s'était moquée de Harida. Toutes se mettent à rire de toutes les bulles qu'elles sont capables de former, au grand étonnement d'Amidou et de Harida.

-Pourquoi rient-elles comme ça ? demande Harida.

Amidou n'a pas le temps de répondre qu'une voix douce mais néanmoins autoritaire fait taire les jeunes sirènes.

-C'est la même voix qu'avant, chuchote Harida.

Bientôt la voix prend corps. Une toute petite femme dotée de deux jambes et de deux bras - et non d'une queue de poisson - apparaît sous les yeux émerveillés des deux enfants. Elle porte une longue robe d'algues phosphorescentes et ses cheveux roux sont surmontés d'une couronne de coquillages.

-Bonjour Harida, bonjour Amidou. Je vois que vous avez suivi mon conseil. C'est bien. Maintenant, suivez-moi.

Sa voix est celle d'une femme habituée à commander.

-Comment sait-elle nos noms ? ne peut s'empêcher de chuchoter Harida.

-Je n'en sais rien. 

La jeune femme se retourne :

-Vous vous demandez comment je connais vos prénoms ? C'est à cause des châteaux de sable, bien sûr !

Et la belle dame poursuit sa route sans en dire plus, comme si cela allait de soi. Les deux enfants se regardent interloqués : le mystère ne fait que s'épaissir.

Pendant longtemps, ils marchent ainsi au fond des eaux. Pas une seule fois, la jeune femme ne se retourne pour voir si les enfants la suivent toujours. Pas une seule fois, Harida ne se plaint d'être fatiguée, ni son frère non plus. Car ils se sentent léger, leurs corps ne les embarrassent pas, la fatigue semble ne plus avoir prise sur eux. Ils sont tellement absorbés par cette impression de bien-être qu'ils ont à chacun de leurs pas, qu'ils ne s'aperçoivent pas du changement qui s'opère dans leur environnement. Cependant, Amidou trébuche sur un caillou et réalise qu'il foule à présent des rochers couverts de pétales de rose - ou bien sont-ce des algues qui leur ressemblent.

-Tu as vu ?

-Quoi ?

-Il n'y a plus de sable ! chuchote Amidou.

-C'est à cause des châteaux, intervient leur guide sans se retourner et sans donner d'autres explications.

Les deux enfants regardent alors autour d'eux. L'eau qui les entoure est devenue plus claire, presque lumineuse. Les sirènes, désormais silencieuses, les ont accompagnés sans qu'ils s'en rendent compte. Devant eux, apparaît, floue,  une muraille de glace opaque. Elle vacille comme un mirage surgi en plein désert. Mais bientôt, la petite troupe est arrêtée par un portail imposant. La belle dame se retourne vers eux, fait un geste comme pour chasser les petites sirènes qui hésitent d'abord à obéir. Le regard de la dame se fait impérieux. Les sirènes s'en vont dans un tourbillon, déçues.

La porte s'ouvre alors sur un labyrinthe de couloirs de cristal d'or. Amidou et Harida sont éblouis et ont de la peine à s'habituer à la luminosité du lieu. Leur guide accélère le pas, si bien qu'ils craignent à tout instant de la perdre. Pourtant, au moment ils s'y attendent le moins, le couloir débouche sur une immense salle remplie de miroirs. Au fond se trouve un trône solitaire sur lequel est assis un roi tout aussi seul. Lorsqu'elle le voit, Harida se sent presque triste. Un si grand palais pour tant de solitude. Mais bientôt le petit roi sourit, leur fait signe de s'approcher. De près, le souverain semble un peu flou, comme le château. Sa peau est granuleuse et dorée et à chacun de ses mouvements un peu de poussière s'éparpille alentours. Etrange aussi l'intonation de sa voix qui crisse lorsqu'il leur adresse la parole :

-Alors, vous voici enfin. Je vous ai attendus depuis si longtemps.

-Vous nous avez attendus, nous ?

-Vous ou d'autres enfants du monde terrestre. Cela fait des millénaires que je suis là à vous attendre pour vous révéler mon secret. Le secret des châteaux.

Le vieux roi se lève allègrement de son siège en répandant au passage des milliers de petits grains de poussière d'or.

-Suivez-moi !

Dociles, Amidou et Harida, sans plus oser poser de questions, suivent le gentil roi à travers de nouveaux labyrinthes, tandis que leur guide disparaît ailleurs. Leur promenade ne dure guère et bientôt un jardin gigantesque d'algues multicolores surgit. Et au milieu de cette verdure marine, des châteaux, des châteaux de sable de toutes les grandeurs reflétant la fantaisie de nombreuses générations d'enfants. Des châteaux forts et des châteaux dignes de la belle au bois dormant, des châteaux d'ogres et de dragons, des châteaux de nains et de géants, des châteaux de princes et de princesses gais ou tristes. Certains sont décorés de coquillages, d'autres de petits cailloux gris ou colorés, d'autres ne sont pas décorés. Emerveillés, les enfants se promènent au cœur de ce monde de châteaux de sable éphémères. C'est magique ! Jamais ils n'ont vu autant de merveilles. Et devant chacune de ces œuvres, un ou plusieurs noms sont gravés sur un galet. Lorsqu'ils se sont bien promenés, lorsqu'ils ont remplis leurs êtres de tant de beauté, Amidou se tourne vers le souverain avec une question dans le regard :

-D'où viennent tous ces merveilleux châteaux ?

Mais au lieu de répondre, le roi prend Amidou et Harida par la main et les emmène vers un château qu'ils n'ont pas encore vu. C'est Harida qui le reconnaît en premier et s'exclame :

-Mais, c'est notre château, c'est celui que nous venons de faire sur la plage. C'est exactement le même.

-Oui, c'est le vôtre.

-Comment est-ce possible ? demande Amidou, sceptique.

-C'est cela mon secret. Tous ces merveilleux châteaux de sable imaginés par tous les enfants de la terre ne meurent jamais, ils finissent ici, dans mon royaume au fond des océans. La mer les absorbe et me les offre en cadeau pour qu'ils ne disparaissent pas définitivement.

Le petit roi les emmène encore un peu plus loin. Il montre du doigt la tour d'un nouveau château qui se forme peu à peu.

-Voyez, c'est un château qui s'écroule là-haut sur une plage. Ici, il se construit au fur et à mesure qu'il disparaît, là-bas. Peut-être un enfant pleure-t-il sa perte, comme vous, il y a peu. Peut-être ne l'a-t-il pas vu s'écrouler et s'imagine qu'il se trouve toujours sur la plage. Demain, il le cherchera et ne le trouvera plus. Alors il en construira un nouveau. Venez.

Amidou et Harida retrouvent  tous les châteaux qu'ils ont façonnés là-haut avec enthousiasme. Leur regard s'emplit de leur souvenir et chaque bâtisse leur rappelle un moment de bonheur. Ils sont heureux à présent, car ils savent que rien ne meurt jamais et que lorsque quelque chose semble mourir quelque part, il est en train de naître ailleurs.

-Mais si les châteaux existent toujours quelque part, pourquoi croit-on toujours qu'ils disparaissent ?

-Pour que les enfants et leurs parents continuent à construire des châteaux de plus en plus beaux, pour qu'ils se perfectionnent dans l'art de la construction, qu'ils apprennent à vivre le présent et à se contenter de ces petits bonheurs éphémères, mais si merveilleux !

Le petit roi regarde les deux enfants avec tendresse.

-Allez maintenant ! Retournez dire aux enfants de la terre de ne plus pleurer leurs châteaux.

Le souverain effleure, du bout de ses doigts de sable, la tête du frère et de la sœur et retourne s'installer sur son trône, tandis que la belle dame réapparaît à l'autre extrémité du jardin merveilleux. Elle les prend par la main et les emmène vers une énorme bulle d'air, retenue au fond de l'eau par des cordes d'algues marines.

-Vous allez rentrer chez vous maintenant. Ne vous inquiétez de rien.

Elle ouvre la porte invisible de la bulle et les pousse à l'intérieur avant de la refermer. La dame leur fait encore un signe de la main, puis coupe les cordes de ce véhicule étonnant qui s'élève lentement vers la surface. Les petites sirènes nagent autour de la bulle en riant. Et Harida se met à rire elle aussi, à rire aux éclats, bientôt suivie par Amidou. Et ce sont deux enfants hilares que la maman retrouve couchés sur la plage quelques minutes plus tard.

-Que vous est-il arrivé ? J'ai cru que je vous avais perdus à jamais !

-C'est  à cause des châteaux de sable, tu sais. Ils existent toujours au fond de l'océan.

La maman, trop heureuse d'avoir retrouvé ses enfants, ne cherche pas à comprendre ce mystère. Quant à Amidou et Harida, ils garderont longtemps dans leur cœur le souvenir du petit roi et de ses châteaux de sable.

Fin
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 31 Décembre 2013 à 15:16:36
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Petit conte pour le Jour de l'An

Dur combat

Depuis quelques jours ,trente et un et premier se font la guerre .
Trente et un ne veut céder sa place et premier veut s'accaparer de cette place .

"Tu sais" dit trente et un il m'a fallu du courage pour avoir le titre de trente et un .
Il y a eu des joies mais des chagrins aussi .J'ai du travailler très fort ."

Premier lui répliqua :"Regarde-moi , tout est à faire .Tu t'imagines le travail?"

Mais répliqua trente et un :" J'ai été premier  moi aussi et j'ai dû affronter moi aussi pour me rendre à trente et un ."

Mais dit donc premier :"Si on faisait la paix .Je t'aiderai à finir ton trente et un et toi tu m'aideras à mon premier ."

Avec beaucoup de nostalgie trente et un céda sa place à premier et ils fêtèrent tous les deux leur bonne entente .

C'est ainsi qu'à chaque année trente et un et premier font la fête .

Trente et un à vécu beaucoup de choses .Des joies bien sûr mais des chagrins aussi et il a peur de laisser sa place et de vivre d'autres choses difficiles et premier a tout à vivre et il a peur de n'être pas assez courageux et tout est de l'imprévu .
                                     
                                  Bonne et heureuse année !

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 02 Janvier 2014 à 09:05:42
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L'ange de la poésie

Cette nuit j'ai fais un rêve étrange, que je veux vous conter sans plus attendre.
Sur un portique, éclairé par la lueur orangée de dame lune, une femme vêtue d'une longue robe blanche,
aux longs cheveux couverts d'or ,dans le  vent, se balançait doucement assise sur une planche d'ébène.
De sa bouche s'élevait une douce mélodie qui rythmait la cadence .
Elle était jolie cette femme. Sur son visage, au teint laiteux, se dessinait un sourire charmeur. Dans son regard brillaient
des étoiles  couleur d'émeraude. C'était je vous l'assure, une fée.

Tout à coup, apparait un ange qui, contre son coeur, serre une plume d'argent, qu'il tend à la fée.
"Prends cette plume et écrit ta poésie"
Mais, rétorque la dame étonnée, je ne suis pas poète, je ne saurais comment coucher des mots qui confèrent
le bonheur à ceux qui savent les lire.

C'est facile répond l'ange, écoute le doux murmure des mots naissant dans ton coeur. Regarde autour de toi,
vois la beauté de la nature, décris ses mystères et ses merveilles. Ecoute l'éternelle romance entre le soleil et la rose qui
resplendit, exhalant une douce fragrance. Peint avec les lettres, l'amour, le bonheur, les rires, les jeux.
Chante la préciosité de la vie sans renier la mort. Mais ne reste pas insensible et sourde à l'autre couleur de l'existence.
Entends les plaintes dans la nuit, la douleur des âmes affligées, ne craint pas de divulguer la vérité,
de dénoncer la torture et la souffrance. Ne détourne pas ton regard de la misère sur cette terre,
au contraire crie la pour que  la terre entière en prenne conscience.

Une larme d émotion, coule sur la joue de la fée bouleversée par ce discours.
Le coeur serré elle lève son regard embué vers  l'ange et lui demande.
"Je saurai entendre le chant de mon coeur, je saurai noircir des pages blanches, je saurai clamer la réalité de notre univers ,
mais je n'ai pas d 'encre pour me servir de cette plume enchantée.

Si bien sur lui dit l'ange, tu vois cette larme au coin de tes yeux? Cette perle à la transparence du diamant est née de ton âme .
Elle est la source de ta poésie.
L'encre sera  la bonté de ton coeur et la pureté de tes sentiments. La plume sera l'outil de tes pensées et de ton âme.

Alors l'ange s'élève doucement dans le ciel et avant de disparaître implora une dernière fois "s'il te plait fait bon usage de
cette plume, je t'ai choisi car j'ai confiance en ton dessein."

La fée demeura quelques instants perplexe, sur son visage plus de sourire. De sa bouche plus de notes mélodieuses.
En son coeur une grande tristesse était née. Et sur sa joue une trace d'encre.

La douceur d'un rayon du soleil et le chant des oiseaux dans le matin naissant m'extirpe de mon rêve. Dans ma bouche
subsiste un goût amère. Sur ma joue une larme vient mourir sur mes lèvres. Tout comme la fée de mes songes
je suis décontenancée et dans mon esprit résonnent encore les paroles de l'ange .
Allons, ce n'était qu'un rêve !! Il me faut me lever maintenant et profiter de cette nouvelle journée.
Je me retourne pour sauter du lit mais, dans mon élan je stop net ; sur ma table de chevet gisait
une plume d'argent et un flacon d'encre diamantée .
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 02 Janvier 2014 à 17:18:24
(http://img11.hostingpics.net/pics/462690aigle.jpg)
L'aigle et le canard

Il était une fois un aigle qui vivait dans une basse cour au milieu de poussins,
de poules ,de canetons et de canards. Un jour il se pencha si près du
bord de la marre qu'il y tomba et en tombant il découvrit son vrai visage d'aigle
renvoyé par l'eau de la marre  et il  vit qu'il avait des ailes immenses.
Au  moment de plus grande intensité de sa peur alors qu'il croyait se noyer et
mourir, il réalisa sa nature d'aigle et s'envola libre. Alors il vit que la
basse cour n'avait jamais eu de barrières et que le ciel avait
toujours été ouvert au dessus de lui. Il vit aussi que tous les poussins,
les poules, les canards et les canetons n'étaient autres que des aigles qui
avaient momentanément oublié leur  nature réelle.
Il lança un grand cri de joie dans les airs et perçu dans un immense éclat de
rire la nature illusoire  de la basse cour dans laquelle il se croyait limité
mais qui était si rassurante en même temps. La peur de l'inconnu fut transformée
en joie inaltérable, et ce qui était "sa vie", organisée, maîtrisée, rangée,
devint La Vie inconnue et ouverte au vent et au champ infini de tous les possibles.
Il n'eut de cesse alors que de proclamer la bonne nouvelle à tous ceux qui voulaient
l'entendre.
"Nous sommes tous des aigles, nous sommes tous unis dans l'Ame unique du
grand Aigle Père Mère".
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Janvier 2014 à 16:34:39
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La grenouille et la libellule

C'est le printemps! Attirée par le chant amoureux, une grenouille sort de sa cachette, se dirige vers le vieil étang où elle pondra ses œufs. Du soir au matin, elle patauge, coasse, saute dans l'eau, sur terre.  Bref, une vie routinière, encroûtée dans la boue, depuis la nuit des temps.

Ce jour-là, cachés sous l'eau en attente de son repas,  ses yeux globuleux aperçoivent au loin virevolter une ombre bleutée. S'ouvre alors un pays de rêve! Le monde aérien fait briller devant elle tous ses feux. Sous les rayons du soleil, une libellule danse son ballet. Sur ses ailes, des filigranes d'or. Sur son front, des bijoux d'émeraude. Sur son corps, un vêtement de soie. Un instant, la maîtresse de l'air l'ensorcelle. La grâce, l'élégance de ses vols acrobatiques l'éblouissent. Un modèle de perfection se dessine dans le ciel.

Sous l'écueil des mirages, sa glotte remue. Ne sachant rien des hauteurs, la grenouille se secoue, retourne à la mare où tambourine le bonheur de sa terre mouillée.

La demoiselle hésite à se poser sur la tige du roseau. En  approchant, elle dit en sa langue : « Serait-il possible de trouver un accord pour que grenouilles et libellules se partagent les moustiques? Ainsi les aimables grenouilles cesseraient de dévorer les gentilles libellules! »

Échappée à sa rêverie, la grenouille croit retrouver le dragon volant de sa mémoire tant cette demande est imposante. « Êtes-vous en train d' instaurer un pacte de non prédation? » décèle-t-elle. Avez-vous consulté les martins-pêcheurs, les araignées, les poissons, les aigles, les caméléons et les chats? »  « Je l'envisage », dit l'acrobate. «Après les papillons, vous êtes le chef d'œuvre de la création, que voulez-vous de plus? »« Je suis libellée pour la liberté! » dit-elle. Il y a tellement à explorer là-haut!  Ces couleurs, ces formes, des joyaux! Ma vie est si courte! Secouant la boue sur son dos, la grenouille se gonfle. Sur une note basse, elle clame : « Sur cette terre féconde, dans la tranquillité des fonds obscurs, tout se transforme, tout s'enrichit, c'est la vie! Sans ces eaux primordiales, que seraient l'air, le feu de votre joie d'exister?! Qu'est-ce une vie la plus libre soit-elle, si elle ne se donne pas?

Ma vie est morne. On n'embrasse plus les grenouilles de nos jours!  J'ai passé l'âge de devenir un bœuf. Un prince, peut-être» soupire le batracien. Que vais-je devenir sans vous? » conclue-t-il.

Sur la tige vacillante, la dernière illusion de la libellule se détache. Sa position ne fait pas le poids. Son rang ne lui permet pas le combat. N'était-elle pas née pour découvrir la liberté? Et c'est ce Pat 'mouille qui le lui enseignera!

Tambours battants et sang-froid,  la reine des marais sort sa longue langue visqueuse, enroule son festin.

Satisfaite, assise en lotus, la grenouille rêve son prochain apanage.

Perché non loin de là, un héron vise son petit déjeuner.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Janvier 2014 à 17:38:38
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Le loup et la vieille dame

Un loup , tout vieux ,tout maigre et bien mal coiffé au pelage un peu sale et délavé .

Son nom? Garou

Garou le p'tit fou .

Quand il était petit , il n'arrêtait pas de jouer et n'avait pas ...deux sous de méchanceté !

Aussi quand il chassait , il disait : "il faut que  je mange , excusez-moi ,mais ...je vais devoir vous croquer "

Après , tout le monde riait , riait , riait , et lui aussi riait , tant et si bien qu'il ne pouvait les manger !!

Aujourd'hui , il n'a plus beaucoup de forces et il n'est pas plus féroce !!

Je crois qu'il va mourir de faim si il ne mange rien avant demain .

Sur son chemin , il rencontre une poule un peu grassouillette , qu'il imagine bien dans son assiette .

Ouvrant une gueule immense aux dents à  peine usées il pousse  un hurlement ...qui la fait rigoler !

-"tu crois donc me faire peur ? tu voudrais me manger ,peut-être , quelle horreur , tu sais bien que mes

plumes te feraient mal au cœur ,tiens , prends plutôt ces œufs tout frais , ils te serviront de déjeuner !!

Et elle partit en remuant son gros derrière à rire pour la journée entière .

C'est trop triste ,pensait Garou ,de ne pas manger ,mon estomac ne cesse de se tortiller ...

Huuuum , voici trois petits lapins que je croqueraient avant demain ...Mais les petits lapins ,malins ,

le laissèrent s'approcher tout près , tout près , tout près ...et hop ,se sont sauvés !

Le vieux loup Garou ,sauta ,très fière et ... tomba le nez dans la poussière ne vit que trois petits derrières !

ho ...quels fripons! adieu ...jambons ...saucissons !!

Papa lapin ,aussitôt alerté ,arrive , un peu essoufflé "tu n'as pas honte à présent de t'en prendre aux enfants? 

passe ton chemin , vilain et fait comme nous mange des carottes et du foin !

Allez ouste ... va plus loin !"

Il part donc , et marche longtemps , longtemps , épuisé et titubant ,traînant les pattes ,et soufflant  ...

Il arrive devant une jolie maison , un peu isolée

à la porte , il n'ose pas frapper.

Il entre et d'une voix méchante  il crie "montrez-vous , je viens vous manger "

alors une vieille dame , un peu tremblante , lui dit "je t'attendais !"

Tu ne fais plus peur à personne à présent ,allons , cache tes dents

ne reste pas là ,planté devant moi ,rends toi utile et va ramasser du bois ,

et je te ferai ...un festin de roi !

il ne se fit pas prier et ramassa tant et tant et tant de bois que la vieille dame

pu se chauffer pendant des mois !!

Elle lui fit un somptueux repas pour cette attention .

Mon Dieu ,s'exclama  le loup ,un vrai repas de communion !

Il est dit ,que depuis ce jour ,la vieille dame ne resta plus jamais seule et

que le vieux loup Garou , n'eut plus jamais faim .
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 05 Janvier 2014 à 09:22:40
(http://img15.hostingpics.net/pics/138592galette.jpg)
La galette des Rois

Le Père Noël adore la fête des Rois.
Tous les ans à la fin de l'année, il prépare trente et une galettes: une galette pour chaque jour du mois de janvier Les rennes sont ravis, le Père Noël aussi! Aujourd'hui, c'est justement la fête des Rois. Les rennes ont posé un tapis doré sur leur dos; le Père Noël a mis sa cape brodée de fils d'argent et il appelle: "Venez tous dans la salle à manger! La fête des Rois va commencer".
Les rennes et le Père Noël s'élancent dans l'escalier... puis s'arrêtent net: sur la table, il n'y a pas de galette! Le Père Noël fronce les sourcils. Il regarde ses rennes, l'air soupçonneux :
"Qui l'a volée? Qui l'a croquée? Qui l'a mangée?"
-Pas nous! Pas nous!
-Pouvez-vous le jurer? demande le Père Noël.
- On le jure! On le jure! promettent les rennes. On n'a rien touché!
"Le Père Noël court jusqu'à la cuisine: la réserve est-elle encore à sa place, dans le grand placard? Calamité! Il n'y a plus une seule galette, plus la moindre petite miette!
"C'est impossible, gémit le Père Noël. Elles ne se sont pas envolées"...
-Elles ne se sont pas envolées, répètent les rennes inquiets. Mais elles jouent peut-être à cache-cache, en roulant comme des roues?"
Aussitôt, ils commencent à chercher partout, partout: dans chaque recoin, dans chaque trou... Rien! Ils ne trouvent rien! Il n'y a plus une seule galette, plus la moindre petite miette! Sans galette, plus de fête! Les rennes et le Père Noël sont vraiment désolés; ils s'assoient tristement sur les marches de l'escalier. Tout à coup, des notes de musique s'élèvent à l'extérieur du palais. Un roulement de tambour se fait entendre. Une trompette lance des "POUET" et des "POUET"! Quelle fanfare! Le Père Noël jette un coup d'oeil par la fenêtre... Et que voit-il ? Un spectacle incroyable!
Un défilé de chars dorés sur lesquels trônent des souris; des souris déguisées en rois, en reines et en princesses! Soudain, le renne Cachou regarde les roues des chars et il s'écrie :
"Père Nono! Père Noël! Elles sont là! Elles sont là!"
"Je ne suis pas aveugle, ronchonne le Père Noël. Je les vois bien ces souris..."
"Pas les souris! interrompt Cachou. Pas les souris, mais les galettes: ce sont les roues!"
Incroyable! Phénoménal! Le Père Noël écarquille les yeux: oui, ses galettes, ses délicieuses galettes servent de roues pour des chars de défilé! Furieux, il file au rez-de-chaussée et s'élance hors de son palais, prêt à gronder, rugir, tempêter. Mais devant la porte, quelqu'un l'attend déjà :
"Bonjour Père Noël! Je suis Aurélie Dorémi, la vraie reine des souris. Je voulais vous inviter, vous et vos rennes, à notre grand défilé."
Le Père Noël en reste bouche bée. Il ne sait plus quoi répondre... Tonnerre de tonnerre! Va-t-il se mettre en colère? Non, il répond avec le sourire :
"J'accepte reine Aurélie! Mais avant, je vais aller chercher quelque chose dans mon atelier."
Et sous le regard ahuri de ses rennes, le Père Noël monte au grenier du palais, et il en rapporte de vraies roues en bois, des roues pour mettre à la place de ses galettes! Peu après, les chars sont prêts; les galettes sont rangées dans le grand placard de la cuisine... toutes sauf une, que le Père Noël et ses rennes partagent avec les souris.
Et devinez qui a eu la fève ! Un bonhomme vêtu de rouge, portant sur le dos une cape brodée de fils d'argent... Évidemment!


Joyeuse fête des Rois!
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Janvier 2014 à 15:07:17
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L'habit de plumes de la fée

Autrefois vivait dans la montagne un bûcheron très pauvre. Un jour qu'il coupait du bois, il vit venir un cerf qui courait très vite et qui le supplia :

-Vite, ayez pitié de moi, cachez - moi, un chasseur me poursuit !

Le bûcheron cacha le cerf parmi les branches des arbres qu'il avait abattu.

Le chasseur arriva, tout essoufflé :
-Eh, dis donc toi, tu n' as pas vu passer un cerf qui courait.

-Si, répondit le bûcheron, je l'ai vu partir par là-bas !

Et il indiqua une colline dans le lointain.

-Merci, dit le chasseur qui partit en courant.

Une fois le chasseur hors de vue, le cerf sortit des branches qui le cachaient et remercia le bûcheron :

-Comment puis je vous remercier ?

-Il n' y a pas de quoi, c' était bien normal de t' aider !

-Tu m'as sauvé la vie, je vais te dire un secret. Tu connais le lac, sur l' autre versant de la montagne. Le soir, les fées viennent s'y baigner. Si vous y allez, cachez - vous, prenez l'habit d'une fée. Sans son habit de plumes, elle ne pourra plus remonter vers le ciel. Elle vous épousera. Mais surtout ne lui rendez pas son habit avant d'avoir eu trois enfants d'elle. Sinon, ça finira mal.

-Oui, j'ai compris et je te remercie.

Le soir venu, le bûcheron alla au bord du lac et se cacha derrière les arbres. Minuit arriva. La lune monta dans le ciel et, dans le clair de lune, le bûcheron entendit de la musique et vit les fées descendre dans leurs habits de plumes blanches . Les fées se déshabillèrent et se baignèrent dans l'eau fraîche et pure. Le bûcheron en profita pour prendre l'habit de la plus belle. Elles sortirent de l'eau, se rhabillèrent et s'envolèrent. Toutes sauf une qui se mit à pleurer.

-Pourquoi pleurez-vous, lui demanda le bûcheron en s' approchant d' elle.

-Je ne trouve plus mon habit de plumes, dit la fée, je ne peux plus remonter au ciel.

-Allons chez moi, je vais vous aider.

La fée suivit le bûcheron et l'épousa. Le temps passa. Ils eurent deux beaux enfants. La fée, qui aimait son mari, dit un jour :

-Je ne savais pas qu' on pouvait être si heureux sur terre !
-Eh bien , heureusement que j' ai caché ton habit, répondit son mari révélant son secret.
-Quoi, c'est toi qui l'a volé ?
-Oui, c'est moi.
-Tu peux me le montrer ?

Le bûcheron alla tirer l'habit hors de la cachette où il l'avait mis. La fée, en le voyant, le remet et pense au ciel. Elle prend ses enfants dans ses bras et s'envole avec eux. En remettant son habit de plumes blanches comme la neige, la fée s'est rappelé le ciel et elle a eu soudain envie d' y retourner alors que depuis longtemps elle n'y pensait plus jamais. Elle a pris dans ses bras ses deux enfants et elle s' est envolée. Bouche bée, le bûcheron l'a regardé disparaître avec ses enfants. Puis, il part chercher le cerf dont il avait autrefois sauvé la vie. Il lui raconte tout ce qui s' était passé.

Le cerf lui dit :
-Je vous avais pourtant bien recommandé de ne rien dire à la fée avant d'avoir votre troisième enfant. Il ne fallait pas lui rendre son habit de plumes !

Puis, voyant la tristesse du bûcheron, il ajoute :
-Bon, il y a peut-être une solution. Maintenant les fées n' osent plus venir, se baigner dans le lac. Elles ont peur. Alors, pour avoir l'eau fraîche et pure du lac, elles puisent l'eau avec un seau. Elles attachent le seau avec une longue corde et elles le font descendre pour le remplir et elles le remontent quand il est plein d'eau. Donc, ce soir, allez vous cacher près du lac et débrouillez-vous pour grimper dans le seau. Ainsi vous monterez au ciel vous-aussi. Le bûcheron fit ce que le cerf lui avait conseillé. Le soir venu, il alla au bord du lac et il se cacha. Quand il vit le seau descendre dans l' eau du lac, il se mit dedans et monta au ciel avec le seau.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Janvier 2014 à 17:38:22
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Le Scieur de bois de Lune

Il y a très longtemps, au pays des dragons et des elfes vivait Willy, un scieur de bois de lune.

Willy était un beau jeune homme et, depuis très longtemps, les habitants de Lune-Bleue comptaient sur lui pour réchauffer leurs rigoureux hivers. En effet, chaque hiver, Willy allait scier du bois de lune pour ses amis les Bleus-Luniens.

Mais ce jour là... la lune ne se montra pas... 

Qu'arrivait-il donc ? Les Bleus-Luniens ne pouvaient vivre sans le bois de lune car c'était le seul qui pouvait les réchauffer sans faire fondre leur petites maisons de crème-glacée ! Ils étaient tous angoissés à l'idée de ce qui allait leur arriver ! 

C'est alors, qu'après maintes réflexions, Bogus, le sorcier du village ordonna à Willy d'aller à la recherche de la lune en lui disant ceci : 

-Willy, tu dois retrouver la lune. Tu es le seul qui la connaît bien et tu sauras sûrement où elle se cache ! Je te donne ce sachet de poudre de vent. Si un ennemi te prend par surprise, tu n'auras qu'à lui en lancer et il sera projeté plus loin que la plus lointaine étoile. Bonne chance ! 

Et Willy partit, laissant ses pas le guider. Après une longue marche sur le sentier de l'inconnu, Willy arriva à l'orée d'une magnifique forêt. Les arbres semblait percer les nuages et les fleurs lui donnaient l'impression de l'inviter à pénétrer dans la forêt. Willy répondit finalement à l'invitation des ravissantes fleurs et posa un pied à l'intérieur de la forêt. Aussitôt, les fleurs et les herbes se retirèrent découvrant un magnifique petit chemin de terre. Willy s'y lança et après quelque pas...

-Hé! Regarde donc où tu vas!! Tu vas m'écraser !!

Willy regarda à gauche puis, à droite mais il ne vit rien. Il crut donc que son imagination lui jouait des tours. Il allait continuer sa trotte quand :

-Hé, tu es sourd, je t'ai dit de faire attention !

Cette fois, il n'avait pas rêvé et il le savait bien !!

-Mais je ne te vois pas ,répondit Willy, qui es tu??

-Je suis là, à tes pieds ! Je suis un Hilroie et mon nom est Chibouk !

-Bonjour Chibouk ! Adieu Chibouk ! Je dois aller retrouver la lune !

-Moi, lui dit fièrement Chibouk, je sais où elle est !!

-Où ? Où ?

-À l'autre bout de la forêt, dans une grotte mais, elle est gardée par un dragon !!
-J'y vais mais... je n'ai rien pour me défendre !

-Va sous le platane, là-bas, et frappe le sol avec ton nez quatre fois. Une épée t'apparaîtra. Elle est magique et changera le dragon en une poussière que tu devras garder précieusement car un jour, elle te sera utile.


Après l'avoir grandement remercié, Willy fit ce que Chibouk lui avait dit et partit vers la grotte. Quelques mètres avant la grotte, les herbes commencèrent à se faire de plus en plus denses et de plus en plus laides. Willy arriva dans une grande forêt de ronces. Il s'y aventura, se faisant déchirer le visage et les bras par les épines puis, une ronce attrapa son pied et le fit trébucher... une autre saisit son bras... elles étaient donc vivantes !! Willy s'élança sur la ronce qui se refermait sur son bras et la mordit de toutes ses forces. Quelques gouttes de sang s'en échappèrent et les ronces se retirèrent, comme effrayées, laissant apparaître l'entrée de la grotte.

Willy y entra et cria :

-DRAGON, je suis venu reprendre la lune que tu as kidnappée.

Sur ce, le dragon s'avança d'un pas lourdaud et se jeta sur Willy. Un féroce combat s'engagea entre les deux ennemis puis, Willy sortit son épée et transperça le cœur du dragon qui se transforma en poussière verdâtre. Willy s'en empara et couru vers le fond de la grotte.

-Snif, snif, je suis seule ! Sauvez-moi!!

-Qui est là ? C'est toi lune ? demanda Willy un peu apeuré.

-Oui, sauve moi !

Willy s'avança pour y voir plus clair et découvrit une minuscule lune dans une infime cage de glace.

-Que t'est-il donc arrivé lune?

-Le dragon, pour me punir de ne pas lui avoir donné de bois de lune, m'a rapetissée. Je suis si triste et je m'ennuie de mes amies les étoiles!

Willy prit des pierres qui traînaient par terre et brisa la cage de glace mais les débris se métamorphosèrent à l'instant en un immense monstre de glace. Willy, ne sachant que faire, s'empara de la lune et courut vers l'extérieur. Soudain, il se rappela de la poudre de vent que lui avait donné Bogus. Il la sortit délicatement de sa poche et la lança sur le monstre qui fut projeté on ne sait où.

Willy reprit enfin la route qui l'avait mené jusqu'ici mais quelque chose le tracassait... la lune était si petite qu'il ne pourrait pas couper le bois de lune et les habitants de Lune-Bleue mourraient de froid ! Que faire... 

Arrivé au village, Willy alla, en catimini, voir le sorcier Bogus,
pour lui faire part de son inquiétude... 

-Bogus, je ne sais plus quoi faire ! Regarde la taille de la lune ! Elle est si petite que je ne pourrai pas couper de son bois, dit avec désespoir notre scieur de bois de lune. 

-Courageux Willy, j'ai suivi tout ton périple dans ma boule de cristal et je sais que tu connais l'antidote qui redonnera à la lune sa taille normal. Réfléchis aux paroles de Chibouk et tu te rappelleras... 

Willy fouilla et fouilla dans sa mémoire et soudain s'exclama: 

-La poussière de dragon !!! 

Il sortit de la maison du sorcier, courut, sous les yeux étonnés des Bleus-Luniens jusqu'à l'escalier qui le menait autrefois à la lune, le grimpa à toute vitesse et posa la lune sur la dernière marche. Il s'empara de la poussière de dragon et la jeta sur la lune qui, aussitôt, retrouva sa taille et sa place au milieu des étoiles. 

Willy descendit l'interminable escalier, acclamé de tous. Depuis ce jour, les Bleus-Luniens n'ont plus jamais froid et si parfois vous apercevez sur le visage de la lune un magnifique sourire, c'est qu'elle est maintenant le plus heureux des astres grâce au brave scieur de bois de lune!
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Janvier 2014 à 10:22:35
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Le lion blessé

Il était une fois, il y a de cela très longtemps, dans une immense contrée d'Afrique,
un jeune lion qui vivait à l'écart de son clan.
En effet, son père et ses frères étaient de valeureux chasseurs qui ramenaient
chaque jours des monceaux de viande fraîche, nourrissante et savoureuse : de
l'oryx, du springbok, de la gazelle.
Hélas, sa mère avait disparu, tuée par des chasseurs lorsqu'il était encore jeune, et
très tôt il avait su ...accepter !

Il gardait d'elle sa douceur, et passait de longs moments à rêver d'elle, comme à la
rechercher la nuit parmi les étoiles.
Il n'avait aucun goût pour la chasse et les bagarres entre frères, préférant se
promener seul, le long du lac et des rivières.
Il admirait les couchers de soleil, le soir du haut de son promontoire.
Il était ébloui par la magie de la nature, la capacité qu'elle avait à se renouveler, à ...
changer !

Malheureusement un soir, il tomba par accident au fond d'un grand piège, que les
habitants du village avaient tendu, près du grand sycomore, où il venait souvent
s'allonger aux heures chaudes de la journée.
Là, il pouvait ...écoutez...chanter et rire les enfants de l'école, mais aussi le maître
répéter inlassablement les leçons.
Toute la nuit, il lutta courageusement malgré la blessure profonde que sa chute lui
avait infligé, et réussit à s'extraire du trou profond dans lequel il était tombé, se
meurtrissant considérablement les pattes arrières.
Clopin-clopant, il parvint encore à...avancer !
Souffrant beaucoup il lutta encore puis se reposa dans la forêt qu'il avait réussi à ...
gagner !
Ne pouvant plus se nourrir convenablement, isolé, incapable de rejoindre les siens, il
perdit presque toutes ses forces.
Il était réduit à la misère, ne survivant que de plantes et de racines, il avait le poil
terne et rare, sa crinière dégarnie laissait voir ses épaules décharnées.
A bout de forces et sentant sa fin proche, il s'allongea au pied du grand Banian, puis
sombra dans un sommeil ...profond !
C'est alors qu'il fut tiré du somme par le grand lion blanc qui vit seul dans les forêts !
«Ressaisis-toi ! »

Cette apparition lui indiqua une clairière dans laquelle il devait se rendre pour y
trouver l'arbre aux baies d'azur.
«Lorsque tu auras mangé ces baies, va te baigner dans le marigot où le phacochère
se repose lorsque le soleil est brûlant pour la peau.
Le marigot est alimenté par une source magique, tu retrouveras alors force, vigueur
et ...confiance !
Tu seras pour toujours ...protégé, dans ton corps, ton coeur, et dans ton âme.
Je te retrouverai là-bas. »
Aux premières lueurs de l'aube, le lion blessé rassembla ses dernières forces en se
traînant lentement et lutta pour ...avancez ! jusqu'à la clairière magique.
Il s'y rassasia des baies bleutées, douces, sucrées, nourrissantes qui lui procurèrent
un regain de vitalité.
Recouvrant ses forces, il se dirigea vers le marigot, occupé à cette heure matinale,
par un troupeau d'éléphants qui se baignaient, jouaient, s'aspergeaient
abondamment avec l'eau bienfaisante.
Le lion s'approcha et leur dit : « laissez-moi me baigner s'il vous plaît, je ne vous
veux aucun mal ! »

Ces mots furent accueillis par un tonnerre de barrissements moqueurs, énergiques.
Le chef du troupeau qui était une femelle lui posa la question : « Est-ce le grand lion
blanc qui t'envoie ? » « Oui répondit le lion. »

Très bien, il te reste une épreuve, vois-tu ce marigot derrière moi ?
Il mesure dix mètres de diamètre et cinq mètres de profondeur, quel est son volume ? »
Le lion se gratta la tête et réfléchit, il se souvenait de la formule magique que
l'instituteur répétait inlassablement aux écoliers, parmi les tables et les théorèmes.
Il dessina sur le sable la formule consacrée puis donna la bonne réponse qui fut
acclamée par un concert de trompes et une haie d'honneur.
Alors le lion blessé pénétra dans l'eau où il fut douché par l'eau bienfaisante dont les
éléphants l'aspergèrent.
Il s'y roula, il but et nagea dans cette eau qui allait le ...transcender !
Ses pattes ne lui faisaient plus du tout mal, il sortit de l'eau et s'ébroua.
Il avait retrouvé un pelage magnifique, des plus brillants, tendu sur une musculature
parfaite.
D'une voix ferme, il remercia chaleureusement les pachydermes et s'éloigna de sa
démarche féline et gracieuse.
Son flair recouvré, il retrouva facilement les siens, qui ne le reconnaissaient pas tant
il avait...changé !
Il dégageait tant de force, de calme et de sérénité que rien de mal ne pouvait plus
l'atteindre.
Son père et ses frères l'invitèrent à une partie de chasse, qu'il décida de ...refuser !
«Aurais-tu quelque lionne à retrouver plutôt que de te joindre à nous ? » demanda
son père ironiquement.
Non pas du tout, je suis revenu vous dire que je pars vivre avec le lion blanc qui vit
dans la forêt, il m'a permis de ...retrouver ! le goût de vivre.
A ces mots il salua sa famille et s'en alla vers ce lieu où il s'était enfin senti si bien,
heureux , protégé, compris.
Il coula par la suite la vie paisible et calme à laquelle il aspirait en compagnie du
grand lion blanc.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Janvier 2014 à 16:13:01
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Le verger de grand-père

-Regarde ma chérie, les cerises commencent à rougir, d'ici quelques jours, je pourrai t'offrir de jolies boucles d'oreille.

Emilie se souvenait de l'an dernier, des paroles de son grand-père, cette année il ne pourrait plus lui faire de telles promesses, il était parti pour le grand jardin, celui dont on ne revient jamais.

De gros nuages noirs passaient dans les yeux bleus de la petite fille, puis le soleil revenait à nouveau, ce doux soleil de printemps qui caressait les fruits rougissants.

-Tu attends que les cerises soient mûres ?

Emilie sortait brusquement du cours de ses pensées, cette voix semblait provenir du feuillage de l'énorme cerisier. La demoiselle levait les yeux vers le sommet de l'arbre mais elle ne voyait personne  perché sur les branches.

-Ce n'est pas l'arbre qui parle, les arbres ne parlent pas, se disait-elle.

Pourtant, à un endroit précis, le cerisier était agité par un léger frémissement, comme si un courant d'air s'obstinait sur une branche chargée de fruits.

-Tu me cherches mignonne demoiselle, regarde derrière toi à présent.

Se retournant, Emilie ne voyait qu'un oiseau noir perché sur un poteau, tenant dans son bec une cerise.

-C'est toi qui parle petit corbeau ?

L'oiseau secouait la tête de haut en bas, comme pour dire oui, puis il avalait tout rond le fruit et rouvrait le bec.

-Petit corbeau ? Tu es bien une fille de la ville, tu ne sais pas faire la différence entre un vilain corbeau croassant et un merle chanteur tel que moi, écoute ma chanson.

Le merle noir sifflait le début d'une rengaine qu'Emilie reconnaissait, elle l'entendait souvent sur la radio de sa grand-mère.

-C'est bien moi qui te parle jeune fille, c'est bien moi.

Emilie reculait vivement de deux pas au risque de tomber en arrière, elle était apeurée, un oiseau, fut-il merle chanteur, capable de tenir une conversation, cela n'existe pas.

-Je rêve, j'ai déjà entendu des perroquets parler, mais ils ne font que répéter les mêmes phrases, et d'une voix nasillarde...mais dis-moi merle noir chanteur et parleur, tu viens de manger une cerise qui appartient à grand-mère, qui t'as donné la permission ?

Sautant de son perchoir, sautillant de droite à gauche puis d'avant en arrière, le drôle d'oiseau se moquait bien des remontrances de petite fille, d'ailleurs son babillage ressemblait à un rire.

-Permission, permission ! tu m'amuses, crois-tu que je dois demander une autorisation aux propriétaires de jardins et de vergers pour manger quelques petits pois, picorer des fraises et me gaver de cerises ? Sache que mes ancêtres étaient sur ce territoire bien avant les tiens, quand il n'était couvert que de forêts et d'étangs...et puis je mange aussi des insectes, je suis utile moi, j'ai bien droit à un dessert de temps en temps...

Le merle continuait sa sarabande, s'éloignant puis se rapprochant, débitait encore ses jérémiades.

-Bon puisque c'est ainsi, moi et les miens ne mettront plus les ailes dans ce verger, les fruits à peine mûrs seront la proie des mouches, et sais-tu ce que font les vilaines mouches ? elles pondent des œufs dans la chair même des cerises, des prunes et des pommes, ces œufs éclosent et deviennent d'affreux vers jaunes ou roses constamment agités, tu retrouveras ces dégoûtants personnages en ouvrant les fruits, pire, tu risques d'en avaler sans  t'en apercevoir, et, comme tu n'es pas un oiseau, ton estomac ne supportera pas un tel régime, tu seras malade, tu vomiras...pouah !

Emilie réfléchissait, elle se souvenait que les années précédentes, son grand-père pestait contre les maudits volatiles qui sans vergogne venaient dépouiller son cerisier.

-Utile, c'est toi qui le dis, tu abimes dix cerises pour n'en manger qu'une seule, regarde par terre, le désastre.

Le merle déployait ses ailes et venait s'installer sur une branche basse, à hauteur du visage d'Emilie.

-J'avoue que je suis gourmand, et puis un peu maladroit.

-Et puis tu n'attends pas qu'elles soient vraiment mûres.

-Quand il fait chaud, seulement quand il fait chaud, les fruits un peu acides sont plus rafraîchissants...mais pour te faire plaisir, je ne mangerai que ceux qui se trouvent tout en haut de l'arbre, ceux que tu ne peux atteindre, toi, puisque tu n'as pas d'ailes.

L'oiseau battait des ailes, manifestement, il se moquait de la demoiselle.

-Je vais demander à mes amis de respecter ce pacte, nous te laisserons intactes les cerises accessibles.

-Merci monsieur le merle noir, vous êtes bien aimable.

L'oiseau n'avait pas attendu de merci, il s'était envolé vers le ciel, sifflant une autre rengaine.

-On dirait la chanson que papy sifflait l'an dernier.

Emilie était troublée, elle s'asseyait dans l'herbe et fermait les yeux, il lui semblait que le bon grand-père était tout près, elle entendait sa respiration, elle sentait l'odeur de tabac.

-Vous m'avez fait peur.

Deux merles, un noir et un gris tournoyaient autour d'elle, en un éclair l'un et l'autre déposaient deux pendants de cerises sur ses oreilles.

-De la part de ton grand-père.

Rapidement, les deux compères disparaissaient.

-Comment, mademoiselle dort, ce n'est pourtant pas l'heure.

Emilie se frottait les yeux, sa grand-mère se tenait devant elle, avec son beau sourire et son doux regard.

-Quel drôle de rêve je viens de faire.

En prononçant ces mots, la petite fille portait les mains à ses oreilles...les pendants étaient bien là.

-Où as-tu cueilli ces magnifiques cerises ? Elles sont bien rouges, elles viennent du sommet c'est certain, là où le soleil hâte le mûrissement.

Emilie regardait vers le faîte du cerisier, des merles par dizaine picoraient à qui mieux mieux, elle semblait distinguer celui qui avait parlé, mais allez donc reconnaître un oiseau à une telle distance.

-Regardez-moi ces vandales, ils ne vont rien nous laisser, je ne pourrai pas même de faire un clafoutis.

La brave grand-mère avait tort de se lamenter, tous les oiseaux du quartier avaient évité les branches du bas, quelques jours plus tard, Emilie pouvait se régaler de clafoutis et s'offrir d'autres pendants d'oreilles, mais aucun fruit n'avait la couleur éclatante de ceux offerts par le couple de merles, d'ailleurs elle les avait gardés, enfermés dans une petite boîte, il semblait ne jamais se gâter.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Janvier 2014 à 11:11:48
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Flavela, la petite goutte de pluie

Il était une fois, au royaume de la pluie, une petite goutte de pluie. Elle s'appelait Flavela. Sa mère lui disait toujours : « Un jour, ma fille, lorsque tu seras grande, tu partiras voir d'autres royaumes. Mais souviens toi, ma fille, tu finiras toujours par revenir dans notre royaume. »

Flavela avait écouté ces paroles avec beaucoup d'attention. Elle attendait avec impatience ce grand jour.

Lorsqu'il arriva, ce grand jour...

Sa maman vint la voir et lui dit : « Flavela , Flavela, ma petite chérie, tu pars demain matin. A bientôt. »

-Au revoir, maman, dit Flavela, toute émue.

Le lendemain, Flavela se retrouva devant le grand saut. Elle n'était pas seule. Luna, Kaki et Matina étaient là, elles aussi.

Dès qu'elle les vit, Flavela fut moins troublée. Elle leur dit : « Alors, vous aussi, c'est le grand saut ?

-Oui, j'ai peur, fit Kaki.

-Moi, je n'ai pas peur, répondit Luna, gaillarde.

Surprise, Flavela, Kaki e et Matina fixait Luna du regard. Elle poursuivit alors : « Non, non, je n'ai pas peur, car mon papa m'a raconté combien c'était merveilleux de faire le grand saut. Et puis, on reviendra dans notre royaume, vous savez....
-Ah oui ? Et comment ? demanda Kaki.

Luna, toujours aussi d'aplomb répondit en haussant les épaules : « Je ne sais pas. Mais je sais que nous reviendrons. C'est papa qui me l'a dit. »

Perplexes, Flavela, Kaki et Matina se regardaient mutuellement.

«Maman aussi me l'a dit, dit Flavela. Alors cela doit être vrai. Mais moi non plus je ne sais pas comment je reviendrai.

-J'ai toujours peur, moi, dit encore Kaki.

-Tu n'as qu'à fermer les yeux et retiens bien : nous reviendrons toutes les quatre au royaume de la pluie. »

Dès qu'elle prononça cette dernière phrase, Flavela sentit comme un grand souffle la pousser vers le néant. C'est alors qu'elle étendit les bras comme un oiseau. Derrière elle, elle entendit la voix de sa mère lui dire encore :

«Souviens-toi, ma fille, ne pénètre jamais dans les grands trous noirs. Reste toujours à la lumière. »

Elle ferma les yeux et dit tout doucement : « Oui maman ». Et elle fit le grand saut, en même temps que Luna, Matina et Kaki.

Baignées dans un océan de lumière, les petites gouttes de pluie tombèrent vers l'inconnu. Il y avait là un beau rayon de soleil.

Flavela entreprit alors de le chevaucher avec ses copines.

«Venez, nous allons glisser sur ce rayon de soleil, dit-elle.

-Bonne idée », fit Luna.

Le petit groupe se dirigea sur le rayon de soleil. Celui-ci, heureux d'avoir enfin de la compagnie, fit une surprise aux petites gouttes de pluie.

Il se transforma en un bel arc-en-ciel.

«Oh , fit Kaki, les jolies couleurs dans le ciel.

-Oui, c'est beau, fit Luna. Si on se laisse glisser, on arrivera plus bas.

-Vite, dit Flavela.

Et elles se laissèrent glisser le long de l'arc-en-ciel, comme dans un toboggan géant.

A la fin de l'arc-en-ciel, elles se retrouvèrent à nouveau en chute libre.

«Qu'est-ce que j'aime ça, dit Flavela. J'aimerais que cela ne s'arrête jamais.

-Tout à une fin, dit Luna.

-Non, dit Flavela. J'aimerais continuer à tomber encore comme ça encore longtemps.

-Alors, il faut trouver quelque chose qui nous permettra de rester dans le ciel, dit Luna.

-Tu as raison, dit Flavela.

-Qu'est-ce que cela pourrait être, demanda Matina.

Flavela réfléchissait lorsqu'elle vit un oiseau juste là, un peu plus bas.

«Vite », cria t-elle à ses amies. « Partons sur le dos de cet oiseau. Avec ses ailes, il nous transportera plus loin. »

Aussitôt dit, aussitôt fait, voilà notre petit groupe sur l'oiseau. Matina se trouve sur sa queue, Luna sur son aile, Kaki sur son bec et Flavela proche de ses yeux.

L'oiseau l'aperçut. Il lui dit : « Bonjour, petite goutte de pluie.

-Bonjour, répondit Flavela, toute timide.

-Que désires-tu ? demanda l'oiseau.

-Mes copines et moi, nous aimerions partir encore un peu plus loin. Nous voulons voir d'autres choses que les autres gouttes de pluie comme nous pour avoir plein de choses à raconter à notre retour.

-Ah, fit l'oiseau. Je connais un arbre seul dans une vaste prairie. Il se trouve plus loin d'ici. Je suis sûr qu'il aimerait avoir un peu de compagnie.

-Merci, monsieur l'oiseau, dit Flavela.

Après quelques battements d'ailes, Flavela vit au loin, perdu au milieu d'une vaste prairie, un arbre majestueux.

A sa vue, Matina, Kaki, Luna et Flavela firent ensemble : « Oh, qu'il est beau ».

«Arrivée à destination, cria l'oiseau. Sautez maintenant. »

Flavela sauta la première, et hop, sur la cime de l'arbre. Matina et Luna suivirent, et hop, à côté de Flavela.

«Où es Kaki, demanda Flavela.

-Je ne sais pas, dit Luna.

-Moi non plus », fit Matina.

Elles cherchaient encore autour d'elles lorsqu'elles entendirent au dessus : « A moi, au secours. Je ne sais pas comment vous rejoindre. »

C'était la petite Kaki. Celle-ci, troublante de peur, s'était accrochée au bec de l'oiseau.

«Lâche son bec, cria Flavela.

-Non, j'ai trop peur, criait encore la pauvre Kaki.

-Fais comme nous voyons, regarde où nous sommes maintenant.

-Non, je ne veux pas le lâcher, criait toujours Kaki.

-Mais tu préfères rester seule, suggéra Flavela.

-Oups, fit Kaki. Elle réfléchit brièvement et compris bien vite qu'elle devait lâcher le bec de l'oiseau pour retrouver très vite ses copines.

-Ah, enfin, te voilà, fit Matina, une fois que Kaki était enfin descendue du bec de l'oiseau. Tu nous as fait peur. Ne recommence pas, d'accord.

-D'accord, fit Kaki encore sous l'émotion. »

Elles étaient maintenant toutes les quatre sur la branche de l'arbre.

«Bonjour, monsieur l'arbre.

-Bonjour les gouttes de pluie, répondit l'arbre.

-Monsieur l'oiseau nous a dit que vous êtes bien seul dans cette vaste prairie et que vous aimeriez notre compagnie.

-Oh, fit l'arbre. Ce monsieur l'oiseau a bien raison. Je suis planté là, et je ne peux aller nulle part. Je ne rencontre que les personnes qui viennent à moi, comme vous par exemple. Mais j'aimerais encore mieux aller et venir à ma guise. J'aimerais aussi tant rencontrer d'autres arbres comme moi.

-Que tu as l'air triste, dit Flavela.

-Oui, c'est triste d'être seul, dit l'arbre.

-Mais tu n'es plus seul, dit encore Flavela.

-C'est vrai, nous sommes là, nous, dit Luna.

-Vous êtes très gentilles, mais vous devez retourner dans votre royaume, le royaume de la pluie. Là, vous serez plus heureuses que moi car vous rencontrerez encore d'autres gouttes de pluie.

-Mais je ne sais toujours pas comment faire pour retourner là haut, dit Flavela.

-Ne t'en fais pas, dit l'arbre. Tu le sauras le moment venu. Pour l'instant, il faut essayer le grand voyage dans le fleuve. Les autres gouttes de pluie qui sont venues me voir avant vous m'ont raconté combien c'était palpitant.

-Oh, firent les gouttes de pluie. Mais ils y en a eu d'autres, demanda Flavela.

-Oui. Vous aussi vous reviendrez peut être.

Flavela regarda ses copines. Elle les vit toutes aussi étonnées qu'elle pouvait l'être. Et elle demanda à l'arbre : « Le grand fleuve ?

-Oui, le grand fleuve, dit encore l'arbre. Il est juste là bas. Vous l'entendez ?

Flavela et ses copines tendirent l'oreille. Puis elles entendirent au loin comme un doux mugissement. C'était le bruit du fleuve.

«C'est si loin, dit Flavela. Comment ferons-nous pour aller là bas ?

-Il vous faut de l'aide, dit l'arbre.

-Toi, tu es grand et fort. Tu peux nous aider, n'est-ce pas ? demanda Flavela à l'arbre.

-Non, malheureusement, dit l'arbre.

-Mais si, lui dit encore Flavela. Avec tes grandes branches, tu peux nous conduire jusqu'au fleuve.

-Désolé, dit l'arbre. Je suis un arbre. Je ne peux pas me déplacer. Regardez.

Il essaya de bouger devant elles pour en faire la démonstration. Rien à faire, il restait figé malgré tous ses efforts.

Flavela ne désespérait pas pourtant. Elle lui dit : « Ne t'en fais pas, nous trouverons bien le moyen de rejoindre le fleuve. J'y réfléchis. »

Puis elle entendit à côté d'elle Kaki dire : « J'ai envie de dormir ». Et elle tendit bien haut les bras et ouvrit bien grand la bouche et elle se mit à bailler.

Hmmm, moi aussi, fit à son tour Luna.

Puis ce fut au tour de Matina. Et enfin celui de Flavela. Elles se mirent toutes à bailler et elles s'endormirent sur la branche de l'arbre.

Le lendemain, elles se réveillèrent au même endroit. Quatre gouttes de pluie étaient perchées en haut sur la branche de l'arbre.

« Oh, maman, fit une petite fille qui se trouvait au pied de l'arbre. Regarde ces quatre gouttes de pluie en haut endormies sur la branche de l'arbre. »

Flavela ouvrit les paupières la première et vit une petite fille vêtue tout de rose tenant la main de sa maman.

«Oh, dit Flavela, peut-être que la petite fille voudra bien nous conduire jusqu'au fleuve.

-Demande-le lui, » dit Luna.

Flavela prit ses copines par la main et elle se tourna vers la petite fille. Elle lui dit : « Petite fille, petite fille ».

La petite fille fut d'abord surprise d'entendre parler une petite goutte de pluie puis elle répondit :

«Je m'appelle Antonella. Et vous, qui êtes-vous, comment vous appelez-vous ?

-Nous sommes quatre gouttes de pluie. Je m'appelle Flavela et voici mes copines, Luna, Kaki et Matina.

-Que vous êtes belles ...., dit Antonella.

-Toi aussi, tu sais, fit Flavela. Nous avons besoin de ton aide, Antonella.

-Ah oui, fit elle. Je t'écoute.

-Nous voulons nous rendre dans le grand fleuve qui se trouve juste derrière toi. Nous ne pouvons pas nous y rendre seules. Peux-tu nous y conduire ?

-Oui, mais bien sûr. Sautez sur le bout de ma main. Nous y allons.

Et hop, elles sautèrent ensemble sur la main tendue d'Antonella.

«Et nous sommes parties, dit Antonella à ses nouvelles copines.

-Au revoir monsieur l'arbre. Et ne soyez pas triste car vous rencontrerez encore d'autres gouttes de pluie comme nous.

-Au revoir, gentilles gouttes de pluie.

Les gouttes de pluie partaient vers le grand fleuve grâce à leur nouvelle copine, Antonella.

Au détour du chemin, Flavela vit une flaque d'eau, aussi paisible qu'une mer endormie.

Elle demanda alors à son amie Antonella :

«Antonella, si je saute dans cette flaque d'eau, tu penses que je pourrais rejoindre le fleuve ?

-Non, attends encore un peu. Il n'est plus très loin. Je t'y emmène », répondit Antonella.

Chemin faisant, Flavela et ses copines admiraient le paysage. Flavela voyait disparaître au loin l'arbre, seul, au milieu de sa vaste prairie. Plus elles se rapprochaient du fleuve, plus elles voyaient une multitude de fleurs de toutes les couleurs. Elles étaient si belles que Flavela et ses copines eurent envie de faire leur connaissance.

Flavela dit alors à Antonella :

«Antonella, nous avons changé d'avis. Nous préférons aller sur cette jolie fleur violette, là, juste à tes pieds.

-Mais, et votre voyage dans le grand fleuve. Il est juste là, tu sais, répondit Antonella.

-Ce n'est pas grave, une autre fois peut-être. Nous voulons vraiment aller rencontrer cette fleur.

-Alors si c'est ce que vous voulez, je vous laisse. A bientôt », dit Antonella.

Elle se baissa vers la fleur violette et fit glisser les gouttes de pluie sur une des jolies pétales de la fleur.

«Au revoir », firent nos quatre goutte de pluie une fois arrivées sur la pétale de la fleur.

C'est Flavela qui glissa la première. Puis Luna, puis Matina et enfin Kaki.

«Comme ça sent bon, fit Luna une fois arrivée sur la pétale.

-Oui, ça ressemble au parfum de ma maman, dit Flavela.

«Petite fleur, comment t'appelles-tu ?

-Tout le monde m'appelle Joya. Vous êtes de jolies gouttes de pluie. Vous pouvez rester avec moi, si vous le désirez. Mais faites attention à mes amies les abeilles. Elles ne sont pas méchantes. Elles viennent juste butiner.....Mais attention, elles risquent de vous avaler.

-Nous ferons bien attention, dit Flavela.

-Justement, en voilà une, dit Joya. Cachez vous sous mon bras, vite. »

Aussitôt dit, aussitôt fait. Nos quatre gouttes de pluie trouvèrent refuge sous le bras de Joya.

Une fois l'abeille partie, Joya demanda aux quatre gouttes de pluie :

«Mais que font quatre gouttes de pluie hors de leur royaume, hein ?

-Nous faisons notre grand voyage. C'est notre premier voyage... dit Flavela

-Ah oui, dit encore Joya. Mais faites attention, ne pénétrez jamais dans les grands trous noirs, restez toujours à la lumière.

-Oui, fit Flavela. Maman me l'a dit le jour de notre départ.

-Qu'est-ce que cela veut dire, demanda Luna ?

-Ca, vous le saurez bientôt, dit Joya. Maintenant, que voulez vous faire ?

-Nous voulons nous rendre dans le grand fleuve, là, juste à côté, dit Flavela. Mais nous ne savons pas comment faire.

-Hmmm, moi, toute seule, je ne peux pas vous y conduire. Mais je peux le faire avec mes copines, dit Joya.

-Ah oui », firent ensemble les quatre gouttes de pluie toutes étonnées.

Joya se réjouissait de les voir si surprises. Elle leur dit : « Attention, tenez vous prêtes ». Elle cria à sa voisine :

«Tiens, je te donne quatre gouttes de pluie. Elles veulent aller dans le fleuve qui coule juste là. Fais les passer aux autres fleurs qui se trouvent au bord du fleuve.

-Oui, donne-les moi », dit la voisine de Joya.

Cette dernière fit passer les quatre gouttes de pluie à sa voisine et ainsi de suite. C'est comme cela que nos quatre gouttes de pluie furent transportées de fleurs en fleurs jusqu'au fleuve. Une fleur avait les pétales jaunes, l'autre les avaient roses, etc. La dernière fleur qui les accueillit était de couleur orange.

Elle leur dit :

«Attention au grand saut. Je vous glisse dans le fleuve.

-Merci », dit Flavela.

La fleur se baissa lentement vers le fleuve et laissa tomber les quatre gouttes de pluie dans le fleuve.

Plouf, plouf, plouf, plouf, fut le bruit des quatre gouttes de pluie tombées dans le fleuve.

Voilà, elles y étaient.

«C'est tranquille, comme endroit, fit Flavela.

-Tu trouves, lui dit Kaki.

-Oui, continua Flavela. Je m'attendais à quelque chose de plus turbulent, de plus joyeux, voire même quelque chose de dangereux.

-«Dangereux », releva Kaki, tremblante de peur.

-Ah, ah, ah, fit Flavela, n'aies pas peur. Tu vois bien qu'il ne se passe rien. »

Pendant ce temps, le fleuve, paisible, les écoutait.

Il se mit à leur parler. Il leur dit : « Bonjour, les petites gouttes de pluie. Vous êtes nouvelles, dites-moi ? »

Kaki et les autres sursautèrent. Il leur dit alors :

«N'ayez pas peur, dit-il. Je ne suis pas méchant.

-Bonjour, fit Flavela, courageuse.

-Bonjour, firent les autres gouttes de pluie.

-Alors comme ça, vous me trouvez paisible. Je vous montrerai un endroit où vous pourrez vous amuser. Venez, suivez-moi. »

Les gouttes de pluie se laissèrent couler le long du fleuve. Il leur montra un peu plus loin une série de petites cascades.

«C'est ici, vous verrez, allez-y, vous vous amuserez bien là, dit le fleuve.

-Merci, monsieur le fleuve, » dit Flavela.

C'est elle qui partie la première. Une fois dans la première cascade, elle cria à ses copines : « Suivez-moi, c'est amusant. »

Ses copines se jetèrent à leur tour dans les cascades.

Luna dit à sa copine Flavela : « Tu as raison, c'est amusant ». Elles tombaient de cascades en cascades et lançaient à chaque fois des cris de joie.

Flavela, voyant une branche morte gisant juste au dessus d'une cascade, profita de son élan pour sauter sur elle, faire un tour complet avant de la lâcher et de retomber dans l'eau en poussant l'un des plus grand cris de joie.

Mais toute bonne chose a une fin. Les cascades avaient cessé et le fleuve, turbulent, était redevenu un grand fleuve tranquille.

Nos quatre gouttes de pluie se laissaient porter par le courant, exténuées. Elles se trouvaient maintenant presque sur le bord du fleuve.

Soudain, un bruit étrange retentit :

«Flap, flap, flap, flap, ... »

-Qu'est-ce que c'est ?, demanda Kaki.

-Je ne sais pas, répondit Luna.

-Regardez plus loin, sur la rive où nous nous dirigeons. C'est le loup qui fait ce bruit étrange avec sa gueule.

En effet, penché sur le fleuve, un loup se désaltérait longuement.

Soudain, Flavela ouvrit de grands yeux apeurés et dit :

«Sa gueule ressemble à un grand trou noir. Il n'y a pas de lumière. Attention, il ne faut pas y pénétrer.

-Mais comment allons-nous faire, s'inquiéta Matina. Le courant du fleuve nous conduit droit sur lui et dans sa gueule.

-Non, dit Flavela. Le fleuve nous aidera. Fleuve, aide-nous, vite.

Le fleuve entendit l'appel de détresse. Il envoya alors une de ses grosses vagues qui poussa les quatre gouttes de pluie, loin, très loin du danger.

«Merci, monsieur le fleuve, dit Flavela.

-Appelez-moi encore si vous avez besoin d'aide, dit le fleuve.

-Oui, fit Flavela.

-Dormez maintenant, dit le fleuve. Vous rentrez bientôt dans votre royaume.

-Déjà ? Demandèrent ensemble les quatre gouttes de pluie.

-Oui, déjà, répondit le fleuve.

-Puis les voyant triste, il poursuivit en disant : « Mais ne vous en faîtes pas, vous reviendrez. Dormez petites gouttes de pluie. »

La nuit était tombée. Nos quatre gouttes de pluie, endormies, se laissaient porter par le courant, protégées par le fleuve.

Au petit matin, au premier rayon de soleil, Flavela ouvrit les yeux. Elle vit un immense nuage posé sur le fleuve.

«Bonjour Flavela, dit le nuage.

-Oh, comment connais-tu mon nom ? demanda Flavela.

-C'est parce que je suis ton ami. Je viens vous chercher toi et tes copines pour rentrer dans votre royaume, répondit le nuage.

-Comment ça, demanda Flavela.

-Je viens d'en bas le soir et le matin, je monte au ciel au royaume de la pluie. C'est grâce à moi que vous remonterez au royaume de la pluie. Vite, il faut monter sur mon dos.

-Ah, c'est comme ça que je reviens au royaume de la pluie.

-Oui, Flavela. Fais vite. Réveille tes amies. Nous devons partir avant le lever du soleil. Sinon, il sera trop tard. »

Flavela regarda autour d'elle. Elle vit Luna, Matina et Kaki encore toutes endormies.

«Vite, réveillez vous. Nous rentrons à la maison. Vite, grimpez sur le dos de ce nuage », ordonna Flavela.

Les autres gouttes de pluie obéirent et elles partirent toutes à cheval sur le dos du nuage.

Cependant, comme la nuit avait été courte, elles s'endormirent à nouveau.

Bien plus tard, Flavela se réveilla dans son lit. Sa maman, penchée sur son visage, lui souriait.

«As-tu bien dormi ? lui demanda-t-elle.

-J'ai fait un rêve, maman, dit Flavela.

-Mon enfant, ce n'était pas un rêve. C'était ton premier voyage. Tu as été courageuse, tu sais....

-Oh, c'était vrai tout ça, fit Flavela.

-Oui, ma chérie. Je suis fière de toi.

Et sa maman la prit dans ses bras pour lui donner un gros baiser.

Mais Flavela n'en revenait toujours pas. Ce n'était donc pas un rêve. Elle se dit alors tout bas :

«Alors la prochaine fois, je ferai encore mieux. »
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Janvier 2014 à 14:10:15
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KA-WA-TA, LE PETIT LAPIN
(D'après un conte amérindien)


Autrefois, il y très, très, très longtemps, Ka-Wa-Ta, le petit lapin était le plus grand de tous les animaux. Et c'était aussi le plus fort !
C'était un chasseur, mais alors, croyez-moi, le plus grand chasseur que l'on eut jamais connu ! Il posait ses pièges le soir et le matin il venait les relever : malheur aux animaux imprudents qui en étaient prisonniers car personne ne les revoyaient plus jamais !
On raconte même que c'est à cause de Ka-Wa-Ta que les dinosaures ont disparu mais, franchement, ça je n'y crois pas : tout simplement parce que Ka-Wa-Ta a toujours eu peur des reptiles et que, c'est bien connu, toutes ces grosses bêtes, tous ces dinosaures, étaient des reptiles ! Et puis, en plus, ils vivaient à une époque tellement ancienne que même Ka-Wa-Ta n'était pas encore né : alors, hein !
Toujours est-il que Ka-Wa-Ta pouvait manger toutes sortes de bonnes choses que, même chez « Mac Do », vous ne trouveriez pas, et que l'on peut se demander si, justement, ça n'était pas grâce à cela qu'il était si grand et si fort !

Un matin, quelle ne fut pas la surprise de Ka-Wa-Ta ! Dans un de ses pièges, il avait attrapé... Devinez quoi ?
Il avait attrapé le Soleil !
Ah, certainement qu'il avait mal dormi, le Soleil ! Et que son réveil était difficile et encore plein de brumes...
Parce que, n'allez pas croire : le Soleil, il est très, très intelligent et si tout avait été comme d'habitude, jamais il ne se serait fait prendre, même par Ka-Wa-Ta, le plus grand de tous les chasseurs !
Et bien, ce matin-là, c'est comme ça, il se retrouva pris au piège !
Ka-Wa-Ta, si grand, si fort qu'il était, n'en restait pas moins figé de surprise : jamais de la vie il n'avait eu l'intention de prendre le soleil ! Alors, il restait là, immobile, les bras ballants, sans rien faire.
Le Soleil l'aperçut et le reconnu :
-«Ka-Wa-Ta, c'est toi qui m'as piégé ainsi ! Mais tu dois me libérer au plus vite : il faut que je monte tout en haut du Ciel, sinon toute la Terre va brûler ! »
Ka-Wa-Ta s'approcha du Soleil pour le libérer. C'était encore le matin et, heureusement, le Soleil ne dégageait pas encore toute sa chaleur mais, malgré cela, tout autour du Soleil, les herbes sèches devenaient cendres, les buissons se racornissaient, devenaient tout noir, les fleurs se fanaient, se desséchaient et disparaissaient.
Ka-Wa-Ta voulu couper la corde qui retenait le Soleil prisonnier mais la chaleur était si forte qu'il ne put s'en approcher à moins de dix mètres : il dût faire demi-tour...
Mais, à cause de la chaleur, il avait fondu de moitié !
-«Ka-Wa-Ta ! Dépêches-toi de me libérer. L'heure avance et je sens ma chaleur qui augmente ! » s'écria le Soleil.
Ka-Wa-Ta fit un nouvel essai : il s'approcha jusqu'à deux mètres du Soleil mais la chaleur était si intense qu'il dût, à nouveau reculer !
Il fondit encore de moitié, de sorte que sa taille n'était plus qu'au quart de ce qu'elle était à l'origine !
-«Ka-Wa-Ta, Ka-Wa-Ta... La terre brûle : délivre-moi, vite ! »
Dix fois, vingt fois... Que dis-je ? Mille fois peut-être, Ka-Wa-Ta essaya de délivrer le Soleil.
Chaque fois sa taille fondait de moitié.
Et le Soleil restait prisonnier !

Rappelez-vous que Ka-Wa-Ta était un grand chasseur, très fort et aussi très courageux. Il n'eût jamais l'intention d'abandonner ! Alors, il s'aspergea d'eau et se couvrit d'un linge humide puis replongea dans la fournaise.
C'était épouvantable : il fondait à vue d'œil !
Et le Soleil restait prisonnier...
Ka-Wa-Ta se désespérait : il ne savait plus que faire... Fort et courageux, c'est entendu, mais maintenant de petite taille ! Et c'est alors qu'il eût l'idée de se protéger d'une pierre, d'un caillou...
La Montagne d'Arrée, toute proche, produisait déjà de magnifiques ardoises, larges, lourdes et épaisses, insensibles aux températures. Ka-Wa-Ta se choisit une ardoise très solide, très grande : si grande, si lourde qu'il fallait qu'il fût encore vraiment très fort pour la porter !
Ainsi protégé, il bondit une dernière fois vers le Soleil et, avec son couteau, parvint enfin à trancher la corde qui le retenait prisonnier...
Ka-Wa-Ta avait encore fondu de moitié mais le Soleil, enfin libre, s'élança dans le Ciel :
-«Merci Ka-Wa-Ta, s'écria le Soleil, tu es vraiment un très grand chasseur, le plus courageux que je connaisse !
Ka-Wa-Ta, épuisé, essoufflé, pût enfin se reposer : il dormi huit jours et huit nuits...

C'est de ce jour qu'il acquit la taille que nous lui connaissons aujourd'hui : lui qui était le plus grand, le plus fort de tous les animaux de la Terre, est devenu un animal ordinaire, chassé par le loup, par les chiens, par l'homme. Il est devenu craintif et il a bien raison car, sans cela, il y a longtemps qu'il aurait été mangé !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Janvier 2014 à 16:20:32
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LA MER, LE SOLEIL ET LE VENT

L'histoire que je vais ici conter n'est pas une histoire que j'ai inventée : elle m'a été rapportée comme vérité par un vieux crabe dont j'ai fait la connaissance un jour que j'étais parti par dessous et tout au fond de la mer des bretons.
Ce crabe était tout couvert d'algues, de lichens, de crustacés, ce qui montre bien qu'il était très très vieux.
Sans doute il m'avait pris en amitié car, mis en confiance, il m'a raconté cette histoire tout d'un trait. Et lui la tenait pour vraie.


Ainsi donc, en ces temps - là... Mais il s'agit de temps très anciens - bien des milliers et des milliers d'années avant les pyramides d'Egypte ! - c'est même avant le temps où les hommes connaissaient le langage universel. Alors ils pouvaient parler avec les animaux et les comprenaient. Ils étaient aussi capables de communiquer avec les plantes et, plus surprenant encore pour nous, avec les éléments que nous appelons les « choses ».
C'est dire que cette histoire est véritablement très ancienne car, si le vieux crabe a pu m'en parler, c'est que nous étions sûrement lui et moi déjà bien âgés , et que, avant nous, elle avait été transmise du règne minéral au règne végétal puis, enfin, au règne animal. Mais de cette transmission je ne vous dirai rien, en ignorant tout du cheminement.

Voilà : cette histoire concerne la Mer, le Soleil et le Vent et remonte à l'origine de notre monde.
La Terre était toute neuve et encore toute recouverte par la Mer qui était comme qui dirait à l'âge d'enfance, une petite fille rieuse et espiègle, riche de la VIE qu'elle portait déjà en elle mais qu'elle ignorait encore. Elle était spontanée et sensible, réagissant immédiatement à tout ce qu'elle ressentait.
Le Soleil n'était pas très vieux : disons un adolescent plein de prestance et de promesses. Il était beau, très beau, la BEAUTE même, éblouissant et fort : la jeunesse du monde !
Quant au vent, taquin, lui venait du fonds des âges, d'autres galaxies et l'on dit même qu'il a existé de tout temps, intersidéral, et qu'il est le MOUVEMENT...
Tout d'abord, ces trois là, la Mer, le Soleil et le Vent, faisaient plutôt bon ménage. Ils étaient amis et s'entendaient fort bien, surtout pour faire des farces (ce qui, entre nous, provoquait à notre échelle des bouleversements incroyables : l'éclat de rire de la Mer...Bonjour les raz de marée ! Un éternuement du Vent : un cyclone qui efface tout sur son passage. Quant au Soleil, je ne vous dis pas quand il s'énervait, s'échauffait ! Heureusement que nous, les humains, n'étions pas encore en ce monde : ç'aurait été insupportable !
Donc, comme je vous le disais, la Mer, le Soleil et le Vent s'entendaient comme « larrons en foire » et tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
C'est plus tard que les choses se sont gâtées : quand le soleil fût devenu un grand Soleil, nécessaire à toute vie sur terre, adoré des êtres vivants qu'il avait contribué à créer, devenu un Dieu pour l'homme, enfin né à ce monde : « Ô soleil, donne - moi de ta force ; réveille notre terre, fais germer le grain... ». Et les plus vieux : « Réchauffe mes os... ». Qu'est - ce que vous voulez : c'est vrai que de son aura il réchauffait tout en ce monde. Il a pris la grosse tête, le Soleil ! Présomptueux il était devenu, se pavanant au firmament du matin au soir. Il prît quelque distance...
La Mer, toute tranquille, toute gentillette qu'elle était, toute ingénue peut - être parce que jeunette, eh bien ... elle admirait énormément le Soleil si grand, si fort, si beau et sans s'en rendre vraiment compte, elle est tombée amoureuse de lui. Peut - être parce que c'est elle qui a donné toute vie sur terre, y compris aux êtres humains, peut - être aussi parce qu'elle était un peu coquette, elle implorait elle aussi le soleil : « Soleil, toi qui est le plus beau, le plus fort, réchauffe mes eaux profondes, donne moi les couleurs les plus belles... ». Mais, je vous l'ai dit, le Soleil avait pris quelque distance et était devenu inaccessible. Aussi la Mer pouvait bien le supplier : certes, il donnait - et donne encore - sa chaleur, mais les eaux profondes, été comme hiver, restent froides, et parfois, sa chaleur, hein... Parcimonieusement !
Mais ça n'est pas tout : le Vent, bien qu'il soit plus âgé, aimait la Mer, il en était tombé amoureux et tentait sans cesse de le lui dire. Seulement, si on peut voir que le Soleil est beau, il ne peut en être de même pour le Vent: en effet qui a déjà vu le Vent ? Est - il beau ? Est - il laid ? Non, il est invisible, il n'a ni forme ni couleur, inconsistant. Ce qu'on sait, c'est qu'il est fort, ça oui ! Mais ses humeurs variables en font quelqu'un d'assez peu fréquentable qui, de ce fait, a toujours été assez solitaire. Il se fait brise ou tempête, il apporte fraîcheur et tourmente. Sur la mer, il aurait voulu laisser son empreinte mais sans cesse elle se dérobait. Elle l'aimait bien, ça oui, en souvenir de l'enfance peut - être, quand il la taquinait par une légère brise - ce qu'il fait encore du reste ! - mais elle n'a jamais été amoureuse de lui : « Que nenni, disait - elle ! Jamais en ce monde ne serai maîtrisée ni domptée par si fol que le Vent . Il est par trop instable et inconsistant, variable à l'infini dans ses humeurs ! » Le Vent prit ombrage de l'amitié de la Mer pour le Soleil, il est devenu jaloux, croyez - vous ça ! Il aurait dû, compte - tenu de son âge, être un peu plus sage et garder son calme : mais non, et ça continue ! Parfois il se met très en colère ...et nous récoltons une belle tempête. Quand il en est ainsi, ça la bouleverse la Mer ! Elle se creuse de profonds abîmes, d'où surgissent de formidables montagnes d'eau : oui, on peut dire que les vagues sont les filles de la Mer. De la Mer et du Vent, de leurs rencontres tumultueuses : elles sont multiples, vivantes, sans cesse renouvelées. A la fois très belles et inquiétantes, voire terrifiantes... Le Vent et le Soleil ne se fréquente plus guère, en tout cas, pas comme par le passé : avez - vous remarqué, quand Soleil et Vent sont présents ensemble, et bien c'est parce que, une fois de plus le Vent est en colère, et repousse les nuages...
Le Soleil... C'est le Soleil qui donne ses couleurs les plus belles à la Mer, pour être juste, il faut le reconnaître ! Mais vous savez, il n'est pas très fidèle le Soleil . Nous le savons déjà quand nous attendons indéfiniment sa venue ! : parfois il a rendez - vous avec la Lune - mais je ne vous dirais rien de celle - ci ! - et la Mer en est toute retournée : c'est alors que son mouvement de marée est le plus ample car, bien sûr, ça la contrarie la pauvre !
Et voilà : c'est ici que se termine mon histoire qui aurait pu être une belle histoire d'amour mais n'est qu'une pauvre histoire d'amour déçu : c'est la vie ! La Mer et le Vent ? Jamais n'aurons accord ni ne se marieront et cependant, jusqu'à la fin des temps ils garderont contact l'un avec l'autre.
Mais observez bien la nature : alors vous verrez vous - même qu'il s'agit d'une histoire vraie et pas inventée du tout...

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Janvier 2014 à 08:17:47
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Le visage parfait

Il était une fois un pantin de papier qui n'avait pas de visage. Il était parfaitement découpé et tout son corps peint, excepté le visage. Cependant, il avait un crayon dans la main afin qu'il puisse choisir le type de visage qu'il voudrait avoir. Quelle chance ! Il a donc passé la journée à demander à chaque personne qu'il rencontrait :

-Comment est le visage parfait ?

-Un visage avec un grand bec, répondirent les oiseaux.

-Non, non, pas de bec, dirent les arbres, le visage parfait est plein de feuilles.

-Oublie le bec et les feuilles, interrompirent les fleurs. Si tu veux un visage parfait, remplis-le de couleurs.

Ainsi, tous ceux qu'il rencontra, qu'ils furent animaux, rivières ou montagnes, l'incitèrent à remplir son visage avec leur propre forme et couleurs.

Mais alors que le pantin s'eut dessiné un bec, des feuilles, des couleurs, des cheveux, du sable et milles autres choses, finalement personne n'aimait un tel visage. Et il ne pouvait rien effacer !

Puis, en pensant à l'opportunité gâchée d'avoir un visage parfait , le pantin passa des jours à pleurer.

-Je voulais seulement un visage qui plaise à tout le monde, dit-il. Et regarde quel désastre !

Un jour, un petit nuage entendit ses plaintes et s'approcha de lui pour lui dire :

-Bonjour pantin ! Je crois que je peux t'aider. Comme je suis un nuage et que je n'ai pas de forme, je peux faire le visage que tu veux. Que penserais-tu si je changeais de visage jusqu'à ce que tu en trouve un qui te plait ? On pourra surement t'arranger un peu.

Le pantin apprécia l'idée et le nuage fit pour lui tous types de visages. Malheureusement, aucun n'était assez parfait.

-Tant pis, dit le pantin au moment de se quitter, tu as été un ami formidable.

Puis il l'enlaça si tendrement que le nuage se mit à sourire de part en part, heureux d'avoir pu l'aider.

C'est alors qu'au même moment, le pantin dit :

-Ça ! Ça, c'est le visage que je veux ! C'est un visage parfait !

-De quoi parles-tu ? Demanda le nuage surpris. Je ne fais plus rien maintenant

-Mais si ! Celui que tu as fait lorsque je t'ai enlacé ... Où lorsque je te chatouille ! Regarde !

Le nuage se rendit compte qu'il parlait de son grand sourire. Alors tous les deux ils prirent un crayon pour déssiner, sur le pantin de papier, un sourire si grand qu'il recouvrait dix fois le bec, les cheveux, les couleurs et les fleurs.

Et effectivement, ce visage était le seul qui plaisait à tout le monde car il contenait l'ingrédient secret des visages parfaits : un grand sourire qui ne s'éffacera jamais.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Janvier 2014 à 17:54:48
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La Lune et le Soleil

La Lune était d'humeur maussade ce jour-là. Elle avait toujours voulu rencontrer le Soleil, ce grand astre aux mille feux sans pareil.

Elle alla donc demander conseil à son amie la Terre un beau jour de printemps :
"Vois-tu, Terre, toi, le ciel t'a tout donné : tu es nimbée de magnifiques nuages, couverte d'océans immenses et tes forêts et tes montagnes font de toi la perle de l'Univers. Moi, je suis toute nue et toute blanche...

-J'ai une idée, dit la Terre. Je vais te donner un morceau de mes nuages et parée de la sorte, tu iras voir le grand Soleil.

-Merci encore, répondit la Lune. Que ferais-je sans toi ? "

La Lune qui portait maintenant sa robe de nuages prit la route de son étoile le Soleil.
Malheureusement celui-ci feignit de l'ignorer et la petite Lune bien triste s'en retourna vers son amie la Terre.

"Ton idée était bonne ! geignit la Lune, mais ce n'était pas suffisant. Aurais-tu une autre idée petite Terre.

-Je sais, s'exclama la Terre. Si je te donne une larme d'océan, un rocher de montagne, une goutte de pluie et un écrin de verdure, comment le Soleil pourrait-il rester de marbre ?
-Tu as raison, répondit la Lune, avec tous ces cadeaux il ne verra plus mes cratères tout nus et mes vallées toutes pâles. "

Toute joyeuse, la Lune s'en retourna voir le Soleil. Cette fois-ci, se dit-elle, il ne pourra pas me négliger. Pourtant, malgré la larme d'océan, le rocher de montagne, la goutte de pluie et l'écrin de verdure, maître Soleil ne daigna même pas adresser la parole à la toute petite Lune sur laquelle il dardait des rayons très chauds.

La petite Lune, le cœur bien froid, commença à errer de planète en planète et de comète en comète. Pourquoi le Soleil ne souhaitait-il pas la rencontrer ? Soudain, l'impossible se produisit : la Terre à la recherche de son amie bien en peine, l'aperçut vaguement au lointain. Elle l'appela mais rien n'y fit. La petite Lune fonçait droit sur le Soleil !

"Tu es folle, cria-t-elle. Tu vas te brûler si tu ne prends pas garde. Ne t'approche pas si près de lui ! "

La Lune restait sourde à toutes ses exhortations. Et, finalement la Terre comprit ce qui était en train de se produire sous ses yeux. La petite Lune ne fonçait pas sur le Soleil mais dansait un joli ballet devant lui. Le spectacle était magnifique. La Terre se délecta de ses petites mirettes ébahis de cette danse insolite.

Depuis ce temps-là, très souvent, la Terre peut admirer ses deux amis interpréter le même ballet de l'éclipse.

La petite Lune a réalisé son rêve de rencontrer le grand Soleil.   
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Janvier 2014 à 10:17:39
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Le petit lutin aux légumes magiques


Il était une fois, un petit lutin farfelu qui cultivait des légumes. C'était un lutin très proche de la nature, qui adorait les plantes et prenait un malin plaisir à les regarder pousser. Ses légumes n'étaient pas des légumes comme les autres, c'étaient des légumes magiques.

Chaque légume avait des propriétés magiques différentes: le chou fleur magique aidait à se détendre, l'artichaut magique vous donnait du tonus, la pomme de terre magique vous mettait de bonne humeur...
La spécialité de notre petit lutin, était de concocter une bonne grosse soupe avec tout ses légumes. Dans son chaudron, la soupe magique mitonnait doucement...
Tous les lutins de la forêt étaient invités à partager ce breuvage avec lui, le soir au coin du feu. C'était une soupe merveilleuse, qui les transportait de joie. Ainsi, les lutins vivaient heureux et paisibles.

Un jour, la sorcière de la forêt voisine en eût marre de toute cette joie et cette sérénité qui régnait chez les lutins. Elle trouvait ça répugnant! Elle déclara qu'elle répandrait tristesse et désolation dans la communauté des lutins. Elle se mit donc à cultiver des légumes de tristesse. Elle prit grand soin de leur  faire la grimace tout les jours, pour qu'ils soient les plus laids possible. Ensuite, elle fabriqua une soupe identique à celle du lutin farfelu et entreprit d'échanger la soupe des lutins par sa préparation machiavélique. Elle se déguisa en lutine et cacha sa soupe dans un coin de la forêt, près du festin des lutins. Elle profita d'un moment d'inattention  pour subtiliser le précieux breuvage et déposa sa soupe de tristesse.

Comme à leur habitude, les lutins festoyèrent et burent de grands bols de soupe... Bientôt ils devinrent tristes, ils se plaignaient, gémissaient, n'étaient vraiment pas contents. ils déprimaient et commencèrent à se chamailler pour un rien. Le chaos était en train de s'installer. La petite sorcière se frotta les mains et rentra chez elle sans prendre soin de se cacher. Elle se frottait les mains de la réussite de son larcin et de toute cette pagaille qu'elle avait provoquée chez les lutins.

C'était sans compter sur la malice du petit lutin farfelu qui l'avait aperçue lors de son départ. il n'avait pas eu le temps d'absorber la soupe maléfique et décida de suivre la sorcière et de lui jouer, à son tour, un mauvais tour. Il cuisina sa meilleure soupe de joie et attendit que la sorcière se mette au lit. Là, il introduit sa soupe dans le garde manger de la sorcière, se cacha dans un coin et attendit.

Le lendemain matin, la sorcière se réveilla de méchante humeur, comme chaque matin. Elle décida, comme à son habitude, de boire un peu de soupe de désolation pour entretenir sa mauvaise humeur quotidienne. Elle réchauffa un bol et le dégusta tranquillement accompagné de sa boisson préférée, le jus de bave d'escargot. Sans le savoir, la soupe qu'elle venait d'avaler était la soupe de joie du lutin farfelu et la potion ne perdit pas de temps à faire effet.

La sorcière se mit à sourire.
-Horreur, se dit elle, moi sourire? quelle abomination! Jamais une sorcière telle que moi ne sourit! Je ne suis que désolation, orgueil et mépris...
Soudain, elle se mit à éclater de rire, puis un fou rire interminable lui vint. Elle ressentait toute cette joie que la soupe du lutin procure et en était affligée, horrifiée, c'était pour elle insupportable. Le petit lutin, tapi dans un coin de la chaumière de la sorcière, se réjouissait de l'effet obtenu. Il sortit de sa cachette et parla à la sorcière, désormais inoffensive
-Tel est pris qui croyait prendre, madame la sorcière, cette soupe a des effets permanents dans notre forêt, j'espère que vous en apprécierez les bénéfices...
La sorcière, dégoûtée de toute cette joie, prit ses jambes à son cou et s'enfuit à tout jamais de la forêt. Plus jamais elle n'y remettrait les pieds, c'était trop horrible pour elle de se sentir si gaie.

Le lutin retourna auprès des siens et leur mitonna une soupe si bonne et si magique qu'elle dissipa illico les effets de la pauvre soupe de la sorcière. La communauté lutin retrouve son équilibre et décida d'organiser une grande fête chaque année en l'honneur du départ de la sorcière.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Janvier 2014 à 17:42:25
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Pourquoi les perroquets parlent-ils

Il fut un temps ou les perroquets ne parlaient pas. Vous avez bien entendu, ils ne parlaient pas, ni l'ara ni le cacatoès, ni la perruche. Tous désirèrent ardemment pouvoir communiquer.L'ara pensait que cela pourrait l'aider à négocier avec ses prédateurs. Le cacatoès pensait qu'il pourrait attirer les insectes avec ses chansons pour les manger et la perruche qu'elle serait la plus privilégiée des oiseaux et pourrait s'approcher de l'homme. La tristesse règnait sur le royaume des perroquets et le chagrin les ennuyait.
Un jour, les perroquets se réunirent. Un ara fit une proposition avec des gestes:
-Nous devons parler, car cela nous sera bien utile pour ne pas poser de problèmes aux générations des perroquets. Je propose qu'on aille travailler chez le roi Paon. J'ai entendu qu'il était en train de fabriquer une potion magique de la parole. Nous avons le plus beau plumage de la Terre, ce qui nous manque c'est la parole, nous serons les meilleurs et les plus distingués.
Les perroquets approuvèrent l'idée de l'ara qui proposa avec des gestes:
-Allons au palais du Paon.
Le roi Paon accepta la demande des perroquets. Durant la période ou ils travaillèrent comme esclaves, il les écrasa de sa supériorité et les tortura à la moindre faute. Les perroquets continuèrent à travailler discrètrement sous la férule du Paon, qu'ils haïssaient de plus en plus. Les jours passèrent, les perroquets réussirent à se faufiler parmi les gardiens et volèrent la potion préparée par le Paon. Ils se réunirent en secret.
-C'est une faveur céleste qui nous a réuni aujourd'hui, alors buvons la potion. Il distribua la potion à chacun et plusieurs goûtèrent . L'ara eut la potion qui donnait une voix aigüe. Le cacatoès, la rauque. L'amazone, la subtile. La perruche la voix très bizarre et drôle. Les perroquets n'aimaient guère leur voix . Ils commencèrent à se chipoter et à se disputer.
-Moi, je veux la plus subtile, cria l'ara.
-Moi, la rauque hurla l'amazone en essayant d'imiter une voix rauque.
-Moi, la plus drôle, répliqua le cacatoès
-Moi, la plus aigüe, ajouta la perruche.
Finalement, ils se mirent d'accord et chacun eut ce qu'il voulut, l'ara eut une voix très douce. L'amazone reçut la voix rauque. La perruche celle très aigüe et le cacatoès la plus drôle. Et ils commencèrent de parler sans arrêt avec leur bec crochu. Ensuite, ils s'organisèrent et s'enfuirent. Le Paon découvrit le mal fait par les perroquets.Fou de rage, il envoya ses services secrets à leur poursuite.
C'est ainsi que depuis ce jour  les perroquets parlent mais un peu trop. Ils émigrent de Pays en pays pour fuir le dangereux Paon.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Janvier 2014 à 15:50:52
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Le secret de la petite chenille

Il était une fois une petite chenille qui vivait dans une prairie remplie de fleurs multicolores. Elle était bien jolie cette petite chenille, toute vêtue de vert avec des tas de petites pattes. Elle aimait se promener parmi les fleurs au creux de leur pollen bien au chaud.

Comme elle était très gentille, elle avait des tas d'amis : d'abord les abeilles qui butinaient sans cesse, puis les escargots qu'elle croisait souvent en chemin avec quelques limaces de passage et même son cousin le mille pattes. Avec tant d'amis, elle aurait pu passer la plupart de son temps à s'amuser, mais la petite chenille préférait, à tant d'agitation, s'isoler un peu à l'abri et grimper sur la tige de la plus jolie des fleurs et rêvasser.

Elle songeait aux jolis papillons qui virevoltaient autour des fleurs, les caressant de leurs ailes de soie couleur azur, arc-en-ciel ou or. Elle restait, quant à elle, collée sur sa tige regardant avec envie les jolis papillons qui parfois se posaient délicatement près d'elle.

Un beau jour, elle eut assez de courage pour adresser la parole à l'un d'eux :
-Oh ! Monsieur Papillon, comme vous êtes beau. Vos ailes sont magnifiques !
-Merci, petite chenille. Moi aussi, je les trouve magnifiques.
Puis enflé d'orgueil, le papillon s'envola.

Eblouie d'avoir parlé à ce merveilleux papillon, la petite chenille continua à se lamenter doucement.
-Pourquoi ne suis-je pas un merveilleux papillon ? Pourquoi devrais-je toute ma vie ramper au sol, les yeux vers le ciel. Jamais je n'aurai des ailes de soie, jamais je ne pourrai voler, légère comme une feuille !, dit-elle en sanglotant.

Son cousin le mille-pattes qui passait par là, lui demanda alors :
-Petite chenille, pourquoi pleures-tu si fort en faisant frémir cette jolie fleur ?
-Ce n'est rien, c'est mon secret, rétorqua la petite chenille dans un sanglot.
Et le mille-pattes s'en alla raconter à toute la prairie que sa cousine la petite chenille avait un secret.

Jour après jour, tous les habitants de la prairie se rendirent chez la petite chenille. Ils voulaient essayer de découvrir quel secret elle gardait si précieusement au point qu'elle ne voulait même pas le confier à son cousin. Ca devait être quelque chose de très important et de très grave. La petite chenille reçut tout le monde cordialement mais ne dévoila pas un mot de son secret à ses amis les insectes qui commencèrent à s'interroger.
-Son secret ? Je le connais !, s'exclama fièrement l'abeille. Elle a ramassé tellement de pollen qu'elle doit le cacher dans un trou sous la terre. C'est son trésor, personne ne doit le savoir.
-Mais non, répliqua l'escargot, "ce sont des feuilles de salade qu'elle a cachées dans son trou !
-Pas du tout, répondit le mille-pattes son cousin. Son secret, c'est qu'elle est amoureuse du ver de terre et qu'ils vont se marier au printemps prochain, clôtura-t-il avec autorité.
Comme il était de la famille, personne n'osa le contredire et tout le monde tomba d'accord sur le fait que le secret si bien gardé était le mariage de la petite chenille qui se profilait à l'horizon.

Quelques temps plus tard, la petite chenille tomba très gravement malade.
-La gloutonne, s'exclama la limace. Elle a mangé trop de feuilles.
-Mais non, elle est malade d'amour, répliqua l'abeille romantique qui passait par là. Elle se laisse mourir de faim, de soif et de chagrin.
-Alors, s'écrièrent les autres insectes, il n'y aura ni mariage ni fête ?
-Et non, malheureusement ! Déclara le mille-pattes. Ecoutez mes amis, j'ai une idée. Peut-être que si nous allions la voir, elle daignerait sortir de son cocon ? Proposa-t-il.
-D'accord, allons-y ! S'écrièrent les insectes en se mettant en route.
En arrivant près de l'arbre où la petite chenille s'était cachée, suspendue dans un cocon, ils s'écrièrent en chœur.
-Chenille, Chenillette, c'est nous tes amis. Sors de ton cocon et viens voir la vie !

Mais la petite chenille dans son cocon ne les entendit même pas. Au bout de plusieurs jours, son cousin le mille-pattes fit une découverte macabre... Il découvrit la peau de la petite chenille.
-Au secours, hurla-t-il, en pressant contre lui la sinistre dépouille. Mes amis, mes amis, venez vite, elle est morte ! Voilà ce qu'il en reste.

A ces cris, tous les insectes accoururent.
-Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi cries-tu ainsi ?, demandèrent les insectes en chœur.
-Ma cousine est morte, déclara le mille-pattes, en montrant la peau de la petite chenille.
Il y eut un frisson d'horreur parmi les insectes qui restèrent pétrifiés, comme frappés par la foudre.

C'est alors qu'un papillon magnifique aux ailes de soie multicolores se posa doucement sur le sol tout près du
mille-pattes.
-Eh, gentil cousin, me reconnais-tu ?, lança le papillon.

Le mille-pattes frotta ses yeux plein de larmes :
-Est-ce toi Chenillette ?
-Bien sûr que c'est moi. Après ma terrible maladie qui dura plusieurs jours, j'ai quitté ma vieille peau en la faisant glisser en bas de cet arbre afin de déployer et sécher mes ailes. Je suis alors devenu un véritable papillon.
-Alors tu ne seras plus jamais chenille ?
-Je suis un papillon pour toujours. J'en ai toujours rêvé, là était mon secret... J'avais peur que vous le trouviez ridicule.
-Avec tes longues jambes effilées, tu ressembles à une danseuse ou à une araignée, s'écria la limace avec gaieté.
-Oh mais je serai toujours la même, je serai toujours votre amie.
-Alors maintenant, nous pourrons faire la course et butiner ensemble, déclara l'abeille ravie.
Et le nouveau papillon s' élança vers le ciel suivi de son amie l'abeille.

-Et moi ?, s'écria le ver de terre tristement. Avec qui me marierai-je à présent ?
-Avec elle, si par hasard, il te pousse des ailes, répondirent tous les insectes en éclatant de rire !
Et ce fut le tour du ver de terre de regarder vers le ciel.
Là-haut virevoltait joyeusement un cœur de chenille dans un corps de papillon.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Janvier 2014 à 15:03:16
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L'ami pommier

Au sortir de la ville, dans une vieille maison timidement cachée au fond d'un beau jardin, vivait jadis un homme qui avait de bons yeux rieurs derrière ses petites lunettes rondes, et un air doux comme un mouton sous sa toison de boucles brunes.

Il s'appelait François. Chaque matin, en se levant, François contemplait son arbre : un magnifique pommier qui poussait sous ses fenêtres. Rien qu'à le voir, si grand, si beau, il était heureux. Et chaque soir, en rentrant du travail, il passait des heures à regarder les oiseaux qui nichaient dans son feuillage.

Car on ne s'ennuie pas à regarder les arbres : certains sont même de véritables magiciens. Au printemps, ils disparaissent sous un grand manteau de fleurs où butinent les abeilles. Au plus chaud de l'été, ils offrent leur ombre fraîche à tous ceux qui, le visage en feu, fuient le soleil brûlant.

Puis, quand vient l'automne, ils lancent à la volée des gerbes de feuilles jaunes, rouges ou rousses qu'un vent fougueux éparpille au loin sur les trottoirs et les pavés... jusqu' à ce que l'hiver habille les champs d'un manteau de neige.

François aimait son arbre depuis toujours. Quand il était petit, il grimpait souvent dans ses branches et y restait caché lorsque sa maman l'appelait pour le dîner. Et maintenait qu'il avait grandi, le seul fait de l'admirer lui procurait toujours autant de joie. Il ne lui fallait rien de plus pour être heureux. Parfois, quelqu'un s'arrêtait derrière la clôture — le plus souvent un homme, ou une femme avec un enfant — et il les entendait dire : « Regarde, le bel arbre ! » Mais la plupart des gens, trop pressés, passaient sans le voir.

Les années passèrent.

François avait vieilli. De profonds sillons creusaient à présent son visage, et ses cheveux d'abord grisonnants, puis blancs, avaient fini par se clairsemer, emportés par le temps comme les feuilles par le vent. Seule sa barbe avait poussé, telle une longue écharpe de laine blanche. François était cependant toujours aussi heureux et ne se lassait pas d'observer son arbre et les oiseaux.

S'il lui arrivait de surprendre des enfants en train de lui chiper des pommes, il riait de bon cœur en disant :

« Les fruits volés sont toujours les meilleurs, pas vrai ? »

Sur quoi les coupables, gênés, s'enfuyaient à toutes jambes.

Mais un jour, un terrible malheur arriva. L'automne était de retour et un vent furieux faisait claquer les volets et voltiger les feuilles. Au-dessus des collines voisines, les nuages noirs semblaient si menaçants que chacun s'était empressé de rentrer chez soi. François ferma lui aussi sa fenêtre au premier éclair, mais il resta dans la pénombre à observer l'orage.

Bientôt, d'énormes gouttes vinrent s'écraser contre la vitre, et l'averse s'abattit avec une telle force sur la petite ville qu'on eût dit qu'une main furieuse déversait sur elle un gigantesque tonneau. Déchiré d'éclairs, le ciel d'encre résonnait de coups de tonnerre, de plus en plus proches, de plus en plus violents.

Et soudain, le cœur de François cessa de battre : dans un vacarme assourdissant, la foudre venait de tomber sur son pommier ! Sous ses yeux, le tronc se fendit dans un long craquement.

Puis la pluie vint laver sa blessure.

Quand l'orage s'éloigna, il laissa derrière lui un bien triste spectacle. Le pommier, jadis si beau, était là, tout pantelant, plus biscornu encore que la vieille maison. Du haut des branches jusqu'aux racines, une longue cicatrice entaillait le tronc.

« Ça fait mal, je sais », murmura François pour le consoler, tout en caressant l'écorce calcinée. L'arbre gémissait à voix basse. Et si les hommes savaient que les arbres pleurent, eux aussi, François aurait sans doute remarqué les perles d'eau qui scintillaient le long du tronc.

Le printemps suivant fut chaud et ensoleillé. Les oiseaux chantaient à tue-tête. Seule sur le ciel bleu, se détachait la triste silhouette sombre et noueuse du pommier. Des feuilles minuscules avaient bien repoussé sur ses branches, çà et là, ainsi que quelques fleurs dans lesquelles butinaient les abeilles comme autrefois.

Mais l'arbre avait beau faire, il n'avait plus la force de retrouver sa beauté d'antan. Sa plaie béante le faisait souffrir dès qu'un rayon de soleil l'effleurait ou que le temps changeait.

Mais ce n'était pas le pire...

Ces derniers temps, les gens qui passaient s'arrêtaient souvent pour le regarder et, l'air dédaigneux, le traitaient d'horreur ou bien d'affreux épouvantail.

« C'est une honte, il faut l'abattre ! » lança un jour une femme. Et quelqu'un renchérit, disant qu'il serait temps de le remplacer par un parking ou un joli gazon.

Plus triste de jour en jour, l'arbre arrosait tant de ses larmes les quelques fleurs qui lui restaient qu'elles fanèrent plus vite encore. François était furieux d'entendre les gens parler ainsi.

Il aimait son arbre tel qu'il était et, chaque soir, allait caresser son écorce tout en guettant le chant des oiseaux dans ses branches mortes.

« Allez-vous-en ! » criait-il parfois, hors de lui, en chassant les mauvaises langues à grands coups de balai. Mais en vain. Le lendemain, d'autres passants s'arrêtaient et le critiquaient de plus belle.

Alors un jour, François se décida.

De bon matin, il partit sur son vieux vélo rouillé, souriant si gaiement en pédalant que ses voisins s'en étonnèrent. Quelques heures plus tard, il revint chargé d'un gros paquet qu'il déposa au jardin. Puis il alla chercher sa pelle et se mit à creuser avec ardeur au pied du pommier, ne s'arrêtant pour se reposer que lorsque le trou fut bien profond. Et dans ce trou, François planta un tout jeune pommier qui arrivait à peine à la hauteur de sa barbe blanche.

Il s'est enfin décidé à arracher ce vieil arbre ! se dirent les gens.

Mais François se contenta de sourire. Il recouvrit les racines du petit arbre, l'arrosa avec soin, et alla ranger sa pelle.

Beaucoup d'années se sont écoulées : des printemps, des étés, des automnes et des hivers, les uns après les autres. François était devenu un vieux voûté et passait le plus clair de son temps assis à la fenêtre, le sourire aux lèvres.

Au jardin, le petit pommier était devenu un arbre splendide qui portait tant de fruits que François ne pouvait plus les manger tout seul.

Et le vieil arbre était toujours là, lui aussi, tout contre lui.

Soutenu par les branches vigoureuses de son jeune voisin, il vivait là des jours heureux, paisible et tranquille.

Chaque année, il voyait avec joie renaître quelques feuilles et des fleures sur ses branches. Et il riait en secret quand un enfant, de temps à autre, volait aussi l'une de ses rares pommes qu'il lui restait.

La plupart des gens, toujours pressés, passaient sans les voir. Mais parfois, quelqu'un s'arrêtait et les contemplait longuement, tous les deux.

Un soir d'automne, le vieil arbre sentit soudain une main amie sur son écorce rugueuse. Le vieux François était venu le voir sans bruit. Tout bas, il lui parla.

Alors, en silence, l'arbre inclina ses branches. Lui aussi l'avait senti : l'hiver approchait. Il était temps de se reposer.

Tandis que les premiers flocons voltigeaient aux fenêtres et que François s'allongeait bien au chaud dans son lit, le vieil arbre s'assoupit au jardin.

Et les deux amis s'endormirent en rêvant du printemps.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Janvier 2014 à 16:41:18
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Conte du Vieux Nénuphar 

Une histoire qui vient du pays des coccinelles


Quand un arbre prend de la hauteur, les mouches volent moins haut et les coccinelles se prennent pour des oiseaux. L'une d'entre elles, une arc-en-ciel à pois bleus, celle que les grenouilles surnomment "Ailes de Saphir", aimait un cerisier. C'était un arbre, tout droit venu d'un amour de jeunesse, d'un temps où il était en graine et où elle était chrysalide. En quelque sorte tous deux étaient encore dans leur cocon quand le vent les poussa l'un vers l'autre. Le fil d'amour que tissent les coccinelles, bien que ténu et invisible, est terriblement solide. Ce fil invisible, et rond, et brillant, et bleu, est si solide que le soleil, quand il joue, s'y pose à califourchon. C'est drôle à voir un soleil posé à califourchon sur un fil d'amour près d'un rossignol qui compose des musiques légères que les petites fleurs apprennent par cœur.
À l'heure d'Adieu Mozart, quand le jour se démaquille pour laisser venir la nuit, le fil reste là bien tendu entre l'arbre et la coccinelle pour que la lune à son tour s'y repose.
Cela continuera tant que la coccinelle aimera l'arbre et tant que l'arbre aimera la coccinelle. Cette coccinelle est reine de son royaume et l'arbre vient du pays des arbres de vie. Cela pourrait durer encore très longtemps si les hommes laissent l'arbre grandir car l'amour a une mémoire d'éléphant. C'est le Vieux Nénuphar qui me conta l'histoire de "Ailes de Saphir" un soir où le vent riait.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Janvier 2014 à 14:21:05
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L'arbre à rêves

  Je viens du lointain pays d'un arbre. L'arbre immense abritait des millions de printemps et de feuilles. Chacune était la maison d'une joie, d'un rêve, d'un hibou, d'une famille. Chaque fleur abritait des jours de fête, des rêves de futur, des projets de bonheur. Chaque branche se couvrait de bourgeons aux couleurs vives de l'espoir. Ses branches s'enfonçaient dans le ciel comme l'amour des mères dans les jardins de l'enfance. L'arbre portait des fruits de couleurs et de goûts différents. Immense comme la vie, l'arbre à feuilles émeraude se nourrissait du gazouillis des moineaux, du roucoulement des colombes, des rires d'enfants, et de l'attente des matins nouveaux. Son feuillage bruissait comme le chant des consciences quand les hommes sont en paix. Partout sa sève coulait comme une eau pure irrigant les grands horizons et les prairies du ciel.

         L'arbre grand habitait si près de nous qu'il en était devenu aussi invisible que l'enfance avant que le temps ne l'efface. Trop occupés à nos jeux, à bâtir nos royaumes, nous l'avons négligé, ignoré. Nous l'avons oublié, égaré, perdu dans la grisaille des vieilles mémoires et dans les lointains du temps. Seuls quelques vieux nostalgiques en parlaient encore. Certains d'entre nous l'appelaient l'Arbre de Vie, et d'autres encore l'appelaient l'Arbre à Rêves. En ce pays de l'Arbre, comme à travers les millénaires, les enfants et les fées avaient toujours su que sans rêves et sans espoirs, la vie n'est pas la Vie. Et les poètes savaient que l'on ne peut aller à demain sans ouvrir ses rêves

         Pourtant, le monde avait oublié l'arbre, nul ne l'avait soigné. Le vent de l'habitude s'était installé comme l'indifférence sur un amour oublié. Si bien qu'un jour, comme un enfant abandonné au crépuscule des consciences, un jour, l'arbre renonça à faire printemps. Ses feuilles ne firent plus de rêves, de rires, de joies. Celles à hiboux, à familles comme les fleurs à projets, à bonheur, les bourgeons à futur et les branches à germes d'espoir, tout s'était mis à jaunir. Depuis que les hommes avaient oublié l'arbre à feuilles émeraude, à rêves, à vie, à bonheur pour courir après le temps, depuis qu'ils avaient cessé de le regarder, depuis qu'ils ne prenaient plus le temps d'aimer, depuis qu'ils mangeaient ses fruits sans le soigner, sans le remercier, sans même lui parler, depuis qu'ils se perdaient à compter, depuis qu'ils avaient oublié que ses branches étaient la maison du monde, l'arbre grand était devenu un arbre triste qui appelait l'automne, le tonnerre, les nuages. Son feuillage n'abritait plus de rêves, plus de futur.

         Les hiboux, les familles, les fleurs à projets, celles à bonheur, les maisons du rire, maintenant se cachaient au plus lointain des cœurs, se terraient, apeurés, sous le manteau des guerres. Des épines, une à une, remplaçaient ses feuilles mourantes. La sécheresse partout engloutissait les couleurs de l'espoir. L'arbre à rêves n'était plus. Un arbre à larmes prenait sa place.

         Les fées du rire, des lucioles, des tendresses, les phoques et ours polaires, depuis longtemps, s'alarmaient. Ils savaient que l'indifférence est une petite mort qui, chaque jour un peu plus, blessait l'arbre. Une culture barbare avait conduit les hommes à accumuler à leur seul profit tout ce que l'arbre avait jusque-là prodigué, aux hiboux, aux familles, aux oiseaux, aux fleurs, aux jours de fête, aux rêves de futur, à la diversité, et aux millions de printemps. Les hommes avaient accumulé égoïstement tant et tant de feuilles vert émeraude qu'ils avaient dévasté l'arbre et celui-ci n'en finissait pas de dépérir. La violence, l'apparence, la possession, avaient remplacé l'amour. Les hommes croyaient pouvoir stocker le rêve. Les beaux jours de l'arbre de Vie étaient loin. Les hommes ne savaient plus que le plaisir de partager et de donner était essentiel. L'arbre à rêves allait en mourir. Les fous de justice, plus lucides que les démons de l'intelligence, savaient que le désastre arriverait et jamais ils n'avaient cessé d'affirmer que le rêve est l'oxygène de l'homme. Ils n'avaient jamais cessé de prédire que lorsque les feuilles de l'arbre seraient mortes, l'hiver de l'homme engloutirait la vie, toutes les vies. Et qu'alors viendrait l'heure du désert.

         Mais les hommes ne voulaient rien changer, ils voulaient de plus en plus de petites feuilles vertes. Comme des oiseaux à tête de crocodile, ils mangeaient l'espoir et le futur, se gavaient de chiffres, remplissaient sans cesse les besaces de l'avidité et se paraient d'apparences. Comme de grands rapaces, ils se pavanaient sur les restes de l'Arbre. Ils pillaient, brûlaient les graines du dernier espoir. À coup de haches ils élaguaient le futur.

         Il y a longtemps, je voulais des enfants, du ciel et des chansons sous l'Arbre à Rêves. Il y a longtemps, j'ai habité au pays d'un arbre vert. L'Arbre savait que les enfants sont les graines de l'espoir, l'Arbre savait que les enfants sans rêves n'ont pas de futur. Il y a longtemps j'ai pris mon silence et mes mots pour implorer les fées et les démons, les dieux parjures et les présidents. D'un bouquet de mots simples, je voulais affirmer que chacun de nous peut aimer plus grand que lui. Je voulais clamer que ce qui blesse la terre, le rêve, l'utopie, blesse l'enfance et tue l'Arbre de Vie.

         Encore aujourd'hui, je veux dire : amis, en chacun de nous sommeille une petite graine d'amour à faire germer pour que l'Arbre à Rêves refleurisse.

Jean-Michel Sananès
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Janvier 2014 à 12:06:42
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La vague et le vent

C'était une belle journée
très loin sur l'océan :
sur un joli nuage
se reposait le vent  .

Il vit une petite vague ,
une vague toute blanche
avec de grands yeux bleus ,
comme les fleurs de pervenche .

Il la trouva si belle
que son cœur se troubla ,
ne pensant plus qu'à elle ,
éperdu il plongea .

Il se mit à souffler ...
tout en venant vers elle
son cœur battait très fort
d'une ardeur nouvelle .

La vague grossit un peu
et roula sur elle - même ,
poursuivant son chemin ,
insouciante et cruelle .

Le vent souffla plus fort ,
alors la vague grossit ,
roula et culbuta ,
et , joyeuse , elle rit .

La voyant s'amuser
le vent souffla très fort ,
quelque peu énervé ...
la vague grossit encore .

Sans regarder le vent
elle ne cessa de rire ,
jeta de l'eau partout
dans un joyeux délire .

Là  le vent se fâcha ,
de toutes ses forces souffla .
La vague devint montagne ,
et , toute heureuse dansa .

Jeté hors de lui - même
s'exaspéra le vent ,
et furieux à l'extrême
il devint ouragan .

La vague comme une folle ,
croyant avoir des ailes ,
déploya sa corolle
et bondit vers le ciel .

Le vent lui dit alors :
pourquoi ne vois - tu pas
que c'est pour que tu m'aimes
que moi je fais tout ça ?

La vague lui répondit :
il faut que je te dise  ,
il aurait bien suffit
d'une petite bise .
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Janvier 2014 à 15:49:46
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Le lion et le hérisson

Cette année-là, au pays des animaux, il ne tomba pas une seule goutte de pluie. Et pour ne rien arranger, les criquets étaient venus dévorer le peu de végétation qui avait poussé. Le lion, leur roi, les convoqua dans son palais et leur tint ce discours :
« Chers sujets, comme vous le savez tous, il n'est pas tombé une seule goutte de pluie dans notre pays. Il n'y a pas de nourriture. Aussi, moi, votre roi, le roi de tous les animaux, je décrète :
Article 1 : Que personne ne vienne me demander à manger. Car je n'ai rien.
Article 2 : Que chacun se débrouille comme il peut.
Article 3 : Dispersez-vous ! »

Les animaux se dispersèrent, chacun allant de son côté. Mais avant, le cheval dit :
« Moi, je vais rejoindre les hommes au village. Ces petits êtres à deux pattes sont intelligents et ingénieux. En échange de mes services, ils me donneront à boire et à manger ».

Il gagna le village en galopant. Il devint ainsi un animal domestique. L'âne, le mouton, le dromadaire, bref, tous les animaux aujourd'hui domestiques dirent la même chose et rejoignirent les hommes au village.

Mais l'hyène, après mure réflexion, trouva que c'était vrai que ces petits êtres bizarres qui marchaient à deux pattes étaient intelligents et inventifs, mais qu'ils possédaient un bâton, long, très long, qui crachait du feu ! Elle, l'hyène, par prudence, allait attendre un peu et se débrouiller dans la brousse ! Le lion lui donna raison. La girafe et l'éléphant lui donnèrent raison. Même le petit hérisson trouva que l'hyène avait totalement raison. Parce que prudence est mère de sûreté ! Tous les animaux aujourd'hui encore sauvages donnèrent raison à l'hyène et préférèrent mourir de faim que de rôtir au fond d'une casserole ! Ils s'enfoncèrent davantage dans la forêt.

Le petit hérisson, qui errait seul dans la brousse vit un arbre à samba, couvert de fruit murs et délicieux. Il monta sur l'arbre et commença à manger. Vint le lion qui le vit sur l'arbre. Le lion lui demanda de lui envoyer quelques fruits. C'était vrai que lui, le roi de tous les animaux, il avait imposé à chacun de se débrouiller tout seul. Mais cela faisait trois jours qu'il n'avait rien mis sous la dent. Le hérisson lui envoya un premier fruit. Il le mangea. Hum ! C'était délicieux. Il envoya un deuxième fruit. Le lion le mangea. Mais le troisième fruit vint frapper le lion sur son museau royal ! « A moi ça ? A moi, petit hérisson, rugit le lion. Malheur à toi ! Grand grand malheur à toi si tu descends ! »

Le petit hérisson resta dans l'arbre. Il pleurait. Il se lamentait. Quelques temps après, arriva l'hyène. Elle vit le petit hérisson en train de pleurer abondamment. Elle eut pitié et dit :
« Petit hérisson, que t'est-il arrivé ? Ton arbre est plein de fruits. Il faut manger au lieu de pleurer ! »
En réponse le petit hérisson chanta :
« Tout à l'heure, le lion a dit que chacun devait se débrouiller comme il pouvait. Mais voici ce même lion qui vient me demander des fruits. Le fruit est tombé sur le museau, et il m'a dit : Malheur à toi. Grand grand malheur à toi petit hérisson ! »

L'hyène n'avait pas vu le lion. Quand elle le vit et que le lion la menaça de son regard furibond, elle s'enfuit en disant : « Eh bien, malheur à toi ! Grand grand malheur à toi petit hérisson ! »

La grande girafe au long cou, la girafe elle aussi passait par là. Quand elle vit le petit hérisson en train de pleurer dans les branches de l'arbre à samba, elle eut pitié et lui en demanda la raison. Mais quand la raison lui fut expliquée et qu'elle eut vu le lion au pied de l'arbre, elle s'enfuit en criant « Eh bien, malheur à toi ! Grand grand malheur à toi petit hérisson ! »

Le buffle arriva et dit la même chose. Même le grand éléphant dit la même chose. Tout le monde dit la même chose. Tout le monde ? Non.
Le petit lièvre arriva sur son cheval, en fait, un grand coq qui galopait en chantant :
« La vérité, rien que la vérité et toujours la vérité ! »

Le petit lièvre vit le petit hérisson au sommet de l'arbre, qui pleurait, pleurait sans s'arrêter. Il lui demanda :
« Que t'arrive-t-il, petit hérisson ? »
Le petit hérisson lui chanta sa petite chanson :
« Tout à l'heure, le lion a dit que chacun devait se débrouiller comme il pouvait. Mais voici ce même lion qui vient me demander des fruits. Le fruit lui est tombé sur le museau, et il m'a dit : Malheur à toi ! Grand grand malheur à toi petit hérisson ! »

Le petit lièvre n'avait pas vu le lion au pied de l'arbre. Quand il le vit et que le lion le menaça de son regard, il lui cria :
« Va-t-en d'ici ! C'est toi même qui a dit que chacun devait se débrouiller comme il pouvait. Tu n'as pas le droit de venir menacer le petit hérisson ».

Le lion bondit pour attraper le petit lièvre. Mais celui-ci se sauva sur son cheval de coq vers le village. Le lion le poursuivit. Mais à l'entrée du village, il y avait, debout derrière un arbre, un homme qui tenait un long bâton. Quand le lion vit cet homme, il retourna dans la brousse. Le petit lièvre entra dans le village et devint le lapin.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Janvier 2014 à 19:51:27
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«La petite marguerite qui a vraiment eu du pot !»

C'était une petite marguerite
qui s'appelait Marguerite .

Elle était très timide .
Elle était aussi très jonquille ,
mais , étant très timide ,
elle perdait vite les pétales .

En plus , elle était malade .
Elle se rendit chez le Docteur Bouquet ,
Corolle Bouquet .

-Bonsoir Docteur !
-Bonsoir petite Marguerite !
-Alors que se pistil ?
-Tu as mauvaise étamine !

-J'ai fait des bêtises Docteur ,
et ça me cause des soucis !
-Vase ?
Je te demande chardon ...
Quel genre de bêtises ?
Je me suis myo -sottises !

-Ce n'est pas grave ,Marguerite , c'est de ton âge !
Toutes les petites fleurs font des sottises !

-Ce n'est pas tout Docteur ...!
-Ah bon ... ? ??
-Non , je suis tombée amoureuse de Fan Fan la tulipe
et ça me donne des végétations
puis , quand je mange ,
j'ai du mal à azalée ...
et j'ai les oreilles qui bourgeonnent .

-Ah ça , c'est plus grave dit le Docteur Bouquet ,
je vais devoir t'opérer .
Quelle heure est -il ?

Petite Marguerite répondit :
-Sécateur Docteur .
-Déjà ?
Opérons vite !

Hélas , l'opération rata .
Marguerite fut paralysée dans la fleur de l'âge
et resta planté là ,
comme un légume .

Elle alla porter plainte au commissariat , chez les flicus .
Mais personne ne voulait l'écouter .
On lui répondait sans cesse :
Mademoiselle , il faut accepter les conséquences :
cette opération a été réalisée à vos fleuristes et périls .

Marguerite était très malheureuse .
Elle tentat de mettre fin à ses jours en avalant du désherbant.

Il lui resta pourtant une dernière chance :
la greffe .
Ce fut le Docteur Trémière , Rose Trémière , qui réalisa l'opération .

Et cette dernière réussit parfaitement !
Marguerite était guérie
elle redevint pollen de vie .
Elle pu recommencer à jouer à cache -cache pot
et se maria .

Elle se maria avec Chris , Chris Anthème
qui était terreau .

Et comme Chris Anthème était Angrais
Elle devint Reine d'Angleterre :
« Reine Marguerite d'Angleterre »

Marguerite fut très heureuse
pour des siècles des siècles
et des cycles
amens .

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 30 Janvier 2014 à 17:00:47
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Camille la chenille et Blaise la punaise

Il était une fois, une chenille prénommée Camille qui était née avec des poils roses. Aucune autre chenille, au pays des insectes ne lui ressemblait. Elles étaient toutes vertes, marron ou parfois jaune. Mais rose! Personne n'avait jamais vu ça...

Le problème pour Camille, c'était qu'elle ne passait jamais inaperçue. Partout où elle allait, tout le monde la remarquait. C'était très difficile pour elle, elle aurait bien aimé ressembler aux autres chenilles et pouvoir être un peu tranquille.

Les autres insectes se moquaient souvent d'elle et ne voulaient pas l'approcher.
-Tu es vilaine, lui disaient-ils, on ne veut pas de toi avec nous.
Camille était toute triste et restait seule dans son coin.


Un jour, elle rencontra Blaise la punaise. Comme Camille, il avait été mis de côté par les autres insectes dès son plus jeune âge.
-Tu sens trop mauvais, lui disaient les autres, on ne veut pas de toi avec nous.
-Je suis une punaise et je suis né comme ça, se défendait Blaise, je n'y peux rien, c'est ma nature qui est ainsi.
Cela ne dérangeait pas Blaise d'être une punaise, il acceptait sa nature et assumait son odeur de punaise. Agacé d'être toujours traité par les autres insectes comme un être répugnant et d'être mis de côté, Blaise était devenu une punaise rebelle. Il avait donc décidé de se faire friser les cheveux pour accentuer encore plus sa différence, et, croyez moi, des punaises aux cheveux frisés, ça ne cours pas les rues au pays des insectes.

Lorsque Blaise rencontra Camille, il fut émerveillé:
-Comme tu es belle! s'exclama-t-il. Enfin je rencontre une insecte pas comme les autres! Comme je suis heureux...
Camille fut surprise par cette punaise étrange. Non seulement il venait lui parler, mais en plus il lui disait qu'elle était belle. Jamais personne, à part sa maman, ne lui avait jamais dit ça. D'habitude les autres insectes la trouvaient hideuse et c'était hors de question de venir lui parler. Blaise la regardait différemment et elle eut envie de découvrir qui il était. En plus, elle aimait bien sa coupe de cheveux. Peut être pourrait-elle se faire friser les poils, elle aussi?

Camille et Blaise apprirent à se connaître, ils avaient beaucoup de points communs et devinrent de très bons amis. Chacun était différent à sa manière, ensemble ils devinrent plus forts et apprirent à affronter le regard des autres sur leurs particularités.

Dans la société insecte, c'était très important d'être comme les autres. Il fallait s'habiller à la dernière mode insecte, posséder le dernier gadget insecte à la mode, regarder les émissions  insectes les plus populaires. Beaucoup de petits insectes faisaient des tas d'efforts, le regard qu'on portait sur eux était essentiel pour se sentir aimé et important.

Camille et Blaise n'avaient pas besoin de se donner toute ce mal, puisque quoi qu'ils fassent, ils étaient différents. Ils avaient inventé leur propre mode et leurs propres activités. Certains insectes les enviaient de cette liberté, mais ils n'osaient pas les approcher, ils avaient bien trop peur de leur différence.

Un jour, ils firent la connaissance de Roger, le scarabée jaune. C'était la coqueluche des autres insectes. Tout le monde l'admirait, avec sa couleur dorée et on se disputait sa compagnie. Il en avait assez, il voulait qu'on le laisse tranquille et avoir d'autres amis.

Il fut accueilli à bras ouverts par Camille et Blaise, heureux de faire sa connaissance. Il s'entendit très vite avec eux. Au moins, eux ne s'intéressaient pas à lui car il était le plus beau, mais juste parce qu'il était Roger. Pour lui c'était vraiment rare.

Emerveillé par ses nouveaux amis, Roger alla trouver les autres insectes.
-Camille et Blaise sont des insectes extraordinaires. Vous devriez les connaître, ce sont de merveilleux amis, leur dit-il.
Certains insectes suivirent Roger, pour lui faire plaisir, mais beaucoup restèrent de côté.
-Beurk! Se disaient ils, comment Roger peut être amis avec des insectes aussi moches et dégoûtants?

Les insectes qui avaient suivi Roger étaient un peu intimidés. Ils avaient peur de Camille et Blaise car ils n'étaient pas comme eux.
-Peut être qu'ils peuvent être méchants avec moi, se disaient certains.
Mais comme Roger avait tellement insisté qu'ils firent un effort et prirent la peine de discuter avec eux. A leur grande surprise, Camille et Blaise étaient de très agréables compagnons. Camille avait une douceur et une gentillesse hors du commun et Blaise un vrai sens de l'humour. Tous les deux étaient d'une générosité et d'une ouverture incroyable. Ils ne jugeaient pas les autres insectes, même s'ils les avaient mis de côté depuis des années. Ils étaient ravis de faire leur connaissance et les acceptaient tels qu'ils étaient.
 
Beaucoup des insectes devinrent leurs amis. Ils furent même soulagés, car, avec eux, ils n'avaient plus besoin de faire tant d'efforts pour être comme les autres et se faire accepter. Certains se firent même friser les cheveux, comme Blaise, car cela leur plaisait bien. D'autres essayèrent de se teindre les poils, pour être un peu comme Camille.

Finalement, même les insectes les plus distants firent la connaissance de Camille et Blaise. Certains se disaient même:
-Comme ils sont gentils tous les deux! Quel dommage de ne pas les avoir connus avant! C'était injuste de les avoir mis de côté sans les connaître.

Tous ensemble, ils avaient appris à ouvrir leur cœur et abandonner leurs peurs pour aller à la rencontre des autres. Ils avaient pu voir qu'il est important de découvrir et accepter la différence, même si ce n'est pas facile. Car derrière chaque insecte, même le plus bizarre, se cachait quelqu'un de chouette qui pouvait être un merveilleux ami.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 31 Janvier 2014 à 17:15:26
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La fourmi révolutionnaire

Il était une fois, une petite fourmi comme les autres petites fourmis, qui vivait dans une fourmilière semblable à plein d'autres fourmilières. Elle était ouvrière et chaque jour, œuvrait sans relâche pour rapporter à manger à la colonie de fourmis qu'elle occupait. C'était une fourmi courageuse, car, malgré le froid, le vent, la pluie, elle effectuait son travail sans se plaindre.

Pourtant, elle était souvent fatiguée, elle avait des courbatures de devoir porter ces lourdes charges, qu'elle ramenait à la fourmilière pour nourrir tous ses convives. Elle se serait bien reposée un peu. Alors, elle alla trouver la reine des fourmis pour lui demander une semaine de vacances.

-Comment? S'exclama la reine des fourmis. Des vacances? Vous n'y pensez pas! Comment pourrait-on nourrir toute la fourmilière si des fourmis se mettent à demander des vacances? Enfin, petite ouvrière, vous n'êtes pas raisonnable!
A ses côtés, se trouvait le premier ministre de la reine. C'était la fourmi la plus détestable et désagréable que la fourmilière ait jamais connu. La reine l'avait pris pour conseiller car c'était un beau parleur. Il la flattait toujours sur sa manière de gouverner le royaume des fourmis et la reine en raffolait...
-Vous avez raison votre sainteté, rétorqua le premier ministre. Il est temps de revoir notre politique. Travailler plus pour manger plus, voilà la meilleure attitude pour notre colonie. Nous l'appliquerons dès demain.

La petite fourmi, déçue de cette entrevue, rentra chez elle et raconta cette histoire à ses amies les fourmis.
- Chouette! On va pouvoir manger plus! s'écrièrent les fourmis.
Toute la fourmilière se mit à travailler sans relâche pour appliquer cette nouvelle mesure. Chacune d'entre  elle était ravie, elle pouvait manger à n'en plus finir. Nombreuses se  retrouvaient chaque soir pour festoyer et profiter de ces victuailles tant méritées.

Bientôt, la fatigue se fit sentir, mais l'appât de la nourriture fut le plus fort et elles continuèrent à œuvrer et œuvrer encore... La petite fourmi qui voulait tellement des vacances, avait de plus en plus de courbatures et était de plus en plus fatiguée. Alors, elle décida que c'en était trop! Elle fit sa valise et décida de partir hors de la fourmilière. Il en était assez de la vie de groupe et du labeur sans relâche, elle serait bien mieux ailleurs.

Hors de la fourmilière, elle sentit un vent de liberté lui donner des ailes et elle explora le monde, à la recherche d'un lieu où s'installer.

Elle finit par trouver un groupe d'insectes hippie qui s'était installé aux abords d'une poubelle.
-Bienvenue, lui dit un moustique pourvu de magnifiques rastas. Ici, il y a tout ce qu'il faut: à boire et à manger, il n'y a qu'à se servir dans la poubelle.
C'était royal pour la petite fourmi. Il y avait de la nourriture sur place et elle n'avait plus besoin de passer ses journées à la transporter jusqu'à la fourmilière. Quelle chance!

Elle passa son temps à faire du tourisme en compagnie de ses nouveaux amis. Elle se sentait vraiment heureuse. Il était si agréable de se reposer et de ne rien faire. Puis, elle se lassa un peu. Elle s'ennuyait sans ses copines de la fourmilière et elles lui manquaient. Alors, elle décida d'envoyer son ami le moustique aux rastas prendre de leurs nouvelles.

Il s'envola très vite et ne tarda pas à être de retour.
-C'est terrible!!! lui dit-il. Les fourmis de ta fourmilière sont en danger...
Il lui expliqua qu'à force de travailler plus pour manger plus, les fourmis avaient vraiment trop mangé. Du coup, elles étaient toutes devenues énormes et ne pouvaient plus sortir de la fourmilière. Certaines étaient coincées chez elles et ne pouvaient plus en sortir, d'autres n'avaient plus la force de soulever leur corps avec leurs pattes, car elles étaient devenues obèses. Si personne ne venait les aider, les fourmis allaient mourir de faim, car plus personne n'était là pour leur apporter à manger.

La fourmi était bien embêtée. Comment allait-elle nourrir toute une fourmilière à elle toute seule? Elle qui voulait des vacances, la voilà servie!

Elle demanda de l'aide à ses amis hippies, qui se tordirent de rire en entendant l'histoire de la fourmilière. Des fourmis obèses? Personne n'avait jamais vu ça!!! Ils firent appel à des amis vers de terre, qui seraient chargés d'aider les fourmis à agrandir leurs galeries pour être moins à l'étroit. Puis, ils contactèrent leur amie sauterelle, qui était prof de gym, pour les aider à se remettre en forme. Les mouches du groupe des hippies se mirent en quête de trouver de la nourriture. La mante religieuse,  militaire à la retraite, surveilla tout ça de près: régime et exercice pour tout le monde!!!

Les fourmis firent de nombreux efforts, faisaient leurs exercices tout les jours et mangeaient le repas frugal que la mante religieuse leur avait conseillé. Elles étaient courageuses et voulaient redevenir les fourmis sveltes et actives qu'elles étaient auparavant.

Après quelques temps de dur labeur, la fourmilière fut de nouveaux sur pied et le travail reprit. La petite fourmi réintégra la fourmilière, bien contente de retrouver ses amies. Le premier ministre décida alors, de changer de politique. Il leur proposa un nouveau slogan: travailler plus pour habiter plus. Ainsi, les fourmis vivraient dans un palace en guise de fourmilière.

C'en était trop pour la fourmi! Elle ne voulait plus travailler sans relâche comme elle l'avait fait auparavant. Avec ses copines fourmis, elle organisa une grève générale. Plus aucune fourmi ne travailla durant plusieurs jours. La reine dût l'accueillir en urgence pour écouter ses revendications.

Nul ne sait de quoi elles discutèrent, mais la reine décida de congédier le premier ministre et d'engager la fourmi révolutionnaire comme conseillère. Celle-ci organisa un planning de vacances sans faille pour toutes les fourmis. Elles partaient à tour de rôle et l'organisation n'en fut pas altérée.

Le groupe d'insectes hippies près de la poubelle monta la première agence de voyage pour fourmis et organisa des visites à travers le monde entier. Beaucoup d'autres fourmilières entendirent parler de ce système de vacances et suivirent la tendance. C'est ainsi que le monde fut peuplé de fourmis touristes, avides de farniente. Surveillez vos placards les amis. Peut-être apercevrez des fourmis touristes, avec leurs appareils photo?
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 01 Février 2014 à 15:05:09
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Un conte pour la Chandeleur

Depuis la fin de l'automne, les enfants-racine sont retournés dormir bien au chaud sous la terre. Le vent commençait à devenir trop froid, les bourrasques arrachaient leurs jolis vêtements colorés...

Mais dans leur grande chambre, entre les racines des arbres, Grand-Mère Terre les garde bien au chaud.

Durant tout l'hiver, elle a veillé sur eux, les regardant dormir paisiblement sous les feuilles chaudes tombées des arbres, pour reprendre des forces.

Mais aujourd'hui, c'est la Chandeleur ! Les enfants de la Terre se sont rassemblés, et ont allumé de belles et grandes bougies de cire d'abeille qu'ils ont confectionnées avec application. Et ces bougies rayonnent, et ces bougies réchauffent la terre !

Dans leur petit lit douillet sous la terre, les enfants-racine commencent à sentir une douche chaleur... Quelques-uns s'étirent, les autres se mettent à bailler... Puis ils ouvrent un oeil avant de le refermer quelques instants : qu'est-ce qu'ils étaient bien pendant ce long sommeil d'hiver ! Mais Grand-Mère Terre est là tout près d'eux, elle commence à leur chanter la jolie chanson du printemps. Alors les petits enfants-racine ouvrent tout grands leurs yeux, et se lèvent tout joyeux : le printemps est bientôt là ! Il faut qu'ils se préparent !

Grand-Mère Terre leur a préparé une bonne tisane bien chaude, et tous se regardent en souriant. Là-haut, les enfants de la Terre regardent leurs chandelles briller, et la terre se réchauffe peu à peu. Alors les enfants-racine se mettent au travail : c'est qu'il faut préparer leurs jolies robes pour la venue du printemps !

Grand-Mère Terre donne à chacun tout ce qu'il faut : des aiguilles, de toutes petites paires de ciseaux, du fil d'araignée bien solide, et de magnifiques tissus de couleur. Rouge pour Coquelicot, bleu pour Myosotis, jaune pour Bouton d'Or, rose pour Azalée et Camélia...

Tout se petit monde se met au travail avec ardeur ! Sous le regard bienveillant de Grand-Mère Terre, les enfants-racine vont coudre en riant et en chantant pendant de longs jours encore, jusqu'au début du printemps... Alors ils sortiront de leur demeure sous la terre, vêtus de leurs couleurs éclatantes, pour parer la nature de mille fleurs ! Et les enfants de la Terre seront là pour les accueillir et les admirer...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Février 2014 à 15:11:49
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Le souffle du vent

C'était il y a bien longtemps, à la nuit des temps, dans un monde encore paisible et serein, un monde où tout n'était qu'amour et enchantement.

Les saisons avaient été crées, le printemps débordant de mille fleurs, l'été lumineux avec son soleil brûlant, l'automne flamboyant de magiques couleurs...

Mais l'hiver traînait sa solitude et sa désolation, les fleurs disparaissaient, le soleil pâlissait et les couleurs magiques s'étaient évanouies à la dernière respiration de l'automne.

L'oeuvre de la nature demeurait inachevée...

Pourtant l'hiver ne désespérait pas de rencontrer lui aussi son double, son complément, qui lui donnerait toute son envergure et la grandeur dont - il avait tant besoin pour rivaliser de beauté auprès des autres saisons...

Un jour de très grand froid, devant la nature figée, l'hiver se demanda ce qu'il avait bien pu faire pour mériter une telle punition, le spectacle qu'il offrait n'était que chagrin et tourment !

Alors il se mit à pleurer, il pleura si fort, si désespérément, si sincèrement que son ami le vent en fût touché et souffla sur l'hiver une brise de tendresse.

De cette douceur, au contact des larmes de l'hiver, naquirent de minuscules flocons qui se mirent à rouler délicieusement sur ses joues.

Ces délicates perles de cristal tournoyaient, virevoltaient... caressant sur leur passage la nature d'un voile immaculé, puis se déposaient sur le sol pour former un somptueux parterre de beauté !

C'est alors que l'hiver si seul, si triste, compris qu'il avait enfin trouvé sa raison d'être... la neige serait à ses côtés pour l'éternité !

Le hasard est parfois bien curieux et imprévisible, sans son ami le vent, que serait-il advenu de l'hiver ?

Nul ne le saura jamais !

C'est ainsi que les saisons passent et changent au gré du temps, mais une chose ne changera jamais, c'est l'union de l'hiver et de la neige.

Sans l'hiver il n'y aurait pas de neige certes, mais sans la neige l'hiver n'existerait pas !

Cette magique alchimie qu'ils nous offrent est la combinaison d'une entente parfaite, née d'un souffle discret... le souffle du vent !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Février 2014 à 13:58:25
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Stop l'escargot à ressort:

Stop était un escargot particulier. Sa coquille était enroulée sur son dos, comme celle de ses congénères, sauf que la sienne n'était pas collée. Le colimaçon pouvait se détendre à la façon d'un ressort et faire s'envoler l'animal au-dessus des herbes.
Stop était né comme ça. Au début, il n'avait rien remarqué de spécial, car sa coquille restait sagement enroulée, sans bouger.
Mais un jour, sans qu'il ne sache pourquoi, un mécanisme se déclencha et le pauvre escargot se retrouva propulsé dans les airs, sans comprendre ce qui lui arrivait. Le ressort venait de se détendre, et de mettre sur orbite, l'animal tout déboussolé.
Stop avait bien essayé de voler en agitant ses deux antennes frénétiquement. Mais, sans succès... Le pauvre chuta et s'étala lourdement à l'atterrissage. Ouille ! Ca faisait mal ! Ceci fut la première chute de sa vie, qui malheureusement, ne resta pas isolée.
Stop connut de nombreux gadins, tous plus burlesques les uns que les autres. Comme celui où il finit ratatiné, plongeant la tête la première vers le sol, trop vite là. Ou encore, celle où il s'était rigidifié à tort, et où le bâtonnet qu'il était devenu, exécuta plusieurs roues.
Au fil du temps, il trouva une technique d'atterrissage, qui le ménagea un peu. Une fois en l'air, il se mettait en boule et tournoyait sur lui-même. Quand la terre ferme arrivait, il continuait à rouler quelque temps jusqu'à ce que sa vitesse ralentisse.
Là, enfin, sans trop de coups ni de bosses, il se dépliait et reprenait le cours de sa marche baveuse. Patiemment, il remettait en boule sa coquille ressort, en attendant de nouvelles aventures.
Un jour, le mécanisme se déclencha alors qu'il était en pleine conversation avec Maguie la sauterelle. Celle-ci lui disait :
-«Nous avons repéré un champ de maïs là-bas, plein Nord. Il paraît que celui-ci est croquant, bien jaune et très sucré, un vrai régal ! Juste à côté sont plantées des rangées de salades étonnamment vertes et feuillues. Veux-tu venir ? »
Juste à ce moment-là, il y eut un gros CHDOING ! Le ressort venait de se déployer et Stop eut juste le temps de dire un « Ouiiiiiiiii... ! » en partance vers le Sud.
Maguie, qui savait bien sauter, le suivit. Dans les airs, elle lui dit :
-«Mais où vas-tu comme ça ? Tu n'es pas dans la bonne direction ! »
-«Je sais, mais c'est ma coquille... Elle est très indisciplinée. Elle bondit tout à coup sans que je ne puisse rien faire... Faut maintenant que je me prépare pour l'atterrissage ! Vite, ma boule ! »
L'escargot se roula, la sauterelle toujours à sa suite. Revenus au sol sans encombre, ils poursuivirent :
-«Tu disais, des rangées de salades bien vertes... »
-«Oui, d'un vert qui brille la nuit... Et des feuilles d'une taille ! Du jamais vu ! Au moins trois fois plus grosses que celles d'une belle laitue ! Alors, tu viens ? »
Stop eut à peine le temps de rembobiner sa coquille que celle-ci se redéploya à nouveau. Mais que lui arrivait-il ? Deux fois coup sur coup, ça ne lui était jamais arrivé... Le mécanisme se serait-il déréglé ? Hop ! Reparti dans les airs ! Et voilà qu'à l'atterrissage, il rebondit et continua à voler. Chboing, chboing, ...chboing ! Stop exécuta une série de bonds, comme jamais il n'avait réalisé.
Tant et si bien qu'il finit même par semer la pauvre Maguie, pourtant spécialiste du saut, mais qui là, n'arrivait pas à le suivre. Tant pis pour lui, il ne connaîtrait jamais les champs de beau maïs et de salades extraordinaires.
Il arriva dans un lieu, où enfin son ressort le laissa tranquille. Ouf ! Il allait pouvoir se poser. Ces bonds ininterrompus lui avaient donné le tournis.
-«Où suis-je donc ? » demanda-t-il à qui voulait bien l'entendre.
-«Au pays du bio et du naturel... » lui répondit une voix cristalline.
-«Hein ? C'est-à-dire ? » questionna l'escargot.
-«C'est-à-dire qu'ici, tout ce qu'on mange est sain et pur. Pas comme ces produits transgéniques ou sulfatés qui se font au Nord. Ah, l'aspect est beau au premier regard, mais quand on les mange, les effets sont terribles... » continua la voix qui se fit plus caverneuse.
-«Ah bon ? Comment ça ? » interrogea Stop.
-«Hé bien, des choses se détraquent dans l'organisme : un lapin à trois oreilles, un oiseau à poils, un renard bleu... Autant de phénomènes curieux et non maîtrisés... » continua la voix.
-«Heu... Et un escargot avec une coquille en ressort, ça pourrait être à cause de ça... ? » questionna Stop
-«Oh oui, certainement ! Si ce n'est pas malheureux quand même... C'est pour cela qu'ici, nous tenons à la qualité naturelle de nos produits. Et regarde comme nous nous portons bien ! »
Stop découvrit alors les animaux qui l'entouraient : un magnifique lapin au poil luisant, des oiseaux au plumage étincelant... Et un escargot qui était en train de lui parler. La voix cristalline, c'était lui, ou plutôt elle, car c'était une fille. Comme elle était belle... Et sa coquille, d'un seul tenant, si gracieuse, si finement ciselée... Rien à voir avec son espèce de ressort.
-«Ne t'inquiète pas, on va t'arranger ça ! » dit celle-ci, « une coquille, ça se change, nous allons t'en donner une, saine de toute contamination. Elle est un peu rugueuse au toucher, mais devrait bien t'aller... »
Et voici comment Stop l'escargot découvrit tout à la fois l'origine de sa particularité, le plaisir d'être enfin tranquille au sol... Et l'amour, en la présence de la tendre Doucenature, la demoiselle escargot qui l'avait accueillie dans ce beau pays du bio.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 08 Février 2014 à 11:29:56
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La belle endormie


Le hameau se situait au creux d'un vallon et comptait seulement quelques foyers. Il y avait le sabotier qui vendait le fruit de son travail lors de la grande foire annuelle à une journée de marche de là. Il y avait aussi le vigneron qui élevait des abeilles et faisait l'instituteur à l'occasion.

Les enfants étaient peu nombreux et la préoccupation principale de leurs parents était la main-d'œuvre qu'ils représentaient.

Et puis il y avait Pascalou le berger, le pâtre, mais aussi le conteur. Aussitôt l'hiver passé il partait vers les hauteurs suivit de son troupeau et secondé par ses deux fidèles chiennes, Bergamote et Ficelle.

Là haut son refuge l'attendait c'est là qu'il passait plusieurs mois de l'année. Pendant les longs hivers, alors que ses moutons étaient bien au chaud pour la nuit, il passait de foyer en foyer et là il faisait le conteur. Sa réserve d'histoires mystérieuses, effrayantes ou cocasses semblait inépuisable. Certains soirs, il se bornait à parler des étoiles, des constellations, des planètes et aussi des plantes et des animaux  de la montagne.

Cette année là Pascalou était monté un peu plus tôt que d'habitude. Il avait retrouvé ses occupations quotidiennes. Le soir il aimait par dessus tout assister à la descente du soleil derrière la crête des montagnes. La nuit ne tardait pas à survenir après le spectacle.

Un de ces soirs, alors que le soleil amorçait sa descente il entendit un grondement qui annonçait l'imminence d'un orage. En montagne les orages surviennent très vite et ils peuvent être d'une rare violence. Le ciel prit une couleur étrange et envoûtante, les moutons se serraient les uns contre les autres, les chiens étaient inquiets.

Soudain, le berger aperçut là-bas une femme qui courait vers lui à perdre haleine, elle paraissait terrifiée. Pascalou se porta à sa rencontre et elle tomba dans ses bras. Un coup de tonnerre ébranla la montagne et un éclair déchira le ciel. Lorsqu'ils furent à l'abri, il la fit asseoir et fut subjugué par sa beauté. Comme dans les contes de fées, la jeune femme portait de très longs cheveux et ses yeux étaient les plus beaux qu'il eu jamais vu.

Lorsqu'elle lui parut apaisée il lui demanda qui elle était et la raison de sa terreur.

-Mon nom est Arialle et je suis l'esprit de ces montagnes.
-Pourquoi donc as-tu si peur ?

-L'esprit de l'orage veut m'anéantir parce que je lui refuse ma main. C'est un être violent et je ne l'aime pas.

La nuit passa et à l'aube Arialle s'en alla.

Le berger pensa à elle toute la journée ; il craignait de ne plus la revoir. Comme chaque soir, il s'installa pour contempler le coucher du soleil et à l'instant où le disque d'or s'apprêtait à glisser derrière la cime des montagnes, la belle apparut, encore plus jolie que la veille. Il se leva et lorsqu'elle se jeta dans ses bras ce ne fut pas par crainte d'un orage. Ils passèrent la nuit ensemble, puis la nuit suivante et toutes les nuits après.

La saison passa trop rapidement et le moment de redescendre dans la vallée fut bien vite arrivé. Le dernier jour, bien que la température soit devenue plus fraîche, le soleil brillait de tous ses rayons. Pascalou et ses deux chiennes réunirent le troupeau.  Arialle l'avait quitté douloureusement avant que le jour se lève.

Il prit son long bâton en main et donna le signal du départ lorsqu'il entendit sa bien aimée l'appeler. Il se retourna vivement et l'aperçut qui courait vers lui sa belle chevelure au vent. Posant son bâton pour la rejoindre, il entendit un terrible grondement et vit le ciel si clair s'obscurcir. D'un nuage gris acier jaillit un homme vêtu de noir dont les yeux lançaient des flammes. Avant que les deux amants aient eu le temps de se rejoindre, l'individu s'approcha d'Arialle et de sa poitrine sortit un éclair qui transperça la jeune femme et la terrassa. L'homme disparut aussi soudainement qu'il était apparu. Pascalou hurla sa douleur et se précipita sur le corps de sa bien aimée.

Dans le hameau les gens scrutaient le chemin par lequel tous les automnes le berger et son troupeau rejoignaient la bergerie. Les premiers flocons commencèrent à tomber mais Pascalou ne réapparaissait pas. Il était trop tard pour aller à sa rencontre, les chemins étant devenus impraticables. Personne ne comprenait ce qui avait pu se passer d'autant plus que quelques jours avant que le moment de rentrer ne soit arrivé, Bastien un enfant du village, était venu lui rendre visite et tout semblait bien aller.

Bastien était un orphelin qui vivotait en se louant chez l'un ou chez l'autre. Il était très attaché à Pascalou qui l'avait pris en affection et lui avait enseigné bien plus de choses que n'avait pu le faire l'instituteur du hameau.

Les beaux jours revenus, Bastien n'y tenant plus, partit un matin son baluchon sur le dos pour retrouver son ami. Lorsqu'il arriva, l'endroit était désert. Point de Pascalou. Mettant ses mains en porte-voix, il cria le nom des deux chiennes, mais n'obtint pas de réponse. Il porta ses pas jusqu'au bord du précipice si dangereux et ne vit rien au fond de celui-ci. La journée était proche de sa fin et il décida de passer la nuit sur place.

Le soleil commençait à disparaître derrière la cime des montagnes là-bas lorsque Bastien se frotta les yeux devant ce qu'il vit. La cime des montagnes avait pris la forme d'une silhouette de femme allongée et endormie. Bastien s'était figé, il n'osait pas détourner son regard de peur de voir disparaître cette apparition. Dans le ciel dégagé survint un groupe de plusieurs nuages nimbés de couleurs lumineuses. Quelques-uns de ces nuages se rapprochèrent les uns des autres pour finir par former un corps d'homme dont le visage très net était  familier à l'enfant. L'homme nuages vint doucement s'allonger près de la femme montagne et ils s'enlacèrent. Bastien partit se coucher quand la nuit fut totalement tombée sur la montagne. Au petit matin, il fut réveillé en sursaut par des jappements. Quelqu'un grattait à la porte. Il se leva précipitamment pour ouvrir et fut assailli par deux chiens débordant de joie et de bonne humeur.

-Bergamote ! Ficelle !

Les deux chiennes de Pascalou venaient de rejoindre Bastien. Si les chiennes sont là, se dit Bastien c'est que leur maître et le troupeau ne sont pas loin. De fait, les chiennes l'entraînèrent derrière la cabane où le troupeau paissait paisiblement. Pourtant, de Pascalou, point ! Pendant toute la saison, l'enfant s'occupa avec toute la science nécessaire du troupeau du berger aidé en cela par Bergamote et Ficelle. Chaque soir au coucher du soleil le même fascinant spectacle se reproduisait. L'homme nuages rejoignait la belle endormie.

Le dernier jour, avant de redescendre avec le troupeau, alors que Bastien regardait les nuages se rassembler pour devenir un homme, il vit celui-ci se diriger vers lui en lui tendant la main. Quand il fut tout prés, Bastien ne pu retenir des larmes d'émotion. Pascalou s'assit près de lui et lui raconta toute son histoire. C'est ainsi qu'il apprit, surpris et émerveillé que le berger qui l'avait accompagné pendant toute son enfance était en réalité l'Esprit des nuages. Sa bien aimée qu'il rejoignait chaque soir était l'Esprit des montagnes. L'Esprit de l'orage croyait l'avoir tuée mais il se trompait car chaque fois que la nuit avait étendu son long manteau sur la montagne elle se réveillait et partait avec son amant dans une contrée bien cachée.

-Bastien, je te donne mon troupeau et mes deux amies, Bergamote et Ficelle. Je sais que tu en prendras toujours soin. Je ne serai jamais loin de toi. Dorénavant c'est toi qui seras le berger et le conteur du hameau. Tu connais mes histoires car je t'en ai raconté bien plus à toi qu'aux autres. Tu pourras raconter ma véritable histoire, je te la donne.

Cet hiver-là, Bastien dû raconter des fois et des fois encore l'histoire véridique de la belle endormie. Lorsque que la neige tomba sur ses cheveux, le vieux Bastien racontait toujours la même histoire mais les gens ne savaient plus s'il s'agissait d'une histoire vraie ou d'une légende.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Février 2014 à 15:33:47
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Les melons de Coucourdan

Vous n'auriez pas trouvé, dans toute la riche contrée de Cavaillon, où les melons sont si justement célèbres, ni en nulle autre contrée au monde, une plus belle melonnière et, partant, de plus beaux melons, que celle de Coucourdan.
Mais aussi, où eussiez-vous trouvé un jardinier plus soigneux pour ses melons que Coucourdan lui-même ?
On eût dit, en vérité, que ces honnêtes cucurbitacées étaient conscientes des soins passionnés que le bonhomme leur prodiguait et qu'elles s'efforçaient de croître en arôme et en miel pour lui témoigner leur reconnaissance de sa culture, que dis-je ? De son culte fervent ! Aussi Courcourdan vendait-il ses melons tant et tel prix qu'il voulait.
Vous n'allez pas croire que c'était seulement pour la vente que Coucourdan apportait tout d'ardeur au développement de ces fruits, ah ! que non pas !
Coucourdan, que voulez-vous était gourmand, et surtout de melons ; voilà pourquoi, ne les trouvant jamais assez savoureux, assez sucrés, il améliorait sans cesse les produits de son jardin.
Par un des premiers soirs de l'été dernier, Coucourdan, dans sa melonnière, contemplait d'un oeil paterne ses melons, dont un été précoce et sec semblait vouloir hâter la maturité.
La journée avait été torride et les melons, étalés dans le terrain meuble, exhalaient déjà une bonne odeur capiteuse et musquée. Les narines du bonhomme se dilatèrent et humèrent avec volupté cet arôme exquis.

"Ah ! ah ! se disait Coucourdan avec une joie gourmande, nous allons pouvoir nous régaler de bonne heure cette année !"
Avisant deux melons énormes et dorés, à l'écorce rebondie et craquelée de fines arabesques, sa main experte sonda leurs flancs encore chauds du soleil de juillet.
"C'est pour demain ! fit-il allègrement. M. le juge paix m'en a déjà offert cent sous des deux ; mais serait-il juste que mes premiers melons fussent pour d'autres que Coucourdan. Hé ! je me moque bien de ton écu, juge !"
Et déjà il se pourléchait à l'idée du festin qu'il s'en promettait.
Or, le lendemain matin, jugez de la stupéfaction de Coucourdan, lorsque, s'étant rendu à sa melonnière, il s'aperçut que ses deux melons caressés et convoités la veille avaient disparu !
"Ah ! pour celle-ci, en voilà une qui compte ! grogna-t-il. Ces satanés rats ! Oh les gourmands ! oh les gueux !"
Mais, après examen, il dut convenir que les rongeurs incriminés n'étaient pour rien dans le méfait, car ces animaux, qui ne peuvent pourtant emporter dans leur trou des melons de quatre et six livres et plus, mangent ce fruit sur la plante ; or, l'exament révéla clairement à Coucourdan que ses deux pauvres melons avaient été bel et bien coupés, non sans adresse même. De plus, les écorces éparses dénotaient : premièrement, que le coupable n'appartenait pas au genre animal ; deuxièmement, que c'était bel et bien un être humain ; et, troisièmement, que cet être humain avait impudemment dévoré ses victimes sur place, en toute quiétude.
Coucourdan songea aux voisins ; mais, c'étaient tous d'honnêtes gens et fort à l'aise ; quelque passant, peut-être ?... Mais son jardin était enclos ! Enfin, à bout de suppositions et de conjectures, le bonhomme se gratta la tête et, de là, porta tout naturellement ses mains sur un gros melon qu'il venait de voir, tout roux, et juste à point pour le lendemain. Cela parut le consoler, et il renvoya son festin au jour suivant.
Ah ! ouitche. Le lendemain, Coucourdan, accouru dès l'aube à ses melons, vit, avec une surprise doublée de fureur, que le pillard nocturne avait encore visité sa melonnière !
Dans une rage extrême, le malheureux jurait, pestait, menaçait !
Ah ! si son voleur se fût trouvé là, qu'en eût-il fait, grand Dieu ! qu'en eût-il fait ?
Enfin, en parcourant son verger, soigneusement abrité des atteintes du mistral par de hautes et sombres haies de cyprès, Coucourdan constata que ses melons mûrissaient à l'envi. Ca et là, il sarclait, émondait, échenillait à mesure avec soin, tout en murmurant de sourdes imprécations.
"Et tout cela, grommelait-il, tant de peines, de soins pour qu'un filou, un... assassin !vienne me manger mes melons ? Nous verrons bien !
Pris d'une soudaine résolution, le bonhomme rentra, détacha d'un clou, où il rouillait, un vieux fusil qu'il frotta, récura, chargea. Puis, la nuit venue, il s'embusqua derrière une haie de son verger et, déterminé à tout, l'oeil et l'oreille au guet, il attendit.
Il attendit longtemps, bouillant d'impatience de châtier le coupable, frémissant au plus faible murmure, à la moindre bise... rien !
Les crapauds et les grillons en leur langage se disaient "Que fait-il, le grand Coucourdan, dans l'herbe jusqu'au menton ?"
Les escargots écarquillaient dans sa direction leurs longues cornes et les belles-de-nuit du jardin disaient aux papillons nocturnes : "Allez donc voir ce que fait Coucourdan, là bas, derrière la haie, et revenez nous le dire."
Et Coucourdan guettait, le point ferme sur son fusil, l'oeil aux aguets, les dents serrées.
Enfin le jour parut, sans que rien d'anormal fût venu davantage troubler la quiétude de l'aube, qui ouvrit sur Coucourdan ses yeux candides.
Néanmoins notre homme passa encore la nuit suivante à l'affût et, comme il ne vit pas non plus le moindre maraudeur, il pensa que son voleur s'était enfin lassé ; lassé lui-même de monter la garde au lieu de dormir, il occupa son lit la nuit qui suivit.
Mais voilà que le lendemain matin  - n'était-ce pas vraiment infernal ! - Coucourdan qui avait, au saut du lit, couru à ses melons, constata avec une douleur exaspérée que le maraudeur avait repris ses incursions dans sa melonnière. Il était encore volé !
"Monstre de coquin de sort !" gémit le pauvre Coucourdan.
Après s'être beaucoup lamenté et gratté la tête, le bonhomme parut soudain saisi d'une lumineuse inspiration.
Il alla fureter dans le hangar où il serrait ses outils et en ressortit bientôt, tenant triomphalement deux énormes pièges à blaireaux.
"Ah , ah ! disait-il, cette fois, je le tiens, le voleur, je le tiens !"

Coucourdan plaça, bien dissimulés sous les larges feuilles rampantes, les deux pièges de chaque côté du melon le plus beau et le mieux à point, après quoi il se frotta joyeusement les mains d'un air vainqueur.
Le soir, Coucourdan s'endormit tranquille, persuadé qu'il tenait enfin son voleur.
Il le tenait, en effet !...
... Minuit sonne lentement et gravement au village. Tout dort dans la ferme. Au dehors, sous la clarté bleue de la lune, une ombre furtive, rasant les haies, se glisse, d'un pas dénotant la connaissance parfaite des lieux vers la melonnière de Coucourdan.
Les crapauds et les grillons se taisent, interdits ; les escargots braquent leurs yeux vers l'intru, et les belles-de-nuit haussent leurs têtes curieuses pardessus la barrière de roseaux qui les enclot et disent aux papillons : "Encore lui ?"
Arrivée parmi les melons, l'ombre, sans hésiter, se penche, cherche, tâte, puis arrache ardiment le plus beau de tous.
Soudain, l'ombre pousse un cri, un horrible cri de détresse qui déchire le silence nocturne ; le maraudeur avait mis le pied sur un des pièges, il était pris !
La lune, qui s'était cachée comme pour se voiler la face devant le forfait, s'échappant alors de son nuage, éclaira la figure épouvantée de... de Coucourdan ! Coucourdan lui-même ! Son melon en mains, et la mine ahurie ! C'était lui son propre voleur !
Mais comment ? Eh, parbleu ! Coucourdan était... somnambule, et, préoccupé tout le jour, cette année plus que jamais, par ses melons, troublé jusqu'en ses rêves par la gourmandise, le bonhomme se levait la nuit et, tout endormi, il se rendait à sa melonnière pour manger ses melons.
Lorsque, complètement réveillé par la douleur, et après s'être copieusement gratté la tête... et aussi la jambe où le contact du piège se faisait sentir, Coucourdan put rassembler ses idées et comprendre son cas, il partit d'un franc rire.
Alors, s'étant débarrassé de sa douloureuse entrave, Coucourdan retourna à son lit, non sans avoir, par compensation, dévoré le délicieux melon cueilli dans cette étrange aventure.
Seulement, pour ne plus courir le risque de s'enrhumer dans ses sorties noctures, Coucourdan, à dater de cette nuit mémorable, cueillit chaque soir son melon le plus beau et le plus parfumé et le plaçait près de son lit, avant de se coucher.
Et, naturellement, au matin de chaque lendemain, il n'en restait plus que les graines et l'écorce.
Ah ! ce sont de fameux melons que les melons de Coucourdan !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Février 2014 à 16:35:59
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La Rose

La branche d'héliotrope qui devait orner la belle tapisserie ne grandissait pas sensiblement ; grand'mère était un peu paresseuse ce jour-là, et le petit chat noir assis devant elle s'en était sûrement aperçu, car le regard malicieux de ses yeux verts, émeraudes enchâssées dans du jais, ne quittait pas la mains souvent immobile de la travailleuse.
- Il  est quatre heures, dit, celle-ci en se levant, je ne travaille plus.
Elle roula soigneusement son ouvrage tandis que le minois du chat exprimait parfaitement cette idée : "La tapisserie avancera tout autant."
L'aïeule s'approcha alors d'une de ces commodes antiques, dont les tiroirs ventrus laissent échapper lorsqu'on les ouvre une légère odeur de rose et sont de vraies mines à trésors surprenants, pour les petits enfants admis à y puiser. N'étant parvenue à ouvrir un de ces énormes tiroirs qu'avec beaucoup de difficultés, grand'mère l'enleva pour découvrir l'obstacle. Au fond du meuble, sa main rencontra un petit livre un peu froissé dont les pages jaunies, la couverture pâlie attestaient le grand âge.
Dès qu'elle eut tourné les premiers feuillets, elle tressaillit songeuse tourna les yeux vers le portrait de grand-père. Le sourire bienveillant du vieillard, si beau encore sous ses cheveux blancs, semblait répondre à ses propres pensées et longtemps elle s'attarda dans cette douce contemplation.
Ensuite elle lut avec un intérêt incompréhensible pour Minet, qui trouvait ce vieux livre bien moins beau que ceux de la bibliothèque, les aventures de la Belle au Bois dormant, celles de Peau d'Âne et tous les autres contes qui avaient charmé son enfance.
Mais le jour baissait lentement et elle allait fermer le livre quand elle trouva entre deux pages une fleur fanée, séchée depuis de longues années.
- Que je suis heureuse, dit-elle doucement, la voilà cette rose que j'ai tant cherchée, un des plus précieux souvenirs de lui.
Grand'mère alors ferma les yeux pour mieux penser et tout à coup il lui sembla qu'on parlait près d'elle. La voix fine et claire qui troublait le silence de la chambre venait de la pauvre fleur flétrie.
- Je suis bien laide, n'est-ce-pas maintenant ? disait la rose. Te souviens-tu de ma beauté qui a passé, comme la tienne du reste, ma chère Claire, mais beaucoup plus vite ? Tu es grand'mère et dans toute ta longue vie j'ai tenu une petite place. Veux-tu savoir mon histoire ? Je naquis dans le jardin où tu t'es promenée tant de fois et où tes petits enfants jouent aujourd'hui. J'étais belle alors (je puis le dire sans orgueil, je suis si vieille), mes pétales rosés s'entr'ouvraient avec grâce, retenus par un mignon corset vert, une tremblotante perle de rosée étincelait sur mon sein, ma tige gracile n'avait que de petites épines brunes qui faisaient ressortir ma fraîcheur, trois feuilles d'un vert sombre délicatement découpées me protégeaient.
"Je n'avais jamais vu le jardinier ; et l'arrivée d'un jeune homme dans la grande allée m'étonna beaucoup, mais des fleurs presque fanées et très instruites m'apprirent que c'était M. Georges, le neveu du propriétaire.
"M. Georges s'approcha de moi, me regarda attentivement, puis d'un coup sec me sépara du rosier en disant joyeusement :
"- Je n'ai jamais vu cette espèce de rose, il n'y en a du reste qu'une, elle fera très bien dans mon herbier ; puis il m'emporta.
"A peine née je quittais le beau jardin où j'aurais tant aimé à vivre, et à ma douleur venait encore s'ajouter la crainte, car sûrement je courais un grand danger. J'ignorais ce que c'était un herbier, mais les roses mes voisines, tout en se cachant affolées sous les feuilles, pour ne pas partager mon sort, m'avaient crié que c'était le plus effroyable instrument de supplice, que mon ravisseur, jeune savant comme je le sus plus tard, avait déjà été le bourreau de fleurs nombreuses dont on avait connu les souffrances grâce aux racontars d'un moineau qui avait volé sur les fenêtres du terrible M. Georges.
"Au bout de quelques instants je sentis un certain bien-être, on venait de me placer dans vase de cristal plein d'eau fraîche. J'étais sur une table couverte de livres dans une chambre simplement meublée. Le jeune homme lisait et paraissait m'avoir oubliée ; je commençais à me rassurer quand on frappa à la porte.
" - Entrez ! cria-t-il avec un peu de mauvaise humeur.
"Une domestique pénétra dans la chambre.
" - C'est vous, Marie, que désirez-vous ?
" - Monsieur Georges, n'est-ce pas vous qui avez cueilli une rose presque blanche dans la grande allée ? Celle-ci, tenez, ajouta la femme à cette demande un peu brusque et en me désigant.
" - Puisqu'elle est ici, ce ne peut être que moi ; quel inconvénient voyez-vous à ce que je cueille les fleurs qui me plaisent ?
" - Aucun, monsieur, mais Mlle Claire l'avait vue et désirait la mettre dans ses cheveux pour le bal de ce soir. Elle m'envoie vous la demander.
" - Je ne puis la lui donner, cette fleur est rare, je tiens à la conserver, ma cousine en prendra une autre.
" - Mais, monsieur, toutes les autres sont rouges, et comme mademoiselle est blonde elle ne peut les mettre.
" - Elle est si jolie qur tout doit être bien sur elle ; du reste elle peut choisir une autre fleur qu'une rose.
" - Mais, monsieur...
" - C'est assez discuté pour une telle babiole, je ne cherche pas à contrarier Claire, mais je ne peux sacrifier une rose que je ne connais pas, pour un caprice. Expliquez-lui que c'est impossible.
"La femme de chambre sortit en murmurant.
"Alors, perdant tout espoir d'échapper à l'herbier, je détestai celui qui tuait les roses et faisait pleurer les jeunes filles, car certainement cette jolie cousine Claire (il avait dit qu'elle était jolie) allait beaucoup pleurer.
"Je dois avouer aujourd'hui en toute sincérité, que la douleur de Claire me touchait, que j'étais tout simplement triste et irritée de rester dans cette chambre silencieuse, d'y mourir pour le plaisir d'un savant, quand j'aurais pu me faire admirer sur la tête d'une belle danseuse.
"Je passai une nuit pleine d'angoisse, craignant à tout instant de me sentir arracher un à un mes pétales si délicieusement rosés.
"Le jour vint enfin, M. Georges se remit à travailler. Quel ne fut pas mon étonnement en voyant la femme de chambre si mal accueillie la veille entrer précipitamment sans frapper.
" - Monsieur, dit-elle vivement, venez, mademoiselle est malade, elle a sans doute eu froid en entrant hier et depuis elle a la fièvre.
"Georges pâlit et sortit immédiatement en posant à la domestique de nombreuses questions sur l'état de la malade et j'en conclus qu'il était moins mauvais que je l'avais supposé.
"Quand il revint, il paraissait préoccupé.
" - La rose, la rose, dit-il tout haut, pourquoi répète-t-elle toujours ces mots dans son délire ?
"Puis après un moment de réflexion :
" - J'avais oublié ce détail. Pauvre enfant, elle a dû être bien contrariée, j'ai été souverainement rididcule ; jamais elle ne m'aurait rien refusé aussi brutalement. Mais cette rose est peut-être fanée.
"Non, je n'étais pas fanée, mais plus ouverte encore que la veille, je lui parus plus belle encore. Il me prit et m'emporta. Comme j'étais heureuse d'échapper à l'herbier et de faire plaisir à la pauvre Claire ; puis, comme toutes les jeunes roses, j'étais très curieuse et désirais vivement la voir.
"Elle me sembla bien plus jolie que je ne l'avais espéré, la cousine de M. Georges, et je compris combien une fleur devait être fière d'orner ses beaux cheveux blonds.
" - Clairette, dit le jeune homme en souriant, la voici cette rose, voulez-vous me pardonner ma sottise ?
" - Je vous pardonne, méchant, mais avez-vous réellement l'héroïsme de sacrifier les intérêts de la science à un caprice ?
" - J'arriverai certainement à trouver une autre rose semblable, et si je n'y parviens pas ce sera la juste punition d'avoir fait pleurer vos beaux yeux.
" - J'accepte alors et je vous remercie.
"Claire guérit rapidement et me mit dans le petit livre de contes où le cousin Georges lui avait appris à lire, lorsque je fus un peu fanée. Je m'y desséchai, heureuse d'avoir contribué à faire plaisir à une créature aussi bonne que la jeune fille pour qui je n'ai cessé d'être un précieux souvenir.
"Les années passèrent, Claire, devenue la femme du cousin Georges, me regarda souvent en souriant. Un jour des larmes tombèrent sur moi tandis que je tremblais dans ses mains blanches, le compagnon de toute sa vie, ce savant à qui j'avais donné mon estime après en avoir été tant effrayée, venait de mourir. Puis les visages roses des petits-enfants rappelèrent à l'aïeule le visage souriant du cher disparu, et de nouveau elle me revit ave joie.
"Un domestique maladroit me fit tomber derrière ce meuble et c'est par pur hasard que..."

A ce moment grand'mère, la jolie Claire de l'histoire racontée par la rose, s'éveilla. On avait apporté la lampe et le portrait du grand-père, vivement éclairé, avait toujours son doux sourire, il avait sans doute entendu ; frêle souvenir du passé, la rose semblait sur le livre fané un papillon endormi. Grand'mère allait reprendre ses réflexions, mais des cris joyeux se firent entendre dans l'antichambre, la porte s'ouvrit violemment, deux blondes fillettes et un bambin aux cheveux bruns rebelles, tombèrent dans les bras de l'aïeule qui crus sentir s'effeuiller sur elle un bouquet de roses, fraîches comme celle offerte jadis à la mignonne Clairette.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Février 2014 à 17:08:22
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Le moustique amoureux de la lune

Il était une fois un moustique du gentil nom de Syllabus qui décida de quitter sa communauté moustiquaire pour atteindre la Lune. Cela faisait longtemps qu'il en parlait à tous ses proches, et ceux-ci lui bzzzaient au nez. Tous les soirs, avant d'aller piquer les humains, il regardait mélancoliquement le bel astre, qui, croyait-il, lui faisait un signe amical et l'invitait à le rejoindre. Un soir, il n'y tint plus, et profitant d'une excursion nutritive avec ses compères, il leur faussa compagnie.
Il enfourcha sa moto volante qu'il réparait depuis plusieurs mois et s'élança droit vers le ciel, vers sa secrète amie de toujours, vers son idéal féminin s'il en est, j'ai nommé : la Lune.

«Petit moustique, qui gratte, qui pique,
Qui vous chatouille et vous irrite,
Si tu ne veux que je te mastique,
Dis-moi donc : où cours-tu si vite ? »

Un mystérieux garçon, aux cheveux blonds et au regard bleu limpide, debout sur une minuscule planète, considérait notre héros avec des yeux ronds. Je vous le donne en mille, c'était le Petit Prince ! Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas été dérangé après toutes les aventures qu'il avait vécues ! De son cœur de prince, il invita notre pauvre Syllabus à se reposer un peu sous son toit. Ils passèrent ainsi quelques mois heureux, le Prince enseignant au moustique la botanique, sa connaissance des étoiles, et surtout, à rêver. Un matin, cependant, Syllabus alla voir son ami tout bouleversé : « Prince, tu m'as dit qu'il fallait croire au merveilleux et à ses rêves, que le réel et l'irréel n'étaient des choses séparées que pour les grandes personnes et ceux qui ne savent pas regarder. Je suis bien chez toi, mais dans mon lit d'étoiles et de fils dorés, je pense tous les soirs à ma douce Lune, et malgré moi, des larmes roulent sur mes joues sèches. Laisse-moi repartir »
Un moustique qui pleurait ! C'était bien la première fois que le Petit Prince voyait cela ! La planète était trop petite pour eux deux de toute façon. Le Petit Prince quitta son ami, non sans lui avoir offert un voile merveilleux qui permettait à celui qui le mettait sur ses yeux de voir ses rêves et le monde se confondre en une seule chose. « Au moins, tu passeras de bonnes nuits ! Tant que ton rêve ne sera pas réalisé, ce voile te donnera des visions merveilleuses. Il disparaîtra quand tu auras trouvé ton bonheur. Pars, pars, va voir mes amies Ourses, peut-être pourront-elles t'aider dans ta laborieuse quête ! Car ton amie la Lune n'est pas facile à approcher, mais je vois bien que tu ne seras en paix que quand tu lui auras ne serait-ce que parlé. »

«Petit moustique, qui gratte, qui pique,
Qui t'a donné ce voile magique ?
Si tu ne veux que je te mastique,
Dis-moi donc : où cours-tu si vite ? »

D'une voix grave et bourrue, la Grande Ourse toisait notre Syllabus d'un air méfiant. Les moustiques, comme le lui rapportaient ses amis ours terrestres, venaient déranger dans leur sommeil les animaux, faisaient pleurer les oursons, bref, elle n'en avait pas une très haute estime. Elle écouta son histoire, et, hargneuse, lui répondit : « Tu es jeune, tu rêves ! Moi, cela fait bien longtemps que je ne rêve plus ! Je t'aiderai si tu arrives à me faire rêver ».
Notre Syllabus sortit alors le voile que lui avait offert son ami, en couvrit les yeux de l'ourse grognarde... « Merveilleux ! s'écria-t-elle, je vois des sapins, des bouleaux, des chênes, tous les arbres que j'ai toujours voulu voir sur Terre ! Une dizaine d'oursons gambadent autour de moi en riant, je mange du bon miel, je me roule dans l'herbe fraîche ! Mais, qui vient ici me parler ? Le grand ours de la forêt ! Que dit-il ? " Ma fille, tu scintilles dans le ciel, tu permets aux touaregs de se repérer, aux marins perdus de reprendre espoir, tu remplis de joie le cœur des enfants et des adultes. Toute la communauté ourse terrestre prie en te regardant tous les soirs. Ne sois donc pas mélancolique et envieuse, mais fière de ce que tu symbolises " » D'un seul coup, la forêt, le miel, les oursons, le grand ours disparurent, et Syllabus eut en face de lui une ourse aux étoiles mouillées de larmes. « Merci, petit moustique. Grâce à toi, je sais maintenant ce que je vaux et combien ma place est importante. Ma compagne la Petite Ourse n'en sait pas plus que moi pour ce qui est de ton rêve, mais je veux t'aider : prends ce pot de miel céleste pour apaiser toutes les blessures et ce rayon de lumière qui t'aidera dans ton expédition. Bonne route. Va voir l'étoile du Berger, c'est un guide sûr ». Après l'avoir serré tendrement dans ses étoiles, la Grande Ourse regarda notre Syllabus s'envoler avec une larme au coin de sa casserole.

«Petit moustique, qui gratte, qui pique,
Tu brilles d'une lumière fantastique...
Je t'aiderai si tu m'expliques,
Dis-moi donc : où cours-tu si vite ? »

Un bâton à la main, debout sur son étoile, le berger de tous les bergers fixait notre moustique d'un air interrogateur et doux. Syllabus se sentit tout de suite à l'aise. Ce berger, sage et bon, connaissait tous les êtres vivants sur la Terre, et prit soin du moustique comme de son propre mouton. « Tu es bien fatigué. Reprends des forces. Si tu veux plaire à ta Lune, tu dois apprendre à t'occuper des êtres qui t'entourent. Vois ce mouton : il est fragile, chétif, il faut le nourrir, le laver, le caresser, et surtout, l'aimer. » Imaginez-vous ? Un moustique qui a appris à piquer, à sucer le sang de tout animal qu'il voyait passer devant lui, qui ne pensait qu'à la satisfaction de sa propre faim, utilisant le corps des autres sans ménagement, se mettre à caresser des moutons ? Cela vous semble peut-être incroyable, mais rien n'est impossible à qui a du cœur. Timidement, de sa petite patte velue, Syllabus caressa la laine bouclée de l'agneau qui arrêta de bêler. Le berger lui confia alors son souci : ce mouton avait une patte malade, il ne pouvait plus marcher. Lui qui naguère bêlait de toute son âme, ne disait plus un mot, et restait couché tout le jour sur un nuage. Syllabus, mû par une inspiration soudaine, sortit alors le miel offert par les Ourses, et l'appliqua doucement, tendrement, sur le membre souffrant. Miracle ! L'agneau se leva, et, tout joyeux, courut rejoindre ses amis en bondissant. Syllabus était tout ému, et des larmes lui roulaient sur les joues.
«C'est la joie de faire du bien à son prochain », lui dit gentiment le berger. « Maintenant, apprends à les calmer en chantant ». Syllabus, suivant son maître, se pencha à l'oreille d'un mouton et siffla doucement. Croyez-moi ou non, le sifflement qui nous dérange la nuit a d'abord été une jolie berceuse ! Tous les autres moustiques empruntèrent ce tic à notre Syllabus, et en firent mauvais usage...
Il passa ainsi plusieurs mois sur l'étoile du Berger. Il ne savait toujours pas quelle direction prendre, mais son cœur était en paix. Un matin, cependant, le berger vint le voir et lui parla en ces termes : « Mon cher ami, ta présence à mes côtés me fait du bien, mes moutons t'aiment et te connaissent. Mais tu dois repartir, la belle Lune t'attend » Ce disant, il lui tendit son propre bâton de berger : « Prends-le. Pèlerin du chemin de la Sainte Lune, vole, et tu trouveras ton chemin. »

Avec son pot de miel, son voile, son bâton, son rayon lumineux, le petit moustique était bien lourd sur sa vieille moto terrestre... A peine deux années lumières plus loin, « prout, prout, vrrr, sotch »... Avancer, reculer, et même s'arrêter, sa moto ne pouvait plus rien faire ! Tous ses amis le voyaient peiner de loin, mais hélas ! Ni la Grande Ourse, ni la Petite Ourse, ni le berger, si naturels et authentiques, ne connaissaient quelque chose en mécanique. Syllabus, plein de courage, alla alors voir Vénus, aux longs cheveux bruns et bouclés qui le regardait en riant...

«Petit moustique, qui gratte, qui pique,
Je ne connais pas la mécanique,
Mais si tu as une patte énergique,
Viens démêler mes cheveux magnifiques »

Magnifiques, mais nombreux ! Et sombres, sombres ! Perdu dans ces boucles et ces ondulations, presque étouffé par leur masse, Syllabus se sentait dans un vrai labyrinthe. Heureusement, il sortit le rayon lumineux offert par la Grande Ourse. Une grande clarté se fit, et, comme par magie, tous les filaments noirs se dressèrent, se démêlèrent sous sa douce pression. Vénus le regarda avec stupeur : « Tout autre moustique aurait péri dans mes cheveux. Tu possèdes beaucoup de courage. Voilà. Vulcain, mon mari, dieu de la forge, pourra certainement te réparer ta machine. Mais fais bien attention : c'est un véritable four. Tu seras attiré par sa lumière, mais brûlé vif si tu t'en approches. Ferme les yeux en arrivant chez lui. Et mets ce parfum à la citronnelle. Il te protégera contre la chaleur, et Vulcain, en reconnaissant son odeur, te sera tout de suite favorable. »

«Petit moustique, qui gratte, qui pique,
As-tu des pouvoirs magiques ?
Dans mon feu ardent qui brûle et qui crépite,
Tu restes vivant et stoïque.
Dis-moi : que cherches-tu dans mon gîte ? »

«Et quelle bonne odeur ! C'est sûr, tu as vu ma déesse aux longs cheveux, Vénus la belle ! » Boîteux, le fier Vulcain avait un sourire moqueur aux lèvres : qui était ce moustique, prêt à se brûler les ailes pour une information ? Il avait franchement envie de rire ! Mais la gravité de notre héros lui rendit tout son sérieux. Son jugement tomba : « Ta moto est inutilisable. Trop vieille, trop lourde, tout est à jeter ! ». Syllabus sentit le sol se dérober sous lui : son rêve s'écroulait ! Il ne pouvait même plus rentrer chez lui ! Touché par les larmes de l'insecte, le dieu de feu proposa : « Ecoute, tu m'es sympathique. Voici un vélo volant, léger, très rapide, adapté à ta taille de guêpe si j'ose dire... Fabriqué dans le fer et le feu, il est indestructible. Laisse-moi ta moto, je vais l'exposer dans mon musée. » Et il fit tout ce qu'il avait dit. Sous la moto, il mit une plaque dorée avec l'inscription « Le fidèle destrier du valeureux moustique en quête de la Sainte Lune, mort pour l'honneur». On dit qu'il gagne bien sa vie, car tous les moustiques qui sont partis à la suite de Syllabus passent visiter le musée de Vulcain. Ce musée est inclus dans le « tour du ciel » plébiscité par la communauté moustique comme excursion estivale à faire entre amis ou en famille. Des moyens de transport modernes se chargent de porter vos bagages, n'hésitez plus à passer un été aventureux et riche en expériences. Appeler le « tour du ciel en quarante jours seulement » au bzz-bzz-bzz-bzz. Mais laissons cela et revenons à notre Syllabus.

Avec son vélo volant, notre Syllabus filait plus vite que le vent. Le jour, il se reposait de nuage en nuage, la nuit, une étoile lui servait d'oreiller. Les miettes de ciel et de planète étaient sa nourriture, et il voyait sa chère Lune se rapprocher d'année lumière en année lumière. Mais, malheur ! Quand il fut tout près de sa bien-aimée, il se heurta à un mur invisible : une fine couche bleuâtre et lumineuse entourait l'astre comme un rempart infranchissable. Etre si près et si loin à la fois ! Quelle tristesse ! Il roula en vélo sur cette barrière en long en large et en travers, mais il ne put rien y faire : enfermée à tout jamais dans sa cage bleutée, la Lune semblait même dormir à points fermés, et sa blancheur ressemblait à la pâleur d'une morte. A bout de force, Syllabus s'arrêta, descendit de son vélo, s'assit sur une petite météorite qui passait par là, enfouit sa tête dans ses mains et pleura, pleura, pleura. Une plainte de moustique, un sifflement si lancinant et insupportable qu'il réveilla Jupiter lui-même, le dieu des dieux, qui n'aimait pas être réveillé au milieu de sa sieste, il faut bien le dire !

«Petit moustique, qui gratte, qui pique,
Ne sois pas si pathétique.
Lève-toi de cette météorite
Et rentre chez toi au plus vite ! »

Avec son tonnerre et ses éclairs, Jupiter avait de quoi impressionner. Mais notre Syllabus était tellement désespéré qu'il ne fit que lui demander : « Pourquoi ne puis-je pas entrer ? Qu'a donc ma reine argentée ? ». « Ta reine argentée ? Dame Lune tu veux dire ? Eh bien, elle est un peu malade. Depuis quelques années. On dit que c'est une dépression atmosphérique. Elle se plaignait de ce que plus personne sur la Terre ne la regardait. Elle disait que plus personne ne rêvait d'elle depuis qu'un homme avait irrespectueusement posé les pieds sur sa peau, et ravalé son rang de fée des rêves à celui de simple satellite. Bref, un bon sentiment d'infériorité. Ajoute un peu de solitude, un sentiment d'inutilité... Je te passe les détails ! De la nuit à la lendenuit, elle s'est murée dans le silence, elle qui aimait tant bavarder et chanter. Elle a fermé tout accès à son château, et s'est endormie pour une nuit sans fin. Nul ne sait quand elle se réveillera ! Mais tel que c'est parti, cela n'est pas près d'arriver. Il faudrait vraiment quelque chose d'assez fort pour la tirer de son sommeil. Même ma foudre ne fait bouger aucun des traits de son visage glabre. Et Hélios, le soleil, son meilleur ami, c'est bien simple, il est tombé dans un chagrin immense. Oh, il continue son travail, bien sûr, il passe la voir chaque nuit, mais il a perdu tout cœur à l'ouvrage, et vraiment, il fait peine à voir. Bref, l'univers ne tourne plus très rond depuis que dame Lune brille de feux éteints et endormis. Mais tu n'y peux rien, petit moustique, et ta place est parmi les tiens ! »

Syllabus ne pleurait plus. Il écoutait, médusé, le récit du dieu des dieux. Il comprenait maintenant les remarques du berger, les mises en garde des Ourses : la Lune était malade ! Sa reine pensait que plus personne ne rêvait d'elle... Oh, si elle savait ! Certes, il n'était qu'un moustique, mais la valeur n'attend pas le nombre de centimètres ! Que pouvait-il faire pour la réveiller ?
«Un peu de lumière tout d'abord ! » Sortant son rayon magique, il le pointa sur la couche bleutée qui commença à se fendiller... Tout joyeux, notre Syllabus arpenta le mur invisible qui, à chaque coup de rayon, perdait sa force, jusqu'à disparaître ! Mais sa belle dame avait encore les yeux fermés, et dormait sans se soucier de son amant au cœur tendre. Syllabus se mit alors à siffler doucement, comme il le faisait avec les moutons de l'étoile du Berger, et il fredonna ces paroles :

«Belle Lune,
Réveille-toi,
Un moustique est venu chez toi,
Un moustique rêve encore de toi,
Un moustique veut entendre ta voix.

Je suis petit mais je suis malin
Je te chanterai des refrains,
Je te parlerai de mon chemin,
Je te ferai des caresses, des câlins
De toi chaque jour je prendrai soin.
Et si personne ne veut te voir
Je te contemplerai tous les soirs
Tu seras ma vie, mon miroir
Mais je t'en prie : lève-toi enfin ! »

Au fur et à mesure qu'il chantait, il lui semblait que la Lune bougeait, que le sol se soulevait, comme si la Lune s'étirait après un long sommeil. Elle semblait plus brillante, de la pâleur colorait à nouveau son visage. Elle ouvrit enfin les yeux et considéra notre héros avec beaucoup de surprise. Elle lui dit avec une pointe de mépris : « Un moustique ? Quelle drôle de chose ! J'attendais un prince, ou une planète au moins ! Tu dis que tu peux prendre soin de moi ? Prouve-le ! J'ai tellement mal à tous mes cratères, ils se sont plissés avec mes soucis. J'ai mal partout, à la tête surtout... Voyons, toi, tu pourrais faire quelque chose ? ». Il faut avouer que Syllabus était un peu déçu de la réaction de celle qu'il aimait depuis toujours. Mais elle était tellement importante, et lui si insignifiant ! Alors, très lentement, avec mille précautions, il appliqua le miel offert par la Grande Ourse sur les cratères endoloris de la Lune, dans un silence quasi religieux. Une sorte de grand soupir de soulagement lui répondit. D'une voix radoucie, Dame Lune s'exprima en ces termes : « Merci, cher Syllabus. (Comment connaissait-elle son nom ? pensa le héros.) Je voulais voir si ta détermination irait jusqu'à affronter mon mépris. Tu t'es montré très courageux, et j'attendais depuis longtemps ta venue. Peu d'êtres humains auraient eu l'audace d'entreprendre ce que tu as fait. Sois le bienvenu. » Les yeux écarquillés d'admiration, Syllabus écoutait sa reine avec un sourire aux lèvres.

Ils passèrent alors de longs mois heureux. Syllabus chantait, sa Lune lui souriait, et son sourire revint illuminer la terre de ses croissants. Le moustique roulait avec son vélo sur sa peau pour la masser, il lui racontait des histoires de moustique qui la faisait rire aux éclats de telle sorte que les bêtes et les hommes sur la Terre levaient alors la tête avec inquiétude vers l'astre qui semblait secoué de convulsions. Elle lui enseignait son savoir de l'univers, des galaxies, de l'histoire des hommes qu'elle suivait depuis la nuit des temps. Un soir, après un de ses enseignements, elle s'interrompit dans son discours et devint toute grave et toute pensive. « Syllabus. Ecoute-moi jusqu'au bout sans m'interrompre. Tu es le moustique le plus merveilleux que j'ai jamais rencontré. Et mon cœur de Lune vibre chaque fois que je t'écoute et te vois. Cela fait plusieurs mois que je retarde ce que je devais te dire, par pur égoïsme, pour te garder toujours auprès de moi. J'ai des larmes aux yeux quand je te vois t'endormir en pensant que notre bonheur a une fin. Ce n'est pas moi qui dicte les lois de l'univers, la place de chaque étoile, le rôle de chaque être vivant. Si tu avais été une planète, nous aurions pu nous aimer des années-lumière et des années-lumière ! Mais tu dois retourner sur Terre : ta communauté, et tous les êtres vivants ont besoin de toi. Tu m'aimes et tu sais rêver. Nombre d'êtres humains ne savent plus faire attention au mystère de la nuit, contempler la beauté des astres, aimer tout simplement, croire que le surnaturel et le merveilleux sont possibles. Pars, va, conte tes aventures aux hommes oublieux pour qu'ils retrouvent la joie de rêver. C'est la volonté du roi de la Terre et du ciel, le même qui t'a amené jusqu'à moi. ». Syllabus était triste, bien sûr, mais en lui-même il savait que ce retour était inévitable. Il caressa de sa patte timide sa bien-aimée et murmura dans un souffle : « Donne-moi une chanson que je puisse emporter avec moi. A chaque fois que je la chanterai, je sentirai ta présence à mes côtés. »
Alors d'une voix triste à faire soupirer les rhinocéros, la reine de la nuit fredonna :

«Un moustique et une Lune s'aimaient
Elle était sa lumière, il était son berger
Elle était son repos, son souci et sa joie
Il la faisait rire et pleurer quelquefois
Leurs nuits étaient peuplées de miel et de beauté.
Le moustique est reparti sur la Terre
Emportant avec lui des souvenirs amers,
Des larmes de cristal imprégnées de mystère,
Des fragments de bonheur et des miettes d'amour.
La Lune le contemple en secret chaque jour,
Et scintille pour lui quand le soir vient son tour.
Si le brave moustique a quitté son amie
C'est pour rappeler aux âmes endormies
Que le rêve contient une part de vérité
Et jette sur le monde un fin manteau doré
De confiance, de surprise, d'amour et de bonté.
Alors, quand au soir le sommeil vous saisit
Pensez à Syllabus et sa Lune chérie. »

Après une dernière étreinte, Syllabus repartit sur son vélo volant, la chanson de sa belle tintant à ses oreilles. A tous les moustiques qui n'étaient pas partis en pèlerinage, il apprit cette chanson. Et, tous les soirs, quand la Lune commence à se montrer, les moustiques partent en mission : faire rêver les humains. Alors, si vous entendez un moustique près de votre oreille, au lieu de taper, écoutez plutôt ! Et si vous avez l'ouïe fine, vous reconnaîtrez peut-être la chanson des amours du moustique et de la Lune.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Février 2014 à 13:25:14
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Le garçon qui voulait voir la mer

Il était une fois un garçon nommé Igor, qui voulait voir la mer.

Drôle d'idée me direz-vous, quand justement on habite au centre d'un continent aussi éloigné du Pacifique que de l'Atlantique.
La mer ? Personne ici ne pouvait se l'imaginer, personne n'y était jamais allé.
On ne connaissait que le grand fleuve, les rivières, les innombrables sources, et ma foi, on s'en trouvait très bien. Sauf Igor !

L'un de ses cousins, marin au service de l'empereur, avait tenté de lui décrire la mer, et depuis, Igor en rêvait la nuit, et même le jour, quand il travaillait aux champs ! Il avait une immensité bleue dans la tête. Il ne pouvait se confier à personne car on l'aurait traité de fou. Alors, il mitonnait son idée tout seul :
"Un jour, je partirai, je marcherai droit devant moi, le temps qu'il faudra. Mais j'y parviendrai."

Un matin de printemps, il ne put y tenir davantage, et il partit. A tous il dit qu'il allait chercher un trésor, un filon d'or ou une mine de diamants. Les gens de sa famille hochèrent la tête : cet enfant-là n'avait jamais été comme les autres. Mais après tout, puisque c'était son idée ...

Quand il eut perdu de vue le clocher de son village, Igor s'arrêta. Il ne savait même pas quelle direction prendre. A tout hasard, il décida de marcher vers l'ouest : on lui avait dit que lorsque le soleil se couchait, il s'enfonçait dans la mer. Il avait douze ans, de grands cheveux noirs et les poches percées.

Il marchait ; ses pieds le portaient le long des collines et des plaines.
Comme il n'avait pas d'argent, il était obligé de s'arrêter souvent, afin de gagner son pain.
Il fut successivement pâtre sur les flancs d'une montagne, gardien de dindons, montreur d'ours, garçon d'écurie ...
Quand il avait amassé quelques sous, il saluait la compagnie et reprenait sa route. Quelquefois, il questionnait ceux qu'il croisait :
-Savez-vous si elle est encore loin ? demandait-il ?
-Et qui ça, mon garçon ?
-La mer, bien sur !
Les gens haussaient les épaules, hochaient la tête et s'éloignaient.

A ce rythme, il n'avançait guère et les années passaient. Il avait fini par franchir les frontières de son immense pays. Et il était devenu un homme.
Un jour, Igor s'arrêta dans une ferme pour aider aux moissons. La fille de la maison était si belle qu'il en oublia sa quête. Elle s'appelait Madrépore et avait les yeux bleus, si bleus, qu'il ne pensa plus au bleu de l'océan.
Ils se marièrent au printemps ; un garçon naquit l'année suivante puis une fille et une autre encore. Pour assurer l'avenir de ses enfants, il plantait un noyer à chaque naissance. En apparence, Igor s'était transformé en riche fermier, conscient de ses devoirs.
En apparence seulement, car lorsqu'il était seul, lorsque le travail de la terre lui laissait quelque répit, son vieux désir le reprenait, plus fort que jamais.
Mais quoi, il lui fallait bien élever ses enfants !
"Quand ils seront grands, je repartirai " se disait-il !

Les années passèrent. Les noyers qu'il avait plantés pour la naissance de l'aîné donnaient maintenant de l'ombre, les cheveux noirs d'Igor avaient grisonnés, puis blanchi. Bientôt, il maria ses enfants.

Puis, un triste jour, il enterra Madrépore aux yeux bleus. Alors, au milieu de sa peine, le vieux désir revint en lui, aussi frais, aussi ardent que lorsqu'il avait douze ans : la mer l'attendait.
Il partagea ses biens, embrassa ses enfants, et les enfants de ses enfants, puis se remit en route vers l'ouest.

Oh ! Il n'avançait plus au même rythme, il avait oublié les chansons qu'il fredonnait autrefois, mais il cheminait, il cheminait !
Un jour enfin, il crut sentir dans le vent une odeur inconnue faite de sel et d'iode. Ce soir-là, il dormit sous un chêne et se leva avec le soleil. Le cœur battant, il avançait. Sans crier gare, la mer, d'un coup fut devant lui ! Plus belle encore, plus immense et plus bleue que tout ce qu'il avait imaginé durant sa vie.
-Je suis arrivé, murmura-t-il en s'asseyant sur un rocher.

Que dire de plus ?

Il était une fois un vieillard aux cheveux blancs, nommé Igor, et qui contemplait la mer.

                                                                   (http://img15.hostingpics.net/pics/429727homme.jpg)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 16 Février 2014 à 11:47:38
Le cheval gris

s un homme pauvre qui avait deux chevaux. Il était charretier. Un beau jour un de ses chevaux creva et l'autre resta seul. La vie lui devint difficile car il tira seul le chariot lourd. Il était vite lassé de ce double travail et un soir quand son maître le détela, il partit comme l'éclair.

«Il est parti, il n'y a rien à faire, il est parti, il reviendra quand il s'ennuiera. Je n'irai pas le chercher», pensa le charretier.

Le cheval courut, courut jusqu'à la grotte du loup où il se coucha devant l'entrée.
Le vieux loup dit à son cadet:

«Va voir le temps dehors!»

Le fils aurait voulu sortir mais il n'arriva pas à cause du cheval gris. Il retourna en courant:

«Dehors, c'est le plein hiver, mon père.

-L'hiver? Comment ferait-il l'hiver quand nous sommes en été?»

Le vieux loup envoya donc son fils aîné:

«Va voir le temps dehors, mon fils!»

Il revint, lui aussi, en courant et dit:

«En effet, il fait l'hiver, mon père, l'entrée est tellement enneigée que je ne peux pas sortir.

-Alors je vais voir moi-même.»

Il fit ainsi et vit qu'un cheval gris était couché à l'entrée. Il était inerte comme s'il était crevé. Le loup tenta de le déplacer mais il ne parvint pas. Enfin, il attacha sa queue à celle du cheval pour le tirer un peu plus loin. Quand il attacha bien fortement les deux queues, le cheval gris sauta et partit comme une flèche.
Il courut jusqu'à la maison. En arrivant, il se mit à hennir.
L'homme sortit de la maison et se réjouit que son cheval ait apporté un loup. Il frappa l'animal à la nuque, l'écorcha, vendit sa peau et acheta un autre cheval. Le cheval gris n'était plus seul et ne tira plus seul le chariot.



(Conte du Nord de la Hongrie)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Février 2014 à 16:39:14
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L'arbre entêté

Il était une fois un arbre au beau milieu d'un verger. Curieux de tout, il regarda bien vite le monde qui l'entourait, les fleurs qui s'ouvraient le matin et se refermaient le soir, les oiseaux qui sifflaient en sautant de branche en branche, le paysan qui venait tôt le matin cueillir les fruits des arbres...

Une année s'écoula et, ayant grandi, il était devenu un petit rameau portant quelques tiges. Il se rendit compte qu'il n'était pas un brin d'herbe comme il l'avait cru tout d'abord, mais un arbre et se mit à observer plus attentivement ses aînés.

Mais, se regardant, il s'aperçut que son écorce ne ressemblait à aucune de celles qui les habillaient, que ses branches n'avaient pas la même forme que les leurs. Alors, il eut peur, peur de n'être pas assez grand, peur de n'être pas assez beau, peur de ne pas porter assez de fruits, il eût peur que les autres, pommiers, poiriers, mirabelliers... n'acceptent pas sa différence et il décida de ne produire ni feuille, ni fleur, ni fruit.

Le jardinier plus d'une fois projeta de le couper pour en faire du bois de chauffage, mais trop occupé par ailleurs, il remit chaque fois cette tâche à plus tard. Un matin pourtant il vint, armé d'une grande hache et commença par couper le lierre qui enserrait l'arbre. Du lierre, il y en avait tellement que cela lui prit toute la journée et qu'une fois de plus, il remit l'abattage à plus tard.

Petit à petit, à force de ne produire ni feuilles, ni fleurs, ni fruits  Il ne restait plus de l'arbre au milieu du verger qu'un tronc et des branches. Voyant l'état dans lequel il se trouvait, l'arbre se décida enfin à laisser pousser tout au long de ses branches de belles petites feuilles d'un vert tendre, à laisser éclore au bout de chaque rameau de mignonnes petites fleurs blanches contrastant joliment avec le brun de la ramure et le vert du feuillage.

Quelques temps après, le paysan  revint avec sa hache et découvrant à la place du tronc inutile un magnifique cerisier, ne trouva plus aucune raison de le couper. Il le laissa donc, trop heureux du miracle qui s'était produit.

Depuis ce jour, l'arbre vit heureux au milieu du verger, il n'est pas comme les autres, ni plus beau, ni plus grand, mais tout aussi utile.

Aussi, tous les ans, à la belle saison, les enfants du paysan viennent avec une échelle et, s'éparpillant dans sa ramure, se gavent de ses fruits et le réjouissent par leurs rires.

Antoine Lang
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Février 2014 à 16:02:34
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La jeune fille et le petit esprit du feu Hopi

C'était aux temps où les animaux et les êtres humains parlaient le même langage, au temps où l'on communiquait avec les esprits des éléments, en ces temps des commencements, une étrange maladie ne touchant que les enfants en bas âges s'était abattue sur un village Hopi.

Les enfants ne parlaient pas, ne riaient pas, ne bougeaient pas. Leur regard éteint semblait regarder dans le vide et les adultes ne savaient plus que faire pour communiquer avec eux.

Un ancien s'est alors souvenu que l'on disait que le petit esprit noir du feu connaissait les remèdes à toutes les maladies. Cependant que l'on ne se réjouisse pas trop car il avait très mauvais caractère et était très exigeant sur la qualité des cadeaux que l'on devrait lui faire afin de l'amadouer.

Les gens du village se sont rassemblés et ils ont donné leurs plus belles poteries pour offrir au petit esprit noir du feu.

Les jeunes hommes choisis pour cette mission ont revêtus leurs plus belles parures et sont partis à la recherche du petit esprit noir du feu.

Ils étaient à peine sortis du village qu'ils ont croisé Coyote qui leur a demandé où ils allaient. Ils lui ont répondu :

-« Ô toi, vil joueur de tours, passe ton chemin : notre mission ne te regarde pas porte-malheur ! »

Coyote a disparu en ricanant et son rire sarcastique a raisonné longtemps dans les canyons.

Les jeunes hommes, après avoir erré longtemps ont fini par trouver le petit esprit noir du feu. Celui-ci leur a tourné le dos ostensiblement, mais ils ne se sont pas découragés. Ils lui ont parlé de la maladie des enfants et lui ont demandé de venir au village pour les soigner. Puis ils ont ouvert les sacs contenant les poteries magnifiquement décorées.

Le petit esprit noir du feu a daigné jeter un coup d'œil derrière lui, il a pris un air agacé et a fait signe aux jeunes hommes qu'ils devaient remballer leurs cadeaux et repartir avec.

C'est la tête basse de déception et de tristesse que les jeunes hommes sont retournés au village.

Deux fois encore les jeunes hommes sont retournés voir le petit esprit noir du feu sous le rire sarcastique de Coyote : une fois avec des bijoux d'argent et de turquoise, une autre avec des tissus délicatement brodés.

Mais à chaque fois le petit esprit noir du feu se renfrognait davantage !

Un jour, une jeune fille qui était allée chercher du bois pour cuisiner croisa le chemin de Coyote.

Celui-ci lui demanda :

-« pourquoi as-tu l'air si triste ? »

-« parce que les enfants du village sont malades et que personne ne sait comment les soigner. Les jeunes hommes sont même allés voir le petit esprit noir du feu avec des cadeaux somptueux mais il est trop exigeant et... »

-« somptueux pour qui ? » l'interrompit Coyote

-« que veux-tu dire ? »

-« Rien d'autre que ce que j'ai dit ! »

Et Coyote disparut dans un grand éclat de rire joyeux.

La jeune fille ramena le bois chez elle, alluma le feu, prépara le repas en silence, puis elle sortit sans manger au grand étonnement de ses parents qui commencèrent à s'inquiéter sérieusement pour elle, bavarde et gourmande comme elle l'était habituellement.

Une fois dehors, elle sortit du village et elle se mit à rassembler diverses choses ramassées ici et là dans un grand tissu noir qu'elle avait emporté.

Une fois le tissu rempli elle se dirigea vers l'endroit où habitait le petit esprit noir du feu. Celui-ci lui tourna le dos ostensiblement mais elle ne se laissa pas décourager :

-« Je te salue petit esprit noir du feu et je t'apporte des présents en gage d'amitié »

-« on est déjà venu me faire des cadeaux grogna le petit esprit noir du feu, cela ne m'intéresse pas, laisse-moi me reposer en paix »

-« Oui, mais les miens sont différents dit la jeune fille d'une voix douce, jette juste un œil sur eux, je t'en prie et s'ils ne te conviennent pas, je ne te dérangerai pas davantage »

- « tu m'as parlé d'amitié, c'est pour cela que je t'ai répondu : souhaites-tu vraiment devenir mon amie ? » demanda le petit esprit noir du feu en se soulevant légèrement.

-« je serais heureuse que tu acceptes mes offrandes et d'être ton amie »

Le petit esprit noir du feu se retourna et aperçut alors le contenu du tissu. Son œil s'illumina d'une joie enfantine

-« Oh ! Tu m'as apporté tout ce que j'aime le mieux ! »

Il regardait avec jubilation les bouts de bois, les morceaux de tourbe, les herbes sèches, les pierres à feu et poussait des « Oh ! Comme c'est beau ! Oh ! Quelle merveille ! Vraiment somptueux ! »

On aurait dit qu'il ne pouvait se détacher de la contemplation des plus splendides créations de la terre. Cependant, il finit par se calmer et regarder la jeune fille d'un air ravi :

-« Des nombreuses personnes qui sont venues ici me faire des offrandes tu es la seule qui a pensé non à ce qui te plaît à toi mais à ce qui me ferait plaisir à moi ! J'accepte ton amitié de bon cœur ! Y a-t-il quelque chose qui te ferait plaisir à toi ? Ce serait une joie pour moi de te l'offrir ! »

-« J'aimerais rester un peu en ta compagnie, te connaître un peu mieux.... »

-« Quelle merveilleuse idée ! » Et il se mit à sauter de joie en tapant dans ses mains.

Ils sont restés trois jours et trois nuits à faire connaissance et la jeune fille a découvert quel merveilleux enfant était le petit esprit noir du feu : drôle, espiègle, taquin, aimant rire, danser et chanter, ne restant jamais en place, se mettant en colère lorsqu'il n'arrivait pas à se faire comprendre puis riant de plaisir quand elle le comprenait, très attentif à sa dignité personnelle, se renfrognant quand il croyait qu'elle ne faisait pas attention à lui et explosant de joie quand il s'apercevait qu'il s'était trompé.

Au matin de la quatrième journée la jeune fille annonça au petit esprit noir du feu qu'elle devait repartir sinon les siens allaient trop s'inquiéter.

Il se mit alors à pleurer à chaudes larmes et elle lui dit :

-« je sais que c'est dur pour toi que je parte parce que c'est dur pour moi aussi de te quitter. Je vois ton chagrin et mon cœur se serre. Mais je te promets que je reviendrai te voir souvent parce que je ne pourrai pas supporter de rester longtemps loin de toi »

-« Je vais venir avec toi, tu ne m'as rien demandé mais je sais ce que ton cœur désire. Je vais t'accompagner jusqu'à ton village et soigner les enfants »

Le petit esprit noir du feu entra dans le village avec la jeune fille, il demanda à voir chaque enfant individuellement et à chaque enfant il chanta une chanson différente. Les enfants semblaient alors comme émerger d'un mauvais rêve et un sourire illuminait leur visage.

Le petit esprit noir du feu rassembla alors les parents et leur dit :

-« Si vous voulez que vos enfants n'attrapent plus la maladie de la tristesse laissez-les se comporter comme des enfants et ne cherchez pas à en faire prématurément les adultes que vous-mêmes n'êtes pas capables d'être. Chaque enfant est unique et c'est pour cela qu'il est précieux. Respectez-le dans ce qu'il est et non dans ce que vous voudriez qu'il soit. Ainsi en va la loi de la vie : il y a un temps pour l'enfance, un temps pour la maturité, un temps pour la sagesse. »

Puis il disparut dans un nuage de fumée non sans avoir murmuré à la jeune fille : - « souviens-toi de ta promesse »
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Février 2014 à 16:41:17
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L'histoire de Petit Jean

Il y a bien longtemps, dans un pays tellement éloigné dans le temps et l'espace que nul n'en garde plus aucun souvenir, excepté quelques rares grands enfants, vivait Petit Jean.

C'était le fils dernier né d'un humble couple, si pauvre et misérable que la famille entière vivait au fin fond  d'une grotte en un lieu de broussailles ignoré de tous. Cette grotte était sombre et humide : le jour n'y pénétrait que par l'entrée fort étroite donnant sur un long couloir de granite, difficile à travailler. Mais là, demeuraient six personnes. Les parents et leurs quatre enfants. Vint à mourir le père. La mère Jacquine n'avait pour faire vivre ses enfants, trois jolies filles et un garçonnet rêveur et débrouillard, que le maigre résultat de son métier à tisser. Le chanvre ne se cultive pas facilement pour une femme seule et voyez-vous le coton était encore ignoré en ces contrées, quant à la soie, elle n'était  que le vague rêve d'un papillon ne devant éclore que quelques décennies plus tard.

Une nuit que Petit Jean s'était sauvé de la grotte familiale et qu'il rêvassait au bord de l'eau, s'imaginant vivre sur la lune dorée, il vit voltiger quantité de lucioles brillantes et pleines de gaieté dans leur sarabande effrénée. En son cerveau aussitôt une idée vit le jour « et si je ramenais ces lumières dans la grotte afin que l'on y voit et que maman et les sœurs puissent filer et tisser pendant que je ramasse le bois, les champignons et que je pêche ». Et voilà notre Petit Jean, plein d'entrain, chercher à nouer de longues herbes souples afin d'un faire une cage à mailles serrées. Il se voyait déjà tout fier ramener de la lumière et espérait-il un peu de chaleur et de gaieté dans la triste demeure.

La cage fut vite prête, mais une fois tissée, et la petite porte nouée, Petit Jean eut beau courir et sauter, les lucioles ne se laissaient pas piéger. Il courut et sauta aussi longtemps qu'il le put et les lucioles, semblant se prendre au jeu formaient autour de lui un nuage de lumière voltigeant joliment  avec lui. Au matin, les premières lueurs chassèrent les étincelles de la nuit et Petit Jean fatigué, mais toujours décidé se coucha sur la mousse. Il sombra dans le sommeil et dormit ainsi une bonne partie de la matinée. Ce furent les cris inquiets de sa mère et de ses sœurs qui le ramenèrent à la conscience. En pleurs il raconta son idée et sa vaillante poursuite nocturne. Aussitôt les filles et leur mère voyant les pieds ensanglantés et les griffures innombrables sur les bras, l'entourèrent, le consolèrent et essayèrent, en vain, de lui faire croire qu'il ne fallait pas s'inquiéter, et que « allez, on va s'en sortir et après tout on est heureux, non ? puisqu'on est tous ensemble. ».

Malgré toutes les cajoleries et les recommandations de la mère, Petit Jean retourna, la nuit suivante, au bord de l'eau guetter les lucioles. En chemin il croisa une petite araignée grise, les pattes engluées dans une sorte de résine et qui se débattait furieusement. Il lui sembla se voir se débattre dans son combat pour ramener les lucioles à la maison, les pieds collés au sol, incapable de bondir assez haut. Pris de pitié, il cueillit un brin d'herbe  et délicatement dégagea la prisonnière. Celle-ci peu farouche grimpa aussitôt sur sa main et escalada ses cheveux pour se jucher sur son oreille.

Amusé Petit Jean voulut reposer la singulière cavalière quand celle-ci se mit à parler d'une voix semblable au vent dans la prairie « Nous t'avons vu la nuit dernière »

« Oh ... » fit - il, car, que dire d'autre dans ces cas-là ?

«Je veux te remercier, ramène moi chez moi et mes sœurs et moi te tisserons un filet  léger et solide que tu jetteras sur les lucioles. Je ne sais si cela suffira, mais c'est le mieux que je puisse faire ». Petit Jean sur les indications de Chalima (et oui, les araignées aussi ont des noms !) S'enfonça dans la forêt et au cœur de celle-ci, dans un taillis impénétrable il découvrit la forteresse des araignées : un enchevêtrement argenté de toiles épaisses et presque infranchissable. À  l'orée de ces murs de toiles, il s'endormit pour la nuit pendant que les tisseuses préparaient un filet à lucioles. Au matin il fut réveillé par le chatouillis de petites pattes qui posaient devant son nez un rouleau argenté. Ravi il le déplia, fin comme une dentelle, léger comme un souffle d'air, solide comme l'acier et grand comme quatre mains : son piège était parfait.

La nuit suivante une grosse grenouille, grasse et l'œil mauvais partageait la veille de Petit Jean, blottie entre les roseaux, elle se tenait cachée de tous. Quand la danse lumineuse recommença, Petit Jean s'invita au milieu des lucioles et le jeu –qui n'en était pas un pour Petit Jean- reprit comme la veille. Les lucioles, ignorant la présence attentive de leur ennemie voltigeaient en tous sens et Petit Jean sautait, mais le filet ratait toujours les proies convoitées.  Petit Jean déçu s'assit et regarda le ballet aérien. Puis d'un coup, le nuage passa au dessus des roseaux et une longue langue suivie du bond gigantesque d'une grenouille monstrueuse captura trois lucioles. Les autres se précipitaient sur le corps de la grenouille, le bombardant de leurs petits corps, mais la grenouille narquoise ne bougeait pas et contrairement à ses congénères, ne se hâtait pas pour gober ses petites proies, semblant bien au rebours les admirer tout à loisir avant que d'en faire son repas. 

Petit Jean, sans trop bien savoir pourquoi, sinon qu'il n'était pas juste que la grenouille mange ces jolies lumières alors que lui qui les voulait seulement admirer et ramener chez lui, ne les pouvait attraper, se jeta sur la goulue. Sur un Crôâââ indignée, probablement dû au fait que Petit Jean en lui sautant dessus lui comprima l'estomac, elle se sauva, libérant les petites prises. Sonnées celles-ci tombèrent au sol, mais au lieu de les capturer, Petit Jean se mit à les regarder de plus près. Et là ! Stupeur, maintenant que les lumières étaient éteintes il put enfin les voir, pour de vrai. Il s'agissait de minuscules petits êtres semblables à des enfants avec quatre ailes transparentes. 

Décidément, rien donc dans ce monde n'était ce qu'il paraissait ? Les araignées parlaient et avaient des forteresses, les lucioles étaient des ... des quoi au fait ? Ou  qui ?

« Des fées, Petit Garçon, nous sommes des fées »

« Oh ! » Fit - il car il n'avait pas trop de conversation, ce n'était qu'un petit garçon après tout !

« Et tu viens de sauver une de mes filles, Muguet,  avec ses deux suivantes »

« Ah » Fit - il, car il n'avait toujours pas plus de conversation.

« Nos enfants sont trop faibles pour affronter la lumière du Soleil et ne peuvent sortir que la nuit, mais les dangers sont grands. »

« Euh ? .. » Toujours ce problème de conversation. Je suis sûre qu'une fille s'en serait mieux tirée.

Mais Liriandra, la reine, semblait comprendre ces sons.

« Alors, comment te remercier ? »

« Lumière ... euh, je voulais de la lumière, mais pas faire de mal. »

« Oooh .... » là, c'était la reine et elle semblait songeuse.

« .. Chalima m'a donné le filet, il est joli » dit-il passant du coq à l'âne. « Je vais le donner à maman. Je ne chercherai plus à vous capturer, c'était pour éclairer la grotte »

« Une grotte ? ?? » Liriandra semblait affolée « Malheureux, les chauves souris, sauve-toi, elles sont dangereuses !!!!!! »

« Pas pour des humains, pis, y'en a pas, alors ..., des chauves souris je veux dire. Y en a pas de chauves souris. »

Liriandra semblait intéressée au plus haut point.

« Parle-moi de cette Chalima petit garçon. »

Et Petit Jean raconta tout ce qu'il savait du peuple araignée et de la forteresse construite pour repousser tous les animaux gloutons d'araignées et de la gentillesse de Chalima.

« Rentre chez toi petit d'homme, une de mes filles te suivra pour connaître ta grotte et demain je viendrai parler à ta mère, à la tombée de la nuit »

Petit Jean rentré chez lui réveilla ses sœurs : Lizyna, Bellusine et Kossimette, ainsi que sa mère. Il leur raconta toute son histoire, l'araignée et la forteresse, et la grenouille, et les fées, et la promesse. Les quatre étaient inquiètes : et si les fées voulaient leur prendre la grotte, ou si elles estimaient que Petit Jean connaissait un secret qu'il aurait dû ignorer, et si les araignées venaient aussi. Ou si les fées venaient et trouvaient que la grotte était sale et que les humains étaient des dégoutants, ou si , ... ou si ..., ou si ...

Toute la journée, à la faible lueur venue de la fente servant à évacuer la fumée lorsqu'on faisait un feu dans la grotte,  la famille s'activa, chassant la poussière, rangeant les trois affaires, briquant les écuelles, rangeant dans un sens, puis dans l'autre, déplaçant là pour mettre ailleurs les paillasses d'herbe, puis les remettant, cueillant des roseaux pour joncher le sol, ramassant quelques coucous pour faire un bouquet.

De tout ce temps,  la mère et les sœurs ne purent filer ou tisser tant leurs mains tremblaient. Et à la tombée de la nuit, Jacquine,  Lizyna, Bellusine, Kossimette et Jean attendaient devant l'entrée de la grotte. Quand un son à la fois lointain et tout proche retentit, un peu comme une légère brise dans la prairie, accompagné de quelques tintements de clochettes. Puis vint une lumière, des milliers et des milliers de lucioles dansaient, chantaient, au sol un tapis d'araignées en mouvement ondoyait vers la grotte. Mais la petite famille ne bougea pas, car que faire sinon ?  Puis Liriandra parla, longtemps et sa voix et son discours apaisa toutes les craintes. Puis Chalima aussi parla et sa courtoisie séduisit Jacquine.

De ce jour-là, dans les grottes les plus reculées à la suite de la demeure humaine, se construisit la forteresse de Chalima, dans les autres, les lucioles/fées enfants s'installèrent, attendant d'être assez grandes pour affronter la lumière du jour. En guise de bons échanges, les tisseuses apprirent aux fillettes comment tisser une toile semblable à un voile avec les fils d'araignées. Et les fées donnèrent leur belle lumière dans les grottes, ainsi toutes ces toiles devinrent de la couleur de l'or. Ces magnifiques étoffes devinrent célèbres dans toute la contrée, apportant richesse et renommée et personne n'en connut jamais le secret, hormis vous et moi, bien sûr. La famille s'agrandit avec le mariage des filles, et des grottes furent creusées toujours plus loin, toujours baignées de lumières et toujours parées de voiles diaphanes. Et pour ce que j'en sais, il en est toujours ainsi. 

Petit Jean ? Il ne voulut pas grandir et les fées lui apprirent à voler, on le voyait souvent en compagnie de Muguet, voler de nuit, riant comme un enfant heureux. Certains savants écrivirent des histoires à son sujet et commencèrent à l'étudier. Certains même, prétendirent que son nom fut transformé au fil des temps et que Petit devint Peter : Peter Jean, mais qu'un copiste maladroit se serait trompé et aurait transformé le Je de Jean en P. Quelle drôle d'idée, vraiment !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Février 2014 à 14:51:23
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La Mère des arbres.

Les runes... leur nom veut dire "secret"... utilisées par mes frères Vikings, elles sont synonymes de mystère et de magie...

"Secret","magie" ces mots sont depuis toujours associé au monde de Féerie, le pays secret...

Lorsque l'on regarde attentivement les runes, on remarque immédiatement que leur forme évoque celle des branches...Telles branches croisées forment Gebo , la rune du partage...Telles autres, entrelacées, forment Berkano ou Beorc, la rune de la naissance, celle qui donna vie à ce conte...

Regardez...Ouvrez les yeux... Le peuple de Féerie... parle à travers les runes... alors... Venez entendre ce que les fées veulent nous apprendre ...
Approchez... Ecoutez... ce que le vent a chuchoté... Approchez... Ecoutez.... Ce que les arbres m'ont murmuré ... Une histoire étrange... venue des abysses du temps...

Car... Il y a longtemps... Très, très longtemps... Tout au Nord des terres, s'étendaient de grandes terres arides et sèches. Seules, par ci, par là, se dressaient quelques touffes d'herbes courtes et brûlées par le vent glacial soufflant du Nord.
Hors, ce jour là, un cri étrange déchira le silence de la lande, habituellement seulement troublé par le sifflement du vent.
Quel animal égaré pouvait pousser ces cris épouvantables?
C'était un bébé... Un petit d'homme arrivé là on ne sait comment...
Il était là, couché, au milieu de ses langes, à hurler comme un jeune loup! Que faisait-il perdu au milieu de nulle part, à la merci du brûlant soleil de midi, des pluies froides descendues des glaces du Nord et du vent glacial de la nuit, sans rien pour l'abriter?
Venus de toutes parts, attirés par ses hurlements, les habitants de dessous la terre se pressaient autour de lui et cherchaient une solution afin de protéger cet enfant!
Las, il était bien trop grand pour se faufiler dans les couloirs du monde souterrain et les premiers humains vivaient à mille lieues de là...
Ils étaient tous là, lutins, nains et fées à chercher quelle potion, formule magique ou incantation allait pouvoir apporter la solution à ce problème...

L'enfant, elle, car c'était une fille, continuait de pleurer... Rien ne semblait pouvoir la calmer, ni le lait de taupe que lui apportaient les lutaines, ni les grimaces et les cabrioles de Plume le lutin qui avait pourtant fait éclater de rire l'entourage de nombreux rois de par le monde!! Elle inondait la terre de ses larmes...
Quand, tout à coup, quelqu'un s'écria: "La terre!... Regardez notre Mère la terre!..."
En effet, le sol, gorgée des larmes de l'enfant, se mettait à bourgeonner, à se soulever, se craqueler... pour laisser apparaître des dizaines de jeunes pousses qui se dressaient vers le ciel!
Et les frêles pousses se changèrent en rameaux puis en tronc, toujours plus grands et forts...
Quand, leur écorce, soudain, sembla se couvrir de givre, comme on le voit, quelques fois, les matins d'hiver. "Ces jeunes arbres sont perdu" dit l'un... "Oui, le gel les a pris" renchérit un autre... Mais, au lieu de mourir, le bosquet sorti de terre continua de s'étoffer pour devenir un bois... puis une forêt entière! Bientôt, les branches se couvrirent de bourgeons, puis des feuilles vertes, argentées et luisantes apparurent et se mirent à danser sous la brise glaciale.
-"Quels sont donc ces arbres étranges qui se couvrent de feuilles alors que l'hiver règne encore ?" s'écria le roi des lutins.
-"On les nomme Bouleaux!" répondit une voix douce derrière eux.
Perchée sur les branches du plus haut des arbres, se tenait une jeune fille, à la peau aussi laiteuse que l'écorce des arbres et aux cheveux si blonds qu'on les eût dit faits de fils d'argent. Elle semblait ne faire qu'un avec la forêt...
Occupés, qu'ils étaient, à contempler les arbres pousser, ils en avaient oublié l'enfant, qui, elle, en avait profité pour grandir et devenir cette belle et étrange jeune fille.
Car le temps ne s'écoule pas de la même façon qu'en notre monde, au pays de Féerie.
-"Je suis la Mère des arbres, la gardienne de la forêt! Je protègerai tout être au cœur pur, poussé par la peur, qui cherchera refuge en ce lieu... Mes amis, les bouleaux, les abriteront de leurs feuilles alors que les autres arbres de la forêt seront nus encore... Tout enfant, couché dans un berceau fait de leur blanche écorce, sera protégé des frayeurs de la nuit. Le chant du vent dans leur feuillage apportera paix et sérénité à qui l'écoutera.Il en est ainsi et en sera ainsi tant qu'il restera un bouleau sur la terre..."

Ces paroles, emportées par la brise, de feuille en feuilles, d'arbre en arbres, flottent encore de nos jours... chuchotées par le vent.... Murmurées par les arbres... Car les bouleaux dressent encore leurs blanches silhouettes dans nos forets, nos bosquets et même au cœur des parcs de nos villes...
Ils sont toujours les premiers à se couvrir de feuilles... à la sortie de l'hiver
Et la Mère des arbres, me demanderez-vous? Elle est toujours là...Vous pouvez la rencontrer parfois... en ces grands-mères à la peau et aux cheveux blanchis par l'âge qui calment, tendrement, les pleurs d'un enfant effrayé...

(Rune de la naissance, idée de création, de nouveauté. Le bouleau, arbre de la régénérescence, pour les peuples du Nord de l'Europe. -Valeurs symboliques : le bouleau, le commencement.)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Février 2014 à 12:49:16
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L'HISTOIRE DE PIERROT DE LA LUNE

Qui n'a pas contemplé un soir de pleine lune, un personnage, tantôt sciant du bois, tantôt faisant de la musique ou encore dansant avec les étoiles.

On l'appelle Pierrot ...

Cette légende a donné naissance à ce refrain que nous avons tous chanté un jour ou l'autre ...

" Au clair de la lune, mon ami Pierrot.

Prête moi ta plume, pour écrire un mot ..."


Il y a très longtemps, Pierrot n'était qu'un rêveur. Il a quitté la terre pour se réfugier derrière le masque des rêves.

Mais voilà, un jour, il rencontre une jeune rêveuse.

Pierrot enlève son masque, transgressant la vie des rêves.

Ils n'ont plus le choix. Ils doivent revenir sur la terre ...

Ils partent sur des rayons à la faveur d'une éclipse ...

La grande Aiguilleuse de l'espace décale par erreur, les rayons qui les emmènent, et nos deux amis sont séparés ...

Pierrot rêve à la lune. Il écrit et soupire à la lune.

Il est l'incarnation même du lunatique.

Il est issu de la lune et ne songe qu'à y retourner...

Pierrot, le lunatique ne se plaît pas sur la terre ...

Il semble qu'il en soit tombé ...

Toute sa vie, il restera dans la lune.

Sa tête est simplement ailleurs ...

Pierrot est mélancolique, méditatif, solitaire.

il est poète, musicien, météorologue ...

Pierrot erre entre ciel et poussière, dans la solitude et le silence ...

Il a le regard perdu dans les étoiles.

Cela durera des siècles ...

Même si c'est tiré de l'imaginaire, c'est une histoire fabuleuse.

Elle Laisse la place à beaucoup de rêves.

L'imagination peut vagabonder à travers les mondes réels et irréels.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Février 2014 à 13:16:18
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Le costume d'Arlequin

Aux environs de Venise, cette belle cité qu'on a si justement appelée la reine de l'Adriatique, vivait, il y a plusieurs siècles, un écolier modèle, qui se nommait Arlequin.
Il était l'orgueil de ses parents et donnait l'exemple à ses camarades par sa bonne tenue et son excellente conduite. Il avait toujours les meilleurs places dans toutes les compositions, et les premiers prix dans les concours. Personne ne songeait à en être jaloux, parce que le brillant élève demeurait modeste au milieu de ses succès, autant qu'il se montrait obligeant pour chacun.
L'usage alors était de donner un vêtement neuf à tous les enfants, à l'occasion du Carnaval, cette fête joyeuse par excellence, qui est, à Venise, particulièrement brillante.
Les écoliers attendaient ce jour avec impatience pour réaliser les petits rêves de vanité qu'ils avaient pu caresser pendant toute une année. On était fier de parler à l'avance de ce costume nouveau, et d'en discuter la forme et la couleur avec ses camarades .
Seul, quand ses camarades s'entretenaient de tous ces heureux projets, Arlequin gardait le silence.
A la fin, un de ses amis, étonné de ce mutisme, lui demanda :
"Et toi, Arlequin, tu ne nous dis pas quelle sera la couleur de ton habit !
- Moi, répondit l'enfant simplement, je n'en aurai  pas cette année ; nous ne sommes pas assez riches, et mes parents trouvent que cela coûterait trop cher.
- Ah ! pauvre Arlequin !" s'écria l'écolier.
Aussitôt, il lui vint une généreuse idée qu'il s'empressa de communiquer à tous ses petits compagnons, à l'insu d'Arlequin.
"Ne trouvez-vous pas, dit-il, que ce serait triste pour nous si, dans cette belle fête du Carnaval, nous voyions notre meilleur camarade se tenir à l'écart et ne pas prendre part à nos jeux, sous le prétexte qu'il n'a pas d'habit ?"
Tous furent de son avis.
"Eh bien ! continua le jeune garçon, je propose que chacun prenne un morceau au costume qu'on doit lui faire, pour l'apporter à Arlequin. Il aura ainsi ce qu'il faut pour qu'on lui en confectionne un.
- Oui ! Oui !" s'écrièrent tous les petits Vénitiens. Le projet était accepté.
Le lendemain, tous les écoliers arrivaient, rayonnants de bonheur, présenter leur offrande à Arlequin.
Or on sait que dans les pays du chaud soleil, on aime non seulement les étoffes légères, mais aussi les couleurs voyantes. Le peuple de Venise ne faisait pas exception à cette règle ; mais les écoliers, agissant dans tout l'élan de leur coeur, n'avaient pas songé à cette diversité de nuances. Qu'on juge de leur confusion en voyant combien tous ces morceaux dissemblables rendaient leur cadeau bizarre.
Arlequin touché jusqu'aux larmes du sentiments qui les avait guidés, et devinant leur embarras s'écria :
"Rassurez-vous, mes bons camarades, aucun présent n'aurai pu me faire un plus vif plaisir. Vous vous chagrinez du nombre des pièces qui formeront mon costume, et je trouve, moi, que plus il en contiendra, plus il devra m'être précieux, puisque chacune d'elles me représentera un ami."
En effet, le jour du mardi gras, Arlequin endossa avec un bonheur sans pareil ce vêtement bariolé, qui fut compété par un chapeau de feutre gris, orné d'une queue de lapin.
Alors, armé d'un sabre de bois, et le visage couvert d'un masque noir, il parcourut les rues de la ville, en sautant et en dansant, laissant déborder sa joie par toutes sortes de gentillesses et d'aimables saillies, dont il gratifiait tous ceux qu'il rencontrait.
Aucun déguisement ne recouvrit jamais un coeur plus joyeux que celui-là.
En est-il beaucoup, parmi les imitateurs d'Arlequin, qui savent au moins quel trait d'amitié touchante à perpétué la bigarrure de son costume ?
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Février 2014 à 14:38:41
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Le papillon aux grands yeux

Tout au long du jour il reste immobile, bien sage, sans le moindre frémissement des ailes. Les yeux grands ouverts, il repose sur la feuille blanche où la petite fille l'a dessiné. Elle a mis tout son cœur à créer ce beau papillon qu'elle voulait riche en couleurs, imposant par sa taille, étonnant par ses formes. Elle ne se doutait pas, la petite fille, que par son talent créateur elle allait également lui insuffler une envie de découvrir le monde.

    Durant toute la journée le papillon, sans en avoir l'air, était très attentif aux compliments nombreux décernés à la créatrice et qu'il prenait à son compte : " Quel papillon merveilleux ! Comme il est beau ! Et spécial avec ses grands yeux ! Et quelles couleurs chatoyantes ! " Et lui, le beau papillon, se gonflait de fierté par ces nombreuses louanges. Il fut un peu vexé lorsqu'il fut envoyé par fax à l'oncle auquel il était destiné. Par fax ! Pfut... ! Quelle idée ! Quel manque de savoir-vivre ! Il eût préféré être expédié par des voies plus conventionnelles, dans une belle enveloppe protectrice. Cependant il était assez fier d'avoir sa photo accrochée sur un mur du salon, chez le tonton Dany.

    Le soir venu le beau papillon attend patiemment le coucher de sa maîtresse. Il observe avec ferveur (avouons-le, il a un faible pour elle) la petite fille qui se prépare pour la nuit. Ce n'est que lorsqu'elle pose sa jolie tête sur l'oreiller et qu'elle sombre dans un profond sommeil, que notre beau papillon se permet quelques mouvements. Il déploie précautionneusement ses ailes ankylosées, lasses de leur rigidité, les replie puis les ouvre plusieurs fois de suite. C'est sa petite gymnastique du soir avant son envol vers l'aventure de la nuit.

    Il a ses habitudes et commence immanquablement sa tournée nocturne en se posant délicatement sur le front de sa créatrice, si celle-ci ne frémit pas c'est donc qu'il peut s'éloigner tranquillement, il a devant lui plusieurs heures de liberté. Il bat des ailes avec délectation, savoure le frôlement de l'air sur sa petite tête, s'enivre de l'humidité de la nuit. Son premier arrêt est pour le jardin de la voisine, il virevolte de-ci de-là, se prélasse sur le gazon fraîchement tondu, réveille les fleurs déjà endormies, se gave de leurs délices, respire à pleins poumons, s'enivre du lourd parfum de la nuit. Il reprend sa route vers un bosquet d'eucalyptus, c'est là qu'il fait toilette. Il se baigne dans l'humidité bienfaisante, étire ses ailes chatoyantes, aiguise ses antennes de velours... il se sent complètement ravigoté.

    C'est alors qu'il se dirige vers la place du village; c'est sous le grand lampadaire que se réunissent à une heure tardive, les papillons nocturnes des environs. Lorsqu'il arrive la fête bat son plein, les frottements d'ailes font un chahut incroyable, les papillons blanchâtres sont nombreux autour de l'auréole lumineuse. Un silence complet se fait à la vue de cet intrus aux couleurs vives, la curiosité s'éveille et les chuchotements vont bon train. " Mais qui est-il, celui là ? D'où vient-il ? Pour qui se prend-il avec ses ailes de carnaval ? "

     On le questionne, il répond timidement, il a si peu l'habitude d'être en société.
" Comment te nommes-tu ? "
" Mon nom est Parpar"
" Personne n'a jamais entendu un nom de papillon pareil!"
"Peut-être, mais c'est mon nom."
" Et d'où viens-tu ? "
" D'une feuille de bristol " alors là... les ricanements fusent de tous côtés.
" Et qui sont tes parents ? "
" Une petite fille et ses crayons de couleurs " ça c'est le comble !
      C'est un fou, un hurluberlu, un mégalomane, un fabulateur...
et tous ces papillons ternes et fades se détournent de lui.

    Notre beau papillon en est bien triste, il sait bien qu'il n'est pas comme les autres. Souvent il ne comprend pas leur langage, lorsqu'ils parlent de chrysalides, chenilles et cocons... c'est de l'hébreu pour lui ! Pourtant il espère encore pouvoir se faire des amis, être accepté par ses confrères. C'est pourquoi il revient chaque nuit savourer une liberté amère. A l'aube il rentre sagement, réintègre sa feuille de dessin et observe avec joie le réveil de sa créatrice. Il sent qu'il est à sa place, cependant le soir venu il repart avec de nouveaux espoirs.
     Mais un matin, alors qu'il rentre de sa randonnée nocturne, toute la maisonnée est réveillée, c'est le branle-bas de départ! C'est la fin des vacances. Les valises sont bouclées, les gorges sont serrées, les recommandations et les souhaits s'enchevêtrent, les promesses sont nombreuses, les bisous sont tendres. Les portières de voiture claquent, la clé tourne dans la serrure, le silence est complet, la petite fille est repartie chez ses parents.
     Sa grand-mère, attendrie de découvrir l'œuvre oubliée, prend avec précaution la feuille de dessin, la lisse afin de la défroisser, la contemple avec un sourire au cœur. Elle lui cherche une place d'honneur, un endroit où elle pourra l'admirer souvent jusqu'aux prochaines vacances. C'est dans la cuisine, sur la porte du frigidaire que notre beau papillon est accroché, soutenu par quatre petits aimants décoratifs, parmi d'autres nombreux dessins. Depuis ce jour, plus de sorties, plus de randonnées, plus d'évasions... il est pris au piège d'une grand-mère affectueuse. Petit à petit ses couleurs vives vont passer, il va se fondre avec les œuvres des autres petits-enfants. Et la petite fille, lorsqu'elle viendra pour les prochaines vacances, dira en faisant la moue: "qu'il est rigolo! c'est moi qui l'ai dessiné?"

     Notre papillon se souviendra toujours de ces belles nuits d'été durant lesquelles il a appris une chose importante : il ne suffit pas d'être beau pour être accepté, encore faut-il être comme tout le monde et s'en contenter!

      Il restera là, un peu délaissé et triste, gardera à tout jamais son rêve de liberté et son désir d'être aimé. Eh! oui les papillons aux grands yeux ont un coeur mais ils sont d'une espèce rare.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 01 Mars 2014 à 13:47:11
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Le carnaval des animaux

Ce soir là comme tous les soirs ,le jardin des plantes ferme ses portes , les gardiens s'en vont et verrouillent les grandes grilles qui grincent un peu . Le silence est total .Mais au centre de ce jardin dans la ménagerie une étrange ardeur semble régner .Et au centre de cette agitation un lion  s'avance royal, majestueux  son poil luit dans la nuit, sa crinière  entoure sa belle tête distinguée . Puis dans un énorme rugissement , la tête bien droite  car l'instant est solennel ,il proclame : moi le roi je décrète que le carnaval  des animaux peut commencer. Alors tous les occupants du parc s'agitent et se pressent .
Les poules et les coqs  énervés caquettent   à qui mieux mieux :
-Cocoriquoi! Cocoriquoi ! dit le coq dressé sur ses ergots , Messire roi , nous ne sommes point prêts!!!
-cot ahah ! cot ahah! Cot ahaha ! Gloussent les poules en joie , quel idiot ! Il est déjà si bariolé , qu'il n'a point besoin de se déguiser. AH!AH!Ah!Cot!Cot! Cot!Quel  dandy ridicule!
Le coq courroucé  leur vole dans les plumes :
-Cocorico quoi quoi quoi! Gourgandines  rentrez au poulailler, vous êtes privées de fête.
Ce fut un beau tintamarre au milieux des plumes.
Les hémiones ,chevaux légers , dont les sabots brillent de mille feux , arrivent au galop pour faire cesser la querelle. La poussière se soulève sous leur pas  en grosse volute, ils s'arrêtent net devant le  coq et les poules , les aspergeant de terre  .Bientôt devant leur air déconfit  tous les animaux éclatent de rire .Le coq ayant perdu de sa superbe,, toussotant , la gorge prise quitte donc la fête suivi de sa cour.
Les chevaux hennissent ironiques.
Pour le coup les tortues sortent leur tête de dedans leur carapace , s'étirent péniblement  en demandant :
-mais que se passe-t-il donc ? Est-ce un tremblement de terre? quel est ce bruit?
Elles baillent à s'en décrocher les mâchoires, tout en contemplant  les animaux assemblés  d'un air ébahi.
Leur carapace luit sous les étoiles et les dessins  sur leur dos prennent vie  comme autant de kaléidoscopes.
Les éléphants se balancent  d'un pied sur l'autre,  comme s'ils dansaient ,leurs trompes entament un va et vient comique et ils répètent à qui veut l'entendre:
-c'est la fête! C'est la fête! C'est la fête!
Se tenant par la queue il font toutes sortes de pitreries et galipettes ,tant ils ont le coeur en fête .N'y tenant plus ils entament  une valse lente et heureuse  qui fait sourire même jusqu'au noble lion.
tant et si bien que les poissons du lac s'approchent de la rive . Entre deux eaux ils s'écrient:
-Nous aussi! Nous aussi!
Quelques uns sautent hors de l'eau  ,claquent des nageoires , envoient des gerbes d'eau qui éclaboussent les participants .Bientôt c'est  un balai de couleurs et de formes qui s'élance et retombe dans l'eau .Et sur le bord les animaux s'écrient:
oH! La belle bleue!Oh! La belle rouge! En battant ,qui des mains, qui de la trompe qui du sabot , même le lion dans sa souveraine majesté daigne émettre un grognement de royale satisfaction.
L'âne  sur le bord de l'eau contemple ce balai et  brai à gorge déployée  , rit si fort  qu'il en tombe sur le derrière, se tient les côte de rire, alors  le fou rire devient général.
Hihihan!hihihan ! ....
Tout le monde semble heureux de la fête , quand au fond du bois raisonne le chant du coucou , il semble si triste et solitaire , que tous les autres s'arrêtent de rire .Et bientôt le silence règne  dans l'assistance. La fête serait elle donc déjà finie ? c'est alors que les perruches , perroquets et autres oiseaux exotiques aux riches couleurs , l'appellent :
Viens donc! Viens donc t'amuser avec nous Monsieur coucou! Ta solitude nous rend triste  viens et amusons nous!oublions pour une nuit nos différences et entrons dans la danse. Rions , le carnaval n'attend pas
alors du fond du bois , on entend le bruissement timide du coucou  qui s'approche , tentant d'imiter le gazouillis charmant de la volière  et n'y parvenant pas ,  monte et descend la gamme comme un pianiste apprenti , mal adroit et balourd. Il entrecoupe ses essaies de :

Zut ! Scrogneugneux !retentissant à chaque essai manqué alors tous les os  des fossiles n'y tenant plus  et voulant faire partie de la fête  accourent , et entraînent tous les animaux , coucou compris, dans une farandole endiablée. Chacun se tenant la main,  tournant autours des points d'eau, des ménageries et des cages  en Chantant toutes les chansons qui leur passent par la tête .Ce fut une belle sarabande. Les chevaux sautillent comme à la parade ,les éléphants semblent voler , le coq cabotine ,les poissons frétillent et les tortues vacillent. Ah! La belle pagaille que voilà!!!Mais,sur l'eau le cygne les appelle  et bientôt tous s'arrêtent devant sa beauté   étalée au soleil levant .

-La fête est finie , leur dit le cygne, le jour se lève et les visiteurs vont arriver .

Le cygne est si beau sur l'eau que personne ne proteste, il tourne orgueilleusement, vire et virevolte .Aussitôt les spectateurs  applaudissent devant la délicatesse de ses mouvements et la beauté de sa danse .Le cygne clos décidément la fête avec grâce et élégance . Mais l'on se rend bien à l'évidence la fête est  terminée , alors ils décident tous de faire une parade finale et joyeuse . Et les uns avec les autres ,le loup avec l'agneau , le coq avec le renard  , l'âne et le cheval .Ils dansent , tournent et se mêlent dans une sarabande endiablée qui les laissent essoufflés et heureux.
Chacun y va de son talent . Puis ils regagnent leur cage ,remplit de bonheur , se promettant , de recommencer chaque année ce carnaval  sautillant et joyeux . Pour une nuit, ils oublient leurs différences  pour entrer dans la danse.

Demain les soigneurs ,les trouveront fatigués ,et alors? ils se seront bien amusés ma foi et se reposeront jusqu'à la prochaine fois.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Mars 2014 à 15:13:18
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Le Dragon Elfique

Il était une fois, dans une contrée éloignée et en un temps incertain, un pays qui avait connu les affres de la guerre. Ses habitants étaient bien malheureux, sa terre était pauvre, son paysage était désolant. Il pleuvait tout le temps et il faisait tout le temps froid.

Le pays était ainsi depuis une centaine d'années, l'horreur des guerres qui s'étaient déroulées en cette terre avait dépeint sur le pays tout entier. C'était comme si la terre voulait faire regretter aux gens toute leur haine et toute leur violence.

Dans une petite maison vivaient une mère et ses deux enfants, le père s'était fait tuer lors de la guerre. La mère et les enfants avaient beaucoup pleuré leur malheur, leur vie était difficile, d'autant plus que tous leurs voisins étaient dans la misère. Ils devaient travailler tout le jour dans les champs qui ne donnaient rien, ils n'avaient presque rien à manger. Et cette pénible situation s'étendait à tout le pays.

Les deux enfants étaient un grand frère et sa petite sœur, et tout deux bien braves, ils aidaient beaucoup leur mère. Pour échapper à leur dur quotidien et à leur peine, ils aimaient à se promener dans la forêt . En cette forêt ils avaient un endroit fétiche, c'était un merveilleux lieu lorsqu'il était vu par des yeux d'enfants, de nombreux buissons et arbres entouraient une souche d'arbre centenaire qui avait été abattu lors d'une guerre. Ils appelaient cet endroit "la vieille Souche".

La fillette s'asseyait sur la souche et écoutait son grand frère qui lui racontait des histoires de chevaliers et de Dragons, de Princesses et de fées. La petite fille imaginait des mondes merveilleux dans sa tête. Grâce aux contes que son frère lui inventait, la petite fille oubliait pendant quelques instants la misère de leur vie.

Un jour, le frère raconta à sa sœur l'histoire du Dragon Elfique, il lui dit que partout où il passait, il faisait repousser la végétation, qu'il apportait chaleur et bonheur dans les coeurs les plus froids. Le Dragon Elfique a aussi le pouvoir d'exhausser le vœu le plus cher des gens, et ainsi rendre leur vie meilleure encore.

Le soir même, la petite fille repensa au Dragon Elfique dont lui avait parlé son frère. Elle se disait que si le Dragon Elfique existait, et qu'il venait dans leur pays, ça serait la meilleure chose qui pourrait arriver à sa maman, à son frère, et à tout les gens. Elle voulait que tout redevienne comme avant, comme aux temps dont lui avait parlé son frère, bien avant les guerres, où régnait la prospérité, la paix et le bonheur.

Depuis ce jour, la petite fille n'avait qu'une seule pensée, c'était de rencontrer un jour le Dragon Elfique pour que son rêve se réalise. Rien n'était plus pur que cette enfant, elle souhaitait le bien de son pays en entier et de tous les gens qu'ils l'habitent.

Un soir, alors que la fillette dormait, elle rêva qu'elle rencontrait réellement le Dragon Elfique et qu'elle parlait avec lui. Ils étaient tout les deux à côté de "la vieille Souche" dans la forêt. Le Dragon Elfique semblait malheureux et la petite fille lui demanda ce qu'il avait. Le Dragon la regarda et lui dit : « Il y a deux cent ans, j'habitais ici, prés de cet arbre. Nous étions amis. Mais les hommes l'ont abattu pour fabriquer des machines de guerre. Maintenant il n'est plus qu'une souche sans vie. La haine des hommes est la cause de tant de malheurs, le paysage de ce pays est dévasté, les habitants sont malheureux. » La fillette eu de la peine, mais durant le reste de son rêve elle s'amusa avec le Dragon, qui paraissait de moins en moins triste d'avoir trouvé une amie.

Le lendemain matin la petite fille fut réveillée par un minuscule rayon de soleil. Jamais les deux enfants n'avaient vu le soleil. Il était toujours caché par de gros nuages noirs. Cependant, ce jour-là les nuages semblaient s'être écartés... La fillette et le garçon adoraient le soleil, il caressait doucement la peau de ses rayons et il réchauffait leur cœur. C'était une sensation nouvelle pour eux, et ça leur plaisait beaucoup.

Soudain, le frère regarda au loin et fit remarquer à la fillette que le paysage semblait un peu plus vert que d'habitude. Ils pouvaient distinguer de chez eux la forêt où ils aimaient à se promener, et de là ils pouvaient distinguer que quelques arbres avaient quelques feuilles vertes. D'habitude, les arbres ne possédaient aucune feuille, ou alors celles qu'ils possédaient étaient oranges.

Depuis fort longtemps, la fillette et le garçon n'avaient pas vu leur mère sourire, elle avait la larme à l'œil.

Après avoir aidé leur maman dans les champs et la maison, le frère et sa petite soeur partirent se promener dans la forêt. Sur le chemin, ils remarquèrent qu'un peu de gaieté c'était installé dans le cœur de leurs voisins.

Une fois arrivés la vieille Souche", la fillette se remémora son rêve et demanda à son frère de lui en dire plus sur le Dragon Elfique . Le frère dit à sa sœur : « Il serait bien commode de connaître un Dragon Elfique . J'ai souvent rêvé que j'en rencontrais un ici même, à "la vieille Souche". Mais mon rêve se finissait toujours avant que je n'aie pu prononcer mon vœu au Dragon. Dis-moi soeurette , quel serait ton vœu si tu en avais un à formuler au Dragon ? » La petite fille répondit simplement que ce qu'elle souhaitait, c'est que tout le monde soit heureux, que ça soit les gens de leur pays, leur maman ou bien le Dragon Elfique , car elle savait qu'il était tout seul et bien malheureux. Elle souhaitait le bonheur de tous.

La nuit, la fillette rêva qu'elle rencontrait le Dragon Elfique à "la vieille Souche" qui cette fois-ci était toute recouverte de lierre, les arbres et les buissons avaient des feuilles et plusieurs fleurs illuminaient le sol. Le Dragon remercia la petite fille qui ne savait pas exactement pourquoi, puis ils s'amusèrent encore beaucoup ensemble, le Dragon semblait avoir retrouvé sa gaieté.

Le lendemain, quand la fillette et son frérot se réveillèrent, leur mère était en pleurs, et ils lui demandèrent pourquoi. La mère répondit : « Mes chers enfants, les Dieux nous ont bénis, après avoir vécu tant de souffrances, le bonheur revient enfin dans nos contrées. Les nuages ont disparu, le soleil resplendit à l'extérieur. Nos champs regorgent de cultures, tous les arbres sont verts, l'eau coule à flots dans la rivière. » Les enfants et la mère s'étreignirent, ils étaient tous heureux.

Pendant cette nuit, un certain Dragon s'était rendu dans les rêves d'une petite fille. Elle avait été la seule à vouloir s'amuser avec lui, d'habitude, les gens qui rêvaient de lui demandait toujours qu'il exhausse un vœu. La fillette était pure, elle ne désirait que le bonheur des gens qui l'entourent. Le Dragon se sentait moins seul, il était heureux.


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Mars 2014 à 16:15:07
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Le grand bal du printemps

Dans le jardin c'est l'aurore, toutes les fleurs sont en coulisses derrière le rideau de gazon, elles lissent leurs sépales et déploient leurs corolles, se pomponnent, font étinceler leurs boutons, l'excitation est à son comble !
Ça chuchote, ça rigole en se caressant le chapeau, les roses se parent de rosée, petits diamants posés sur leurs pétales de satin.
Le narcisse met ses jupons à la blancheur immaculée, les crocus groupés dans un coin, s'habillent de nuances vives.
Les violettes se motivent, les primevères s'ensoleillent et les tout petits myosotis rosissent de joie leurs fleurettes !
Ha! Voici le soleil qui parait en pâles rayons sur le bord du ruisseau . Le grand bal peut commencer!

S'avancent alors les primevères avec leurs chapeaux assortis, elles courent à toute queue et se positionnent en couronne sur l'herbe fraiche de la berge, elles penchent leurs jolies têtes puis une à une se relèvent chantant les notes de la gamme !
Puis vient le tour des pâquerettes, qui arrivent en file indienne et font de savants entrechats, dans leurs mini robes nuptiales, elles se donnent, s'abandonnent, petits tapis immaculés s'agitant sous les clairs rayons.
Les crocus ont pris leurs violons pour accompagner les mignonnes qui font avec les primevères des pas de deux époustouflants !
Voici qu'arrivent les violettes en duos avec les pervenches, petits tableaux mauves et parmes, illuminant tout le massif où elles valsent, si jolies, sous le soleil qui monte, monte !
Alors à l'appel du coucou, les tulipes font leur entrée, s'élancent, agitant en cadence leurs têtes aux belles couleurs sur un air de salsa endiablé et les mésanges sur leurs branches bougent au rythme chaud de la danse !
De rose, de jaune et de rouge elles habillent le décor et virevoltent dans la lumière !
Viennent ensuite les narcisses accompagnés par le hautbois des linottes qui chantent dans le grand sapin ,la tige serrée dans leurs feuilles, ils passent en couples enlacés sur le vert tendre du gazon, sautent avec les pâquerettes et saluent bien bas les violettes !
De beaux iris bientôt entrent aussi, majestueux, tandis qu'un concert d'oiseaux dans la ramée trille et pépie avec entrain, accompagnant les sifflets des merles !
Tout le jardin est un ballet et tous les instruments se mêlent tandis qu'arrivent les jonquilles avec leurs robes de soleil !
Elles tournoient en flammes d'or, leurs corolles sont des ombrelles sous les chauds rayons qui éclairent tous leurs pétales !

Les toiles d'araignées en travers de l'allée sont des bijoux étincelants, couverts de perles de rosée !
Tout danse, tourne, se touche les corolles et la symphonie printanière emplit l'air pur et parfumé, tout chante et rit dans le matin, les papillons, fous de bonheur, ne savent où donner de la trompe, ils batifolent en arabesques irisées sur les buissons de romarin qui embaument tout le jardin !

Et c'est ainsi chaque printemps, si vous savez bien regarder, vous apercevrez la danse des fleurs, mais il faut pour cela avoir conservé de l'enfance une petite part d'imagination...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Mars 2014 à 17:03:21
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Le coeur du tilleul...

Il était une fois, à la lisière d'une forêt...
Plusieurs arbres rassemblés qui avaient engagé une conversation sur ce qu'ils aimaient le plus au monde.

Un jeune bouleau élancé et argenté était parmi eux, il se balançait continuellement et chantait : "le printemps, le printemps !".

Un vieux chêne tout noueux murmura : "c'est l'orage que j'aime le plus ! Je peux me battre avec lui ! L'orage, croyez-moi, c'est notre maître à tous".

Un jeune mélèze dit que c'était les étoiles qu'il préférait et un hêtre célébra en chuchotant les secrets de la nuit.

Au milieu d'eux s'élevait un tilleul. Tous le regardaient étendre généreusement ses branches et écouter les abeilles qui bourdonnaient parmi ses fleurs et ses feuilles en forme de cœur. "Moi, celui que j'aime le plus, c'est l'homme" dit le tilleul.

"L'homme ?" cria le hêtre, "frère tilleul, ça je ne le comprends pas !"

"L'homme !" Dit le mélèze en s'adressant au sapin.

Pas possible, grommela le chêne, comment peut-on préférer l'homme ?

Tous les arbres se détournèrent du tilleul qui cessa de parler et se remit à écouter les abeilles. Le tilleul se disait : "Ils ne me comprennent pas, ce doit être quelque chose en moi qui me lie aux êtres humains ; je vais aller vers eux !". Et, dans la nuit, il quitta la forêt, traversa champs et prairies et parvint au village où il perçut des lumières et des voix d'hommes. Il s'installa sur une place libre où il enfonça ses racines, et il attendit.

Le matin vinrent des enfants du village qui chantaient et qui sautaient ; quand ils virent le tilleul, ils crièrent "Là ! jouons là !" et ils formèrent une ronde fantastique autour de l'arbre.

"Demain, cher tilleul, demain nous reviendrons !" Crièrent-ils, puis ils rentrèrent en courant à la maison.

Vers midi, des jeunes gens et des jeunes filles revinrent des champs, et ils se reposèrent à l'ombre de l'arbre ; "ici, nous avons un splendide espace pour danser, juste sous le tilleul. Nous nous réunirons ici chaque jour de fête, et nous nous amuserons bien" dirent-ils ; et ils commencèrent à chanter. Le tilleul les entendait encore alors qu'ils étaient déjà loin.

Une vieille maman arriva avec une corbeille dans les bras : "Mais...tu fleuris déjà, tilleul ! Demain je viendrai cueillir quelques fleurs, ça fera une bonne tisane pour l'hiver".

Le soir, arriva un voyageur ; c'était un poète, et il comprenait les tilleuls : "ah, si nous étions comme toi, cher tilleul..." dit-il, alors qu'il se reposait sous son feuillage ; "pleins de douceur et de générosité : tes feuilles en forme de cœur soulagent et guérissent toujours" et il se mit une feuille de tilleul à la bouche.

Maintenant, je sais ce que j'ai en commun avec les hommes sentit le tilleul, "c'est le cœur". Et ses feuilles bruissaient de joie et d'allégresse, et il chanta et étendit silencieusement ses branches au-dessus du voyageur qui sommeillait sous ses feuilles.

Les tilleuls sont les amis des hommes ; dans les villages, sur les vieilles places de marché, dans les rues et les jardins, ils cherchent à s'en approcher. Et en retour, l'homme cherche le tilleul quand il veut partager des choses importantes avec les autres ou quand son cœur le pousse à chercher un ami silencieux, s'il veut rêver, ou faire des vers.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 08 Mars 2014 à 17:02:15
(http://img15.hostingpics.net/pics/160608tulrose2.jpg)
La Petite tulipe rose

Il y avait une fois une petite tulipe  qui vivait dans une sombre petite maison, tout en bas sous la terre.

Elle était là toute seule et très tranquille dans l'obscurité et le silence. Un jour elle entendit un petit tap tap tap à la porte.

-Qui est là ? demanda-t-elle.

-C'est la pluie qui voudrait entrer, dit une petite voix triste et douce.

-Non, on n'entre pas, dit la petite tulipe.

Un ou deux jours après elle entendit de nouveau le petit tap, tap, tap à la porte.

-Qui est là. Dit-elle.

La même petite voix répondit :

-C'est la pluie qui voudrait entrer.

-Non, non, on n'entre pas, dit la petite tulipe.

Et elle n'entendit rien pendant très très longtemps. Après quoi vint un son étrange, comme un bruissement, un chuchotement, ch, ch, tout près de la fenêtre.

-Qui est là ? demanda la petite tulipe.

-C'est le soleil, dit une petite voix claire et gaie, c'est le soleil qui voudrait entrer !

-N... non, dit la petite tulipe ; on n'entre pas !

Et elle se tint très tranquille.

Bientôt après, elle entendit encore le ch, ch, ch à travers le trou de la serrure.

-Qui donc est là ? dit-elle.

-C'est le soleil, dit la petite voix claire, ouvre-moi.

-Non, non, dit la petite tulipe, on n'entre pas !

Quelques jours plus tard, on entendit tap, tap, tap, à la fenêtre et ch, ch, ch par le trou de la serrure.

-Qui est là. Cria-t-elle.

-C'est la pluie et le soleil, la pluie et le soleil, crièrent ensemble les deux petites voix et nous voulons entrer.

-Bon, bon, dit la petite tulipe, si vous êtes là tous les deux ensemble , il faut bien que je vous ouvre !

Elle ouvrit la porte -un tout petit peu- et ils se glissèrent dans la maison. Et la pluie lui prit la main gauche, et le soleil lui prit la main droite et ils l'entrainèrent avec eux, vite, vite, vite, jusqu'en haut, et là ils lui dirent :

-Passe la tête à travers la terre !

Elle passa la tête, et voilà,  elle était au milieu d'un beau jardin. Il n'y avait pas encore beaucoup d'autres fleurs, mais les oiseaux la saluèrent en chantant et les rayons du soleil réchauffèrent sa petite tête rose.

Et un peu après, quand les enfants arrivèrent ils battirent des mains en la voyant et crièrent :

-Tra ri ro ! Le printemps est venu encore une fois !

Et la petite tulipe se sentit tout à fait heureuse !

FIN
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Mars 2014 à 13:50:47
(http://img15.hostingpics.net/pics/568041souris.jpg)
Une souris jamais contente

  Il était une fois une souris qui n'était jamais contente.
                              C'était pourtant une souris ordinaire, une souris gris souris,
                              avec un petit museau pointu et une petite moustache ; mais
                              rien ne lui plaisait dans la vie.

                   

                                  D'abord, elle n'aimait pas sa couleur. Un jour elle voulait
                              être rousse, et elle rouspétait ; le lendemain elle préférait
                              marron, et elle maronnait.
                              Elle se trouvait petite. On l'appelait mini-souris ; mais elle
                              avait beau se pendre par les pieds, elle ne gagnait pas un
                              mini-mètre ; et ça, elle ne pouvait l'admettre.

                   

                                Son poil non plus ne lui convenait pas ; elle le trouvait trop
                             ras. Elle ressemblait à ses cousins, les rats, et ça la chagrinait.
                             Elle vivait dans un trou qui était si étroit qu'elle n'avait
                             plus de place quand elle achetait trois grains ; ça la rendait
                             grincheuse.
                             Bref, jour et nuit, notre souris ronchonnait sans répit.
                           _Tu n'es pas très gentille, lui disait-on, peut-être es-tu
                             malade ? Ou trop maigre ?
                           _C'est vrai, ça, on parle toujours des << bons gros >> mais
                             jamais des << bons maigres >> ; tu devrais y songer.
                             Elle y songea.
                             Manger, manger, elle ne pensa plus qu'à se gonfler la panse.
                                  Elle s'enferma chez elle avec des provisions et se mit à la tâche:

                   

            Menu

               Lundi :  pâté, patates et pâtes ;
                 Mardi :  pâtes, pâté et patates ;
                    Mercredi :  patates, pâtes et pâté ;
               Jeudi :  pâté, pâtes et patates ;
                   Vendredi :  pâtes, patates et pâté ;
                   Samedi :  patates, pâté et pâtes ;
                  et le dimanche...
                  un grand verre d'eau.

                   

                                  Une semaine passa. Sans résultat. Malgré un tel menu, elle
                              restait trop menue. Elle supprima le verre d'eau.
                              Après plus de deux mois de ce régime << bourri bourra >>,
                              notre souris gloutonne finit pourtant par s'empâter de partout
                              et devint ronde comme un ballon. Même les pattes semblaient
                              parties, cachées par son gros ventre. Il n'y avait plus que
                              les oreilles qui dépassaient, et encore, pas toutes, juste un petit
                              bout. Mais quand elle se trouva coincée dans son trou sans
                              pouvoir en sortir, elle fut à nouveau de très mauvaise humeur.
                              Et elle jeûna le plus vite possible.

                   

                                 À sa première sortie, elle rencontra deux souris voisines.
                              Une blanche, une verte. La blanche travaillait à l'hôpital et
                              elle était très pâle. La verte courait dans l'herbe, mais
                              quelqu'un qui passait par là l'attrapa par la queue, la trempa
                              dans l'huile, dans l'eau, et elle se transforma en un escargot
                              tout chaud. Quel sort pour une souris de finir en escargot !
                              Notre souris grise aurait pu se dire qu'être couleur muraille,
                              ce n'était pas si mal que ça; mais non, elle ne se le dit même pas.

                   

                                 Le soir, il y avait bal. Pour se faire belle et se grandir un
                              peu, notre mini-souris mit ses souliers vernis avec des talons
                              hauts. Puis elle entra.
                              Musique.
                              Drame, c'était un cha cha cha.
                              Elle voulut s'échapper, mais elle glissa par terre et tomba
                              sur les dents.
                              Crac, plus de dents.
                              Mais c'est triste une souris sans dents, qui ne grignote ni
                              ne sourit. Il lui fallait d'urgence une dent de remplacement.
                              Elle fit alors le voeu que si elle en trouvait une, elle deviendrait
                              une crème de souris et le demeurerait pour le reste de la vie.

                   

                                  Et c'est depuis ce temps-là que les enfants glissent sous leur
                              oreiller leur première dent de lait. C'est pour aider les petites
                              souris à devenir plus sages...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Mars 2014 à 15:55:05
(http://img4.hostingpics.net/pics/796343ao4.png)
L'arbre aux mille fleurs

Dans les temps anciens, vivait en Amazonie un Cèdre rouge.
D'un naturel hospitalier, il accueillait sous son toit, tous les sans-abris de la forêt :
broméliacées, lianes, plantes grimpantes mais aussi oiseaux, iguanes, lézards à queue épineuse, serpent-liane, babounes, capucins, tamarins, insectes et rats épineux.
Dans ses cavités, il logeait hiboux, coatis et pics verts.

Il était la risée de tous les arbres de la forêt.
- Comment peux-tu supporter tant de monde dans ta canopée ? dit l'Ebène vert.
Moi, je ne reçois personne sous mon toit. Je n'ai pas les désagréments d'incessants  passages et de bavardages continuels.
- Par principe, moi, je n'abrite personne dit l'Amourette et je ne leur servirai pas à ton exemple de garde-manger.
Car,
les reptiles se nourrissent de tes rongeurs,
les oiseaux de tes fruits,
les singes de tes feuilles,
les araignées de tes insectes.
Tu nourris tout le monde, mais toi qui te nourrit ?
- Vous êtes des égoïstes et des bavards, dit le Cèdre rouge,
Que faites-vous de vos fruits qui pourrissent, de vos feuilles qui sèchent, de vos cavités qui s'encombrent de poussière, de vos branches qui s'encrassent et qui s'ankylosent ?
Tous ces locataires me sont bien utiles, ils me maintiennent en bonne forme.

Ils étaient encore à palabrer lorsqu'une orchidée qui avait essuyé un refus de la part des autres arbres, interpella le cèdre rouge.
Cèdre rouge, dit-elle, peux-tu m'accueillir dans ta canopée ?
-Volontiers , lui répondit, l'arbre
Et en se courbant, il la prit dans ses branches.
L'orchidée prospéra et eut de nombreux rejetons.
Elle invita d'autres fleurs à suivre son exemple.
Le cèdre  était maintenant ornementé d'une multitude de fleurs, de plantes et de lianes de toutes  les couleurs : jardins de fourmis, philodendrons, zognon-pays, queue de caïman, bégonias, zieu-bourriques, liane serpent, ti-moron, liane carré, peigne singe rouge, norantea liane gris, liane-ail.

- Ha, Ha, Ha ! Ce n'est pas un arbre, c'est une pépinière disaient ses voisins en s'esclaffant.
- Regardez-le, il a des fleurs dans les oreilles, il en a même dans la bouche.
Vînt la fête annuelle des arbres, le cèdre rouge obtînt le  prix d'excellence.
On le surnomma : l'arbre aux mille fleurs.
Les autres arbres verts de jalousie, accueillirent dès lors, sous leurs ombrages, tout ce que la forêt  comptait d'épiphytes, de mammifères,d'insectes, et courtisèrent les orchidées.
Comme dit le proverbe birman :
« Un bon arbre peut loger dix mille oiseaux »
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Mars 2014 à 17:06:18
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Le ver et le scarabée

Il était une fois un ver et un scarabée qui étaient amis et passaient des heures et des heures à causer. Le scarabée était conscient du fait que son ami était très limité en mobilité, ne voyait pas bien et était vraiment sage comparé à ceux de son espèce. Le ver, quant à lui, était très conscient du fait que son ami venait d'un autre environnement, qu'il mangeait des choses qui lui paraissaient désagréables, vivait au-dessus de ses moyens, avait un aspect grotesque et parlait beaucoup trop rapidement.

Un jour, la compagne du scarabée interrogea ce dernier sur son amitié envers le ver :
 
-Comment était-il possible qu'il marche tant pour aller à la rencontre du ver ?
Ce à quoi le scarabée répondit que le ver était limité dans ses mouvements.
-Et pourquoi était-il encore l'ami d'un insecte qui ne retournait pas les chaleureuses salutations que le scarabée lui faisait au loin ?
Connaissant la mauvaise vue de son ami il comprenait cette attitude. Souvent il ne savait pas que quelqu'un le saluait et lorsqu'il s'en rendait compte, alors qu'il ne pouvait distinguer si ce salut lui était destiné, il y répondait quand même.

Toutefois, beaucoup de questions se bousculaient dans la tête du scarabée qui s'interrogeait sur son amitié avec le ver, tant et si bien qu'à la fin, il décida de mettre cette amitié à l'épreuve en s'éloignant, dans l'espoir que le ver se mette à le chercher.

Le temps passa et des nouvelles lui parvinrent : le ver était en train de mourir ; il faisait énormément d'efforts et son organisme le trahissait. Chaque jour il entreprenait le chemin pour arriver jusqu'à son ami et la nuit l'obligeait à revenir sur ses pas.

Le scarabée décida alors d'aller le voir.

Sur le chemin plusieurs insectes lui contèrent les péripéties qu'avait endurées le ver pour savoir ce qui était arrivé à son ami. Le scarabée arriva alors à l'arbre dans lequel le ver, agonissant, attendait de passer à une vie meilleure.

En le voyant s'approcher, le ver, avec les dernières forces que la vie lui prêtait, lui dit combien il se réjouissait de voir qu'il allait bien. Il sourit pour la dernière fois et prit congé de son ami en sachant qu'il ne lui était rien arrivé de mal.
 
Le scarabée était honteux d'avoir douté de cette amitié et d'avoir perdu toutes ces heures de plaisir que les conversations avec son ami lui procuraient. Enfin, il comprit que le ver, tout en étant si différent et distinct de ce qu'il était lui, était son ami, qu'il le respectait et l'aimait, non pas à cause de l'espèce à laquelle il appartenait mais parce qu'il lui avait offert son amitié.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Mars 2014 à 15:41:45
(http://img15.hostingpics.net/pics/194712girafe2.jpg)
Comment la girafe est tombée malade...
...et comment tous les animaux l'ont aidée.


Cette histoire s'est déroulée dans le zoo de Saint-Pétroz, la petite commune où a eu lieu le fameux festival des cochons, dont le concours de chant a été gagné, si vous vous souvenez bien, par notre amie Valérie la Marmotte.

Saint-Pétroz est une ville au sud de la France, ce qui implique qu'habituellement il fait très chaud là-bas. Grâce à cela le zoo municipal hébergeait sans problème les animaux Africains, habitués aux grandes chaleurs et sensibles au froid, comme les girafes ou les lions. Il était en revanche très difficile de créer les conditions acceptables pour les ours blancs et les pingouins, ce qui fait que petit à petit le zoo de Saint-Pétroz a utilisé ses contacts internationaux pour échanger presque tous ses animaux nordiques contre ceux des continents plus chauds. Ils ont seulement gardé une famille d'ours blancs qui commençaient à s'habituer à la météo méditerranéenne, plus trois pingouins, qui étaient hébergés dans une cage réfrigérée, protégée du soleil par le verre réfléchissant, comme sur les pare-brises des voitures modernes.

Au mois d'août, presque tous les employés du zoo ont posé quelques jours de congé pour profiter d'un long week-end. Tout le monde comptait sur quelqu'un d'autre pour rester travailler au zoo, et ainsi les deux seules personnes qui ne partaient pas, étaient le gardien du zoo, qui ne partait jamais en vacances, et un stagiaire de licence en biologie marine qui étudiait les phoques pour son projet de fin d'année.

Météo France annonçait du très beau temps  pour les trois jours à venir. Cela paraissait parfaitement normal pour le mois d'août et aucun des employés du zoo ne s'est inquiété sur le sort des animaux pendant leur absence. Chacun a juste laissé assez de nourriture aux animaux dont il ou elle était responsable et tout le monde est parti profiter de ces petites vacances, l'esprit tranquille.

Le problème, c'est que parfois (assez rarement quand même, ne soyons pas mauvaises langues ;-), Météo France se trompe dans ses prévisions. C'est ce qui est arrivé pendant les jours d'absence de tout le personnel du zoo: au lieu des 28°C annoncés, la température est tombée à 5°C le matin, avec à peine 10°C pendant la journée, sans parler de la pluie froide et le vent perçant qui accompagnaient tout ça! Un temps aussi exécrable à Saint-Pétroz arrive normalement une fois tous les 20 ans, et il a fallu que ce jour tombe pendant la période où les pauvres animaux étaient laissés sans surveillance. Tout le monde au zoo tremblait de froid, même les ours blancs dont la fourrure était mouillée jusqu'à la peau et ne les protégeait donc plus du tout.

Malgré tout, presque tous les animaux, même africains, avaient déjà vu un temps comparable, car l'hiver même à Saint-Pétroz il ne fait pas très beau et très chaud tous les jours. La seule qui vivait un froid pareil pour la première fois de sa vie était une petite girafe, née au mois de mai de la même année, qui n'avait jamais encore vu l'hiver. Cette girafe (son prénom était Béatrice, de la famille NDUMBA), de par son jeune âge, était encore très sensible. Elle est donc tombée malade malgré tous les efforts de ses parents et amis girafes pour la protéger du froid et de la pluie. Elle était périodiquement secouée par des toux tellement fortes que l'on aurait dit que son cou très fin allait se casser en deux. De plus son nez était complètement bouché on avait l'impression d'entendre un petit canard lorsque Béatrice essayait de parler.

Les parents de Béatrice étaient affolés, car ils n'avaient jamais eu de grippe eux-mêmes et ils ne savaient donc pas comment la soigner...

Pendant ce temps Valérie la Marmotte, son copain Gautier le Castor et leur ami Vincent la Taupe étaient tellement désespérés par le mauvais temps qu'ils n'avaient même plus envie de jouer à leur jeux préféré - Le Scrabble. Il faut dire qu'ils n'avaient pas arrêté d'y jouer pendant près de 15 heures d'affilées, en grignotant des nachos au guacamole et en buvant du Schweppes. Ils avaient les yeux rouges de fatigue et les ventres ronds, remplis de nachos et de bulles du Schweppes. Ils ont décidé de sortir un peu pour se dégourdir les pattes. Chacun a mis un gros pull, pris un parapluie (pour les petits animaux comme eux une grande feuille de fougère suffit largement en tant que parapluie). Ils ont décidé d'aller voir le zoo de Saint-Pétroz, où ils avaient plein de connaissances, car Vincent la Taupe était très apprécié la-bas pour ses connaissances des différentes langues des animaux - de la langue des girafes à celle des paresseux - ce qui permettait aux animaux qui ne se comprendraient pas en temps normal de communiquer, faire des blagues, même de se draguer. Les trois amis connaissaient notamment la famille des girafes NDUMBA, arrivés à Saint-Pétroz il n'y a pas si longtemps, qui ne parlait pas bien encore le girafe Français.

En entrant au zoo Valérie, Gautier et Vincent ont été surpris par l'absence flagrante de tout être humain (normalement il y en avaient des foules, grouillant autour des cages et pavillons animaliers). Il régnait un silence presque total, car tous les animaux étaient déprimés par le mauvais temps, et n'avaient pas envie de jouer comme d'habitude. On n'entendait que le bruit de la pluie sur les feuilles des arbres et les flaques sur le sol, mais encore un autre bruit qui ressemblait à une toux d'une petite girafe. Puis Vincent a entendu du girafe Africain: "Ne t'inquiète pas chérie, l'ours m'a dit que cette maladie n'est pas très grave, que cela lui arrivait tout le temps quand il était encore dans les forêts de la Sibérie" - c'était le papa de Béatrice qui parlait à sa femme.

Les trois amis se sont précipités vers le pavillon des girafes et ont tout de suite compris ce qui se passait - la petite Béatrice avait attrapé froid et ses parents ne savaient quoi faire. Valérie, par l'intermédiaire de Vincent qui traduisait, a expliqué aux parents de la petite qu'il n'y avait pas grand chose à craindre de cette maladie, que c'était plus désagréable que dangereux, mais qu'il fallait quand même protéger Béatrice du froid avec une écharpe. Gautier, qui adorait les jeux et les concours divers, a tout de suite proposé d'organiser un championnat du zoo de tricot d'écharpe. Avant que quelqu'un ait le temps de dire quoi que ce soit, il a tout couru dans tout le zoo pour proposer le concours aux autres animaux. Les animaux ont trouvé ce concours un peu bizarre mais il fallait bien aider la petite girafe. De plus tout le monde s'ennuyait tellement que n'importe quelle animation était mieux que rien.

Après inscription les participants étaient:

-Valérie la Marmotte, qui adorait tricoter pour Gautier et pour elle-même des pulls et des écharpes pour leurs randonnées dans les montagnes,


-Vincent la Taupe, qui ne faisait pas confiance à Valérie et qui se tricotait ses propres pulls et chaussettes,


-Les trois pingouins, qui ne savaient pas tricoter mais qui se sont inscrits quand même pour s'amuser,


-L'ours, qui venait de la Sibérie et qui de ce fait connaissait bien tout ce qui concernait les vêtements chauds,


-Les paresseux, qui pour une fois n'ont pas confirmé cette réputation qui leur vaut leur nom,


-Le kangourou qui faisait tourner le marché noir de vêtements et de nourriture dans le zoo de Saint-Pétroz


et finalement tous les oiseaux réunis, qui savaient faire des nids et qui se sont dit qu'avec ce savoir-faire il suffisait de remplacer les morceaux de branches et de paille par des fils de laine pour réussir une superbe écharpe.

Lorsque les inscriptions ont fermé, tous les participants ont commencé à s'équiper:

Pour les aiguilles tout le monde est allé chercher le Porc-épic. Heureusement, ce dernier en perdait beaucoup tout le temps et comme les employés du zoo étaient partis depuis deux jours, toutes ces aiguilles n'étaient pas ramassées. Seule Valérie la Marmotte a essayé d'aller chercher ses aiguilles de tricot à la maison mais pour l'égalité du concours tout le monde l'a convaincue d'utiliser celles du Porc-épic, comme les autres. En revanche les oiseaux ont été officiellement autorisés à ne pas utiliser d'aiguilles (imaginez un oiseau tenir une aiguille, pis, tricoter avec!) mais faire avec leurs becs.

Pour la laine les animaux ont décidé de raser un peu les moutons du zoo. Pour cela Gautier a piqué une tondeuse sans fil chez le gardien, qui faisait, comme à son habitude, la sieste de l'après-midi. Malheureusement pour les moutons, le nombre de participants était élevé et le cou de la girafe long, alors tous les montons ont été rasés très court, et même le buffle a failli y passer. Heureusement pour lui il ne restait plus de piles dans la tondeuse...

Ensuite chacun des participants (ou groupes de participants) a pris les mesures du cou de Béatrice, dessiné les croquis de la future écharpe. Une fois tout le monde prêt, le signal de départ a été donné et tout le monde s'est précipité vers le tas de laine qui lui avait été attribué, attrapé ses aiguilles et commencé à tricoter. Tout le monde tricotait à toute vitesse, et les aiguilles faisaient tellement de bruit que cela a réveillé le gardien. Gautier, qui ne participait pas dans le concours (car il ne savait pas tricoter), s'est chargé d'attirer son attention pour qu'il ne découvre pas le concours. Il a attaché une ficelle à la tondeuse, l'a déposée sous la porte du gardien, puis s'est caché dans un buisson, en ayant frappé à la porte. Vous imaginez facilement la suite: à chaque fois que le gardien essayait d'attraper la tondeuse, Gautier tirait sur la ficelle et s'avançait encore un peu dans les buissons...

Pendant ce temps le concours continuait. Les tricoteurs continuaient de plus belle. On voyait déjà apparaître la forme d'écharpe chez la plupart des participants. Seul Vincent la taupe était encore dans les petits morceaux sans forme et personne ne n'aurait parié cher sur le fait que ce soit lui le gagnant du concours.

Vers minuit tout le monde avait terminé son écharpe, sauf Vincent, toujours en train de tricoter plein de petits bouts. Les animaux ont décidé de se coucher en couvrant Béatrice avec les écharpes déjà prêtes, et de reporter la décision du jury (composé bien sûr de Béatrice et ses parents, mais aussi de Gautier, la femme de l'ours, et les moutons) et d'annoncer le résultat du concours le lendemain matin. Au matin tout le monde s'est réveillé en pleine forme, y compris Béatrice qui avait déjà moins froid. Les animaux ont vu Vincent... et un magnifique pull au col roulé posé à côté de lui. Tout le monde a enfin compris ce que représentaient les petits bouts de tricot que faisait Vincent : les manches, le col, le dos, etc. Le pauvre avait tellement travaillé la nuit sur son pull que personne n'a réussi à le réveiller. En revanche le jury a donné le prix du meilleur tricoteur à Vincent, pour son originalité, sa détermination mais aussi la qualité de son travail - personne n'avait encore jamais vu de pull aussi épais et doux. La deuxième place a été attribué ex-aequo à tous les autres participants. Lorsque Vincent s'est enfin réveillé le soleil apparaissait à nouveau, les animaux faisaient la fête pour leurs deuxièmes places et Béatrice était presque guérie. Ainsi tout le monde est reparti chez lui heureux.

Il ne me reste plus qu'à vous faire imaginer l'étonnement des employés du zoo au retour de leur week-end prolongé: la jeune girafe en pull et avec cinq écharpes; les moutons rasés jusqu'à la peau; le buffle encore tremblant de peur et criant "non, ne me rasez pas! pitié!" (il criait en buffle, bien sûr, donc personne ne l'a compris car Vincent n'était pas là pour traduire); le gardien cherchant encore sa tondeuse dans les buissons; le pavillon du Porc-épic complètement nettoyé des aiguilles (qui ont été retrouvées chez les girafes); finalement les trous de taupe un peu partout dans les gazons (en partant Vincent n'a pas pu s'empêcher d'en faire quelques uns - on ne se refait pas ;-)

Nounours
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Mars 2014 à 15:15:00
(http://img15.hostingpics.net/pics/792227kangourou1.jpg)
Colt, le kangourou volant
   
Depuis qu'il était tout petit, Colt le kangourou rêvait de voler. Il passait des heures à admirer les oiseaux dans le ciel, qui se laissaient planer, les ailes grandes ouvertes.
-«J'aimerais tellement voler dans les airs, moi aussi, sentir la liberté des mouvements, contempler les terres d'en haut... »
Alors, il s'essaya à prendre son envol. Il s'entraîna à faire des bonds, de plus en plus haut, de plus en plus loin. Il courait d'abord à toute allure, puis sautait avec ses deux pattes jointes sur un tremplin qui le propulsait dans le ciel.
Le départ était réussi, mais ensuite la trajectoire déclinait rapidement.
Colt avait beau agiter ses pattes en avant et en arrière, dans tous les sens... Rien à faire, il retombait lourdement. Et l'atterrissage était plutôt douloureux... Il chutait irrésistiblement sur le sol, se faisant à chaque fois de multiples contusions...
Pauvre Colt, sa passion lui faisait mal. Mais c'était son rêve, il y tenait, il voulait y arriver...
Alors, il essaya d'autres techniques. Il s'accrocha des planches sur les pattes de devant, bien plates qui, il l'espérait, pourraient réussir à le maintenir dans le ciel.
Paré de son nouvel attirail, il s'élança. Arrivé dans les airs, il bougea ses planches en cadence pour prendre prise.
Mais sa tentative fut vaine. Non seulement, il ne se tint dans les airs, pas davantage qu'un dixième de millième de seconde de plus que les autres fois. Mais sa retombée fut encore plus terrible, car les planches secouées se mirent à lui tambouriner la tête de chaque côté.
Le constat était clair : ce n'était pas une réussite. Pourtant, tout avait l'air si simple quand on regardait les oiseaux faire.
Sans effort, ils s'élevaient dans le ciel, facilement ils pouvaient y rester et s'y diriger.
Et, en plus, leur vol était tellement souple, gracieux, léger. Rien à voir avec ces propulsions catapultées, balourdes, sans aucune élégance.
Décidément, il n'y arriverait jamais. Un kangourou ne pouvait pas voler. C'était ainsi, la loi de la nature. Il aurait dû naître ailleurs.
Voilà, sa vraie âme était celle d'un oiseau, pas celle d'un marsupial sans grâce. Il se regarda, consterné.
Et cette poche béante sur son ventre, quelle incongruité ! Machinalement, il se la tripota.
Surgit alors un coup de vent qui la gonfla, et fit perdre l'équilibre au kangourou.
Alors, une idée géniale traversa l'esprit de Colt. Oui, il allait voler, car il détenait l'idée du siècle. Sa poche, c'était cela la solution !
Comment n'y avait-il pas pensé plus tôt ? C'était évident : une poche comme ça, c'était une aubaine pour voler ! Ça ferait un superbe parachute.
Alors, il révisa ses sauts. Car il lui fallait prendre un maximum d'élan, pour aller le plus haut possible.
Ensuite, il fallait s'entraîner à se retourner, à se mettre la tête en bas. Car alors, il pourrait déployer sa poche et s'en servir comme d'un parachute.
Le cœur en joie, et sûr de son fait, il reprit ses entraînements. Voilà, il y était presque. Le coup de rein au moment crucial où le déclin s'amorçait, son retournement et la poche qui s'ouvrait.
Et miracle ! Cela marcha ! Colt resta un long moment dans les airs, en descendant doucement.
Après plusieurs essais, il réussit même à tourner et à se diriger dans le ciel en gonflant plus ou moins sa poche, et en s'aidant de ses pattes comme d'un gouvernail. C'était génial ! Colt volait !
Certes, d'une drôle de façon, pas banale du tout, et plutôt éloignée de celle des oiseaux, mais il volait quand même, et pour un kangourou, c'était plutôt inattendu ! Colt ne se lassa jamais d'effectuer des vols dans le ciel, la tête en bas, les yeux grands ouverts, sa poche bien tendue dans les airs, il goûtait cette liberté dont il avait si souvent rêvé.
Et tant pis si les autres kangourous le considéraient comme siphonné du ciboulot. Il était heureux...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Mars 2014 à 15:02:07
(http://www.hebergeurdimage.fr/images/eglant3.jpg)
PRINCESSE EGLANTINE

IL était une fois un petit garçon de cinq ans qui se nommait Julien et qui aimait bien faire de beaux rêves lorsqu'il était endormi et pour cela sa maman lui avait décoré sa chambre avec de belles images de contes pour enfants qu'elle avait récupérée dans de beaux livres d'histoires enfantines.

Il y avait parmi ces images une petite princesse qui se nommait Eglantine et elle vivait dans un royaume perché là-haut dans les nuages, cette petite princesse était aussi belle que l'astre qui éclaire le monde, ses cheveux étaient aussi blond que les blés mûres , son teint avait la douceur et la clarté de l'aurore et son regard était aussi lumineux qu'un beau ciel d'été. Julien avant de s'endormir aimait bien contempler l'image de cette si ravissante princesse.

Cette nuit-là alors qu'il dormait profondément, il rêva qu'il était dans les nuages auprès de la jolie princesse églantine qui lui faisait les honneurs de son palais, elle l'aidait pour franchir les espaces qui conduisaient à d'autres nuages  car il fallait traverser sur des arcs-en-ciel aux vives couleurs  et ce jour-là  elle le conduisit vers un autre palais qui appartenait à un jeune prince de ses amis qui se nommait  Bruno le bien nommé car  ses beaux cheveux noirs avaient le reflet bleuté d'une prune bien mûre , sa peau était aussi dorée qu'un pain qui sort du four et son regard avait le ton chaud des châtaignes en automne.

Ils étaient fiancés depuis peu  et ils  allaient bientôt convoler en juste noces mais pour cela il fallait attendre que le château  de leur future épousailles fut terminé. Il se bâtissait sur un autre nuage et ils durent franchir d'autres arcs-en-ciel pour aller voir sa construction , les travaux étaient bien avancé  car des centaines de petits elfes s'activaient pour le finir à temps et les deux fiancés regardaient avec de la tendresse dans les yeux le bel ouvrage qui serait bientôt terminé.

Quand le soir fut tombé le prince Bruno amena sa fiancée s'asseoir sur un croissant de lune et courant de nuages en nuages alla lui cueillir un bouquet d'étoiles d'argent, tandis que julien bien sagement couché sur un autre nuage rêvé qu'il dormait. Il n'était pas seul, car des elfes étaient auprès de lui pour veiller sur son sommeil, une douce brise caressait ses cheveux comme le souffle apaisant d'une maman, et les gentils elfes lui chantaient doucement une berceuse.

Et Julien se réveillait au petit matin tout heureux d'avoir fait la connaissance d'Eglantine la petite princesse aux yeux si bleu. Lorsqu'arrivait  l'heure d'aller dormir  le petit garçon ne se faisait pas prier , car il savait que la petite princesse viendrait très vite peupler ses rêves et l'amènerai se promener dans le ciel en compagnie du  prince Bruno son fiancé et ensembles ils vivraient de merveilleuses aventures.

Une nuit la jeune fille lui fit connaître d'autres habitants des nuages, outres les elfes qu'il connaissait bien maintenant, il fit la rencontre de jolies petites fées qui voletaient légères dans les airs et qui d'un coup de baguette magique faisaient naître de ravissantes petites fleurs aux couleurs subtiles pour qu'il puisse les offrir à son amie la princesse églantine. Tout ce petit peuple vivait heureux là-haut dans les nuages et Julien était devenu l'ami de tous.

Toutes les nuits lorsqu'il s'endormait la petite princesse Eglantine venait le chercher et l'amenait dans son royaume des nuages, y il rencontra les déesses de la pluie, joyeux êtres translucides qui jonglaient avec des perles irisées de pluie.

Puis plus loin ,la princesse Eglantine lui présenta son père le Dieu des orages, un géant à la voix de stantor (  voix très, très forte), ses yeux lançaient des éclairs, il était vêtu de noir, or et argent il en imposé fort. Julien en eu si peur qu'il se réveilla tout trempé de sueur, sa maman l'ayant entendu gémir c'était précipitée pour le rassurer :

- « Rendors toi petit Julien, tu viens de faire un vilain cauchemar, elle lui chanta une douce berceuse et le petit garçon reparti dans le monde des rêves bleus.

Aussitôt qu'il fut rendormi il se retrouva sur les nuages auprès de la princesse

Eglantine, les elfes, les fées et les ondines l'entouraient anxieux pour le rassurer. Le Dieu des orages avaient voilé son regard et d'une toute petite voix très douce il s'adressa au petit garçon :

- «  Je suis désolé petit Julien de t'avoir effrayé , si tu veux bien nous allons visiter mon royaume. Il prit la main du petit garçon et gentiment l'aida à franchir les arcs-en-ciel, ils arrivèrent sur un nuage tout gris, là, des diablotins s'activaient à entretenir un feu d'enfer , ils étaient tous rouges , avec des petites cornes sur leur fronts bombés cachées à moitié dans une tignasse rousse une longue queue s'agitée dans leur dos et de leur mains griffues ils entretenaient le feu tout en grimaçant armés de longues fourches.

- « Tu vois Julien ce feu, c'est pour forger les éclairs lui dit le roi des orages.

Puis plus loin sur un gros nuage très noir, il vit des diablotins qui frappaient sur des tambours cela faisait un bruit assourdissant et des éclairs jaillissaient de toutes part ; la princesse Eglantine qui était près de Julien lui dit :

 Il ne faut pas nous approcher de ce nuage car il est gorgé de pluie, c'est un orage qui s'abat sur la terre , viens, laissons mon père à son ouvrage, allons visiter d'autres nuages .

Ils arrivèrent sur un nuage tout rose, qui fleurait bon le printemps, un jeune elfe au teint de rose,  tout vêtue de soie virevoltait dans la légèreté vaporeuse de son nuage en soufflant dans un flûteau ( petite flute taillée dans un roseau).

- «  Je te présente le fils du doux zéphyr , le roi du vent printanier, lui dit la petite princesse Eglantine , le jeune elfe s'approcha léger et le salua de son doux regard.

- « Là-bas lui dit-il tu peux voir le nuage ou vivent mes cousins les rois des vents du sud, ils se nomment Mistral et Tramontane, se sont des vents impétueux qui peuvent être ange ou démon selon les saisons. Deux vents joufflus qui parlent fort, nous avons bien d'autres frères lui dit-il , mais je ne te conseilles pas d'aller leur rendre visite, car ils sont un peu trop violents ils s'appellent, Bise, Blizzard, se sont des vents forts et glacials, ou l'Aquilon qui est le vent du nord, et bien d'autres.... Ils restèrent près de Zéphyr pour écouter un moment son talent de musicien puis continuèrent leur visite sur d'autres nuages ; ils arrivèrent dans une pouponnière où de charmants bébés jouaient avec leurs petites mains potelées sur des nuages gardés par des anges, ces charmants bébés joufflus étaient en attente de venir au monde, lui expliqua la princesse Eglantine, avant de naître tous les petits bébés sont gardé par des anges, toi même avant de venir au monde tu étais parmi eux.

- «  Tu en es sûr lui demanda Julien très intrigué, je n'en ai  gardé aucuns souvenirs.

- «  C'est normal lui répondit la princesse Eglantine, lorsque c'est ton tour de venir au monde, un ange te pose un doigt sur la bouche et te coupe les ailes, ensuite tu t'endors et lorsque tu te réveilles tu es dans les bras de ta maman terrestre, tu as tout oublié de ta vie parmi les anges.

- «  Alors j'ai vécu parmi les anges s'exclama Julien tout en tapant des mains quand maman saura ça !

- « Chut c'est un secret , tu es dans un rêve où rien n'est vraiment réel lui dit la princesse Eglantine, tu dois le garder pour toi comme un grand secret !

- « d'accord répondit l'enfant ce sera un grand secret entre nous !

- « Dis moi Eglantine, sais tu si le père Noël vit aussi dans les nuages, j'aimerai bien le rencontrer.

La princesse Eglantine n'eu pas le temps de lui répondre car arrivant sur des nuages tout décorés, son fiancé arrivait accompagné de tout les invités et ils étaient nombreux , des elfes, des fées , des sylphes et des sylphides ,des anges, des djinns, des salamandres etc...tous habillés de vêtements très aériens qui volaient légèrement autour d'eux comme si un vent léger s'était engouffré dedans, il l'interpella :

Chère fiancée c'est le jour de nos noces qui est arrivé, le château et terminé nous allons pouvoir nous épouser , nos invités sont arrivé comme vous pouvez le constater et sont impatient de voir la jolie promise parée de tous ses attribues de jeune épousée.

Une fée s'approcha de la princesse et d'un coup de baguette magique transforma Eglantine en une ravissante jeune mariée, sa robe était faite de pétales de fleurs roses d'églantier car elle était la reine de ses arbustes dont elle portait si joliment le nom, sa coiffure était composée d'une couronne de pistils de fleurs d'églantier qui lui faisait un diadème de pollen doré, elle était ravissante et son fiancé lui prenant la main la conduisit sur le nuage ou le roi des elfes les attendaient pour les unir. Se fut une belle cérémonie, Julien eu la joie de servir de garçon d' honneur avec d'autres elfes et c'est lui qui remis les anneaux nuptiaux.


Le petit garçon grandit et devint un homme mais il n'oublia jamais ses escapades dans les nuages avec la princesse Eglantine et son époux le gentil prince Bruno, lorsque parfois dans sa vie les nuages sont gris, il s'évade en pensée dans ses beaux rêves de gosse et vient retrouver ses amis pour un instant seulement.

B.I
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Mars 2014 à 15:51:32
(http://www.hebergeurdimage.fr/images/floreolo.jpg)
L'horloge de Flore

Autrefois dans les temps anciens, très anciens, vivait une gentille petite fée, gracieuse comme le printemps, fraîche comme la rosée, jolie comme l'aurore : on l'appelait Flore et on l'avait surnommée la Reine des Jardins.
Royauté bien plaisante en vérité.
Elle aimait les fleurs tant et tant. Tout le long du jour, et même de la nuit, on la voyait occupée à les arroser, à les disposer bien à l'aise sur leurs tiges ; elle les époussetait ; elle lustrait leurs corolles que le vent avait fripées. Que de soins ! Que d'affaires ! Un peu d'eau à celle-ci ; un peu plus de soleil à celle-là ; de l'ombre à une autre ; et jamais elle n'en finissait.
L'aimable Flore n'avait repos ni trêve.
Elle multipliait ses pas ; elle courait ; elle volait ; elle était à cent endroits à la fois. Les jours passaient sans qu'elles 'aperçut de leur durée ; et la nuit tombait qu'elle n'était pas à la moitié de sa besogne.
Comment suffire à tant d'occupations ?
Que faire pour sortir d'embarras ?
Flore s'avisa alors d'un expédient, sachant qu'avec de la méthode on peut mener à bien le travail le plus long et le plus fatigant. Il n'était que de régler sa journée, de fixer minute par minute l'empli de son temps. Elle pouvait bien, direz-vous, consulter le soleil pour savoir l'heure ; oui, mais quand le temps était couvert ! Ah ! si encore en ce moment-là elle avait eu montres ou horloges !
Flore, qui avait l'esprit insouciant, mais fertile en ressources, chercha dans sa petite cervelle ; puis elle prononça, bien avant Archimède, le fameux : J'ai trouvé.
Et voici l'expédient qu'elle imagina.
Elle allait endormir ses fleurs et elle les ferait réveiller, l'une après l'autre, chaque jour, à heure fixe, de sorte qu'en voyant telle ou telle épanouie, tout de suite elle saurait à quel moment de la journée elle se trouvait.
Aussitôt dit que fait.
Voici qu'elle rassemble dans un grand parterre, grand, grand, beau comme le paradis. Et là elle les fait s'asseoir sur un doux tapis de verdure. Vit-on jamais plus pompeuse assemblée ! Toutes les fleurs étaient là réunies ! les énormes pavots rouges, les petites violettes, les lis blancs, les boutons d'or, les roses, les iris, les jasmins les camélias, les mauves, les marjolaines, les muguets, les humbles et les superbes, les fleurs les plus belles, les plus odorantes, les plus colorées, les plus rares et les plus singulières qui se puissent imaginer ! Et tout autour voltigeaient l'essaim léger des abeilles, les papillons frivoles, mille et milles insectes bruyants ; et sur les arbres les oiseaux magnifiques chantaient.
Flore parla et tout se tut.
"Pour mon bien et pour le vôtre, dit-elle, je ferai se fermer quelque temps vos précieuses corolles ; vous sommeillerez ; Zéphire vous bercera de songes agréables, et vous vous réveillerez, c'est-à-dire que vos corolles s'ouvriront, chaque jour à l'heure que nous aurons choisie."
Et, moitié sévère, moitié caline, comme fait une bonne mère qui gronde en souriant, elle les appelait les unes après les autres pour connaître leurs préférences et savoir à quelle heure il conviendrait de les réveiller.
Les unes, paresseuses, aimaient dormir la grasse matinée, les autres, plus diligentes, demandaient à voir le riant soleil du matin, d'autres encore, fuyant le bruit, préféraient le crépuscule silencieux ou la nuit calme. Bref chacune, selon le désir de Flore, choisissait une heure différente pour son lever.
Alors tout s'arrangeant le mieux du monde.
Le Liseron de Paris ouvrait sa fleur coquette aux premiers sourires de l'aube, à trois heures ; le Pavot suivait en s'ouvrant à cinq heures ; puis c'était le tour de la Belle-de-Jour, à six heures, du Lis des eaux, à sept heures ; du petit Mouron, à huit heures ; du Souci des Champs, jaune comme le soleil, à neuf heures ; de la Glaciale, à dix heures ; de l'Ornithogale; justement nommée Belle-Dame de Onze heures, à onze heures ; et du simple Pourpier, à midi.
Le réveil d'une sorte d'Oeillet marquait ensuite l'heure de l'après-midi ; celui de la Seylle, du Leontodon, de l'Alysse, deux, trois et quatre heures du soir ; alors apparaissait la Belle-de-Nuit, qui correspondait à la Belle-de-JOur, à cinq heures ; puis le Géranium triste, à six heures ; enfin le Volubilis, le Silène et quelques autres terminaient la série des vingt-quatre heures qui font toute la durée du jour et de la nuit.
Toutes les heures étaient ainsi comptées.
C'était le cadran le mieux réglé que l'on puisse voir.
L'ordre et la promptitude régnèrent dès lors dans le jardin. Flore, plus sûre de son temps, choyait tranquillement ses fleurs. Zéphire les berçait endormies, tandis que les abeilles d'or allaient et venaient, d'une corolle à l'autre, comme des servantes zélées.
On dit que la fable était toujours plus belle que la réalité. Je ne crois pas que ce soit ici le cas. Je ne vous ai pas fait un vrai conte.
Lorsque vous vous promenez à travers champs et jardins, dans la compagnie de vos parents et de vos maîtres, ils vous enseigneront à connaître les fleurs et à les désigner par le nom qu'on leur a choisi. Vous trouverez alors la plupart des fleurs que je vous indique et vous les verrez entr'ouvrir leurs corolles à l'heure dite et doucement s'éveiller.
Voilà ce que remarqua, il y a longtemps de cela, pour la première fois, le grand naturaliste Linné ; et il établit cette Horloge de Flore qui n'est que l'expression imagée d'une curieuse et intéressante observation scientifique. Et c'est là-dessus, mes enfants, que j'ai voulu un instant arrêter vos regards, parce que je sais bien que vous en retirerez quelque jour profit.


P.M
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Mars 2014 à 15:30:35
(http://www.hebergeurdimage.fr/images/chevreau.jpg)
Le petit troll (conte finlandais)

Il était une fois un petit troll installé sous un pont qui enjambait une rivière.

Était -ce le troll qui avait fait passer la rivière par là pour que l'eau arrose la forêt et les champs? Non, ce n'était pas lui.

Était -ce le troll qui avait construit le pont pour aller d'un côté de la rivière à l'autre? Non, ce n'était pas lui non plus.

Pourtant le troll, comme tous les autres trolls qui vivent sous les ponts, pensait que la rivière était sa rivière et que le pont était à lui, et à lui seul.

Il était assis sous le pont et attendait que quelqu'un passe. Il n'eut pas à attendre longtemps.

Un petit chevreau, tout fluet, arriva. Il se disait que de l'autre côté de la rivière l'herbe était bien plus belle, bien plus savoureuse. Il avait sans doute raison.

Mais il ne voulait pas traverser la rivière à la nage; alors il passa sur le pont.

Le troll entendit les pas sautillants du chevreau et sortit de sa cachette.

– Qui va sautillant sur mon pont? s'écria-t-il.

– Ce n'est que moi, répondit le petit chevreau.

– Je vais te manger, dit le troll en montrant ses horribles dents.

– Non, ne fais pas ça, dit le petit chevreau. Ne me mange pas, mange plutôt mon frère, il est bien plus gros et meilleur que moi.

Le troll regarda alors le petit chevreau et prit un air dégoûté; c'est vrai qu'il avait l'air maigrichon et pas vraiment appétissant.

– D'accord, je crois que je vais attendre ton frère, dit le troll.

Et il retourna se cacher sous le pont.

Il était là, à marmonner, lorsqu'il entendit caracoler sur le pont.

– Qui va caracolant sur mon pont? cria le troll en bondissant hors de sa cachette.

– C'est moi, répondit le deuxième chevreau, le frère cadet, parce que c'était effectivement lui et qu'il ne disait jamais de mensonges.

– Ah, c'est toi le chevreau que je vais manger! dit le troll en se léchant les babines.

– Ce serait stupide de faire ça, tu ferais mieux d'attendre un peu, mon grand frère va bientôt arriver et il est bien plus gras et meilleur que moi.

– Et qu'est-ce qui me dit qu'il va vraiment venir? demanda le troll.

Il faut dire que les trolls qui vivent sous les ponts se croient parfois très intelligents.

– Il viendra parce que les chèvres aiment l'herbe, tu le vois bien toi-même, répondit le deuxième chevreau en se dépêchant de traverser le pont.

Alors le troll retourna s'asseoir sous le pont et se mit à attendre le frère aîné. Soudain, un grondement semblable au tonnerre se fit entendre sur le pont.

– Qui va grondant comme le tonnerre sur mon pont? demanda le troll, osant à peine regarder sur le pont.

Là, il reconnut le grand chevreau, bien que celui-ci n'eût pas répondu. En fait, il était si grand que c'était déjà presque un bouc.

– C'est toi que je vais manger, dit le troll en se glissant lentement hors de sa cachette.

– Vraiment? dit le grand chevreau.

Sans ajouter un mot, il enfourcha le troll de ses cornes pointues et l'envoya dans les airs avec une telle force que le troll vola pendant trois jours et trois nuits avant d'aller s'écraser dans un buisson plein d'épines.

Bientôt, la mésaventure du troll qui habitait sous le pont se répandit tout le long de la rivière et de toutes les autres rivières, et tous les trolls qui gardaient les ponts commencèrent à se faire beaucoup de souci.

Ils prirent peur et décidèrent qu'à l'avenir ils laisseraient les chevreaux aller brouter l'herbe là où elle leur semble la plus verte.

M.L
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Mars 2014 à 15:23:59
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Le Jardin des Fées                                        

                                                                   "Les contes sont les fruits de la sagesse et de l'intelligence des gens de la terre. Tels les pollens ils voyagent dans le murmure du vent." (?)

Théo avait six ans lorsqu'il vit des fées pour la première fois. Il était en promenade dans le parc de la ville, et s'amusait seul sur les pelouses. Sa jeune nourrice, qui le surveillait, eut un instant d'évasion ; et lorsqu'elle le chercha des yeux, le garçon avait disparu.

Elle se mit à l'appeler, et le chercha partout dans les innombrables allées, en vain. On appela les gardiens du parc, et le fit chercher de toutes parts. On prit la peine d'alerter les passants, mais ce fut en vain. Personne n'eut l'idée de regarder dans le coin le plus sombre du parc, entre les bosquets, près d'une petite rivière. Là, accroupit et absorbé par quelques jeux imaginatifs avec des brindilles de bois, Théo n'entendait guère les cris de détresse de sa nourrice, ni même les grosses voix des gardiens.

Un petit portillon du parc ayant été laissé ouvert par mégarde, on crut que l'enfant s'était échappé et qu'il errait à présent dans les rues. La nourrice imaginait déjà la tête apeuré du petit garçon au milieu des passants indifférents. Elle n'osait songer aux reproches que ses parents inquiets lui feraient. Après quelques heures de recherches, et voyant la nuit tomber, la jeune femme alerta le commissariat ; puis elle s'empressa de rentrer prévenir de sa disparition.

Loin, très loin de ce tapage et du bruit de la ville, le petit garçon ne s'apercevait pas qu'il était resté seul dans le parc ; il ne releva la tête que lorsqu'il commença à avoir faim. Il se demanda alors où était sa nourrice, et se mit à marcher dans le parc silencieux et vide, n'osant croire que plus personne ne viendrait le chercher.

Il marcha quelques temps, mais senti rapidement l'étendu du parc. Voyant les portails fermés et les grilles trop hautes, il s'arrêta près d'un étang, dans une clairière humide, se blottissant dans son petit manteau, et se mit à sangloter doucement en appelant sa nourrice, d'une petite voix.

Le jeune garçon n'avait pas vraiment peur de la solitude, il avait seulement faim et un peu froid. Cependant comme les enfants sont moins prompts à l'inquiétude et à l'angoisse que les adultes,  il se résolut, avec sa simplicité d'enfant, à passer la nuit dans le parc. Alors qu'il observait les cygnes flotter sur l'étang au crépuscule, et les oiseaux picorer les miettes laissées par quelques passants, il se prit d'une excitation naïve. Il était seul et non surveillé, dans un endroit où il y avait des jeux et des fontaines, des animaux, et enfin tout un univers adapté à son âge.

Il se prit à imaginer qu'il était le roi de ce petit royaume, et résolu d'inspecter les lieux d'un air solennel. Il y avait des animaux de ferme dans un enclos, entretenus pour la curiosité des jeunes visiteurs. Théo aperçut un petit faon au milieu des chèvres et des cochons, et entra le regarder de plus près. Les animaux regardaient fixement cet étrange petit visiteur qui troublait leurs heures de quiétude. Le petit garçon ouvrit la barrière et ne la referma pas, mais les animaux sont plus peureux et disciplinés que l'on ne l'imagine,  et seul le petit faon, qui avait sans doute l'instinct des grands espaces, prit la sortie.

Parce que le petit garçon lui donnait de l'herbe fraiche qu'il arrachait aux pelouses alentour, le petit faon se mit à suivre Théo ; bientôt, les deux nouveaux amis ne se quittèrent plus. S'asseyant sur un banc, le petit garçon mit son faon sur ses genoux, profitant ainsi d'une douce chaleur et de la tendresse que les petits êtres trouvent si instinctivement partout où ils se trouvent.

La nuit s'étendit tout à fait, et le petit garçon, ne distinguant plus les formes du parc, n'osa plus bouger. A demi somnolant, il tentait de résister au sommeil car il était bien rare qu'on le laisse veiller tard.  Il observait la rosée briller et rouler ses mille perles sur les fleurs du jardin, les canards jouer à d'éternels courses et parties de pêches, le cours de la petite rivière vibrer comme une clochette qui ne s'arrêtait jamais. Les ponts qui reliaient les deux parties du parc se courbaient majestueusement. Dans une allée derrière le ruisseau, un petit sac de billes percé étalait toutes ses jolies boules dans l'herbe humide.

Le parc entier semblait se reposer de toute la frénésie de la journée, et comme dans un même souffle, il paraissait renaitre, se ressourcer, les feuillages s'aéraient doucement et formaient comme un toit gracieux au-dessus de l'enfant. Théo s'était assoupit avec son faon.

Mais il fut bien vite réveillé par d'étranges lumières volantes. Le faon dressa la tête, puis la reposa d'un air tranquille. Le petit garçon observa et se demanda quels étaient ces insectes gesticulants dans un grand bruissement d'ailes, qui s'illuminaient par-dessus l'eau. Il se souvenait avoir vu, dans son livre d'image sur les animaux, qu'il existait des insectes volants comme les libellules, et que les lucioles étaient de petites bêtes qui s'illuminaient la nuit.

Mais les formes eurent de petits rires, et semblaient danser, se mouvant avec grâce dans une sorte de ballet enchanté. Le petit Théo fut pris de ce rire innocent et spontané que seuls les tout petits peuvent avoir au contact des choses qui les surprennent.

Les fées s'immobilisèrent, et l'une d'elle s'avança. Elle portait une robe fine et semblait aussi ingénue et douce que les petites filles de l'école, mais Théo aurait pu la tenir dans une seule de ses mains.

Ils se regardèrent longtemps, et la fée se mit à lui parler en langage humain, car les fées savent toutes les langues : « Que fais-tu là, petit garçon ? »

-Je ne sais pas, je me suis perdu » répondit poliment Théo.

Il n'osait pas lui demander qui elle était, car il se rappelait qu'il ne fallait pas poser de questions indiscrètes aux étrangers. Mais il se souvenait des contes que lui lisait sa nourrice, et comprit que les fées habitaient le jardin, ne sortant que la nuit.

« Comment faites-vous pour voler ? » demanda-t-il tout de même.

Le petit groupe assemblé auprès de lui, eut un rire. Leurs ailes étaient sans cesse en mouvement, même immobiles. « Ecoutes, dit la fée qui s'était avancée, c'est la première fois que nous avons un invité de nuit. Mais nous te connaissons, tu t'appelles Théo et tu viens souvent jouer avec ta nourrice, n'est-ce pas ? Nous observons les enfants le jour en nous cachant mais nous vivons la nuit car plus aucun enfant ne semble croire en notre existence »

Une deuxième fée, qui semblait fort malicieuse, s'avança et lui demanda s'il désirait apprendre à voler.

Toutes ses amies battirent des mains. Théo était à présent le centre de l'attention de cette étrange assemblée, qui semblait beaucoup s'amuser de cette présence inhabituelle.

Certaines fées voltigeaient, allaient lui cueillir des fleurs que Théo acceptait poliment, d'autres dansaient, chantaient ou jouaient avec insouciance. Elles semblaient dans leur milieu naturel, comme dans un royaume organisé qui n'appartenait qu'à elles, et Théo observa que certaines semblaient sortir des trous creusés dans les arbres.

Tandis que les unes ramassaient des jouets oubliés, les autres butinaient la rosée sur les feuilles ; car les fées doivent boire comme nous autres, cher enfant. Théo les vit bâtir ingénieusement une sorte de petit chariot à l'aide de rondins découpés, de feuillages et de morceau de bois. Il fut fasciné par leur minutieuse organisation. Car, si elles n'ont pas de baguettes magiques comme on veut le faire croire à tort dans les contes, les fées qui sont très vives, et fort intelligentes, savent mettre à profit et imaginer mille constructions ingénieuses en fort peu de temps.

Bientôt, Théo eut devant les yeux un petit attelage charmant dans lequel les fées l'installèrent, et qu'elles tirèrent à l'aide des cordes d'une balançoire qu'elles avaient empruntées. Le petit faon s'était réveillé et suivait à présent ce malicieux cortège. Théo ne put s'empêcher de battre des mains en poussant des cris de joie.

« Où allons-nous, mesdames les fées ? » demanda-t-il enfin.

- Nous t'emmenons au bout du parc, afin de t'initier du haut des buttes à l'art de voler »

Une nuée de rires envahit la petite clairière. Les feuillages du parc étaient illuminés par les sylphides créatures, et jamais Théo n'avait vu un jardin aussi beau que cette nuit-là.

De toute évidence, les fées s'amusaient follement. Il y avait dans le parc une grande butte, qu'un panneau indiquait comme « la butte aux fées » mais que Théo n'avait jamais remarqué, ne sachant pas tout à fait lire. Les demoiselles ailées l'y menèrent gaiement, et, à son sommet, l'invitèrent à sortir du chariot.

La première fée qui avait parlé à Théo s'avança de nouveau vers lui, et il se fit un silence tandis qu'elle expliqua gravement : « Vous autres humains avez oublié tous les dons que la nature vous a offert à votre naissance, dont l'art de voler. Vous croyez que c'est impossible, la peur vous fait perdre vos moyens, et vous tombez lourdement sur le sol. Mais comme tu n'es encore qu'un jeune enfant, et puisque tu as découvert notre existence, sans doute t'est-il encore possible d'y croire et de voler »

« Mais je n'ai pas d'ailes », objecta le petit garçon

-Tu peux voler sans ailes, nous t'y aiderons »

La plupart des fées prenaient de gracieuses poses et observaient le spectacle depuis les branches des arbres et sur la pelouse alentour, et Théo, sur les conseils d'une des plus grandes fées, courut pour prendre son élan.

Parce qu'il croyait ce qu'elles lui avaient dit, il décolla du sol. Tout d'abord très légèrement, puis, ayant pris de l'assurance, s'éleva de plus en plus haut à l'aide de ses bras. Son cœur battait très vite, et les fées l'applaudissaient en s'exclamant. Elles l'aidèrent à se soulever plus encore et il put apercevoir les arbres du parc vu de haut, ainsi que la ville illuminée par les réverbères des rues vides, dans la nuit.

Ils redescendirent, et les fées lui firent promettre de garder le secret. Entrainant son char comme les gracieuses suivantes d'un prince, les fées poursuivirent leurs escapades dans le parc et leurs initiations magiques jusqu'à l'aube, ou elles découvrirent que leur jeune élèves avait fini par s'endormir.

Elles le redéposèrent sur le banc ou elles l'avaient trouvé, à l'abri du vent, et dispersèrent le petit chariot, remettant tout en place avec soin, car les fées n'aiment pas laisser de traces de leur passage, et sont forts minutieuses sur ces détails-là.

Au petit matin, un gardien découvrit un petit garçon endormi sur un banc dans l'allée 22 du square de la ville.

A quelques mètres, l'enclos aux animaux était ouvert et des oies se promenaient autour en liberté, ce qui le fit grommeler à mi-voix. De plus, le petit faon broutait la pelouse tendre sur laquelle était inscrit en lettre capitale : « Défense de Marcher »

On prévint le commissariat ; on s'empressa de venir chercher le petit, et on le ramena chez lui. Dans le bain que sa nourrice lui fit prendre en le grondant à demi, et sous le regard ému de sa mère qui ne cessait de l'embrasser, Théo repensa à ses amies et à cette nuit merveilleuse.

Le soir tombé, il alla à la fenêtre, et, apercevant les arbres du parc, il s'envola et put ainsi rejoindre ses chères fées.

Théo se rendit dans le jardin deux années durant, et il découvrit, nuit après nuit, la vie des fées, leurs coutumes, leurs noms et leur magie.

Une nuit, alors qu'il avait, une des fées lui dit gravement :

« Je crains fort que tu n'approches de l'âge ou l'on ne croit plus aux fées, et que tu ne viennes plus nous voir. Tu perdras ainsi tout ce que nous t'avons appris»

-Jamais de la vie ! s'écria Théo.

Mais au fond de lui, il savait bien que ce qu'on lui apprenait à l'école l'éloignait chaque fois d'avantage des jeux innocents qu'il partageait avec ses amies de la nuit. Ses escapades nocturnes s'estompèrent, et les fées en furent attristées.

Théo fut envoyé au collège, et de retour chez ses parents pour les vacances, il entreprit une nuit d'aller au parc. Mais du bord de la fenêtre, il fut pris de vertiges et eut si peur de tomber qu'il n'osa plus jamais essayer de voler.

Il oublia ces aventures qui devinrent si vaguent dans son esprit qu'elles ne se présentaient plus que sous la forme de rêves.

Lors de ses études, il travailla le week-end comme gardien du parc de son enfance. Un matin, ouvrant les grilles, il découvrit avec surprise une petite fille endormie sur le banc, qui s'était sans doute perdue la veille. Cela lui rappela soudain une foule de souvenirs. La fillette ouvrit les yeux, lui sourit, et lui demanda doucement :

- « Bonjour monsieur le gardien » Et elle ajouta doucement « Pourquoi avez-vous l'air triste ? »

- Je ne sais pas, petite fille, répondit Théo.

- J'ai une histoire à vous raconter, si vous me promettez de n'en parler à personne. Mais je suis sûre que vous ne me croirez pas... »

- Racontez-moi, je vous en prie, petite fille, demanda le jeune homme.

Leurs yeux s'illuminèrent alors...

Les fées ne sont pas ingrates, chers enfants, mais elles s'attristent réellement lorsqu'un enfant dit ne pas croire en elles, ou bien lorsque, les ayant vu, il les efface de sa mémoire pour s'adapter au monde adulte.

Elles n'oublient jamais les petits qui ont partagé leurs jeux, car ces célestes demoiselles aiment et chérissent les âmes innocentes par-dessus tout. Cependant, elles n'apparaissent pas aux esprits grossiers, car leur peuple et leurs occupations sont remplies de toutes sortes de fantasques escapades, de subtile inventivité et de poésie.

 

FIN
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Mars 2014 à 16:22:14
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La rivière enchantée

-   Sais-tu que cette rivière est enchantée ?

-   Enchantée ? Encore un divertissement de Merlin ?

-   Non, cette fois c'est une maladresse d'un de ses apprentis.

-   Raconte-moi !

-   Cet apprenti, - il s'appelait Telesphore - s'était mis en tête de préparer une potion d'invincibilité telle qu'il l'avait vu faire dans les livres d'Astérix.

-   Il y avait déjà des livres d'Astérix ?

-   Évidemment ! Au Moyen Age, on se racontait des histoires de Romain et de Gaulois comme on se raconte des histoires du Moyen Age aujourd'hui. Les femmes du Xème siècle rêvaient toutes de Cléopâtre et de Marc Antoine, comme toi tu rêves d'Yseult et de Tristan.

-    Bien entendu !

-    Le jeune Telesphore - il avait à peine soixante ans.

-    Un jeune homme !

-    Un gamin au regard de Merlin qui, lui, devait avoir à peu près quatre cents ans.

-    Un nouveau-né !

-    Donc, Telesphore s'était mis en tête de fabriquer une potion d'invincibilité. Pour ce faire, il avait subtilisé la clé du laboratoire de Merlin pour en faire un double. Cela lui permettait de se faufiler dans l'antre du maître dès que celui-ci avait le dos tourné. Il faut reconnaître que cela était très audacieux vu la capacité de Merlin à être partout à la fois.  Il ne fallut pas plus de quelques jours à l'Enchanteur pour se rendre compte de la fourberie de son apprenti. Mais connaissant les faibles talents de celui-ci, il le laissa faire en le surveillant du coin de l'œil. D'autant plus, que pendant ce temps, il pouvait tout à loisir rendre visite à Léona, la fille de Telesphore, sans risquer d'être surpris par le père.

-   Sacré Merlin, je le reconnais bien là !

-   Cette histoire se passe près du village de Ourth, là où l'eau dans laquelle tes pieds trempent, prend sa source.

-   On connaît donc l'endroit où Merlin cache ses secrets ! 

-   Pas vraiment, puisqu'il se trouve dans un monde parallèle qui nous est inaccessible. Merlin s'est toujours méfié de la folie des hommes.

-   Il n'a pas tort !

-   Telesphore essaya plusieurs formules, qu'il testa sur des souris.

-   Pauvres bêtes !

-   Pas du tout ! Imagine que s'il avait trouvé le bon dosage, elles auraient été de taille à se défendre contre les chats.

Notre homme se trouva très vite confronté à un problème de gestion des déchets. Que faire de toutes ces potions et onguents ratés ? Il ne pouvait pas les laisser dans le laboratoire. Il les cacha dans le creux d'un vieux chêne voisin du bâtiment. Jusqu'au jour où il eut la visite d'un groupe d'écureuils écologistes avec des pancartes «nucléaire, non merci ! » Il dut, par souci de discrétion, trouver un autre lieu de stockage. Il choisit alors, de les enterrer. Cela représentait beaucoup d'effort et une perte de temps, mais que faire d'autre ? Ce fut les taupes cette fois, qui manifestèrent leur mécontentement. En fait, tout ceci n'était que des mauvais tours joués par Merlin, mais Telesphore ne s'en douta pas une seconde. Il ramassa donc ses fioles, ses pots et traversa le ruisseau par le petit pont de bois qui ne tenait plus guère, et trouva une grotte inhabitée dans laquelle il put entreposer toutes ses «erreurs ». Il devait faire un transport à peu près toutes les semaines.

Sans vraiment atteindre son but, il progressait malgré tout. Ses souris avaient de plus en plus tendance à faire la loi dans le laboratoire. Elles devenaient de plus en plus exigeantes sur la qualité de la nourriture, réclamaient des cages plus grandes, avaient formé un syndicat et en étaient à réclamer la semaine des septante heures. Si sa dernière mixture ne rendait pas encore invincible, elle apportait en tout cas la détermination.

Fourbu par des nuits de travail acharné, excédé par l'ambiance du labo, Telesphore se dépêcha d'aller déposer cette invention dans la grotte. Fatigué comme il l'était, il ne prit pas les précautions d'usage pour ce genre de transport : c'est à peine s'il emballa la fiole et ne vérifia pas non plus l'étanchéité du bouchon. En passant le pont, son pied glissa sur la mousse, et dans un réflexe idiot, il lâcha son sac pour se rattraper. La fiole tomba sur une des pierres qui couvraient le lit de la rivière et se brisa.

Son contenu s'écoule encore aujourd'hui dans l'Ourthe, si bien que les gens qui s'y baignent régulièrement, font preuve d'une détermination hors du commun.

C.P
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Mars 2014 à 17:21:28
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La Petite Grenouille Chanteuse

Il était une fois un pauvre homme et sa femme qui n'avaient pas d'enfants. Chaque jour, la femme soupirait : «Si seulement nous avions un enfant! » disait-elle.
Alors, l'homme soupirait aussi et disait : « Ce serait merveilleux d'avoir une petite fille ! »
Ils finirent par aller en pèlerinage à un sanctuaire où ils prièrent Dieu de leur donner un enfant.  »N'importe quel enfant!, suppliait la femme, je serais tellement heureuse d'avoir un enfant à nous, fut-ce une grenouille! »
Dieu entendit leur prière et leur envoya une petite fille, cependant, ce n'était pas une petite fille enfant mais une fillette grenouille.

Ils aimaient tendrement leur Petite Grenouille : ils  jouaient avec elle, riaient et applaudissaient lorsqu'ils la voyaient faire des bonds dans la maison. Mais quand les voisins leur rendirent visite et murmurèrent : «Mais, leur enfant n'est rien d'autre qu'une grenouille ! », ils eurent honte et ils décidèrent de la cacher dans l'armoire chaque fois qu'ils auraient de la visite.

La Fille Grenouille grandit donc sans amies de son âge, n'ayant comme seule compagnie que son père et sa mère. Elle avait l'habitude de jouer avec son père quand il travaillait. Il était vigneron dans un grand vignoble et bien sûr, c'était très amusant pour la Petite Fille Grenouille de faire des bonds parmi les vignes.
La femme avait pour habitude d'aller au vignoble tous les jours, à midi, pour apporter le déjeuner de son mari dans un panier. Les années passaient et elle vieillissait, devenant de plus en plus faible, aussi les promenades quotidiennes à la vigne commencèrent à la fatiguer et le panier lui paraissait bien lourd désormais.
« Laisse-moi t'aider, mère, dit alors la Petite Grenouille, permet-moi de porter le repas de père. Toi, reste à la maison et repose-toi. »

C'est ainsi qu'à partir de ce jour, c'est la Fille Grenouille qui porta le panier du repas au vignoble à la place de la vieille femme. Pendant que le vieil homme mangeait,  la Petite Grenouille sautait dans les branches d'un arbre et chantait. Elle chantait doucement aussi quand son vieux père, la caressait, il l'appelait ma Petite Grenouille Chanteuse.

Or, un jour qu'elle chantait, le plus jeune fils du Tsar qui passait par là l'entendit. Il arrêta son cheval et regarda çà et là, mais il avait beau faire, il ne pouvait voir qui chantait si divinement.
-Qui chante? demanda-t-il au vieil homme.
Mais le vieil homme qui, comme je vous l'ai déjà dit, avait honte de sa Fille Grenouille devant des étrangers, fit d'abord semblant de ne pas l'entendre, puis, lorsque le jeune prince répéta sa question, il répondit d'un ton bourru:
-Il n'y a personne qui chante !
Mais le jour suivant, quand le prince passa à la même heure, il entendit à nouveau la même voix douce : il s'arrêta et écouta.
-C'est sûr, mon vieux, dit-il, quelqu'un est en train de chanter ! C'est une jolie fille, je le sais ! Parce que, si je pouvais la trouver, je l'épouserais tout de suite et je l'emmènerais avec moi, chez mon père le Tsar !
-Ne soyez pas imprudent, jeune homme, conseilla le vigneron.
-Je pense ce que je dis ! déclara le prince, Je l'épouserai dans la minute même !
- Êtes-vous sûr que vous le feriez?
-Oui, j'en suis sûr!
-Très bien, alors, nous verrons bien !
Le vieil homme leva les yeux vers l'arbre et cria:
-Descends, Petite Grenouille Chanteuse, un prince veut t'épouser!
Alors, la Petite Grenouille sauta de branche en branche et se retrouva devant le Prince.
-Voici ma fille unique, dit le vigneron,  même si elle a l'aspect d'une grenouille.
-Je ne me soucie pas de son apparence, déclara le prince, j'aime l'entendre chanter et je l'aime.  Et je pense ce que je dis : je l'épouserai si elle veut bien de moi.
Mon père, le tsar, nous a demandé, à mes frères et moi-même, de lui présenter nos futures épouses dès demain. Il a ordonné qu'elles lui apportent une fleur et il a promis  de donner le royaume au prince dont la fiancée lui remettra la plus belle fleur. Petite Grenouille Chanteuse, veux-tu être mon épouse et te présenteras-tu demain à la Cour avec une fleur ?
-Oui, mon Prince dit la Petite Grenouille, je le ferai. Mais je ne veux pas vous faire honte à la Cour en bondissant dans la poussière. Il me faut une monture, aussi, pourriez-vous m'envoyer un coq blanc comme neige pris dans la basse-cour de votre père? «
-Je le ferai, promit le prince, et la nuit n'était pas encore tombée, que le coq blanc comme neige était arrivé à la maison du vigneron.
Tôt le lendemain matin, la Petite Grenouille adressa une prière au Soleil.
-Oh Soleil d'Or, dit-elle, j'ai besoin de votre aide! Donnez-moi quelques beaux vêtements tissés avec vos rayons d'or, pour que mon prince n'ait pas honte de moi lorsque je me présenterai à la Cour !
Le Soleil entendit sa prière et lui donna une robe en drap d'or. Au lieu d'une fleur, elle prit un épi de blé et,  le moment venu, elle grimpa sur le coq blanc et partit au palais.

Les gardes qui se tenaient à la porte du palais refusèrent d'abord de la laisser entrer.
-Ce n'est pas un endroit pour les grenouilles!, dirent-ils, vous cherchez sans doute un étang !
Mais lorsqu'elle leur dit qu'elle était la fiancée du jeune Prince, ils eurent peur de la chasser, alors, ils la laissèrent franchir le portail.
-Etrange! Murmurèrent-ils, La fiancée du jeune prince! On dirait une grenouille et... c'était bien un coq qu'elle montait, n'est-ce pas?
Ils franchirent à leur tour le portail pour l'escorter et ils virent un spectacle incroyable
La Petite Grenouille, toujours installée sur le coq blanc, déployait une robe d'or. Elle laissa glisser le vêtement par-dessus sa tête et aussitôt il n'y eut plus de grenouille et plus de coq blanc, mais une belle jeune fille qui chevauchait un cheval blanc comme neige!
Eh bien, la Fille Grenouille entra dans le palais avec deux autres filles, les futures épouses des princes plus âgés. Elles étaient des jeunes-filles tout à fait ordinaires. Vous n'auriez fait aucun cas de l'une ou de l'autre si vous les aviez vues. Mais à côté de la superbe fiancée du jeune prince, elles semblaient encore plus ordinaires.
La première jeune-fille tenait une rose. Le tsar la regarda, renifla légèrement et détourna la tête.
La deuxième jeune-fille avait un œillet. Le tsar lui jeta un coup d'œil et murmura:
-Pauvre de moi, ça, jamais!
Puis il regarda la fiancée du jeune prince et son œil s'alluma :
-Ah! Voilà qui ressemble à quelque chose!
Elle lui donna l'épi de blé et il le prit et le maintint haut devant lui. Puis il tendit son autre main vers la jeune-fille et la fit se tenir à ses côtés pendant qu'il s'adressait à ses fils et à toute la Cour :
-Celle-ci, l'épouse de mon plus jeune fils, est celle que je choisis! Voyez comme elle est belle! Et pourtant, elle sait reconnaître aussi bien l'utile que le beau car elle m'a apporté un épi de blé!  Le plus jeune prince sera Tsar après moi et elle sera tsarine!

C'est ainsi,  que la Petite Fille Grenouille dont les parents avaient honte épousa le jeune prince et porta la couronne de tsarine lorsque le moment fut venu.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Mars 2014 à 17:06:17
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Grand-mère à poussière


On l'appelle Grand-mère à poussière
Elle se balade sur la Terre.
Un bisou par ci, un câlin par là
Et c'est parti pour les rêves !

Grand-mère à poussière est une vieille dame très gentille et très poussiéreuse.
Tous les soirs, elle passe faire un petit bisou aux enfants dans leur lit. La poussière qui vole autour d'elle se niche partout... Jusque dans nos yeux... C'est pour ça que le soir, on a les yeux qui piquent, et qu'on les frotte.

Certains prétendent que c'est à cause du marchand de sable ... Personnellement, je n'ai jamais trouvé de sable dans ma chambre. Alors que de la poussière ...
Mais ?... Pourquoi ne la voit-on pas Grand-mère à poussière ?
C'est une longue histoire... qui commence il y a longtemps...

En ce temps-là, Grand-mère à poussière était déjà une vieille dame très gentille et très poussiéreuse. Tout le monde la connaissait et la reconnaissait. Elle passait sa vie à se promener, partout sur la Terre. Dès qu'elle rencontrait un enfant, c'était plus fort qu'elle, elle ne pouvait pas s'en empêcher, elle lui faisait un bisou. Et... allez savoir pourquoi, l'enfant, quelle que fût l'heure du jour ou de la nuit, se frottait les yeux, s'allongeait et s'endormait.
Tout alla très bien ainsi pendant des siècles.
Jusqu'au jour où Mme Focsabrille mit au monde son premier enfant, la petite Claire...
Elle était mignonne comme tout avec sa frimousse rose et nette, ses petites menottes bien placées au bout des bras et ses petons qui sentaient bon le savon mixavea !

Grand-mère à poussière apprit la naissance de Claire : « Oh ! Mais il faut que je lui rende une petite visite à cette mignonnette ! »
Elle ouvrit son armoire à poussière, y choisit sa plus jolie robe, et se rendit chez Claire.

Penchée au-dessus du bébé, elle s'apprêtait à l'embrasser doucement sur le front quand Mme Focsabrille entra dans la chambre :
« Mais qu'est-ce que c'est que toute cette poussière dans la chambre de ma petite ... Ah ! Une sorcière ! Madame, sortez d'ici tout de suite. Vous êtes sale. Aaaah... ! »
Grand-mère à poussière n'avait pas l'habitude de recevoir un tel accueil... elle fit un petit signe à Claire et disparut.
Entre deux cris de détresse, Mme Focsabrille appela son mari : « M. Focsabrille, venez vite ! Aaaaaah ! Une sorcière ! Aaah ! Pleine de poussière ! dans la chambre de Claire. Aaaah... »
M. Focsabrille, homme fort sympathique et très apprécié de son entourage, n'aimait pas du tout contrarier les autres, et encore moins son épouse :
« Euh ... Une sorcière poussiéreuse...euh...ce ne serait pas... ? euh... je vais en parler aux voisins ! »

M. Focsabrille sortit de sa grande maison et se retrouva devant la porte de la petite maison de ses voisins. Avant d'appuyer sur la sonnette, il se racla la gorge et prit un air important :

Ding dong

- Bonjour Madame, figurez-vous... Une mégère, une sorcière, pleine de poussière, dans la chambre de notre petite fille. »
- Ce ne serait pas... Grand-mère à poussière ?
M. Focsabrille grimaça, il avait maintenant l'air menaçant :
- Vous la connaissez ?
- Euh... Eh bien oui... Quand j'étais petite...
- Ne me dites pas que vos parents la laissaient vous embrasser ?
- Euh... Non, non bien sûr... Euh... Vous avez raison, elle est très très sale... Répugnante... Il ne faut pas qu'elle s'approche de nos petits anges ! Allons donc en parler aux voisins.

Le voisin de la voisine de M. Focsabrille fut très vite d'accord avec eux :
« À qui le dites-vous ; je n'ai moi-même jamais pu supporter cette Grand-mère à poussière ! », prétendit-il, « Et quel exemple pour la jeunesse ! Allons en parler aux voisins ! »

Ils arrivèrent chez les voisins du voisin de la voisine de M. Focsabrille...
Au bout de quelques heures, ils étaient toute une foule de voisins et de voisines devant la porte du ... commissariat...
La police, devant faire face à d'éventuels débordements, voulut maintenir l'ordre et la sé-cu-ri-té, se rendit au domicile de la dénommée Grand-mère à poussière et la jeta en prison.

Les braves citoyens, satisfaits, rentrèrent chez eux.
Les heures passèrent...

- Mon chéri, va te coucher.
- Je n'ai pas sommeil.
- Mon chéri, je t'ai dit d'aller te coucher !
- Je te dis que je n'ai pas sommeil.
Le petit Jean n'avait pas sommeil...
Pas plus que Suzanne, Kévin, Samira, José, Zoé, Alfred, Manéa, Mikaël, Claire...

Une première journée passa. Les enfants, pourtant très fatigués, ne s'endormirent pas.
Une deuxième journée passa... L'énervement, petit à petit, montait dans les familles :
- Mon chéri, je t'ai dit d'aller te coucher !
- Hi hi hi, je n'ai pas sommeil. Essaie de m'attraper...
- Si je t'attrape, je te mets la fessée du siècle, et tu peux me croire : tu vas dormir.
- Hi hi hi, t'es pas cap', t'es pas cap' !

Très vite, la situation devint insupportable, les parents et les enfants de toutes les familles du monde criaient de plus en plus fort... C'était une véritable cacophonie...
Jusqu'au moment où, fatigués de hurler, chacun se tut petit à petit...
Il n'y avait maintenant plus un bruit...
Les hurlements avaient laissé la place à un silence plus lourd que le plomb... L'air était électrique... On avait l'impression qu'un énorme orage allait éclater d'un instant à l'autre.

Ça commença d'ailleurs comme commence un orage : tout doucement... à peine quelques gouttes de pluie sur le sol brûlant...
La petite voix de Jean qui laissa échapper ces quelques mots :
- Maman, quand est-ce qu'elle rentre, Grand-mère à poussière ?
- Qui ça ? Mais enfin, mon chéri, elle n'existe pas, Grand-mère à poussière ... Que vas-tu inventer là ?
- Je veux voir Grand-mère à poussière.

De toutes les maisons, de tous les immeubles, tout doucement d'abord, puis de plus en plus fort, on entendit :

« Je veux voir Grand-mère à poussière. »
« Je veux voir Grand-mère à poussière. »
« Je veux voir Grand-mère à poussière. »

Les maisons, les immeubles étaient trop petits pour contenir la colère des enfants, qui sortirent dans la rue. Au bout de quelques minutes, c'était une marée humaine qui avançait lentement au milieu de la chaussée en hurlant :
« On veut voir Grand-mère à poussière ! On veut voir Grand-mère à poussière ! »

Les parents, pris de panique, s'enfuirent ; en courant, ils arrivèrent à la salle des fêtes et eurent juste le temps de se barricader à l'intérieur, avant que les enfants ne les rejoignent et s'agglutinent devant la porte close. Toujours hurlants, ils commencèrent le siège de cette forteresse improvisée.

Se sentant enfin en sécurité, les parents purent réfléchir. Chacun donna son avis :
- La situation est grave !
- Il faut faire quelque chose !
- C'est proprement intolérable !
- C'est la faute de cette sorcière.
- Ah ! C'est du propre, c'est du propre...
- Oui, j'en parlais justement à mon mari...
- Quel exemple pour la jeunesse !
- Acariens, virus, bactéries...
- C'est du propre, c'est du propre...
- Comme je dis toujours...
...

Pendant ce temps, Grand-mère à poussière, dans sa cellule, entendait les enfants l'appeler.
Elle interpella son geôlier :
- Fabien !
- Oui, Grand-mère, qu'y a-t-il ?
- Approche un peu... Plus près...
Rapide comme l'éclair, elle passa les deux bras à travers les barreaux, saisit Fabien par sa veste, l'attira vers elle de toutes ses forces et lui déposa un baiser sur le front...
Fabien se frotta les yeux, lui sourit et s'endormit tranquillement.
Grand-mère à poussière n'eut plus qu'à se saisir du trousseau de clefs accroché au ceinturon du geôlier, à ouvrir la porte de sa cellule et à reprendre sa promenade à travers le monde.


On l'appelle Grand-mère à poussière.
Faut pas vous mettre en colère.

Elle est peut-être un peu cra cra,

Mais elle a les pieds sur Terre.

Elle arriva tout près de la salle des fêtes, là où les enfants hurlaient toujours :
« On veut voir Grand-mère à poussière... On veut... »
Vite, elle rattrapa le temps perdu... Un bisou pour celui-ci, un câlin pour cette petite, une caresse, une parole gentille... Petit à petit, un gigantesque nuage de poussière s'éleva au-dessus des enfants. Ceux-ci, surpris et ravis, la regardèrent, la reconnurent... et s'endormirent paisiblement.

A quelques pas de là, dans la salle des fêtes, les parents étaient toujours en train de réfléchir :
- C'est une sale affaire, je le dis depuis le début !
- Ah, ça... Cette affaire sent mauvais.
- Il faut faire quelque chose !
- Il fallait... !
- Il aurait fallu... !
- Il ne faudrait pas... !
- Il faut, il faut, il faut... !
- Il ne fallait pas... !

« Bon ! Qu'est-ce qu'on fait ? », demanda une petite dame joufflue, qu'on n'avait pas encore beaucoup entendue, et qui commençait à trouver le temps long.
- ...
Des mines perplexes accueillirent sa question. Les parents cessèrent tout à coup de donner leur avis.
« Et si on allait chercher Grand-mère à poussière ? », continua-t-elle.
- ...
Mêmes mines perplexes.
« Eh bien, moi, j'y vais ! », déclara-t-elle.
...
Les parents quittèrent peu à peu leur perplexité :
« En fait, on n'a pas le choix ! », s'exclama l'un.
« Ah. Eh bien, si on n'a pas le choix... », renchérit un autre.
« Alors, on y va. », décida un troisième.
« On y va ! », reprirent tous les autres en chœur.
« On y va ! »

Les parents ouvrirent la porte de la salle des fêtes. Ils découvrirent leurs enfants, allongés à même le sol, les uns sur les autres, et Grand-mère à poussière, au milieu d'eux, qui semblait contempler son œuvre.

« Aaaaaaaaaah ! Nos enfants ! La sorcière ! Elle a tué nos enfants »
Grand-mère à poussière, calmement : « Chut ! Vous allez les réveiller... »
« Quoi ? Ils dorment ? », s'exclama la petite dame joufflue, « Mais comment avez-vous fait ? »
« Eh ! Je n'sais pas. », répondit modestement Grand-mère à poussière, « Peut-être la poussière... Je n'sais pas... »
« Mais... mais alors, il faut qu'elle revienne !
- Tout proprement impossible !
- Oh non ! Quel exemple pour les enfants !
- Et s'ils allaient ne plus se laver !
- Ah non, c'est du propre, c'est du propre...
- Ah oui, c'est du propre, c'est du propre...
- STOP ! ! Réfléchissons !

Grand-mère à poussière et les parents se réunirent autour d'une table... et discutèrent... longtemps...
Jusqu'à ce qu'ils parviennent à un accord :
« Grand-mère à poussière peut continuer à faire des petits bisous aux enfants MAIS
uniquement le soir, quand ils sont dans leur lit, et en début d'après-midi, pour les plus petits et : elle doit rester DISCRETE. Les parents qui ne veulent pas que leurs enfants voient Grand-mère à poussière peuvent fermer les volets et les rideaux. »

Ainsi en fut-il décidé...
Les choses rentrèrent dans l'ordre.
Les années passèrent. Les enfants grandirent et... eurent à leur tour des enfants ... qui grandirent... et eurent à leur tour des enfants... qui grandirent... et eurent à leur tour des enfants... qui ...

Chaque jour, chaque soir, Grand-mère à poussière, imperturbable, continua ses tournées de bisous ... Discrète ... toujours plus discrète ... Tellement discrète ... qu'un jour elle devint transparente ...
Et pourtant, elle ne s'arrêta pas ... Encore aujourd'hui, elle continue ...

Quand elle viendra te voir ce soir ; que tu sentiras tes yeux qui picotent ... Glisse-lui dans le creux de l'oreille : « bonne nuit, Grand-mère à poussière. »
C'est certain, ça lui fera plaisir, de se rendre compte qu'on ne l'a pas encore totalement oubliée. Tu fermeras les yeux et ... peut-être que tu la verras sourire ... Peut-être ... Qui sait ?


On l'appelle Grand-mère à poussière.

Elle se balade sur la Terre.
Un bisou par ci, un câlin par là,

Et c'est parti pour les rêves !


On l'appelle Grand-mère à poussière.

Faut pas vous mettre en colère,

Elle est peut-être un peu cra cra,

Mais elle a les pieds sur Terre.


Je vais vous dire un secret ... Il existe encore un endroit sur terre où on voit encore Grand-mère à poussière. C'est dans mon village, en Picardie. La preuve ? La voilà :
Quand j'étais petite, ma mère me chantait cette chanson pour m'endormir :


Ref : V'lo Grand-mère à poussière

Qui passe escouant sin cotron

Peindant que j'veille

Su tin caveille

Fois Dodo, min ptcho mouqu'ron

Fois dodo, fois dodo.



1 Qu'cheis einfants d'ach't heur sont pénibes

Gno pu moyen d'ein v'nir à bout ;

I' radott'nt ed coss impossibes

Et feudroit leu cédier d'sur tout.

Allons m'n'anmour én' fois point d'pangne

A t'mèr, qui d'baisiers vut t'croquer

T'os l'tchu bien sé pis t'panchett' plangne

Conm' chés glangn's, ch'est l'heur' dé t'jouquer !



2 Ah ! tu s'rois ch'pus rétus d'chés mioches

Si tu f'sois dodo jusqu'à d'man,

Et j'porrois réimpiéter chés cauches

Ed tin pèr' qu'ainm' si taint t'manman.

Pourquoi vouloir eintanmer l'lutte

Contre ech sonmeil ? pour nous bisquer ?...

Ferm' tes zius pis chuch' tin tutute,

Conm' chés glangn's, ch'est l'heur' dé t'jouquer !



3 M'crott'lett' ! min poulot ! min ptchot ange !

N'vo point t'oublier da tes drops.

Ch'est quo n' n'avons si peu d'ercange,

Qu'pou t'mèr' ch'est ein grand eimbarros

Peins' bien qué ch'tripot dé ch'ménage

Est assez dru sains l'compliquer ;

Mais min ptchot chéri tu s'ros sage ...

Conm' chés glangn's, ch'est l'heur' dé t'jouquer !



4 Vo, si tu fois einn' longué dorte,

D'man à tin réveil, éj'pronmets

Ed t'acater d'tout plein d'toutes sorte :

Du chuque, einn' ribanbelle ed juets

Pis des boinn's tablett's et d'miellasse,

Qu'avuc qu't'ainm' si bien t'perléquer ...

Vite, ein dernier keup qué j't'eimbrasse ...

Conm' chés glangn's, ch'est l'heur' dé t'jouquer !


(L.G d'après une légende picarde)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Mars 2014 à 15:49:24
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MAHURA, LA FILLE QUI TRAVAILLAIT TROP

En ce temps là, le Ciel vivait sur la Terre.

Ses fils, les nuages, tourbillonnaient et roulaient au ras du sol, s'accrochant aux branches d'acacias.

Sa fille, la Pluie, adorait arroser le monde du haut des grands palmiers, et son plus grand plaisir était de se mêler aux eaux joyeuses des fleuves.

D'ailleurs, en bons voisins, le Ciel et la Terre se rendaient de menus services.

Par exemple, quand la sècheresse sévissait, le Terre s'adressait directement au Ciel pour arroser ses champs et abreuver ses bêtes. Et le Ciel lui envoyait sa fille, la Pluie.

Mais un jour, la Terre eut une fille, Mahura...

Aussi intelligente que belle et très attachée à sa mère, Mahura sortait son grand mortier de la case maternelle et pilait, écrasait, broyait les grains de mil et les racines de manioc.

Elle pilait, pilait, inlassablement.

Mais le pilon était long, si long, que chaque fois qu'elle le soulevait, il venait cogner douloureusement le front du Ciel.

- Oh ! Pardon, Ciel ! s'excusait-elle. Veux-tu te pousser un peu ? Je n'ai pas assez de place pour mon pilon.

Et le Ciel, maugréant et se frottant la bosse qu'il avait sur le front, se haussait un peu.

Mahura poursuivait sa besogne. Un, deux, trois coups de pilon !

- Ah ! Pardon, Ciel ! s'exclamait la jolie fille tout à son ouvrage. Pousse-toi encore veux-tu ?

Et le Ciel de se hausser encore, aussi furieux qu'embarrassé. Que faire, en effet, contre une fille qui travaille avec tant d'ardeur ?

Mahura, quant à elle, pilait toujours. Et plus elle pilait, plus le pilon s'allongeait, s'allongeait et heurtait le Ciel qui s'éloignait chaque soir un peu plus, emportant avec lui ses fils, les Nuages facétieux, et sa fille, la Pluie qui pleurait..... Qui pleurait....

Tous les jours, la même scène se renouvelait. Il n'en pouvait vraiment plus, le Ciel !!! Son front était tout bosselé et tuméfié par le pilon de Mahura.

Un soir, il résolu d'en finir. Il venait de recevoir tant de coups, qu'il se fâcha !

- Ah, tenez, je vous abandonne ! Prenez-la donc, votre Terre et gardez-la pour vous !!! Là où je vais, foi de Ciel, jamais pilon ne m'atteindra !! Adieu !!!

Rappelant alors à lui les myriades de petits nuages et la Pluie, désolée d'abandonner fleuves et marigots, le Ciel s'en alla si haut, si haut, que la Terre s'en inquiéta.... Et, s'il allait à disparaître ? ?? ?

Mahura, elle, resta près de sa mère, avec son pilon, ses mortiers et ses grains.

Un jour pourtant, le Ciel lui manqua. Les nuages la saluaient de trop loin à présent, et la jolie Pluie n'avait plus aucune conversation tant elle était fatiguée de tomber de si haut.

Alors, Mahura voulut se faire pardonner.

Dans l'eau de fleuve, elle trouva une énorme pépite d'or et au fond d'une caverne, elle ramassa un beau caillou d'argent.

A la pépite, elle donna le nom de Soleil, et au caillou celui de Lune. Puis, elle les expédia, tout là-haut avec des messages d'amitié pour le Ciel.

Mais le Ciel, lui, ne revint jamais sur Terre.



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Mars 2014 à 15:50:59
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LA STREGA NONA

Dans un petit village d'Italie vivait la "Strega nona"....

Strega nona cela veut dire "grand-mère sorcière"

On l'aimait bien et on venait de tout le pays pour la consulter !

OUI ! et tout ça à cause de ses pouvoirs !

On voulait se débarrasser de verrues encombrantes et disgracieuses ? Elle concoctait un onguent et déclarait :

- Verrues, verrues hors de ma vue, je n'en veux plus !

Et les verrues disparaissaient.

Une jeune fille voulait trouver un mari ? Un peu de laurier, un peu de sorbier, le tout sous l'oreiller et..... Voilà le fiancé !!!

Vous souffriez de migraines ? Il suffisait qu'elle vous fasse respirer une fumigation, une décoction..

- Migraine, migraine, j'ai mal et je me traîne, ma tête est à la peine, fuis mon corps et mes veines....

Et la migraine s'en allait !

Oui, on l'aimait bien la Strega nona ! Mais elle était vieille et très fatiguée tant elle était sollicitée.... Alors elle a décidé de prendre quelqu'un pour l'aider. Elle a passé une petite annonce dans le journal du coin : La gazetta del popolo, et c'est le grand Antoine qui s'est présenté ....

Oh le grand Antoine, l'était bien brave, mais pas très malin ! Pour ce qu'il y avait à faire cela suffirait : un peu de ménage, traire la chèvre, désherber le jardin, cueillir les légumes....

Marché conclu !!!

Mais le grand Antoine, il était intrigué par le chaudron de la Srega nona... Tous les midis, elle se mettait devant lui et chantait :

- Des pâtes, des pâtes , oui mais des spaghettis

Et le chaudron cuisait les pâtes "al dente" juste comme il fallait

C'était un chaudron magique !!!!

Et quand il y en avait assez, la Strega nona chantait :

- Des pâtes, des pâtes, maintenant c'est fini !!!

Magique je vous dis oui !!! Magique !!!!

Mais, ce que le grand Antoine ne voyait jamais, c'étaient les trois petits bisous que la sorcière donnait affectueusement à son chaudron pour qu'il s'arrête.

Un jour, Strega nona est partie voir son amie Strega Amélia, au village voisin....

- Antoine, tu vas surveiller la maison, faire ton travail, mais surtout, souviens-toi qu'il est interdit de te servir du chaudron !!!

Et elle est partie....

A peine a-t-elle eu le dos tourné que le grand Antoine a invité tout le village à manger des spaghettis....

- Des pâtes, des pâtes, oui mais des spaghettis (ça, c'est Antoine, ce grand niais)

Tous les habitants se sont régalés, puis rassasiés sont rentrés chez eux....

- Des pâtes, des pâtes, maintenant c'est fini !! (ça c'est toujours le grand Antoine)

Mais, pas de petits bisous, le chaudron ne s'arrête pas de produire... sous le regard affolé du garçon.... les pâtes envahissent la pièce, puis descendent les marches de l'escalier qui mène à la rue, qui se transforme en un fleuve gluant de spaghettis.... Les habitants montent des barricades, mais les pâtes s'insinuent partout, dans les caniveaux, dans les maisons, dans les voitures et même ...... dans les téléphones portables et les ordinateurs !!!

Strega nona arrive, voit l'étendue des dégâts, va donner les trois petits bisous à son chaudron magique qui s'arrête, exténué !!!

Puis, elle se tourne vers le grand Antoine... Il faut le punir... Vous êtes d'accord ? ?? ?

Elle lui tend une énorme fourchette en bois....

- Tu ne m'as pas écoutée..... Eh bien maintenant..... MANGE !!!

Il paraît qu'il mange encore !!!!
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Mars 2014 à 15:42:02
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LE TERRIBLE GUERRIER

Un beau matin, une petite chenille s'introduisit dans le terrier d'un lièvre tandis qu'il faisait des cabrioles dans une prairie. Elle s'installa le plus commodément dans le coin le plus chaud et le plus sombre et attendit.

Le lièvre revint bientôt, vit les traces sur le sol et comprit qu'un intrus avait pénétré dans sa demeure. Il demanda d'une voix craintive :

- Qui s'est introduit chez moi ?

Quelle ne fut pas sa frayeur d'entendre une voix tonnante lui répondre :

- Je suis un farouche guerrier, fils du chef des guerriers du Pays-qui-n'existe-pas. Je terrasse les rhinocéros et je danse sur le corps des éléphants. Je suis invincible.

Tremblant de peur, le lièvre s'enfuit au plus vite, loin de son terrier, se lamentant sur son misérable sort. Il rencontra sur son chemin le chacal.

- Ami, lui dit-il, voudrais-tu me rendre un service ?

- Bien volontiers, mais de quoi s'agit-il ? ?

- Viens chez moi et parle à l'animal féroce qui s'est installé dans ma demeure.

Le chacal accepta. Devant l'entrée du terrier, il cria d'une voix forte :

- Qui a osé pénétrer chez mon ami le lièvre ?

La chenille, d'une voix fracassante répondit ;

- Je suis un farouche guerrier, fils du chef des guerriers du Pays-qui-n'existe-pas. Je terrasse les rhinocéros et je danse sur le corps des éléphants. Je suis invincible.

Aussitôt le chacal s'enfuit en balbutiant :

- Je ne puis lutter contre un tel guerrier !!!

Le lièvre, désespéré, s'en fut trouver le léopard et lui conta sa mésaventure..

- Tu sais, mon ami, si ce guerrier peut vaincre le rhinocéros et l'éléphant, il m'écrasera aussi.

Le lièvre se mit alors à la recherche du rhinocéros.

- Un féroce guerrier occupe mon gîte, peux-tu lui parler, toi qui es si fort ? ? ?

Le rhinocéros, flatté, se rendit aussitôt jusqu'au terrier du lièvre.

- Qui es-tu, toi qui occupes sans aucun droit la demeure de mon ami le lièvre ?

Et la chenille de répliquer d'une voix tonnante :

- Viens, jeune rhinocéros, je suis un farouche guerrier, je terrasse les rhinocéros et je danse sur le corps des éléphants.

Malgré sa taille, le rhinocéros fut troublé et dit au lièvre :

- Il affirme qu'il peut m'écraser, aussi il me semble préférable de m'en aller.

Le lièvre, de plus en plus désespéré, le regarda d'un oeil éteint, puis , courut chez l'éléphant.

- Ô, éléphant, tu es désormais mon dernier espoir. Viens parler au terrible guerrier qui occupe mon logis. Il prétend vaincre les rhinocéros et danser sur le corps des éléphants.

L'éléphant le regarda du haut de son imposante stature.

- J'aurais aimé te rendre service, mais je n'ai aucune envie que quiconque danse sur mon corps..... Je te salue, ami....

Juste à ce moment, une grenouille passait pas là, et vit le désespoir du lièvre. Elle s'enquit de ce qui lui était arrivé.

- Si tu savais, balbutia le lièvre, mon terrier est occupé par un terrible guerrier, si terrible qu'il peut vaincre le chacal,le léopard, le rhinocéros et même l'éléphant !!

- Mais quel est donc ce valeureux guerrier ??

- Il est le fils du chef des guerriers du Pays-qui-n'existe-pas.

- Eh bien, j'ai grande envie de connaître ce foudre de guerre...

Et la grenouille s'approcha du terrier en criant :

- Qui a osé pénétrer dans la demeure de mon ami le lièvre ? ?? ?

Et la chenille répondit :

- Le plus valeureux des guerriers. J'ai vaincu tous les animaux, j'ai terrassé les rhinocéros et j'ai dansé sur le corps des éléphants.

La grenouille sauta à l'intérieur du terrier et se dirigea vers le coin d'où venait cette voix tonitruante.

- Enfin, j'ai trouvé un adversaire digne de moi...

Lorsque la chenille la vit arriver, elle fut prise de peur et susurra dans un filet de voix :

- Epargne-moi, grenouille, je ne suis qu'une petite chenille.

Alors, la grenouille la prit et la montra à tous les animaux.

Mais l'aventure était tellement réjouissante, qu'aucun d'eux ne songea à se venger. Et pendant très longtemps, toute la forêt s'amusa fort de cette histoire.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 30 Mars 2014 à 14:09:00
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La vieille dame amoureuse

La maison de Leva était une petite chaumière blanche construite à l'écart du village. Perchée sur la plus haute des trois collines qui surplombaient les bois de bouleaux, elle était entourée d'arbres fruitiers qui fleurissaient abondamment au printemps, et offraient des fruits généreux à la belle saison. Mais la particularité de sa demeure, somme toute très ordinaire, consistait en un cerisier aux branches plus hautes que le toit, qui avait poussé juste sur le perron, bloquant pratiquement l'entrée. Un étrange visiteur qui ne cédait guère le passage aux nouveaux venus... De ses fruits abondants, Leva en tirait une liqueur particulière que l'on servait aux jeunes époux la nuit de leur noce et un remède contre le mal de vivre.

Avant l'arrivée du cerisier, Leva était une vieille dame tout a fait charmante qui s'occupait de son potager et de régaler la communauté de Trekullar de confitures et tartes aux fruits. La vie n'avait pas toujours été clémente avec elle. Elle avait enterré au fond de son jardin deux maris et vivait son veuvage avec mélancolie. Ses enfants avaient quitté le logis depuis longtemps. Ils ne se souvenaient qu'ils avaient une mère qu'en de rares occasions. Sa seule compagnie était un vieux matou grincheux, qui par une fantaisie saugrenue de la nature s'était vu allonger son espérance de vie de quelques années.
Afin de briser la solitude qui l'accablait, la rondouillette petite bonne femme s'était fait un devoir d'accueillir chaque voyageur de passage. Le village ne possédait pas d'auberges, et la chaussée le traversant menait à la Grande Route des Caravanes, aussi il n'était pas rare d'apercevoir des têtes inconnues. C'est ainsi que l'on conduisait tout naturellement l'aventurier égaré vers la chaumière de Leva. Un lit propre et douillet, ainsi que trois repas par jour cuisinés avec soin lui seraient offert toute la durée de son séjour. Parfois le voyageur s'attardait un peu plus que nécessaire tant le confort qui lui était octroyé était agréable. En échange de tant d'attention, un homme pouvait toujours se montrer utile dans la maisonnette d'une vieille dame : retourner la terre du potager, réparer une clôture, couper du bois pour l'hivers...Et le soir, assis autour du feu, l'homme distrayait sa bienfaitrice de quelques aventures, à moins que cela ne soit elle qui lui divulguait quelques sagesses de vieille femme.

Jusqu'au jour ou un cavalier surgit à Trekullar comme le vent du Sud. Il avait une prestance princière, se tenait avec autant de grâce que d'effronterie sur son bel étalon blanc. Il avait une mise à la fois élégante et sauvage : une chemise entrouverte que gonflait la brise et qui laissait voir son torse viril, une paire de bottes qui lui montait jusqu'au genoux et une large ceinture de cuir sombre. Il avait de longs cheveux clairs qui tombaient en boucles devant ses yeux bleus et que d'un mouvement de tête il remettait en place. Il avait les lèvres moqueuses, le regard charmeur et au premier instant de son arrivée, il avait déjà volé le cœur d'une demi dizaine de demoiselles. Il s'appelait Kärlek.

- Bonjour belle compagnie ! Clama t'il d'une voix profonde et suave alors qu'il avançait sur la petite place boueuse du hameau « Je cherche un endroit ou passer la nuit, et peut être davantage... »

Ces mots causèrent de grands émois, chaque femme désirait l'avoir pour hôte, et il eut tant de propositions - parfois pas toujours honnêtes, il faut l'avouer - que cela aurait pu effaroucher un jeune homme plus scrupuleux. Mais le bel enfant ne se laissait pas démonter, à chaque sourire il rendait le sien plus éclatant encore, glissait un murmure au creux d'une oreille, lançait une œillade. Il était si charmant, que même les hommes ne purent voir en lui un rival. La place du village était en grande effervescence, personne ne s'entendait à laisser le voyageur se choisir une chaumière ou dormir, tant et si bien que pour éviter la dispute une âme un peu plus avisée trancha et décida de suivre la tradition en conduisant Kärlek chez Leva.


L'arrivée de l'étranger réjouit le cœur de l'aïeul. Depuis le départ de sa dernière hôte, une jeune femme et son nouveau né dont elle avait pris soin tout l'hiver, la solitude lui pesait davantage. N'importe quelle compagnie lui aurait convenu, mais ce nouveau visiteur avait un charme, une aisance, une conversation animée et joyeuse qui était loin de lui déplaire. Elle s'en enticha immédiatement, comme une vieille dame en est capable, mêlant des sentiments maternels à une pointe de nostalgie. Pour lui, elle se surpassa, imaginant avec les simples légumes qu'elle avait tirés elle-même de la terre, des mets originaux et savoureux. Le jeune homme se délectait et rendait bien l'accueil qui lui était réservé par un enthousiasme généreux.

De nombreuses demoiselles de Trekullar se morfondaient de jalousies. On les voyait se promener par grappes aux alentour de la chaumière de Leva. Elles semblaient toujours avoir à y faire quelque chose, alors qu'en temps normal cette colline ne suscitait guère leur intérêt. La vieille dame s'amusait beaucoup de les voir se tordre le coup, tachant d'apercevoir son invité, de les voir rire sous cape et se murmurer des cachotteries. Elle s'amusa davantage encore lorsque certaines plus audacieuses franchirent son perron et frappèrent à sa porte avec de belles excuses joliment préparées. Kärlek ne semblait pas se troubler d'autant d'attention. Il répondait toujours de la façon la plus charmante du monde, donnant un espoir égal à chacune d'entre elles, et puis lorsqu'elles s'en allaient enfin, il regardait Leva d'un air malicieux et entendu et l'aidait à préparer le souper.

- Voilà une bien jolie tapisserie dit il, ne perdant jamais une occasion pour tourner un compliment « Vous avez les doigts aussi habiles que vous savez régaler mon appétit semble t'il. »

- Je te remercie mon garçon, répondit Leva simplement, en tournant sa cuillère dans la grande marmite de fonte « mais je n'en suis pas l'auteur. L'amie que j'ai recueillie juste avant toi l'avait commencé. Je l'ai trouvé si gaie que j'ai voulu l'achever. «

- Cet ouvrage est des plus étonnant. Un homme du désert perdu dans le tissage au style rude du Nord. Une passion s'aventurant sur les routes sans doute...

- Je vois que tu as beaucoup voyagé pour conclure autant de si peu. Elle tentait en effet de rejoindre le père de son enfant.

- L'amour fait faire des folies n'est ce pas ? Murmura t'il avec un regard brûlant.

Leva en fut troublée, et sentit ses joues s'empourprer. Elle ravala sa salive péniblement, et évita de croiser les yeux bleus du jeune homme le reste de la soirée.

Le lendemain, à son réveil il était partit. Elle en éprouva une telle déception, qu'elle se surprit elle-même. Elle eut à peine la force d'accomplir ses taches journalières, et resta assise à se morfondre dans son vieux fauteuil, son chat blotti sur les genoux tout le jour durant. Elle s'était habituée un peu trop vite à la présence du voyageur, et son absence lui rappela à quel point elle était seule et sa vie ennuyeuse.
Le soir, alors qu'elle s'était assoupie, elle fut tirée de ses songes par des gloussements au dehors. Leva, qui était toujours de méchante humeur, se leva agacée, prête à réprimander la petite peronelle qui osait roder autour de sa demeure, troublant son intimité.

- Il n'est pas là ! S'apprêtait elle a crier lorsqu'elle ouvrit la lourde porte pour découvrir juste derrière Kärlek portant un large panier rempli de victuaille.

Elle s'en voulu tellement pour les mauvaises pensées qu'elle avait ruminé tout le jour, qu'elle ne prit pas attention à la jeune lavandière qui s'esquiva dans un froufrou de jupons.

- J'ai pensé que ce soir il vous serait agréable de prendre un peu de repos. Vous verrez que je ne me débrouille pas trop mal pour un garçon de mon âge, et il se pourrait même que vous appréciez ma cuisine. Dit il dans un clin d'œil « Asseyez vous ! Je vous interdis de m'aider. Il est temps que quelqu'un prenne soin de vous ! »

Rien ne pouvait davantage toucher une vieille dame solitaire. Elle s'installa donc dans son fauteuil, cette fois le cœur joyeux et le sourire aux lèvres. Son chat ronronnait gaiement à ses pieds et tandis que la lumière du jour déclinait, elle observait le jeune homme qui coupait les légumes sur la table rustique. Les derniers rayons du soleil traversaient les volets mi clos et se perdaient dans ses boucles blondes leur donnant autant d'éclat que l'or. Il était si beau que l'on aurait dit un ange. Leva soupira d'aise, amusée par sa propre sottise.
Lorsque le ragoût eut fini de mijoter, il lui en servit un bol plein, et attendis avec impatience de voir sa réaction. Elle porta une cuillère à la bouche et ne pu réprimer un sourire.

- C'est bon. C'est très bon.

Elle poursuivit son repas, savourant chaque bouchée. Elle sentait son âme envahie d'une douce chaleur.

- C'est vraiment très très bon !

Kärlek s'approcha d'elle délicatement, et s'agenouilla. Il plongea son regard bleu pur dans le sien, et d'un geste d'une extrême douceur il lui caressa la joue.

- Tu vois, dit il dans un murmure « Tu vas déjà beaucoup mieux. Regarde ton visage... Il a retrouvé des couleurs. »

Leva s'empourpra, gênée par cette soudaine proximité. Il remarqua son trouble, et sourit tendrement.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 30 Mars 2014 à 14:09:18
La vieille dame amoureuse (suite et fin)


Une brise légère secouait les branches des pommiers leur arrachant les pétales délicats de leurs fleurs. Des dizaines de confettis blancs dansaient sur les ailes du vent. Leva se souvenait du jour ou elle et son premier époux avaient plantés ces frêles arbres dans la terre du verger. Ils n'étaient pas plus hauts qu'un enfant, et aujourd'hui ils offraient un tronc solide que l'on pouvait escalader et des ramures épaisses qui supportaient le poids des fruits. Elle réalisait avec peine qu'autant d'années s'étaient écoulées, transformant le visage de son jardin, et le sien hélas, et que pourtant c'était le même regard un peu innocent qu'elle portait sur le panorama. Elle avait le cœur gonflé d'émotion, elle sentait la vie s'écouler en elle comme un nectar sucré. Tout semblait plus beau, plus heureux. La lumière du soleil qui inondait la colline, et la cime des bouleaux frémissant en contre bas. Les légers nuages blancs qui galopaient dans le ciel, projetant leurs ombres fuyantes sur la terre. Les senteurs des fleurs abondantes se mêlaient à celle de l'herbe et du feuillage, et le chant des insectes vrombissait en cœur. Chaque détail du paysage semblait porter un message d'espoir, et Leva se sentit soudain entourée de millier d'amis. Même sa maisonnette construite des rondins blancs mouchetés des bois environnants semblait plus riante que la veille.

Les jours s'écoulèrent heureux sans qu'elle ne s'en aperçoive, et elle prit goût à ce bonheur depuis longtemps oublié. En elle palpitait une nouvelle vie, elle avait l'impression de naître une seconde fois.

Mais le vent d'Ouest se leva, un vent tumultueux et sauvage, chargés d'orages et d'embruns maritimes. Il surgit un matin arrachant les dernières fleurs et laissant un feuillage sombre. Kärlek se tenait sur le perron de la chaumière blanche, s'étirant paresseusement. Il se tourna vers Leva, un regard changeant chargé de mystère et de malice.

- Fili Skvaller et sa fille m'ont invité à manger chez elles. Je vais y aller. Je dormirai là bas aussi sans doute.

D'un geste de la main, il salua la vieille dame, et s'encouru vers le village, aussi gai et soudain qu'une brise estivale.

Elle resta un moment interdite, ne sachant que faire. Une douleur vive comme la morsure d'un reptile lui avait étreint le cœur. Elle tordait ses mains moites, arpentant en cercle la pièce centrale de sa petite maison, comme un animal en cage. Et puis soudain, seulement portée par ses sentiments tempétueux, elle sortit sans fermer la porte et se mit à dévaler la colline vers le village. Elle courrait, courrait à en perdre haleine oubliant son âge et la fatigue de ses vieux os. Et dans sa tête des pensées rageuses s'entrechoquaient. Elle aurait du être invitée également. Quel manque de respect démontrait Fili Skvaller en ignorant l'aïeul de Trekullar ! Laissant libre cour à sa colère, Leva poursuivit sa course, déterminée à forcer la villageoise à réparer l'affront qui lui avait été fait.

- Oh là ! Leva ! lui cria un vieux fermier éberlué de la voir passer devant chez lui au triple galop. « Que t'arrive t'il bon sang ! Leva ! Tes cheveux ! Leva ! »

La vieille dame se retourna brièvement, le regard ombrageux, sans ralentir, ni s'arrêter. Et ce regard plein de fougue fit rougir les joues rêches du gaillard.

Elle ne s'arrêta qu'une fois arrivée sur la place du village où siégeait juste à côté de celle du chef, la maison de Fili Skvaller et sa fille. Elle avait le cœur qui lui battait à en lui faire mal aux tempes, et la sueur ruisselait tout le long de son dos. Pourtant, elle ne remarquait pas même l'effort incroyable qu'elle avait fourni pour son age avancé tant l'émotion implacable la terrassait intérieurement. Elle s'avança doucement de la chaumière ou était invité son protégé. Elle était rongée par la jalousie. Elle entrevit des silhouettes passer furtivement. Une atmosphère joyeuse se dégageait de l'endroit. Elle lissa sa robe d'abord, réajusta son tablier, remis en place ses cheveux décoiffés par la course, puis elle s'avança vers la porte et s'apprêta à soulever le heurtoir et à le laisser tomber lourdement.
Elle arrêta son geste. Elle se trouvait stupide soudainement. Ridicule. Et très très triste. Elle s'éloigna de la porte. Réfléchis à l'une ou l'autre excuses plus valable qu'elle pourrait invoquer pour se faire inviter sans paraître quémander. Mais elle n'en trouva aucune. Des bouffées d'angoisses augmentaient son indécision. Qu'allait t'elle faire ? Que devait elle dire ? Etait t'elle seulement présentable !
Machinalement ses doigts noueux s'emparèrent de la longue natte qui pendait dans son dos et caressant sa propre chevelure, elle se surprit de sa douceur. Elle posa ses yeux sur la tresse et son cœur s'arrêta de battre un instant lorsqu'elle constata qu'elle avait retrouvé sa blondeur de jadis. Elle se souvint du regard abasourdi du fermier qui avait crié sur son passage et des mots qui avaient fusés dans le vent. Elle se dirigea vers la fontaine qui gargouillait au milieu de la place et à laquelle venaient s'abreuver les animaux et laver leur linge les villageoises. Un pressentiment étrange avait vu jour en elle. Elle se pencha avec appréhension au-dessus de l'onde pour observer son reflet. Les rides profondes qui marquaient le temps sur son visage avaient presque disparues pour laisser place à la figure d'une femme dans la fleur de l'âge.

- Comment est-ce possible ! S'atterra t'elle « Aurais je rajeunis de presque trois décennies en une seule nuit ? »

Cette découverte lui fit l'effet d'un seau d'eau froide qu'on lui aurait jeté à la face. Sa jalousie avait disparue pour faire place à une étourdissante stupeur. Elle tourna les talons, jeta un dernier regard vers la maison de Fili Skvaller, et s'en retourna chez elle, lentement. Au dessus d'elle, une colombe avait pris son envol et s'éloignait dans les profondeurs du ciel.
Puis très vite, Leva retrouva son sang froid. La tête haute et le port majestueux, elle se réjouit de ce miracle inattendu, et se dit, non sans sourire, que cela pourrait peut être lui servir. Et son cœur se mit à battre la chamade lorsqu'elle s'imagina la réaction que pourrait avoir Kärlek lorsqu'il la reverrait.

Les jours qui suivirent furent pour la vieille dame rajeunie aussi mouvementés qu'une mer sous la houle d'hiver. Jamais elle ne savait quand Kärlek reviendrait ou lorsqu'il la délaisserait pour rendre visite à l'une ou l'autre villageoise. Chaque fois qu'ils partageaient la journée ensemble, il se montrait si charmant et agréable qu'elle oubliait aussitôt la peine que lui causeraient son absence et ses négligences prochaines. Elle avait retrouvé une ligne svelte, une chevelure abondante et des joues qui s'enflammaient au moindre compliment. Elle avait le regard vif, brillant, malicieux et les lèvres fières. Et lui devenait chaque jour plus familier, jusqu'à enrouler les mèches blondes autour de ses doigts, et à lui murmurer ce qu'il avait à lui dire plutôt qu'à le clamer à haute voix. Ces mots doux et suaves comme le miel embellissait la dame à vue d'œil : elle avait retrouvé une santé de fer et une vitalité depuis longtemps oubliée.

Au village, l'on faisait grand cas de ce changement miraculeux. Certaines mauvaises langues parlaient de sorcellerie, tandis que d'autres – plutôt des hommes, dans ce cas - évoquaient une faveur des dieux en remerciement du dévouement de la vieille, et ne pouvaient s'empêcher d'apprécier ce présent céleste. Elle était devenue aussi jolie qu'à vingt ans, l'on se retournait sur son passage et l'on louait sa grâce. Ceux de sa génération se perdaient dans de nostalgiques pensées et se souvenaient des occasions qu'ils avaient manquées, tandis que les jeunes se sentaient prêt à braver leur destinée.
Leva n'y prêtait guère attention. Tout son être était accaparé par Kärlek, ses boucles d'or et son sourire angélique. A force d'avoir le cœur ballotté entre la plus grande félicitée et un désespoir violent, son caractère avait pris une tournure tempétueuse, sauvage, passionnée. Elle s'efforçait de garder ses sentiments pour elle, mais ils débordaient avec tant de force qu'ils étaient visibles pour tous.

Un jour, le cavalier quitta Trekullar comme il était venu, avec une arrogante nonchalance. Il laissa derrière lui bien des cœurs meurtris et des yeux en larmes. Mais personne ne connu une douleur plus vive que Leva lorsqu'elle vit son destrier blanc s'éloigner sur la route humide. C'était comme si l'univers venait de s'écrouler autour d'elle, que la nuit éternelle avait dévoré le soleil et que la dernière flamme d'espoir venait de s'éteindre. Elle se laissa choir sur le sol en pleurs, la jupe trempant dans une flaque de boue, salissant ses mains et son visage. Les autres autour d'elle avaient cessés d'exister, perdus dans une brume épaisse. Et on la délaissa, seule avec son chagrin.
La pluie ruisselait, chacun s'était réfugié à l'abri de leur demeure. Elle restait là, prostrée, brisée, laissant l'ondée estivale la tremper jusqu'aux os. Puis lorsqu'elle eut pleuré tout son saoul, lorsqu'elle en eut assez de s'apitoyer sur elle-même, elle releva la tête avec fierté. Ses poings se crispèrent. Sa bouche se tordit en une moue rageuse.

- Je ne suis plus la vieille Leva qui nourrit tout un chacun de tartes aux pommes et de confiture d'aprikos. Je ne suis plus celle qui regarde en silence la vie s'épanouir autour d'elle. J'ai changé. Je suis aujourd'hui aussi belle et jeune que n'importe quelle autre au village et ailleurs. Une nouvelle vie s'offre à moi. Je n'ai rien à craindre ni rien à perdre.

Et aussitôt qu'elle eut marmonné ces paroles, elle se dirigea vers la demeure du maréchal ferrant. Trois juments hennissaient dans l'écurie. Sans hésiter, Leva jeta une selle sur le dos de la première, l'harnacha en vitesse en n'attachant les sangles qu'à moitié tant ses mains tremblaient de nervosité. Puis ...elle partit au galop sans prévenir.

Elle ne savait pas ou était partit Kärlek, et elle avait pleuré trop longtemps dans la boue que pour apercevoir au loin sa silhouette tant espérée. Pourtant un incroyable instinct la guidait, et sans se poser de questions, elle suivait la route qu'il lui chuchotait. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait monté un cheval, elle avait oublié la force et l'adresse que cela requerrait. Elle avait oublié la vitesse de la course. Elle avait le cœur qui battait à tout rompre, mais elle était tellement déterminée qu'elle ne sentait pas la peur. La pluie cinglait son visage. Les sabots de la jument s'enfonçaient dans la gadoue, éclaboussant sa robe rousse de fange et d'herbes mouillées.
Elle sentait l'air du large au fur et à mesure qu'elle s'avançait, et bientôt, de derrière les collines, le lointain océan laissa entrevoir son étendue grise. Une bruine salée et collante inondait le rivage sur lequel s'était couché le petit port de Vitfisk. Elle sentait qu'elle le retrouverait là. Au fur et à mesure qu'elle s'approchait des grossières masures des pêcheurs qui se mêlaient aux maisons plus riantes des nantis, elle sentait les percussions de son cœur s'alarmer dans sa poitrine, et cela lui faisait presque mal.
A force de l'avoir éperonnée, la jument s'était emballée. Et Leva, qui s'agrippait de toutes ses forces à sa crinière, le regard perdu au loin, n'était plus qu'un ballot de tissus porté sur son dos. Le paysage filait sous son flan, l'animal ne ralentit même pas lorsqu'elle déboula dans le port. Elle traversa les ruelles renversant cagots et paniers sur son passage, bousculant les villageois effarés. Martelant le sol de terre dans des gerbes de boue, la monture fonçait sans savoir ou aller, sillonnant au hasard pour déboucher finalement sur une place encombrée. L'auberge et ses écuries occupaient tout le côté droit. Un étalon blanc venait d'y être amené, et déjà un gros bonhomme rougeaud changeait ses fers.

- Il est là, hurla Leva pour elle-même, en tirant de toutes ses forces sur la bride dans un acte désespéré.

La jument se cabra, hennissant de colère et d'effroi. Elle eut un sursaut d'une telle violence que sa cavalière fut désarçonnée et jetée sur le sol. Assommée par la chute, Leva perdit connaissance un instant. Son front saignait et tachait la blondeur de chevelure éparse.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, Kärlek lui caressait le visage avec douceur, écartant les cheveux d'or qui lui barraient la vue. Il la releva avec précaution, et la serrait dans un geste d'une grande tendresse contre sa poitrine. La pluie ruisselait sur les toits, débordait des gouttières et retombait sur le sol en de fins filets. Le doux chant de l'eau emplissait la place de plic-ploc rythmiques. Leva s'arrêta de respirer. Sa robe mouillée moulait les formes rondes de son corps, écrasées entre les bras du bel homme. Il approcha ses lèvres des ses joues charnues, les déposa doucement comme pour y recueillir les gouttes de l'ondée. Elle frémit. Elle n'osait pas espérer. Pourtant...il l'embrassa ensuite à pleine bouche avec toute la fougue d'un amour naissant. Le temps semblait s'être arrêté. Le coeur de Leva également. Puis les battements se firent sentir à nouveau, les plic-plocs dans les flaques reprirent leur musique, les pas des badaux martelèrent le sol boueux...
Kärlek plongea son regard bleu d'azur dans celui empli de joie et d'espoir de Leva. Il lui sourit tendrement. Lui parla d'une voix si douce et pleine d'amour qu'il était presque impossible de comprendre qu'il était sur le point de lui briser le cœur.

- « Je suis comme le vent. » soupira t'il « Partout à la fois, pénétrant toutes les demeures aux fenêtres ouvertes, mais je reste insaisissable, indomptable. Essaye de me capturer, et tu verras que je glisserai entre tes mains. Ne tente rien, et sans même t'en rendre compte, tu sentiras sur ta nuque mon souffle tiède. »

Dans un nouveau sourire plus doux et plus tendre encore, il l'embrassa longuement et passionnément. Puis, il défit son étreinte, l'abandonna au milieu de la place et s'approcha de son cheval qui avait été ferré entre temps. Il le monta, salua la belle interdite et s'éloigna au pas sur le petit sentier de derrière l'auberge qui longeait la côte.
Reprenant ses esprits, réalisant les mots qu'il lui avait glissé à l'oreille, Leva couru à sa suite un peu trop tard. Elle se hâta, rassemblant le peu d'équilibre qui lui restait après la chute et les émotions contraires qui l'avaient bousculées. Elle cria son nom, mais il ne daigna pas même se retourner. Elle tituba, se rattrapa au mur d'épais rondins de l'écurie. Elle avait l'âme défaite.

- Attends ! Attends-moi !

Sans espoir, elle suivit le sentier qui sinuait au sommet des falaises. Au loin au travers du rideau de pluie, elle apercevait une tache blanche qui s'éloignait jusqu'à disparaître à tout jamais. Le vent du large se fit plus fort, projetant autant d'embruns que de pluie. Au pied des falaises, la mer écrasait ses vagues avec colère. L'écume blanche se mêlait au gris et à l'émeraude des lames. Leva cessa de scruter l'horizon désespérant et se perdit dans la contemplation des éléments fougueux. La tête lui tournait. Le bruit de l'onde se fracassant contre la roche avait quelque chose d'enivrant comme si la mer déchaînée avait absorbé ses sentiments. Elle ferma les yeux, écarta les bras , leva le visage vers le ciel. Elle perdit l'équilibre...un instant.

Et le cycle des saisons se poursuivit, jaunissant les feuilles des bouleaux et des pommiers avant de les arracher et de recouvrir ensuite le paysage d'une épaisse couche de neige. Puis après les longs mois d'hiver, le printemps pointa le bout de son nez, un peu en avance. Le parfum de l'espoir se mêla à celui des fleurs fraîchement écloses.
Un jour où le soleil brillait timidement, l'on frappa à la porte de Leva. Celle-ci déposa son rouleau à tarte sur la pâte qu'elle allait aplanir et lança un regard surpris à son vieux chat. L'âge l'avait rattrapé à nouveau, mais malgré les rides qui marquaient son visage et la blancheur de ses cheveux, une vitalité hors du commun se reflétait dans ses gestes et attestait de l'étrange aventure qui lui était arrivée un an plus tôt. Sans hâte, elle se dirigea vers la porte et essuya machinalement ses mains sur son tablier. Elle leva le loquet de métal et tira le battant dans un grincement familier. Leva poussa un cri de surprise. Sur le perron se tenait avec cette nonchalance caractéristique l'irrésistible Kärlek.

- Je suis venu m'excuser » chuchota t'il dans un sourire séducteur et pourtant sincère. »Je t'ai causé beaucoup de souffrance, et cela était involontaire. Je ne désire qu'apporter joie, bonheur et ivresse... »

- Oh non ! Ne t'excuse pas ! » répondit Leva d'une voix presque mystérieuse « Je t'ai aimé, et j'ai souffert il est vrai. Mais j'ai vécu ! J'ai ressentit ! Mon cœur a battu comme jamais ! Et simplement pour cette raison, chaque larme versée, chaque coup de colère en valaient largement la peine. J'ai aimé, et rien n'est plus précieux que cela. Aussi ne t'excuse pas, car je te remercie du fond du cœur pour m'avoir fait renaître. Merci...infiniment. »

Et à ces mots, elle sourit. Dans ce sourire, Kärlek reconnu le sourire de toutes les femmes du monde qui avait aimé un jour, et ce sourire rayonnait davantage qu'un soleil d'été. Alors Kärlek sourit à son tour et lentement avec majesté, il se transforma en cerisier. Et toutes ses branches se recouvrirent de fleurs blanches.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 02 Avril 2014 à 15:37:51
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Mélusine et Fabiola

Avez-vous jamais entendu conter la sombre histoire de Mélusine la fée et Fabiola la chèvre ? Quel drôle de couple en effet : pas étonnant qu'il soit passé à la postérité.

Il y a bien longtemps, vivait une chèvre antique du nom héroïque de Fabiola. Elle était divine et adorée par la population locale car poussait sur elle une laine si douce qu'elle faisait pâlir de jalousie les plus douées des fileuses de la région.


Chaque dame bien nommée venait la quérir pour une once de sa laine précieuse, qui avait paraît-il des bienfaits inouïs sur la jeunesse des intéressées. Mais Fabiola ne consentait que rarement et dispensait ses onguents poilus à qui les méritait.


C'est ainsi qu'une dame bien née qui ne pouvait supporter l'affront du temps sur son auguste séant mandata une fée. « Qu'on la fasse entrer ! » clama la dame. Mais enfin, a-t-on jamais vu une fée entrer par une porte ? Mélusine apparut devant elle tout en beauté dans ses parures illuminées.


« Madame m'a conviée, lui dit-elle, mais je vous rappelle : mes tarifs sont dorés sur tranche et recevables uniquement pour les causes charitables. Je n'interviens ni pour les pustules, ni pour les ridicules – soient elles précieuses. » La dame se mit à pleurer des litres et des litres de larmes et Mélusine, au bord de la noyade, accepta la mission effroyable : voler Fabiola, l'emporter, la tondre et la renverser dans la Boutonne, afin que plus personne ne l'entende !


Fabiola, toute occupée à peigner son précieux duvet, ne s'aperçut en rien d'abord du subterfuge. Elle vit Mélusine s'approcher, déguisée en gentille bergère, et lui demander si elle consentait à lui offrir un fil de ses poils soyeux pour la guérir d'un mal sérieux qui la rongeait depuis tant d'années.


Fabiola la douce, mais pas chèvre pour un sou, se rua sur Mélusine en lui décochant un sacré upercute. La fée, complètement sonnée, se demanda si le bon pré lui avait été indiqué. Cette chèvre n'était en rien mièvre et doucereuse et ne se laisserait pas facilement berner ! Elle décida donc de parler de bête à bête :


« Nous sommes toutes deux créatures merveilleuses en ce monde de sournoises et assommantes vérités. La vieillesse règne dans ces contrées : donne-moi un fil de ta toison et je ferai régner le calme, le luxe et la volupté pour les siècles et les siècles. »


C'est alors que Fabiola eût ce trait fatal : « Ma chère amie, je ne suis Chèvre que de nom et c'est en Fabiola que je règne sur les hommes. Mon pouvoir unique réside dans le passage du fleuve céleste : mes onguents calment les souffrances, lissent les incertitudes des vieillards, et ne ravivent en rien les splendeurs du passé. Va donc dire à celle qui te mande qu'elle attendra son heure, comme tout le monde ! ».


Et de rage, Mélusine déploya son auréole de lumière. La chèvre en roussit et perdit son splendide éclat. Echaudée, elle alla droit dans la Boutonne. Mais en se refroidissant le poil, elle perdit pied et sombra bel et bien dans le lit de la rivière.


C'est ainsi que, depuis ces temps antiques, les hommes et les femmes de ce pays passent sur le fleuve à l'aide d'une longue perche, destinée sans soute à retrouver le caveau de Fabiola la douce. Il est dit que Mélusine la chercherait encore, tantôt libellule, tantôt papillon et que la dame bien née qui l'avait mandée s'éteignit dans de terribles souffrances.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Avril 2014 à 14:09:18
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Li-Meï et la potion de couleur

Li-Meï était une éléphante d'Asie connue dans tout le pays pour sa connaissance des plantes et ses nombreuses recherches scientifiques.

Jadis, elle avait mis au point une potion permettant à qui la boirait de changer de couleur de façon permanente. Elle avait testé son invention sur son cousin Georges, éléphant d'Afrique. Ce dernier était devenu rose et, après avoir vécu une carrière de star internationale grâce à sa nouvelle couleur, il avait supplié sa cousine de lui trouver un antidote pour retrouver l'anonymat.

Cette histoire avait fait renoncer Li-Meï à l'utilisation de cette potion, aux conséquences bien trop importantes. Elle l'avait, donc, rangée tout au fond d'un coffre fort, là où personne ne pourrait jamais la trouver.

Depuis cette histoire, la situation dans son pays s'était nettement dégradée. Elle vivait en Chine, parmi des animaux aux mille couleurs. Pendant de nombreuses décennies, la paix et l'harmonie s'étaient installées et rien ne semblait venir troubler cette quiétude.
Jusqu'au jour où une commission d'animaux bleus décida que seuls les êtres vivants de leur couleur méritaient le respect et la reconnaissance. Ils tentèrent donc de chasser tous les autres animaux hors du pays.

A la suite de cet évènement, les animaux qui, jusqu'à présent vivaient tous ensemble en harmonie, se regroupèrent par couleur et décidèrent de ne plus se fréquenter les uns les autres.

Ainsi, les animaux marron vivaient séparés des bleus, des verts, des rouges, des jaunes... Chaque couleur avait investi un territoire et tentait de persuader les autres de s'en aller le plus loin possible. La haine, la peur et le chaos s'installèrent. La Chine devint le pays d'un important conflit parmi les animaux.

Li-Meï, attristée par ces évènements se replia dans son laboratoire de recherche et refusa de les côtoyer. Elle aurait aimé trouver une solution pour que la paix revienne parmi les animaux, mais ne savait pas comment s'y prendre.

Son cousin Georges, apprenant le désordre qui régnait dans son pays et la tristesse de sa cousine décida de lui rendre visite. Il s'installa, donc, dans la chambre d'amis du laboratoire. Là, ils discutèrent et se rappelèrent de l'époque où Georges était devenu rose.
-Est ce que tu as toujours cette potion pour changer de couleur? Peut être pourrait-t-on l'utiliser pour faire réfléchir les habitants sur ces conflits? Lui demanda-t-il.
-Bonne idée, lui répondit-elle. Mais je dois l'améliorer et j'aurai besoin de ton aide.
-Avec plaisir! S'écria-t-il.
C'est ainsi que Georges devint un agent infiltré, œuvrant pour sa cousine au sein de la Chine.

Il devint tout d'abord missionné pour aller récolter les plantes dont elle avait besoin. Comme ces dernières se trouvaient sur les territoires des autres couleurs, il devait s'intégrer aux habitants. Sa cousine, avec sa potion de couleur, lui permettait de prendre l'aspect des habitants. Il devint donc tour à tour, un éléphant bleu, marron, violet, jaune, rouge, orange... et parcourut tout le pays à la recherche des précieuses herbes que lui demandait Li-Meï. Au passage, il pouvait aussi observer les habitants. Aucun d'entre eux ne fut surpris de croiser un éléphant de leur couleur, ils étaient bien trop occupés à réfléchir sur la meilleure manière de faire fuir les autres à tout jamais.

Une fois tous les ingrédients récoltés, Li-Meï prépara une énorme quantité de sa potion améliorée .
-Il faut la mettre dans la rivière, expliqua-t-elle à Georges. Les animaux de tout le pays en boiront et leur couleur changera.

Georges fut, une nouvelle fois, envoyé par sa cousine. Il était chargé de déverser une fiole de potion dans tous les lacs, les rivières, les points d'eau... Il parcourut des kilomètres, et mena sa mission à bien.

Bientôt, les animaux furent atteints de symptômes étranges et leur couleur changea. Ils étaient horrifiés de voir leur pelage, leur plumage, leur carapace, leurs écailles... se transformer ainsi. Ils étaient tous devenus multicolores et cela les rendit de fort mauvaise humeur.

Chaque territoire, se précipita aussitôt chez son voisin, persuadé que c'était une de leurs œuvres machiavéliques, mais ils constatèrent bientôt que chaque habitant du pays était atteint du même problème. Georges et Li-Meï avaient bu, eux aussi de la potion, pour que personne ne soupçonne qu'ils étaient à l'origine de ces perturbations.

Les animaux furent vite désorientés: comment se regrouper  par couleur désormais? Il n'y avait plus aucune différence entre chacun: ils ne savaient plus où aller, ni qui ils étaient. Ils réorganisèrent leurs habitations et chacun choisit un lieu qui lui plaisait pour y construire sa maison. Ils se mirent à se cotoyer, tout en étant désagréables les uns avec les autres et s'accusant mutuellement d'être responsable du problème.

Non! Ils n'aimaient pas du tout cette situation, ils détestaient la nouvelle couleur de leur pelage, plumage, carapace, écailles... Agacés, ils finirent par se rencontrer tous ensemble pour trouver une solution. Ils convoquèrent tous les chercheurs, les scientifiques et les médecins du pays pour qu'ils travaillent ensemble sur la question. Li-Meï se garda bien de leur donner des explications sur l'origine du problème, ni même de leur parler de l'antidote qu'elle avait déjà fabriqué.

Li-Meï et Georges, attendirent et attendirent encore. Les scientifiques se disputaient des théorèmes, n'étaient pas d'accord sur les résultats de leurs expériences et leur travail n'avançait pas. Pendant des mois, ces recherches ne donnèrent absolument rien.

Pendant ce temps, les animaux avaient pris de nouvelles habitudes, Chacun s'installait confortablement dans sa nouvelle habitation. Ils suivaient attentivement les résultats des recherches et en discutaient avec leurs voisins, espérant être enfin libérés de ces satanées couleurs. Des amitiés se lièrent et les animaux oublièrent petit à petit les conflits qui les animaient jadis. Une seule chose était devenue importante : mettre fin à ce fléau multicolore.

Lorsque Li-Meï vit les habitants de son pays se parler et vivre à nouveau ensemble, elle jugea qu'il était temps de donner quelques éléments aux chercheurs, afin qu'ils puissent enfin avancer dans leurs découvertes. Très vite, ils mirent au point une première potion qui fit devenir tout les habitants verts à petits pois bleus. Certes, ce n'était pas le remède final, mais c'était déjà un progrès considérable. Puis, se succédèrent de nombreuses autres potions où les animaux devinrent rouges à rayures violettes, puis complètement recouverts de carreaux de toutes les couleurs pour finir complètement sans aucune couleur.

Li-Meï et Georges étaient satisfaits du désordre qu'ils avaient causé et de la réaction que chacun avait pu avoir dans le pays. Ils décidèrent donc, sans rien dire à personne de déposer l'antidote dans toutes les rivières, les lacs et les points d'eau du pays.

C'est ainsi que les animaux se réveillèrent un matin en ayant retrouvé leur couleur d'origine. Chacun  découvrit avec stupéfaction qu'il avait des voisins d'autres couleurs que lui. Mais peu leur importait ces différences, ils étaient bien trop heureux d'avoir enfin retrouvé leur état naturel. La paix fut de nouveau présente en pays de Chine pour le plus grand plaisir de Georges et Li-Meï, qui ne révélèrent jamais à personne qu'ils étaient à l'origine de  tous ces évènements.    
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 05 Avril 2014 à 08:44:32
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La Reine Soleil

Il était une fois une jeune fille qui vivait dans un pays froid,  pluvieux et gris.  Le pays était tellement ténébreux et sombre que la grisaille semblait avoir déteint sur tous les habitants. Le boulanger grommelait tout le temps, le boucher n'était pas aimable, le facteur n'annonçait que de mauvaises nouvelles et il en était de même pour l'ensemble de la population. La jeune fille semblait être la seule à ne pas être affectée par l'air du temps. Elle était rayonnante avec de grands yeux bleus lumineux et de longs cheveux d'un blond étincelant.

Un jour qu'il faisait particulièrement froid et humide, une vieille femme frappa à la porte de la jeune fille et lui demanda un peu de nourriture. La femme avait une allure particulièrement misérable mais la jeune fille avait un cœur plus rayonnant encore que sa beauté et elle l'invita à s'asseoir à sa table. Après avoir mangé une grande tranche de rôti et bu un grand verre de vin, la vieille femme remercia son hôtesse et dit qu'il était temps pour elle de prendre congé. Comme la nuit tombait et qu'il s'était mis à pleuvoir, la jeune fille aux cheveux blonds lui offrit de rester dormir chez elle. La misérable vieille remercia de nouveau son hôtesse mais insista pour reprendre sa route.

« Acceptez au moins de mettre quelque chose d'imperméable et de chaud sur vos épaules. »
La jeune femme alla chercher un épais manteau et le donna à la vieille femme.

« Je vous remercie Mademoiselle pour votre générosité, répondit la vieille, mais il vous faudra alors venir me rendre visite chez moi. »

La jeune fille fut à la fois surprise et heureuse d'entendre que la misérable femme avait une maison où elle pouvait recevoir des invités. Après l'avoir saluée, la vieille femme s'en alla et disparut dans la grisaille. Trois jours plus tard, la jeune fille recevait un carton d'invitation écrite en lettre d'or.

« Mademoiselle,

Vous êtes invitée à la fête du château Solaris. Pour vous y rendre, marchez vers le nord jusqu'à ce qu'un rayon de soleil perce les nuages. Prenez alors la première route vers l'Ouest, et lorsque vous apercevrez un chêne centenaire faites une petite pause. Quand vous serez reposée, allez sonner au château que vous pourrez apercevoir en regardant dans la direction opposée au soleil.

C'était signé : la vieille femme à qui vous avez donné votre manteau.

PS : prenez une pièce de bronze, d'argent et d'or car vous pourriez en avoir besoin.»

Au petit matin, la jeune fille mit une jolie robe de laine bien chaude car il faisait très froid et s'en alla sur la route du nord. Le brouillard était épais et la jeune fille se demandait quand elle pourrait apercevoir un rayon de soleil lorsqu'elle croisa un marchand ambulant.

« Où allez-vous comme cela Mademoiselle ?

- Je suis invitée au château Solaris, répondit la jeune fille en espérant que le marchand puisse l'aider.

- Il vous faudrait un cheval pour aller là-bas. Pour une pièce de bronze, je puis vous en trouver un. »

Comme cela ne représentait que peu d'argent pour un cheval,  la jeune fille donna sa pièce de bronze au marchand ambulant. Ce dernier prit la pièce, fouilla dans son sac et en sortit un cheval blanc miniature. La jeune fille pensa que le marchand s'était bien moqué d'elle mais comme le cheval était très beau, elle l'accepta et le mit dans la poche de sa robe. C'est alors qu'un rayon de soleil perça les nuages et illumina un petit chemin sur la gauche de la route. La jeune fille hésita un instant car le chemin était difficile. Elle décida néanmoins de le prendre car il allait vers l'ouest.

Le petit sentier n'était pas bien large, boueux, couvert de ronces et la jeune fille avait du mal à avancer. Après plusieurs heures de marche, elle était épuisée et chercha un endroit pour se reposer. Elle aperçut un gros arbre, s'allongea dessous et s'endormit sans se rendre compte que c'était là le chêne indiqué sur son invitation.

« Vous n'auriez pas une pièce d'argent ? »

La jeune fille ouvrit les yeux et découvrit un petit lutin avec un drôle de chapeau bleu en train de la regarder. Elle pensa qu'elle était toujours endormie et était en train de rêver. La jeune fille se frotta les yeux, se pinça mais lorsque le lutin demanda de nouveau une pièce d'argent, elle comprit que le lutin était bien réel.

« Pourquoi veux-tu une pièce d'argent ? demanda la jeune fille.

- Je veux la mettre dans mon chapeau magique. »

La jeune fille était stupéfaite de voir un lutin, aussi elle se dit que peut-être son chapeau était réellement magique. Comme elle était curieuse, elle donna sa pièce d'argent au lutin qui la mit aussitôt dans son chapeau bleu. Le lutin prononça d'étranges paroles, remit sa main dans son chapeau et en sortit une couronne de lys dorés. La jeune fille applaudit en se demandant si le chapeau était véritablement magique ou si il ne s'agissait là que d'un tour de prestidigitation. Très heureux d'être ainsi félicité, le lutin donna  la couronne de fleurs à la jeune fille qui la mit aussitôt sur sa tête.  A peine l'avait-elle fait qu'elle aperçut un magnifique château faisant face au soleil à travers les nuages gris.

La jeune fille se remit en marche mais il se mit à pleuvoir et lorsqu'elle arriva devant les portes du château sa robe était trempée et couverte de boue. 

« Je ne peux pas me présenter comme cela, se dit-elle

- C 'est vrai. Donnez-moi une pièce d'or et je vous arrangerai cela. »

Surprise, la jeune fille se retourna et vit un charmant chevalier en armure la saluer respectueusement. Elle se demanda bien comment le chevalier pourrait l'aider mais comme elle ne voulait pas repartir chez elle se changer, elle lui donna une pièce d'or. Le chevalier prit la pièce et lui donna en échange une baguette d'or étincelante.

« C'est la baguette dites « de vérité » que j'ai reprise après avoir tué une méchante sorcière, dit le chevalier. Elle vous sera beaucoup plus utile qu'à moi car on dit qu'elle a le pouvoir de révéler tout ce qui est caché. »

Se demandant si le chevalier disait vrai, la jeune fille prit la baguette et toucha le petit cheval blanc miniature. Un éclat de soleil en sortit et la petite statuette se transforma en un fougueux et magnifique destrier aussi blanc que de la neige. La jeune fille n'en crut pas ses yeux. De sa baguette, elle effleura alors la couronne de fleurs que le petit lutin lui avait donnée. Un nouvel éclat de soleil transperça et les fleurs de la couronne se transformèrent en diamants d'une rare pureté. La jeune fille émerveillée par cette magie se décida alors à toucher sa robe couverte de boue.  Un faisceau de lumière encore plus aveuglant que les autres, transforma sa robe maculée en  une extraordinaire robe couleur de soleil dont l'éclat était tel qu'il était presque impossible de la regarder sans être aveuglé. La jeune fille se demanda alors si elle n'était pas désormais trop richement parée pour faire son entrée au château mais puisque c'était là faire honneur à la fête qui s'y déroulait, elle monta sur son destrier et entra dans l'enceinte de la cité.

La cour du château était pleine de gens et de troubadours mais comme le ciel était gris et ténébreux la fête n'était pas très joyeuse. Les chants étaient tristes, les danses lentes et les rires forcés.

C'est alors que la vieille femme qui l'avait invitée apparut, accompagnée du lutin, du marchand et du chevalier.

« Bienvenue à vous Reine Soleil, cela faisait longtemps que nous vous attendions. »

La jeune fille ne comprit pas pourquoi la vieille femme la traitait en Reine. Sentant le trouble de cette dernière, la vieille se mit alors à lui conter l'étrange histoire qui était la sienne.

« Il y a des années de cela, alors que vous n'étiez qu'un nourrisson, une sorcière méchante et cruelle a tué vos parents, le Roi et la Reine Soleil, et s'est emparée de la baguette de vérité pour plonger le royaume dans les ténèbres. Le pays qui était empli de lumière est alors devenu froid, pluvieux et gris. Les habitants du royaume sont à leur tour devenus moroses et tristes.

Heureusement, du fait de vôtre jeune âge, la magie noire de la sorcière ne pouvait vous atteindre mais par prudence, moi, votre marraine la fée, je vous ai emmenée loin du château Solaris et confiée à une famille du pays en laquelle j'avais entière confiance. Pour empêcher la sorcière de prendre le pouvoir,  j'ai ensuite transformé la couronne de vos parents, le roi et la reine, en une couronne de fleurs que j'ai confiée à mon ami le lutin. Je me suis également procurée de la poudre magique auprès du marchand que vous avez rencontré et l'ai utilisée pour transformer le cheval blanc du roi en statuette afin d'éviter que la sorcière dans sa fureur ne vienne à le changer en bête immonde. Vous seule en étiez digne. Cette magie m'a couté une pièce d'or, d'argent et de bronze et vous ne pouviez défaire le sort qu'en donnant ces pièces à vôtre tour.

Les années ont passé et à mesure que vous grandissiez les pouvoirs maléfiques de la sorcière se sont amoindris. Plus vous faisiez le bien autour de vous, plus les ténèbres reculaient.

Il y a quelques jours, suite à la visite que je vous ai faite, je me suis rendue compte que grâce à votre grande générosité envers les plus humbles, les pouvoirs de cette sorcière avaient terriblement baissé. Il était désormais temps d'entreprendre la reconquête du royaume et de vous restituer ce qui vous avait été volé. Le jeune chevalier Guillaume, désireux de prendre part dans cette juste cause, s'est porté volontaire pour combattre.  Même si la bataille fut rude, il parvint à force d'ardeur et de courage à renvoyer en enfer la sorcière et ses suppôts. Vous pouviez enfin reprendre votre place sur le trône. »

La jeune fille descendit de son cheval blanc, réajusta sa couronne de diamants et son extraordinaire robe couleur de soleil, et demanda d'une petite voix enrouée par l'émotion comment elle pouvait les remercier.

« Peut être pourriez-vous faire revenir le soleil sur le royaume ? »

La jeune Reine hésita puis fit tournoyer sa baguette dans les airs. Les ténèbres qui restaient au-dessus du pays se dissipèrent aussitôt. Les couleurs du printemps, que l'on croyait oubliées pour toujours, réapparurent éclatantes de beauté. Le peuple, lui aussi, retrouva joie et bonne humeur, rempli de cet espoir immense que faisait naître cette nouvelle Reine. Les rires se mirent à éclater, les chants devinrent magnifiques et les danses endiablées.


La jeune fille, consciente de la nouvelle tâche qui lui incombait, se fit un devoir d'apporter richesse et prospérité au royaume qu'elle chérissait chaque jour un peu plus. Elle demanda souvent conseil à sa marraine ainsi qu'au chevalier qui devint pour elle un ami cher. Les années passant, l'amitié fit place à l'amour et les deux jeunes gens se marièrent dans un pays en liesse.  Bien des années plus tard, on raconta qu'il n'y eut jamais de plus grand amour que le leur et qu'ils eurent autant d'enfants qu'il y avait d'étoiles. Mais peut-être n'était-ce là qu'une légende ?
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 07 Avril 2014 à 13:35:57
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Sarapion le mousseron est amoureux

Il était une fois, sur la colline des champignons, un mousseron tout jaune qui s'appelait Sarapion. Sarapion aimait de tout son cœur Lilith l'amanite Panthère. Il la trouvait très séduisante avec son teint farineux parsemé de grains de beauté. Mais Sarapion avait les yeux si bridés qu'il n'y voyait pratiquement rien.

Lilith n'aimait pas Sarapion. Lilith était amoureuse de Bouche ; Bouche l'amanite tue-mouche. Cet odieux champignon, coiffé d'un béret rouge à pois blancs, qui passait son temps à gober les mouches. Il les ingurgitait en une bouchée puis reprenait son souffle et rotait.  Mais Bouche n'était pas amoureux de Lilith. Bouche n'aimait personne ; personne à l'exception d'un seul champignon ; lui-même.

Sarapion avait un très bon ami qui s'appelait Chico ; Chico le psilo. Chico se tenait sur un pied très mince et élancé et ses yeux ronds pétillaient de malice. Il portait un bonnet de lutin surmonté d'un grelot qui sonnait lorsqu'il avait une idée. Chico était désespéré de voir son ami Sarapion s'amouracher de Lilith. Elle le ferait beaucoup souffrir, il le savait.

~

Et puis, un jour, par un beau matin ensoleillé, le grelot de Chico se mit à tintinnabuler.  Chico venait d'avoir une idée géniale ! Il allait présenter à Sarapion la belle Maribelle. Maribelle était une coulemelle si timide qu'elle cachait son joli petit minois et ses yeux noisette derrière son chapeau de paille.

Maribelle n'avait pas encore trouvé le champignon de ses rêves, loin de là.... Elle n'avait jamais eu beaucoup de chance avec les champignons. Elle était tombée sous le charme de Momo la morille. Mais Momo ne pensait qu'à une chose : jouer avec son copain le coprin chevelu et traîner avec la bande des champignons de Paris. Un jour, il prit la clé des champs et la laissa mijoter longtemps, très longtemps. Maribelle s'était ensuite amouracher de Zoltan, une langue de boeuf qui ne cessait de mentir. Le monde de rêve de Maribelle s'était écroulé du jour au lendemain lorsqu'elle regarda la vérité en face.

Mais cette fois ci, ce serait différent. Chico connaissait bien Sarapion et savait que c'était un bon champignon, un champignon avec un grand C. Il se disait qu'il ne pourrait rester insensible au charme de Maribelle. Et ce qui devait arriver, arriva. Ils se rencontrèrent....

Après les présentations, Chico s'éclipsa et les laissa faire connaissance. Mais Sarapion était pressé de rejoindre Lilith. Aussi, ils échangèrent quelques banalités puis, s'excusant poliment, il serra le pied Maribelle et s'en alla. Lorsque Chico revint, il trouva Maribelle en train de pleurer comme des pleurotes. Il la consola et commença à gamberger...


Quelque temps après, le grelot de Chico tintinnabula à nouveau. Il avait une nouvelle idée... Il alla trouver Satanas le bolet. Satanas était un magicien gros comme une citrouille coiffé d'un chapeau melon blanc. Satanas n'était pas méchant mais son regard noir faisait fuir ceux qui ne le connaissaient pas.

- Que puis-je pour toi Chico ? demanda Satanas.

- Je voudrais que mon ami Sarapion ouvre enfin les yeux, lui répondit Chico.

- Qu'il ouvre les yeux ? Mais sur quoi ?

- Sur l'amour...

Satanas se mit alors à souffler très fort et devint tout bleu. Deux petites perles blanches sortirent alors de son chapeau. Deux perles qui se détachèrent et se mirent à flotter dans les airs. On aurait dit deux minuscules planètes en apesanteur.

- Lorsque ton ami dormira, dépose ces perles sur ses yeux et récite cette formule magique: Lycoperdon perlatum ! Que ces perles ouvrent tes yeux, que ces perles ouvrent ton cœur !

Chico remercia Satanas et, confiant, partit retrouver son ami. A la nuit tombée, Chico s'assura que Sarapion dormait profondément. Puis, sans un bruit, il déposa les perles sur ses yeux et chuchota la formule magique :

- Lycoperdon perlatum! Que ces perles ouvrent tes yeux, que ces perles ouvrent ton cœur!

Mais rien ne se passa. Il récita à nouveau la formule magique. Mais toujours rien... Il la récita encore et encore, mais Sarapion dormait toujours. La formule magique n'avait pas agit. Chico était très malheureux car il avait échoué.

~
Bientôt, le soleil se leva sur la colline des champignons et Sarapion entrouvrit les yeux. C'est alors que les perles blanches éclatèrent, pulvérisant la poudre magique sur les yeux de Sarapion. Sarapion ouvrit alors grand les yeux et se tourna ver Lilith. Et là, il poussa un cri d'horreur. Il voyait Lilith pour la première fois telle qu'elle était réellement : Vénéneuse ! Ce n'est pas de magnifiques grains de beauté dont elle était couverte mais d'affreuses verrues gorgées de poison !

Maribelle et Chico alertés par le cri de Sarapion accoururent. Maribelle courut si vite qu'elle en perdit même son chapeau. Sarapion le ramassa et le lui tendit en effleurant son pied. Maribelle rougit puis se recoiffa. Sarapion n'en revenait pas. Qu'elle était jolie ! Comment avait-il fait pour ne pas s'en apercevoir plus tôt ! Et devine ce qui arriva !

Sarapion passa la bague au pied de Maribelle et Chico fut le témoin du mariage célébré par Satanas. Quelque temps après, deux petits champignons naquirent. Ils les prénommèrent Mousserelle et Sipion. Quant à Lilith elle continua à empoisonner la vie de Bouche. Et Bouche continua à gober les mouches. Mais ça c'est une autre histoire...


FIN

M.M
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Avril 2014 à 13:19:49
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La petite étoile

Une étoile dans le firmament brillait de son plus bel éclat. Unie depuis toujours à ses frères les astres, elle dispensait sa lumière à qui le voulait. Son père céleste la nourrissait d'un amour inconditionnel et lui racontait avec une bonté et une patience infinie l'origine de sa vie.

"Tu es née d'une pensée lui disait-il, d'un désir tel qu'il n'en existe pas de plus grand dans tout l'univers. Tu es faite pour briller et éclairer le monde d'en bas de ta lumière, de manière immuable et éternelle. Il existe ce qu'on appelle des êtres dans ce monde et ils ne sont en vie que grâce à une infime poussière d'étoile qui se trouve en eux. Une partie de moi-même que je t'ai également insufflé pour que tu sois".

La petite étoile était perplexe, et se demandait quels étaient ces êtres qui possédaient une partie d'elle même et qui devaient surement briller à l'image du firmament. Les questions se succédaient sans cesse, comment sont-ils, quelle est la raison de leur existence et surtout, pourquoi ne sont-ils pas à nos côtés, ici c'est tellement beau et vaste...et tant et tant d'interrogation qu'elle n'en pouvait plus de ne pas savoir. Jusqu'au moment où elle eut la pensée de les rencontrer. Elle savait pourtant que dans son monde la moindre pensée était exaucée et engendrait son accomplissement immédiat.

C'est ainsi qu'elle se décrocha du firmament et commença une chute interminable au cours de laquelle des mondes indéfinissables se dévoilèrent. Au fur et à mesure de sa descente, la petite étoile se rendait compte qu'elle perdait petit à petit ses souvenirs, sa mémoire, jusqu'à son éclat...ce qu'elle était!

Jusqu'au moment où elle eu à peine le temps d'apercevoir avec effroi un monde sans lumière...puis, elle perdit conscience.

« Bonjour!!! »

La petite étoile qui reprenait lentement ses esprits et qui avait tout oublié, même qu'elle était une étoile, regardait cette chose étrange qui lui adressait la parole.

« Bonjour, lui répondit elle, qui es-tu? »

« Je suis une pierre voyons, lui marmonna l'horrible créature »

« Je ne sais pas qui je suis et dans quel monde je vis...lui répondit l'étoile...peut être que tu pourrais m'aider? »

La pierre l'observa longuement avant de lui raconter qu'elle était très vieille, qu'elle passait le plus clair de son temps immobile et qu'elle n'avait surtout pas le moindre désir de bouger... « Laisse moi en paix lui dit elle... va-t'en!! »

Quelque chose d'indéfinissable et de désagréable pris place à l'intérieur de l'étoile. Pour la première fois, elle découvrait le sentiment d'une infinie solitude.

Au prix de milles efforts elle commença son chemin, découvrant ça et là d'étranges contrées dans ce monde, où la lumière et l'obscurité se succédaient sans cesse. La première nuit fut un émerveillement. Contemplant la beauté du ciel, elle rêvait d'être comme ses petits points lumineux accrochés harmonieusement cote à cote. Et, sans savoir pourquoi, un sentiment de tristesse absolu se mit à l'envahir.

Un jour, au détour d'un chemin, elle découvrit un curieux spectacle...des innombrables petits soleils bougeaient de concert, à droite, à gauche, tournés tous ensemble dans la même direction.

« Qui êtes-vous? » demanda t'elle étonnée

« Nous sommes des tournesols!! » répondirent ensemble les petits soleils

« Mais quelle est cette danse étrange, quel est l'objet de votre attention permanente?...Venez avec moi, je me sens si seule, nous pourrions ensemble, découvrir ce monde si étrange. »

« Non, nous ne voulons pas...crièrent en chœur les tournesols...notre seul plaisir est de nous délecter ensemble de la chaleur et de la lumière du grand soleil, c'est notre seul et unique désir, notre raison d'être et nous n'avons pas la moindre envie d'en changer...regardes comme nous sommes colorés et éclatant, toi tu es si terne...Et puis arrêtes de poser des questions idiotes, va-t'en!!! »

Triste mais confortée par l'idée qu'elle n'était plus seule, la petite étoile cahin caha, de si de là, découvrit ce qui lui semblait être d'autres pierres toujours immobiles et d'autres tournesols mais de couleurs et de tailles différentes, qui, obstinément, se tournaient ensemble en direction du grand soleil.

Puis, exténuée, elle s'endormit à l'orée d'une forêt.

Tic tic tic, tac tac tac, la petite étoile fut réveillée par des bruits inconnus. Sa curiosité l'amena au pied d'un tournesol bien plus grand que les autres pensa t'elle et où elle assista à une scène étrange. Des créatures dont elle n'avait encore jamais croisé la route, sautillaient pour certaines, dormait pour d'autres, des petites, des grandes, silencieuses, bruyantes...

La présence de l'étoile attira les créatures.

« Qui est-tu?, d'où viens-tu? Tu veux jouer avec nous? » Tic tic tic, tac, tac, tac

La petite étoile rit aux éclats, ne savait plus par où commencer, elle leur raconta son histoire, qu'elle ne savait pas qui elle était et d'où elle venait, sa rencontre avec les pierres et les tournesols, le jour, la nuit avec les petits points lumineux, les sentiments de solitude et de tristesse, un vide qu'elle ne pouvait combler.

« Tu as rencontré les pierres et les plantes...lui répondit la créature qui paraissait la plus âgée...les premières sont immobiles et n'ont jamais changé depuis ma naissance, les secondes sont animées d'un désir de bouger ensemble, le vent les plie et la grêle les arrachent parfois à la terre mais comme un cycle sans fin elle réapparaissent toujours, plus ou moins nombreuses. Mais c'est sans aucune comparaison avec nous autres les singes!!!, nous allons et venons chacun à notre gré. Manger, se reproduire, dormir, est notre crédo. Quoi demander de plus, nous ne désirons rien d'autre, animal d'un jour, animal toujours. » tic tic tic tac tac tac.

   La petite étoile se mis alors à sangloter

« Je ne saurais donc jamais qui je suis et pourquoi je souffre tant...avez vous déjà vu des créatures semblables à moi? »

Le singe perplexe : « heu non, c'est la première fois, tu es sans couleur, si pâle...je pense néanmoins pouvoir t'aider. Il existe un animal qui vit non loin d'ici. Pourtant semblable à nous autres dans tous ces aspects, il parle cependant une langue inconnue ». Pourra-t'il peut être t'apporter des réponses ».

« Allons y...lui cria l'étoile...j'ai tellement hâte de savoir ».

Ils se mirent en quête de rencontrer cet animal. En chemin la discussion allait bon train, le singe faisant des pronostics sur ce que devait être l'étoile.

« tu es peut être une luciole éteinte...lui disait-il...ou bien un fragment de lune qui aurait perdu son éclat!!! ».

L'étoile riait et spéculait sur son origine improbable quand soudain elle s'arrêta net. Une douce chaleur l'envahit.

« Allez nous sommes arrivés...lui dit le singe...regardes c'est dans cette étrange bâtisse que l'animal vit...mais que t'arrive t'il!!!! tu commences à briller!!!!j'avais donc raison...tu es une luciole!!!! »

La petite étoile sentait la chaleur en elle de plus en plus forte et parvenait même à distinguer la lumière qui en émanait. Un être se tenait à l'entrée de la demeure, une douce lumière diffuse, identique à celle de l'étoile mais en moindre intensité, s'en dégageait.


« Nous sommes semblables!!! »...hurla l'étoile...des pensées s'imposèrent à elle...poussière d'étoile, être...

Elle se mit alors à filer à la rencontre de celui qui pourrait sans aucun doute lui apporter toutes les réponses quand soudain, sous les yeux ébahis du singe, elle se mit à briller de plus en plus puis se mit à se consumer, se consumer, encore et encore. C'est alors, qu'à une vitesse fulgurante, la petite étoile s'envola dans le ciel vers le firmament, toujours plus haut, jusqu'à disparaître.

Au fur et à mesure de son ascension, la mémoire repris progressivement sa place. Elle se rappelait des mondes traversés lors de sa chute, puis la béatitude l'envahit :

« je suis une étoile » cria-t'elle. Je ne serai jamais plus heureuse qu'ici chez moi...

Son père céleste, dont la lumière brillait au delà des mots, vint à sa rencontre. L'amour qu'il ne savait que donner exprima sa joie ineffable de l'avoir enfin retrouver.

« Père céleste, lui dit elle, j'ai rencontré tellement de créatures dans le monde d'en bas, mais la seule dont je garde un amour éternel est l'être que je n'ai pu approcher... »

« Toutes les créatures d'en bas sont animées d'une étincelle de vie, que je leur ai, tout comme à toi, insufflé. Tu sais maintenant que les pierres n'ont qu'une petite étincelle, un désir, infime, puis, les végétaux, un peu plus, les animaux encore plus et l'être. Il est le seul but de toute ma création. Quand tu étais dans ce monde, ta mémoire avait disparu et pourtant, un manque, un vide indéfinissable te tenaillait, te contraignant à chercher sans cesse tes origines, la raison profonde de tes souffrances. C'était moi...Il en est de même pour l'être qui renferme en lui la plus grande part de lumière. En me dissimulant à lui, je lui laisse le choix libre de venir me rejoindre. Le temps n'existe pas, mais il s'en rapproche progressivement. C'est mon seul et unique désir ».

L'étoile est aujourd'hui devenue plus brillante que jamais, ceci, afin d'atteindre l'être qu'elle n'a jamais oublié.



Message de l'étoile :

« Si vous sentez de temps à autre des souffrances, si des questions vous viennent auxquelles vous n'obtenez aucune réponse, cherchez en vous. Profondément enfouie, se cache une étincelle qui ne demande qu'à grandir et briller, briller, laissez la vous consumer totalement, seulement alors nous pourrons nous rejoindre. Pour autant, ne levez pas la tête au ciel pour tenter de m'apercevoir. Mais regardez seulement en vous, c'est ici que je me cache ».

tic tic tic tac tac tac
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Avril 2014 à 15:07:39
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La légende de Zaza le lézard

  Il était une fois, sur une lointaine planète, vivait un petit lézard. Tous les soirs, à la tombée de la nuit, il regardait le ciel. Il admirait par-dessus tout, la danse des étoiles qui brillaient de mille lumières. C'était ainsi, que bercé par la musique des couleurs, il se laissait emporter par le sommeil et rejoignait le pays des songes. Dans ses rêves arc-en-ciel, il nageait parmi les étoiles, sautillant de l'une à l'autre, jouant et dansant jusqu'à la lune blonde.

    Le matin venu, le petit lézard, tout de bleu vêtu, plongeait dans la mare pour se rafraichir de sa folle nuit. La vie était toujours douce et paisible sur sa planète verte. Il chassait les papillons, les libellules et s'amusait à bondir de feuille en feuille à la poursuite des fées-sauterelles. La journée, confortablement installé sur un arbre-champignon, il séchait ses écailles au soleil. Au crépuscule, il voyageait dans son monde imaginaire peuplé d'êtres géants et de créatures fantastiques.

    Mais voilà, le petit lézard s'ennuyait. Il voulait un ami avec qui s'endormir. Aussi parfois, lorsque l'obscurité tombait sur sa maison-fleur, lorsque le ciel se parait de milliers de  lucioles colorées, il devenait triste. La tête levée, il regardait la boule bleue, ronde comme une goutte d'eau. Alors, le cœur gros, de minuscules larmes d'or perlaient sur ses joues.

    Un soir ou il se sentit vraiment seul, avant de fermer les yeux, il fit un vœu : le vœu de s'envoler  jusqu'à la petite bille bleue. Peut-être que loin, si loin de lui, il trouverait quelqu'un avec qui partager sa vie. Lorsqu'il ferma les paupières, le petit lézard glissa et tomba dans la mare. Il tomba et tomba encore, de plus en plus profond, de plus en plus noir. C'est alors qu'il se transforma en étoile filante. Poussière d'or et de lumière, il se dirigea ainsi vers la petite boule de mer, goutte de terre.

    Réveillé par une fraicheur qu'il ne connaissait pas, le petit lézard ouvrit ses yeux d'or. Il ne reconnu pas sa mare. Il n'était pas non plus dans sa maison-fleur. Mais où était-il donc ? Dans un endroit inconnu de sa planète ? Ou bien encore perdu dans ses rêves ? Non ! Il était bel et bien éveillé. Son vœu avait été exaucé. L'air avait le parfum de fleurs inconnues et la chaleur sur sa peau lui semblait bien plus intense. L'eau à présent était transparente comme les ailes d'une fée.

    Il s'émerveilla des milliers de choses qu'il ne connaissait pas. Des bêtes étranges le regardaient, curieuses. La brise, les gros rochers bossus, les arbres en fleurs, tout lui semblait différent et merveilleux à la fois. Il comprit qu'il était arrivé dans cet autre chez lui. Joyeux, il partit à la découverte de ce monde nouveau, jusqu'à ce que le jour s'éteigne.

    Fatigué par sa longue journée d'exploration, il s'étendit sur une souche près d'une rivière et laissa les rayons du soleil réchauffer sa peau d'azur. Il ne remarqua pas la frêle silhouette qui s'avançait vers lui. Attirée par ses couleurs d'eau et d'or, une petite fille s'approchait d'un pas de velours en tendant les mains vers l'étrange animal...

    « Zaza ! » dit-elle.

    Le petit lézard ouvrit les yeux. Après un peu d'hésitation, il monta sur la main, puis le bras de la petite fille et se figea. Soudain, le lézard tout entier s'illumina. Il s'enroula doucement autour du minuscule poignet, et se transforma en un magnifique bracelet doré.

    Depuis ce jour, Zaza était enfin heureux, car il avait trouvé l'amie qu'il désirait en rêves. Pour rester près de Jessie, il s'enroulait autour de son poignet et se métamorphosait en un bijou merveilleux. Et la fillette, heureuse d'avoir un compagnon fantastique, garda bien son secret. Mais le soir venu, Zaza redevenait un lézard bleu, et ensemble, ils regardaient la lune qui lui rappelait ses origines. Il montrait à son amie les étoiles qui selon lui, étaient des lézards qui voyageaient dans le ciel, magiques comme des étoiles filantes.


Morale

    Lorsqu'on croit très fort en ses rêves, ils finissent parfois par se réaliser. Mais il faut surtout, quelqu'un avec qui les partager.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Avril 2014 à 08:29:59
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LA VERITE TOUTE NUE

En des temps fort anciens, la Vérité habitait au fond d'un puits, quelque part dans le désert. C'était la Vérité-Toute-Nue qui vivait là depuis des millénaires, et seuls quelques sages, ou prétendus tels, allaient parfois la contempler

Or un jour, la Vérité décida, on ne sait trop pourquoi, de sortir du puits où elle vivait et de parcourir les villes et les villages des hommes.

Elle sortit comme elle était, c'était la Vérité-Toute-Nue !

Mais lorsqu'elle traversait les rues et les ruelles des villages des hommes, ceux-ci se détournaient d'elle par honte et par crainte.

Ils n'osaient pas la regarder dans les yeux et ils ne supportaient pas de la voir ainsi nue...

Et elle, la Vérité-Toute-Nue, était très triste et malheureuse de se sentir ainsi rejetée, telle une pestiférée avec sa clochette. Et elle repartait sur les chemins, toujours plus triste et plus malheureuse...

Or, un jour où elle était encore plus triste qu'à l'accoutumé, elle fit la rencontre du Conte, dans ses beaux habits de fête, des habits chatoyants, multicolores et joyeux

- Ah ! Bonjour Vérité-Toute-Nue, lui dit le Conte qui n'avait pas peur de la regarder dans les yeux. Mais pourquoi as-tu l'air si triste et si malheureuse ?

- C'est, lui dit la Vérité-Toute-Nue, que lorsque je traverse les rues et les ruelles des villages des hommes, ceux-ci se détournent de moi comme si j'étais vieille et laide!

- Mais tu le sais mieux que personne, Vérité-Toute-Nue ! Tu n'es ni vieille ni laide ! Ce n'est pas cela ! Ils ne supportent pas tout simplement de te voir nue. Tiens, choisis parmi mes plus beaux habits, et tu verras...

C'est depuis ce temps là que la Vérité emprunte les plus beaux habits du Conte. Et les hommes lui font ainsi un meilleur accueil...


D'après un conte traditionnel indien
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Avril 2014 à 15:20:51
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Les oeufs de Pâques.

L'hiver ce méchant géant devait retourner dans ses  contrées du Nord à l'arrivée du Printemps.

Mais il refusa de céder aussi facilement le terrain à son successeur le Printemps.

Aussi laissa-t-il le vent du Nord souffler à travers le pays. celui-ci aperçut un jour un pré couvert de fleurs multicolores.

Il cueillit une des fleurs pour l'offrir à l'hiver. La fleur tremblait de peur et de froid devant ce méchant géant, le grand froid du Nord.

« Pitié! le supplia-t-elle.        

-Non! répondit-il. Je tiens enfin l'un des enfants de mon ennemi en mon pouvoir.

Je veux bien te libérer à une seule et unique condition: que tu couvres mon royaume d'une prairie multicolore.

-C'est impossible » dit la pauvre petite fleur. Et elle se mit à pleurer car elle fut obligée de suivre l'hiver dans son palais de glace.

Le palais n'était que  flocons de neige. La fleur n'y tient plus. « Donnes-moi une heure une seule heure de liberté, demanda-t-elle .

Je prierai les autres fleurs de me suivre dans ton royaume. L'hiver finit par accepter:

-Une heure pas plus. » Le vent du Nord ramena la fleur au pays du Printemps.

Tout le monde accueillit son retour avec joie: les fleurs, les oiseaux et même les animaux de la forêt .

La petite fleur était heureuse de se retrouver dans son pays au royaume du Printemps. Mais elle songea aussitôt que son heure de liberté passerait bien vite.

Aussi demanda-t-elle aux fleurs et aux animaux de l'aider. « Nous ne pouvons pas t'accompagner ni t'aider, lui dirent les fleurs et les animaux tristement.

Le souffle glacé de l'hiver nous tuerait tous et toutes!  » Mais un lapin âgé, dont la sagesse était reconnue de tous, prit la parole.

« Nous allons t'aider nous savons ce qu'il faut faire, nous les lapins et les lièvres . Le jour de Pâques, au lever du soleil, le jardin de l'hiver ressemblera à une prairie fleurie .

Après le départ de la fleur, le lapin  ordonna à tous ses compagnons de trouver beaucoup d'oeufs.

Les lapins et les lièvres coururent alors dans les villages et ils demandèrent à toutes les poules de leurs donner leurs plus beaux œufs .

Les poules acceptèrent bien volontiers et de bon gré, et les lapins et les lièvres retournèrent voir le vieux lapin sage, fiers d'avoir bien accompli leur mission.

« C'est à vous les fleurs de participer pour aider notre amie la fleur, vous allez colorer les oeufs de vos plus belles couleurs, et de couleurs si vives que l'hiver les prendra pour des fleurs ».

Les fleurs donnèrent volontiers leurs plus belles couleurs ainsi les lapins et les lièvres s'empressèrent de teindre les oeufs.

Le matin de Pâques ils se rendirent dans le royaume de l'hiver et dispersèrent les oeufs aux couleurs vives dans la prairie.

A son réveil l'hiver regarda par la fenêtre, comme il le fait tous les jours, à son réveil.

Il n'en cru pas ses yeux. Son jardin de neige et de glace était devenu une prairie fleurie.

Il fit souffler le vent du Nord de toutes ses forces, il fit venir le gel glacé, mais les fleurs  résistaient.

Alors il libéra la petite fleur. Plus tard, il s'aperçut qu'on l'avait trompé.

Mais il était tellement touché par l'amour des lapins et lièvres pour la petite fleur qu'il ne dit rien. Et laissa la place au

Printemps , pour voir sourire les yeux  de la petite fleur.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Avril 2014 à 15:47:38
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La mission de Linette, un conte de Pâques

Voilà longtemps, à la veille de Pâques...

Dame Eudes, la majestueuse cloche de la cathédrale de Chartres, fit appeler ses filles.

-Mes chères enfants, la fée Viviane attend votre visite car elle souhaite vous confier une mission... Partez, sur le champ !

Les trois sœurs s'envolèrent, enthousiasmées par une telle invitation.

-La fée veut certainement m'entendre chanter : ma voix est si belle ! annonça fièrement Aliénor.

-Et moi, pour faire partie de son corps de ballet : Je danse aussi bien que les elfes ! déclara Aude.

Linette ne disait rien. Elle s'appliquait à suivre ses sœurs tant bien que mal. Ses ailes étaient si petites, si chétives qu'elle avançait avec peine.

-Cesse de traîner, s'écrièrent ses sœurs, exaspérées par sa lenteur. Tu vas nous retarder !

Quand elles arrivèrent au palais, la fée les accueillit avec beaucoup de gentillesse.

-Petites, j'ai besoin de votre aide. Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de mes filleuls, les enfants du roi. Je souhaiterais que vous leur portiez, de ma part, ces quelques friandises...

La fée désigna du doigt un gigantesque tas de bonbons, étincelants comme des pierres de lune.

Puis, elle ajouta :

-Vous embrasserez mes chers filleuls pour moi.

Les jeunes cloches glissèrent les cadeaux sous leurs larges jupes de bronze, sans mot dire. Puis elles se retirèrent.

Après avoir parcouru quelques kilomètres, elles firent une pause près de la rivière.

Aliénor et Aude semblaient de méchante humeur :

-Que c'est lourd ! dit l'une.

-Quelle barbe ! Répliqua l'autre. Je n'ai aucune envie d'accomplir cette mission.

-Pour qui nous prend-t-elle ? Pour ses domestiques ?... Je rentre chez moi !

-Moi aussi !

Et sous les yeux horrifiés de la plus petite, les cloches déchargèrent leur cargaison d'or et d'argent, dans l'herbe humide.

-Vous ne pouvez pas faire ça ! Nous avons promis à Viviane...

-Nous allons nous gêner ! Répondirent en chœur les chipies.

Elles s'envolèrent sans même un regard pour leur cadette, persuadées que cette dernière les suivrait comme à l'accoutumée.

Cette fois, Linette n'avait pas envie d'obéir. Elle rassembla les friandises abandonnées et les plaça avec précaution sous sa jupe :

-Les petits princes attendent leur cadeau. Pas question de les décevoir, murmura-t-elle.

Ainsi chargée, elle prit son envol en direction de la demeure du roi. Le vent s'était levé, à présent. La pluie tombait. Linette avançait avec grande difficulté car ses ailes étaient douloureuses. Vingt fois, la petite cloche fut sur le point d'abandonner sa charge... Mais elle tint bon . Bientôt elle aperçut les tourelles du château, de l'autre côté de la forêt.

-Allez, j'y suis presque ! S'encouragea-t-elle de la voix.

A cet instant, un éclair transperça le ciel. Linette eut alors si peur qu'elle perdit l'équilibre. Sa précieuse charge glissa... et se répandit sur la terre.

Quand Linette parvint au pied du château, sa jupe était vide !

Epuisée, la cloche s'écroula à terre, secouée par de gros sanglots. Elle aurait souhaitée mourir là, tant elle était déçue de n'avoir pu réaliser sa mission.

Soudain des petites mains la caressèrent. Quand elle leva la tête, elle vit deux enfants qui l'observaient avec tendresse :

-Pourquoi pleures-tu, gentille cloche ?

Linette comprit aussitôt qu'elle avait affaire aux jeunes princes. Elle leur confia la raison de sa détresse.

-Ce n'est pas grave, s'exclamèrent les enfants. Nous chercherons les bonbons avec toi. A trois, nous les retrouverons bien vite !

La pluie avait cessé. La présence du soleil facilita les recherches : Les emballages des sucreries scintillaient joyeusement entre les brins d'herbe, dans les arbres et sur le chemin...

Marie et Louis poussaient des cris d'émerveillement, à chaque trouvaille.

Linette oublia sa fatigue pour retrouver le sourire : les jumeaux s'amusaient tant !

Quand ils rentrèrent au château, les petits princes annoncèrent au roi, les joues rougies par le plaisir :

-Sire, grâce à Linette, nous avons passé une excellente journée ! Nous avons fait une extraordinaire chasse aux bonbons ! Il faudra la conter à Madame notre marraine.

Depuis cette aventure, une coutume s'instaura : Les cloches eurent pour mission, chaque veille de Pâques, de distribuer des bonbons en chocolat aux jeunes princes puis ensuite à tous les enfants...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 15 Avril 2014 à 14:05:00
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Un conte pour Pâques

Une petite poule qui n'avait encore jamais vu la lumière du jour décida d'entreprendre un long voyage à travers le monde.

Ravie, elle courut le long d'un ruisseau jusqu'à ce que, saisie de frayeur, elle s'arrête soudainement. Un monstre terrible, dont les oreilles inspiraient la peur, venait vers elle, suivant son chemin. Alors, la petite poule fit demi-tour et retourna d'où elle était venue.

Le monstre en question était un jeune lièvre qui lui aussi, pour la première fois, découvrait le vaste monde.

Le cœur léger, il bondissait sur les rives du petit ruisseau, mordillant de-ci, de-là, un brin d'herbe nouvelle. Et voilà que soudain, une créature des plus dangereuses surgit devant lui.

C'était un oiseau, pas très gros, mais aux petits yeux perçants et au bec pointu fort inquiétant. Aussi préféra-t-il retourner dans la tanière familiale et fila comme une flèche. Ce n'est qu'à la lisière de la forêt qu'il s'arrêta. Il regarda prudemment derrière lui pour voir si son poursuivant était sur ses traces. Mais de celui-ci, il n'en vit même pas l'ombre, ne serait-ce même que la moindre plume de son derrière! « Il y a donc un animal qui prend la fuite devant moi. Il m'est, à vrai dire, bien sympathique! »

Entre-temps, la poulette, elle aussi, s'était arrêtée dans sa fuite pour reprendre son souffle. Elle vit que le terrible animal qu'elle avait rencontré avait bel et bien pris lui aussi la poudre d'escampette.

Que firent donc nos deux héros? Ils rebroussèrent chemin tous les deux, allant l'un vers l'autre. Ils se dirent bonjour, un peu honteux et confus de leur frayeur. Et ils se plurent fort et devinrent les plus grands amis du monde. Depuis cet instant-là, ils devinrent inséparables et on les voyait toujours ensemble. Si bien qu'ils rencontrèrent chacun la famille de l'autre, et tous se plurent fort les uns les autres. Tout cela est très important, car de là vient qu'il y a aujourd'hui des œufs de Pâques ainsi que le lièvre de Pâques.

Les lièvres et les poules, qui ont souvent leurs petits qui naissent vers le temps de Pâques, sont les animaux les plus pacifiques de la création. Et ces deux amis dont on parle aujourd'hui étaient particulièrement bons et généreux.

La vieille poule de la famille avait trouvé un bel endroit, tout contre un fourré, et là, elle couvait ses œufs. Les lièvres, qui n'avaient encore jamais vu d'œufs de leur vie, n'en croyaient pas leurs yeux et ne pouvaient détacher leur regard des petits œufs blancs et ronds, si jolis. Voyant cela, la mère poule leur offrit ses œufs, car elle savait bien qu'elle pourrait en pondre suffisamment. Les deux familles, donc, se trouvaient réunies autour des œufs, et ils en vinrent tous à parler très sérieusement :

« D'où vient donc le monde, dit le vieux lièvre grisonnant. Je sais que nous venons de la forêt où jadis vécurent nos parents. Mais le monde, d'où vient-il? »

« Cela, je peux vous le dire, répondit la vieille poule, et seules les poules peuvent savoir cela : le monde vient d'un œuf! » Et elle parla des œufs, et de comment aussi ils devaient être protégés, couvés.

« Mais il doit bien y avoir quelqu'un, dirent les lièvres, qui a couvé l'Œuf des Mondes. L'Œuf de l'Univers. »

« C'est vrai, répondit la vieille poule, car si un œuf n'est pas couvé, rien ne peut en naître. C'est le grand Oiseau des Mondes qui a pondu, réchauffé de son corps et couvé cet œuf. »

Les lièvres furent heureux d'avoir découvert tout cela et regardaient les œufs qui étaient là devant eux, le cœur plein de joie. Ils ne savaient pas que ce jour qu'ils vivaient était justement le dimanche de Pâques, jour où la lumière du soleil a une force toute merveilleuse, toute particulière.

La maman lièvre venait juste de demander ce qu'il était advenu ensuite de l'Œuf des Mondes, lorsqu'ils entendirent soudain une merveilleuse musique. Le soleil s'était levé dans toute sa magnificence au-dessus de l'horizon et répandait aussi ses rayons sur les œufs. Tous les lièvres, qui aiment beaucoup la musique, se levèrent et dansèrent en suivant la mélodie qu'ils entendaient. Leurs oreilles, longues et pointues, suivaient aussi le mouvement! Et dans le ciel, une alouette volait, battait des ailes en restant au même endroit, et faisait entendre le même chant et louait la lumière.

Et pendant que retentissait le chant de l'alouette et que le soleil déversait ses rayons sur les œufs, toutes sortes de couleurs vinrent se poser sur les œufs, pendant que les poules et les lièvres priaient à leur façon, en silence.

Les œufs reçurent chacun leurs couleurs par les rayons du soleil qui étincelaient tout particulièrement ce matin-là, qui était le dimanche de Pâques. C'est le soleil aussi qui donne aux fleurs leurs couleurs, ainsi qu'à l'arc-en-ciel, et au ciel lui-même. Et en ce jour, il donnait aux œufs toutes ses couleurs.

Et pendant que les lièvres et les poules vivaient ces instants, le cœur empli d'un profond respect, le lièvre le plus âgé de tous reçut comme un souvenir du commencement du monde.

« Il y avait au commencement le Grand Oiseau et l'Œuf des Mondes, dit-il, et la lumière vint à luire sur lui, et il resplendit alors de toutes les couleurs de la vie. »

« Laisse-moi poursuivre maintenant, lui demanda la vieille poule. Car ce n'est pas fini. Il y avait dans l'œuf un liquide argenté et une boule toute d'or, comme cela se trouve dans mes œufs. Et il advint que cet œuf arriva à maturité, tout près d'éclore. Dans mes œufs, à ce moment-là, un petit être pique, donne des petits coups, pépie; puis la dure coquille se brise et il en sort un petit poulet tout jaune qui aussitôt dresse sa tête vers le ciel. Il a bien dû se passer quelque chose comme cela pour l'Œuf des origines du monde : la coquille craqua, et le monde et l'homme, et nous tous en sortîmes, car l'œuf était d'une taille gigantesque. »

« Oui, il a dû en être ainsi », dit le vieux lièvre songeur, se rasseyant sur le sol.

En effet, la musique s'était tue. Ses oreilles aussi s'abaissèrent à nouveau.

Il restait devant eux les œufs maintenant de toutes les couleurs.

« Que pourrions-nous faire de ces œufs que les poules nous ont donnés? » demanda le jeune lièvre qui était là déjà tout au début de notre histoire.

Voilà que juste à ce moment, les enfants de la ferme voisine d'où venaient aussi les poules arrivèrent en sautillant sur le chemin.

« Je sais, dit le jeune lièvre qui était l'ami de la petite poule. Ces œufs nous ont été offerts. Nous allons les offrir à notre tour à ces enfants. C'est là le mieux que nous puissions faire. »

Il en fut ainsi. Le petit lièvre s'assit tout près du buisson où se trouvaient les œufs. Il attirait sur lui l'attention des enfants, imitant les gestes de l'homme. Quels cris de joie poussèrent les enfants, en découvrant le nid aux œufs multicolores!

« Des œufs de Pâques, nous avons des œufs de Pâques de toutes les couleurs », s'écrièrent-ils en allant les montrer à leurs parents qui, en habits endimanchés, arrivaient sur le chemin longeant le ruisseau.

« Où les avez-vous trouvés? leur demandèrent-ils, ce ne sont pas des œufs de poule comme nous en voyons habituellement. »

« C'est le lièvre qui nous les a donnés », répondirent les enfants, et grande était leur joie d'avoir des œufs de Pâques de toutes les couleurs.


D'après Elisabeth Klein : Histoires de plantes, d'animaux, de pierres et d'étoiles.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 16 Avril 2014 à 14:53:30
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Chocoline, la petite poule qui cherchait le Printemps

Ce matin-là, veille de Pâques, au petit jour, il se passa quelque chose d'extraordinaire dans la boutique du confiseur. Toutes les cloches en chocolat se mirent à sonner : Ding Ding ! fit légèrement la plus petite. Ding Dong ! répondit la suivante. L'une chanta plus fort : Ding Ding Dong ! La plus grosse alors, gravement, approuva : Baoum Baoum ! et toutes ensemble elles carillonnèrent.
Elles réveillèrent Chocoline, la grosse poule de chocolat, pleine de petits oeufs à la liqueur, qui dormait sur son nid. Elle voulut s'étirer, mais le grand noeud de ruban rouge qui l'enserrait l'obligea à rester tranquille.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle.
Toutes les cloches répondirent :
- Pâques arrive ... ! C'est le printemps, Ding Ding Dong !
- Comment est-il le printemps ?
- Oh ! Elle ne sait pas ce que c'est que le printemps ! rirent toutes les cloches. Au fait, comment lui expliquer ?
L'une murmura :
- Le printemps, c'est comme un tout petit enfant avec plein de fleurs dans les mains.
- Non, corrigea la voisine, le printemps c'est un beau jeune homme, habillé de vert et qui sourit.
- Non, dit une autre, le printemps c'est une jeune fille aux cheveux blonds, avec une robe fleurie et des guirlandes au bout des doigts.
- Non, non, protesta la foule des cloches, et elles se mirent à parler toutes en même temps, on entendait des mots : fleur, nid, chanson, soleil,... en un gai carillon.
- Je n'y comprends rien, dit Chocoline, si vous parlez toutes en même temps, je ne saurai jamais comment est le printemps.
Mais les cloches étaient lancées, impossible de les arrêter !
Chocoline se dit : Je voudrais bien connaître le printemps, mais comment le trouver ? Bah ! On me renseignera en route, je vais partir à sa recherche.

Elle réussit à se glisser hors de son nid, étira ses pattes, et sortit dans la rue.
Il n'y avait encore presque personne dehors. Nul ne s'étonna de voir Chocoline, qui ressemblait à une poule ordinaire et qui marchait. Il y avait bien dans son ventre, ces petits oeufs sucrés qui ballottaient et lui pesaient, mais elle s'y habitua.
Passant près d'un panier qu'on avait apporté du marché, elle aperçut des jonquilles jaune pâle :
- Jonquilles, dites-moi où est le printemps, je vous prie, je le cherche.
- Le printemps ? Mais c'est un peu nous dirent-elles.
Chocoline crut qu'elles se moquaient d'elle, et comme un chien arrivait vers elle, elle s'enfuit très vite.
Plus loin, sur le bord d'une fenêtre, un pot de jacinthe bleue la regardait de toutes ses clochettes ouvertes :
- Jacinthe, dis moi où est le printemps, je le cherche.
- Le printemps ? C'est un peu moi, dit la jacinthe, mais tu le trouveras guère dans la ville, il se plaît mieux à la campagne.
La poulette repartit.

Elle marcha longtemps et arriva à la campagne. Elle entra dans un poulailler pour se renseigner, mais les poules se lèvent de bonne heure, elles étaient déjà parties gratter la terre dans le jardin pour y trouver les vers dont elles se régalaient. Voyant un nid vide, Chocoline se débarrassa des petits oeufs qui encombraient son ventre : Cot, cot, cot ... coline ! Si bien que, dans la matinée, les enfants de la ferme trouvèrent des petits oeufs à la liqueur entre les gros oeufs des poules.
Chocoline repartit plus légère.

Il faisait bon; le soleil lui caressait les ailes. Des petites pâquerettes faisaient la roue dans l'herbe, gentiment, pour qu'on les voie. Des buissons, pressés d'être jolis, s'étaient garnis de grosses grappes de fleurs, sans attendre les feuilles.
Elle appela :
- Pâquerettes, buissons ! Dites moi où est le printemps, je voudrais le trouver...
- Le printemps ? mais c'est un peu nous, répondirent-ils ensemble.
- Vous vous moquez de moi, se fâcha Chocoline. Je veux voir le printemps ! Où est-il ?
- Cherche, siffla le merle.
Notre poule était à la lisière de la forêt, et soudain, deux notes chantèrent : Coucou !
- Maman, demanda un petit garçon, entends-tu le coucou ?
- Oui, c'est le printemps, répondit la mère.
C'est le printemps ! A ces mots, un contentement merveilleux entraîna Chocoline.
Voilà, se dit-elle, c'est lui ! Je comprends, il est dans le bois; il joue à cache-cache. Je le trouverai maintenant. Comment est-il ? Est-ce un enfant, un jeune homme ? Est-ce lui qui laisse tomber de ses mains toutes ces fleurs ? Elle s'enfonça dans le bois, et la voix mystérieuse semblait la suivre, et s'éloigner, et puis revenir : Coucou, coucou, coucou !
Mais pas de printemps, elle ne vit qu'un petit oiseau qui sautillait dans les branches.
Ne rencontrerait-elle jamais le printemps ?


Elle arriva dans une jolie clairière ensoleillée. Une maisonnette proche souriait de toutes ses fenêtres ouvertes. Pour quelle fête, étaient dressés dans le jardin ces gros bouquets : amandiers blancs et pêchers roses ?
Deux pigeons roucoulaient doucement : Crou crououou.
Chocoline avançait, et ses pattes écrasaient les violettes tant il y en avait ! De ces violettes mauves qui se serrent les unes contre les autres, sur chaque motte de terre.
Comme je suis bien, murmura la poulette. Le soleil réchauffait si agréablement ses plumes, qu'elle s'accroupit dans un creux, écarta un peu les ailes, et ne bougea plus. Elle comprit qu'elle avait enfin trouvé le printemps.
Certes, on ne pouvait le voir, comme une personne près de soi, mais il était là cependant.
L'oiseau du bois avait bien raison d'entraîner les passants pour leur faire trouver le printemps. Coucou ! Le printemps est là, sur la branche de saule aux chatons de velours gris. Coucou ! Il est là, dans le parfum de l'aubépine. Coucou ! Coucou ! Il chante dans l'arbre, il est au sol : c'est la mousse nouvelle, c'est le brin d'herbe, c'est la jolie fleur qui sent si bon... Il est dans le ciel, plus clair et plus bleu. Il est partout quand son heure est venue. Coucou !
Comme je suis bien, répète Chocoline; je me sens toute amollie. Je n'ai pas du tout envie de retourner dans la boutique du confiseur... Je suis bien, bien... Mais que m'arrive-t-il ?
Chocoline se tait. Son cou se plie, sa tête touche le sol... C'est le soleil, déjà chaud, qui fait doucement fondre la poulette de chocolat !
Et ce fut Nanou, la petite fille de la maison, qui ramassa le joli ruban rouge. Elle pensa que c'était un cadeau et se régala des morceaux de Chocoline qui était morte de bonheur pour avoir rencontré le printemps.

M-L .V
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Avril 2014 à 14:15:02
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Un drôle de matin de Pâques

Branle-bas de combat chez les lapins : c'est le jour de l'expédition au poulailler.

Oui, c'est bientôt Pâques, et tous les ans.... Mais vous ne savez pas cela ?... Comment des oeufs décorés de toutes les couleurs atterrissent dans les jardins pour que les enfants les recherchent ?...Vous ne le savez pas ?... Oh, on raconte beaucoup de faussetés à ce sujet : : des histoires de cloches qui viendraient de Rome....Non, non, non, la vérité est beaucoup plus simple, tant pis si elle ne fait pas voyager en Italie !... Donc, tous les ans, chez les lapins, c'est la grande agitation, un peu comme chez les lutins du Père Noël, juste avant...Noël !... On fait le grand ménage, on secoue la paresse de l'hiver, on fait de la place dans la grande salle du terrier transformée en atelier de peinture pour l'occasion, on sort les vieux pots de couleurs, on sacrifie quelques poils pour faire des pinceaux neufs...Mais tout cela n'est rien, le plus important, le plus excitant et le plus dangereux aussi, c'est : l'expédition chez les poules pour leur voler un oeuf !.... Hé oui, les lapins ne pondent pas et pourtant, ce sont eux qui depuis toujours, sont chargés de cacher les oeufs dans le jardin.... Donc, la seule solution est d'aller en voler chez les poules et c'est pour cela qu'il y a la guerre entre eux. Enfin, ça c'est une autre histoire !... Aujourd'hui, c'est Dédé qui doit se glisser sous le grillage du poulailler pendant que Jojo et Ficelle font diversion et attirent les poules près de l'abreuvoir. C'est un grand honneur pour Dédé et aussi un grand défi : s'il réussit l'épreuve, il sera admis à assister aux conseils des adultes, il sera un vrai lapin !... Jojo a accroché une vielle casserole à la patte de Fernande pendant sa sieste, Fernande, c'est la plus vieille poule... Vous imaginez, quand elle s'est réveillée pour picorer, le boucan que ça a fait, surtout que Ficelle s'agitait devant elle en faisant sa plus belle grimace : BLLLL, BLLLL, BLLLLL... Bref, c'était la pagaille !...Toutes les poules couraient derrière Jojo pour le coincer, heureusement qu'il court vite, Jojo !... Même la grosse Henriette qui couvait son oeuf a levé son derrière et s'est agitée de tous les côtés. Et ça, faire se lever la grosse Henriette, c'était exactement le but recherché ! ... Dédé s'est doucement glissé prés du nid de la poule, il a saisi l'oeuf tout doucement entre ses pattes et s'est sauvé avec le plus vite qu'il a pu. Arrivé au terrier, Dédé a été reçu comme un chef, on l'a félicité, on a dit qu'on était fier de lui, qu'il était désormais un véritable lapin... .L'oeuf a été placé au centre de la salle et les lapins se sont mis au travail tous ensemble : Des vagues bleues et vertes, des carrés rouges et des points jaunes, bien symétriques . Une fleur au sommet, une autre à la base... Les lapins s'en donnaient à coeur joie : encore du bleu et puis du rouge plaf plaf une grosse tâche de vert , ça c'est de la peinture !... Ca s'est de la création !... Les lapins se laissaient aller à leur imagination mais attention, ils restaient très concentrés et bientôt, la décoration de l'oeuf de Pâques fut achevée ! ... Maintenant, il restait à le cacher dans le jardin. Chaque année, la discussion reprenait : vaut-il mieux le mettre derrière le gros caillou, dans la souche du vieux chêne, dans le buisson qui fleurit prés de la porte.... Chaque lieu avait ses défenseurs et ses détracteurs...On se chamaillait chez les lapins, on discutait ferme...Bref, à la fin, comme chaque fois, le chef finissait par imposer le silence et on tirait au sort avec des feuilles de trèfle quel lieu serait choisi... Attention...La souche du vieux chêne !...Ca faisait très longtemps que ce n'était pas tombé !....Mais, est-ce que les enfants connaissaient ce lieu ?... « Oui, oui, oui, s'exclame Ficelle ! L'autre jour, le petit garçon est venu s'asseoir à côté et, tout seul, il a raconté des tas de choses à l'escargot qui habite la souche, je crois qu'ils sont copains maintenant... » Ficelle, Jojo et Dédé ont attendu la nuit pour se glisser hors du terrier avec leur bel oeuf décoré...Tous les autres lapins les regardaient de loin, le nez dans l'herbe humide. Avant, tous les lapins faisaient des rondes et chantaient sous la lune pour aller cacher l'oeuf mais, une année, ils faisaient tellement de raffut que les habitants de la maison sont sortis dehors et ils ont failli être surpris... Depuis, les lapins sont beaucoup plus prudents et discrets. Les trois compères lapin ont doucement déposé le bel oeuf dans le creux de la souche d'arbre, ils l'ont caché sous des feuilles et des brindilles et sont vite repartis au terrier. ..se coucher. Oh, le lendemain, ils étaient levés tôt les trois compères !...Cachés comme seuls les lapins savent se cacher, à observer les enfants dans le jardin qui cherchent à droite, à gauche, courent et crient dans tous les sens... « Je l'ai, j'ai l'oeuf de Pâques !...C'est moi qui l'ai trouvé !.. Là dans la souche du vieux chêne !.... » C'est alors que s'est produit un événement extraordinaire, aussi stupéfiant qu'inattendu... L'oeuf a bougé, tout seul, oui, il a basculé sur lui-même et...il a craqué... De plus en plus...Il s'est ouvert, écaille par écaille ... Les enfants ébahis, et plus loin, les lapins qui observaient tout cela, ont vu sortir, tout fripé, tout neuf, un petit poussin !!! « Ca alors !...a dit Dédé, ça alors !... - Ben...De toute ma vie de vieux lapin, a dit Ficelle, j'ai jamais vu ça ! Que l'oeuf de Pâques s'ouvre pour donner un vrai poussin !...Le matin de Pâques !....Non, j'ai jamais vu ça !... »
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Avril 2014 à 12:04:22
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Cotcote la petite poule qui sauva Pâques

Bonjour !
C'est une histoire qui commence pas loin de chez moi. C'était la nuit, le poulailler était calme,
la maison était calme, c'est-à-dire : tout était calme, lorsque...
- Clocloche à tour de contrôle, Clocloche à tour de contrôle, mayday ! mayday ! Je me
crashe !
BOUM !!!
Une cloche s'écrasa juste à côté du poulailler. Cotcote fut réveillée et alla voir, curieuse, la
cloche qui s'était écrabouillée.
- Ça va ? demande Cotcote en remettant ses lunettes.
- Euh ! Oui, enfin je crois... dit la cloche un peu sonnée, je ne peux plus voler. Pâques est  
fichu, les chocolats ne pourront jamais être distribués à temps, dit-elle en éclatant en sanglots.
- Si tu veux, je peux t'aider ! dit Cotcote pour la réconforter.
- Oh oui, merci !
Et c'est ainsi que Cotcote se porta volontaire pour aider Clocloche, la cloche, à faire la grande distribution.
La petite poule avait pris son panier en osier pour y mettre tous les oeufs en chocolat éparpillés par terre, qu'il
fallait d'abord ramasser. Il y en avait des petits et des gros.
Quand elles allèrent dans le centre-ville pour semer leurs oeufs, elles rencontrèrent le chat Griffou qui fit
le gros dos, souffla, et s'empara du panier de Cotcote ! Il se sauva avec en laissant tomber deux oeufs qui
dévalèrent le trottoir.

Ces deux œufs disparurent, emportés par le vent.
Cotcote, furieuse, alla voir Alphonse Baslespattes, le chien de sa basse-cour.
Elle lui raconta toute l'histoire, la chute de Clocloche, Pâques qu'il fallait sauver, le mauvais
tour de Griffou. Alphonse décida d'aller montrer ses grosses dents à cet effronté de Griffou.
Et il était bien content, car cela faisait longtemps qu'il n'avait pas mordu un chat !
Ils se rendirent tous chez Griffou, Cotcote, Clocloche et Alphonse.
- Griffou, rends les œufs de Pâques et le panier ! gronda Alphonse.
- Pourquôaa ? demanda Griffou.
- Pour les enfants de la ville, répondit Alphonse.
Le chat se contenta de bâiller en se limant les griffes. Voyant qu'il restait indifférent, Alphonse          

bondit sur lui et le mordit au mollet. Griffou s'enfuit en miaulant, loin du panier plein d'œufs.
Cotcote et Clocloche remercièrent Alphonse pour son courage, mais le temps pressait. Il restait une partie
de la ville sans chocolat, il fallait faire vite sinon Clocloche se ferait houspiller par le CCP (Comité des Cloches
de Pâques.)
Pas loin de là, dans une maison, des petites lumières apparurent, Daniel et Annie s'étaient réveillés.
- Est-ce que tu vois les cloches ? demanda Annie.
- Non, répondit Daniel.
- On réessayera plus tard, allons-nous recoucher
Alors que la porte de leur chambre se refermait Cotcote et Clocloche sortirent de leur
cachette et déposèrent leurs œufs, hop ! avant de repartir vers la maison suivante.
Cotcote et Clocloche se sentirent folles de joie quand elles aperçurent la dernière maison.
- Oohhh ! Il n'y a plus d'œufs, déclara Clocloche, je suis perdue. Les deux derniers œufs
sont ceux que Griffou a fait tomber dans la rue. Je suis fichue.
- Non, nous trouverons bien un moyen, dit Cotcote en la consolant.
BING BANG DIGUI DONG !!!
- Qu'est-ce que c'est ?
Eh là ! C'était un petit lapin qui se présentait devant elles.
- Euh... Bonjour, je m'appelle Pinpin, je vous ai suivies, je ne voulais pas vous déranger.  
     
- Oh, mais tu ne nous déranges pas ! répondit Cotcote.
- J'ai quelque chose pour vous.
Et le petit lapin exhiba un des deux œufs manquants !
- Merci beaucoup fit Clocloche, mais il en manque encore un. Il faut un petit et un gros œuf par enfant.
- Désolé ! dit le petit lapin en baissant la tête.
- Ce n'est pas de ta faute.
- Non, je sais.

Cette petite fille risque d'être déçue avec seulement un petit œuf, dit Cotcote.
- J'ai une idée, déclara Pinpin. J'ai été abandonné par mon maître, si j'habite chez
cette petite fille cela me plairait beaucoup et peut-être qu'elle aussi serait contente
d'avoir un ami dévoué ?
- C'est d'accord, répondit Clocloche. Le deuxième cadeau de Pâques de cette
petite fille, ce sera toi !
Le problème était résolu !
Pinpin était heureux de trouver une petite maîtresse, Cotcote de retrouver son
perchoir au poulailler et Clocloche de regagner son clocher.  
     
Tout finit encore mieux que prévu, car, pour leur dévouement, leur débrouillardise et leur courage, Cotcote,
Clocloche et Pinpin reçurent une récompense.
Leur récompense fut qu'à partir de ce jour, il n'y aurait pas que des œufs en chocolat, pour Pâques,
mais aussi :
-- des poules en chocolat,
-- des cloches en chocolat,
-- et des lapins en chocolat.


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 22 Avril 2014 à 14:09:49
(http://img4.hostingpics.net/pics/470261bisous.jpg)
LA BOITE A BISOUS

Il était une fois un ex-enfant qui était devenu un adulte important, très sollicité et très occupé.

Toute son enfance, cet homme avait été  élevé essentiellement par sa mère, aujourd'hui âgée de 79 ans, qui vivait seule dans un petit appartement dans une lointaine ville de province. Et curieusement, avec l'âge, la distance entre la mère et le fils leur semblait à l'un comme à l'autre de plus en plus longue, de plus en plus grande, de plus en plus difficile à franchir.

Vous l'avez deviné, il y avait entre cet homme et cette femme âgée, un attachement profond. Au-delà des sentiments d'affection et d'amour qui circulaient entre eux, s'était développée, au cours des vingt dernières années, une relation d'échanges et de partages qui apportait beaucoup à l'un comme à l'autre.

Mais aujourd'hui, la distance qu'il y avait entre eux commençait à peser, surtout à la mère. Elle trouvait qu'elle ne voyait pas beaucoup son fils et en tous cas, pas suffisamment.

Bien sûr, ils se téléphonaient, il lui envoyait des petits mots, des poèmes, des petits dessins humoristiques; elle lui répondait toujours dans le jour qui suivait;  mais cette maman trouvait que cela ne remplaçait pas sa présence et surtout les petits bisous de tendresse qu'ils pouvaient se donner quand ils étaient proches l'un de l'autre.

L'homme se rappela avoir lu quelque part que, lorsqu'une situation était bloquée au niveau de la réalité, on pouvait toujours tenter de l'ouvrir et de la nourrir en pratiquant des démarches symboliques. Comme il était un peu bricoleur, il décida de fabriquer une boîte à bisous et de l'offrir à sa mère.

Vous ne savez peut-être pas comment fonctionne une boîte à bisous ?

C'est relativement simple, à condition de respecter quelques consignes élémentaires.

Tout d'abord, la boîte doit avoir un couvercle qui s'emboîte très soigneusement, de façon à ne rien laisser échapper de son contenu quand elle n'est pas utilisée. Mais vous devez toujours l'avoir proche de vous, dans un lieu d'intimité, pour pouvoir vous en servir à votre convenance. Après avoir rempli la boîte de bisous variés, d'intentions de tendresse et de pensées positives, vous refermez le couvercle et l'offrez à la personne de votre choix.Le destinataire, le soir de préférence, ou à d'autres moments de la journée quand le besoin s'en fait sentir, peut soulever délicatement le couvercle et accueillir ainsi un baiser ou deux, à lui seul destinés, ou encore recevoir un message de tendresse sous la forme d'un pétale de rose ou d'une graine de tournesol. Il doit faire très attention et ouvrir la boîte à bisous avec précaution car les baisers sont très volatils; ils ont tendance à se répandre dans la nature à la recherche de ceux qui peuvent les accepter.

Quand la boîte est vide, celui qui la possède peut demander à la personne significative de sa vie, de la remplir et de la renvoyer, soigneusement fermée.

Ainsi le jour arriva où la mère de cet homme, après avoir accueilli son fils chez elle, pour un court séjour, se vit offrir une belle boîte en bois de santal, avec une très belle forme, très parfumée, délicatement décorée. Son fils lui expliqua qu'il s'agissait d'une boîte à bisous et lui apprit comment elle fonctionnait.

- chaque fois que je viendrai te rendre visite, je remplirai la boîte de bisous, pour toi seule, Maman. Je te demande de veiller à ne pas l'ouvrir trop vite, à ne pas la laisser à la portée de tes petits-enfants qui, eux, sont de grands consommateurs de bisous et auraient vite fait de vider ta boîte en une seule soirée.

- tu es sûr que cette boîte est pour moi seule ?

- pour toi toute seule! d'ailleurs les bisous que je dépose dedans, je ne les destine à personne d'autre qu'à toi, Maman. C'est une façon pour moi d'être présent, proche de toi et de témoigner de mon affection tous les jours.

- elle me semble un peu petite, tu ne crois pas ?

- elle paraît petite mais elle contient beaucoup, beaucoup de bisous, de pensées tendres pour toi.

- et quand la boîte sera vide, je pourrai t'appeler pour que tu viennes la remplir à nouveau?

- je vois que tu as bien compris le fonctionnement de ma boîte à bisous !

Au début, cependant, ce ne fut pas aussi simple que cela. La mère avait tendance à ouvrir sa boîte plusieurs fois par jour en l'approchant de son visage. Un matin même, un peu inquiète, elle voulut vérifier s'il y avait encore des bisous et ouvrit la boîte avec un peu trop de précipitation ce qui fait que la plupart des bisous s'envolèrent.

Mais après quelques semaines d'entraînement et d'apprivoisement mutuel, la boîte à bisous fonctionna parfaitement et fut acceptée avec beaucoup de respect par la maman. La vieille dame et elle s'entendirent à merveille jusqu'à la fin de sa vie.

Si vous ne voulez pas me croire, faites un jour l'expérience et offrez une boîte à bisous à ceux que vous aimez........quand ils sont loin de vous.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Avril 2014 à 15:43:18
(http://img4.hostingpics.net/pics/739313herbe.jpg)
LE DIAMANT ET LA GOUTTE DE ROSEE

Un beau diamant, qui avait autrefois brillé au doigt d'une princesse, gisait dans un pré, à côté de pissenlits et de pâquerettes. Juste au-dessus de lui, brillait une goutte de rosée qui s'accrochait timidement à un brin d'herbe.
Tout en haut, le brillant soleil du matin dardait ses rayons sur tous les deux, et les faisait étinceler.
La modeste goutte de rosée regardait le diamant, mais sans oser s'adresser à une personne d'aussi noble origine.
Un gros scarabée, en promenade à travers les champs aperçut le diamant et reconnut en lui quelque haut personnage.
- Seigneur, dit-il en faisant une grande révérence, permettez à votre humble serviteur de vous offrir ses hommages.
- Merci, répondit le diamant avec hauteur.
En relevant la tête, le scarabée aperçut la goutte de rosée.
- Une de vos parentes, je présume, monseigneur ? demanda-t-il avec affabilité en dirigeant une de ses antennes vers la goutte de rosée.
Le diamant partit d'un éclat de rire méprisant.
- Quelle absurdité! déclara-t-il. Mais qu'attendre d'un grossier scarabée ? Passez votre chemin, monsieur. Me mettre, moi, sur le même rang, dans la même famille qu'un être vulgaire, sans valeur et le diamant s'esclaffait.
- Mais, monseigneur, il me semblait... sa beauté n'est-elle pas égale à la vôtre ? balbutia timidement le scarabée déconfit.
- Beauté, vraiment ? Imitation, vous voulez dire. En vérité, l'imitation est la plus sincère des flatteries, il y a quelque satisfaction à se le rappeler. Mais cette beauté factice même est ridicule si elle n'est pas accompagnée de la durée. Bateau sans rames, voiture sans chevaux, puits sans eau, voilà ce que c'est que la beauté sans la fortune. Aucune valeur réelle là où il n'y a ni rang ni richesse. Combinez beauté, rang et richesse, et le monde sera à vos pieds. A présent, vous savez pourquoi on m'adore.
Et le diamant lança de tels feux que le scarabée dut en détourner les yeux, pendant que la pauvre goutte de rosée se sentait à peine la force de vivre, tant elle était humiliée.
Juste alors une alouette descendit comme une flèche, et vint donner du bec contre le diamant.
- Ah! fit-elle désappointée, ce que je prenais pour une goutte d'eau n'est qu'un misérable diamant. Mon gosier est desséché, je vais mourir de soif.
- En vérité! Le monde ne s'en consolera jamais, ricana le diamant.
Mais la goutte de rosée venait de prendre une soudaine et noble résolution.
- Puis-je vous être utile, moi ? demanda-t-elle.
L'alouette releva la tête.
- Oh! ma précieuse amie, vous me sauverez la vie.
- Venez, alors.
Et la goutte de rosée glissa du brin d'herbe dans le gosier altéré de l'alouette.
- Oh! oh! murmura le scarabée en reprenant sa promenade. Voilà une leçon que je n'oublierai pas. Le simple mérite vaut plus que le rang et la richesse sans modestie et sans dévouement; il ne peut y avoir aucune réelle beauté sans cela.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Avril 2014 à 12:52:34
(http://img11.hostingpics.net/pics/484346hyppo1.jpg)
Légende des hyppotragues.

Il était une fois un royaume d'animaux où tout se passait bien.

Chaque espèce vivait dans son coin, mais en harmonie avec les autres. Style, on se dévorait , mais seulement si nécessaire, et respectueusement.
Le lion évidemment régnait en maître absolu sur ce petit monde.

Seulement, de plus en plus, les animaux commençaient à devenir super potes, et ça énervait le lion. La chaîne alimentaire en prenait un coup, et il se demandait ce que Darwin et ses amis allaient penser d'eux.
Par exemple : la hyène , au lieu de dévorer un animal en entier, afin de rassasier une famille hyène affamée, ne prélevait qu'une jambe à une antilope, histoire de ne pas lui faire de peine et de la laisser brouter afin qu'elle puisse continuer à s'occuper de sa famille elle aussi. Je vous entends dire: " Elle va mourir d'infection... c'est couru d'avance". Et bien non, les bactéries saprophytes ayant décidé d'être sympa elles aussi ne mangeaient qu'un tout petit peu d'antilope en se disant: "on se divisera moins, certes, mais on est si nombreuses...". Pareil, les vers, les mouches mangeaient moins, pondaient moins, ce qui évitait aux antilopes d'exploser sous la force de l'éclosion de leurs oeufs... Il était donc devenu courant de voir des herbivores à trois pattes.
Certains animaux s'invitaient même à manger les uns chez les autres.
Les buffles, invités par les chacals ou autres carnivores,  mangeaient de la viande pour ne pas les vexer, devenaient fous bien entendu, et contaminaient leurs prédateurs. Les buffles étaient tellement chagrinés par cette situation, qu'ils se traitaient aux antibiotiques en secret afin d'essayer de devenir mangeables.

Bref, tous les animaux rivalisaient de sympathie les uns avec les autres, et s'adonnaient à ces pratiques anti-écologiques.
Tout commençait à aller de travers...
Le lion se dit alors qu'il était temps de décréter quelques lois.
Loi n° 1: interdit de se parler entre espèces différentes.
Loi n° 2: interdit de changer de régime alimentaire.
Loi n° 3: interdit de gaspiller: quand on a faim, on tue un animal en entier , on ne prélève pas un steak gentiment, en douce: c'est vrai, quoi, gaspiller ça ne se fait pas, c'est sa mère qui lui avait dit.

Seulement voilà, avec tout ça, une antilope était tombée amoureuse d'un cheval.
Les parents, mis au courant, ont commencé à avoir des hics, style: "C'est une mésalliance ma fille, il ne sautera jamais assez haut pour toi, ce lourdaud ."
" Les antilopes sont toutes des femelles de mauvaise vie, mon fils. Avec elle, tu sera malheureux comme les pierres. Mieux vaudrait une bonne  jument bien solide que ce truc tout frêle qui bondit comme une écervelée "...
Mais finalement, après un repas en commun (c'était encore autorisé), les familles tombèrent sous le charme des conjoints de leurs rejetons respectifs, et donnèrent leur accord pour le Pacs (c'était encore autorisé aussi...).

Le lion eut vent de tout ça...Il rugit de rage, et opta pour une 4ème loi qui disait en gros ceci:
Loi n° 4 : interdit de se marier entre espèces différentes, non mais !

Evidemment, les deux quadrupèdes sous - nommés s'enfuirent, afin de vivre leur amour en grand secret, bien cachés...
Ils eurent des enfants, qui tenaient à la fois du papa et de la maman, comme tous les enfants du monde: les fameux hippotragues, ou antilope-cheval.

Le lion eut vent de tout ça...
Cette fois, il trouva qu'on se moquait un peu trop de lui et de ses royaux décrets, et opta pour l'intervention divine (1 seule intervention divine autorisée par vie, il faut bien choisir le moment): il autorisa la création de cette nouvelle espèce.
Mais, depuis, chaque espèce ne peut se reproduire qu'avec un individu de la même espèce.
Et les fraudeurs me dites-vous ? Et bien, dans ce cas, les enfants obtenus sont stériles... Demandez au cheval qui a voulu recommencer à faire son intéressant, mais avec une ânesse, et vous verrez !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 29 Avril 2014 à 14:56:56
(http://img11.hostingpics.net/pics/821320mf14.jpg)
Conte du Mézenc farceur et des nuages chatouilleux.


Monsieur Mézenc est un mont majestueux qui est né voici plusieurs millions d'années, alors que la terre était tout entière en ébullition.

Les montagnes sont comme tous les êtres vivants : elles naissent, elles grandissent ; elles ont une jeunesse... et elles vieillissent aussi.

Monsieur Mézenc donc était né, et il avait grandi : à vrai dire, il avait eu une adolescence un peu tumultueuse... Bouillonnante, pourrait-on dire!

N'avait-il pas en grandissant tout bouleversé autour de lui? Ne s'était-il pas comporté comme un chamboule-tout, ne laissant rien en paix dans son entourage?

N'avait-il pas lancé flammes et laves à des dizaines de kilomètres et entraîné ses petits voisins à faire de même?

Pourtant, sous ses dehors d'agitateur, Monsieur Mézenc était un mont d'une sensibilité exquise – car les montagnes ont une sensibilité!- et sous son apparente rudesse se cachait une âme tendrement espiègle!

Le saviez-vous? Auriez-vous pu l'imaginer? Depuis qu'il était tout petit, en regardant vers les cieux, il avait nourri le désir de... chatouiller les nuages!

Les années avaient passé.

Avec l'âge, Monsieur Mézenc avait pris des allures de montagne sage et bien rangée, avec l'apparence paisible d'une grande table de pierre...

Des millénaires étaient passés...

Monsieur Mézenc était devenu un grand seigneur, dominant de son impressionnante masse tout le cirque des Boutières, et attirant les regards depuis tous les sommets et toutes les crêtes à des kilomètres à la ronde.

Il forçait l'admiration et le respect par sa sereine et splendide majesté.

Sur ses pentes, les chevreuils, les renards, les sangliers, les marmottes – et même à certaines époques les ours et les loups – adoraient vivre et se promener...

Son sommet n'avait certes rien de ces pics bien aiguisés que l'on peut voir en d'autres massifs : toutefois il estimait qu'il avait une pointe suffisante pour, le moment venu, parvenir à chatouiller les volutes immaculées qu'il voyait se promener au dessus de lui.

En effet, malgré cette apparence si sage, Monseigneur le Mézenc gardait son rêve d'enfant turbulent. Quoique paraissant très calme, il avait toujours son regard levé vers le ciel... guettant les nuages.

Car, pour tout dire, il s'ennuyait un peu, et il souhaitait toujours leur faire sa petite blague.

Or un jour – un jour qui aurait pu être tout pareil aux autres jours – il entendit chanter dans le lointain : -« Hé ho, hé ho, nous sommes les nuages, hé ho hé ho hé ho hé ho... »

-« Oh oh! se dit Monsieur Mézenc, mais ne dirait-on pas qu'un groupe de nuages se dirige par ici? Ils sont bien dodus, bien rondouillards et bien cotonneux... Mon heure ne serai-elle pas venue? »

Sans se douter qu'il se faisait le complice de son innocente malice, le vent les amenait dans sa direction : génial ! Il les laissa approcher en faisant semblant de dormir. 

Un sourire coquin à l'intérieur de lui-même, Monseigneur le Mézenc attendit patiemment qu'ils arrivent juste au dessus de lui.

Encore quelques mètres... et voilà : il les avait juste à portée de sommet !

Alors, il se haussa sur la pointe des pieds et, imperceptiblement, il se mit à donner à son sommet de petits mouvements afin de gratter le dessous des nuages.

D'abord tout doucement... Puis, un peu plus fort !
Un premier nuage commença à se trémousser en se déformant quelque peu. Un deuxième se tortilla en faisant entendre de petits gloussements. Un troisième, qui avait été chatouillé avec plus d'audace, hoqueta de rire:

-« Hey! Mais que se passe-t-il ici? J'ai l'impression qu'on me gratouille là-dessous! »

Le nuage se contorsionna pour regarder son ventre, et voir qui pouvait l'avoir ainsi papouillé. Monsieur Mézenc, l'air de rien, ne bronchait pas.

A l'intérieur de lui-même cependant, son rire exultait : c'était vraiment trop drôle, ces nuages qui se tortillaient!

Il reprit son œuvre  et chatouilla le reste du groupe : les nuages s'étiraient puis se recroquevillaient en riant, car ils étaient tous très chatouilleux!

-« Oh oh oh, c'est trop rigolo! » s'écria l'un d'eux, dans un grand éclat de rire. -« Oui, ajouta un autre, et je crois bien que c'est cette montagne, avec son air de sainte nitouche qui nous joue des tours... » -« Tu as raison, renchérit un troisième : regarde son sommet ; c'est en fait une véritable brosse à gratter! »

En se faisant de grands clins d'œil , les nuages se rapprochèrent les uns des autres en chuchotant:
-« Hep, psst, psst... Si nous lui faisions, à notre tour, une bonne blague? » -« Oui, oui, oui! Faisons-lui nous aussi une blague! » -« Que diriez-vous de l'arroser? » suggéra le chef de groupe.

Aussitôt, les nuages s'amoncelèrent, puis ils se serrèrent et s'essorèrent tous en chœur  juste au-dessus de lui.

Quelle bonne douche se prit le mont : il était trempé!

Ah, ces nuages ne l'avaient pas raté. Il les vit rire de leur bonne farce.

Ils ne perdaient rien pour attendre. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, il leur mijota un bon coup à sa manière : ouvrant brusquement une de ses anciennes petites failles, il leur souffla un bon jet de vapeur.

Les nuages surpris se trouvèrent tout décoiffés : ils avaient tous la même coupe aérodynamique, en forme de crête de coq. -« Ha ha ha! exulta le Mézenc : je les ai bien eus ! »

Mais les nuages ne s'en tinrent pas là : ainsi donc, ce mont espiègle voulait jouer avec eux... et bien eux aussi allaient jouer avec lui!

Monsieur Mézenc méritait vraiment une réponse à ses petites blagues.

Les nuages se dispersèrent alors tout autour de lui et entreprirent de lui dessiner des moustaches de coton sur les flancs : bientôt, Monseigneur le Mézenc ressembla à une immense boutique de moustaches blanches.

Il y en avait pour tous les goûts : des fines et des épaisses, des raides ou des frisées, des recourbées en guidon de vélo et des toutes droites, des anglaises ou des rouflaquettes... Sans parler d'une espèce d'énorme perruque vaporeuse qui lui faisait une tignasse de zazou...

Monsieur Mézenc dut admettre que leur farce était plutôt réussie, il s'amusait beaucoup en se regardant dans le miroir du firmament et trouvait leur réponse vraiment désopilante :  » Quels joyeux lurons, ces nuages! » Alors ils se mirent tous à rire à gorge déployée : et leur rire en cascade dévalait et roulait dans les vallées alentour, et se trouvait amplifié par tous les échos des Boutières.

Rien de tel qu'une bonne partie de rigolade pour détendre l'atmosphère!

Et c'est pourquoi, depuis ce jour mémorable entre tous, quand les nuages, poussés par le vent, arrivent aux confins du Vivarais et du Velay, ils ont pris l'habitude – et ils sont tout heureux – de se rassembler au dessus de Monseigneur le Mézenc... qui en est tout heureux lui aussi.

Oui, désormais, c'est leur rituel commun, qui se perpétue depuis des centaines et des centaines d'années : les nuages viennent en groupes à portée de son sommet et le Mézenc farceur peut inlassablement renouveler son rêve d'enfant.

Les nuages lui laissent leur chatouiller le ventre, et ils recommencent à l'arroser puis à le décorer de moustaches fantaisistes et de perruques cotonneuses!

Si certains esprits chagrins vous disent que c'est du mauvais temps et du tonnerre, surtout ne les croyez pas : ce sont là des gens qui ne savent rien de ce qui se passe dans le cœur  des montagnes!

Ils ne peuvent pas comprendre quelle âme d'enfant cache en lui Monsieur Mézenc, et ils ne soupçonnent pas non plus que les nuages sont espiègles!

Et ils sont vraiment trop sérieux pour entendre, dans ce qu'ils croient être le bruit du tonnerre, le rire sonore des nuages chatouilleux et du Mézenc farceur...

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 01 Mai 2014 à 07:19:59
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Conte : La naissance du Muguet

Il était une fois, il y a très, très longtemps, un géant qui vivait en Corée. Il habitait dans une grotte, dans la montagne, à l'abri d'une forêt obscure, où personne n'allait jamais par peur de se perdre. Il restait ainsi loin du village car il ne voulait pas se montrer et se cachait pour ne pas effrayer les villageois, surtout les enfants. Il aimait ces enfants, mais eux le détestaient parce qu'ils avaient peur de lui à cause de son apparence : des sourcils noirs et épais surmontaient ses deux gros yeux rouges et lorsqu'il ouvrait sa bouche aux lèvres énormes, rouges comme le sang, ses dents apparaissaient, longues et pointues comme celles d'un loup.

Or, un jour, arriva dans la région un dragon, énorme, aux écailles vertes et visqueuses qui crachait de longues flammes et dont les yeux lançaient des éclairs. Sa poitrine était couverte de petits boutons blancs. Il terrifiait les habitants de la région, dont il dévorait les troupeaux pour se nourrir. Personne n'osait l'affronter par peur d'être dévoré à son tour . Un jour, le géant qui, seul dans la montagne, ne savait rien de ce qui se passait au village, décida de se préparer un festin avec l'un des moutons de son troupeau. A l'aube, il se mit en route pour l'enclos où étaient enfermées ses bêtes, mais il eut la surprise de le trouver vide. Fou de rage, il se précipita vers le village pour trouver une explication. En chemin, il rencontra un vieillard du village qui lui raconta toute l'histoire. Le géant comprit alors qui avait volé ses moutons et, très énervé, malgré sa peur des dragons décida de se venger, d'attaquer le dragon et de le massacrer . Il chercha longtemps, mais finit par trouver le repaire du dragon qui dormait. Le dragon entendit du bruit, se releva brusquement et se jeta contre le géant qui menaça de le tuer . Le dragon lui répondit que c'était impossible, car sa mère lui avait autrefois donné une potion appelée Muguet qui lui avait fait pousser des boutons blancs sur la poitrine et cela le rendait invincible . Le géant se précipita sur le dragon avec son épée, le frappa dans le ventre mais le dragon sembla ne rien sentir et envoya une longue flamme sur le géant qui hurla de douleur, le bras presque paralysé par la brûlure. Malgré tout, il prit son arc et lança des flèches empoisonnées qui atteignirent le cœur du dragon et surtout les boutons blancs. Le dragon s'effondra et mourut. La potion de sa mère ne l'avait pas complètement protégé . Sorties des points blancs, des graines se répandirent sur le sol, la pluie commença à tomber, suivie du soleil. Aussitôt, à une vitesse vertigineuse, des fleurs, ressemblant à des grappes de petites clochettes se mirent à pousser . Pendant ce temps, le géant, gravement blessé par le dragon, était en train de mourir.

Mais, une petite fille du village qui s'était perdue dans la forêt avait vu le combat. Elle s'approcha, cueillit les fleurs et les posa sur les plaies du géant qui peu à peu se sentit mieux. Grâce à cette plante, il guérit. La petite fille raconta toute l'histoire à tout le monde et personne n'eut plus peur du géant qui put vivre heureux avec les villageois. C'était le Premier Mai et le muguet continua de pousser en Corée, puis dans le monde entier.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 02 Mai 2014 à 14:34:38
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Le renard et l'ours... !!! – Conte Russe

Il était un renard qui avait pour voisin un ours. Un beau jour, il vint le trouver et lui dit :

-         Michka, écoute-moi, j'ai une idée.

-         Oh, je les connais, tes idées. Tu vas encore te moquer de moi.

-         Ce n'est pas bien de penser ainsi du mal du moi, Michka. Et puis, tu es tellement plus fort que moi que si jamais il me prenait l'envie de te faire du tort, tu n'aurais pas de mal à te venger. Alors, écoute-moi. Avec ta force et ma ruse, si nous nous unissons, nous pourrons facilement nous enrichir. Prenons un champ, labourons-le ensemble, ensemençons-le, puis nous nous partagerons la récolte et chacun de nous vendra sa part au marché.

-         Je sais que tu vas me rouler.

Le renard prit un air fâché.

-         Allons, Michka, ce n'est pas gentil ce que tu dis là. Nous sommes deux bons camarades et je ne te roulerai jamais. La preuve : nous partagerons la récolte en deux parts, et c'est toi qui choisiras celle que tu préfères. Je prendrai celle dont tu n'auras pas voulu. Qu'en penses-tu ?

-         Comme ça, je suis d'accord, dit l'ours.

Ils labourèrent le champ et y semèrent des pommes de terre. Enfin, « ils labourèrent », c'est une façon de parler. L'ours étant le plus costaud, c'est qui s'attela à la charrue, tandis que le renard trottinait à ses côtés et le houspillait.

-         Tu traînes ! Tu pourrais aller plus vite, quand même, gros flemmard ! Ah, quelle drôle d'idée j'ai eue de vouloir m'associer à cet ours ! Je n'ai pas fini de le regretter !

L'automne vint, le champ se remplit de jolies tiges souples aux fines feuilles d'un vert tendre, sous lesquelles avaient gonflé de gros tubercules d'un gris sale. Le renard proposa à l'ours :

-         Eh bien, Michka, à toi de choisir : les tiges ou les tubercules ? Le dessus ou le dessous ?

L'ours pensa à par lui : « Pas si bête ! Le renard voudrait peut-être que je me prenne ces grosses boules sales toutes cabossées. Personnes ne voudra me les acheter. » il se dépêcha de cueillir le dessus, ce qu'on appelle les fanes, tandis que le renard déterrait les tubercules. Puis ils partirent l'un et l'autre pour le marché. Le renard, évidemment, écoula vite ses pommes de terre, tandis que l'ours resta aves ses fanes sur les bras. Bien plus, l'ours devint la risée de tout le marché.

-         Alors, voisin, nous recommençons comme l'année dernière ? Nous cultivons le champ ensemble, et c'est moi qui choisirai ma part de la récolte.

Comme l'année précédente, c'est l'ours qui laboura, tirant la charrue aussi fort qu'il pouvait, tandis que le renard lui reprochait de ne pas en faire assez.

Ensuite, ils semèrent du blé. Une fois qu'il eût mûri, ils entreprirent de partager la récolte.

-         Alors, Michka, demanda le renard, à toi de choisir. Le dessus ou le dessous ?

-          Le dessous, bien sûr !

-         Tu ne pourras pas dire que je t'ai empêché de faire ce que tu voulais, remarqua innocemment le renard. Je me contente de ce que tu mes laisses.

Le renard faucha les tiges du blé et battit le grain, tandis que l'ours déterrait les racines. Inutile de vous raconter les éclats de rire qui accueillirent Michka quand il arriva au marché. Tous les acheteurs se montraient l'ours du doigt. L'ours était fou de rage.

-         Ah, c'est comme ça, dit-il au renard. Tu vas me le payer, et cher !

L'ours, confiant dans sa grosse voix, proposa au renard un concours de grognements. Celui qui grognerait le plus fort dévorerait l'autre.

L'ours gonfla sa poitrine, ouvrit si grand sa gueule qu'il en ferma les yeux, et lança un son tellement puissant qu'il s'assourdit lui-même. Le renard, se voyant sans surveillance en profita pour se sauver. Un ours sait crier fort, mais un renard sait courir vite. Le nôtre, personne ne l'a encore rattrapé.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Mai 2014 à 09:10:03
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Trois amis : le moineau, la souris et la crêpe au beurre

Dans une petite chaumière, au milieu des bois, vivaient trois amis :
un moineau, une souris et .. une crêpe au beurre !!
Ils vivaient tous les trois très heureux ensemble, ils s'entraidaient
de leur mieux :
le moineau allait chercher les provisions,
la souris coupait le bois et allumait le feu,
et la crêpe au beurre faisait cuire la soupe.

Mais quelle soupe !.. épaisse, beurrée, assaisonnée .. Un vrai régal !
Le moineau avait coutume de dire :
- Une soupe pareille, même le roi des rats n'en mange pas tous les
    dimanches. Et nous, c'est comme ça tous les soirs.
La crêpe au beurre ajoutait :
- C'est parce que, avant de servir, je plonge dans la marmite,
    je m'y tourne et retourne, je clapote et barbote,
    et voilà la soupe bien beurrée et assaisonnée.
La souris disait à son tour :
- Et moi, je ronge le bois fin, fin, fin, pour qu'il brûle bien, et
    j'attise le feu du bout de ma queue et la soupe cuit encore mieux !
Et le moineau reprenait :
- Il faut voir avec quoi elle est faite, cette soupe ! .. rien que des
    produits de premier choix. Un champignon par ci, une poignée
    d'orge par là, deux feuilles de chou, quatre pois-chiches,
    c'est ça qui fait la soupe riche !
Et tous les trois reprenaient en choeur :
- Une soupe pareille, il n'y a rien de meilleur !!

C'est donc ainsi qu'ils vivaient tous les trois, très heureux ensemble.
Mais un jour ... le renard, qui passe par là, voit par la fenêtre
la crêpe assise au coin du feu.
Hmmm ! Une belle crêpe au beurre, toute ronde, toute dorée,
croustilla-a-ante !.. Le renard aimerait bien la manger, mais la crêpe
ne sort jamais de la maison et la porte reste toujours fermée.

Alors le renard a une idée.
Il s'en va trouver le moineau dans la forêt et lui dit :
- Mon pauvre ami ! Mais tu te tues au travail ! Quand je pense que
    tes compagnons ne font rien de la journée, ça me fait vraiment de
    la peine.
Le moineau répond alors que ses compagnons travaillent aussi,
chacun à sa façon. Mais le renard secoue la tête avec pitié :
- Tu appelles ça travailler ?.. Un fagot de bois à couper, la soupe
    à mettre au feu, et puis c'est tout ! Tandis que toi, tu cours les
    bois toute la journée pour rapporter les provisions. Je voudrais
    bien voir la crêpe en faire autant ! Tiens ! Pas de danger qu'elle
    accepte, la grosse paresseuse !
Et sur ces bonnes paroles, le renard s'en va.
Le moineau reste là, à réfléchir. Il se dit : Mais il a raison, le renard !
C'est moi qui fait tout le travail. Ce n'est pas juste. On va y mettre
bon ordre, et pas plus tard que tout de suite !!

Le moineau rentre à la maison. Il se fâche, crie, tape du pied.
Comme quoi il en a assez de faire seul le plus gros du travail ..
Et que demain, c'est la crêpe qui ira chercher les provisions.
La souris fera la soupe, et pour ce qui est du bois, lui, moineau,
en fait son affaire.
Bon, bon, c'est d'accord !..

Et le lendemain matin, la crêpe, le panier au bras, s'en va faire
les provisions.
Elle roule à travers bois, ramasse des coquilles de noix.
Elle roule sur la mousse humide et ramasse une cosse de pois vide.
En passant sous le chêne vert, elle trouve un champignon mangé
aux vers et en traversant l'herbage, elle cueille un oignon sauvage,
un peu pourri, mais ça ne fait rien ..
Que voulez-vous, elle ne sait pas comment faire, la pauvre !
Elle n'a pas l'habitude.
Et juste comme elle se dit qu'il est temps de rentrer à la maison,
voilà le renard qui sort son museau pointu de dessous les branches.
Et il attrape la crêpe par son bord doré et croustillant.
Aïe ! Ouille ! La crêpe a crié .. Le renard a crié .. C'est qu'elle est
chaude la crêpe, brûlante comme au sortir du four. Le temps que
le renard lèche son museau échaudé, la crêpe est déjà loin.
Elle roule vers sa maison aussi vite qu'elle le peut.
Mais elle boite, la pauvre !.. Le coup de dents du renard lui a enlevé
un bon morceau .. alors, pour rouler, ce n'est pas très pratique !

Et à la maison, pendant ce temps, que se passe-t-il ?
Eh bien, les choses ne vont pas beaucoup mieux.

Le moineau a voulu couper le bois fin, fin, fin pour qu'il brûle bien,
et il a attaqué la bûche à grands coups de bec. Mais le bois, ce n'est
pas une cosse de petit pois, ça ne se fend pas facilement. Alors le
moineau s'est obstiné, la bûche n'a pas cédé, et c'est le bec du
moineau qui s'est tordu.

La souris de son côté a préparé la soupe. Elle a fait de son mieux,
puis elle s'est dit : Comment qu'elle fait déjà, la crêpe ?  "je plonge
dans la marmite, je clapote et barbote, et voilà la soupe prête !"  Bon,
je vais en faire autant  ..  Alors, la souris a plongé dans la marmite ..
Elle a été ébouillantée, elle a failli se noyer, et elle n'a jamais su
comment elle s'en est tirée ! Elle a couru dehors, s'est assise sur le
seuil de la porte et s'est mise à pleurer. Sa fourrure est ébouillantée
et elle a le bout de la queue qui tremble.

Là-dessus, la crêpe arrive, en se dépêchant, en boitant ..
Elle voit ses deux amis assis sur le seuil de la porte. Le moineau a
le bec tordu, la souris a sa fourrure mouillée et elle a le bout de la
queue qui tremble ..
Eh bien, nous voilà jolis, tous les trois !! Mais qu'est - ce qui nous a
pris de vouloir changer de métier ? Ce qu'on sait bien faire, on le
fait bien et tout le monde en profite. Mais ce qu'on ne sait pas faire,
on le fait mal et après il faut tout refaire.

Le moineau, de honte, s'est caché la tête sous l'aile.
Et c'est encore les deux autres qui ont dû le consoler.
Et après ? .. Et après, nos trois amis se sont remis à vivre comme
avant : le moineau a cherché les provisions, la souris a coupé le
bois et allumé le feu et la crêpe au beurre a cuit la soupe. Et tout
le monde en a été satisfait. Sauf le renard, bien sûr ! Mais à celui-là
on ne lui a pas demandé son avis.

Et voilà ! mon histoire est finie !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 08 Mai 2014 à 13:52:41
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Le serpent et l'indien

Le soir, quand le soleil descend derrière les collines, la coutume veut que les
anciens racontent les légendes du peuple indien. Alors les guerriers, squaws
et papooses s'installent autour du conteur, et celui-ci raconte ..


En ces temps étranges, le soleil s'est arrêté au-dessus de la terre ..
il n'y a plus ni ombre, ni nuit ... Les bêtes et les hommes ont bien du
mal à dormir, dès qu'ils s'assoupissent un instant, la brûlure de la
lumière les réveille bien vite. Seuls les serpents s'en accommodent ..
car on ne sait par quel incroyable hasard, les serpents possèdent
également la nuit et les ténèbres. Ce qui est profondément injuste !

Un jour, le grand chef Indien s'enfonce au plus profond de la forêt,
là où vit le roi des serpents, pour le prier de partager les ténèbres
avec tout le monde.
Le roi des serpents dort dans son palais d'ombre fraîche quand le
grand chef Indien se présente devant lui.
Au bruit qu'il fait, le serpent se réveille en sursaut.
- Qui es-tu, toi qui oses interrompre mon repos ? siffle-t-il furieux.
Le grand chef Indien lève les bras en signe de paix et dépose au
pied du serpent un arc magnifique et des flèches à la pointe d'or :
- Je ne suis qu'un pauvre homme, ô serpent, qui vient te demander
   un peu de nuit et de ténèbres. En échange, voici le plus beau
   présent que je puisse t'offrir.
Le serpent le fixe de son oeil immobile :
- Que puis-je faire d'un arc, ô homme, moi qui n'ai pas de mains ?
Le grand chef Indien songe qu'il a raison !

Il retourne chez les siens, convoque le conseil des Anciens qui,
après délibération, décide d'offrir au serpent une crécelle.
Sage idée, pense le grand chef. Elle lui sera utile pour accompagner
les danses de son peuple.
Et il s'aventure à nouveau au coeur de la forêt.
Le roi des serpents l'attend. Il considère la crécelle d'un air songeur :
- Que puis-je faire d'une crécelle, ô homme, moi qui n'ai pas de
   mains ?
Mais cette fois, le grand chef Indien a une réponse :
- Je vais l'attacher au bout de ta queue, ô serpent, cela t'amusera.
Ce qu'il fait. Et quand le roi des serpents remue la queue, la crécelle
tinte. Il trouve cela assez drôle, en effet. Alors il donne au grand chef
Indien un peu de nuit et de ténèbres, qu'il emprisonne dans un sac
en cuir. Le grand chef soupèse le sac, c'est bien léger !..
- Dis-moi, ô roi des serpents, que veux-tu en échange de la nuit
   toute entière et de ses ténèbres ?
Le serpent réfléchit, l'oeil mi-clos.
- Ce que tu demandes là est considérable ! Cent crécelles ne suffiront
   point. Apporte-moi plutôt une grosse cruche de ce terrible poison
   dont vous enduisez la pointe de vos flèches !

Sur ce, le grand chef Indien s'en retourne au village. Les siens le
reçoivent triomphalement et lorsque l'on ouvre le petit sac en cuir,
la nuit et ses ténèbres recouvrent la terre.
Les Indiens peuvent alors se reposer. Mais le sac est minuscule et la
nuit de courte durée. A peine le sommeil s'est installé sous les
paupières que la lumière l'en chasse bien vite.
Les Indiens ne s'accommodent point de ce jour si long et de cette
nuit si brève. On convoque à nouveau le conseil des Anciens qui
autorise alors le grand chef à porter au roi des serpents une cruche
pleine de poison.
C'est un long, très long travail que de recueillir goutte à goutte toute
cette quantité de poison, mais ils y parviennent, tant est grand leur
désir de ténèbres.
Et pour la troisième fois, le grand chef Indien s'enfonce dans la forêt.
Le roi des serpents a fait préparer dans un grand sac une longue
nuit pleine de ténèbres et il l'offre au grand chef en échange de la
grosse cruche de poison.
- Je te remercie au noms des miens, ô roi, dit le chef Indien. Mais,
   dis-moi, une chose m'intrigue : que vas-tu donc faire de ce terrible
   poison ?
Le serpent soupire :
- Vois comment nous sommes : petits, faibles pour la plupart,
   inoffensifs et désarmés. Trop de gens nous font des misères.
   Ce poison servira à nous défendre à l'occasion.
Le grand chef hoche la tête :
- Il est juste que tous puissent se protéger !
   Il met le grand sac sur son épaule. Mais le serpent ajoute :
- Surtout, n'ouvre pas ce sac avant d'arriver chez toi. Les ténèbres
   envahiraient la terre avant que je n'ai eu le temps de distribuer
   le poison à tous les miens.
Le grand chef promet et s'en retourne vers son peuple.

Mais sur le chemin, il rencontre un perroquet.
- Qu'as-tu sur tes épaules, ô grand chef Indien ?
A peine a-t-il répondu, que l'indiscret oiseau s'envole en criant à
tue-tête : L'homme porte dans son sac une longue nuit pleine de
ténèbres ! Venez tous !
Et tous les animaux s'attroupent autour du grand chef. Et ils
supplient : Montre-nous, montre-nous, ..
Le grand chef refuse, rappelant la promesse qu'il a faite au serpent,
mais les animaux ne veulent rien entendre, ils lui arrachent le sac
des mains et l'ouvrent en poussant des cris de joie.
Tout aussitôt, les ténèbres plongent la terre dans une nuit épaisse.
Ainsi qu'il l'a dit, le roi des serpents est en train de répartir le poison
entre les siens, mais la grande nuit noire l'empêche de poursuivre
sa tâche. Et pire, les serpents, affolés, se bousculent pour avoir leur
part et renversent alors la cruche de poison ..
Les uns ont réussi à emporter une grande quantité de poison,
d'autres un peu, et certains pas du tout.

Voilà pourquoi, aujourd'hui, il y a des serpents venimeux, dont la
morsure est parfois mortelle, et des serpents qui ne le sont pas.
Ce n'est pas toujours facile à deviner.
Sauf pour la famille du roi : ceux qui en font partie portent tous une
crécelle au bout de la queue, .. vous savez, ce petit cadeau amusant
du grand chef Indien !

                 
                                       "Légende des Indiens d'Amérique"
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Mai 2014 à 09:15:24
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Léon, le rat de bibliothèque

La famille s'était installée dans le bâtiment, il y a bien longtemps.

Léon se souvient de ses jeunes années, quand lui et ses frères couraient dans les rayonnages, et après avoir effrayé quelques visiteurs, se réfugiaient dans les coins les plus reculés, où la lumière avait du mal à passer.

Il aimait grimper sur les étagères les plus hautes.

Elles étaient très poussiéreuses, mais il pouvait avoir une vue d'ensemble des tables, qui à une époque étaient couvertes de livres et encyclopédies consultés par une jeunesse avide de connaissances.

A la mort de ses parents, pris au piège dans les caves, le reste de sa famille avait déménagé. Ses sœurs étaient parties pour l'opéra, ses frères vers les égouts de la ville, et ses cousins et cousines à la campagne.

Léon se plaisait dans cette bibliothèque et puis, il n'y était pas seul, il avait une amie, Mademoiselle Angèle !

Il se souvenait d'elle, alors qu'elle était une toute jeune fille.

Elle portait des lunettes avec des verres grossissants, et une fin d'après-midi, alors qu'elle remontait des livres de poésie du dix-neuvième siècle sur la plus haute des étagères,  leur regard s'était croisé.

On ignore lequel des deux fut le plus apeuré.

Elle avait failli glisser de l'échelle bancale, et lui, il s'était coincé la queue entre « Les chants de Maldoror » et « L'après-midi d'un faune ». Lautréamont et Mallarmé n'étaient pas parmi ses auteurs favoris, il avait eu beaucoup de mal à les digérer.

Léon adorait les livres, surtout ceux avec des couvertures en cuir et fines dorures.

Angèle avait bien essayé de le faire fuir, en le poursuivant avec du Maupassant et du Flaubert. Elle avait même presque réussi à l'assommer avec un roman plus volumineux de Victor Hugo.

L'agilité de Léon avait eu raison des ressources littéraires d'Angèle.

Un soir, alors qu'elle rangeait les derniers livres qui trainaient sur une table, et tout en faisant de la place dans une rangée, elle toucha une matière aussi douce que du velours.

L'étagère n'étant pas bien haute, elle monta sur un tabouret et aperçut une masse informe, inerte, toute recroquevillée.

Elle hésita à la déplacer, puis reconnut le rat qui la narguait depuis plusieurs mois.

La créature semblait en piteux état. Elle avait les yeux mi-clos et le ventre ballonné.

Angèle aperçut un Walter Scott, « Le lai du dernier ménestrel » dont le cœur avait été déchiqueté.

La bibliothécaire prit le coupable entre deux livres et le plaça sur une table de lecture.

Elle se rendit ensuite dans le rayonnage contenant les encyclopédies et traités de médecine.

Elle parcourut rapidement les quelques pages traitant de l'indigestion.

Souffrant elle-même de l'estomac, elle avait dans son sac un flacon de bicarbonate de sodium.

Léon gémissait sur la table, il se tordait de douleur.

Angèle dilua la poudre dans l'eau, prit son mouchoir, le trempa dans le verre et fit couler goutte à goutte le liquide dans la bouche du petit animal.

Leur regard se croisa à nouveau, mais il n'y avait plus de peur, juste un peu d'inquiétude dans celui d'Angèle, et de la gratitude dans celui de Léon.

Elle aménagea dans le tiroir de son bureau, un petit espace et l'y installa.

Le lendemain matin, Léon avait quitté sa couche de fortune.

En fin de journée, Angèle l'entendit chicoter. Elle avait gardé les restes de son repas de midi, et les déposa sur la plus haute des étagères, où elle savait qu'il résidait.

Léon se régala de pain de mie et de fromage.

Jour après jour, Angèle lui installait un petit plateau, contenant ce mets qu'il s'était mis à apprécier, tant et si bien qu'il s'était désintéressé des livres.

Il ne les rongeait plus. Il attendait que son amie ferme la grande porte et l'éclairage des lampes des tables, pour la rejoindre sur son bureau.

Pendant qu'elle lui faisait la lecture, Léon s'empiffrait de nourriture plus terrestre.

Pour se rapprocher d'elle, il s'installa sur les étagères des livres pour enfants. Il avait une préférence pour les contes des frères Grimm, même si le « Joueur de Flûte de Hamelin », lui avait donné des cauchemars.

A présent la bibliothèque est fermée, mais dans un petit appartement du centre-ville, un vieux rat fait la lecture à une dame âgée, dont les verres de lunettes grossissants ne sont  plus d'aucune utilité.

M.H.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Mai 2014 à 14:28:42
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Vivance


Dis Belle Maman, raconte moi une histoire ...


" Le conte de la grand-mère qui inventa un mot nouveau et rare"

Grand-mère ! dit le petit garçon, apprends-moi des mots neufs. Des mots encore plus beaux que ceux d'hier, plus beaux que ka-léi-dos-co-pe, plus rigolos que ceux qui font des bruits comme cla-po-tis, chu-cho-te-ments... Encore, grand-mère, encore ! La vieille femme sourit. Le temps est venu, se dit-elle. Il est prêt !

Oui, j'ai un beau mot pour toi. Je vais t'aider à le trouver...

Oh ! oui, j'adore les devinettes, dit l'enfant en sautillant.

Voilà. C'est un mot qui contient les plus belles valeurs du monde...Un mot qui est présent en toi et tout autour de toi si tu sais le ressentir.

C'est facile ! c'est...la Vie ! Ce qui est présent en moi et tout autour de moi, c'est la Vie !

Oui bien sûr, il y a de la vie dans ce mot, d'abord de la vie. De la vie vivante, toute joyeuse. De celle qui chante dans tes oreilles chaque matin, avant même que tu ouvres les yeux. Un élan de vie qui te fait dire en regardant le ciel chaque jour : Merci pour ce bleu. Tant mieux pour cette pluie, la terre a soif. Quel vent ce matin ! ça nettoie tout le ciel, mais fermez un peu les portes en haut, ça fait courant d'air ! Un mot qui peut dire l'élan, la fougue, l'enthousiasme. Imagine-toi grimpant vers le haut d'une colline. Tu es presque au sommet, c'est tout clair, c'est tout rond d'herbe verte. Tu marches, il y a l'air vif qui souffle à tes oreilles, tout autour s'étend à perte de vue l'immensité du paysage. C'est tellement beau que tu en as le souffle coupé. Ton cœur déborde presque. Tu te sens fort, grand et petit en même temps, léger comme un oiseau, tu te sens aussi libre que le vent. Tiens, tu pourrais t'envoler, être le vent toi-même...

C'est le bonheur, grand-mère ?

Il y a du bonheur dans le mot, oui, mais cherche encore... Quand tu mets du bon dans tout ce que tu fais, quand tu sais ouvrir tes yeux pas seulement pour voir, mais pour regarder, alors tu peux t'émerveiller de tout et d'un rien, du gazouillis d'une mésange, d'un sourire reçu, de la force du brin d'herbe qui pousse dru dans le bitume du trottoir, de la lumière d'or des étoiles. Quand une fleur devient le plus beau des bouquets du monde, que ton regard se fait caresse pour dire en silence toute ton émotion, quand tu accueilles les bras qui t'aiment et que tu est si plein de désir et d'amour que tu rayonnes comme un soleil...


J'ai trouvé, j'ai trouvé, c'est Soleil d'Amour ! C'est un petit nom que tu me donnais, grand-mère, quand j'étais petit !

Oui, tu es ce soleil-là et il y a de l'amour dans ce mot, mais cherche encore, cherche... C'est un mot qui te dit aussi d'avoir du courage, même quand il y a du gris dans ta vie. Un mot lucide qui n'exclut pas les peines et les difficultés. Un de ceux qui te permettra aussi de trouver toi-même dans chaque évènement difficile, le petit bout de ciel bleu, l'infime lumière qui te redonnera confiance en toi, et surtout en la vie qui est en toi.

C'est l'espérance !

Tu y es presque, continue, continue... Un mot qui contient la Vie, la Joie, l'Enthousiasme, la Tendresse des petits bonheurs, le Courage, le Désir, l'Amour, la Confiance, l'Espérance !

Il existe, grand-mère, ce mot qui dit tout ça à lui tout seul ?

Oui, mon petit... C'est le mot Vivance. C'est la Vivance dans la vie !

C'est un joli mot Vivance, grand-mère !

Murmure-le, écoute-le... Tu l'entends rire dès que tu le prononces...

Vivance !

C'est un mot précieux, tu sais...

Un mot près-des-cieux ?

Oui, dit-elle en souriant. Il vient certainement du ciel, peut-être même du pré-des-cieux... C'est un mot si précieux qu'il est mon héritage pour toi ! C'est qu'il me vient de loin, tu sais, de mon enfance, de ma maman à moi, de mon histoire... Il vient de toute ma lignée et je te l'offre aujourd'hui car le temps est venu... Cette Vivance, elle est la force vive qui donnera plus de vie à ta vie. Je la dépose en toi comme une graine pour qu'elle germe, qu'elle éclose, qu'elle resplendisse, qu'elle fructifie, afin qu'un jour toi aussi tu puisses à ton tour la transmettre à d'autres, à ceux que tu aimeras, que tu aideras, que tu accompagneras... Ouvre la bouche, tire la langue, ferme les yeux, mon petit Soleil d'Amour...Et...hop ! dit la grand-mère, en riant, la graine de Vivance est en toi ! N'oublie pas, c'est pour toute ta vie. La Vivance de la vie, c'est le plus beau cadeau que tu puisses faire à ta propre vie.

J.S.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Mai 2014 à 14:00:57
(http://img4.hostingpics.net/pics/658862cheR.jpg)
L'arbre qui n'avait pas d'amis

Le bouleau gris est triste. Seul, au milieu du pré vert, l'arbre a des idées noires. Il gémit : « Je suis toujours tout seul dans ce champ. Parfois le vent vient jouer dans mes feuilles, mais il ne reste pas bien longtemps. »

Le bouleau pousse un petit soupir et ses branches frémissent. « Si j'avais des jambes pour marcher, j'irais dans la forêt, mais je n'ai que des racines. On ne marche pas avec des racines. Alors je reste ici et je m'ennuie toute la journée. » Il pousse un très gros soupir et toutes ses feuilles tremblent très fort. Une chenille rousse qui grignotait au bout d'une branche lui crie de toutes ses forces :

- Un peu de calme! Je mange!

- Qui a parlé? Demande le bouleau.

La chenille s'agite sur sa feuille.

- C'est moi. je viens ici tous les jours. Je mange un peu de tes feuilles.

- Je ne t'ai jamais remarquée, s'étonne le bouleau.

- Je ne te parle pas. Tu as toujours l'air si sérieux, dit la chenille.

Le bouleau est très surpris. Il a une locataire et il ne le savait même pas.

- L'araignée pense comme moi, ajoute la chenille.

- Quelle araignée? Demande le bouleau.

- Tu ne la connais pas? Dit la chenille. Elle tisse des toiles dans tes branches pour faire la chasse aux fourmis? Elle vient tous les matins, juste après les écureuils?

- Les écureuils!

Le bouleau est de plus en plus surpris.

- Eh oui! Dit la chenille. Il y a tout un monde qui grouille autour de toi : des insectes, des oiseaux, des rongeurs.

Le bouleau est tout excité par cette nouvelle. Il n'est plus triste. Il redresse ses branches et son tronc. Il se tient droit. Il est tout beau. De loin, on le voit bien. Un chardonneret jaune qui passait par là voit ce bouleau tout fier. Il s'approche et lui demande :

- Pardon, aimez-vous les oisillons? Je cherche un arbre solide et gentil pour construire un nid pour ma famille.

Le bouleau est ravi. Il s'écrie :

- Moi qui me pensais seul dans ce champ. Quelle erreur!

C'est comme ça qu'un grand bouleau gris, au beau milieu d'un pré vert, est devenu la maison des chardonnerets jaunes.


Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Mai 2014 à 16:47:12
(http://img4.hostingpics.net/pics/232724tigre.jpg)
La petite souris et le Grand Lama ( conte tibétain )

Au sommet du monde, dans les montagnes de l'Himalaya, vivait un sage. Un grand Lama, comme on dit là-bas. Cet homme était connu dans toute l'immensité du Tibet pour son intelligence et sa bonté. Un matin, en sortant de chez lui, voici ce qui lui arriva.

Le Grand Lama pousse la porte de sa maison, passe un pied puis l'autre et « coui », un petit cri retentit près de lui. Un cri franchement petit. Le Grand Lama se baisse, tend l'oreille, cherche sous la pierre et que voit-il ?

Une petite souris blottie, toute transie par le froid de la nuit. Bientôt la petite souris a si chaud qu'elle revient à la vie.

Le Grand Lama lui offre un peu de lait tiède de yak et la petite souris, ragaillardie, se met à couiner poliment :

- Rimpoché (un nom qui veut dire le « haut précieux » et qui est signe de grand respect), je n'oublierai jamais que tu m'as sauvé la vie. Mais je serai toujours trop petite pour te remercier à bon prix !

- Détrompe-toi, répond le Grand Lama. Il suffit que tu restes ici, à me tenir compagnie. Dans ma chambre souvent je m'ennuie. Et puis, chez moi, tu n'auras jamais froid.

Et c'est ainsi que la petite souris commença une nouvelle vie, dans la chambre du Grand Lama. Elle était choyée comme une princesse. Ses jours s'écoulaient tranquillement à jouer sur le grand tapis de soie, celui aux mille voyages. Et, à chacun de ses couchers, le Grand Lama la berçait de ses histoires préférées.

Pourtant, dans le gris de ses yeux, quelque chose n'allait pas. Un soir, le Grand Lama s'en inquiéta :

- Qu'as-tu Petite Souris ? Regrettes-tu la montagne et le froid ?

Dès le printemps, si tu veux, tu y retourneras.

- Oh, non, non, Rimpoché, répond la petite souris, je ne regrette rien, ni la montagne, ni le froid, mais...- Mais quoi, Petite Souris ?

- Rimpoché, c'est que... ma vie est douce près de toi et les gens de ta maison sont tous bons pour moi, mais il y a le chat !

A ces mots le Grand Lama pouffe de rire .

Il n'avait pas pensé au chat.

Un animal trop bien nourri pour s'occuper d'une souris !

- Tu n'as rien à craindre, je t'assure, mon chat ne ferait pas de mal à une souris !

- Je te crois, couine timidement la souris, mais c'est plus fort que moi. Voilà, j'ai peur du chat!

Le Grand Lama s'assied et il se met à réfléchir tandis que la petite souris trépigne.

- Rimpoché, chuchote-t-elle un peu gênée, je crois que j'ai une idée : transforme-moi en chat et je serai heureuse près de toi !

Le Grand Lama hésite, hoche la tête, mais devant la petite souris suppliante, il finit par
décider :

- Puisque c'est ainsi, Petite Souris, que ton désir se réalise ! Aussitôt dit, la petite souris devient un beau chat gris.

Au petit matin, le beau chat gris sort tête haute de la chambre du Grand Lama. Mais juste après la porte, il rencontre le chat de la maison qui revient de la cuisine.

Le beau chat gris prend peur, il fait le gros dos, il crache, il miaule, il souffle devant l'autre chat, ahuri. Et, pour finir, il se précipite, les poils tout hérissés, dans la chambre du Grand Lama.

En le voyant dans cet état, le Grand Lama, se désole :

- Qu'as-tu à présent ? Tu n'as tout même pas eu peur de mon chat si gentil ?

La petite souris-chat a tellement honte qu'elle répond :

- Oh, non, non, Rimpoché, ce n'est pas ton chat qui m'a fait peur, c'est un chien. Un chien géant, qui m'a montré ses dents !

Le Grand Lama se met à réfléchir, il hésite, il hoche la tête puis il finit par demander :

- Voudrais-tu devenir chien, par hasard ?

- Oh Rimpoché, ta bonté n'a pas de limite !

- Puisque c'est ainsi, répond le Lama, que ton désir se réalise !

Aussitôt dit, le beau chat gris devient un superbe chien gris.

Vers l'heure de midi, le superbe chien gris sort triomphant de la chambre du Grand Lama. Mais, dans la cour, il croise à nouveau le chat de la maison qui se lèche les babines.

Le chat, épouvanté par cet énorme chien, s'enfuit en miaulant affreusement.

Quant au chien, encore plus terrifié, il bondit en aboyant comme un fou avant de se réfugier dans la chambre du Grand Lama.

Cette fois, le Grand Lama sursaute et s'inquiète :

- Qui t'as fait peur ainsi ? Un autre chien, plus fort que toi ?

La petite souris-chien, la tête sous le tapis, répond morte de honte :

- Oh, non, non, Rimpoché, figure-toi que dans la cour, je viens de rencontrer un tigre. Un tigre géant qui m'a sorti ses griffes !

Le Grand Lama se met à réfléchir, il hésite, il hoche la tête, puis, il finit par dire :

- Je comprends ton malheur et ta peur.

Veux-tu alors que je te transforme en tigre ?

- Oh, Rimpoché, répond la petite souris-chien en sortant sa tête de dessous le tapis, ce serait sûrement la fin de tous mes soucis !

A la tombée du jour, un puissant tigre au pelage d'or quitte la chambre du Grand Lama. Il se promène fièrement dans la maison, faisant fuir tous ses habitants. Soudain, dans la pénombre, il rencontre le chat de la maison qui s'en retourne vers la cuisine.

A la vue du tigre, le chat, se croyant déjà mort, s'élance en haut du toit. Mais à la vue du chat, le tigre, encore plus fou de peur, s'enfuit hors d'haleine dans la chambre du Grand Lama et se cache sous le matelas.

Le Grand Lama n'en croit pas ses yeux :

- Pauvre tigre, quelle horrible bête a osé te menacer ?

- Oh, la plus monstrueuse qui soit, Rimpoché.

Une bête comme tu n'imagines pas !

- Mais il n'y a pas d'animal plus effrayant que le tigre dans toute l'Asie ! s'étonne le sage.

- Oh si, il y en a un, je t'assure...

- Mais qui est-il ?

Réponds-moi ! insiste le Lama.

- C'est... c'est... je veux dire que c'est... C'est le chat ! bafouille le tigre encore tout essoufflé.

Alors le Grand Lama éclate de rire et dit :

- Tu vois, Petite Souris, ce qui compte c'est ton cœur de souris. L'apparence ne change rien.

Tu auras beau être transformée en chat, en chien, en tigre, tu auras toujours peur du chat parce que tu es, toi,  une souris. Voilà !

Et c'est ainsi que la petite souris-chat-chien-tigre redevint petite souris pour la vie.



FIN

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Mai 2014 à 14:15:07
(http://img4.hostingpics.net/pics/657709clp1.jpg)
Le grand voyage du petit mouton-nuage

Il était une fois un petit mouton très mignon qui était si petit que le moindre coup de vent l'emportait comme une plume. Ce n'était pas seulement parce qu'il était petit qu'il pouvait voler ainsi. C'était aussi à cause de sa toison* très particulière. Au lieu de porter un lourd manteau de laine bouclée et rêche* comme les autres moutons, ses poils étaient si doux et si légers qu'on avait l'impression qu'il était entouré de mousse, comme celle d'un bain. On aurait dit un petit nuage sur pattes. Pour éviter qu'il ne s'envole, le berger était obligé de l'attacher à un autre mouton ou à un arbre. Quand le vent soufflait sur la prairie, on voyait donc le petit mouton flotter, tel un joli ballon blanc, au-dessus du troupeau.

Mais, par un jour d'automne où l'orage menaçait, le berger se hâta de rassembler ses animaux et rentra à la bergerie en oubliant le petit mouton, attaché à son arbre. Le pauvre animal bêlait* à l'aide pour que quelqu'un vienne le chercher, mais personne ne l'entendait... Enfin, pas tout à fait. Ses plaintes attirèrent l'attention des nuages qui passaient par là. Un gros nuage se pencha et s'écria : « Oh, regardez là-bas, ce bébé nuage qui pleure. Le pauvre, il a dû s'accrocher aux branches de cet arbre. Allons tout de suite le libérer. » C'est ainsi que le petit mouton partit avec les nuages.

Il resta longtemps tout là-haut, dans le ciel. Si longtemps qu'il eut le temps de faire plusieurs fois le tour de la planète. Il survola les mers et les continents et put admirer d'en haut ce que la Terre avait de plus beau. Et, pendant tout ce temps, le petit mouton grandissait et ses poils poussaient. Tant et si bien qu'il finit par devenir aussi gros que ses amis nuages et, malheureusement, bien plus lourd qu'eux...

Alors, tout doucement, il descendit et finit par se poser sur une île perdue au milieu de l'océan. L'île fut immédiatement noyée dans un brouillard à couper au couteau. C'était comme de la toile d'araignée qui s'accrochait partout. Personne n'avait jamais vu un brouillard pareil. Et pour cause... Les premiers jours, les habitants de l'île trouvèrent ça plutôt amusant, surtout les enfants, qui avaient l'impression de bouger dans une espèce de barbe à papa géante. Puis, les jours passant, cela devint beaucoup moins amusant, car on ne pouvait plus rien faire et personne ne savait comment se débarrasser de cette étrange couverture tombée du ciel.

Jusqu'au jour où une petite fille qui s'appelait Lena et qui en avait assez de rester enfermée chez elle, ouvrit sa fenêtre et attrapa un morceau de brouillard. Le morceau de brouillard s'étira et se transforma en un long fil. Lena tira dessus de plus en plus vite. C'était rigolo et ça venait tout seul, si bien qu'elle se retrouva en quelques minutes avec, à ses pieds, un gros tas de fil. Alors, elle en fit une pelote*. Puis une autre, et encore une autre, et ainsi de suite. Ne sachant que faire avec toutes ses pelotes, elle les apporta à sa grand-mère. « Quelle magnifique laine ! » s'exclama la grand-mère. Elle prit deux grandes aiguilles et se mit à tricoter des pulls, des chaussettes et plein d'autres vêtements. Quelques jours plus tard, à force d'être filé* et tricoté, le brouillard bizarre s'effilochait* de plus en plus. Bientôt, il n'en resta qu'un petit nuage à quatre pattes posé au milieu du jardin de la maison de Lena. La petite fille s'en approcha et le caressa. Le nuage frémit et fit « Bêêêê ! » puis s'envola.

Quand Lena et sa grand-mère expliquèrent aux habitants de l'île que le brouillard était en fait la laine d'un mouton tombé du ciel, personne ne les crut, bien sûr. En revanche, tout le monde voulut avoir un de leurs merveilleux tricots, si doux et si légers que lorsqu'on les enfilait, on avait l'impression de flotter comme un nuage.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Mai 2014 à 12:35:37
(http://img4.hostingpics.net/pics/499207portrait.jpg)
Le portrait

C'était il y a bien longtemps, au pays du soleil levant.

                Un jeune paysan vivait avec sa femme.

                Depuis qu'ils étaient mariés,

                il restait là, assis, toute la journée, à la contempler.  

                Elle était si douce, si belle, qu'il ne pouvait la quitter des yeux.

                Pourtant il y avait beaucoup à faire dans les champs de riz et dans la ferme.

                Les champs surtout auraient dû être labourés après la récolte.

                Mais le paysan restait là, à regarder sa femme,

                et il ne faisait rien d'autre.

                Un jour elle lui dit : « Cela ne peut pas durer !

                Si tu ne travailles pas, nous allons bientôt être tout à fait pauvres.  

                Fais donc faire un portrait de moi,

                et installe-le à la lisière du champ de riz

                Ainsi, tu pourras toujours me contempler tout en travaillant.

                Le jeune paysan trouva l'idée excellente.  

                Il fit faire un portrait de sa femme.

                Il le fixa entre deux tiges de bambou

                et le plaça à la lisière du champ.

                Chaque fois qu'il faisait demi-tour avec sa charrue,

                Il se réjouissait    

                à la pensée de regarder à nouveau le portrait de sa jolie femme.

                Bien des jours passèrent ainsi.          

                Et le paysan et sa femme vivaient contents et heureux.


                Mais un jour...

                un vent violent et soudain se leva

                et s'empara du portrait.  

                Il l'emporta loin,

                loin, toujours plus loin,

                et le laissa finalement tomber dans les jardins d'un château.

                Maintenant, il gisait là, dans une plate-bande.

                Un jardinier qui passait par là ramassa le portrait.
         
                Il  l'apporta à son maître, le prince qui vivait dans ce château.
     
                Longtemps le prince contempla le portrait de la belle jeune femme,

                sans pouvoir se rassasier de cette vue.

                Puis il fit venir ses serviteurs et leur dit :  

                Cherchez cette femme dans tout le pays !

                Cherchez là partout et amenez-la auprès de moi ! ».

                Alors, dans chaque village,

                dans chaque maison,

                dans chaque coin du pays,

                on se mit à chercher cette jolie femme,

                jusqu'au jour où, enfin, on la découvrit.

                Elle était assise à la cuisine, en compagnie de son mari,

              «Tu dois nous suivre immédiatement !  Lui dirent les serviteurs.
           
               C'est un ordre du prince ! »  

               Rien ne put faire fléchir cet ordre.
           
               Elle dut les suivre.

               En prenant congé de son mari, elle lui chuchota :

            «Fais bien attention à ce que je vais te dire :
     
              prends ces trois pêches,
   
              mets les en terre.
   
              Il te faudra bien arroser

              et bien soigner les trois petits arbres qu'elles donneront.
   
              Au bout de trois ans, ils fleuriront et porteront des fruits.
   
              Quand les pêches seront mûres, cueille-les
   
              et rends toi au château du prince.
 
              Là, promène-toi partout et tâche de les vendre ».

              Le jeune paysan fit exactement ce que sa femme lui avait ordonné.
         
             Il  mit les pêches en terre et les  arrosa.
       
             Quand plus tard les petits arbres se  mirent à pousser,

             il les  soigna de son mieux.
         
             Bien que plein d'impatience, il  attendit  trois années.

             Les petits arbres eurent des fleurs roses comme des joues de bébé.

             Puis vinrent les fruits.

             Quand ils furent bien mûrs, il les cueillit,

             Les installa dans un beau panier d'osier, et se rendit dans la ville.

             Arrivé là,  il se mit à  aller et venir dans la cour du château  en vantant ses fruits :  

                           « À vendre !
       
             Belles pêches à vendre !
         
             Belles pêches mûres à vendre ! ».

             Quand sa femme, à l'intérieur du château,  

             entendit la voix de son mari, elle se mit à rire de joie.

             Le prince s'en réjouit,

             car tout au long de ces trois années qu'elle avait passées auprès de lui,

             il ne l'avait jamais entendu rire.  

             Il fit venir le jeune paysan

             et lui ordonna de se promener non seulement dans la cour,

             mais aussi dans les jardins du château, pour y vendre ses pêches.
               
             Le jeune paysan se rendit donc dans les jardins et cria :

                          « À vendre !
             
             Belles pêches à vendre !
           
             Belles pêches mûres à vendre ! ».

             Sa femme rit de plus belle, et fut de plus en plus gaie.
   
             Le prince finit par devenir jaloux de ce vendeur de pêches

             qui procurait une telle joie à sa belle.
       
             Il aurait bien voulu la rendre aussi heureuse.

             Longtemps il se demanda comment faire.
 
             Finalement une idée lui vint.

             Il fit venir le jeune paysan et lui ordonna de se déshabiller.
   
             Bien que surpris, le jeune homme obéit.
   
          « Et maintenant, mets mes vêtements ! »
 
             lui dit le prince d'une voix bourrue.
   
             Le jeune paysan ne savait pas ce que tout cela voulait dire,

             mais il mit les superbes vêtements du prince,

             et celui-ci, de son côté, enfila la blouse du paysan.
                 
          « Attends-moi ici ! » ordonna le prince.

            Puis il prit la corbeille de pêches et se rendit dans les jardins du château.
 
            Là il se  promena en criant :

                        « À vendre !
             
                      Belles pêches à vendre !
           
                      Belles pêches mûres à vendre ! ».

            Ainsi qu'il l'avait espéré, la jeune femme se mit à rire

            et le prince l'entendit rire à l'intérieur du château.
 
            Mais cette fois elle riait parce qu'elle était heureuse de revoir son mari,  

            de le revoir enfin après ces longues années de séparation.
 
            Folle de joie elle s'était jetée dans ses bras.

            Cependant le prince était persuadé que c'était lui qui la faisait rire ainsi

            et il continua donc à se promener en criant  de plus belle :  

                       « À vendre !
             
                       Belles pêches à vendre !
           
                       Belles pêches mûres à vendre ! ».

            Sans s'en apercevoir, il quitta les jardins et arriva dans la cour.
   
            De loin il entendait toujours rire la jeune femme.

            Quand il passa devant le grand portail, le gardien l'aperçut et se dit :

          « L'insolent !
 
           Nul ne doit circuler ici et vendre ce qui lui plaît.
 
           Quelle impudence ! »

           Il envoya dans la cour deux soldats

           pour qu'ils s'emparent du vendeur de pêche et le jettent dehors.
       
           Lorsque les soldats empoignèrent le prince, celui-ci se débattit et s'exclama :
   
          « Halte !    

           Ne me reconnaissez-vous pas ?
       
           Je suis le Roi !
     
           Personne n'a le droit de me toucher ! »

           Mais les soldats ne le crurent pas car il portait la simple blouse des paysans.
     
           Ils le chassèrent donc et refermèrent soigneusement le portail derrière lui.

           Le jeune paysan et sa femme, eux, à partir de ce jour,

           vécurent au château

           et furent heureux jusqu'à la fin de leurs jours....
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Mai 2014 à 19:00:04
(http://img15.hostingpics.net/pics/293907tulipe1.jpg)
Le nain et la Tulipe.

Dans une vallée enchanteresse vivait un nain très gentil et très courageux qui portait le nom de Ptit Boy.
Lors d'une discussion avec son père, ce dernier lui tint ce langage : « Mon fils, Je ne sais vraiment pas ce que je pourrais faire de toi, tu es si petit qu'il te sera difficile de jouer avec d'autres enfants, et tu n'es pas assez fort pour affronter l'adversité de la vie. Vraiment ta taille représente un véritable handicap ... ».
« Pas d'accord!! Même en étant petit je peux faire de grandes choses ! Tu verras ! » Lui rétorqua son fils.

Une après-midi, sortant avec son père pour cueillir des tulipes, Ptit Boy dit : « J'aimerais y aller seul pour te prouver que ma taille n'est pas un si gros défaut ! ».
Son père réfléchit, hésita pendant quelques secondes... Néanmoins, il accepta « D'accord fils. Je te laisse y aller seul, mais fait bien attention à ne pas cueillir la fille de Madame Fleure. »
« A quoi ressemble t-elle cette fleur que je ne dois pas cueillir ? » demanda le nain.
Son père répondit « Je ne sais pas, cela fait longtemps que je ne l'ai pas vu, je sais juste qu'elle se prénomme Petitefleure. Tu iras demander à Madame Fleure une description de son enfant avant de couper la moindre tulipe.»

Arrivé dans le champ de tulipes, Ptit Boy alla comme lui avait demandé son père, trouver Madame Fleure.
« Bonjour Madame Fleure, je suis ici pour cueillir des tulipes. Pouvez-vous me décrire votre enfant pour ne pas que je la coupe ? »
Madame Fleure répondit « Bien sûr ! Petitefleure est une tulipe magnifique, c'est la plus belle des fleurs de ce champ et puis même si tu le voulais tu ne pourrais pas lui faire de mal en vue de sa beauté. »

Après cette brève description Ptit Boy s'enfonça dans le champ...
Alors qu'il ne voyait plus que des tulipes à perte de vue, Ptit Boy entendit une voix féminine qui chantait.
Le nain décida d'aller voir de plus près.
C'est alors qu'il vit une naine d'une beauté sans pareil, Ptit Boy n'arrivait plus à détacher son regard de cette petite femme et finit par trébucher contre une racine en voulant s'approcher d'elle.
La naine alertait par le bruit, se retourna et rigola en voyant le petit nain par terre et rouge comme une tomate...
"Je m'appelle clémence, quel est ton nom?"
"Je... je m'appelle... Ptit Boy"

Et c'est ainsi que les deux petits êtres passèrent l'après-midi main dans la main, dans ce champ de tulipes.
Soudain ils s'arrêtèrent devant une tulipe magnifique, c'était de loin la plus belle qu'ils n'aient jamais vu!
C'est alors que Clémence chuchota à l'oreille de Ptit Boy : "Tu ne voudrais pas la cueillir pour moi ?"
Sans réfléchir, le nain fonça vers la magnifique fleur, et s'apprêta à la couper.
Avant de donner le premier coup de hache, Ptit Boy repensa aux paroles de Madame Fleure.
Il comprit alors que cette Tulipe était sa fille, Petitefleure.
"Je ne peux pas, on m'a interdit de la cueillir.»
"S'il te plait, offre moi cette jolie tulipe, nous ne diront rien à ton père !"
Ptit Boy craqua sous le charme de sa douce Clémence et lui offrit la tulipe.

Madame Fleure, ulcérée, alla se plaindre au Dieu des tulipes :
« Dieu, un nain a cueilli mon enfant. Veuillez venger ma fille, s'il vous plaît ! »
Dieu répondu :
« Pour cet acte odieux, il aura la punition qu'il mérite ! »
C'est ainsi que le nain se réveilla le lendemain matin, transformé en tulipe.
Son père croyant que celui-ci s'était enfuit, parti à sa recherche après avoir mit dans son sac, la jolie tulipe qu'il avait trouvé sur le lit de Ptit Boy.

Moralité : L'amour ne doit pas rendre aveugle.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Mai 2014 à 14:37:42
(http://img4.hostingpics.net/pics/442729cudododo1.jpg)
L'Ecureuil et la Corneille

On contait jadis qu'une cigale ayant dansée tout l'été fut alors bien dépourvue une fois l'hiver venu à contrario de sa cousine, une fourmi travailleuse ayant fait provisions durant toute la saison chaude et qui se moqua de son oisiveté et de sa condition bien dramatique.
Mais n'en déplaise, la morale a parfois ses exceptions comme le démontra l'histoire suivante ayant pour acteurs un Ecureuil, toujours inquiet, et son amie, une belle Corneille noire et malicieuse.



- Hé bien maître des noisettes ! Vous me semblez fort agité. Quel est donc le souci qui taraude votre esprit et les turpitudes le torturant ?
- Pas un souci, Dame noire, non, mais un terrible dilemme ! Mon grenier n'est point assez pourvu et je frissonne déjà des premiers vents froids annonçant l'hiver sur nos terres !
La Corneille, perchée sur une branche non loin du trou de l'arbre servant d'abri à notre Ecureuil, sembla ricaner, une leur maligne brillant dans son regard.
- Vous m'en voyez là désolée bien que surprise ! N'avez-vous pas œuvré tout l'été amassant sans lasse tout ce qui peut se grignoter ? Comment donc cette frénésie de labeur pourrait vous faire craindre le manque de quelques denrées superflues ?
- C'est-à-dire que ma tâche, bien qu'imparfaite, n'aura certes point été vaine mais j'ai disséminé ci et là dans la lande, en des caches connues de moi seul, la plus grande partie de mes récoltes. Mais comment récupérer le reste de cette moisson pour fourbir mon grenier
et laisser ce dernier sans garde ?
La Corneille eut cette fois une lueur sournoise dans ses yeux vifs et ardents.

- Mais partez donc sans crainte mon ami. Je veillerais sur votre nid pour qu'aucun maraudeur ne vienne en pénétrer le seuil et subtiliser votre trésor si difficilement accumulé !
- C'est-à-dire... heu... n'y voyez-là rien de personnel mais, si j'ose dire, je ne puis être sûr que votre vigilance soit suffisamment soutenue pour qu'aucuns oiseaux de mauvais augures n'en abusent !
- Quelle suffisance ! Mon pauvre Ecureuil votre dilemme n'aura jamais de cesse de hanter votre esprit si vous n'y trouver raison ! Ô, certes, je ne puis dire que la garde de votre butin ne me voit pas là en ôter une part, mais vous en auriez tiré le bénéfice, en contrepartie, de la fin de vos soucis ou pire d'une mise à sac par quelques maraudeurs...
- Je vous fais confiance, chère voisine, mais je crains que je n'accorde plus de défiance à votre gourmandise, attisée par votre famine indolente de cet été, et à votre gésier trop large à mon goût !

De toute évidence, comme la fourmi, l'Ecureuil n'était pas prêteur !
La Corneille continua à flâner, profitant des derniers jours du Soleil, laissant notre ami désappointé et tourmenté par l'arrivée de l'hiver, par les voleurs (surtout ceux couvert de plumes noires), par ses caches gorgées de provisions, par son grenier pauvre en denrées mais plus encore par son dilemme. Il n'en dormit plus, tournant dans tous les sens pour y trouver sens... rien n'y fit !
Cependant le manque de pluie des derniers jours le força à aller assouvir sa soif au ruisseau traversant la lande, pas trop loin de son arbre, non sans s'être assuré que nul n'y rôdait...


- Hé là, hé là ! L'Ecureuil ! Allons réveillez-vous ! Dit d'une voix criarde et étouffée la Corneille.
- Mais que fais-je ici ? S'inquiéta notre rongeur. Car, il le comprit aussitôt, la fatigue des dernières nuits à rester sans repos l'avait plongé dans le sommeil au bord de la rive.
- Soyez heureux mon ami ! Votre dilemme est résolu ce qui vous rendra plus obligeant envers ma personne. Un bûcheron s'est occupé de le trancher, si j'ose dire, en débitant votre noyer ! Par chance mon gésier, si large selon vos dires, m'aura permis de sauver un peu de votre trésor !

Et si vous vous étiez décidé plus tôt j'aurai pu sauver davantage que ces déglutis...

Celui qui ne trouve pas de sens à ses pensées
Reste souvent éveillé et nerveux toute la nuit durant :
Alors quand, las, arrive le matin,
Il se trouve avec les mêmes ennuis qu'au coucher !

V.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Mai 2014 à 16:12:27
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ES-TU MON AMI ?

Il était une fois deux amis qui suivaient des cours chez un même vieux lettré du village. Ils étaient inséparables malgré leur différence de caractère. L'un, Luu Binh, était studieux, travailleur ; l'autre, Duong Lê, ne pensait qu'à s'amuser, et négligeait les leçons qu'il considérait comme une vraie corvée. Malgré les remontrances du vieux maître et les conseils de son ami, Duong Lê refusait de travailler sérieusement.

Ce qui devait arriver arriva. Aux concours impériaux, Luu Binh fut reçu et nommé sur-le-champ mandarin dans une région située à plusieurs centaines de milles du village. Duong Lê échoua et abandonna définitivement les études. Les deux amis restaient sans nouvelles l'un de l'autre pendant quelques années. Puis Luu Binh vit un jour débarquer à son palais une sorte de clochard misérable : c'était son ami Duong Lê qui venait demander de l'aide.

Mais Luu Binh fit chasser Duong Lê de son palais, le traitant de fainéant, de paresseux, de bon à rien. Humilié, rouge de colère, Duong Lê quitta le palais en jurant de se venger de cet affront de la part d'un homme qu'il croyait être son meilleur ami.

Il entra dans une auberge et se mit à boire.

Une jeune femme, belle et distinguée, entra dans l'auberge juste à ce moment-là. Remarquant Duong Lê en train de boire plus que de raison, elle s'approcha de lui et dit :

— Je vois que vous avez une grosse peine. Racontez-moi votre histoire et je pourrais peut-être vous aider.

La douceur de cette jeune femme inspira confiance à Duong Lê qui se mit à lui raconter ce qui venait de se passer, ainsi que son farouche désir de vengeance. A son grand étonnement, Duong Lê se vit offrir une curieuse proposition :

— Je m'appelle Châu Long. J'habite seule dans une grande maison non loin d'ici, dit la jeune femme. J'ai beaucoup de biens et je peux vous aider à réaliser votre vengeance. A une condition : vous allez travailler dur pour réussir aux prochains concours impériaux et devenir un mandarin d'un rang plus élevé que celui de votre ennemi. Ce sera votre vengeance.

Duong Lê accepta la proposition et suivit la jeune femme dans sa villa. A partir de ce jour, il travaillait jour et nuit, lisant, apprenant, révisant sans cesse, tandis que Châu Long était aux petits soins pour lui.

Après trois ans de dur labeur, le jour de triomphe arriva : Duong Lê fut premier lauréat des grands concours impériaux et nommé gouverneur d'une grande province. De retour à la maison, Duong Lê dit à Châu Long :

— J'irai demain au palais de mon ennemi, et je serai curieux de voir sa réaction. J'aurai enfin ma vengeance.

Châu Long dit :

— Puisque tu ne seras pas là demain, permets-moi d'aller ce soir rendre visite à une amie et rester toute la journée avec elle. Nous ne nous sommes pas vues depuis longtemps.

Duong Lê acquiesça à son désir, et aussitôt Châu Long se préparait à partir.

Le lendemain Duong Lê se rendit au palais de son pire ennemi. Cette fois il fut reçu par Luu Binh avec un immense respect et avec tout le protocole dû à son rang. Mais quelle ne fut sa surprise quand il vit Châu Long elle-même leur apporter le plateau de thé. Luu Binh regarda son ami et dit en souriant :

— Je crois que vous connaissez Châu Long. C'est ma troisième femme !

Aussitôt Duong Lê comprit toute l'histoire. Il tomba à genoux devant son ami et dit :

— Pardon de t'avoir haï pendant toutes ces années. Tu avais envoyé Châu Long pour me sauver de ma déchéance. Tu as fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Tu es le meilleur ami qui puisse exister. Je jure de donner ma vie pour toi s'il le faut !

Luu Binh releva son ami. Puis les deux hommes éclatèrent de rire, sous le regard ravi de Châu Long. Luu Binh donna l'ordre aux domestiques de préparer un grand festin pour marquer les retrouvailles, et surtout pour fêter le triomphe de l'amitié.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 31 Mai 2014 à 13:27:20
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Par une nuit claire, en levant des yeux vers les étoiles, on voyait une immense bande blanchâtre qui traverse en écharpe la voûte du ciel. C'est le Fleuve d'Argent ; sur chacune de ses rives vit l'un des époux Ngâu, séparés l'un de l'autre par la volonté de l'Empereur du Ciel.

Le Fleuve D'Argent (Nguu Lang & Chuc Nu)

Chuc Nu, l'une des plus belles parmi les filles de l'Empereur de Jade, était la plus adroite et la plus laborieuse. Chaque matin, elle allait retrouver son métier à tisser sur les bords du Fleuve d'Argent, et jusqu'au soir, ses pieds appuyaient sur les pédales, tandis que ses mains se renvoyaient la navette fuselée. C'était elle qui habillait toutes les tiên (immortelles) de la cour, et c'est pourquoi son métier mêlait sans relâche son bruit régulier à la chanson des flots d'argent.


Tous les jours, le berger Nguu Lang menait paître les troupeaux de l'Empereur le long du fleuve. Tous les jours il voyait la diligente princesse à sa tâche, et il ne pouvait se lasser d'admirer la perfection de son visage et la grâce de ses mouvements. Or ce jeune pâtre était beau, si bien que Chuc Nu ne put demeurer longtemps insensible à ses regards. Et Nguu Lang n'osa croire à son bonheur.


Quand L'Empereur de Jade s'aperçut de leur inclination mutuelle, il ne la contraria point, mais leur permit de s'épouser, exigeant seulement que chacun d'eux continuait son métier après leur mariage. Au milieu des délices partagés, Nguu Lang et Chuc Nu oublièrent hélas l'ordre de l'Empereur.


Les paysages du ciel offraient leur cadre de rêve aux promenades sans fin des jeunes amoureux qui négligèrent complètement les travaux d'autrefois devenus sans attraits. Laissés à eux-mêmes, les troupeaux vagabondaient à travers les champs du ciel. Le métier ne faisait plus entendre son chant actif et les araignées venaient y tisser leurs toiles.


L'Empereur de Jade se montra aussi sévère qu'il avait été bon. Il sépara les deux époux, qui durent reprendre leurs occupations, chacun d'un côté du Fleuve d'Argent. Et depuis lors, tous deux regardent pardessus la nappe lumineuse : loin l'un de l'autre, ils ne cessent de penser l'un à l'autre. Une fois par an, il leur est permis de se rencontrer : au septième mois, qui s'appelle des ''Ngâu'' . Chaque fois qu'ils se rencontrent, Nguu Lang et Chuc Nu versent des larmes de joie : ils pleurent de nouveau quand vient le moment de la séparation. C'est pourquoi les pluies tombent si abondamment au septième mois, les ''pluies de Ngau''.


De plus, si vous allez à la campagne à cette époque de l'année, remarquez la disparition des corbeaux : ils sont montés au ciel pour porter le pont qui permet aux époux de se rejoindre.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Juin 2014 à 14:30:34
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Le Mandarin à la fête des fleurs

Il y a plus de cinq cents ans, du temps où régnait le roi Trân Thuân Tôn, vivait un mandarin du nom de  Tu Thuc.

Originaire de la province de Thanh Hoa, il fut envoyé à la tête de la circonscription de Tiên Du. Près de sa résidence se trouvait une vieille pagode, célèbre par une magnifique pivoine arborescente qui poussait dans son enceinte. Toutes les fois que l'arbre fleurissait, il attirait une foule de pèlerins et c'était une fête à chaque printemps.

Au deuxième mois de l'année Binh Ti, en plein jour de fête, on vit s'approcher une jeune fille de quinze a seize ans, d'une beauté sereine. En inclinant une jeune branche pour mieux admirer une fleur, elle la brisa. On ne la laissa pas partir.

Déjà, le soir tombait et nul parent ne s'était présenté pour dédommager la pagode et ramener la jeune fille, quand par hasard Tu Thuc passa. Dès qu'il eut appris ce qui était arrivé, il enleva sa robe de brocart et l'offrit en échange de la liberté de la jeune fille.

À partir de ce jour, tout le monde loua la bonté du mandarin.

Malheureusement, Tu Thuc n'aimait que la musique, le vin, la poésie et la nature. Il négligeait les devoirs de sa charge et encourait souvent les blâmes des mandarins supérieurs.
À la fin, il pensa tristement : ''Vraiment je ne saurais, pour quelques mesures de paddy, en guise de salaire, demeurer à jamais, enchainé dans le cercle des honneurs et des intérêts. Allons confier nos jours à la minceur d'une rame qui nous mènera vers les coins d'eau limpide et les montagnes bleues. Ainsi ne trahirons-nous pas les goûts secrets de notre coeur. ''

Vers la Montagne Enchantée

C'est ainsi qu'un beau jour, Tu Thuc dénoua les cordons du sceau mandarinal et le rendit à ses supérieurs. Il se retira au pays de Tông Son, dont les sources et les grottes avaient ses préférences.

Dans chacune des excursions que ses longs loisirs lui permettaient, un enfant le suivait, portant une calebasse de vin, une guitare et un cahier de poèmes. Arrivé aux endroits qui lui plaisaient, il s'asseyait pour boire et jouer de la guitare. Il recherchait les sites pittoresques et étranges. Montagne de la Baguette, grotte des Nuages Verts, rivière Lai, embouchure Nga, il les visitait tous et les célébrait en vers.

Un matin, s'étant levé avant le jour, Tu Thuc vit du côté de la mer, à quelques lieues, cinq nuages de couleurs différentes qui s'épanouissaient à vue d'oeil et s'assemblaient en forme de fleur de lotus.

Il se fit mener en barque jusqu'à cet endroit. Là, une montagne superbe s'offrit à sa vue. Il fit arrêter la barque et grimpa sur la montagne: des vapeurs bleuâtres la couvraient jusqu'à une hauteur vertigineuse.

Inspiré par la beauté du site, Tu Thuc fit ces vers :

Dans les hautes branches, mille reflets palpitent;

Les fleurs de la grotte font fête à l'hôte qui entre.

Près de la source, où donc est le Cueilleur Des Simples ?

Autour de la fontaine, seulement le batelier à sa rame.

Le siège est large et frais, la guitare chante deux notes;

Nonchalante glisse la barque, la calebasse offre son vin.

Si nous demandions au pêcheur de Vo Lang:

Où sont les pêchers du Village d'Immortels ?


Après avoir écrit ce poème, Tu Thuc admira longuement le paysage. Puis il se tourna vers la barque comme à regret, et lentement s'arracha à sa vague attente.

Soudain il vit les flancs de la montagne s'écarter comme pour l'inviter à entrer. Il s'engagea dans le passage. Bientôt l'obscurité devint complète : la montagne s'était refermée derrière lui.

Il continua néanmoins sa marche à tâtons, sans quitter de la main la paroi moussue de la grotte. Le chemin était tortueux et étroit. Enfin il apercut une lueur. Il leva les yeux et vit au-dessus de sa tête des sommets très élevés. S'accrochant aux aspérités des rochers, il montait sans peine et le chemin s'élargissait peu à peu.

La Jeune Fille Qui Brisa La Branche Fleurie

Quand il arriva en haut, l'atmosphère était transparente, un soleil doux et radieux laissait couler sa lumière. De tous côtés, ce n'étaient que palais richement décorés, arbres verts et riants, comme en quelque lieu de pèlerinage.

Il jouissait de cet enchantement, quand son attention fut attirée par deux jeunes suivantes vêtues de bleu. L'une disait à l'autre :
 
'' Voilà déjà notre jeune marié !''

Elles disparurent dans le palais pour annoncer Tu Thuc, puis revinrent s'incliner devant lui :

'' Le Seigneur est prié d'entrer. ''

Tu Thuc suivit les deux jeunes filles. Il vit des murs couverts de brocart, des portes laquées de rouge, des appartements défendus resplendissants d'argent et d'or, sur lesquels il lut au passage: ''Ciel de Jade'', ''Lumière de Gemmes''.

En haut il trouva une Tiên vêtue de soie blanche qui l'invita, à s'asseoir dans un fauteuil de santal blanc. Puis elle lui dit :
''Vous qui vous plaisez parmi les sites pittoresques, savez-vous bien quel est cet endroit ? Et vous souvient-il de certaine rencontre prédestinée ?''

Tu Thuc répondit :
''Il est vrai qu'en fidèle amant des lacs et des fleuves, j'ai erré en bien des lieux ; mais je ne savais pas qu'il existât ici un paysage digne des Bienheureux. Simple mortel ami des loisirs, je vais où conduisent mes pas, ignorant tout de mon destin. Oserai-je vous demander de m'éclairer ?''

La tiên eut un sourire.
''Comment auriez-vous pu connaître cet endroit ? dit-elle. Vous êtes dans la sixième des trente-six grottes du mont Phi Lai. Ce mont court sur toutes les mers, sans toucher le sol nulle part. Né des vagues et de la pluie, il se forme et s'évanouit selon les vents. Je suis la tiên du mont Nam Nhac et mon nom est Nguy. Je connais la noblesse de votre nature et la qualité de votre âme c'est pourquoi je vous ai accueilli ici.''

Elle se tourna vers les suivantes, qui comprirent l'ordre muet et se retirèrent : peu après une jeune fille entra.
Tu Thuc, levant discrètement les yeux, reconnut en elle la jeune fille qui brisa un jour la branche fleurie.

La tiên reprit :
''Ma fille s'appelle Giang Huong, l'Encens Vermeil. Quand elle descendit à la fête des fleurs, il lui arriva un malheur. C'est vous qui l'avez sauvée. Je n'ai jamais oublié ce bienfait sans prix, et je lui permets maintenant de lier sa vie à la vôtre pour payer sa dette de reconnaissance. ''

Les tiên de toutes les grottes furent invitées au mariage, qui fut célèbre dans la musique et dans les chants.

Les jours fuient comme une navette balancée et Tu Thuc s'apercut vite qu'il avait passé un an au royaume des tiên. Il fut pris de nostalgie.

Souvent le soir, il restait immobile jusqu'à l'heure où la nuit fraichit sous la rosée. La brise passait, les vagues en montant mouraient à ses pieds et il n'arrivait pas à s'endormir. La nuit douce attisait sa tristesse sereine. Le clair de lune qui baignait les monts immenses le laissait indifférent. Parfois un air de flûte au loin faisait fondre soudain son coeur, et le tenait éveillé jusqu'à l'aurore. Il cherchait alors à entendre comme autrefois les coqs chanter dans son village.

Un jour, en regardant vers le Sud, il vit une barque sur la mer. La montrant, il dit :
''Elle va du côté de mon pays. C'est bien loin, et je ne sais pas où il se trouve exactement, mais c'est par là...''

Il finit par confier à Giang Huong :

''Mon amie sait que je suis parti pour une promenade d'un matin et voilà déjà bien longtemps que je suis absent. Il est difficile d'endormir à jamais les sentiments humains dans notre coeur et mon amie voit que je pense encore trop à mon vieux village...

''Que dirait-elle de mon désir de rentrer quelque temps chez moi ?''

Giang Huong parut hésiter à l'idée d'une séparation. Tu Thuc insista :
''Ce ne sera qu'une question de jours, de mois tout au plus. Que je donne de mes nouvelles à ma famille, à mes amis, tout sera vite réglé et je remonterai sans retard. ''

Giang Huong répondit en pleurant :

''Je n'ose invoquer l'amour conjugal pour m'opposer aux desseins de mon époux. Seulement, les limites du monde d'en bas sont étroites, ses jours et ses mois bien courts ; j'ai peur que mon époux ne retrouve plus le visage familier d'un temps révolu... Mais où sont le saule de la cour et les fleurs du jardin ? ''

Elle s'en ouvrit à la Grande Tiên, qui exprima ses regrets :
''Je ne pensais pas, dit-elle, le voir encore enchainé au Monde de Poussière Rose. Laisse-le partir... Pourquoi tout ce chagrin ?"

La Lettre de Soie

Au moment des adieux, Giang Huong essuya ses larmes et remit à Tu Thuc une lettre écrite sur une feuille de soie ; elle le pria de n'ouvrir qu'une fois arrivé. Il monta sur le char et, en un clin d'oeil, se vit déjà rendu.

Tout lui apparut différent de ce qu'il avait connu autrefois, les paysages, les maisons et les hommes. Seuls étaient restés dans le même état les deux bords de la source dans la montagne. Il s'informa auprès des vieillards du village, en se nommant. A la fin, l'un d'eux se souvint :

''Quand j'étais tout petit, dit-il, j'ai entendu raconter que mon aieul portait ce nom. Un jour, il y a plus de quatre vingts ans, il alla dans la montagne, et il n'en est jamais revenu. Pour moi, il a dû tomber dans quelque ravin. C'était à la fin de la dynastie des Trân, et nous sommes maintenant sous le quatrième roi des Lê.''
Se sentant seul et triste, Tu Thuc voulut remonter d'où il était descendu. Mais le char s'était transformé en un phénix, et l'oiseau fabuleux, s'envolant, disparut dans le ciel.
Tu Thuc ouvrit la lettre et lut ces lignes :

Au milieu des nuages, se noua une amitié de phénix,
De l'union d'antan, c'est déjà la fin.
Au-dessus des mers, qui cherche des traces d'immortels?
D'une rencontre future, il n'est guère espoir.

Il comprit alors que l'adieu était sans retour.
Plus tard, revêtu d'un léger manteau, coiffé du chapeau conique, Tu Thuc entre dans la Montagne jaune, au pays de Nông Công, dans la province de Thanh Hoa. Et il ne revint point.

On ignore s'il est remonté au royaume des tiên, ou s'il s'est perdu dans la montagne.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 05 Juin 2014 à 14:16:26
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La fille du Géant

Il y a bien longtemps vivait un géant et sa fille au sommet de la montagne. C'était un temps reculé que même la meilleure mémoire du plus vieux d'entre nous ne peut se souvenir. Les hommes ne s'aventuraient pas sur les sommets en ces moments là. Ils savaient que des créatures monstrueuses y habitaient. C'est eux qui envoyaient de grands éclairs de lumière en rugissant si fort lorsque la chaleur devenait suffocante que même les mouches devenaient folles au cœur de l'été. C'étaient eux qui soufflaient si fort les soirs d'hiver que même la lourde porte d'entrée laissait passer l'air glacial venu des sommets. Il ne valait mieux pas s'aventurer sur ces contrées inhospitalières où l'on pouvait y faire de mauvaises rencontres. Les hommes vivaient tranquillement dans les vallées et le géant et sa fille sereinement au sommet de la montagne.

Cependant la fille du géant s'ennuyait. Elle n'avait aucun compagnon de jeu et tournait en rond dans le château.

Un jour, elle descendit de la montagne et fut émerveillée par le spectacle qui s'offrait à ses yeux.

Ca grouillait de petites créatures qui s'affairaient dans la campagne verdoyante. Elle repéra un homme qui arpentait un grand champ mais qui n'était pour elle pas plus large qu'un mouchoir de poche. Elle observait les gestes de l'homme qui ensemençait la terre, envoyant de larges poignées de graines dans un geste large et non dépourvu de grâce. Il avançait lentement sur un rythme connu de lui seul, accompagné d'une jolie mélodie qu'il sifflait dans le petit matin. Il était vêtu d'une chemise à grands carreaux et un pantalon de velours brun. Il portait un large chapeau relevé sur un front volontaire et une paire de gros sabots qu'il avait taillé lui-même l'hiver précédent. Une veste rapiécée aux coudes pendait sur le manche d'une bêche, plantée à l'extrémité du champ. La fille du géant pensa que le petit homme ferait un excellent jouet et elle le prit dans sa main. Il gesticulait et poussait de petits cris qui firent éclater de rire la fillette.

Rentrée au château, elle s'empressa de montrer sa découverte à son père.

« Malheureuse! » lui répondit-il lorsqu'il vit le paysan se débattre dans sa large main de gamine géante.

« C'est un paysan qui travaille dur toute l'année. Il cultive du blé. Sans blé, point de farine. Sans farine pas de pain. Sans pain, comment ferions-nous pour vivre? Rapporte le immédiatement dans son champ! »

La fille du géant s'en retourna, dépitée et honteuse d'avoir fait tant de peine à son père. Elle déposa le paysan au bord de son champ où il reprit son labeur aussitôt.

En revenant au château, elle croisa un drôle de petit homme qui gardait un troupeau de vaches. Il était encore plus minuscule que le paysan dans son champ. Il était assis, un long bâton à la main et chantonnait un air qui plaisait bien à la fille du géant. Elle l'observa un moment. Parfois, il se levait et menait le troupeau sur un autre pâturage où l'herbe était plus tendre, plus verte, tout en continuant de fredonner un nouvel air. En marchant, il donnait des coups de pied dans les mottes de terre qu'avaient formées les marmottes en creusant leurs galeries.

La fille du géant trouva cela amusant et préleva le garçonnet au béret ainsi que deux ou trois vaches blanches aux flancs noirs.

Rentrée au château, elle fut accueillie une nouvelle fois par les foudres de son père.

« Miséricorde! Le berger! Sais tu que sans ce petit, le troupeau ne brouterait pas la meilleure herbe et que la viande dont nous nous nourrissons serait maigre et fade. Rapporte tout de suite le petit berger et ses vaches dans son pré. »

Une nouvelle fois, la fille du géant baissa la tête, et déçue qu'on lui retire son nouveau jouet, rendit le berger et ses vaches à son pâturage. Elle était triste de ne pouvoir trouver un jouet avec lequel s'amuser comme tous les enfants de géants du monde.

Sur les coteaux, elle découvrit un homme assorti d'un curieux artifice. Il portait une large hotte de baguettes d'osier tressées sur son dos et maniait un instrument coupant de sa main droite. Il vendangeait son lopin de vigne en sifflotant un air gai. La fillette se dit qu'il n'y avait aucun mal à prélever celui là qui semblait bienheureux et parfaitement inutile à son père.

Elle enfouit le viticulteur dans sa poche et, sautillant comme au printemps, elle remonta au château.

Une fois encore, son père l'accueillit avec des reproches dans ses yeux noirs.

« Que diable ai-je fait pour avoir une gamine pareille? Tu me rapportes un vigneron qui récolte ses grappes. Le raisin devient du vin, ce vin qui me désaltère bien agréablement lorsqu'il fait si chaud. Relâche immédiatement ce pauvre homme, qu'il continue à œuvrer dans sa vigne et que la récolte soit bonne. »

La fillette était désemparée. N'y avait-il personne avec qui elle puisse jouer?

Elle promenait sa déception par la forêt. Elle avait toujours aimé s'y perdre. Elle appréciait la douce fraicheur que le feuillage lui procurait, le tapis de mousse sur lequel elle se reposait et jusqu'au vent qui soufflant dans les hautes branches l'apaisait. Elle entendit des coups de hache et des chuintements de scie. Là encore, de petits bonshommes s'affairaient comme dans les champs, sur les pâturages et les vignes. Sont-ils donc partout? Se demanda la fillette. Elle examina attentivement les bucherons. Eux aussi entonnaient des chants, plus virils que ceux qu'elle avait entendu jusque là. Elle réfléchit et se dit que son père ne mangeait pas d'arbres et qu'il n'y avait donc aucun risque qu'il ne se mette en colère si elle rapportait un de ces spécimens.

Elle s'avança vers les hommes de la forêt, en ramassa une poignée mais ceux-ci étaient moins dociles que les habitants de la vallée. Ils maniaient maintenant leurs haches tranchantes et leurs scies aux dents acérées sur ses doigts sensibles.

Aie! Cria la fillette en lâchant sa poignée de bucherons. Aussitôt, ils reprirent leur labeur en chantant. La fille du géant était contrariée. Ne savaient donc ils pas qui elle était? N'en avaient ils pas peur comme tous les autres habitants de la vallée?

Par jeu, elle poussa d'une pichenette les hommes aux instruments tranchants mais d'autres s'acharnaient déjà sur ses tendres petits pieds.

Ouille! Lança la fillette en se tenant le pied droit et en chancelant sur l'autre. Elle perdit l'équilibre et s'affala de tout son long comme un arbre qu'on abat. Elle voulait se relever mais déjà les hommes des bois l'enserraient de lianes de lierre qu'ils fixaient aux arbres environnants. La fillette gonfla son torse et se libéra des liens dans un immense fracas. Tous les arbres auxquels ils l'avaient attachée furent emportés. Elle partit en courant vers le château, tandis que les bucherons, ravis de la besogne ainsi abattue sans aucun effort commençaient à ébrancher les troncs sans le risque que ceux-ci ne leur tombent sur la tête.

La fillette s'enferma dans sa chambre au sommet de la tour du château et n'en sortit plus jamais.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 08 Juin 2014 à 14:04:09
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La légende de la linaigrette

Dans l'Est de la Belgique, existe une région particulière par son climat et la nature de son sol. Peut-être, si tu es vaillant marcheur, t'y es-tu déjà promené. Tu auras alors eu l'occasion d'admirer des genévriers et surtout, en juin, la gracieuse linaigrette.

Les experts, gens remplis de savoir, prétendent que sa présence à cet endroit relève des conditions spéciales : le sol tourbeux, le degré d'acidité, que sais - je encore.

Mais moi, je connais son histoire. C'est un secret mais à toi je vais le confier.

Il y a longtemps déjà, au bord d'une mardelle, mare très profonde, poussait, fière, droite et verte, une longue tige herbeuse. Avec coquetterie, elle se mirait dans l'eau chaque fois que le vent ébouriffait les ombelles à son sommet.

Curieusement, chaque fois qu'elle agissait ainsi, un frémissement courait à la surface de l'eau et une grosse molécule poussait ses sœurs pour rester auprès du bord. Parfois, une petite bulle d'air filait, à la surface de l'eau et disparaissait en faisant un bruit qui ressemblait à un baiser.

Quand vinrent les grands vents d'automne, la graminée lutta de toutes ses forces pour ne pas être brisée; il lui semblait qu'il n'était pas encore temps d'achever sa destinée.

L'hiver arriva et, un beau matin, alors qu'elle redressait sa tige engourdie, l'herbe reçut un gros flocon de neige tout glacé qui vint la chapeauter. Frissonnante, elle se secoua mais le flocon resta accroché là.

Et se balançant avec elle au gré du vent, le flocon lui conta qu'il la connaissait bien, qu'il avait été un amas de gouttes d'eau dans la mardelle, qu'il avait vivement souhaité venir auprès d'elle. Qu'un jour, il s'était senti caressé par les rayons chauds du soleil et, suivant ses rais, s'était élevé très haut vers l'astre jusqu'à atteindre des couches d'air glacé. Puis, givré, tout en cristaux, s'était retrouvé, blanc d'émotion soudé à elle.

Heureux et comblés, ils restèrent ainsi, figés par le gel longtemps puis ensemble s'effondrèrent.

Au mois de juin suivant, la grande Conscience qui organise tout dans l'univers fit croître, au bord de la mardelle, couronnant de longues tiges élancées, de soyeuses houppettes blanches commémorant ainsi l'affectueuse union de la graminée et du flocon.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Juin 2014 à 15:35:53
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Bonheur de papillon

- Joli papillon, viens vers moi. Viens.  

Amandine tente d'attraper l'insecte multicolore et le poursuit à travers les champs. Elle danse, danse suivant le rythme du papillon qui a si soif d'air et d'aventure.

- Si tu m'attrapes, je meurs. Le sais-tu ?

La fillette s'arrête brusquement tandis que le papillon se pose, léger, sur une fleur.

- Tu meurs ? Pourquoi devrais-tu mourir ? Je te caresserais doucement, tout doucement pour ne pas te blesser.

- Même la plus douce des caresses est mortelle pour moi.

Amandine contemple, sans le toucher, l'animal si fragile. En son cœur, elle le plaint de ne pas pouvoir recevoir de câlins, ne serait-ce qu'un seul sans le payer de sa vie. Elle ne pourrait pas vivre sans se faire câliner.

- Si j'étais un papillon, je serais bien malheureuse et j'irais vers le bon dieu pour lui dire que c'est injuste, qu'il devrait changer les choses.

- Pourquoi faire ? Dieu m'a fait le don de la vie et je lui en suis reconnaissant, même si mon passage sur terre est éphémère. D'ailleurs, je n'ai pas le temps de me révolter, puisque demain je serai mort. Autant profiter du peu de temps que j'ai à vivre.

- Es-tu donc si vieux ?

- Oui, non. Je suis né ce matin à l'aube.

- Alors tu es encore bien jeune. Moi, je suis née il y a bien plus longtemps et mon âge se compte en années déjà, s'exclame la petite, très fière de ses six ans.

- Pour moi, une heure, c'est comme trois ou quatre de tes années.

Amandine a bien envie de pleurer sur le triste sort du si beau papillon. Elle essaye de se retenir, mais une larme roule malgré tout sur son visage. Dire que parfois, Amandine passe des heures à ne rien faire ou à s'ennuyer. Elle a honte de s'être si souvent plainte.

- Ne pleure pas petite...

- Je ne pleure pas, répond la fillette en essuyant furtivement une nouvelle larme indécente.

- Tu sais, pour moi le temps ne passe pas aussi vite que pour toi. Et puis si ma vie est éphémère, je n'en profite pas moins de tous les instants qui me sont offerts. Je n'ai pas le temps d'être triste, je n'ai pas le temps de songer à moi et de m'appesantir sur mon triste sort. Je vole de droite à gauche, je butine ici ou là, j'emplis mon regard de la beauté du monde et des fleurs. Je me laisse porter par le vent où il veut et comme il veut, sans réfléchir. Et seule sa caresse me remplit d'aise. Qu'importe où je vais pourvu que mon être s'emplisse de beauté et de joie pour l'éternité !

- Je ne comprends pas. Si moi, on me disait que j'allais mourir demain, je serais désespérée de partir et de laisser tous ceux que j'aime derrière moi. J'aime rire, j'aime chanter, j'aime vivre. Je ne voudrais pas...

La petite se met à sangloter.

- Peut-être que tu serais d'abord désespérée... Et puis qui sait si tu ne te mettrais pas, comme moi, à faire provision pour l'éternité de tout ce qui t'est bon dans cette vie.

La fillette écoute, attentive, tandis que ses larmes coulent plus tranquillement maintenant.

- De toute façon ce n'est pas tout à fait pareil. De tous temps, les papillons n'ont jamais vécu très longtemps. La nature nous a donné la splendeur contre la durée. Nous avons le pouvoir d'enchanter les cœurs, de faire naître des sourires aux lèvres arides. Rien de tel que cette joie qui surprend enfants et adultes lorsqu'ils nous aperçoivent. Il suffit de me poser sur le chapeau d'une dame pour que tout le monde retienne son souffle émerveillé de mon audace et de mes couleurs.

Amandine se met presque à regretter de ne pas être un papillon. Elle n'a pas tant de beauté à offrir, elle, mais elle n'ose pas le dire au papillon. Elle qui le plaignait peu avant, la voilà qui se met à l'envier ! Cela n'a vraiment pas de sens...

- Tu te trompes, ce que tu penses est plein de sens.

- Parce que tu sais aussi lire dans les pensées ! rétorque Amandine qui se sent devenir minuscule, aussi petite qu'un grain de poussière... ou un microbe !

- Chaque être, chaque chose a un sens quelle que soit la durée de leur vie ou de leur existence, si inerte soient-elles. Nous avons tous notre raison d'être. Toi aussi, tu as ta place ici, même lorsque tu te sens inutile ou lorsque tu as l'impression d'avoir perdu ton temps. Tu ne réalises pas le pouvoir que tu as sur tout ce que tu approches. Une parole qui te paraît anodine va peut-être changer la vie de quelqu'un sans que tu le saches. Un mouvement ou même un regard peuvent modifier le cours de l'histoire. Et puis, le sais-tu ? Tu as autant de beauté à offrir qu'un papillon. Seulement, elle est différente.

- Vraiment ?

- Oui, c'est sûr.

Amandine aimerait serrer contre elle l'insecte si merveilleux. Elle esquisse un mouvement dans sa direction, caressant l'air qui entoure le papillon.

- Adieu, petite.

- Adieu, gentil papillon.

L'insecte s'élève, gracieux, dans les airs, tourne un instant autour de la fillette qui le contemple en souriant, puis il la quitte et s'envole vers sa destinée de papillon. Amandine, quant à elle, retourne chez elle, le cœur gai, le visage radieux.
 
Fin

S.G.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Juin 2014 à 13:41:25
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La fleur

Pourquoi était-elle née dans le désert ? Que faisait-elle à cet endroit aussi incongru pour une fleur ? Que s'était-il passé pour qu'elle soit aussi desséchée ? Le vent qui la frôlait encore de temps en temps, seul visiteur encore fidèle, le savait. Et, comme il aimait cette fleur, tellement il la trouvait touchante, il décida de transporter des nouvelles d'elle à travers le désert, au-dessus des océans, à l'intérieur des villes et des villages, partout où quelqu'un pourrait entendre sa complainte.

« Je suis le vent, je veux vous faire connaître la vie de la fleur du désert. Doucement, elle se meurt. Elle a soif, car là où elle vit, l'eau est si rare qu'il n'y en a plus pour elle. Mais surtout elle a besoin d'amour, de tendresse et de joie. Venez avec moi, suivez le son de ma voix et je vous guiderai jusqu'à elle pour la sauver. ».

Sur son passage, les animaux levaient la tête, tendaient leurs oreilles pour entendre ce chant étrange, ouvraient les yeux pour tenter d'apercevoir le souffle qui le portait. Mais seul les mots résonnaient.

Sur son passage, les humains tournaient la tête pour voir ce qui se passait, tant ils étaient étonnés d'entendre ces paroles sans personne de tangible. Ils tentaient de réfléchir, mais leur pensée trop rationnelle les empêchait de se laisser porter par cet appel.

Le vent, désespéré de ne pas être compris, continuait sa route inlassablement pour trouver âme qui vive, prête à l'écouter, lui faire confiance et le suivre. Il savait que le temps était compté, que la fleur de seconde en seconde dépérissait et que bientôt elle allait mourir.

Il souffla de plus en plus fort, se mit à gronder de colère, et pour enfin attirer ceux qui se portaient bien, ceux qui ne souffraient pas, il se transforma en tempête.

Il faisait voltiger tout ce qui se trouvait sur son passage, bousculait les voitures qui circulaient librement, comme si rien ne pouvait changer leur itinéraire, poussait les piétons dans le dos, activant leur marche jusqu'à les faire courir.

Personne ne comprenait d'où venait ce vent, alors qu'il faisait si beau, et d'ailleurs la météo n'avait rien annoncé de tel. Une tempête ? Mais comment cela était-il possible ?

Et le vent, furieux de ne pouvoir sensibiliser ces humains, se déchaînait de plus en plus, et la situation devint catastrophique. Tout le monde s'était réfugié dans les maisons, même les animaux avaient peur.

Mais rien n'y fit, personne ne comprenait, et le vent, épuisé, cessa tout à coup de souffler.

Peu à peu la vie reprit son cours, tous oublièrent ce vent qui rendait fou ...

Quelque part dans le désert, une fleur avait presque disparu. Elle n'avait plus d'eau, elle n'avait plus son ami, le vent, elle n'avait plus de raison de vivre.

Le vent, déçu de n'avoir pu remplir sa mission, décida de retourner dans le désert et de retrouver celle qu'il voulait sauver. Lorsqu'il la découvrit, presque morte, il la caressa légèrement, comme pour lui dire adieu. Il était triste, car en voulant convaincre d'autres que lui de s'occuper d'elle, il l'avait abandonnée. Il se mit à culpabiliser et versa des larmes.

La fleur, caressée, choyée et inondée par les gouttes d'eau qui ruisselaient maintenant sur elle, se redressa, reprit son éclat peu à peu et retrouva le goût de vivre.

Le vent, heureux de voir que la fleur vivait grâce à lui, ne la quitta plus jamais et devint le protecteur du désert.

D.B.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Juin 2014 à 14:14:09
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La petite fourmi (conte andalou)

Une petite fourmi, soigneuse et bonne ménagère, balayait un matin le seuil de sa maison, lorsqu'elle trouva un maravédis. Elle courut aussitôt chez ses voisines et demanda :

-n'avez-vous rien perdu ? J'ai trouvé quelque chose....

Car la fourmi était honnête !

-nous n'avons rien perdu ! répondirent les voisines.

-que vais-je faire de cet argent ? J'achèterai bien du sucre, mais j'en ai tant mangé hier que je risquerais de me faire mal au ventre. Une mantille neuve ? Mais la mienne est bonne.... Ah ! j'ai une idée...

Et la petite fourmi s'en alla chez le parfumeur, elle acheta un peu de poudre de riz et une petite houppette. Puis comme c'était jour de fête, elle mit ses plus fins souliers, sa plus jolie robe, se coiffa, se poudra les joues et s'assit à sa fenêtre à l'ombre de son pot d'oeillets pour regarder les gens passer. Or, elle était si bien poudrée, si jolie si avenante que tous ceux qui la voyaient souhaitaient de l'avoir pour fiancée. Le premier qui osa lui parler, fut le taureau

-petite fourmi, veux-tu m'épouser ?
-comment ferais-tu pour me plaire ? demanda la fourmi en riant

Le taureau se mit bien d'aplomb sur ses 4 pieds, fouetta l'air avec sa queue et renversant la tête en arrière, se mit à rugir si formidablement que la maison de la fourmi se mit à trembler.

-passe ton chemin taureau ! tu m'épouvantes ! si tu parles encore, je crois que je deviendrais tout à fait sourde !

Vinrent ensuite un chien jaune qui aboya, un cochon noir qui grogna, un coq vert qui chanta, un chat blanc qui miaula : mais aucun d'eux ne sut plaire à la fourmi. Enfin, s'avança un grillon timide et noir et il commença à chanter :

-cri cri ! Tu veux m'épouser fourmi ?

-grillon tu me plais ! tu es noir comme moi ; tu es un peu plus grand que moi ainsi qu'il sied à un mari. Je te donne ma main. tu aimes l'ombre, tu garderas la maison l'été quand j'irai aux provisions. tu aimes le coin du feu ; nous nous réchaufferons ensemble l'hiver. Ensemble nous mangerons ce que j'aurai amassé et pour nous divertir, je te conterai mes courses dans le monde et tu me chanteras des chansons ! Marions-nous grillon.

Ainsi fut fait. Ils furent heureux tout un été. Mais un jour à l'automne, le grillon s'enrhuma. La fourmi le soigna, lui fit boire de la tisane. Le dimanche suivant, il était presque guéri, mais la fourmi prudente lui dit :

-je vais seule à la messe. Il est plus sage que tu restes encore au logis. Aie bien soin en te chauffant de surveiller la soupe que j'ai mises sur le feu. Mais si tu dois la remuer, sers-toi de la grande cuiller et non de la petite, afin de ne pas te brûler.

Et la petite fourmi ayant noué son mouchoir sur sa tête et pris son chapelet, s'en fut à l'église. Hélas le grillon distrait et maladroit oublia les recommandations de sa femme. Il prit la petite cuiller, mais elle était si petite qu'il dut pour remuer la soupe, se pencher de tout son corps sur la marmite. Tout à coup, il perdit l'équilibre et bascula dans le bouillon où il mourut noyé. Pauvre grillon.

Quand la petite fourmi revint de la messe, elle vit la marmite qui chantait sur le feu, mais pas de grillon. Elle se pencha en se haussant sur la pointe des pieds et vit son pauvre mari noyé qui flottait en tournoyant dans l'écume. A cette vue, elle se mit à sangloter si fort que le petit oiseau qui passait lui dit :

-pourquoi pleures-tu petite fourmi ?
-hélas grillon s'est noyé dans la marmite et moi la petite fourmi, je souffre et je pleure
-et moi, le petit oiseau, je me coupe la queue

ainsi fut fait et le petit oiseau s'envola sur le rosier fleuri

-oiseau, petit oiseau, qu'as-tu fait à ta queue ?
-hélas grillon s'est noyé dans la marmite et la petite fourmi souffre et pleure. Et moi, le petit oiseau, je me suis coupé la queue
-et moi le rosier fleuri, j'effeuillerai mes roses

Le rosier se secoua et toutes les roses tombèrent effeuillées sur le sol.

A l'heure de la sieste, le chat gris vint pour dormir à l'ombre du rosier fleuri :

-rosier, rosier fleuri, qu'as-tu fait de tes roses ?
-hélas, le grillon s'est noyé dans la marmite et la petite fourmi souffre et pleure ; alors le petit oiseau s'est coupé la queue et moi, le rosier fleuri j'ai effeuillé mes roses !
-et moi le chat gris, je raserai mes poils

Le chat gris ne fit pas la sieste ce jour-là, car il eut beaucoup d'ouvrage pour se raser tous les poils. Quand ce fut fait, il s'en alla boire à la fontaine claire :

-chat gris, pauvre chat gris, où est ta belle fourrure ?

hélas, le grillon s'est noyé dans la marmite et la petite fourmi souffre et pleure ; alors le petit oiseau s'est coupé la queue , le rosier fleuri a effeuillé ses roses et moi le chat gris ,j'ai tondu mes poils !

-et moi dit la fontaine claire, je me mets à pleurer

Et l'eau qui auparavant chantait, se mit à pleurer en tombant du rocher. La fille du roi, avec sa cruche sur la hanche vint puiser l'eau de la fontaine :

-pourquoi pleures-tu fontaine claire ?

hélas, le grillon s'est noyé dans la marmite et la petite fourmi souffre et pleure ; alors le petit oiseau s'est coupé la queue , le rosier fleuri a effeuillé ses roses ,le chat gris à tondu ses poils et moi fontaine claire, je pleure !!

Et moi, la fille du roi, je brise ma belle cruche !

Voilà ! Moi, c'est en pleurant que je finis mon conte car le grillon s'est noyé dans la marmite et la petite fourmi souffre et pleure !!

F.C.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Juin 2014 à 12:56:20
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Si l'épouvantail m'était conté

Il était une fois, dans un coin paisible de campagne un épouvantail nommé Barbe-en-Paille. C'était un épouvantail d'apparence ordinaire, un petit être difforme perché sur son piquet de bois, des bouts de paille dépassaient par-ci par-là de sa vieille chemise à carreaux déchirée. Peut-être en avez-vous déjà rencontré un comme celui-là en vous promenant dans les champs et jardins lors de votre balade du dimanche, peut-être vous êtes-vous moqué de lui ? Mais sachez que Barbe-en-Paille n'était pas un épouvantail comme les autres. Il vivait au beau milieu du jardin de Monsieur Marcel, l'agriculteur entouré des fruits et légumes dont il avait la garde.

Tous ses petits végétaux l'adoraient car l'épouvantail ne manquait pas de qualités : il ne racontait jamais de salades, savait s'occuper de ses oignons et avait toujours la pêche !

Il accordait une attention particulière à la rangée de petites carottes qui grandissaient de jour en jour à ses pieds. Voir leur coiffure hirsute s'agiter au moindre courant d' air l' amusait beaucoup, ce qui ne dérangeait pas du tout les fillettes oranges .De toute façon Barbe-en-Paille le savait bien, les carottes ont toujours été aimables.

Cependant notre épouvantail ne savait pas toujours tout, du haut de son piquet observatoire une multitude de questions trottaient dans sa tête de paille. « Mais pourquoi donc les tomates rougissent-elles quand je les regarde ? Pourquoi dit-on que les bébés naissent dans les choux ? Il n' y pas de bébés dans mes choux à moi. Pourquoi je fais fuir les oiseaux ? »

En effet Barbe-en-Paille faisait fuir tous les oiseaux du pays, sauf M. Corbeau. Tous les matins son ami l'oiseau venait se percher sur son épaule pour discuter et surveiller ensemble le jardin.

Mais un jour, alors que Barbe-en-Paille et Corbeau étaient en train de faire l'appel de tous les légumes, un terrible orage éclata. L'oiseau noir déploya ses ailes et s'envola à toute vitesse dans le ciel laissant le pauvre épouvantail seul sous la tempête. Les éclairs fendaient le ciel de leur lumière éclatante, derrière les nuages noirs le tonnerre grondait tel un lion en colère.

Soudain la foudre s'échappa du ciel et s'abattit sur Barbe-en-Paille. Son petit corps de paille commença à prendre feu ! Seul face à cette terrible catastrophe, la pauvre victime ne pouvait se défendre. Il était en train de faire ses derniers adieux à ses petits légumes lorsqu'il sentit un jet d'eau couler le long de son corps.

L'arrosage automatique ! Une petite carotte avait sûrement réussi à tourner le robinet grâce à son feuillage ! La grosse flamme devint petit à petit une simple lueur, puis enfin disparut.

Barbe-en-Paille était sain et sauf, mais une fois la tempête terminée, le résultat n'était vraiment pas beau à voir. La foudre avait causé des dégâts considérables sur le pauvre bonhomme de paille. Son corps était désormais à moitié brûlé, le rendant méconnaissable.

Marcel qui labourait le champ d'à côté, sur son tracteur aperçut Barbe-en-Paille ou du moins ce qu'il en restait. Il fut à la fois triste et choqué de voir l'épouvantail qu'il avait fabriqué avec tant d'amour dans cet état. Mais il remarqua que des oiseaux et toutes autres sortes de bêtes commençaient à envahir son jardin. Il comprit que Barbe-en-Paille qui avait été réduit par la foudre, ne leur faisait maintenant plus peur.

En effet, il avait perdu toute son efficacité.

Marcel décida alors de l'enlever du jardin et de l'emmener à la décharge, afin de le remplacer par un autre épouvantail plus performant. L'agriculteur ne pouvait se douter de la peine immense qu'il était en train de causer à tous ses fruits et légumes.

En s'approchant de plus près, on pouvait voir de minuscules gouttes de larmes, couler le long des petits corps orange des jeunes carottes. Les tomates finirent de rougir et les belles robes vertes des choux et salades se mirent à dépérir.

Barbe-en-Paille, contraint et forcé, s'éloignait peu à peu du jardin. Transporté comme un baluchon, il jetait un dernier regard en arrière par-dessus l'épaule de Marcel lorsque sorti de nulle part, surgit le corbeau noir !

Il fonça tout droit sur Marcel, en poussant des croassements terrifiants. A ce moment poussa simultanément dans tous les petits cœurs de légumes une lueur d'espoir : peut-être Corbeau réussirait-il à sauver leur ami ?

L'oiseau noir se posa sur l'épaule de l'agriculteur, le regarda fixement dans les yeux, puis lui piqua d'un coup sec ses vielles lunettes !

Marcel totalement déstabilisé, se mit à courir tant bien que mal derrière le corbeau qui se percha sur une branche. L'homme qui n' y voyait plus très bien, comprit où la bête noire malicieuse voulait en venir et lui proposa un marché : « Oh mon beau corbeau, si tu me rends mes lunettes, je laisse ton ami dans le jardin ». A ces mots l'oiseau ne se sent pas de joie, il ouvrit un large bec et laissa tomber sa proie !

Ainsi Barbe-en-Paille retrouva sa place au sein de son beau jardin, Marcel le raccommoda avec de la paille toute neuve, et les légumes heureux de retrouver leur épouvantail protecteur et confident remercièrent le gentil corbeau.

Marcel repartit vers sa ferme, arrivé au bout du chemin il entendit une voix derrière lui ressemblant à un croassement qui l'interpellait et lui dit : « Apprenez que tout légume vit aux dépends de celui qui l'écoute ; cette leçon vaut bien un potage sans doute ».
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Juin 2014 à 14:53:56
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Le conte de l'églantine

Il y a bien longtemps, quand le monde était très jeune et que les hommes n'avaient pas encore émergés, aucune fleur n'égayait la prairie. Seuls y poussaient des herbes et des buissons gris-vert.
Mère Terre était bien triste, car sa robe manquait de relief et de couleurs.
Elle avait tant de fleurs dans le cœur : des bleues comme le ciel, des blanches comme la neige, des jaunes comme le soleil brillant de midi, des fleurs rose tendre comme la naissance de l'aube un jour de printemps. Toutes, elle les portait en elle, mais aucune ne venait fleurir sa terne robe grise

Comprenant sa tristesse, une petite fleur décide de prendre place sur sa robe afin de la rendre plus belle. Elle entreprend le long chemin dans les couloirs sombres et humides du ventre de la terre et s'installe sur la prairie. Mais lorsque le Démon du Vent l'aperçoit, il se met à gronder ; « je ne veux pas cette jolie fleur sur mon terrain de jeux »
Hurlant et rugissant il se précipite sur elle et souffle sa flamme de vie. Mais l'esprit de la petite fleur regagne bien vite le cœur de la terre.
D'autre fleurs, courageuses, sortent à leur tour, mais le Démon du Vent, déchainé les tue l'une après l'autre.

Vient le tour de la malicieuse églantine, rose sauvage des prairies. Courageusement elle se glisse dans les couloirs sombres et humides du ventre de la terre. Elle s'installe confortablement sur la prairie, arrange sa robe, s'appuie contre un vieux buisson content de lui faire une petite place, s'accroche à ses branches avec ses multiples épines et attend. Le Démon du vent aperçoit bientôt Eglantine et se précipite sur elle en hurlant. Elle est bien jolie mais je ne veux pas d'elle sur mon terrain de jeux. Il s'élance, grondant, soufflant de violentes bourrasques. Eglantine s'accroche au vieux buisson, elle frissonne et très vite son parfum subtile embaume l'air et atteint le Démon du vent. Il recule, il revient doucement, il s'enroule dans ce voile parfumé.

Son parfum est doux, je ne peux ôter la vie à une si jolie personne qui sent si bon. Il faut qu'elle reste ici, avec moi. Il faut que j'adoucisse ma voix, que je lui susurre de douces chansons. Il ne faut pas que je l'effraye avec mon terrible vacarme.
Et le Démon du vent se change en Zéphyr. Il fait sa cour à l'églantine. Il envoie de douces brises sur la prairie. Il fredonne de jolies chansons. Il a cessé d'être un Démon !
Alors Eglantine appelle toutes les autres fleurs, qui à leur tour font le voyage
pour venir habiller la prairie. Les bleues .... Les blanches...les jaunes....les roses.....
Et c'est ainsi que grâce à la malicieuse et courageuse églantine, la terre est désormais habillée de si belles couleurs.

Conte Scioux Lakota sur la naissance des fleurs

Le grain de sel de la conteuse:
" ... Cette fragile églantine que nous rencontrons chaque printemps, à la lisière des bois et qui sait nous charmer par son parfum subtile.
Celle-là même qui régale les enfants gourmands en automne, de compotes ou autres régals de ces fruits rouges, les cynorrhodons, récoltés avec amour par des grands-mères qui courent encore les bois."

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Juin 2014 à 13:51:13
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Jayda

Il était un jour une jeune fille nommée Jayda. Elle n'avait aucun bien sur terre , sauf ses deux mains, son corps agile et son regard sans cesse étonné par la lumière du monde. Elle vivait dans une hutte de branches au bord d'un ruisseau, se nourrissait de l'eau que lui donnait la source, des fruits que lui donnaient les arbres. Sa pauvreté était rude mais elle ne s'en plaignait pas. Elle l'estimait ordinaire. Elle ignorait qu'en vérité un esprit maléfique l'avait prise en haine et s'acharnait sans cesse à faire trébucher ses moindres espérances, troubler ses moindres bonheurs, à tout briser de ce qui lui était destiné, pour qu'elle n'ait rien, et qu'elle en meure.
Or un matin, comme Jayda dans la forêt faisait sa cueillette d'herbes pour sa soupe quotidienne, elle découvrit dans un buisson une ruche sauvage abandonnée par ses abeilles. Elle s'agenouilla devant elle, vit qu'elle était emplie de miel tiédi par le soleil. L'idée lui vint de le recueillir. Elle pensa, bénissant le ciel : "J'irai vendre cette belle provende au marché de la ville, j'en gagnerai assez pour traverser l'hiver sans peine ni souci." Elle courut chez elle , prit une cruche , s'en revint au buisson et la remplit de miel. Alors l'esprit méchant qui veillait à sa perte sentit se ranimer sa malfaisance quelque peu endormie par la monotonie des jours. Comme Jayda s'en retournait, sa récolte faite, il ricana trois fois, esquissa autour d'elle un pas de danse invisible, empoigna une branche au-dessus du sentier, et agitant cette arme de brigand, comme passait la jeune fille il brisa la cruche qu'elle portait sur l'épaule. Le miel se répandit dans l'herbe poussiéreuse. L'esprit mauvais, content de lui, partit d'un rire silencieux, se tenant la bedaine et se battant les cuisses, tandis que Jayda soupirait et pensait : " Quelle maladroite je suis ! Allons, ce miel perdu nourrira quelque bête. Pour moi, Dieu fasse que demain soit meilleur qu'aujourd'hui ." Elle s'en retourna, légère, les mains vides.
Comme elle parvenait en vue de sa cabane elle s'arrêta, tout à coup sur ses gardes. Un cavalier venait entre les arbres, au grand galop. A quelques pas d'elle il leva son fouet, le fit tournoyer, traversa le feuillage d'un mûrier, fit claquer sa lanière sur la croupe de sa bête et lui passa devant, effréné, sans la voir. De l'arbre déchiré tomba une averse de fruits. "Bonté divine, pensa Jayda, le Ciel a envoyé cet homme sur ma route. Voilà qu'il m'offre plus qu'une cruche de miel !". Elle emplit son tablier de mûres et reprit vivement le chemin du marché. Aussitôt, l'invisible démon qui n'avait cessé de la guetter se mit à s'ébouriffer, pris de joie frénétique, à se gratter sous les bras comme font les singes, puis se changeant en âne il s'en vint braire auprès de Jayda. Elle le caressa entre les deux oreilles. Il en parut content. Il l'accompagna jusqu'au faubourg de la ville. Là elle fit halte un instant au bord de la grand-route pour regarder les gens qui allaient et venaient. L'hypocrite baudet, la voyant captivée, profita de l'aubaine. D'un coup sec du museau dans le panier il fit partout se répandre la provision, et se roulant dedans la réduisit en bouillie sale. Après quoi, satisfait, il s'en fut vers le champ. "Tant pis, se dit Jayda. On ne peut tout avoir. J'ai l'affection des ânes, un vieux croûton de pain m'attend à la maison. Mes malheurs pourraient être pires."
Or, tandis qu'elle s'apprêtait à rebrousser chemin, vint à passer la reine du pays dans son carrosse bleu orné de roses peintes. Elle vit les mûres répandues, l'âne trottant, l'échine luisante de suc. Elle en fut prise de pitié. "Pauvre enfant, se dit-elle, comme le sort la traite durement !" Elle ordonna à son cocher de faire halte et invita Jayda à monter auprès d'elle. La reine fut tant émue par l'innocence de cette jeune fille qui n'osait rien lui dire qu'elle lui fit offrir une demeure de belle pierre. Jayda s'y installa, et devint bientôt une heureuse marchande. Mais le mauvais génie veillait, ruminant des fracas. Il découvrit un jour où étaient les biens les plus précieux de sa maison : dans une remise, derrière le logis. La nuit venue, il y mit le feu. Jusqu'au matin il dansa autour de l'incendie, sans souci de roussir les poils de ses genoux. A l'aube, il ne restait que cendres et poutres noires où s'était élevée une belle bâtisse. Jayda, contemplant ce désastre, se dit que décidément elle n'était pas faite pour la richesse. Elle s'assit sur une pierre chaude. Alors elle vit une colonne de fourmis qui transportaient leur réserve de blé, grain par grain, de dessous les gravats en un lieu plus propice. Jayda pour les aider, souleva un caillou qui encombrait leur route, et se vit aussitôt éclaboussée d'eau fraîche. Sous la pierre bougée se cachait une source. Les gens autour d'elle assemblés s'émurent et s'extasièrent. Une vieille prophétie avait situé en ces lieux une fontaine de vie éternelle que personne n'avait jamais su découvrir. Le grimoire disait que seule la trouverait un jour, après un incendie, au bout de longues peines, une jeune fille autant aimante qu'indifférente à ses malheurs. Cette jeune fille était enfin venue. On lui fit une grande fête. Jayda depuis ce temps est la gardienne de cette source, la plus secrète et la plus désirable du monde. A ceux qui viennent la voir, s'ils savent aimer, et s'ils savent que le malheur ne vaut pas plus que poussière emportée par le vent, on dit qu'elle offre à boire l'immortalité dans le creux de ses mains.

H.G.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 02 Juillet 2014 à 15:16:01
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Le lutin de la nuit de la saint Ferréol

Il était une fois un petit homme qui habitait Tavel, en pays gardois, et qui s'appelait Simon. Le brave garçon était un peu simplet, ou « niais », comme on disait en patois. On l'aimait bien. Il ne détestait pas de boire en compagnie des autres jeunes gens du village et retirait une certaine fierté de l'attention dont il était l'objet. Pourtant, il y avait en ce temps-là à Tavel un être aussi bête que méchant, qui prenait un réel plaisir à martyriser le pauvre Simon. C'était un géant du nom de Damien. Jaloux de la popularité du simplet, plus d'une fois ses farces avaient mal tourné. Elles avaient entraîné pour le petit homme bien des plaies, plus d'une bosse, nombre de piqûres d'abeilles, de coups de pied de mules, de morsures de chiens et on ne savait plus trop combien de chutes dans le fumier.
Un jour Damien s'imagina faire veiller Simon toute une nuit en haut de la colline du trou du loup. Il lui remit une vieille pétoire toute rouillée qui datait du temps du grand-père de son arrière-grand-père et lui dit :
-Je vais te dire un grand secret. À chaque nuit de la saint Ferréol le sanglier bleu sort du rocher : c'est le sanglier de la saint Ferréol. Un sanglier gigantesque, plus gros qu'un âne, qui n'a jamais vu d'homme. Si tu le mets en joue et que tu cries du plus fort que tu peux : « POUËT ! POUËT ! », le sanglier tombera raide mort à tes pieds de saisissement. Tu deviendras un héros. Plus personne n'osera se moquer de toi.
Ils s'en furent tout en haut de la colline du trou du loup. Là, Damien prit l'air soucieux :
- Il faudrait que tu restes éveillé pour ne pas rater la sortie du sanglier de la saint Ferréol... C'est bien simple : j'ai là un sac de graines de saucissons, si tu en prends une chaque fois que la cloche de l'église tintera, tu ne t'endormiras point !
Damien tendit à Simon un saquet de petits cailloux de la Tave. Le géant s'en fut en riant sous cape, plantant là le niais, sa pétoire et son saquet de graines de saucissons. Tous les quarts d'heure, lorsque la cloche retentissait, Glop ! Simon avalait son caillou.
À minuit sonné, le rocher s'ouvrit. Quelque chose bougea dans l'ombre. Le petit homme sauta sur la pétoire. Il cria du plus fort qu'il put : POUËT ! POUËT ! Un rire lui fit écho :
-C'est donc ainsi que vous traitez vos visiteurs, chez les hommes ?
À la place du sanglier bleu, Simon vit un petit lutin, avec un gros nez rouge.
-Qui es-tu ? demanda-t-il au petit bonhomme.
-Je suis le lutin de la nuit de la saint Ferréol. Je sors une fois l'an pour déguster à la lueur de la lune un verre de rosé tiré des meilleures grappes de Tavel, que je grappille dans vos vignes. Voudrais-tu le partager avec moi ?
Le petit homme accepta l'offre du lutin au nez rouge.
-N'aurais-tu rien à manger, pour accompagner le rosé, demanda le lutin au nez rouge ?
Simon proposa ses graines de saucisson, que le petit bonhomme empocha sans mot dire. Ils parlèrent de choses et d'autres jusqu'au matin.
Avant qu'il ne fît jour, le lutin de la nuit de la saint Ferréol dit à Simon :
-Tu es un convive agréable. Pour célébrer notre rencontre et fêter notre amitié, accepte l'un de mes tonneaux. N'oublie pas d'attendre pour l'ouvrir que le jour soit levé, et de le boire en compagnie !
Le petit homme remercia le lutin au nez rouge. Il courut avec son tonneau jusqu'à l'auberge, où Damien racontait en s'étranglant de rire le dernier tour qu'il avait joué à Simon. Ce dernier entra et posa sur la table le tonneau qu'il offrit de partager avec l'assistance. Ce rosé s'avéra bien meilleur que le meilleur des vins de la meilleure année que l'on eût connue de mémoire d'aïeuls. Simon fut fêté comme il ne l'avait jamais été. Damien, pale de fureur contenue, s'en fut en clamant à qui voulait l'entendre que dans un an, même jour, même heure, c'est lui qui régalerait.
Un an plus tard, Damien prit le chemin de la colline du trou du loup. À minuit sonné, le rocher s'ouvrit. Quelque chose bougea dans l'ombre. Quelque chose qui demanda au géant :
-Et alors, pas de POUËT ! POUËT ! pour m'accueillir cette année ?
Damien haussa ses lourdes épaules :
-Pour qui me prends-tu ? Je ne suis pas un niais, comme ce Simon !
Le petit bonhomme dit au géant :
-Ah bon ? Accepterais-tu malgré tout de déguster, à la lueur de la lune, un verre de rosé avec moi ?
Damien ricana :
-Un verre, dis-tu ? C'est tout un tonneau qu'il me faut !
-Ah bon ? dit le lutin au nez rouge. N'aurais-tu pas de ces graines de saucisson dont me régala Simon l'an passé ?
-Il n'y a que les imbéciles et les fous pour croire à pareille bêtise, dans quelle catégorie dois-je te ranger ? dit le géant, en riant bruyamment.
-Ah bon ? dit le lutin au nez rouge.
Il ramena un tonneau semblable à celui qu'il offrit l'an passé à Simon.
-Inutile de revenir, l'aventure m'aura instruit comme il se doit. Je ne me montrerai plus. N'oublie pas d'attendre pour ouvrir le tonneau que le jour soit levé et d'être en compagnie !
Le géant courut jusqu'à l'auberge.
-Je vous l'avais promis. Aujourd'hui c'est moi qui régale !
Son rire s'étrangla dans sa gorge lorsque le tonneau ouvert, il en sortit des serpents, des crapauds, des rats, des limaces, des chauves-souris, des scorpions. Chacun s'occupa de chasser les intrus. La colère de l'assistance retomba sur Damien, qui reçut ce jour-là plus de coups de poing, de gifles, de coups de pied dans le derrière que le chien du facteur n'avait de puces et de tiques.
-Ne viens plus jamais nous ennuyer avec tes farces, ou il t'en cuirait encore !
Damien ne remit plus les pieds à l'auberge où Simon était fêté tous les soirs. On ne se lassait pas de lui faire raconter sa fameuse « histoire du lutin de la nuit de la saint Ferréol ».

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Juillet 2014 à 15:14:03
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La Princesse grenouille

Il était une fois un roi qui avait trois fils. Un jour, il leur dit:
- Mes fils, il est temps de vous marier. Voici pour chacun de vous un arc et une flèche. Vous allez tirer dans une direction différente et vous prendrez pour femme celle qui ramassera votre flèche.
Chacun tira sa flèche puis alla voir où elle était tombée. Celle du fils aîné était tombée dans le jardin d'un général et la fille du général l'avait ramassée. Alors le fils aîné lui demanda de l'épouser. La flèche du deuxième fils était tombée dans la cour d'un marchand et la fille du marchand l'avait ramassée. Alors le deuxième fils lui demanda de l'épouser. La flèche du fils cadet était tombée très loin, dans un marécage. Longtemps il la chercha en se disant : << Hélas, ma flèche est tombée dans un marécage. Comment trouver une femme ici ? >> Tout à coup, il entendit une petite voix qui disait ;
- Prince Ivan, voici ta flèche.
Il regarda tout autour de lui: personne.
- Prince Ivan, regarde à tes pieds, dit la petite voix.
Il regarda par terre et vit une grenouille qui tenait la flèche dans sa bouche.
- Merci, petite grenouille, d'avoir trouvé ma flèche, lui dit-il.
- Je suis très heureuse de t'avoir rendu ce service, répondit doucement la grenouille, et j'espère que je serai une bonne épouse pour toi.
- Quoi, s'écria le prince Ivan, tu crois que je vais t'épouser ? La petite grenouille le regarda avec des yeux si brillants qu'on aurait dit qu'ils étaient pleins de larmes. Elle lui dit ;    - C'est moi qui ai trouvé ta flèche et tu ne veux pas m'épouser?
Alors le prince Ivan prit la grenouille et retourna au palais. Les trois fils revinrent devant le roi et chacun raconta comment il avait retrouvé sa flèche. Puis les deux aînés présentèrent leurs fiancées qui firent de belles révérences au roi. Quand vint son tour, Ivan sortit la grenouille de sa poche et dit:
- C'est elle qui a trouvé ma flèche.
- Alors mon fils, il faut que tu l'épouses, répondit gravement le roi.
- C'est justice, dit le frère aîné.
- C'est justice, dit le deuxième frère.
Ivan pleura beaucoup mais on célébra ses noces avec la grenouille. Pour que personne ne marche sur elle, un serviteur la tenait sur un plateau.

Quelques temps après, le roi dit à ses fils:
- Je veux savoir laquelle de mes belles-filles est la plus habile. Demandez à vos épouses de tisser un tapis.
Maintenant qu'elles étaient princesses, la fille du général et la fille du marchand ne voulaient plus travailler. Elles commandèrent :
- Nourrice, tisse un tapis pour le roi !
Maintenant qu'elles étaient au service d'une princesse, les nourrices ne voulaient plus se fatiguer à tisser. Elles commandèrent :
- Servante, tisse un tapis pour le roi !
Alors les servantes se dépêchèrent de tisser un tapis, mais elles n'étaient pas très habiles.
En entendant l'ordre du roi, Ivan se sentit très triste et rentra chez lui en pleurant. La petite grenouille s'avança à sa rencontre en sautillant.
- Oh ! Mon gentil prince, pourquoi pleures- tu ? demanda-t-elle.
- Les épouses de mes frères vont tisser de beaux tapis pour le roi mon père, mais toi, tu ne sais pas tisser, dit Ivan en soupirant.
- J'ai promis d'être une bonne épouse pour toi et je ferai tout ce qu'une bonne épouse doit faire, répondit la grenouille. Va te coucher et dors tranquille, je m'occupe de tout.
Pendant qu'Ivan dormait, la princesse quitta sa peau de grenouille et se transforma aussitôt en une belle jeune fille. Elle ouvrit la fenêtre et vit une araignée qui tissait sa toile dans l'embrasure. Elle demanda:

                               << Araignée de la nuit,
                                S'il te plaît, donne- moi
                                Un peu de ton fil de soie. >>

Et l'araignée lui donna du fil de soie. Puis elle dit à la lune :

                                << Lune de printemps
                                S'il te plaît, donne-moi
                                un rayon d'argent. >>

Et la lune lui donna un rayon d'argent.                                      

Puis la princesse-grenouille prit des fleurs dans un vase et avec tout cela elle tissa un tapis. Quand le prince Ivan se réveilla, il trouva la grenouille assise sur un coffret. Elle lui dit :
- Mon gentil prince, ce que tu m'as demandé est dans ce coffret. Attends que tes frères aient offert leur cadeau au roi pour lui offrir le tien. Le roi fit appeler ses fils et l'aîné présenta le tapis que lui envoyait son épouse.
- Peuh ! dit le roi, les servantes de mon palais en font autant.
Le deuxième fils présenta le tapis offert par son épouse.
- Peuh ! dit le roi, les servantes de mon palais en font autant.
Alors, Ivan s'avança, ouvrit le coffret et déplia le tapis tissé par la grenouille. Tous les courtisans assemblés poussèrent des oh ! et des ah ! le tapis était doux comme de la soie et brillait tellement que toute la salle était illuminée d'argent. Son dessin représentait un merveilleux jardin rempli de toutes sortes de fleurs, si belles qu'à les voir on croyait sentir le parfum des nuits d'été. Le roi fut ravi de ce cadeau et il dit à Ivan:
- Je te remercie. Je serai heureux de voir danser ta femme au grand banquet qui aura lieu demain soir.
Et il ajouta, pour ses autres fils :
- Vos épouses sont invitées elles aussi.

Ivan rentra chez lui encore plus triste que la fois précédente. Il dit à la grenouille :
- Demain soir, il y a un banquet où danseront les belles-filles du roi. Les épouses de mes frères vont danser mais toi, qu'est-ce que tu vas faire ? Tu va sautiller en faisant couac ! couac ! et moi, je vais mourir de honte.
- Demain tu partiras seul au banquet, répondit la grenouille. J'arriverai au bout d'une heure. Ne t'inquiète pas, le roi sera aussi content de ma danse que de mon tapis.
Quand Ivan arriva au banquet, ses belles-soeurs se cachèrent pour rire : << Hi ! Hi ! Il n'a pas osé amener sa grenouille!>>
Pendant ce temps, la grenouille avait repris son apparence de jeune fille, et se préparait, seule dans sa chambre. Elle se coiffa, se fit belle puis partit pour la salle de banquet. Dès qu'elle entra, tous les regards se portèrent sur elle et il se fit un grand silence. En un instant, Ivan comprit qu'il s'agissait de sa femme, mais déjà tous les courtisans, les comtes, les ducs, les princes, se précipitaient pour lui offrir leur bras et Ivan eut bien du mal à parvenir jusqu'à elle. Enfin il réussit à la prendre par la main pour la conduire à table.
Les belles-soeurs étaient muettes d'étonnement. Elles se dirent :
<< Nous nous sommes trompées, ce n'est pas un grenouille, c'est une magicienne! >> Elles observèrent tout ce que faisait la princesse et la virent des os dans sa manche droite et verser du vin dans sa manche gauche. Alors, elles firent la même chose. À la fin du banquet, quand le roi demanda aux épouses des fils aînés d'ouvrir le bal, elles refusèrent en disant :
- Nous laissons l'honneur de commencer à l'épouse d'Ivan, car elles voulaient observer ses gestes.

Alors la princesse se leva et se mit à danser avec Ivan, aussi légère qu'une plume. Quand elle agitait sa manche droite, on voyait des oiseaux. Quand elle agitait sa manche gauche, on voyait des paysages de montagnes ruisselantes de cascades. Les autres belles-filles se mirent à danser, en imitant ses gestes; mais quand elles agitèrent leur manche droite, elles lancèrent les os sur la tête des invités, et quand elles agitèrent leur manche gauche, elles les inondèrent de vin. Tout à coup, ping ! le roi reçut un os de dinde sur le nez, et splatch ! du vin dans les yeux ! Alors il se mit très en colère et frappa dans ses mains pour arrêter la danse :
- Ça suffit, ça suffit ! vous deux, allez vous asseoir ! dit-il aux épouses de ses fils aînés.
Le bal dura longtemps car tous les invités voulaient danser avec la princesse. Pendant ce temps, Ivan rentra chez lui, trouva la peau de grenouille et la brûla. Quand la princesse arriva, elle se mit à chercher la peau mais il lui dit :
- Tu ne la trouveras pas, je l'ai brûlée ! Maintenant, tu es ma femme pour toujours. Il la prit dans ses bras et cette nuit-là, ils dormirent ensemble.

Au petit matin, la princesse dit à Ivan :
- Tu as été trop impatient. Cette nuit, j'ai été ta femme mais je ne peux pas rester près de toi. Adieu ! Si tu m'aimes, cherche-moi dans le trentième royaume. Et elle disparut.

Alors Ivan partit à sa recherche. Pendant des mois, il marcha, marcha, demandant partout : << Connaissez-vous le chemin du trentième royaume ? >> mais, personne ne pouvait lui répondre. Un soir, alors qu'il était bien fatigué, il vit au bord du chemin une maisonnette montée sur des pattes de poule, le devant tourné vers la forêt, le dos vers la route. Il lui dit :
- Petite maison, petite maison ! Tourne-toi comme ta mère t'avait placée: le devant vers la route, le dos vers la forêt. Alors la maison se tourna vers lui, la porte s'ouvrit et une vieille femme sortit.
- Bonsoir, grand-mère, dit Ivan. J'ai marché toute la journée et je suis bien fatigué. Pourrais-tu me donner un morceau de pain et un coin pour dormir ?
- Entre mon enfant, entre ! répondit la vieille. Ivan entra, sans ce méfier. Il ne savait pas qu'il était chez Baba-Yaga, la terrible sorcière ! Il mangea et dit à la vieille :
- Merci, bonne grand-mère. Dis-moi, toi qui as vécu longtemps, peut-être as-tu entendu parler du trentième royaume ?
- Que veux-tu aller faire dans le trentième royaume demanda Baba-Yaga, en plissant ses petits yeux.
- Je veux retrouver ma femme. C'est là qu'elle a disparu.
- Alors tu es le prince Ivan, reprit Baba-Yaga. Intéressant, très intéressant ...
- Comment sais-tu mon nom ? demanda Ivan, étonné.
- J'ai entendu parler de ton histoire. Ta femme est prisonnière de Katcheï l'immortel, le maître du trentième royaume. Pour la retrouver, tu devras marcher longtemps encore, jusqu'à la mer. Au milieu de la mer, il y a une île, c'est le royaume de Katcheï.
- Je vais y aller et je tuerai ce brigand, s'écria Ivan.
- Laisse-moi parler, prince Ivan, dit Baba-Yaga. Tu ne pourras pas tuer Katcheï, ni par le fer, ni par le feu. Il est immortel, mais moi, je sais où est caché sa mort. Écoute-moi bien. Sur le plus haut sommet de l'île, il y a un chêne ; sous le chêne est enterré un coffre. Dans le coffre, il y a un lapin, dans le lapin, une cane. La cane porte un oeuf dans son ventre. Dans l'oeuf il y a la mort de Katcheï. Détruis l'oeuf et tu détruiras Katcheï. Alors, moi, Baba-Yaga, je serai vengée de mon pire ennemi ! Et la sorcière, au lieu de dévorer Ivan ou de le changer en pierre, le laissa partir, pour qu'il cherche la mort de Katcheï.

Il marcha longtemps et enfin arriva au bord de la mer. De petits poissons s'amusaient à sauter au milieu des vagues ; l'un d'eux sauta trop haut : il tomba sur le sable et se mit à se tortiller, sans pouvoir regagner la mer. Ivan l'attrapa et dit :
- Tu tombes bien. J'avais très faim, je vais te manger !
- Non, je t'en prie, ne fais pas de mal à mon fils, dit un gros poisson en sortant la tête hors de l'eau. Remets-le dans la mer et je te rendrai service. Alors Ivan rendit le poisson à son père. Puis il se mit à marcher, tout le long de la plage, cherchant une barque ou un pont, un moyen d'accéder à l'île. Mais il ne trouvait rien.
- Tu veux traverser la mer ? dit une voix.
C'était le gros poisson.
- Oui, dit Ivan. Est-ce que tu peux m'aider ?
- Grimpe sur mon dos, répondit le poisson.
C'est ainsi qu'Ivan traversa la mer, arriva sur l'île et commença à gravir la montagne. Il avait toujours très faim. Tout à coup, il entendit un bruit dans un buisson : c'étaient deux petits loups qui jouaient. << Ma foi, se dit Ivan, c'est mieux que rien. >> Il tira son poignard pour les égorger mais une voix cria :
- Non, non !
À cent mètres de lui, une louve le regardait d'un air suppliant.
- Je t'en prie, dit-elle, ne tue pas mes petits et moi je te rendrai service. Alors Ivan rendit les petits loups à leur mère. Il continuait à gravir la montagne quand deux boules de fourrure roulèrent à ses pieds : c'était deux oursons. Il leva son poignard mais une voix cria :
- Non, non !
Du haut d'un rocher, la mère ours l'appelait :
- Je t'en prie, ne tue pas mes petits et moi je te rendrai service. Alors il rendit les petits ours à leur mère et continua son chemin. Là-haut, dans le ciel, planaient deux aigles, un gros et un petit. Comme le petit se posait sur un arbre, Ivan prit son fusil et le visa. Mais la maman aigle s'écrait :
- Non, je t'en prie, ne tue pas mon petit et moi je te rendrai service ! Alors Ivan abaissa son fusil et reprit sa marche.
Enfin, il arriva en haut de la montagne. Le chêne se dressait au milieu d'un amas de rochers. Comment creuser pour trouver le coffre ? Ivan essaya de bouger les rochers mais il ne les déplaça pas d'un centimètre. C'est alors qu'arriva l'ourse. D'un coup de patte, elle déracina le chêne et souleva les rochers. Ivan trouva le coffre mais quand il l'ouvrit, frrrt ! le lapin s'échappa et se mit à dévaler la montagne. Ivan s'élança à sa poursuite en courant de toutes ses forces. Peine perdue, le lapin disparut dans la forêt et Ivan dut s'arrêter, à bout de souffle. Mais quelques instants plus tard, il vit la louve sortir de la forêt et venir vers lui, tenant dans sa gueule le lapin. Vite, il lui ouvrit le ventre... et la cane s'envola à tire-d'aile ! Désespéré, impuissant, Ivan regardait vers le ciel quand tout à coup, il vit un éclair noir fondre sur la cane : c'était l'aigle. Il lui apporta la cane. Ivan la posa à terre, s'agenouilla, prit le poignard et lui ouvrit le ventre : l'oeuf était dedans...  

C'est alors qu'une ombre se dressa devant le jeune prince. Il releva la tête et vit un homme tout habillé de noir, très pâle, qui le regardait fixement.
- Ne touche pas cet oeuf, dit l'homme d'une voix pressante, surtout ne le touche pas !
- Tu es Katcheï ! s'écria Ivan.
- Oui, dit l'homme. Je dormais dans mon palais mais mon corps a tremblé dès que tu as ouvert le coffre. Tu veux ta femme ? Je vais te la rendre. Je te donne aussi toutes les princesses qui sont prisonnières dans mon palais et toutes mes richesses, mais donne-moi l'oeuf. Ivan prit l'oeuf et demanda :
- Où est ton palais ?
- De l'autre côté de la montagne. Donne-moi l'oeuf, bientôt tu seras riche, répondit Katcheï.
Tout doucement, il s'approchait d'Ivan et tendait ses mains tremblantes pour s'emparer de l'oeuf. Alors Ivan brisa l'oeuf contre un rocher. Katcheï poussa un grand cri ; il s'écroula par terre et aussitôt, son corps fut réduit en poussière.

Ivan passa de l'autre côté de la montagne et pénétra dans le palais d'or et d'argent du magicien. Là, il trouva beaucoup de princesses que Katcheï avait faites prisonnières mais il ne les regarda pas. Il chercha dans toutes les chambres jusqu'à ce qu'il retrouve sa femme. Alors il l'embrassa et la fit monter dans le chariot volant du magicien. Ivan et son épouse retournèrent chez eux et ne se quittèrent plus jamais.

Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Juillet 2014 à 14:26:57
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Conte zen

Cela se passa il y a fort longtemps, dans le jardin d'un monastère Zen.

Par un matin ensoleillé d'hiver, les citrons trouvèrent un motif de discorde (personne ne se souvient vraiment du sujet) et commencèrent à se chamailler, en ancien dialecte agrume. Les remarques acides fusaient, des noms de fruits à coque volaient de toutes parts et à un moment donné menaces de pression se firent sous-entendre. Le moine zen qui méditait sous le citronnier dut intervenir avant qu'il y ait un pépin.

-Hé, les citrons, ça suffit maintenant. Un zeste de tenue, s'il vous plaît. Vous vous trouvez dans le jardin d'un monastère !... Allez, hop, tout le monde fait zazen avec moi.

-Mais comment on fait, m'sieur ? demandèrent les citrons tout déconfits.

Le moine leur montra:

-Voila, on croise les jambes comme cela, le dos bien droit, la nuque déliée comme légèrement tirée par un fil invisible vers le ciel, le menton un peu rentré. On se tait, on ne fait rien.

En peu de temps les citrons s'étaient bien calmés. A ce moment-là, le moine leur demanda de lever les bras et de se toucher la tête. En tâtant, ils trouvèrent un drôle de truc, un pédoncule, et éclatèrent de rire : ils avaient compris qu'ils se trouvaient sur la même branche... La mésentente était illusoire, il n'y avait aucune raison de se disputer. Parfaitement semblables, tous reliés, ils faisaient un avec l'arbre et avec l'univers entier. Quel bonheur !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Juillet 2014 à 14:37:49
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Le conte d 'une vieille souris

Quand le soleil se lève et éclaire la forêt, tu peux voir beaucoup de choses intéressantes si tu te lèves de bonne heure. La forêt se réveille, se ranime avec une musique douce et tendre qui se répand. Une maison-toile d'araignée luit comme un arc-en-ciel et colore cette musique. C'est un monde mystérieux et magnifique !

Dans une petite clairière, couverte d'un tapis de fleurs ou quand on court on sent une fraîcheur matinale, la fraîcheur de la  forêt et de l'arôme de l'été qui coupe le souffle. Tout être aimerait être un papillon ou une abeille et voltiger d'une fleur à l'autre. Des gouttelettes de rosée brillent comme des diamants sur chacune des fleurs. Si tu t'arrêtes et tu t'assois sur l'herbe, tu peux entendre les conversations des habitants du bois.

Ils racontent des histoires fantastiques à ceux qui croient au monde des merveilles. Moi, j'aime les merveilles et je suis l'amie  des habitants de la forêt.

Un jour, une vieille souris des champs m'a raconté une histoire étonnante :

"Dans une forêt, très loin d'ici, plusieurs familles de souris habitent dans une clairière ensoleillée. Les voisins vivent en paix, ne se querellant jamais. Ils se préviennent toujours les uns les autres en cas de danger. Tout le monde sait que les souris ont beaucoup d'ennemis. Mais leurs ennemis les plus dangereux sont le renard et le hibou.

Si un événement heureux se produit dans une famille, tous les habitants de la clairière ensoleillée jouissent ensemble. Les Griset et les Champet attendent la naissance des bébés. Toute la clairière, toute cette communauté du bois se trouve en attente joyeuse.
 
Madame Griset accouche enfin d'une fillette.

- Écoutez, écoutez, nous avons une joyeuse nouvelle. Une belle petite fillette est née dans notre famille. Elle est très jolie, très douce, disent les Griset. Quelle joie, notre petite vient de naître !

- Nous l'avons appelée Niki, ont répondu les Champet.

- Et nous avons donné à notre fille le nom de Piki, dit fièrement papa Griset.

Les parents sont contents de leurs filles. Ils les promènent dans la clairière, leur apprennent des ruses, des techniques et les moeurs des souris. Les pères s'occupent de leurs filles quand les mères font le ménage.

Les souris Niki et Piki grandissent vite et commencent à se promener seules. Elles s'éloignent chaque jour plus loin, loin de la surveillance des grands.

Niki est une fille douce et obéissante, elle aide ses parents, écoute leurs conseils et les recommandations de ses maîtres. Piki, elle, est pleurnicheuse. Elle aime se parer et s'admirer  dans les mares de glace. D'habitude Piki se réveille tard et peigne soigneusement son poil. Papa Griset se fâche  souvent contre sa fille:

- Tu feras mieux d'apporter des grains à manger au lieu de t'admirer.

- Laisse-la tranquille, dit maman souris en défendant sa petite fillette. Elle est si sage. Elle grandira et commencera à faire tout. Écoute sa voix, elle chante bien.

- Elle ne chante pas, elle quiore, gronde Griset, c'est pourquoi elle s'appelle Piki.

En effet, Piki n'aime que chanter. Elle grandit, mais elle ne veut rien apprendre. Elle aide ses parents faire le ménage à  contre – coeur. "Elle fait tout sans coeur" ajoute papa Griset.

Un jour, un lièvre, qui s'appelle Guepessi Tombe-feuille arrive de la lisière la plus lointaine. On l'appelle  Guepessi parce qu'il était très joyeux, il sautait et tournait comme une guêpe. Le lièvre leur dit :
 
- Ah! Oh! Attention ! L'hiver sera dur, rude et froid.

- D'où le sais-tu? – demandent les habitants de la clairière ensoleillée.

- Les rats de blé l'ont dit. Ils l'ont appris des écureuils. Les écureuils ont été prévenus par des oiseaux de passage. Les oiseaux savent tout, répond Guepessi Tombe-feuille et il court raconter cette nouvelle à tous.

- Qu'est-ce que l'hiver ? demande Piki à Niki.

- Papa dit, qu'en hiver tout est  blanc, les pattes ont froid. Il est difficile de trouver de la nourriture et de se cacher des ennemis.

- Il ne faut pas penser à cela aujourd'hui, dit Niki à sa copine.

- À quoi faut-il donc penser? s'étonne Piki. Regarde, la fourrure de Guepessi est blanche et duveteuse. Je voudrai avoir une telle fourrure !

Après cette prévision apportée par le lièvre, les souris ont commencé à travailler avec zèle. Elles portent des grains dans leurs trous, mettent les herbes sèches pour rendre les abris plus chauds. Piki est devenue pensive. Elle commence à aider ses parents. Elle aime surtout se trouver là, où les souris mettent des grains et de la farine.

- Regarde, Griset, notre fille est devenue grande. Elle ne tourne plus devant la glace, ne se peigne plus et ne met plus en ordre sa frange, se réjouit maman-souris.

Un jour Piki est sortie du garde – manger en souriant. Elle est passée devant ses parents étonnés et elle est sortie de la maison. Niki a rencontré Piki :

- Qu'est-ce qui s'est passé, Piki ?

- Tu sais, ma Niki, j'ai saupoudré mon poil de farine.

- Pourquoi ?

- Maintenant mon poil est devenu blanc comme le poil de Guepessi Tombe-feuille.

La souris a sauté pour que sa copine  regarde mieux sa robe et elle a commencé à danser, en chantant une chanson.
 
- Tu es stupide, Piki, Niki pouffe de rire. Tu es devenue farineuse. Quand tu tournes et tu agites ta queue tu soulèves de la poussière...

- Comment ! Tu m'envies. Je suis mieux que toi, j'ai un poil plus duvet. Je chante mieux que toi ! crie la souris offensée et elle  court vers la forêt.

- Piki, où vas-tu? Il fait déjà sombre; dans la forêt habitent nos ennemis: le renard et l'hibou et toi, tu ne les connais pas.

Mais Piki n'écoute pas sa copine et  s'enfuit plus loin. Niki la poursuit.

- Mais pourquoi tu te fâches, se désole la souris. "Il faut l'attraper. Elle peut s'égarer et ce sera un malheur".

La nuit est tombée. Niki s'arrête et elle prête son oreille: un silence insolite...

Piki court jusqu'à une lisière où elle n'a jamais été auparavant et s' arrête pour prendre son souffle.

La souris regarde autour d'elle :

"Quelle beauté! a-t-elle murmuré en voyant le rouge du soleil embrasser le ciel violet. De belles  toiles  se succèdent l'une après l'autre en faisant signe de l'oeil.

Piki admirait le coucher du soleil et elle n'a pas aperçu la nuit tomber. Entre les couronnes des arbres, on pouvait voir des regards froids. La souris tressaille. Tout à coup, une ombre noire, aux grands yeux flamboyants  passe sans bruit comme un vent.

- Oh!... Qui ? a crié la souris et elle tombe par terre et ferme les yeux.

- Quelle  histoire ! J'ai peur !

Tout à coup, quelqu'un la touche.

- Aie, aie! crie Piki, elle s'apprête déjà à s'enfuir, mais elle  entend une voix connue:

- Piki, n'aies pas peur, c'est moi, Niki. Il nous faut trouver un trou, pour se cacher. Le hibou peut nous manger.

- Le hibou ? demande Piki.

- Comment ! Tu ne te souviens pas de l' image que ton papa nous a montré ?

- Non, avoue Piki.

- C'est un oiseau rapace.

- Alors, courons vite, crie la souris effrayée et elle se cache dans les buissons.

Quand Niki la rattrape, Piki commence à pleurnicher :

- J'ai peur! Je veux rentrer à la maison.

- Comme tu es faible! Ne pleure pas, nous trouverons le chemin pour rentrer à  la maison.

Le hibou survole doucement les buissons, où se cachent les souris. Mais il décide de ne perdre pas son temps et s'éloigne, laissant derrière lui une ombre grise et un peu d' effroi.

Quelque temps après, les souris  voyant le danger disparaître, elles se dirigent vers la maison. Il faisait froid. Et par Malheur, le ciel s'est couvert de nuages et la pluie a commencé à tomber.

- J'ai froid, je suis mouillée, pleure Piki.

- Allons, il faut continuer notre chemin. Nos parents nous attendent, ils s'inquiètent. Notre maison, n'est pas loin, réplique Niki.

- Je prendrai froid, je tomberai malade et je mourrai. Donc, je ne veux pas aller, dit Piki et elle s'arrête

- Eh, bien, allons nous cacher sous cet arbre, cède Niki.

Les copines se sont cachées entre les racines d'un vieux arbre, elles se sont pelotonnées et se sont endormies tout de suite parce qu'elles étaient très fatiguée.

Dans leurs maisons les Champet et les Griset étaient sur des épines.

- Où ont-elles disparu? se demandaient les mères.

- Un hibou ou un renard peut les trouver et nous perdrons nos petites.

- J'ai vu notre fille Piki quand elle est sortie du garde – manger, toute blanche de farine. Et puis elle a disparu. Niki l'a suivie. Quelle idée leur est venue en  tête, gronde papa Griset.

- Tu ne peux que gronder. Prends des champignons- lanternes et va les chercher avec papa Champet, dit  maman – souris.

Les pères ont fait ce qu'elle a dit.

En ce temps-là, le Renard ne dormait pas. Il voulait manger quelque chose de bon et il ne pouvait plus rester à la maison. Le carnassier quitte son gîte et commence  sa chasse de nuit dans la forêt. "Je voudrai me régaler de douces souris", se dit le renard. Après la pluie, l'air est frais et le Renard distingue sans effort   les odeurs différentes. Tout à coup, il sent une odeur de souris. Elle était tout d'abord faible, à peine saisissable, ensuite elle est devenue plus forte et au bout du compte, le renard s' approche de l'arbre, sous lequel dorment nos amies Piki et Niki. Les petites étaient très fatiguées. Elles ont manqué de prudence. Par bonheur, le Renard ne pouvait pas les atteindre sous les racines de l'arbre et il ne pouvait que tourner et flairer. Il voulait  tant les manger!

Ce carnassier roux commence à fouiller la terre pour saisir les douces souris.

Tout à coup Niki se réveille et elle prête son oreille. Elle ne se trompe pas... Quelqu'un est tout près. Niki réveille Piki et elle lui montre la sortie de leur abri :

- Qui est-ce Piki ?

- Je ne sais pas, peut-être un hibou.

- Non, cet être est grand et velu.

Elles décident de ne pas sortir du trou. Tout à coup, quand Niki se gratte l'oreille, elle entend un bruit derrière elle. Elle se tourne et elle voit un grand abime là où était Piki quelques minutes avant.

- Piki, Piki, où es-tu? a-t-elle crié mais personne n'a répondu. - Que puis-je faire? se dit-elle.

Elle cherche dans tous les côtés sans se soucier du danger. Elle voulait sortir de son abri quand elle a entendu des sons étranges. La souris s'est approchée de l'abime et s'est jetée tout de suite en arrière: elle a vu un être inconnu. Elle a eu peur et elle s'est accrochée à l'arbre.Un éclair l'a aveuglé et un monstre effrayant est apparu.

La lumière de ses grands yeux aveuglent la petite  souris. Quand l' inconnu ferme les yeux, il fait sombre autour de lui. Le monstre velu agite ses pattes, piétine le sol puis il se dirige sans mot dire vers la souris qui tremble de peur. Il lui a pris la patte et il l'a entraînée vers le fond. Niki se retrouve dans une obscurité totale, entraînée dans les labyrinthes souterrains  par un monstre effrayant, qui éclaire la route par ses yeux.

Ils marchent ainsi longtemps. Enfin, le monstre s' arrête et ouvre une porte invisible. Puis, il pousse Niki dans un trou étroit. La porte se referme sans bruit et la souris se retrouve seule. Il fait nuit. Niki n'entend  rien. Elle prête l'oreille. Rien, que le silence effrayant. Niki a faim.

Les pères de Niki et de Piki continuent les recherches. Ils ont entendu le bruit et ils se sont dirigés vers l'arbre sous lequel leurs filles s'étaient trouvées. Papa Griset et papa Champêt n'ont pas vu le renard qui recule, tremble et se cache par terre. Les pères s'approchent. Le renard s'enfuit comme un lapin.

- Je ne comprends rien, murmure M. Champêt,  très étonné : un renard s'enfuit devant des souris ! Je ne comprends rien.

- Regarde, qu'est-ce que c'est? s'exclame M.Griset. Ce sont les traces de ma fille !

La pluie lave toute la farine. Les pères suivent les traces qui mènent vers l'arbre où sont enfermées les souris. Mais maintenant là il n' y a plus aucune trace.

Les pères cherchent leurs filles sous l'arbre, autour de l'arbre, ils les appellent mais personne ne leur répond.

"Pauvre Piki, pauvre Niki, se désole papa Griset, c'est le renard qui les a avalées.

- Ne pleure pas, rassure papa Champêt, son voisin. Ce renard, est effrayé lui-même.

- Peut-être que c'est un hibou qui les a saisies et les a mangées, continue à se lamenter papa Griset.

- Oui, soupire papa Champêt.

Les deux  pères, frappés de Malheur, se traînent à la maison pour raconteur à leurs femmes la triste histoire de la disparition de leurs filles.

...Combien de temps s'est-il passé? Niki ne sait pas. Elle regarde dans l'obscurité mais ne voit rien. Tout à coup, la porte s'est ouverte et une terrible lumière aveugle la souris. Un animal inouï entre. Il est de moyenne taille et il ressemble beaucoup au monstre qui l'a enlevée, parce qu'il a les yeux lumineux et les membres qui palpitent sans cesse. L'animal ordonne par un geste de le suivre. La souris le suit dans de longs couloirs sombres. Enfin, elle aperçoit de la lumière. Dans une grande salle, elle voit un autre monstre. Niki regarde autour d'elle avec curiosité. Elle est très étonnée parce qu'elle se trouve dans une salle dont les murs laissent pousser et s'accrocher des branches et des noeuds. Les murs remuent sans cesse et tendent leurs branches vers la souris. La pauvre captive est morte de peur. Le monstre dit :

- Je sais que tu t'appelles Niki. Tu habites dans la clairière ensoleillée. Tu es sage et laborieuse. J'ai besoin de telles travailleuses. Tu seras à mon service.

- Qui es-tu ? demande Niki, tremblant du peur.

- Je suis  le roi! répond le monstre. Je suis le roi du royaume le plus sombre, le plus profond et le plus beau. Je m'appelle Fauxsouris.

- Je n'ai jamais entendu parler de ce royaume.

- Personne ne connait notre royaume et personne ne doit  savoir  son existence. C'est notre secret. Tu ne quitteras jamais mon royaume.

- Mais mes parents...

-Tu dois les oublier !

Niki  fond en larmes. Elle pleure si fort que ses larmes font une flaque. Cette flaque coule vers le roi Fauxsouris.

- Qu'est-ce que tu fais? demande le roi. Cesse immédiatement!

Tu noie mon  royaume. Arrête tout! crie le roi d'une voix terrifiante.

Le valet qui a mené Niki au fond a commencé à remblayer la flaque de larmes. Niki, étonnée, cesse de pleurer. Mais elle trésaille de temps en temps.

- Où est ma copine Piki? demande-t-elle au roi.

- Tu ne dois pas te rappeler d'elle. Elle n'est pas ici.

- Où est-elle?

- On l'a emmenée dans un autre royaume.

- Un autre royaume? Où est-il ? insiste Niki.

- Dans le royaume Irous. C'est un royaume puissant comme le mien. Ta copine, elle veut toujours être belle, maintenant elle est heureuse, parce qu'elle deviendra la plus belle dans ce royaume, belle comme moi, a-t-il ajouté.

- Est-ce que c'est elle qui a raconté comment nous nous appelons et où nous habitons après les tortures, n'est-ce pas?

- Oui, c'est elle qui a raconté, mais je ne l'ai pas torturé. Elle a raconté d'elle-même. Maintenant elle est au service d'un autre roi.

- Comment, vous êtes tous les deux rois? s'étonne Niki.

- Toi, tu travailleras chez moi. Fauxsouris fait semblant de n'entendre pas la question de Niki et il  continue : c'est toi qui seras à mon service.

- Tu dois nous laisser partir, crie Niki.

- Je m'en ai assez. Je suis fatigué, emmenez -la ! ordonne le roi.

On emmène Niki dans un trou obscur. Elle reste seule et elle est triste. "Maman fait des pâtés. Oh j'ai faim". Niki commence à pleurer. Elle pleure, pleure sans cesse et on pouvait s'étonner que tant de larmes se trouvaient dans une petite souris.

Tout à coup la porte s'ouvre et un gardien entre. Il n'a pas aperçu la flaque de larmes et il s' y noie. Une chose étonnante se passe, Niki cesse de pleurer: le gardien est  pétrifié.Il ne peut plus bouger.

"Oh, maintenant j'ai compris pourquoi le roi Fauxsouris ordonne d'essuyer la flaque de larmes. Il a peur de l'eau." suppose Niki.

Elle décide de s'enfuir. Mais dehors il fait la nuit. Elle a peur. La souris ne sait pas où aller. Notre captive toute décontenancée s'arrête.

- Niki, aide-moi, Niki, je veux pas mourir.

Niki a entendu ces mots plaintifs. Le son vient du trou.

- Qui est-ce?

- C'est moi, le gardien. Frotte-moi les yeux que je sèche ma peau  par la lumière de mes yeux pour  bouger.

- Tu me renfermeras de nouveau?

- Non, parole, je t'aiderai.

Niki a pitié de ce gardien, elle ne veut pas sa mort. Notre douce souris frotte les yeux du gardien par le pinceau de sa queue. Les yeux de l'animal brillent de mille feux et il sèche son poil mouillé. Son poil redevient duveteux et velu. Le gardien commence à remuer ses pattes. Ensuite, sans dire un mot il se tourne et il sort du trou en fermant la porte.

La pauvre souris tombe en désarroi devant  cette trahison du gardien. Maintenant, elle ne pourra jamais quitter cet endroit. Pendant que Niki s'afflige, la porte s'est ouverte de nouveau. Le gardien est revenu. Dans ses pattes remuantes, il apporte la tenue d'un garde.

- Habille-toi vite, je vais te sortir du royaume.

Niki s'est habillé à la hate. Quand elle était déjà prête, elle s'est tourné vers le gardien et lui a dit:

- Et Piki?

- Piki habite dans un autre royaume, chez le frère de Fauxsouris. Je ne peux pas la sauver. Sauve -toi!

- Non, je ne peux pas partir sans elle. Qu'est-ce que je dirai à ses parents?

- Fais comme tu veux mais je ne pourrai rien plus faire pour toi. C'est dangereux pour moi.

- Dis-moi comment je peux aller au royaume Sirous.

- Personne ne le sait outre le roi Fauxsouris.

- Qu'est-ce que je dois faire?

- La seule issue c'est de travailler chez le Roi.

- Pour rien au monde! s'est indignée Niki...

- Tu pourras apprendre tous les secrets...

Le gardien n'a pas fini sa phrase qu'on a entendu trois coups de sonnettes. Le garde s'est dépêché de sorti :

- Je dois aller, on vient par ici et tu dois décider...

- Tu t'appelles comment ? demande Niki.

- Je m'appelle Fo. Tu m'as sauvé la vie et je voudrai t'aider.

- Merci, Fo.

- Je dois partir.

Fo est sorti. Quelques minutes après, Niki voit venir le roi:

- Eh bien, Niki, es-tu d'accord pour me servir?

Niki garde la silence.

- Tu dois comprendre, bête souris que tu n'as pas de choix, ne t'obstine pas!

- Bien, Fauxsouris, je suis d'accord... mais tu dois me donner à manger.

- Sans doute, crie joyeusement le roi. Apportez le repas le plus délicieux du royaume!

Le gardien Fo apporte à Niki un vase plein de racines remuantes. Il le donne à notre prisonnière.

- Est-ce votre repas?

- Oui.

- Mais je ne mange que les grains de seigle, de blé ou d'avoine.

- Tu es bien capricieuse, tu es comme ton amie Piki.

- Piki? Tu dis Piki? Où est-elle? s' inquiète Niki.

- J'ai déjà répondu, ne pose pas de questions. Je n'aime pas ça, l' interrompt Fauxsouris.

- On te donnera des grains adorables à condition que tu oublie ta copine et son nom. Tu t'habitueras avec le temps de manger nos racines délicieuses. C'est le repas royal, stupide souris.

Fauxsouris  fait  signe à un des gardiens et celui-ci  sort quelques minutes et ensuite il  apporte à Niki quelques grains de blé.

- Mange et sois prête, on va t'emmener d'ici. Tu vas travailler. Tu dois essuyer mes yeux par le pinceau de ta queue, surtout après le sommeil. Ainsi je verrai mieux. Et puis tu vas servir à table pendant le dîner.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Juillet 2014 à 14:38:04
Le conte d 'une vieille souris (suite et fin)

Fauxsouris se retire avec ses gardiens.

"D'abord tu dois essuyer mes yeux affreux", Niki imite la voix criarde du roi, elle avance le ventre  et agite ses pattes. Elle a mangé goulûment les grains parce qu'elle avait faim et puis elle s'est lavée : elle a nettoyé son poil, ses moustaches, a lavé ses yeux, a essuyé ses pattes. A peine a-t-elle fini que le gardien du roi est venu. Il l'a emmenée dans la salle, où elle a vu le roi la première fois. La souris s'est mise son travail. Elle a essuyé par le pinceau de sa queue les yeux du monstre répugnant. Quand elle a fini, la lumière des yeux de Fauxsouris est devenue plus éclatante. Ensuite elle a donné à Fauxsouris son repas délicieux- les racines remuantes. Le roi était très content ; il agitait énergiquement ses pattes.

- Tu as bien commencé ton travail, Niki, a piaulé le roi par sa voix répugnante. Maintenant tu dois t'endormir et de ne pas penser à t'enfuir.

Fauxsouris a saupoudré les yeux de Niki par une poudre et Niki s'est endormi tout de suite.

La vie de Niki dans le royaume souterrain était bizarre. Elle se réveillait, déjeunait, puis on l'emmenait chez le roi et la souris essuyait les yeux du roi par le pinceau duveteux de sa queue. Ensuite elle donnait manger à roi des racines dégoutantes et puis Fauxsouris saupoudrait les yeux de Niki par une poudre somnifère. Niki s'endormait tout de suite. Pauvre, pauvre souris, elle ne pouvait pas s'informer sur sa copine Piki. Peu à peu Niki a commence à distinguer les gardiens qui ressemblaient les uns aux autres.

Les yeux d'un, par exemple, donnaient un vif éclat vert, c'était le plus jeune gardien. Un autre boitait un peu. Le troisième, qui avait des yeux tristes, était Fo. Niki a compté sept gardiens.

Niki a appris de Fo que le roi endormait non seulement Niki, mais les gardiens aussi. Fauxsouris était très prudent et incérdule. Tout celà était une mystère épouvantable. Pour la deviner il ne fallait pas s'endormir, mais comment? Niki a inventé une chose...

Une fois, quand Fauxsouris a jeté de la poudre dans les yeux de Niki, Niki a laissé tomber un plat avec les racines, a baissé brusquement pour le prendre et s'est bouché son nez. Le roi s'est mis en colère, mais Niki a fermé les yeux et "s'est endormie". Fauxsouris a poudré les yeux des gardiens qui se sont endormis aussitôt.

Mais Niki a trompé le roi. Elle s'est couchée sur la trône et a fait semblant de dormir. Tout à coup elle a entendu un bruit. Niki a ouvert un oeil.Elle a vu quelque chose de miraculeux: les racines de la salle ont remué en sifflant. Puis elles ont commencé à se disperser dans tous les côtés comme des araignées vivantes. Niki a voulu s'enfuir, se sauver, elle a fait l'effort mais elle est restée couchée immobile. Les racines ont écarté les murs terreux et la lumière du jour a éclairé la salle.

Niki a voulu courir dans cette salle ensoleillée et s'enfuir au loin, mais... elle devait sauver son amie, Piki.

Fauxsouris s'est transformé étrangement. Tout d'abord il a cessé d'agiter ses pattes. Le roi s'est penché et s'est dirigé vers la salle ouverte. Sa peau velue est tombée et a disparu. Ce monstre devenait pareil à un gros rat sans poil, aux grands yeux et aux deux dents - laniaries sur le museau.

Fauxsouris est entré dans une salle Claire et une voix a annoncé: "Sa majesté, le roi Irousauf !" Ensuite, les murs se sont retirés.

"Tiens! Le roi Fauxsouris et Iroussauf sont la même personne à l'envers", s'est étonnée Niki.

Quand les racines sont entrelacées comme des grandes araignées, il fait obscure. Tous les gardiens dorment profondément. On pouvait entendre leur renflement. Niki savait bien que Fo était parmi eux. Il devait être non loin et elle a commencé  à le chercher. Elle l'a trouvé bientôt. Les gardiens remuent toujours leurs pattes, mais il faudrait réveiller Fo. Fo dormait profondément. "Qu'est-ce que je devrais faire? Comment puis-je le réveiller?"- pense Niki.

Elle a passé le pinceau de sa queue sur le museau de gardien, sur ses yeux... Oh, quel bonheur! Fo s'est réveillé. Quand il a ouvert ses yeux, il faisait clair. Fo a regardé avec   étonnement autour de lui et a demandé :

- Dis-moi, Niki, où est le roi? Pourquoi tu ne dors pas? Ce sont les gardiens qui doivent se réveiller les premiers pour t'apporter dans ton trou.

- J'ai trompé le roi. Je n'ai dormi pas. Fauxsouris est allé dans une salle qui est derrière ce mur. Là il fait clair. Le roi s'est transformé en grand rat.

- En rat?

- Il ressemble à un grand rat ou un autre animal chauve.

- Chauve?  Fo est étonné.

- Il n'est ni chauve ni velu. Je ne sais pas, il ne ressemble pas à un animal que nous pouvons connaître.

Fo hésite.

- J'ai entendu dire qu'on l'appelle "le roi Iroussauf", continue Niki.

- Iroussauf ? Irousauf..., pense Fo. C'est le frère de Fauxsouris.

- Mais dans ce cas c'est la même personne. Dans le royaume Irousse il est Irousauf, dans le royaume Faussour il est Fauxsouris. C'est étrange ! Il a une vie dans le premier royaume et une autre vie dans l'autre royaume. Comment a-t-il réussi à faire cela? Et vous, les gardiens, vous n'avez pas deviné cette ruse.

- Vous ne supposez pas l'existence de deux royaume opposés : un de Nuit et un de Jour?

- Nous n'avons pas pensé à cela. Nous vivons depuis trois cents ans dans le royaume obscur de Fauxsouris et nous ne violons jamais ses lois.

- Trois cents ans ? Niki s' étonne de plus en plus. Mais qui essuie les yeux de votre roi ?

- Il enlève des habitants de la forêt ensoleillée et il les fait servir comme toi.

- Quelle horreur !

- Peu peu, les prisonniers s'habituent à se nourrir de racines et ensuite, ils se transforment en gardiens de sa majesté. Ce repas prolonge la vie pour longtemps et change le physique des habitants du royaume souterrain de Fauxsouris.

- Dans ce cas, tu était auparavant une souris ?

- Je ne me souviens pas, c'était bien longtemps, dit Fo tristement.

- Tu n'as jamais essayé de t'enfuir?

- J'ai essayé bien sûr, mais c'était impossible. Les gardiens t du sombre royaume sont très méchants et ils gardent bien les captifs.

- Mais pourquoi m'aides-tu ?

- J'ai vu pour la première fois un coeur doux qui a de la pitié pour son ennemi. Tu m'as sauvé et moi je te sauverai à mon tour.

Niki et Fo se parlent longtemps. Il lui apporte des grains, lui, il a mangé les racines habituelles.

- Fo, pourquoi mangez vous cette saleté ?

- Si nous ne mangeons pas ces racines nous cessons de  bouger, pour nous le mouvement c'est la vie.

- Où les prenez-vous ?

- Ces racines poussent aux murs terreux du royaume. Ils absorbent l'humidité qui est nuisible pour tous les habitants.

L'eau est très dangereuse pour nous, tu l'as déjà vu.

- Quand j'ai pleuré ?

- Oui, j'ai faille périr dans tes larmes parce que mon poil s'est mouillé. Personne ne doit pleurer dans notre royaume.

- Tu ne pleures jamais ?

- Quand j'étais autre, c'était il y a bien longtemps. Mais sois attentive, il est temps de se réveiller

- Qu'est-ce qu'il faut faire ?

- Je ne sais pas.

- Il faut trouver la poudre somnifère, commande Niki. Et ils se précipitent vers le trône. Ils trouvent vite une cassette laissée par Fauxsouris. A peine Niki avait-elle saisi une poignée de poudre, que  les racines des arbres se sont écartées en ouvrant la salle claire de l'autre royaume. Les amis font semblant d'être endormis. Iroussauf entre et se transforme en Fauxsouris.

- Qu'est-ce que c'est? crie-t-il en voyant quelques grains de blé par terre.

Niki a peur.

- Ah! Cette sotte souris les porte dans ses poches.Les souris font toujours provision de grain, gronde-t- il. Il faut la faire habituer aux racines le plus vite possible. Elle ne se transformera jamais en gardien si elle fait toujours provision de grains. Si on la fait mourir de faim elle commencera à manger des racines.

"Certainement"- Niki a montré ses dents, mais elle restait immobile.

- Pourquoi mes valets ne se réveillent-ils pas? s'interroge capricieusement Fauxsouris.

À peine a –t-il dit cela que les gardiens ont commencé à remuer l'un après l'autre. Fo "s'est réveillé" aussi. Il s'est dirigé vers Niki qui semblait endormi, l'a prise par les pattes et l'a emportée dans son trou. Niki retenait à peine son rire quand Fo la portait en agitant sans cesse les pattes. Ses pattes la chatouillaient.

Quand Niki retourne dans son trou, Fo lui a chuchoté :

- Prépare-toi, Niki, tout dépend de toi. Je dois partir, un autre gardien va te garder.

- Je m'efforcerai, répond Niki. Fo la quitte.

On n'a apporté à Niki aucun grain de blé mais beaucoup de racines. Le roi a décidé de transformer Niki en gardien le  plus vite possible. Mais cela n' effraie pas notre souris courageuse. Elle n'a pas faim et elle se prépare à attaquer le roi. Elle a frotté soigneusement le pinceau de sa queue par la poudre somnifère. C'est dangereux parce que la poudre pourrait atteindre ses yeux et Niki pourrait s'endormir.

Quand le roi a appelé Niki, elle était prête. Elle commence à essuyer les yeux du roi par sa queue.

- Qu'est-ce que tu fais? crie Fauxsouris. Il est très furieux. Tout à coup il est frappe de sommeil. Il se frotte les yeux, mais en vain.

- Je te..., je te... il pousse un cris, mais il ne finit pas sa phrase.

Son regard s'éteint... il s'est endormi.

Les gardiens voulent arrêter Niki, alors elle jette de la poudre dans leurs yeux. Tous s'endorment. Il faisait sombre parce que tous les gardiens ont fermé leurs yeux. La salle est devenue obscure en quelques minutes . Tout à coup les racines se sont écartées et une entreé s'est ouverte. Niki entre et  ferme  les yeux...

- Sa majesté le roi Iroussauf! annoncé une voix solennelle.

Le gardien qui dit ça, était plus petit que le roi et Niki, il ressemblait à une taupe velue mais aux dents laniaires. La taupe était aveugle! Mais cela ne l'a pas empêché de tourner sa tête vers Niki. Ce gardien avait un flair fin. Il a traversé la salle, il a emmené un autre gardien. Celui-ci avait un aspect pitoyable. Il a  dirigé sa tête basse vers Niki. Il semblait tout à fait indifférent. Il a soupiré et a commencé à chanter une chanson d'une voix fine :

Le plus terrible et le plus dangereux

Le plus courageux et le plus beaux

Tu triompheras des poltronnes

Toi, le roi Iroussauf !

Cette voix paraissait connue à Niki. Elle l'avait entendu auparavant. Sans doute, c'était...

- Piki, ma petite Piki! C'est toi! Enfin je t'ai trouvée.

Le malheureux animal dans lequel Niki a reconnu son amie, était Piki. Elle a levé sa tête et ne croyant pas ses yeux elle a couru vers Niki.

- Niki, la malheureuse souris s'est précipitée vers son amie: - Je savais que tu me trouverais.

- Garde! a crié le gardien, qui se trouvait près de Niki.

- Chut ! dit Niki et elle a passé sa queue sur les yeux du gardien.

Le gardien a éternué, est tombé par terre et s'est endormi. Par bonheur personne n'est venu.

- Qu'est-ce qui t'est arrivé? Pourquoi tu as cet aspect?

- Oh! gémit Piki, ne me parle pas de mon aspect. J'ai honte et je suis punie. Nous sommes ici à cause de mes caprices. Quand je suis tombée dans ce trou, ce monstre Iroussauf me saisit. Je me suis évanouie. Quand j'ai repris connaissance, j'ai vu un  trou avec des racines aux murs. Puis les rats aveugles m'ont emmené chez le roi aveugle.

- Comment? Iroussauf est aveugle?

- Ici tous sont aveugles mais ils ont un flair fin. Iroussauf m'a dit de servir bien pour être la plus belle dans ce royaume.

- Et toi, tu l'as cru?

- Tu dois me comprendre, je rêve toujours d'être la plus belle, d'être la plus belle du royaume.

- Pauvre petite! Niki avait pitié de son amie.

Elle l'a embrassé, Piki pleurait.

- As-tu mangé ces racines? Tu t'es transformée comme les autres? Niki se sentait si malheureuse qu'elle était prête à pleurer avec Piki.

- Le roi dit que ce sont des racines magiques. Qui les mange se transforme en souris au poil blanc comme le poil du lapin Gupassi, aux cils plus longs que les cils des écureuils et aux dents les plus blanches, continue Piki en pleurnichant. J'ai commencé à manger ces racines. Et puis j'avais faim. Quand j'ai compris qu'on m'avait trompé, il était déjà tard. Tu sais, il me semble que je perds la vue.

- Pauvre Piki. Niki embrasse son amie.

Piki garde une minute de silence. Les larmes étouffent cette malheureuse souris et elle crie :

- Je ne verrai jamais ma maison, mes parents!

Piki pleure de désespoir.

- Nous sortirons d'ici, crois-moi !

- Je ne sais pas. Parfois il me semble que ce sera impossible. Est-ce que tu y crois, toi ?

- Sans doute, Piki.

- Et toi ? Comment tu t'es trouvée ici ? a interrogé Piki.

Niki raconte l'histoire de son aventure dans le royaume de Fauxsouris : la connaissance de Fo, l'existence secrète des deux royaumes... Le temps passe vite et le royaume obscur de Fauxsouris a ouvert ses portes. Les souris passent dans une autre salle et le mur se ferme. Mais tout à coup, le roi s'est réveillé. Niki le saupoudre de nouveau avec la poudre somnifère. Il jure et s' endort tout de suite.

La garde s'est réveillé aussi et les yeux des gardiens ont éclairé la salle. Niki saupoudrent les gardiens aussi. Puis elle s' approche de Fo qui dort encore et le réveille :

- Fo, mon cher Fo, il est temps de te lever.

Le gardien s'est réveillé, a demandé de l'attendre quelques minutes.

- Il fait sombre, j'ai peur, a murmuré Piki.

- Fo reviendra bientôt et il fera clair, dit Niki à sa copine.

Fo, le gardien fidèle est revenu après quelques minutes et il a ordonné:

- Piki, toi, tu mettras la tenue de gardien et moi, je porte Niki dans mes bras.

Les trois amis marchent dans les dédales des couloirs. Ils sont arrêtés par un gardien, puis par un autre, mais Fo leur répond toujours :

"Sur l'ordre du roi Fauxsouris!"

Les gardiens croient Fo parce que dans ce royaume on ne viole jamais la loi.

Ainsi, ils passent tous les postes. Puis Fo descend Piki avec précaution sur la terre. La porte d' entrée du trou s'est ouverte devant les souris. Ici, les racines poussent sur les murs, par terre et même au plafond.

- Attendez, dit Fo, je dois trouver l'anneau pour vous laisser partir à la maison.

- Et moi, à l'extérieur, s'inquiète Piki. Est-ce que je reste affreuse et velue ?

- Qu'est-ce qui est le plus important pour toi : la liberté ou ton extérieur? Fo regarde Piki et lui dit :

- Tu dois choisir entre partir ou rester ici.

-Je choisis la liberté, je veux retourner à la maison, pardonne-moi, Fo.

- Pourquoi ?

- Je ne voudrais pas t'offenser quand j'ai dit "un animal".

- Sans problème dit Fo ; il agite ses pattes : souviens-toi toujours que derrière une apparence effrayante, il n'y a pas toujours que des monstres.

- Viens avec nous, Fo, nous ne te quitterons jamais, tu pourras habiter chez nous, dans ma famille, propose Niki.

- Non ma bonne Niki, je mourrai sous le soleil. Fo garde un instant le silence et ajoute :

- Merci beaucoup, Niki.

- Merci à toi, Fo, nous ne t'oublierons jamais! répond Niki en l'embrassant.

- Adieu! S'exclame Fo et ses yeux se sont éteints.

Il est devenu sombre dans la salle. Le gardien a fermé vite la porte.

- Qu'est-'il est arrivé à Fo? s'étonne Piki.

- Je ne sais pas, répond Niki.

Elle ne pouvait pas voir que Fo... pleurait.

- Qu'est-ce que tu fais? crie le roi Fauxsouri qui accourt vers le gardien :

- Ne touche pas l'anneau, ne laisse pas les souris !

Mais Fo a déjà touché l'anneau. La chaîne est tombée avec un bruit sonore.

- Traître! Tu vas mourir, tu dois être condamné à mort.

Mais Fo s'est suspendu à l'anneau et est resté immobile. Les larmes coulaient de ses yeux et tombaient sur le poil, par terre, sur les racines...

Oh miracle! Les racines des arbres s'animent et s'épanouissent des fleurs blanches et embaumées apparaissent. La garde se sauve.

- Où allez-vous? crie le roi ! Rattrapez les souris !

Mais les gardiens ne l'écoutent pas. Dans les dédales du royaume, dans chaque trou poussaient et s'épanouissaient de belles fleurs blanches.

Fauxsouris, mourant du peur se sauve dans son autre royaume.

En ce temps les souris arrivent en haut. La tête de Piki tourne et la souris s'évanouit. Niki la soutient et elle essuie le museau de sa copine par le pinceau de sa queue. Vous savez que le pinceau de la queue contenait de la poudre somnifère et Piki s'est endormie. Niki s' assois près de Piki et commence à pleurer. Elle se rappelle Fo. Elle comprend bien qu'elle ne le verra jamais plus. Il est devenu pour elle un véritable ami. En essuyant les larmes de ses yeux, Niki comprend que Piki s'endormait.

- Piki, Piki, réveille-toi! Comment tu dors profondément !

- M-m-m-m, fait la souris.

- Piki, il est temps d'aller à la maison, continue Niki.

- À la maison? s'est criée Piki. À la maison !

Leur sombre trou s'est éclairée d'une lumière éclatante. Les souris sont sorties de leur abri et qu'est-ce qu'elle ont vu? Tout autour était blanc. La neige étincelait et brillait. Dans chaque cristal de neige y avait du soleil.

- C'est l'hiver, Piki, c'est l'hiver ! Crie Niki joyeusement. Regarde comment tout est beau !

- C'est l'hiver, répond en écho le bois.

Niki et Piki se sont jetées dans la neige blanche et duveteuse. Elles lançaient la neige en l'air, applaudissaient et faisaient des culbutes. Elles étaient heureuses. Elle ont couru à la maison, où leur parents les attendaient et préparaient une délicieuse tarte de blé.

Qui sait si cette une histoire était réelle. Les souris avaient-elles rêvé. Mais cette histoire m'était racontée par une vieille souris. Elle s'appelait... Niki.

FIN

N.K.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Juillet 2014 à 10:13:07
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"J'ai perdu mon âme "

Voici l'histoire d'un petit violon qui part à la recherche de son âme. Lors de son aventure, il va faire la rencontre d'instruments plus étranges les uns que les autres. Comment va-t-il réussir à retrouver son âme ? Laissez-vous transporter dans ce conte merveilleux et retrouver votre âme d'enfant.

Il était une fois dans la petite ville de Mirecourt, un petit violon qui avait perdu son âme. Un matin, alors qu'il s'étirait en faisant craquer ses fibres de bois, il découvrit inquiet qu'il ne pouvait plus chanter. Il essaya plusieurs fois et constata que seul un tout petit son sortait de son ventre. Il était devenu presque aphone et plus rien ne résonnait en lui. Mais il en fallait plus à ce petit violon pour se décourager. Il savait que dans la petite ville où il avait grandi, résidait de nombreux instruments qui pourraient l'aider. Sa première idée fut d'aller voir le patriarche : une contrebasse imposante qui ronflait à en faire vibrer les murs !

Doucement, le petit violon le réveilla et avec le peu de voix qu'il lui restait demanda : « Contrebasse, dis-moi, comment fais-tu pour chanter si fort ?». Elle lui répondit : « C'est parce que j'ai un gros ventre, pardi ! Laisse-moi dormir à présent.» Le petit violon déçu, reprit son chemin. En route, il rencontra son cousin, l'alto. Il ne l'aimait guère, toujours à le narguer, à lui rappeler qu'il était plus grand que lui. Cependant, ayant besoin d'aide, il s'approcha et lui demanda :

« - Je ne parviens plus à chanter. Pourrais-tu m'aider ?

- Tu plaisantes, j'espère ! Allez, va jouer avec les petits et laisse les grands s'amuser.».

Le violon n'était pas surpris par sa réaction. Il n'espérait pas d'aide de la part d'un instrument qui se croyait supérieur aux autres. Mais nullement découragé, il poursuivit ses recherches. Puisque ses compagnons du quatuor ne lui apportaient aucune aide, il décida de chercher une réponse auprès d'autres familles.

Arrivé devant un bâtiment au nom étrange « le Musée de la Musique Mécanique », le violon curieux poussa une lourde porte et découvrit émerveillé une salle remplie d'instruments étranges qui ne ressemblaient en rien à lui. Le petit violon qui avait toujours vécu avec des individus aux courbes harmonieuses et ondulées, constata qu'il existait des instruments aux formes géométriques et aux lignes perpendiculaires. Ne voulant pas leur manquer de respect, le petit violon n'osa pas dire qu'ils ressemblaient à des boîtes. Intimidé par leur taille, le petit violon se sentit rassurer en apercevant une petite boîte qui était en train de rêver. Le violon s'approcha doucement et lui demanda :

« - Comment t'appelles-tu ?

-  Je me nomme serinette. "J'ai perdu mon âme"

-  Quel joli nom ! Peux-tu m'aider ?

- Bien sûr ! Que puis-je faire pour toi ?

- Eh bien, j'ai perdu mon âme et je ne peux plus chanter.

- C'est un problème, effectivement ! Je peux te prêter mon cylindre de bois, c'est grâce à lui que je chante.».

Avec précaution, le violon pris le cylindre de bois recouvert de peau sur lequel étaient plantés de nombreux picots. Avec son archet, il caressa le rouleau pour le faire chanter mais aucun son ne sortit.

« - Voilà qui est bien étrange ! Ce rouleau est mon âme. C'est lui qui me donne de la voix. Va voir le limonaire, c'est un orgue de foire. Peut-être pourra-t-il t'aider ?», dit la serinette.

Aussitôt dit, aussitôt fait, le petit violon se tenait devant l'orgue décoré. Conte : "J'ai perdu mon âme"Il ne put s'empêcher de l'observer, il avait l'impression que l'instrument s'était déguisé pour carnaval. Il était de toutes les couleurs.

Le petit violon dit :

« - Bonjour ! C'est serinette qui m'envoie, je ne peux plus chanter ! Saurais-tu m'aider ?

- Je veux bien te prêter un de mes cartons perforés.».

Délicatement, l'archet frotta la feuille cartonnée mais aucun son ne sortit.

Le limonaire s'exclama : « - C'est très curieux ! Avec moi, cela fonctionne très bien. Pour ton problème, va voir Madame Polyphon là-haut. Elle saura te conseiller.».

Le petit violon alla à la rencontre de Madame Polyphon. Il fut vite sous le charme de cette élégante dame."J'ai perdu mon âme"
« - Bonjour ! J'ai perdu ma voix, madame. Pouvez-vous m'aider ? » dit le petit violon.

Madame Polyphon lui répondit d'une voix cristalline :

« - Bien sûr ! Tiens, prends un disque de métal ! C'est grâce à lui que je peux chanter.».

Mais le disque était si grand que le petit violon ne pouvait pas le prendre.

« -Tant pis ! Merci quand même.», dit le petit violon.

Le petit violon sortit du Musée de la Musique Mécanique totalement découragé. Personne n'avait pu l'aider, ni les copains du quatuor, ni ses nouveaux amis mécaniques.

« Que faire à présent ?», se demanda le petit violon. Alors qu'il rentrait chez lui, un étrange individu le regarda. Il était immense, avait des mains monstrueuses et des verres accrochés à ses yeux. L'homme le pris dans ses bras comme un enfant, et dit : « Mes amis mécaniques m'ont appris que tu ne pouvais plus chanter. Rassure-toi ! J'ai ce qu'il te faut.».

Il amena le petit violon dans son atelier qui sentait bon le bois. L'homme avait des paroles douces et rassurantes, mais le petit violon ne pouvait s'empêcher d'être inquiet en voyant les instruments de torture à proximité. Avec délicatesse, l'homme glissa une petite pince très fine par son ouïe.

« - Eh ! Ça chatouille !» dit le petit violon.

« - Essaye de rester calme et de ne pas bouger.», répondit l'homme.

Le petit violon fit de son mieux. Il sentit dans son ventre un petit bout de bois qui se déplaçait. Après quelques minutes un peu désagréables, le petit violon sentit que le petit bout de bois était en place, exactement là où il devait être. L'homme pris alors l'archet et commença à jouer. Le petit violon s'exclama alors : « J'ai retrouvé mon âme, je peux à nouveau chanter !». Le petit violon, fou de joie, le remercia vivement. Avant de partir, il lui demanda :

«-  Comment t'appelles-tu ?

-  Geppetto », dit le luthier.

« -  Comment puis-je te remercier ? »

-  Eh bien ! Viens me voir de temps en temps. Cela me fera plaisir. »

Le petit violon promit de revenir.

Depuis ce jour, le petit violon chante à tue-tête et n'oublie jamais de revenir voir son père. Si un soir en passant à Mirecourt, vous entendez un petit violon chanter, ne l'interrompez pas et écoutez le raconter de merveilleuses histoires d'instruments, cela vous transportera dans le pays des rêves.

C.C et E.N.T
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 31 Juillet 2014 à 09:19:31
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Les Fées à l'étang

Stella était une petite fille très rêveuse et d'une beauté extraordinaire pour son âge, à tel point qu'elle se faisait ainsi remarquer partout où elle allait. Cependant, elle préférait la tranquillité à toute autre chose, c'est pourquoi elle allait passer tout son temps libre chez sa grand-mère. Cette vieille dame, mystérieuse et bienveillante, habitait un élégant manoir qu'elle avait fait restaurer. Elle entretenait ses plantes avec une passion hors du commun en compagnie de son vieux jardinier qui lui tenait compagnie, et avec lequel elle s'entretenait de botanique des heures durant.

La tranquillité de cette existence plaisait à nôtre petite héroïne, qui aimait par-dessus toutes les délicieuses tourtes confectionnée avec les légumes du potager. La grand-mère, surnommée dans le voisinage comme « la fée aux main verte », savait l'art d'offrir de généreux paniers de légumes dont la quantité et la grosseur apparaissaient comme extraordinaires ; de même, elle possédait une quantité innombrable de contes fantastiques autour des plantes et de la végétation. Le soir tombant, la vieille femme et sa petite fille s'installaient sur la terrasse qui surplombait le jardin, et le soleil se couchait aux notes berçantes de la voix de la vieille conteuse.

Le jardin se déployait entre l'élégante demeure et un petit étang, ce qui faisait la joie de la fillette. Elle passait des heures entières à jouer au bord de l'eau à toutes sortes de jeux dont seule une enfance solitaire a le secret. Elle avait fait connaissance avec les habitants de cette eau stagnante, et avait donné un nom à ceux qu'elles reconnaissaient, car certaines familles de grenouilles vertes et de libellules avaient établies là leur campement familial.  La petite fille avait courageusement nettoyé et restauré ce coin autrefois abandonné aux mauvaises herbes, et à l'aide de Marco le jardinier, elle avait appris à en entretenir la flore.

Dès qu'elle fut en âge de lire seule, Stella découvrit de nouvelles histoires, et se prit à rêver qu'elle se transformait en cygne à la nuit tombée, ou bien encore que les pierres des eaux dormantes lui parlaient. Sa grand-mère écoutait son babillage en souriant. Le vieux jardinier, en homme qui n'entendait rien aux choses de l'imaginaire, mais qui avait grand cœur et se souciait de la fillette comme si elle eut été sa propre petite fille, entendait bien lui faire entendre raison. Mais la vieille dame l'interrompait d'un geste ou d'un regard.

Stella avait donc tout le loisir de s'adonner à ses passions et soignait ses fleurs et son étang avec un zèle rare pour l'enfance.

Une nuit, elle rêva que les fleurs l'appelaient et lui parlaient : « Stella ! Résonnaient-elles en chœur, viens à nous, tu nous as sauvé de la sécheresse, tu nous as soignée et entretenues de bon cœur et avec une patience que personne n'avait jamais eu à notre égard. Nôtre reine veut te remercier »

Le rêve lui semblait si réel, que la fillette se réveilla et alla voir à la fenêtre : la lune éclairait d'un rayon le petit étang et tout semblait paisible. Elle eut envie d'aller voir si on l'attendait réellement à l'étang. Elle savait fort bien que personne ne croyait à ces choses fantastiques, hormis sa fantasque grand-mère que l'on jugeait déjà bien étrange; c'est pourquoi elle eut été bien en peine d'expliquer à quelqu'un pourquoi elle se levait en pleine nuit voir des fleurs qui l'avaient appelées en rêve. Elle parvint à se glisser silencieusement hors du manoir. Pas un souffle de vent ne troublait le silence presque absolu du jardin.

L'atmosphère était telle que l'on se croyait observé et écouté par une intelligence invisible et sage. C'était la première fois que Stella sortait la nuit, et elle crut que c'était là des particularités de la nature.

« La nuit est magique, pensa-t-elle, on dirait que tout est différent du jour, on ne me l'avait jamais dit à l'école »

En effet, un adulte eut pris peur : Le jardin était inondé par les rayons lunaires, comme irréel. Mais Stella avançait avec une confiance simple. Chaque arbre était comme embrasé, les fleurs et les plantes bruissaient dans un murmure et dans une sorte de ballet. Le tout paraissait mue par une force de vie commune et fantastique. L'allée principale semblait s'illuminer peu à peu, et Stella se sentait comme attendue et fêtée.

Elle s'arrêta à l'étang. Ses chères fleurs se balançaient de gauche à droite dans une sorte de concertation générale. Stella s'assit patiemment. « Je suis là, mesdames les fleurs ! » murmura-t-elle, craintive. Il se fit alors un silence absolu et les fleurs devinrent immobiles.

Notre héroïne commença à se demander ce qu'elle faisait là à parler à des fleurs qui ne connaissaient visiblement pas l'usage des mots humains. Mais, soudain, un pissenlit vint chatouiller son menton comme pour l'inviter à s'étendre auprès d'elle. La petite s'exécuta avec attention, craignant de froisser le moindre brin d'herbe et de vexer les délicates demoiselles, puis elle tendit l'oreille. Tout d'abord, elle n'entendit rien que le bruissement des feuilles dans les arbres. Mais en écoutant mieux, elle crut percevoir un son de clochette, qui s'interrompit alors qu'elle se redressait de surprise. Patiemment, la petite fille se pencha de nouveau  dans l'herbe, cessant de respirer, et le bruit de clochette revint, qui se multiplia en plusieurs, et s'accrut si bien la petite fille eu grand peur.

Il lui semblait que toutes les fleurs voulaient communiquer avec elle, mais l'ensemble devenait si bruyant que Stella ne parvenait guère à décrypter un mot de ce charmant brouhaha.

Peu à peu, le bruissement général se transforma en sons distincts, qui semblèrent exprimer des choses précises, et la jeune fille entendit des mots qui n'étaient pas ceux de notre langage habituels. Elle  crut reconnaître ce langage, et cela la troubla beaucoup.

Les fleurs semblaient parler dans une sorte de chant, avec une finesse d'expression inconnue au langage humain. Chaque mot était un sentiment que toute tentative de traduction semblait devoir dénaturer.

Mais puisque tu as pris la peine de suivre cette histoire, cher enfant, nous allons tâcher d'apaiser ta curiosité naturelle, et traduire en mots du mieux que nous pourrons ce qui se dit entre les fleurs et Stella.

« Stella » entendit la petite fille, elle discerna alors parmi la foule de fleurs variée, une pivoine odorante qui se balançait vers elle, et que toutes les autres semblait écouter avec attention. « Tu es une des nôtres, petite fille » dit la fleur « tu fus l'une des notre dans un temps ancien, et tu as décidée de venir en humaine sur cette terre afin d'apporter notre grâce et nos vertus, voilà pourquoi tu prends soin de nous avec une grande passion, et voilà d'où te vient ta grande beauté. Avant que tu ne quittes notre royaume, nous te promîmes de venir te rendre visite afin de te rappeler tes réelles origines »

C'est alors que la plus forte et la plus belle des roses du jardin se balança gracieusement vers Stella comme pour la saluer. La fillette eut les larmes aux yeux sans savoir pourquoi. Un doux murmure parcourut l'assemblée.

La reine des fleurs s'avança, et dans un chant suave qui inspirait le respect, prit la parole : « Notre langage, Stella, tu le connais au fond de toi et tu le comprends, parce qu'autrefois tu l'employais comme nous, et ton ouïe a gardé la finesse de notre condition. Tu étais la plus courageuse et la plus intrépide de nous tous, et nous sommes venues te remercier pour ton courage, ta loyauté et ta profonde intégrité. Nous sommes venu te donner chacun un don, afin de t'accompagner durant le voyage de la vie, que tu verras semé des embûches de l'existence »

Avant même la fin de ce discours, la petite fille se sentie secouée de sanglots. Elle sentit son cœur vibrer et embrassa une à une ses sœurs retrouvées, dans une nuée de balancements émus.

C'est alors que d'intenses formes lumineuses se dégagèrent des fleurs et tournèrent une à une afin d'éclore une à une en de minuscules... fées ! Chacune de leur robe était fidèle au pelage de la fleur qui l'avait abritée. Elles voltigeaient élégamment autour de Stella et certaines venaient se poser sur ses mains ou jouaient dans ses cheveux, si bien que la fillette crut qu'elle rêvait encore.

« Nous sommes les âmes des fleurs » lui rappela la reine dans un gracieux sourire. Un homme-fée à la couleur mauve du chardon sauvage passa devant elle en voltigeant et expliqua gravement : « A chaque fois qu'une fleur et arrachée ou meurt, nous nous envolons vers d'autres bulbes en devenirs. Nous donnons la teinte des pétales selon notre robe et notre particularité. Tu étais, toi, une toute petite violette, la plus hardie de toute »

Ce petit peuple se tenait à présent par centaine devant Stella, et toutes les fleurs du jardin semblaient réunies dans leur riche diversité. La fillette aurait voulu revêtir elle aussi sa jolie robe finement sculptée, et s'envoler avec eux tous. Elle était abasourdie devant tant de lumière, et de beauté.

Toutes ces impressions de grâce et ce langage lui semblèrent si familier, qu'elle fut triste un instant à l'idée que cette visite resterait l'unique de son existence terrestre.

Devinant ses pensées, les fées virent une à une auprès d'elle, dans un élan de consolation, et déversèrent sur elle, chacun leur tour, une fine poudre dorée. « Voici chacune de nos qualités respectives, qui illustrent le sentiment que nous incarnons. Notre complétude nous permet de vivre en harmonie » lui expliqua une fée à la robe de bouton d'or « ils te donneront la force d'être une lumière vivante dans ce monde»

Enfin, la reine fée, la plus grande de toute, en robe pourpre de velours comme la rose aux mille pétales, lui fit cadeau d'un minuscule collier de perles nacrées. « Le nacre est la teinte de notre peuple, car il brille sans éblouir par trop de vanité, souviens-toi toujours de cela durant ton existence, chère enfant »

Le petit peuple se mit à entamer un chant commun et très doux, très lent, qui émut profondément Stella. Elle se mit à chanter avec eux, car bien qu'elle ne s'en fût jamais rappelée auparavant, elle le connaissait du fond de sa mémoire.

La fillette s'aperçut alors qu'elle ne touchait plus l'herbe du jardin, ses petits pieds nus étaient légèrement au-dessus du sol, et frôlait la rosée naissante. Stella se sentie de plus en plus lourde et fatiguée, et le petit peuple disparaissait doucement à ses yeux.

Elle vit leurs lueurs s'envoler dans le lointain soleil de l'aube. Ses pieds touchaient terre, le jardin lui apparaissait dans sa beauté matinale et toute terrestre : Les éclats somptueux et l'atmosphère particulière de la nuit passée se dissipaient, laissant place à la sensualité fraîche et vive de l'aurore.

De retour dans sa chambre, Stella ouvrit la main et découvrit que le collier de perles n'était plus qu'une poignée de sable parsemé de minuscules cristaux de nacre. Elle rangea religieusement ce trésor, parmi toutes les reliques de ses escapades d'enfances.

Entendant sa grand-mère s'affairer en bas, la petite fille descendit la trouver et entreprit de lui raconter son aventure sous la forme d'un rêve.

Marco le vieux jardinier, vint les interrompre, annonçant qu'ils approchaient de la saison froide. Il avait retrouvé le matin même la plupart des fleurs du jardin fanées. «Probablement une gelée précoce » expliqua-t-il.

Stella s'enthousiasma et termina de raconter son rêve. Elle fit le lien entre les deux événements d'un air si sérieux que le jardinier éclata de rire. Il allait riposter, lorsque la grand-mère, l'interrompit : « Allons, je vous prie, n'allez pas troubler cet enfant dans ses fabuleuses rêveries. Vous et moi avons perdu l'usage de rêver, mais cela fait-il de nous des êtres plus raisonnables ? Cette faculté de l'enfance n'est pas une déraison, mais le développement d'une intelligence subtile dont seul le cœur connait la légitimité et le sens. C'est une chance, que je me garderais bien de lui ôter avant qu'elle ne se trouve confrontée aux mœurs étroites de notre société sans poésie. Cette petite est une âme délicate, et les mystérieux dons de l'enfance doivent être cultivés chaque jour de la vie ».


                                 FIN
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Août 2014 à 14:40:55
(http://img4.hostingpics.net/pics/306935arbrepench.jpg)
L'ARBROUSSAILLE

Je ne dirai pas : Il était une fois, car cette histoire dure depuis
la nuit des temps, et elle se continue encore maintenant.
C'est le vent le premier qui l'a racontée.

Il y a fort longtemps, vivait dans un pays bien ordonné une
étrange fillette. Elle avait les cheveux en broussaille, drus et
touffus comme un gros bouquet sur sa tête.
Elle portait ce drôle de nom : Canopée.

En ce temps-là, toutes les choses étaient bien rangées dans
cette contrée, et rien jamais ne venait troubler les habitants.
On avait banni de ce lieu tout ce qui est tumultueux, agité ou
tapageur. Le vent n'avait donc pas le droit de venir s'y prome-
ner.
Alors, depuis son palais, vexé, il observait tout, à l'aide de
ses jumelles en rayons de soleil.

Et voici ce qu'il voyait : La fumée des cheminées ne faisait
pas de tourbillons. Elle s'envolait en fines volutes rectilignes
pour rejoindre les nuages. Ces nuages avaient une forme
rectangulaire, ou parfois triangulaire.

Les arbres sans branches ni feuilles montaient tout droit vers
le ciel, par la voie la plus directe. On aurait dit de longues
tiges munies à leur base de racines énormes qui s'étalaient
sur le sol, toutes parallèles entre elles, comme un jeu de
marelle.
OH ! Comme il aurait aimé souffler un bon coup là-dedans, le
vent !
Mais ça n'était pas permis, car dans cette région, personne
n'aimait le vent...

Mais tout le monde aimait les arbres !
Quand on avait faim, eh bien, on arrachait des racines aux
arbres. On les coupait en petits dés identiques que l'on faisait
cuire à l'eau ou bien rissoler dans l'huile avant de les
assaisonner pour s'en régaler.
Hm mm ! C'était carrément bon !

Le tronc des arbres servait de bois de chauffe ou bien de
matériau de construction. Et pour s'habiller, on taillait des
vêtements tout rayés dans l'écorce soyeuse de certaines
espèces rares.

Oui, vraiment tout le monde aimait les arbres... par intérêt,
mais Canopée elle, les aimait de tout son cœur.

Un jour, elle avait décidé d'avoir ... un arbre de compagnie !
Alors, elle s'était fabriqué une petite charrette qu'elle avait
remplie de terre afin d'y installer son protégé.
On avait eu beau la raisonner, elle s'était entêtée :
" Un arbre, c'est un être vivant ! "

Et c'est ainsi qu'on la voyait se promener tirant derrière elle
dans une carriole, une petite tige bien rectiligne à qui elle
faisait la conversation.

Les gens riaient, mais elle ne les écoutait pas.
Les gens se moquaient, mais elle ne les regardait pas.

Elle avait pour seul ami, un petit arbre au tronc bien droit, qui,
comme toutes les plantes de ce terroir d'autrefois, n'avait ni
feuillage ni branchage.

Un, jour, le tronc devint trop long, et les racines trop vastes
pour la petite charrette. Alors, Canopée choisit une jolie
clairière au bord d'un ruisseau pour y installer son arbre.

Chaque fois qu'elle en avait le temps, Canopée venait le voir,
pour lui parler, lui inventer des histoires et des chansons. Et
puis elle le prenait dans ses bras et du bout du nez, lui donnait
des baisers sucrés.
Pour mieux l'écouter, l'arbre devenu grand, s'était mis à
pencher. Oh ! A peine au début. Et puis, de plus en plus, pour
se rapprocher de sa chère Canopée.

Le vent tourmenté et mécontent d'avoir été chassé, observait
le paysage à travers deux rayons de soleil. Il remarqua ce
jeune arbre, le seul de cet endroit à ne pas pousser tout droit.
" Nom d'un tourbillon ! Il faut que je voie ça de plus près ! "

Aussitôt, il mit son grand manteau transparent, celui qui le
rend invisible. Et puis il se dirigea vers l'arbre qui poussait de
travers. Il s'approcha, discrète brise. Quand il frôla le visage
de Canopée, la petite fille lui fit un sourire.

Le vent ravi recommença, un peu plus fort, puis il se mit à
jouer avec les cheveux en forme de bouquet. C'était rigolo !

Et c'est ainsi que naquit la plus ébouriffée de toutes les
amitiés. Les trois bons copains prirent l'habitude de se
retrouver chaque jour pour s'amuser au soleil, mais aussi
sous la pluie.
Canopée chantait, riait et inventait des histoires qui s'envo-
laient, portées par le vent.

Mais voilà : Si le vent s'était étonné de voir cet arbre penché,
les villageois, eux, s'en étaient offusqués.

" Assez des caprices de Canopée ! "
" Elle est de plus en plus échevelée ! "
" Il faut qu'elle soit plus soigneuse avec ses cheveux tout
...broussailleux ! "
" Et ce vilain arbre tortueux ! "

Les villageois pleins de colère se précipitèrent vers la petite
clairière où poussait l'arbre de travers. Ils étaient bien décidés
à faire cesser tout désordre :
" Arrachons l'arbre défectueux ! "

Canopée était absente pour la journée. L'arbre était seul près
du petit ruisseau. Tout était calme.
Les villageois s'empressèrent à coup de hache d'attaquer le
tronc.

CRAC !

Ce claquement sec attira l'attention du vent, toujours curieux.
Quand il vit son ami attaqué, blessé, en danger, il se précipita
sans même prendre le temps de mettre son grand manteau
transparent.
Il arriva comme un ouragan, tout noir, tourbillonnant et violent. Il
arracha la hache des mains de ces gredins. Et puis, il se mit à
les pourchasser.

Ah ! Quel désordre mes amis. On courait dans tous les sens
en hurlant ! Le vent tempêtait, tonitruait, fulminait !
Il défit bien des chignons, arracha des chapeaux, dénoua des
foulards et emmêla plein de moustaches.
Échevelé, dépeigné, débraillé, tout le monde cherchait refuge.
Finalement ils s'enfermèrent à l'abri, chacun dans sa maison...

Les habitants de la contrée bien ordonnée, terrifiés, regar-
daient par la fenêtre l'ouragan qui s'affairait là-bas dans la
clairière... Ils regrettaient d'avoir été si méchants.
Quand la petite Canopée revint, ils eurent honte en la voyant
pleurer...
Ils regrettèrent de ne pas avoir été plus indulgents.

Toute la nuit, le vent souffla. Si fort, si fort que personne, pas
même Canopée, ne put approcher de l'arbre.

Le tonnerre, alerté par ce brouhaha s'approcha.

Le vent se calma pour expliquer à son ami, le Foudroyant, sa
si grande peine.
Il ne hurlait plus à présent. Il murmurait des mots gracieux.

Les villageois étonnés écoutaient cette merveilleuse mélodie.
Le vent racontait la tendresse de l'arbre pour Canopée.
Il parlait des rires, des jeux, et puis de l'amitié.
Émus par ce doux bruissement, les habitants de la contrée
bien ordonnée écoutaient sans mot dire.
Ils découvraient la musique des sentiments !

C'était bouleversant et exaltant en même temps.

Alors ils commencèrent à regretter de s'être montrés tellement
intransigeants. Ils ne savaient pas que le vent avait des
sentiments. Ils n'avaient pas compris que l'arbre était penché
par amitié et non parce qu'il était désordonné.

Pendant ce temps, le tonnerre qui est un être très puissant, rassurait le vent :
" Écoute, je vais le soigner, je vais aider ton ami, l'arbre de
travers. Pour cela, apporte-moi ce que tu as de plus précieux."

Le vent qui se promène par toute la terre garde dans son
palais les trésors les plus divers. D'une bourrasque, il rassem-
bla plus de mille pierreries, diamants et joyaux. Le tonnerre fit
jaillir un éclair et vint frapper l'arbre blessé. Puis, de son doigt
magique il dessina dans le ciel de grands points d'interroga-
tion.

Une lumière bleue, aveuglante inonda tout le paysage. Quand
tout redevint calme, l'arbre se tenait là, magnifique et différent.

Enfin, le vent et le tonnerre se turent. Chacun se mit à réfléchir.
Comment effacer cette mauvaise action ?
Alors, il leur vint une bonne idée : écrire une lettre pour deman-
der pardon.
Et c'est ainsi que sans enveloppe ni adresse, ils ouvrirent
grand leurs fenêtres pour laisser le courrier s'envoler.

Le vent, en silence, transporta ces milliers de feuilles de toutes
les couleurs dans la petite clairière pour les montrer à l'arbre
mutilé. Il était fendu en deux à mi-hauteur, mais il était toujours
vivant !

Son tronc de travers se divisait désormais en deux bras fait
par la hache des hommes, au temps de la colère.
Dressé vers le ciel, l'arbre déployait maintenant un abondant
ramage touffu qui le faisait ressembler à la petite Canopée.
Ce luxuriant feuillage était fait des milliers de lettres de regrets
et d'amitié qu'avaient écrit les villageois.

Le lendemain, à la première heure, la petite fille se précipita pour voir son arbre. Quand elle le vit, la petite Canopée resta
bouche bée.

Elle s'approcha de lui et, pour la première fois il parla :
" J'ai voulu te ressembler Canopée, Alors le vent m'a aidé.
Regarde : Il a soigné mes plaies et j'ai maintenant deux bran-
ches pour que tu puisses grimper dans mes bras. Sur la tête,
il m'a fait la même coiffure que toi ! Et puis pour t'embrasser,
je t'offrirai des fruits doux et sucrés. "

Émerveillée, la petite fille s'approcha pour le caresser. C'est
alors qu'il déposa à ses pieds une grosse perle rouge, et puis
un croissant jaune. Canopée les ramassa, et elle s'aperçut
qu'ils sentaient drôlement bon ! Alors, elle les goûta...
C'était délicieux, savoureux, sucré, délicat !

Canopée folle de joie appela tous les villageois pour qu'ils
voient l'arbre magnifique qui avait voulu ressembler à une
petite fille.

Les gens se frottaient les yeux, l'air penaud, et gardaient la
tête basse, comme si leurs cheveux étaient devenus trop
lourds à porter.

Le vent qui connaît bien le genre humain, remarqua les yeux
rougis des villageois. Il devina le remords qui les faisait pleurer
et la honte qui pesait sur leurs têtes. Il vit que toutes ces larmes étaient sincères.

Ils étaient tous tellement désolés de s'être montré si intransi-
geants ! Pour leur montrer qu'ils étaient pardonnés, Canopée
leur fit goûter les fruits de son bel arbre.
Des pommes, des olives, des poires, des goyaves, des
mangues et des avocats, des cerises, des bananes, des noix
de coco, des papayes,... que de fruits délicieux ! On n'avait
jamais rien mangé de pareil !

Quand on lui demanda :
" Comment se nomme cette bonne nourriture, Canopée ? "
La petite fille sans hésiter répondit :
" Ce sont les fruits de l'arbroussaille ! "

Voilà comment fut baptisé l'arbre de Canopée :

 L'ARBROUSSAILLE

C'est l'ancêtre de tous les arbres de nos vies. Il produit toutes
sortes de fruits.
On dit qu'il est devenu très gros et bien grand depuis le temps.
Il continue d'offrir à Canopée des fruits, des feuilles et des
fleurs de toutes les variétés.
Les pommiers, les bananiers, les cerisiers, les palmiers, sont
ses descendants, et ce sont tous des êtres vivants.

K.K
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 16 Août 2014 à 14:55:10
(http://img4.hostingpics.net/pics/719627masque2.jpg)
Le magasin de l'illusion

Le tintement de la clochette résonna dans le silence ambiant. La vieille porte en bois se referma dans un grincement. Une silhouette fragile se tenait de l'autre côté et semblait observer l'endroit dans lequel elle venait de pénétrer. Sombre échoppe sentant bon le travail manuel et l'ancienneté. C'était comme si l'on venait de remonter d'un siècle dans le temps par le simple fait d'avoir franchi cette porte. On se serait cru dans un magasin de marionnettes d'autrefois. Une odeur de pin flottait dans l'air. Si on avait la chance d'avoir un odorat très développé, on pouvait également percevoir des nuances de tilleul. Pourtant aucune marionnette n'était en vue. Non, du sol au plafond, c'étaient des masques que l'on pouvait voir. Masques de théâtre, d'autres de carnaval à la peinture inaltérée. C'était une véritable caverne d'Ali Baba. Avec du bois comme or.
La silhouette se dirigea vers ce qui semblait être un comptoir. Une petite sonnette en argent l'ornait, le son cristallin qu'elle produisit résonna dans toute l'échoppe. Une ombre sortit du mur, en fait d'une porte dissimulée dans un recoin. L'archétype même de l'artisan passionné. L'âge avancé, l'air bienveillant et les mains calleuses. Tout en lui transpirait la confiance et l'abnégation à son métier. Son regard invitait la silhouette à ouvrir son cœur. Une petite voix retentit alors dans le magasin. Faible, triste, s'il fallait l'associer à une couleur, ce serait le gris. Sans nuance et sans passion.
— Je voudrais... de la joie, s'il vous plaît.
— Bien sûr madame. Quel genre de joie ? Enthousiasme enfantin ? Rire cynique ? Sourire ironique ? Un peu d'innocence peut-être ?
— Juste... de la joie. De la vraie joie. S'il vous plaît.
L'artisan sembla réfléchir. Ses sourcils poivre et sel se joignirent pour ne former qu'une seule ligne et ses yeux parcoururent les murs de sa précieuse échoppe.
— Je crains que cela ne se fasse rare ma petite dame. Mais si vous m'accordez quelques jours, je peux vous fabriquer ça. Une joie toute neuve, qu'en dites-vous ?
La voix retentit à nouveau. Frêle toujours. Sans émotion.
— Je vous remercie Monsieur. Je repasserai dans trois jours.
La silhouette s'effaça, s'écarta du comptoir pour se diriger vers la porte donnant sur l'extérieur. La clochette tinta à nouveau, la porte se referma et l'ombre se fondit à nouveau dans le mur. Le silence retomba sur le magasin.
De l'autre côté du mur. Un atelier. Des masques à nouveau, à profusion. Vieux, pour la plupart cassés même. Toutes les émotions pouvaient se lire sur ce mur : colère, tristesse, jalousie, amour, joie, peur... Nommez-les, vous les trouverez. De quoi ravir les amateurs de théâtre, comédiens comme spectateurs. Au centre de la pièce, une table ensevelie sous les outils. Assis sur un tabouret usé par le temps, l'artisan contemple son établi. Il caresse les morceaux de bois qui s'y trouvent les uns après les autres, comme s'ils pouvaient lui parler. Finalement, il en choisit un. Il l'attrape, le fait tourner entre ses doigts, le gratte du bout de son ongle puis le repose. Enfin, il attrape ses outils et se met au travail.
Elle voulait de la joie. « De la vraie joie » avait-elle même précisé. Des gens comme elle, l'artisan en voyait des tas. Tous à la recherche de masques différents, à la recherche de nuances. Ces nuances, c'était à lui de les créer, de les amener à la vie. Il savait comment transformer la colère en rage ou l'amour en passion. Parfois, il retournait les voir. Ses anciennes créations. Il les observait être ramenées à la vie par les personnes qui les portait. Il était fier de son métier, de ce qu'il apportait à tous ces gens. Perdu dans ses pensées, l'artisan continuait pourtant à fabriquer son masque. Ses mains semblaient animées d'une vie propre, comme si c'était un geste tellement répété qu'il en était devenu automatique. Le morceau de bois s'affinait au fil des heures, du bloc brut du début se dessinait petit à petit une forme de visage. Des yeux se creusèrent, un nez et un sourire. Mais ce sourire... c'était l'élément central de cette création. Travaillé avec minutie pendant de longues heures, il s'approchait de plus en plus de l'extase. Une joie intense sembla se peindre sur les traits en bois. Des petites rides apparurent au coin des yeux pour accentuer ce sourire. Le nez sembla se froncer sous l'amusement. Et le sourire demeurait. Joyeux à jamais.
Lorsque le bois fut entièrement taillé, l'artisan reposa son travail et le contempla. La nuit était déjà fort avancée et son masque n'était pas encore complètement terminé. Il manquait la touche finale. Il attrapa alors quelques pots de peinture, des pinceaux et observa à nouveau son travail. Les nervures du bois rappelaient les traits fins de la silhouette qui s'était trouvée dans sa boutique des heures plus tôt. Pour que le masque lui corresponde totalement, il manquait quelques touches de couleurs. Alors, l'artisan s'attela à ses mélanges, créant une couleur de peau pâle, qui se fondit dans le bois. Ajoutant une pointe de rouge sur les lèvres, oh très peu, juste de quoi les souligner. Chaque couleur qu'il ajoutait se mélangeait au bois et donnait un résultat plus intense. Une fois terminée, on pouvait presque voir un véritable visage. Un visage inanimé, mais heureux.
Le tintement de la clochette résonna pour la deuxième fois en trois jours dans le silence ambiant. La vieille porte en bois se referma dans un grincement. Une silhouette fragile se tenait de l'autre côté et marcha d'un pas plus assuré en direction du comptoir, comme si elle était déjà venue en ces lieux sortis d'une autre époque. Une odeur de pin flottait dans l'air. Si on avait la chance d'avoir un odorat très développé, on pouvait également percevoir des nuances de tilleul. Une nouvelle sonnette retentit, venant cette fois-ci de la cloche en argent ornant le comptoir. Une ombre sortit du mur, elle semblait porter quelque chose.
L'artisan déposa sur le bar en bois un objet, enveloppé avec précaution. La silhouette s'en saisit et le déballa avec tout autant de délicatesse. Entre ses mains reposait un masque en bois, légèrement peint. La silhouette l'approcha de son visage. A contempler les deux on aurait pu croire à un reflet dans un miroir. Excepté pour l'émotion peinte sur chacun des visages. L'un était morne, triste, sans expression. L'autre respirait la joie et le bonheur. Un visage de femme, fin et fragile. Gris. Alors, la silhouette retourna le masque et le plaça sur son visage. Les deux semblèrent alors ne faire plus qu'un. Dans un élan empli de spontanéité, elle prit l'artisan dans ses bras et le serra contre elle. Puis, elle repartit d'un pas plus léger et, alors que la petite clochette de la porte retentissait pour une dernière fois, le son du tintement se mêla à celui d'un rire. Celui de cette silhouette qui disparut au coin de la rue, mais l'écho de son rire demeura. Un rire qui portait la joie. La vraie joie.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 30 Août 2014 à 14:01:12
(http://img11.hostingpics.net/pics/565469multiplication.jpg)
Le secret des tables de multiplications

                                       Tout ce qui est saisi en rouge est rigoureusement exact

Chez les Trente-cinq heures on parle beaucoup de chiffres. Loyer impôts, gaz et électricité, vêtements, chaussures, vacances, cadeaux. Malheureusement, chaque fois que les Trente-cinq heures parlent de chiffres ils se disputent.

Ewan était un enfant de Trente-cinq heures. Il aimait bien l'école, mais il aimait encore plus Julie son amoureuse et, comme il ne voulait pas se disputer avec elle, il avait décidé de se fâcher avec les chiffres et de ne plus jamais les utiliser.

Bien sûr sa maitresse n'était pas du même avis, elle, elle adorait les chiffres !

Avant de rencontrer Julie tout était simple. Il avait appris les chiffres, les additions, les soustractions et les tables de multiplications jusqu'à cinq. Mais depuis qu'il avait une amoureuse tout était changé.

Ce jour-là il tournait le problème dans tous les sens en raclant ses baskets dans les graviers blancs du jardin de sa grand-mère. Faire plaisir à sa maitresse et avoir de bonnes notes comme par le passé et se disputer avec Julie ; ou être puni pour ses mauvaises notes en mathématiques et ne pas se disputer avec Julie. Tête basse il monta les escaliers qui le menaient à son domaine.

Le jardin de sa grand-mère était fait de « bancaou », ces murs de pierres sèches qui retiennent la terre et l'eau. Dans le premier, après le portail, le coin pour garer les voitures. Dans le second, la maison avec le coin repas et derrière le potager de son grand père.  Dans le troisième la piscine ou Ewan passait ses journées d'été à se baigner avec son petit frère et enfin le quatrième « bancaou » avant la clôture, le canal et la colline. C'était son domaine. Une balançoire, une cabane en bois et surtout un enchevêtrement d'arbres fruitiers et de buissons sauvages. Ewan aimait s'installer à l'intérieur, s'allonger à même le sol et rêver en regardant le ciel à travers la dentelle des feuillages.

Arrivé sous le couvert des arbres Ewan se laissa tomber sur le sol dans un soupir. Il était assis, les coudes sur ses genoux repliés, la tête dans les mains, quand un petit bruit lui fit tourner le regard.

Peu de gens savaient qu'Ewan partageait son domaine avec quelqu'un. C'était une vieille tortue nommée Hernest. Elle s'approcha.

-          Tu as l'air bien triste aujourd'hui mon petit compagnon. Tu as quelque chose pour moi ?

Ewan Apportait toujours quelque chose à Hernest quand il entrait dans son domaine. Quelques fleurs de pissenlit, un fruit coupé ou des épluchures de légumes. Accaparé par ses problèmes il avait oublié son ami. Il sauta sur ses pieds et revint quelques instants plus tard avec une feuille de laitue chapardée dans le potager de son grand père.

-          Tiens mange.

Une fois la salade engloutie Hernest reposa sa question.

-          Qu'est ce qui t'arrive ? Tu as l'air préoccupé.

-          Ma maitresse est en colère et papa et maman aussi parce que je n'arrive pas à apprendre mes tables de multiplications. Mais de toute façon je n'aime pas les chiffres.

-          Oh, oh, oh Les chiffres n'ont pas d'importance, ils ne font pas ressembler le fils à son père ni la fille à sa mère. Il est impossible de compter les cheveux que tu as sur la tête, les étoiles que tu as dans les yeux et l'amour que j'ai pour toi dans mon cœur, cependant dès le jour de ta naissance ils étaient là.

-          Comment. ?

-          Ton poids de 3 kg, ta taille de 51 Cm.

-          Eh bien ça m'est égal !

-          Ecoute les chiffres ne sont pas tes ennemis, il faut savoir les apprivoiser.

-          Mais mon problème c'est les tables de multiplications, j'y comprends rien, je retiens rien.

Hernest eut un joli rire.

-          Sais-tu comment on m'appelait quand j'étais plus jeune ?

-          Non.

-          On m'appelait : Math BAC+12.

-          Ça veut dire quoi ?

-          Ça veut dire que demain à l'école tu sauras toutes tes tables de multiplications. Et que tu les sauras pour toujours.

Ils s'installèrent face à face.

-          Ecoute bien, toi qui a cinq doigts de pied (les orteils) et cinq doigts de main (les doigts). D'abord il faut que tu saches par cœur les tables de multiplication jusqu'à cinq.

-          Je les sais.

-          Alors récite : table de un, table de deux, table de trois, table de quatre et enfin table de cinq.

Ewan récita tout parfaitement.

-          Bien ! Alors je vais te dire le secret.

Quand tu multiplies deux chiffres au-delà de cinq tu multiplies ton pied droit et ta main droite (le même côté) avec ton pied gauche et ta main gauche (l'autre côté). Tu as compris ?

-          Oui, presque.

-          Si tu veux multiplier 7 par 8. Considère que les cinq premiers chiffres sont tes doigts de pied et dresse le reste, les autres chiffres, sur tes doigts des mains qu'est-ce que ça donne ?

-          Deux doigts dressés dans la main droite et trois doigts dressés dans la main gauche

                                         
                                                (http://img11.hostingpics.net/pics/550507doigts.png)  (http://img11.hostingpics.net/pics/161667doigts1.png)

                       

-          Bien ! Ce sont les doigts des dizaines cela fait combien ?

-          Cinq (5).

-          Non !

-          Ah oui, doigt des dizaines : Cinquante (50).

-          Bien. Maintenant dis-moi ce qui te reste comme doigts pliés ?

-          Hé bien trois doigts pliés dans la main droite et deux doigts pliés dans la main gauche.

-          Ce sont les unités mais attention......

-          Quoi ?

-          Il faut les multiplier. Combien ça fait ?

-          Sept(7).

-          Non, là tu as ajouté. De plus tu m'as dit que tu savais tes tables jusqu'à cinq. Tu les as même récitées. Alors trois fois deux (3x2) ?

-          Six (6).

-          Maintenant ajoute les dizaines et les unités.

-          Cinquante (50) plus Six (6). Cinquante-six (56).7x8 = 56.

-          Bravo ! Tu as tout compris essaie tout seul


                                                (http://img11.hostingpics.net/pics/228461doigts2.png)





-          8x8 =  64

-          9x9 = 82

-          Non tu as encore ajouté je t'ai dit multiplie.

-          Ah oui 1x1=1          



                                                         (http://img11.hostingpics.net/pics/819190doigts3.png)

9x9=8....



-          9x9 =  81

-          Bravo !

-          7x7 = 49

-          6x6 = vingt ....... Attends J'ai un doigt en l'air et quatre doigts pliés dans la main droite et un doigt en l'air et quatre doigts pliés dans la main gauche. Je multiplie les doigts pliés 4x4 = 16. J'ai une dizaine en retenue et six en unité, donc je dois ajouter ma dizaine aux doigts dressés ce qui fait vingt plus dix égale trente donc trente de dizaine, plus six d'unité soit trente-six. 6x6 = 36.

-          C'était un piège ; mais tu as été vigilant.

-          Bravo ! Maintenant  tu n'as qu'à continuer pour toutes les combinaisons Car je viens de te donner le secret........  le secret des tables de multiplications.


Ewan avait compris. Il a bien remercié la tortue Hernest et a quitté son domaine tout heureux.

Le lendemain à l'école il a épaté la maîtresse et toute la classe, car il savait ses tabes de multiplications de 1 à 5, mais aussi celles de 6 à 9, et ce, sur le bout des doigts.

Avant de sortir pour la récréation la maîtresse a retenu Ewan près de la porte de la cour et elle lui a demandé qui lui avait appris cette méthode. Il a répondu en riant car il s'était dégagé et courait déjà :

-          Mon ami : Math BAC+12 !

Ewan est devenu professeur de mathématique un Vingt et une heures et quand ses enfants lui demandent comment il a fait pour apprivoiser les chiffres, il sourit et répond.

-   C'était il y a bien longtemps, j'avais un ami dans mon domaine de Provence qui disait que les chiffres n'ont pas d'importance car il est impossible de compter les cheveux que vous avez  sur la tête, les étoiles que vous avez dans les yeux, et l'amour que j'ai pour vous dans mon cœur.

                                                     
                                                        Fin

F.C.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Septembre 2014 à 15:39:14
(http://img11.hostingpics.net/pics/341009automne.jpg)
Un jour d'automne ...

Il était une fois, dans un royaume pas si lointain que cela, et dans un temps pas si révolu que cela, un petit garçon qui vivait dans une haute, haute maison.

Il habitait, à dire vrai, au sommet d'un arbre un peu étrange, fait de zinc et de toc, lourdes pierres et ferraille grise. De vrais arbres, il n'en avait pas vu souvent, du moins, des arbres en liberté : ceux qu'il connaissait étaient petits, souvent parsemés de lourdes cicatrices, rappel silencieux de branches qui auraient dû être, et, la plupart du temps, enclos par un grillage encore plus gris et ferraillant que les murs de sa maison. Le sol qui les entourait était noir et dur, sale des pas trop pressés qui le foulaient quotidiennement et glissant quand venait la pluie froide des jours d'automne, si bien que le petit garçon se demandait souvent comment les arbres pouvaient encore y prendre racine et étendre au-dessus leur feuillage – frêle feuillage lui-même bien grisonnant.


Un jour que le petit garçon marchait, bien promptement, comme les grands, pour vite regagner ses pénates, son soulier heurta quelque chose au sol. Etonné, il se pencha et ramassa le petit galet sur lequel son pied avait buté. C'était un caillou comme il n'en avait jamais vu, brun, lisse et, une fois débarrassé de la poussière qui le recouvrait, bien brillant.
                                                     
                                                      (http://img11.hostingpics.net/pics/591456marrons.jpg)

Le petit garçon s'empressa de le mettre dans sa poche et rentra à la maison pour étudier de plus près sa découverte. Mais c'était sans compter ses parents qui avaient un tout autre programme pour la soirée : devoirs, bains, dîner, brossage de dents... et, hop, au dodo !

Une fois ses doigts gris redevenus roses, son ventre bien rempli et ses pieds frileux emmitouflés au fond de son lit, le petit garçon ne tarda pas à sentir le sommeil le gagner et il s'endormit, oubliant tout à fait le galet qu'il avait ramassé avant de rentrer.

Pourtant, à peine s'était-il assoupi que quelque chose le tira de son sommeil. Un petit bruit sortait de la poche de son pantalon roulé en tas derrière la porte, un crissement discret mais persistant, à la manière d'un insecte bruissant impatiemment. Le petit garçon se releva et, les yeux embués d'obscurité encore, il regarda ce qui était à l'origine de ce bruit. Quelle ne fut pas sa surprise !

Sur le galet brillant était apparue une petite croix qui, comme la bouche avide d'un jeune oisillon, semblait s'entrouvrir et lui dire 'Regarde !'

                                                      (http://img11.hostingpics.net/pics/285081marrons.jpg)

Alors, mû par une vive curiosité, le petit garçon entreprit de regarder par la mince fente du galet, comme il glissait souvent l'oeil au travers de la serrure de sa porte quand ses parents recevaient des invités et qu'il devait rester dans sa chambre à jouer.

Soudainement, il ressentit comme une vague de chaleur le saisir et il se rendit compte qu'il était irrémédiablement aspiré vers l'orifice du caillou... il ne pouvait lutter, tout son corps tendait vers la petite bouche gourmande et quelques secondes plus tard, sa chambre d'enfant avait disparu et le galet avec.

Il se réveilla au beau milieu d'une haute, haute forêt.

Mais cette forêt n'avait rien à voir avec celle dans laquelle il habitait ! Les troncs des arbres n'étaient plus gris et froids, mais bruns et accueillants. Le sol n'était plus dur et noir, mais on s'y enfonçait, comme sur une mince couche de plumes. Et surtout, surtout, les feuilles des arbres étaient impressionnantes : un vrai feu de couleurs ! Tantôt rouge sombre, tantôt jaune d'or, saupoudrées de taches orangées et d'éclairs argent, les feuilles se dessinaient, au sol comme dans les airs, en une véritable farandole multicolore et, l'espace d'un instant, le petit garçon oublia qu'un jour, chez lui, les arbres eussent pu être gris.

Il n'eut cependant pas le temps de les observer davantage qu'il entrevit, non loin sur le chemin, le petit galet qu'il avait ramassé.

                                                       (http://img11.hostingpics.net/pics/150761marrons.jpg)

Le petit garçon entreprit alors de remettre le caillou dans sa poche, avant de s'aventurer au-delà dans cette grande, grande forêt, mais il fut surpris de sentir quelques gouttes au creux de sa main. Le galet pleurait !

Ou du moins, de fines gouttelettes s'échappaient de sa coque, comme de menues larmes des yeux d'un enfant. Le petit garçon porta l'une d'entre elles à sa bouche et il fut surpris par le goût doux et sucré de celle-ci. Ce n'était pas des larmes, mais bien du lait !

Après avoir étanché sa soif naissante – après tout, il était tard dans la nuit et le petit garçon n'avait pas bu le verre d'eau que sa maman avait, comme chaque soir, déposé au pied de son lit – il décida d'explorer le bois. Afin de pouvoir revenir facilement sur ses pas, il laissa le galet goutter tout au long du chemin : ainsi retrouverait-il facilement l'endroit d'où il venait.

Au fur et à mesure qu'il marchait, il se rendit compte que la route sur laquelle il s'avançait était jonchée de petits galets, semblables au sien.

                                                     (http://img11.hostingpics.net/pics/402365marrons1.jpg)

Alors il décida de les ramasser et d'en remplir ses poches, mais comme les poches de son pyjama n'étaient pas bien profondes, il souleva le haut de celui-ci, de sorte à former une très grande poche, afin d'en récolter le plus possible.

Il marcha ainsi et ainsi pendant fort, fort longtemps, sans toutefois voir le temps passer, trop absorbé qu'il était à sa collecte de galets.

Vint un moment, cependant, où ses poches furent si remplies qu'il n'y avait plus la moindre place pour y glisser quoique ce soit. Comme tiré de sa rêverie, le petit garçon décida alors de rebrousser chemin et de retrouver la voie qui lui permettrait de rentrer chez lui.

Pourtant, à son grand désespoir, il dut se faire à l'évidence : les gouttelettes qu'il avait égrenées avaient toutes disparu ! Il se rappela alors avoir entendu sur son chemin le pépiement d'oiseaux et s'en voulut de ne pas avoir pensé plus tôt que ceux-ci, tout autant gourmands que lui, se délecteraient assurément des larmes douces et sucrées de son galet.

                                                      (http://img11.hostingpics.net/pics/938296marrons.jpg)

Le petit garçon, perdu dans cette magnifique forêt, le pyjama plein de cailloux brillants, s'assit et se mit à pleurer. A quoi bon tous ces galets et ces feuilles d'or s'il ne pouvait plus rentrer chez lui et être câliné par sa maman ?

Un bruit toutefois le tira de ses sanglots.

Effrayé, il leva la tête et vit, se tenant debout en face de lui, la grande et sombre silhouette d'un homme dont la tête était cachée, recouverte d'un épais capuchon de toile.

'Pourquoi pleures-tu, petit garçon ?', fit l'homme, d'une voix grave mais douce.

'Parce que j'ai aimé la forêt de feu et j'ai voulu ramasser les petits galets qui s'y trouvaient, et maintenant, je suis fatigué et je veux rentrer chez moi, mais je ne peux retrouver mon chemin et jamais je ne reverrai mes parents !', dit le petit garçon, les joues encore mouillées de larmes.

'Si tu souhaites rentrer chez toi, c'est possible, petit garçon, mais tu dois jurer une chose auparavant : si tu reviens dans ton bois gris et froid, où les gens courent sans se voir et toussent leur coeur de poussière, alors tu devras toujours te souvenir de cette forêt de flammes et toujours essayer de colorer les tristes branches de ton monde des mêmes couleurs que celui-ci. Si tu transportes un éclat de ce bois dans le tien, alors tu pourras rentrer chez toi. Es-tu d'accord ?'

'Oui, bien sûr !', s'empressa de répondre le petit garçon, évidemment qu'il le ferait ! Qui ne voudrait retrouver l'éclat de ce feuillage partout là où il va ?

'Alors, dit la haute silhouette en tendant les mains, choisis l'une de ces pierres : une seule te guidera à nouveau chez toi'

Le petit garçon, hésitant, tendit les doigts et choisit l'un des galets sur lequel il crut deviner une mince ouverture en croix.

                                                         (http://img11.hostingpics.net/pics/722225marrons1.jpg)

'Et bien alors, tu ne veux plus te lever ?' demanda la maman du petit garçon d'une voix claire, 'Il fait déjà grand jour, tu sais ! Et c'est dimanche, aujourd'hui, nous allons au bois !'

Le petit garçon ouvrit les yeux, étonné, et regarda autour de lui. Il était allongé dans son lit et sa maman tirait doucement les volets. Le ciel semblait clair dehors et il mit les mains à ses poches, vides.

Vides ? Et si seulement... Ses doigts fébriles s'aventurèrent plus loin sous la couette et, avec surprise, sentirent une petite masse douce glisser sur le drap.

'J'arrive maman !' cria le petit garçon, le sourire aux lèvres, en bondissant hors du lit.

Il attendit que celle-ci fut sortie pour desserrer sa paume et y découvrir le galet qu'il avait ramassé la veille au soir. Alors un grand éclat de rire le saisit et, en même temps qu'il enfila son pantalon et ses bottes pour sortir dehors, il glissa la petite châtaigne dans sa poche et il ne s'étonna pas de voir voleter devant sa fenêtre une feuille d'arbre, jaune d'or dans le ciel bleu. Et la cime des arbres lui parut moins grise sous le soleil d'automne.

A.X
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 01 Octobre 2014 à 10:01:48
(http://img4.hostingpics.net/pics/60663915hm.jpg)

Il était une fois...Un vendeur de haricots.(conte d'automne)

Ce n'était pas un vendeur ordinaire de haricots ordinaires.
C'était un drôle de vieil homme qui vendait des haricots magiques.
Il était connu des milliers de lieues à la ronde par tous ceux qui savaient qu'en plantant un de ses haricots, on voyait grandir un arbre fabuleux. Un arbre qui ne mourait jamais, qui donnait la plus douce des ombres et les plus juteux des fruits.

Il se promenait de village en village, ce vendeur itinérant, avec un chariot chargé de haricots, en sac, en vrac, des dizaines, des centaines de petits haricots qui bringuebalaient comme des perles précieuses sans collier.
Le soir, il aimait se faire héberger dans les familles qui l'accueillaient. Il déposait lentement sa besace près du feu, il enlevait son vieux chapeau de feutre, et, dans la chaude obscurité un peu ocre du soir où l'or du ciel disputait celui des flammes, parmi les petits éclats de feu et de lumière qui venaient, comme des lucioles, illuminer ses doux yeux bleus, il souriait.
Il parlait peu, comme si sa douceur taciturne était la seule mélodie poétique que le calme d'une unique soirée partagée autorisait, comme si ses sacs de haricots qui chantaient sur les routes à longueur de journée avaient déjà trop parlé pour lui. Certains voyageurs sont des bavards. D'aucuns, comme notre marchand, se muent en voyageurs sans paroles, l'esprit habitant encore les lueurs des mille pays qu'ils ont vus, le cœur habité encore par les mélodies des mille paysages qu'ils ont traversés.

Parfois, il campait seul, et, au coin d'un feu de fortune, il comptait ses haricots, un par un, méticuleusement. Il triait, enlevait les impuretés comme on enlève un cil sur la joue de la personne que l'on aime.
Il aurait aimé jouer de l'harmonica comme dans les vieux westerns, mais il ne savait pas en jouer, parce que le mutisme qui l'habitait avait contaminé ses talents musicaux, et qu'il se disait que si ses rides parlaient pour lui, ses yeux devaient bien chanter à sa place.
Et il s'endormait, la tête posée sur un sac de haricots, en leur murmurant bonne nuit, et en leur promettant un lendemain plein d'étoiles et de rayons blancs, blancs comme eux.
Il leur disait qu'il les aimait tant qu'un jour, il laisserait sa prunelle prendre de leur pâleur, il laisserait ses cheveux prendre de leur pureté, mâte et nivéenne.

Un soir d'automne, un soir de lune blanche, plus blanche que le plus blanc de ses haricots, le vieux marchand s'installa dans un foyer qui abritait une petite fille.

La petite fille s'appelait « Nuit ». Elle aimait ce nom, parce qu'il lui donnait l'impression d'avoir en elle le rappel précieux de la beauté des cieux noirs et calmes. Ses parents lui rappelaient chaque jour qu'elle était leur lumière, et que les nuits les plus sombres sont parfois moins obscures que les jours les plus clairs, parce que le blanc et le noir sont plus subtils à distinguer que les Hommes ne le pensent. Elle était suivie d'un petit chat blanc comme les lueurs qui précèdent l'aurore, et d'un oiseau qui était invisible le jour. Ils habitaient tous deux dans le grand noyer qui était devant leur porte. Elle, elle ne dormait que lorsqu'elle était sûre que plus rien ne menaçait ceux qu'elle aimait. Elle éteignait le feu dans l'âtre comme elle aurait demandé à la lune de baisser son intensité pour mieux laisser se reposer les yeux de ceux qu'elle portait en son cœur de petite Nuit, son cœur gros comme un gros haricot.

La petite fille avait de longs cheveux argentés. Oui, pas blonds, ni dorés, mais argentés.
Et lorsqu'elle souriait, on avait l'impression de toucher du bout du cœur toute la douceur de la voie lactée.
Elle ne parlait que très peu, parce qu'elle avait rarement l'impression que ses mots valaient plus que le silence, et qu'elle aimait à rappeler aux autres que le silence était doux à écouter, plus doux qu'une nuit sans nuages.
Le marchand fut ravi de rencontrer la petite fille, d'abord parce qu'il aimait la nuit, et aussi parce que ses cheveux lui rappelaient ses haricots. Il se disait, tiens, c'est comme si quelqu'un avait caché un haricot dans sa tresse de petite fille, qui aurait répandu sa pâleur dans le reste de ses boucles. Pour un peu, il aurait bien défait la tresse pour chercher le haricot, et le garder dans sa jolie collection, mais il n'aurait jamais osé, parce qu'elle était si belle qu'il aurait eu peur de l'abîmer, avec ses vieilles mains ridées, tout juste habiles à retirer les cils sur des joues qui se mangent.
Alors il se contenta d'attendre.

Ce soir-là fut un soir un peu magique
Était-ce grâce aux sacs de haricots magiques qui attendaient le vieux marchand, dans un coin du chariot de bois, à l'abri ?
Était-ce à cause de l'union de ces deux êtres que la blancheur de cœur réunissait ?
Mais ce soir-là, le marchand devint bavard, et la petite fille aussi.

Ils se racontèrent mille histoires. Il lui confia ses voyages vers des pays où les couleurs forment des unions inconnues, ses aventures dans des régions où poussent des arbres si magiques qu'ils dessinent des arabesques différentes pour chaque œil. Elle lui raconta sa vie, son petit chat blanc qui lui parlait une langue qu'elle seule comprenait, son oiseau qui pouvait imperceptiblement toucher de l'aile des paupières pour aider à y voir plus clair, parce que beaucoup d'yeux n'y voient pas clair, même en plein jour, surtout en plein jour.
Ils préparèrent un repas de fête, pour elle, pour ses parents, et pour lui. Un repas de haricots. Notre marchand acceptait rarement que l'on mange ses haricots magiques, mais ce soir-là, il sentit qu'ils seraient l'ingrédient féerique supplémentaire au bonheur de tous ceux qui partageraient leur table.

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Aux haricots, ils ajoutèrent des noix, parce qu'ils en avaient beaucoup, et le vieux marchand appris à la petite fille une réalité magique : les racines des mots « noix » et « nuit » sont très ressemblantes.
Noix, nux, nuctis. Nuit, nox, noctis.

Les noix sont des petits trésors liées à la magie de la nuit. Elles sont même chacune une petite nuit, parce qu'elles sont une grosse pépite qui abrite un délice et un morceau de nuit autour pour le protéger. Des fragments d'obscurité.

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Des haricots et des noix, des paroles perlées et des sourires blancs, des gourmandises étoilées et des regards entre l'ivoire et l'ébène habitèrent cette soirée magique.
Avant de se coucher, la petite fille regarda le marchand, très longtemps. Elle savait qu'elle ne le reverrait jamais.

Elle osa lui poser...une seule question. La seule qu'elle trouvait digne de briser le silence.
Ces haricots...qu'avaient-ils de magique ?

Le marchand se leva lentement. Il défit la tresse de la petite fille, et se mit à soulever mèche d'argent après mèche d'argent, très lentement, en laissant le silence de la nuit enneigée et le crépitement des dernières bûches murmurer la fin de l'instant. Il finit par le trouver, le haricot. Il le sortit délicatement, sans créer de nœuds, et le mit dans les mains de la petite fille. Il lui dit de le garder, de le planter, de le regarder germer.

Il lui expliqua que ses haricots n'avaient de magique que l'éclat qu'on voulait bien leur donner. Qu'en fait, dans leur pays, tous les haricots étaient magiques, et que, bien souvent, lorsqu'il arrivait dans un foyer pour vendre des haricots, il repartait avec son stock entier, parce qu'il ne faisait que dévoiler à ses acheteurs les haricots qui se cachaient chez eux. Cela ne le dérangeait pas, de repartir avec son stock entier, parce qu'il aimait chacun de ses petits haricots comme des fils qu'il aurait eu avec la dernière des étoiles, vers l'Est.

Il lui expliqua, de sa voix douce, avec un accent épais comme une soupe d'hiver, que chacun, petit ou grand, a sur lui un haricot magique, et qu'il suffit de le faire grandir, plutôt qu'attendre, des jours, des mois, des années, qu'un marchand nous fournisse un haricot magique tout fait venant de l'extérieur. Il lui expliqua qu'il fallait prendre le temps, dans la pâleur de la nuit, dans la tendresse du levant, dans le calme du couchant, de trouver nos propres haricots et de les faire grandir. D'arroser chacune de nos pensées avec la meilleure des eaux, sans cesser d'y croire, sans cesser de nous persuader de l'incroyable valeur de nos propres petites pousses.

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La petite fille ferma les doigts sur le haricot, et son visage, échevelé par la quête, illuminé des dernières lueurs de l'âtre, sourit, très doucement, au vieillard qu'elle ne reverrait plus. Et le marchand, sans attendre plus que le silence entendu, lui rendit un timide sourire, avant d'aller s'endormir en déposant comme chaque nuit sa tête sur un de ses sacs pleins de perles magiques.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Octobre 2014 à 13:24:24
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Pruno, Prunebelle,
le dragon repenti


Il était une fois un joli prince amoureux, originaire du Verger Lorrain et qui voulait épouser la princesse Prunebelle.
Le mariage avait été fixé au deuxième dimanche de septembre; la date correspondait à la grande fête de la récolte des Quetsches.
Ce fut une immense joie dans le pays à l'annonce du mariage de Pruno avec sa bien-aimée.
Toutes les prunes, toutes les quetsches se hâtaient de mûrir; chacune soignait son joli teint: un violet doux, gracieux et chaud qui donnait de belles couleurs de santé aux fruits.

Prunette, impatiente de participer aux festivités se rongeait la pulpe pour savoir comment descendre avant tout le monde du quetschier. Elle se trémoussait sous la brise d'automne, elle bleuissait de colère en s'échinant à arracher la tige qui la retenait prisonnière.
Les dames d'âge mûr, à la robe de violet dépassé, essayaient de la raisonner. "Ton tour viendra, petite impatiente !".

Un beau matin, alors que la rosée perlait sa jupe mauve bonbon, Prunette sentit l'emprise de la tige lâcher l'ovale. "Oh! Ah..." eut elle le temps de crier et elle tomba sur le chapeau d'un bolet Satan qui la maudit comme un beau diable.
Elle vit quelques chandelles danser et se sentit mal lorsqu'elle regarda là-haut les grappes de ses sœurs pendouiller dans le vide. Elle se mit aussitôt en route vers le château de Pruneville. D'autres demoiselles, vêtues de poussière d'or partaient. Certaines avaient le teint hâlé, d'autres des joues bien riantes  qui rosissaient dans l'air chaud de l'après-midi. Des guêpes et surtout ces gros messieurs de bourdons vinrent quémander des faveurs :

"Non, reprirent elles en chœur, allez donc chez les pommes, ce sont de bonnes poires.

De loin, enfin, les premières distinguèrent les énormes bâtiments ovales de la ville. Les ruelles étaient proprettes; le grand parc avait été aménagé pour accueillir en forme d'amphithéâtre-panier les milliers de visiteurs.

Surprise ! La place était vide, Prunette s'approcha d'un pruneau ridé: "Mon bon vieux, que se passe‑t‑il ? Où sont donc les courtisans ?". ‑ ah! mam'zelle, le vilain dragon est revenu et cette fois‑ci il a ravi les deux fiancés. J'ai bien peur que nos deux tourtereaux vont avoir de sérieux pépins.

‑ Mais où sont donc les citadins, les Prunevillois ?
‑ Ils sont partis à la recherche de cet ignoble monstre..."

Le soir tomba vite. Les fruits qui avaient roulé leurs bosses dans toute la contrée revinrent la pulpe vide et l'esprit chagrin.

"Cette bestiole s'est retirée dans son antre maléfique. Il faut ce soir même imaginer une méthode pour l'attirer chez nous!" reprit Prunion, le menton en marmelade.

"Ah, je le tenais, mais il m'a balancé sa queue sur la tranche. je sais où il séjourne. Nous allons lui réserver une surprise.

La prune de Damas toujours prête à partir en croisade répliqua:
‑ S'il ramène sa fraise, je lui administre une châtaigne en pleine poire et je l'envoie dans les pommes!

‑ Quetsche que vous dites ?, demanda un fruit curieux et sourd ... comme un pot  de confiture. "

La nuit se passa à élaborer toute une stratégie pour venir à bout de l'horrible dragon.

La première tentative se solda par un échec. L'animal en marchant sur un pont quetsches, tomba certes à l'eau, mais il savait nager.

Les fruits en furent quitte pour une douche glacée dans la rivière mais ils ne baissèrent pas leurs tiges.

Le second piège était ingénieux: quelques belles prunes appétissantes, à la chair fraîche se sacrifièrent pour attirer le ravisseur. Lorsqu'il s'approcha pour gober les malheureuses il tomba, dans la crevasse. Mais ce fut un jeu d'enfant pour lui de s'envoler et de regagner son repaire.
La bête devenait méfiante.

Aussi, pour éviter qu'on vienne délivrer ses deux prisonniers, le gros lézard les emporta sur sa carapace. Les amoureux étaient coincés entre ses crêtes. Ils n'osaient tenter la moindre fuite. Le lance-flammes les avait prévenus:

"Je vous réduirai en tas de cendres. Je vous assommerai avec ma queue acérée si vous comptez vous évader! "

Le Grand Conseil du Tonneau s'était rassemblé : à l'issue de la réunion, le comité avait ordonné au régiment prussique de délivrer les victimes.
Un guet-apens fut organisé. En effet, le dragon avait l'habitude de sortir de la forêt par l'allée des merisiers. Des troupes d'élite s'occupèrent de la délivrance.

La bête insouciante, avançait en se dandinant. En passant sous les frondaisons, deux échelles de coupée furent lancées. Telles des araignées, quelques soldats courageux descendirent du filin, agrippèrent le couple princier . Au bout d'un moment, le dragon s'aperçut de l'absence de ses prisonniers. Son cri horrible se répercuta dans le silence des forêts : au comble de la furie destructrice, il écrasa tout sur son passage.

Mi-figue, mi-raisin, le Grand Ecuyer dans son habit violet cardinal se déclara heureux de leur délivrance mais disait‑il :

"la situation n'est guère optimiste tant que ce monstre ne sera pas neutralisé."

On était à court d'idée. Que faire ?

C'est alors que la bonne fée Quetschebelle intervint et mit tout le monde d'accord. Elle avait une recette infaillible pour apprivoiser ce glouton. Il suffisait de suivre ses recommandations. Aussitôt dit, aussitôt fait.

Elle feuilleta un vieux grimoire. "Voyons... voyons... Lèguemesriches... Lekmerisch ... ça y est!

Chers amis, voilà mes recommandations: Cueillez des fruits fermes et en bonne chair. Retirez les noyaux

‑ Écrasez les pyrales qui sont des larves d'insectes et nos pires ennemies. N'hésitons pas à éliminer nos cousines véreuses car si le ver est dans le fruit, on ne sera pas gâté !
‑ Faites cuire à feu doux pendant 24 heures, mes amis... oui 24 heures!

Le succès de l'opération est à ce prix. Il faudra vous relayer autour le mon chaudron magique. Qu'une équipe parte déjà chercher les fagots pour activer le feu tout à l'heure! "

Et l'on vit dans la campagne des cohortes d'ouvrières s'activer à la cueillette; même la reine-claude mit la main aux branches.

Le chaudron en cuivre retrouva son éclat et les fruits juteux le remplissaient progressivement. La bonne fée y ajouta quelques morceaux de poire pour la soif... d'en manger.
La cuisson commença. Petit à petit, les fruits baignaient dans leur purée onctueuse.

‑"Surtout pas de sucre ! avait ordonné la fée, car nos fruits vont le dégager eux-mêmes par l'opération de l'auto‑caramélisation dans la bassine."

Ce fut une dure nuit, les gouttes de nectar perlaient au front des dames, tandis que ces messieurs fleuraient bon le miellat pour avoir activé le feu.

Le résultat dépassa les espérances le lendemain matin. Une confiture brunâtre s'étalait dans la bassine brûlante. Chacun se léchait la babine à l'idée d'en savourer, mais la fée veillait avec son écumoire et gratifiait les gourmands d'une série de coups à les rendre encore plus mordus de cette panacée.

"Non, tout doit être réservé à notre dragon. Mes petites quetsches ont baigné dans leur propre sirop sans adjonction de sucre. Leur substance en s y incorporant leur donne ce velouté si agréable qui subjuguera la bête."

On creusa une énorme fosse dans laquelle on versa le produit.

Maître dragon par l'odeur alléché plongea dans le breuvage, fit bombance et s'en soûla au point d'enfler.

On mit en place une catapulte qui lui envoya quelques noyaux pointus sur la truffe.

Par ailleurs, il lui devenait de plus en plus difficile de se dépêtrer de sa gangue mirobolante. Alors, la bête fantastique, au bord de l'asphyxie dans cette purée succulente, implora le pardon. Elle promit de devenir le gardien de la ville.
Depuis ce jour, le cher dragon veilla  au bien-être du Verger Lorrain.
Et lors de la cérémonie du mariage avec Pruno, la jolie Prunebelle s'exclama ‑
" Pour une fois, on ne s'est pas battu... pour des Prunes! "

La Confrérie de la Prune et de la Quetsche
(B.D.F)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Octobre 2014 à 10:24:29
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La sorcière aux pépins

Accoudé à la fenêtre, j'admirais  les magnifiques citrouilles dans le potager. Coquettes, elles étalaient leur robe orangée, sous le clair de lune.
Soudain, j'entendis un bruit épouvantable...

Les histoires d'Halloween qui était proche avaient mis le feu à mon imagination. Je fus saisi d'effroi. Mais la curiosité l'emporta sur mes craintes. Je sortis au jardin, ma lampe de poche à la main.

Et c'est là que je la vis... Une mignonne sorcière avait atterri au milieu des cucurbitacées ! Le chapeau de travers, étendue de tout son long, elle me considérait avec inquiétude :

-Heu ! Désolée. Sois sans crainte, je vais réparer mes bêtises !

Sans attendre de réponse, elle se redressa et entreprit de caresser chaque citrouille abimée par sa chute. Et, sous ses doigts de magicienne, ces dernières récupérèrent leur dignité de marquises enjuponnées.

Devant mon expression ahurie, la petite sorcière m'expliqua :

-Je crois que j'allais un peu trop vite sur mon balai ! Je suis partie, ce matin, pour le sabbat des sorcières. Mais, selon mon habitude, j'ai flâné. Bien obligée ensuite de voler à toute vitesse pour rattraper le temps perdu !

Cette sorcière ne semblait pas bien méchante. Je retrouvai l'usage de la parole :

-Ainsi les sorcières existent pour de...

Elle m'interrompit par une exclamation :

-Nom d'une sorcière ! J'ai perdu mes Graines de Vie, dans ma chute... Au lieu de bavarder, aide-moi à les ramasser !

J'éclairai de mon mieux le sol de ma lampe.

-Les voilà ! S'exclama-t-elle, joyeuse.

J'aperçus alors quelques pépins ratatinés et insignifiants.
J'étais déçu et le montrai.

-Ne prends pas cet air méprisant... Il y a là-dedans toute la magie du monde !

Elle les ramassa et souffla doucement dessus. Aussitôt, l'un d'entre eux se mit à germer, à grandir, grandir. Un arbre immense se balançait, majestueux, sous nos yeux.

La petite magicienne souffla encore et encore. La brise se leva. J'aperçus alors la mer et ses vagues argentées. Le ciel s'embrasa d'un coup et l'aurore fut là. Les oiseaux tournoyèrent au-dessus de nos têtes pour célébrer la naissance du jour. Je retins mon souffle, ébloui. Que c'était beau !

Dès que ma drôle de visiteuse cessa de souffler, la nuit nous enveloppa de son manteau étoilé.

-Tu as bien de la chance de posséder toute cette magie ! Murmurai-je émerveillé.

Elle rit aux éclats.

-Cette magie, tu la possèdes toi aussi. Ce n'est pas compliqué : Il te suffit de regarder autour de toi... et de ramasser les instants de la vie !

Elle mit les graines dans un petit sac en cuir et en serra le cordon.

-Bon ! Je crois qu'il est temps que je parte sinon je vais rater le sabbat !  Merci pour ton aide et peut-être à bientôt...

Quand elle prit son envol, je m'aperçus qu'elle n'était pas venue seule : un corbeau et un chat noirs l'accompagnaient. Tout le temps de notre conversation, ils s'étaient discrètement tenus dans le noir.

Pas de doute, je venais de faire la connaissance d'une vraie sorcière, comme dans les histoires ! Je n'avais pas rêvé.

                                                         (http://img4.hostingpics.net/pics/305783chatnoiretcorbeau.jpg)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 04 Novembre 2014 à 20:28:35
(http://img15.hostingpics.net/pics/845135coffre.jpg)
Le trésor

Le meunier était malheureux et lui-même n'aurait su dire pourquoi. Jamais personne ne l'avait vu sourire, ou entendu rire, puisque rien ne lui procurait de joie.
     Et voilà maintenant qu'il se mettait à faire ce rêve étrange : il longeait vers le sud la rivière où se tenait son moulin et, à trois jours de marche, il arrivait devant une ville entourée de remparts. Au cœur de cette ville, se dressait le palais du roi et pour y accéder, il fallait passer sur un pont. Le meunier rêvait qu'en creusant sous ce pont, il trouvait un trésor inestimable.

     Un matin, il se réveilla après avoir fait le même songe. Il prit une pelle avec une besace contenant un peu de nourriture et ferma le moulin. L'homme marcha pendant trois jours et tandis qu'il cheminait, il s'imaginait tout ce qu'il pourrait faire grâce à ce trésor ; oh ! comme il serait heureux !
     À l'aube du troisième jour, il arriva devant la grande ville. Il trouva facilement le palais du roi et là, sous le pont qui y menait, à l'aide de sa pelle, se mit à creuser.
     Le meunier fouillait la terre depuis une bonne heure, lorsque les gardes du palais le surprirent en pleine besogne. Ils s'emparèrent de lui et l'amenèrent devant leur capitaine.
     — Nous avons trouvé cet homme en train de creuser devant le palais, lui dirent-ils, c'est un espion, sans aucun doute !
     — Ah non, protesta le meunier, je ne suis pas un espion. Je cherchais un trésor caché sous le pont.
     — Et pourquoi pensais-tu y découvrir un trésor ? lui demanda le capitaine soupçonneux.
     — Eh bien, répliqua le meunier un peu gêné, j'ai fait plusieurs fois un rêve et dans ce rêve, je déterrais un trésor enfoui sous ce pont.
     Le capitaine partit d'un grand éclat de rire :
     — Comment peux-tu être aussi bête pour suivre tes rêves ? Si j'écoutais les miens, je marcherais vers le nord pendant trois jours en suivant la rivière et je trouverais un moulin. Il faudrait que je creuse au cœur de ce moulin pour trouver un trésor qui ferait de moi un homme immensément riche. Mais je ne suis pas fou !
     Et il ordonna à ses gardes d'escorter l'homme aux portes de la ville et lui en interdit désormais l'accès.

     Le meunier, songeur, se hâta de retourner chez lui.
     Là, il creusa au beau milieu de son moulin et déterra un petit coffre vermoulu. Il contenait seulement un vieux parchemin. En le déroulant, le meunier put y lire inscrit en lettres d'or : « Ce qu'il y a de plus précieux au monde est à l'intérieur de toi. »
     Le meunier se mit à rire en comprenant le message.
     Il était allé bien loin chercher le trésor qu'il portait en lui depuis toujours.
     Ce trésor était son cœur et tout le bonheur du monde y était contenu.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Novembre 2014 à 10:41:22
(http://img4.hostingpics.net/pics/47516774br.jpg)
Le chapeau magique

Un jour, un chasseur du nom de Keyane, trouva dans un des pièges qu'il avait
tendus un magnifique renard argenté. Il avait les deux pattes arrière prises. Le
chasseur s'apprêtait à le teur quand il l'entendit lui dire d'une voix humaine :
« Laisse-moi la vie, ami chasseur, et je te récompenserai. »
Quand Keyane fut revenu de sa surprise, il répondit :
« Que pourrais-tu bien me donner ? Ce que je puis tirer de toi de meilleur,
c'est bien ta fourrure ! »
« C'est ce que tu penses, chasseur. Mais ce chapeau de bois que voilà te serait
mille fois plus utile que ma fourrure. »
Il rampa légèrement et montra ce qu'il tenait dans sa patte : un minuscule
chapeau de bois, pointu comme ceux que les pêcheurs portent pour se protéger de
la pluie ou du soleil, seulement beaucoup plus petit. « Il est à toi si tu me
laisses la vie ! »
A quoi pourrait bien me servir un chapeau, se disait le chasseur, et un chapeau
comme ça, ridiculement petit, qui tiendrait dans la paume de la main. Puis il
réfléchit que ce renard était un animal assez extraordinaire. Et puis, se
dit-il, une fourrure de plus ou de moins, ce n'est pas une affaire ! Il se
pencha vers le renard et lui libéra les deux pattes.
« Tu ne regretteras pas ton geste, Keyane, dit l'animal en lui tendant le petit
chapeau. Quand tu l'auras sur la tête, rien de mal ne pourra t'arriver. »
Il est si petit que je ne pourrais le porter, voulut dire Keyane, mais à peine
l'avait-il posé sur sa tête qu'il s'agrandit jusqu'à la taille convenable. Il
lui allait parfaitement. Et quand il l'enleva, il redevint tout petit. Voyons,
voyons, se dit-il, cela n'est pas naturel ! et il crut alors vraiment que ce
chapeau était magique. Il voulut remercier le renard mais celui-ci avait disparu
sans laisser de traces.
Keyane prit le chemin du retour sans fourrures. Il alla vers la rivière pour
pêcher au moins quelques poissons. Sur sa route, éclata une terrible tempête de
neige. C'était l'enfer qui se déchaînait. Tout à coup, il ne vit plus rien à
trois pas devant lui, un vent furieux le jetait à terre et le redressait, jouant
avec lui comme avec un flocon de neige si bien qu'il perdit sa direction. Keyane
prit peur, craignant de ne pas retrouver son village et de périr au milieu de
cette masse de neige glacée.
Il pensa brusquement au petit chapeau de bois du renard. Avec de grandes
précautions, pour qu'il n'échappât point à ses mains engourdies, il le posa sur
la tête. Miracle ! Non seulement le chapeau lui couvrit la tête mais il crût
dans de telles proportions que Keyane put s'y blottir tout entier. Dans le
chapeau, il faisait doux et sec comme dans le plus confortable des igloos, si
chaud et si doux que le chasseur épuisé s'endormit. Quand il s'éveilla et sortit
de son chapeau, il vit que la tempête avait cessé et que le soleil brillait. Le
renard n'avait pas menti. Le chapeau pouvait le protéger contre tous les
dangers.
Depuis ce jour, Keyane emporta toujours le petit chapeau avec lui où qu'il
aille. Un jour, il partit avec son frère à la chasse aux phoques. Ils
s'installèrent dans leur kayak et se laissèrent porter par le courant de la rivière jusqu'à la mer.
La chance leur sourit et ils assommèrent quelques beaux
animaux. Pendant ce temps, le jour s'était obscurci et ils devaient faire
diligence pour regagner l'estuaire du fleuve car la mer charriait d'énormes
blocs de glace et le danger était grand qu'ils ne leur barrassent le chemin. Le
frère, dont le bateau était plus léger, réussit à gagner le rivage à temps.
Keyane, lui, transportait une proie plus grosse et son bateau plus chargé était
plus lourd et plus lent, et un des blocs flottants lui barra la route.
Son frère, sur le rivage, perdit la tête, il courait çà et là en se tordant les
mains et cherchait en vain le moyen d'aider Keyane.
« Lance-moi une lanière ! » lui cria-t-il.
« Quelle lanière ? » répondit le frère. Puis il reprit ses esprits : il se
précipita vers le kayak, y prit les lanières que les chasseurs emportent
toujours pour remorquer les phoques abattus derrière les canots et les lia
ensemble d'un noeud solide. Ses mains tremblaient de froid et de la crainte de
voir son frère périr mais il y parvint tout de même. Tenant fermement une des
extrémités de la main gauche, il lança l'autre bout de la main droite à Keyane.
La lanière tomba dans l'eau avec un sifflement, Keyane s'en saisit et la noua
autour de sa poitrine.
« Tire ! » cria-t-il.
Le frère se mit à tirer de toutes ses forces et le kayak de Keyane progressa
tout doucement vers la rive. Mais la lanière se prit sous l'un des blocs et le
kayak à la dérive s'engagea dessous.
Il faut faire quelque chose, se disait le frère épouvanté. Si je ne réussis pas
rapidement à le sortir de là-dessous, il va se noyer ! Il tira de plus belle, il
était inondé de sueur, mais tous ses efforts semblaient vains. Il donna quelques
secousses à la lanière pour se rendre compte si son frère n'était pas noyé.
D'autres secousses lui répondirent. Il est vivant, se dit le frère, bien
heureux, et il recommença à tirer sans ménager ses forces. Le temps passait et
le kayak était toujours prisonnier quelque part sous la glace. De temps en
temps, le frère imprimait quelques secousses à son extrémité et d'identiques
secousses venaient en réponse de l'autre côté. Etait-il possible que Keyane fût
encore en vie ? Cela lui rendait l'espoir et il tirait de plus belle.
Il lutta ainsi bien longtemps et, à la fin du jour, il réussit à sortir le kayak
de l'eau. Et ce qu'il vit alors lui parut incroyable. Keyane était assis dans
son bateau, sain et sauf et lui criait :
« Tire vite, mon frère, je suis transi ! »
Que puis-je vous dire ? Si Keyane ne s'était pas noyé, c'était grâce au chapeau
de bois. Quand il avait vu le danger imminent, il l'avait coiffé et le chapeau
s'était agrandi, lui ménageant un abri et suffisamment d'air pour qu'il pût
respirer tout le temps qu'il était resté sous la glace.
Les deux frères envoyèrent une pensée reconnaissante au renard qui avait offert
à Keyane une récompense si précieuse.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Novembre 2014 à 15:52:14
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Crabouille et le livre magique

Il y a longtemps, bien longtemps, perdu au coeur de la forêt, dormait un petit village. Des arbres bordaient les chemins. La vie y était paisible. Les gens étaient heureux et les enfants jouaient, riaient.

  A la lisière de la forêt, dans une petite ferme au toit de chaume, habitait un pauvre paysan. Il se prénommait Barnabé. Il était habillé d'un pantalon rapiécé, d'une veste toute déchirée et d'un vieux chapeau de paille sous lequel il cachait de beaux yeux clairs qu'il tenait de son grand-père. Il était chaussé de beaux sabots de bois.

    C'était un vieil homme plein de ressources. Il avait très bon coeur ; il partageait souvent le foin de ses bêtes avec celles des voisins. A l'automne, il invitait les enfants à venir remplir leurs paniers de pommes. Ce brave homme ne savait ni lire, ni écrire, mais il adorait raconter des histoires aux enfants sous son pommier aux branches arrondies.

    Le printemps arrivait à grands pas et les bourgeons s'ouvraient au soleil. Myosotis, primevères et jonquilles éclairaient de mille feux le jardin de Barnabé. Un jour, de bon matin, il décida de labourer son champ. Il se dirigea vers la grange pour chercher sa charrue et y atteler ses boeufs. La journée fut rude car le champ était grand et les bêtes fatiguaient. Au coucher du soleil, en terminant son dernier sillon, la charrue butta sur un objet.

                                         LA CHANSON DU PASSÉ SIMPLE

Ce jour-là
Son champ il laboura, a.i, a.s, a
Un objet pointu il aperçut, u.s, u.s, u.t
Un coffre il découvrit, i.s, i.s, i.t
Son souffle il retint, i.n.s, i.n.s, i.n.t
C'est si simple, le passé simple

Il le souleva méticuleus'ment et le posa
Il le nettoya, le tourna, le retourna
Il le secoua, le jeta, prit un outil et força
Il essaya de l'ouvrir mais il ne réussit pas

Fatigué et découragé, il eut une idée
Sur une pierre il s'assit, sa faucille il saisit
Sur le coffre il la brandit et cela fit grand bruit
De l'ouvrir il eut peur mais il écouta son coeur


Le coffre était en bois de chêne. A l'intérieur, il découvrit un livre étrange. Il était très vieux et couvert de poussière. Sa couverture de cuir portait des inscriptions dorées. Ses pages en parchemin étaient toutes jaunies. En l'ouvrant, il entendit une mélodie si douce et si étrange qu'il sursauta. Il avait l'impression de rêver. Cette mélodie l'ensorcelait. C'est alors que des lettres couleur d'or s'envolèrent du livre, tournèrent autour de lui comme un tourbillon puis reprirent leur place dans le livre. Quelques-unes s'échappèrent dans la forêt. Il les suivit des yeux.

    Reprenant le livre, Barnabé, stupéfait, découvrit alors qu'il savait lire. Il s'assit sur le coffre et lut quelques pages de l'histoire. Il était si passionné qu'il ne sentait plus la fraîcheur du soir sur son visage. Le vieil homme était heureux car enfin son rêve pouvait se réaliser : il pourrait raconter tant de nouvelles histoires !

    Le lendemain matin, dès l'aube, il rassembla tous les enfants des fermes voisines sous son pommier. Quand ils furent installés, Barnabé commença à leur lire une très belle histoire. Il lisait doucement. Émerveillés par le récit, tous écoutaient attentivement. Ils restaient là bouche-bée, les yeux écarquillés.  Quand il voulut raconter la fin de l'histoire, il découvrit des pages blanches où il n'y avait plus de lettres. Cela le rendit très malheureux. Comment pourrait-il finir l'histoire ?

   A une lieue de là, habitait une méchante sorcière. Elle s'appelait Crabouille. Elle avait très mauvais caractère. C'était une jeteuse de sorts ; à chaque fois qu'elle prononçait une formule magique, elle avait le hoquet. Quand elle était en colère, elle transformait les enfants en chiens et en chats.

                                          LA CHANSON DE L'IMPARFAIT

A.i.s  a.i.s, a.i.t, i.o.n.s, i.e.z et a.i.e.n.t
Elle grognait, elle soufflait, elle criait
Ça chante ait, c'est l'imparfait

           Elle avait un nez crochu avec une grosse verrue
Son chapeau était pointu, des yeux d'chat y'étaient pendus
Elle portait des souliers tissés avec des  toiles d'araignées
Ses dents étaient toutes cassées et sa peau toute fripée

Sur un pupitre était posé un vieux grimoire de magie noire
Dans un drôle de chaudron, elle mélangeait des potions
Sur un petit feu de bois mijotaient des yeux de chats
De la bave de crapauds et des langues de boas


Un matin, Crabouille décida de préparer une potion ; il lui manquait quelques ingrédients. Elle prit son panier en osier, ferma la porte du manoir et partit sur le chemin de la forêt. Elle commença par cueillir des herbes : du thym, de la citronnelle, des orties. Soudain, elle fut attirée par quelque chose d'étrange sur le tronc d'un arbre. Curieuse, elle s'approcha tout doucement, pensant que les formes noires qu'elle apercevait étaient des insectes qui lui serviraient pour préparer sa tisane préférée, la tisane de crapauds. Mais quelle surprise en découvrant des lettres dispersées sur le tronc de l'arbre. D'où cela pouvait-il provenir ?
   
    Tout à coup, à son grand étonnement, les lettres se déplacèrent et se mirent en ordre en formant des mots puis des phrases. Elle se dit que ces lettres provenaient sûrement d'un livre magique. Il fallait absolument le récupérer. Elle se cacha derrière un buisson et attendit.

Au même moment, Barnabé quittait le village pour partir à la recherche des lettres dans la forêt, emportant avec lui le précieux livre. Le soir venu, les enfants ne le voyant par rentrer, s'inquiétèrent de son absence. Ils se réunirent sous son pommier et discutèrent. Ils étaient bouleversés, malheureux. L'un d'eux, le plus âgé, monta sur un tronc d'arbre et prit la parole : « Ecoutez les amis, la situation est grave ; Barnabé a disparu. Il faut que l'un de nous parte à sa recherche »

   C'est alors qu'un petit garçon, attristé par la disparition du paysan, s'assit à l'écart sur une pierre. Il s'appelait Marcellin. Il avait les cheveux châtains, des yeux noisette, quelques taches de rousseur sur son visage. C'était un garçon habile et courageux. Il remarqua, à ses pieds, un escargot venu d'on ne sait où, qui s'approchait de lui. C'était un escargot un peu plus gros que les autres. Il possédait des antennes rigolotes.. Tout à coup, un rayon de soleil caressa sa coquille qui se transforma en une boule de cristal. L'enfant vit apparaître une image : Barnabé était accroupi dans une malle sur laquelle était assis un dragon. Le garçon frotta bien ses yeux. Il ne rêvait pas : dans la coquille de cristal, le paysan s'adressa à lui : « Je suis dans une tour, prisonnier de la sorcière Crabouille qui a volé le livre, viens vite à mon secours ! ».

    A ce moment, un nuage cacha le soleil et la coquille reprit sa forme. L'image disparut. Marcellin raconta son histoire aux autres enfants mais personne ne le crut car il était le seul à avoir vu la coquille se transformer en boule de cristal. L'escargot, qui était resté près de lui, réfléchit quelques instants et dit : « C'est toi qui iras délivrer Barnabé, car tu es le plus courageux ! »

                                      LA CHANSON DU FUTUR SIMPLE

Demain matin, tu te mettras en chemin
Je t'accompagnerai, je te guiderai
Des gentils lutins t'accueilleront
Le futur simple nous chanterons
R.a.i, r a.s, r a, r o.n.s, r e.z, r o.n.t

Par le chemin de la forêt tu partiras
Une belle rivière tu longeras
Un compagnon tu rencontreras
Et avec lui tu voyageras

L'arbre le plus haut de la forêt tu chercheras
Au sommet du grand chêne tu grimperas
Quand la pie voleuse son nid quittera
Une pierre en cristal tu découvriras


Marcellin se répéta toute la nuit les conseils de Monsieur l'escargot. Dès l'aube, il quitta le village et se mit en route en chantant avec son harmonica. Après avoir demandé son chemin à un écureuil, il arriva au village des lutins qui lui remirent le miroir magique. Tout se déroula comme l'avait prédit l'escargot. Il avait maintenant, en sa possession, le poil d'âne, les feuilles de menthe, le trèfle à quatre feuilles, la pierre en cristal. Marcellin poursuivit seul son chemin, son ami l'escargot ayant décidé de rester chez les lutins.

    Il marchait depuis longtemps à travers bois et chemins quand il aperçut un chat assis sur le bord du sentier. C'était un petit chat tigré. Il avait de beaux yeux vert-émeraude, une queue longue et touffue, des griffes affûtées, un petit sourire coquin.  Il semblait très poli.  « Bonjour, mon jeune ami. Où t'en vas-tu de si bon matin? Demanda-t-il ». Le jeune garçon, étonné d'entendre un chat parler, lui répondit : « Je m'en vais au manoir de la sorcière pour délivrer un pauvre paysan qui est prisonnier
- Surtout ne va pas chez Crabouille, dit le chat d'une voix effrayée J'étais son fidèle compagnon mais un jour il m'est arrivé une mésaventure ».

                                     LA CHANSON DU PASSE COMPOSÉ

Le passé composé, c'est un temps du passé
Auxiliaire au présent et participe passé
Je me suis enfui car la sorcière m'a chassé
J'ai pleuré, j'ai miaulé, c 'est le passé composé

Un après-midi, j'ai poursuivi une souris
Elle m'a dit : « T'es pas gentil »
J'ai dérapé, elle s'est échappée
Dans le chaudron, je suis tombé

La potion a débordé
Crabouille a été éclaboussée
Des boutons lui ont poussé
De la tête jusqu'aux pieds


Quand il eut terminé son histoire, Marcellin eut pitié de lui ; ils devinrent amis. Il lui proposa de faire route avec lui. Les deux amis reprirent leur chemin, marchèrent longtemps, traversèrent  des prairies, des vignobles, des champs de blé... Fatigués, ils s'arrêtèrent et s'assirent sur un gros rocher. Tout à coup, ils sentirent que la pierre s'enfonçait.

    Les deux amis tombèrent dans un endroit étrange. Le chat reconnut le souterrain de la sorcière. Il proposa de guider Marcellin à travers toutes les galeries. « Ne me quitte pas, dit-il, je connais le souterrain comme ma poche ! ».

                                     LA CHANSON DE l'IMPÉRATIF

Suis mes ordres, écoute mes conseils
Ne va pas par là, prends plutôt ce chemin
Ne te décourage pas, aie confiance en moi
Sois attentif, c'est l'impératif

Dépêche-toi petit malin et prends ce chemin
Attrape cette torche, éclaire ce porche
Vite, courons, faisons attention
Tout au fond habite un griffon

Prends cette grosse corde mais évite de la tordre
Si tu es prêt, passe au-dessus du muret
« Suivez-moi pour trouver la sortie »
Dit une gentille petite souris


Ils avaient enfin réussi à trouver l'entrée du manoir. « Merci, gentille petite souris, dirent le chat et le garçon. Veux-tu te joindre à nous ? ». La souris accepta avec plaisir. Après avoir ouvert la porte grinçante, les compagnons se trouvèrent dans une salle où il y avait des choses étranges et poussiéreuses. Devant eux, se trouvait un escalier en colimaçon. Ils se demandaient où il pouvait mener. Alors, sans attendre, ils le montèrent marche par marche et arrivèrent devant une porte fermée à clef.

    Marcellin, découragé, s'apprêtait à faire demi-tour quand le chat l'interpella : « Marcellin, attends, j'ai la clé ; tu te souviens, je l'ai prise dans la poche de Crabouille ». Le chat la tendit au garçon qui la glissa dans la serrure. Qu'allaient-ils trouver ? .Avant d'ouvrir la porte, Marcellin sortit de son sac son miroir magique qui lui renvoya l'image de la pièce. Il resta pétrifié. La sorcière était là, penchée sur son chaudron. Elle mijotait une tisane de crapauds. Elle avait un visage terrifiant. Alors le chat proposa un plan : il éloignerait Crabouille pour que Marcellin puisse récupérer le livre de Barnabé. Le petit garçon ouvrit la porte. Le chat se faufila dans la pièce et bondit entre les jambes de la sorcière. Crabouille, furieuse de le revoir, devint verte et blanche comme un poireau et, musique le poursuivant avec son balai, sortit du manoir. Elle courait après lui en hurlant : « Viens ici, sale chat ! ».

Pendant ce temps, nos deux amis, Marcellin et la souris, se faufilèrent discrètement dans la pièce à la recherche du livre. De sa bourse, le petit garçon sortit délicatement la pierre en cristal qu'il frotta avec le trèfle à quatre feuilles... C'est alors qu'apparut, sur une des facettes du cristal, l'image d'un hibou endormi sur une poutre, serrant dans ses pattes le livre. Marcellin sortit alors de sa poche le poil d'âne magique. Il le laissa s'échapper de sa main et le suivit des yeux. Le poil d'âne, en s'envolant, frôla le hibou qui était allergique. Celui-ci éternua très fort : « Atchoum ! ». Déstabilisé, il vacilla ; le livre tomba sur la tête de Marcellin qui sursauta de peur. Le garçon récupéra le précieux livre. Il le feuilleta : les lettres étaient bien revenues à leur place.

    Marcellin, heureux, remercia chaleureusement le hibou et lui offrit quatre belles feuilles de menthe bien parfumées pour soigner son allergie. Celui-ci interrogea le garçon sur les raisons de sa présence au manoir. Marcellin fit le récit de toute son aventure et lui fit part de son souhait de se débarrasser de la sorcière. Le hibou, qui était en vérité très savant car, depuis des années, il observait la sorcière, dit au garçon : « Je peux t'aider à fabriquer une potion car je connais le grimoire comme mes plumes ». Il mit ses vieilles lunettes sur son bec et s'adressa à l'enfant.

                                  LA CHANSON DU SUBJONCTIF

Il faut que je te lise la recette E
Que tu rassembles les éléments E.S
Pour qu'en sauterelle Crabouille se transforme E
Que nous nous pressions pour faire la potion I.O.N.S
Il est très important que vous réussissiez I.E.Z
Que les ingrédients soient très bien mijotés E.N.T
Avec le subjonctif, qu'on ne soit plus craintif

Il faut que tu prennes 18 langues de serpents
3 cuillères à soupe de cervelle d'hirondelles
5 longues oreilles de lapins nains
10 araignées boiteuses, 3 mygales vénéneuses
Que tu mélanges le tout
Et le cuises à feu doux
Dans un faitout

Il faut que tu ajoutes 1 verre de jus de sangsues
100 grammes de champignons vénéneux, 2 yeux de boeufs
50 grammes de plumes de corbeaux,
2 grosses cornes de capricornes
Que tu laisses bouillir
Dix petites minutes
Foi de grand-Duc


Marcellin se mit à préparer la potion. La souris lui fut d'une aide précieuse. Elle lui apporta tous les ingrédients. Quelques minutes plus tard, la potion était prête. L'enfant recueillit le jus et le versa délicatement dans le chaudron de la sorcière où mijotait la tisane de crapauds.

  Peu de temps après, le chat revint tout essoufflé car il avait beaucoup couru. La sorcière, toute énervée, apparut à son tour sur le seuil de la porte. Assoiffée, elle se précipita sur son chaudron, se versa une louche de tisane de crapauds dans une écuelle et but d'un seul trait. Quelques instants plus tard, elle se transformait en sauterelle. Le chat, qui attendait ce moment depuis bien longtemps, lécha ses babines, mit son bavoir et n'en fit qu'une bouchée.

 « Vite, dépêchons-nous ! Allons chercher Barnabé qui est prisonnier dans la tour. Il va commencer à s'inquiéter, s'exclama Marcellin ». Le petit garçon avait un peu peur ; il se rappelait la vision du dragon. Mais... comment était-il ce dragon ? Le chat lui expliqua.

                                   LA CHANSON DU PRÉSENT

E, es, e, il grogne, il ronchonne
Is, is, it, tout' les nuits, il gémit
S, s, t, il dort en ce moment
C'est l'indicatif présent

Ses cornes sont pointues, il est de vert vêtu
Sa flamme est très puissante et ses griffes tranchantes
Des oreilles d'éléphant et de grandes dents
Des yeux globuleux, une langue de feu

Ronchon est un colosse, il a une montre en os
Quand il n'est pas content, il fait sa tête d'enterrement
Chaque matin, dans un village, il fait une envolée
Au marché, sa salade, il va chercher


Sans plus tarder, les trois compagnons se dirigèrent vers la tour. Elle était lugubre, délabrée, surmontée d'un petit toit pointu en ardoises. Au sommet trônait une girouette qui tournait à chaque fois que le dragon piquait une colère. Les trois amis empruntèrent un escalier étroit dont les marches étaient usées par le temps. Ils arrivèrent en haut de la tour. Le dragon était là, assis sur la malle. Il était endormi. C'était l'heure de la sieste. A son cou, pendait une clé.
« Comment faire pour la récupérer ?  Interrogea Marcellin
- Ronchon a un point faible, déclara le chat. Il a horreur des chatouilles. »
La souris proposa son aide : « Moi, je peux vous aider car je suis petite. Je pourrais grimper sur son dos, il ne me verrait pas ! ».
Et, grattant ses petites pattes, elle sauta sur le dragon et le chatouilla au cou. Ronchon se réveilla en sursaut et se mit à rire aux éclats en gigotant de partout. En essayant d'attraper la souris, il se gratta violemment le cou et s'arracha une de ses plus belles écailles. Il hurla de douleur. « Ne pleure pas, dit Marcellin, je ne te veux pas de mal !  Je viens délivrer notre ami Barnabé. Il me faut la clé !».

                                LA CHANSON DU CONDITIONNEL

Si tu me donnais la clé
De cette tour je te délivrerais
Au village je t'emmènerais
R.a.i.s, r.a.i.s, r.a.i.t, r.i.o.n.s, r.i.e.z, r.a.i.e.n.t
Ah ! Que c'est amusant le conditionnel présent

Dans une chaumière, je te conduirais
Je te cajolerais, je te guérirais
Ton ami, je deviendrais
A lire, à écrire, je t'apprendrais

Je te présenterais aux petits-enfants
Qui sur ton dos joueraient au toboggan
Ils grimperaient sur tes ailes
Vous voleriez jusqu'au ciel

Un grand lit tout en bois, je te construirais
De bisous câlinous je te couvrirais
A cracher du feu, je t'autoriserais
Pour griller les poules que tu dégusterais


Ronchon, tout ému par ces paroles, détacha la clé de son collier et la tendit à Marcellin en signe d'amitié. Le petit garçon l'introduisit dans la serrure de la malle. « Vite ! Je n'en peux plus, suppliait le paysan ». La malle s'ouvrit. Barnabé retrouva enfin la liberté. Son regard croisa celui du dragon et il trembla de peur. « Ne t'inquiète pas, dit Marcellin, Ronchon est maintenant notre ami. Nous avons vaincu la sorcière. Il n'y a plus de danger ! ». .

   Barnabé, Marcellin, le chat et la petite souris s'installèrent sur le dos de Ronchon et s'envolèrent vers le village. Quand ils arrivèrent, les villageois, affolés à la vue du dragon, coururent de tous côtés. Barnabé les rassura. Le soir, à la belle étoile, une grande fête fut organisée. Ronchon, bien sûr, s'occupait des grillades. Pendant ce temps, Barnabé, aidé de Marcellin, fabriquait des lits pour les nouveaux amis : un grand lit en bois pour Ronchon, un panier en osier pour le chat. Le paysan sortit ensuite d'un tiroir une vieille boîte d'allumettes. Ce serait le lit de la petite souris. Les trois amis furent émus de leurs cadeaux.

    Après avoir dégusté les grillades préparées avec amour par Ronchon, les enfants, impatients de connaître la fin de l'histoire, s'installèrent sous le pommier aux branches fleuries. Le chat et la souris étaient assis sur les genoux de Marcellin. Ronchon, quant à lui, écoutait attentivement la lecture mais, au bout d'un moment, il était si épuisé qu'il s'endormit profondément. On l'installa dans la grange de Barnabé dans son grand lit tout neuf et Marcellin lui fit son bisou de minuit.

   Le petit garçon, le chat, la souris et Ronchon devinrent de grands amis. Chaque matin, sous le pommier de Barnabé, ils se réunissaient avec les enfants du village pour écouter le vieil homme si passionné par la lecture. Ils purent enfin apprendre à lire. Barnabé avait réalisé son plus beau rêve.

    Ronchon était devenu l'ami des enfants ; il adorait les promener sur son dos. Il rendait souvent des services aux paysans qui le récompensaient en lui offrant des poules et des salades.

    Le calme était revenu dans le petit village....  Depuis ce temps-là, villageois et dragon vivent en paix.


E.P
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Novembre 2014 à 16:44:00
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La robe merveilleuse

C'était la petite fille la plus pauvre du monde. Elle ne possédait rien, pas même une poupée de chiffons, pas même d'images. Elle n'avait qu'une seule robe et, quand sa mère la lui lavait, elle devait rester au lit pour attendre qu'elle fût sèche.

Un soir, la mère regarda en soupirant la fillette endormie, puis son regard se porta sur une pauvre guenille bleue pliée avec soin sur un tabouret, et elle songea que l'enfant avait besoin d'une robe neuve. Mais comment une pauvre mère qui travaille tout le jour pour gagner du pain peut-elle trouver l'argent nécessaire pour acheter une robe ? Elle ouvrit la fenêtre, contempla la campagne en fleur, à la clarté de la lune et pensa : " Quelqu'un me donnera sûrement une robe pour mon enfant."

Elle sortit sans bruit, referma la porte et alla à la recherche d'une robe. A peine était-elle sur la route qu'elle rencontra un magnifique rayon de lune.

- Douce lune, dit la mère, veux-tu me faire de tes rayons une robe pour mon enfant ?
- Je le ferais volontiers, répondit la lune gentiment, mais les hommes se plaindraient ensuite de ma lumière pâlie. Cherche ailleurs ;

La mère s'éloigna en soupirant. Elle entendit alors le rossignol chanter dans la forêt d'une voix si douce
qu'il semblait vouloir exprimer toute la tendresse d'un coeur. Emue, elle lui demanda :

- Cher petit rossignol, veux-tu de tes chants, faire une robe pour mon enfant ?
- Je regrette beaucoup, répondit le rossignol, mais, si je ne pouvais plus chanter, la nature perdrait son plus grand charme et tous les êtres se plaindraient. Cherche ailleurs;

La mère s'éloigna de nouveau en soupirant. Elle tenait la tête baissée et regardait les fleurs aux brillantes couleurs qui s'épanouissaient sur le bord du chemin. Et elle dit aux fleurs d'une voix caressante :

- Petites fleurs, voulez-vous me donner vos pétales pour que j'en fasse une robe pour mon enfant? Je vous en serais si reconnaissante ! mon enfant a absolument besoin d'une robe.
- C'est bien malheureux, murmurèrent les fleurs, mais, si nous te donnions nos pétales, c'est nous qui resterions sans vêtements. Et, alors, que deviendraient les sentiers et les prairies sans fleurs ? Cherche ailleurs.

Déçue, découragée, la pauvre mère s'éloigna. Elle arriva au bord de la rivière et regarda ses eaux tranquilles qui passaient en babillant. Elle l'interpella en ces termes :

- Rivière parfumée de menthe et de genièvre, qui descends des fraîches montagnes, je te prie, fais-moi de ton eau une robe pour mon enfant.
- Je ne le puis, répondit la rivière, je suis pressée car je dois aller très loin. Cherche ailleurs.

La mère repartit, désolée. Tout espoir l'abandonnait et elle songeait au retour. Mais voici que, devant elle, une sauterelle gambadait joyeusement, la regardant de ses petits yeux étonnés.

- Je te prie, gaie sauterelle, dit la mère soudain consolée, de ta joie fais une robe pour mon enfant qui en a absolument besoin.
- Bé ! Qui donc se priverait de sa propre joie ? répondit la sauterelle d'une voix stridente, ce serait bien stupide. Cherche ailleurs.

Et la sauterelle s'en alla en gambadant.

Alors la mère, le coeur plein de tristesse, songea à retourner à la maison; aucune créature, dans cette nuit lumineuse, n'avait eu pitié d'elle et de son enfant. Elle jeta un regard autout d'elle pour chercher un autre sentier, car elle ne voulait pas se retrouver parmi ces êtres restés insensibles à sa requête.

Et voici qu'en passant à côté d'une masure déserte et presque en ruine elle entendit un gémissement lugubre qui venait de ces vieilles pierres noires.

- Qui est-ce qui gémit ainsi ? demanda-t-elle.
- C'est moi, le hibou, répondit la triste voix. Je suis toujours seul; personne ne m'aime parce que je suis aussi laid que ma voix; et toi, qui es-tu ?

La mère s'approcha d'une fenêtre sur le rebord de laquelle perchait le hibou; il la regardait de ses yeux mélancoliques au fond desquels brillait une lueur.

- Je suis la mère de la petite fille la plus pauvre du monde, dit-elle, et je cherche une créature assez bonne pour me donner une robe pour mon enfant qui en a si grand besoin. Mais, jusqu'à présent, tout le monde m'a repoussée. Je dois donc rentrer à la maison et me remettre à raccommoder avec une patience infinie la pauvre vieille robe.

Et la pauvre mère poussa un soupir. Il ne lui était pas venu à l'esprit de demander son aide au hibou, ce pauvre être déshérité, misérable et solitaire.

- Je n'ai rien à te donner, reprit le hibou, car je suis aussi pauvre que toi. Mais ma compassion est si grande qu'elle pourrait suffire à faire une robe pour ton enfant.

Et le hibou se mit à pleurer; ses larmes brillantes tombaient en abondance aux pieds de la pauvre mère. Et peu à peu elles se transformèrent en une sorte de resplendissant tissu de diamants. La mère le ramassa, émerveillée, émue, heureuse. Le pauvre hibou avait donné sa compassion, la seule richesse qui n'appauvrit pas celui qui s'en prive, mais qui, au contraire, l'enrichit toujours davantage, comme la source vive, qui, plus elle donne d'eau, plus elle en a ! La mère courut porter à la maison la robe merveilleuse. Et, le lendemain, il n'y avait pas une seule petite fille riche qui eût une robe aussi belle.

- Mais ce sont des diamants, ce sont des diamants ! s'exclamaient les gens qui s'attroupaient dans la rue pour admirer et pour toucher la robe merveilleuse.

Personne ne s'apercevait que c'était seulement des larmes de compassion.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Novembre 2014 à 14:35:16
(http://img4.hostingpics.net/pics/142391Larbrequichante.jpg)
L'arbre qui chante

C'était un matin de janvier. Un de ces beaux matins blancs et secs pareils à ces vieux montagnards qui ont du givre à leurs moustaches et des yeux pétillants de soleil.
Il avait neigé toute la nuit à gros flocons serrés. Puis, le jour venu, un grand souffle de vent du nord avait débarbouillé le ciel. Derrière la maison, la forêt qui commence au pied de la montagne s'était endormie dans un grand silence glacé. Entre les arbres, les ombres étaient bleues. Les sapins ployaient encore sous leur charge de neige, car le vent de l'aube n'avait soufflé que pour chasser les nuages.

Isabelle et Gérard habitaient là, tout près du bois, dans la maison de leurs grands-parents. C'était une toute petite maison aux murs gris et aux volets verts. Elle se trouvait à l'écart du village que l'on devinait à peine, ce matin-là, très loin, au bord de la rivière gelée.
On ne voyait même plus le chemin qui court entre les champs et traverse la prairie. De la fenêtre, les deux enfants essayaient de le suivre du regard. Ils le trouvèrent très facilement jusqu'au premier tournant, près du gros érable mort depuis deux ans et que le grand-père ne s'était pas encore décidé à couper, mais, plus loin, tout se confondait.
Tandis qu'ils regardaient ainsi, le nez collé à la vitre, Isabelle et Gérard virent passer un oiseau, puis un autre, puis tout un vol qui se percha sur la treille d'où tombèrent des paquets de neige.

- Ils ont froid, dit Isabelle. Il faut leur donner des graines ou du pain.
Elle prépara des graines, et Gérard ouvrit la fenêtre.
- Ferme vite, cria Grand-père, tu vas faire entrer tout l'hiver dans la cuisine

Les enfants se mirent à rire. Comme si l'hiver pouvait entrer dans une maison !
Isabelle jeta ses graines sur le sentier que Grand-père avait balayé pour aller jusqu'au bûcher chercher du bois. Grand-mère se mit à tousser et souleva les cercles de fonte de la cuisinière pour enfourner une énorme bûche dans le foyer.
Dès que la fenêtre fut refermée, deux oiseaux quittèrent la treille pour venir picorer. Les autres semblaient inquiets, mais, comme rien ne bougeait, ils s'envolèrent à leur tour tandis que d'autres tombaient du toit, tout droit, presque sans battre des ailes.

- Ils n'auront jamais assez de graines, dit Isabelle. Il en vient de plus en plus.
- Mais si, mais si ! cria Grand-mère. Si tu leur donnes tout, ce sont mes poules qui n'auront plus rien !
- Et si tu continues, tu finiras par attirer tous les oiseaux de la forêt, renchérit Grand-père.

Isabelle se résigna et revint à la fenêtre. Elle resta un long moment à côté de son frère, essuyant la vitre quand la buée l'empêchait de voir. Soudain, elle empoigna le bras de Gérard en disant :

- Regarde, sur le chemin !

Gérard leva les yeux. Là-bas, plus loin que le gros érable mort, un animal curieux avançait dans la neige. Il ressemblait beaucoup au petit lapin mécanique que le Père Noël avait apporté à Gérard quelques années plus tôt. Comme le jouet, il sautillait, vacillait de droite à gauche et s'arrêtait à chaque instant. Toujours comme le lapin, il était vêtu de poils gris et portait de longues oreilles qui se rejoignaient au sommet de son crâne.
Cette apparition était tellement surprenante que les enfants oublièrent les oiseaux. Ils restaient bouche bée, observant sans mot dire cet animal étrange dont les yeux, par moments, lançaient des éclats de lumière.

Quand le lapin, qui marchait uniquement sur ses pattes de derrière, eut atteint la haie bordant le jardin, les enfants ne virent plus que sa tête.

- On dirait qu'il vient ici, murmura Gérard.
- C'est vrai, il fait le tour du jardin.

Le lapin disparut et il y eut un long silence un peu angoissant. Les pas résonnèrent sur les marches de pierre, et les oiseaux s'envolèrent ,les enfants retenaient leur souffle, l'oreille tendue.

- Vous n'avez rien entendu ? demanda Grand-père.

Les deux petits hochèrent la tête.

- Qu'est-ce que ça peut bien être ? dit Grand-mère.

À cette heure-ci, le facteur était encore loin.

Les grands-parents n'avaient rien vu, et les enfants n'osaient répondre. Ils ne pouvaient tout de même pas dire: « C'est un lapin mécanique grand comme un homme qui arrive tout seul et bat de la semelle sur le palier ! »
Il y eut encore un frottement contre la pierre, puis on entendit frapper à la porte. Les grands-parents se regardèrent, puis regardèrent la porte. Enfin, comme on frappait plus fort, Grand-père cria :

- Entrez !

La porte s'ouvrit lentement, et ce fut tout d'abord une large bouffée de bise qui pénétra dans la cuisine. Cette fois, c'était le lapin qui apportait l'hiver dans son poil gris. Car c'était bien lui qui se tenait là, debout sur le seuil, tout surpris par la chaleur et l'odeur du feu de bois où cuisait la pâtée des vrais lapins.
Grand-mère se précipite pour fermer la porte. Et voilà que le lapin se met à parler :

- Bonjour, bonjour, dit-il. Je viens très tôt, il faut m’excuser, mais...

Les poils gris s'écartent à la hauteur du visage, de grosses lunettes paraissent, puis un nez tout rouge, puis des moustaches raides comme un balai de crin, puis un visage piqueté de barbe blanche pareille à celle de Grand-père.

- Mais c'est Vincendon ! s'exclame Grand-père. C'est Vincendon !

Et c'était vrai ! C'était bien Vincendon. Et ce fut seulement quand il eut ôté son bonnet à oreilles relevées et quitté sa pelisse dont le col montait à hauteur de ses yeux que les enfants eurent la certitude que le lapin mécanique était un homme. Ils ne l'avaient jamais vu, mais Grand-père leur avait souvent parlé de ce vieil ami.
Le père Vincendon essuyait ses lunettes, il essuyait les larmes qui coulaient de ses yeux en répétant :

- Je vous vois à peine. La chaleur après le froid me fait toujours pleurer. Et mes lunettes sont couvertes de buée.

Il n'y voyait pas, mais il pouvait parler et écouter. Bientôt, assis au coin du feu à côté de Grand-père, il se mit à raconter des histoires de sa jeunesse. Grand-père en racontait aussi. Ils parlaient en même temps, personne ne les écoutait, mais ils semblaient heureux tous les deux.
Les enfants sont déjà retournés à la fenêtre. Il n'y a plus de graines, mais quelques oiseaux s'obstinent à chercher. Une ombre passe sur la neige, un gros oiseau noir descend pour aller se poser sur l'arbre mort. Gérard se retourne.

- Grand-père, il y a un aigle sur l'arbre mort ! Viens vite ! Viens vite voir, Grand-père !

Grand-père ne bouge pas, mais Vincendon se lève et rejoint les enfants.
Ses lunettes rondes enfin propres sont sur son nez. Il dit :

- Ce n'est pas un aigle, c'est un corbeau. Et l'arbre, c'est un érable, mais il n'est pas mort.

De son fauteuil, Grand-père crie :

- Il est mort depuis deux ans. Et je l'abattrai dès que je pourrai.
- Je te dis qu'il n'est pas mort, affirme Vincendon. Les arbres ne meurent jamais...
- Ne me raconte pas des choses pareilles, dit Grand-père, l'air surpris. Je t'assure que ça fait deux printemps qu'il n'a pas bourgeonné. Je te dis qu'il est mort et bon pour le feu.

Vincendon les regarde tous, et pourtant, on dirait qu'il ne les voit pas, qu'il voit autre chose, très loin, bien plus loin que le bout de la plaine.

- Je vous répète que les arbres ne meurent jamais, dit-il... Et je vous le prouverai... Je vous le prouverai en faisant chanter votre vieil érable.

Grand-père parait incrédule. Mais il se tait. Vincendon est son ami, sans doute ne veut-il pas le contrarier.
Les enfants se regardent. Ont-ils bien entendu ?
Déjà Vincendon a regagné son fauteuil et repris le cours de ses histoires. Et il va rester là jusqu'à la tombée de la nuit, partageant avec eux le repas du midi.
Lorsqu'il s'en va, Grand-père l'accompagne jusqu' à l'érable. Ils tournent tous deux autour du gros arbre, comme s'ils jouaient à la cachette, tout petits dans le crépuscule qui éloigne tout et donne au paysage l'aspect d'une carte postale de bonne année.
Lorsque Grand-père rentre, les enfants se précipitent pour demander :

- Alors, qu'est-ce qu'il a dit ?
- Vincendon soutient que l'érable n'est pas mort. En tout cas, il m'a promis de le faire chanter.
- Mais comment, Grand-père, comment fera-t-il ?
- C'est son secret. Vous verrez plus tard. Je ne peux rien vous dire puisqu'il ne m'a rien expliqué. Il faut attendre.

Les enfants ont beau insister, Grand-père se tait.
Le temps passa. La neige se mit à fondre et les pluies de printemps lavèrent sur le flanc de la colline les dernières traces de l'hiver. Les enfants avaient oublié le père Vincendon lorsqu'un soir, en rentrant de l'école, ils s'aperçurent qu'il manquait quelque chose au paysage. C'était le gros érable. À sa place, il n'y avait qu'une large souche, quelques brindilles, des morceaux d'écorce et de la sciure qui ressemblait à un petit tas de neige oublié là par le soleil.

- C'est peut-être Grand-père qui a coupé l'arbre, dit Gérard. Il n'aurait pas dû. Monsieur Vincendon avait promis de le faire chanter.
- Tu y crois ? demanda Isabelle.
- Oui, parce que c'est monsieur Vincendon qui l'a promis.
Mais Grand-mère prétend que l'arbre mort ne peut plus chanter autrement que dans le feu.
- Il ne faut pas qu'on le brûle, dit le garçon. Viens, viens vite !

Ils se mirent à courir vers la maison. Ils posèrent en passant leurs cartables au pied de l'escalier, et ils filèrent vers le bûcher qui est une petite cabane de bois que Grand-père a construite au fond du jardin.
La porte était grande ouverte et la charrette arrêtée devant l'entrée. Les enfants coururent, coururent très vite. Lorsqu'ils arrivèrent, ils étaient rouges et essoufflés. Grand-père et Vincendon sortaient du bûcher. Un tronçon de l'érable était encore sur la charrette. Les enfants regardèrent Vincendon avec une lueur de reproche dans leurs yeux clairs, mais le vieillard sourit sous sa moustache. Il s'approcha de la charrette, et se mit à caresser le tronc de l'érable comme il eût fait avec un chien.
Les mains de Vincendon sont grosses, avec des doigts larges et épais, avec des ongles tout relevés et qui ont une drôle de forme. Quand Vincendon caresse le bois, on dirait qu'il le passe au papier de verre tant ses paumes sont râpeuses. Lorsqu'il vous serre la main on se figure toujours qu'il porte des gants de fer comme en mettaient les chevaliers du Moyen Âge.

Il caressa donc le bois et cligna de l'oeil en disant :

- Ne vous faites pas de souci, il chantera. Je vous l'ai promis, et je tiens toujours mes promesses.
- Il chantera dans le fourneau, ricana Grand-père. Exactement comme tous les arbres qui meurent. Le faire chanter comme ça, c'est facile.
Grand-père devait plaisanter ! Pourtant Vincendon fit mine de se fâcher.
- Tais-toi donc ! cria-t-il. Tu n'y connais rien. Moi, je te dis qu'il chantera mieux encore que lorsqu'il vivait les pieds dans la terre et la tête au soleil. Mieux que les jours où il était tout chargé d'oiseaux et tout habité de vent.

Les enfants écoutaient ce langage curieux. Comme ils semblaient douter de lui, Vincendon les prit chacun par un bras, et il les serra fort avec ses grosses mains dures. Il serrait très fort, presque à faire mal, mais cette force qui était en lui avait quelque chose de rassurant. Il retourna vers la charrette, et continua de palper le gros tronc couché sur les planches.
Il se penchait, tapotait du doigt, écoutait, se redressait en hochant la tête, exactement comme fait le docteur lorsqu'on est au lit avec une grosse fièvre. Mais Vincendon n'avait pas l'air inquiet. Il continua d'ausculter son arbre, répétant seulement de loin en loin :

- C'est bien... C'est très bien... Il est sain... Il chantera... Vous verrez ce que je vous dis, il chantera mieux encore que lorsqu'il avait des oiseaux plein les bras.

Le lendemain, tout avait disparu. Il ne restait plus dans le bûcher que quelques branches et un bon tas de sciure. Les enfants se mirent à chercher. Enfin, au grenier, ils finirent par retrouver l'érable. Mais cette fois, ils furent très déçus. L'arbre était méconnaissable, tout débité en grosses planches, il avait vraiment un air d'arbre mort.

- Monsieur Vincendon s'est moqué de nous, dit Isabelle. Il ne fera jamais chanter cet arbre. D'ailleurs, est-ce que quelqu'un peut faire chanter un arbre mort ? Il faudrait un sorcier. Et ce Vincendon n'est pas un sorcier.

- Qu'en sais-tu ?

Isabelle regarda son frère, l'air effrayé.

- Tu crois qu'il serait sorcier ? fit-elle.

Gérard prit à son tour un air important pour répondre :

- Ce n'est pas impossible. Je crois savoir des choses... des choses.

En fait, il se vantait pour paraître mieux informé et plus débrouillard que sœur, car il ne savait rien de plus que vous et moi sur le père Vincendon.
Mais le printemps est tout plein de vie, et les enfants oublièrent très vite le vieil arbre. Avant la montée de la sève, Grand-père était allé dans la forêt, et il avait rapporté deux petits érables qu'il avait plantés au bord du chemin, de chaque côté de la vieille souche. À présent, ces petits arbres avaient des feuilles, et c'était eux qui commençaient à chanter avec le vent, venu du fond de l'horizon en poussant dans le ciel bleu de gros nuages blancs.
Tout le printemps s'écoula, puis, un jour de juillet, Grand-père sortit la charrette du bûcher et descendit du grenier les plus grosses planches tirées de l'érable.

- À présent, dit-il, en route pour l'atelier de Vincendon.

Isabelle grimpa sur la charrette. Grand-père se mit à tirer par le timon, tandis que Gérard poussait derrière. Ils marchèrent plus d'une heure pour gagner le village. Une heure sous le gros soleil.
Vincendon habitait tout au bout du pays, une maison dont les fenêtres regardaient couler la rivière. Dès qu'il entendit les roues ferrées crisser sur le gravier de la cour, Vincendon sortit sur le pas de sa porte. Il leva les bras dans un geste comique et s'écria :

- Diantre ! Voilà des clients sérieux ! Depuis le temps que je les attendais !

Il portait une chemise claire et un tablier de toile bleue qui tombait jusque sur ses pieds. Ses manches relevées laissaient paraître ses avant-bras maigres ; ainsi, ses mains semblaient encore plus grosses.
Il aida Grand-père à transporter les planches jusqu'au fond d'une longue pièce un peu sombre où les enfants n'osèrent pas les suivre. Une odeur étrange venait jusqu'à eux, et ils demeuraient sur place, se tenant par la main.
Pourtant, Vincendon les fit entrer dans une autre pièce plus claire. Au plafond, le soleil reflété par la rivière jouait en vagues folles.

- Vous me permettrez bien de terminer ce que j'ai commencé, dit Vincendon.

Grand-père approuva, et le vieux bonhomme se remit au travail. Ses énormes mains qui semblaient si maladroites pouvaient manipuler les objets les plus menus et les plus fragiles. Vincendon expliqua qu'il polissait le rouage d'une serrure de coffret à secrets. Il faisait tout en bois, même les serrures et les charnières. Pour lui, le métal n'était qu'un serviteur du bois.

- Le bois, disait-il, c'est un matériau noble. Vivant ? toujours vivant. Le métal est bon à fabriquer les outils qui nous permettront de travailler le bois. Mais le bois... le bois...

Quand il prononçait ce mot, ses yeux n'étaient plus les mêmes.
Vincendon n'était pas un homme comme les autres : il était amoureux du bois.
Il en parlait vraiment comme d'un être vivant, comme d'une personne de sa famille, avec qui il vivait depuis des années et des années. Avec le bois, il pouvait tout réaliser. De petits coffrets incrustés d'ivoire et de marqueteries compliquées. De petites tables dont les pieds étaient si minces que les enfants retenaient leur souffle de peur de les faire tomber.
Les murs de son atelier étaient garnis d'outils posés sur les rayons ou suspendus à des râteliers. Il y avait des rabots de toutes dimensions et de toutes formes, des scies, des gouges, des ciseaux, des varlopes, des boîtes à coupes, des compas et bien d'autres instruments dont les enfants entendaient le nom pour la première fois. Et puis, il y avait des pots de colle, des bouteilles de vernis, des pains de cire et du bois partout. Du bois de toutes les essences, de toutes les formes, de toutes les couleurs.

Comme Isabelle, qui est très curieuse, se dirigeait vers une petite porte et posait déjà sa main sur la poignée, Vincendon se précipita :

- Non, non, dit-il, n'entre pas là...

C'est dans cette pièce qu'est mon secret.
Isabelle pensa au cabinet de Barbe-Bleue, mais elle se mit à rire. Il y avait longtemps qu'elle ne croyait plus à tout cela.

- C'est mon secret, reprit Vincendon. Tu le connaîtras quand tu auras entendu chanter ton arbre.

L'été passa trop vite, avec les vacances et les courses merveilleuses dans la campagne et la forêt. Les deux arbres plantés par Grand-père poussaient bien. Les oiseaux s'arrêtaient déjà. Vers la rentrée des classes, leurs feuilles commencèrent à jaunir et les grands vents d'automne les emportèrent au loin. Les deux petits érables semblaient morts, mais Gérard et Isabelle savaient qu'ils venaient seulement de s'endormir pour l'hiver. À cause des devoirs toujours difficiles et des leçons à apprendre, les deux enfants avaient oublié les gros érables et la promesse du père Vincendon.
Un jeudi matin, quelques jours avant la Noël, les enfants comprirent dès le réveil que la neige était revenue. Il y avait un grand silence tout autour de la maison, et la lumière filtrait par les fentes des volets était plus blanche que celle des autres matins. Ils se levèrent très vite malgré le froid.

- Les oiseaux, dit Isabelle. Il faut penser aux oiseaux.

Elle allait ouvrir la fenêtre pour jeter des graines lorsqu'elle aperçut, hésitant sur le sentier tout blanc, le lapin mécanique.

- Vincendon, c'est monsieur Vincendon !

C'était bien lui, vêtu de sa pelisse grise et de son bonnet à oreilles, mais il portait sous son bras un long paquet enveloppé de papier brun. Le vieil homme approchait lentement, évitant les congères et cherchant avec peine le tracé du chemin. Il passa les deux érables que l'on devinait à peine dans la grisaille, son bonnet dansa un moment au-dessus de la haie puis disparut.

- C'est lui, répétaient les enfants ! C'est bien lui !

Ils ne savaient pas ce qu'apportait Vincendon, mais leur cœur s'était mis à battre très fort. Dès que les semelles du vieil homme heurtèrent le seuil de pierre, Gérard courut ouvrir la porte.
L'air qui entra en même temps que Vincendon était tout piqueté de minuscules flocons blancs. Le feu grogna plus fort, puis ce fut le silence. Ils étaient là tous les quatre, à regarder le père Vincendon et son paquet solidement ficelé.
Vincendon posa son paquet sur la table, ôta ses lunettes, les essuya longuement, se moucha, remit ses lunettes et s'approcha du feu en frottant l'une contre l'autre ses grosses mains qui faisaient un bruit de râpe.

- Il fait meilleur ici que dehors, dit-il.

Les enfants s'impatientaient. Chacun d'un côté de la table, ils regardaient le paquet sans oser y toucher. Le vieil homme semblait prendre plaisir à prolonger leur attente. Il les observait du coin de l'œil et adressa aux grands-parents des sourires complices.
Enfin, il se retourna et dit :

- Alors, qu'est-ce que vous attendez pour l'ouvrir ? Ce n'est tout de même pas à moi de défaire le paquet.

Quatre petites mains volèrent en même temps. Les nœuds étaient nombreux et bien serrés.

- Prête-nous tes ciseaux, Grand-mère...
- Non, dit Vincendon. Il faut apprendre la patience et l'économie. Défaites les nœuds et n'abîmez rien, je veux récupérer ma ficelle et mon papier.

Il fallut patienter encore, se faire mal aux ongles, se chamailler un peu. Vincendon riait. Les grands-parents, aussi impatients que les enfants, attendaient, suivant des yeux chacun de leurs gestes.
Enfin, le papier fut enlevé, et une longue boîte de bois roux et luisant apparut. Elle était plus large d'un bout que de l'autre. Vincendon s'en approcha lentement et l'ouvrit.
À l'intérieur, dans un lit de velours vert, un violon dormait.

- Voilà, dit simplement le vieil homme. Ce n'était pas plus compliqué que ça. Les cordes, le velours et les crins de l'archet, tout se trouvait au cœur de votre arbre.
- Mon Dieu, répétait Grand-mère, qui avait joint ses mains en signe d'admiration. Mon Dieu, que c'est beau !
- Ça alors !... ça alors ! bégayait Grand-père. Je te savais très adroit, mais tout de même !

Le vieil artisan souriait. Il passa plusieurs fois sa main sur sa moustache avant de dire :

- Vous comprenez pourquoi je ne voulais pas vous laisser entrer dans mon séchoir ? Vous auriez vu des violons, des guitares, des mandolines et bien d'autres instruments. Et vous auriez tout deviné. Eh oui ! je suis luthier. Je fais des violons... Et l'érable, voyez-vous, c'est le bois qui chante le mieux.

Sa grosse main s'avança lentement pour caresser l'instrument, puis elle se retira toute tremblante.

- Alors, dit-il à Gérard. Tu ne veux pas essayer de jouer ? Tu ne veux pas faire chanter ton arbre ? Allons, tu peux le prendre, il ne te mordra pas, sois tranquille.

Le garçon sortit le violon de son lit, et le prit comme il avait vu les musiciens le faire. Il posa l'archet sur les cordes et en tira un grincement épouvantable. Grand-mère se boucha les oreilles tandis que le chat, réveillé en sursaut, disparaissait sous le buffet. Tout le monde se mit à rire.

- Eh bien ! dit Grand-père, si c'est ce que tu appelles chanter !
- Il faut qu'il apprenne, dit Vincendon en prenant l'instrument, qu'il plaça sous son menton.

Et le vieux luthier aux mains énormes se mit à jouer. Il jouait en marchant lentement dans la pièce, en direction de la fenêtre. Immobiles, les enfants regardaient et écoutaient.
C'était une musique très douce, qui semblait raconter une histoire pareille à ces vieilles légendes venues du fond des âges, comme le vent et les oiseaux qui arrivent en même temps du fond de l'horizon.

Vincendon jouait, et c'était vraiment l'âme du vieil arbre qui chantait dans son violon.

B.C
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 02 Décembre 2014 à 16:03:19
(http://img11.hostingpics.net/pics/527249mario.jpg)
La mélancolie de la marionnette oubliée.

Il était une fois un royaume très pauvre du Nord, là où les jouets dansent quand les humains dorment. Un enfant détenait en sa possession des chapeaux et des marionnettes de toutes sortes. La nuit, quand le petit garçon dormait, les objets, quant à eux, s'éveillaient et s'animaient de discussions folles.

                                                                        « Les pantins, les bonnets.
                                                      Les chapeaux et les soldats de plomb.
                                             Les voitures dans leur garage, le cheval de bois.
                                                          Tout le monde parle, sauf moi. »


                                                             
Le petit garçon qui joue avec tous ces jeux est parti se coucher. Dans le ciel, les étoiles apparaissaient. Sur le plancher trottine la souris sans bruit alors que le chat se balade la nuit.

                                                                         « Tout le monde parle, sauf moi, pensa
                                                                             La petite marionnette qui s'ennuie. »


Les heures passaient et le soleil se levait, majestueux dans le ciel coloré. Mais la marionnette restait seule sur son étagère isolée. Le petit garçon allait bientôt se réveiller et partir à l'école, laissant encore une fois ses jouets seuls dans la chambre. Comme promis, le gamin partit et les jouets s'endormirent mais toute seule sur son étagère, la petite marionnette ne parvenait pas à trouver le sommeil.

                                                                          « Et pourtant, se disait la marionnette, comme tout serait moins triste si j'avais quelqu'un à qui parler... »

Elle se demandait pourquoi le garçon ne venait pas la chercher. L'avait-il totalement... oubliée ? Perdue dans ses pensées moroses, la marionnette fixait la pointe de ses souliers, poussant de gros soupirs mais se refusant de pleurer. Soudain, la chambre s'emplit d'une étrange clarté. Un soleil tout rond apparut aux croisillons de la fenêtre.

                                                                         « Regarde petite marionnette ! Le soleil est là !
Il attend ! Regarde-le comme il brille ! »


Alors la marionnette se leva lentement et se laissa emporter par les rayons du soleil doux comme de la soie. Arrivée dans le ciel, la marionnette se mit à rire, à danser et à chanter. Elle patina dans les nuages, virevolta, dessina des ronds et des huit, aussi se lança-t-elle dans des pirouettes vertigineuses à lui en faire tourner la tête. Quand elle se sentait fatiguée, la marionnette se laissait tomber contre son nouvel ami, lui contant ses malheurs. Reprenant courage, la marionnette s'élança de nouveau dans le ciel, rebondissant de nuage en nuage alors que son rire limpide emplissait l'espace.

                                                                           « Un jour ! Cria la petite marionnette, le cœur battant. Un jour vous verrez ! Je deviendrai une vraie marionnette ! Le soleil, mon ami, me l'a dit ! »

Mais plus les heures passaient, plus le soleil disparaissait derrière l'horizon, laissant la marionnette, affolée et seule. Elle fut bien forcée de rentrer chez elle, l'air lugubre. Elle enjamba le rebord de la fenêtre mais, épuisée par ces jeux et rigolades, se laissa tomber sur le bureau. C'est cet instant que choisit le petit enfant pour entrer dans la chambre. Il s'approcha du bureau et découvrit, avec une surprise grandissant dans son esprit, sa marionnette dans un état désastreux. Il empoigna la petite main de la poupée et descendit en courant dans le salon à la rencontre de sa mère pour lui faire part de sa découverte.

Quelques jours plus tard, après un petit séjour chez un artisan de jouets, la marionnette avait changé et mûrit en beauté : son visage avait été redessiné, ses yeux, ses lèvres et ses joues avaient été repeintes, un bonnet lui avait été taillé dans un magnifique tissu, des nouveaux habits avaient été cousus, on lui avait aussi façonné des chaussons, des bottillons ainsi qu'un gros manteau afin que la marionnette n'ait pas froid.

Les vêtements de la marionnette étaient vraiment magnifiques que l'on aurait pu la confondre avec une princesse ou une ballerine. C'est pour cette raison que le petit garçon la plaça sur son appui de fenêtre. Le petit garçon ouvrit la fenêtre et donna un petit sac à la marionnette et lui dit tout en laçant ses chaussures :

                                                                         « Va, le monde t'attend. Et avec ces ballerines, tu feras le tour du monde ! Prends ce sac, il est rempli de rêves et de magnifiques histoires à raconter. Mais surtout... garde la tête et le cœur rempli de couleurs. Va, le monde t'attend ! »


Et la marionnette, imperturbablement radieuse, se mit à rire et à danser.

Fin !

Boule-de-poils.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Décembre 2014 à 11:42:13
(http://img4.hostingpics.net/pics/194876renne2014.jpg)
Le Noël de Victor, Oot et Rudolf,Le renne du père Noël.

Victor est un garçon sage et très intelligent. Chaque soir au retour de l'école il se penche sur ses devoirs. Quand tout est fini, il allume le globe posé sur son bureau et il suit du bout du doigt les frontières de tous les pays. Son doigt se pose sur chaque continent et Victor rêve de voyager loin, très loin de l'endroit où il vit. Il sait - pour l'avoir vu ou lu - qu'il existe beaucoup d'enfants dans le monde qui, comme lui, n'ont pas la chance d'avoir une famille, des frères et des sœurs et de vivre au chaud dans une maison quand la nuit d'hiver tombe.

Peut-être est-ce parce que la nuit tombe plus vite maintenant sur le Mont des Princes où il vit que chaque soir il regarde par la fenêtre vers le ciel, qu'il soit étoilé ou non.

C'est bientôt Noël et, comme chaque année, ses parents lui ont demandé de préparer sa lettre au père Noël. D'habitude Victor l'écrit très tôt car il sait toujours ce qu'il veut : sa passion ce sont les livres et les ordinateurs. Cette année pourtant Victor hésite, il a grandi et il sent qu'il désire quelque chose au fond de son cœur, il ignore quoi encore.

Pendant ce temps, au pays du grand nord et des aurores boréales un petit renne vit au milieu des siens. Ce petit renne nommé Rudolph a une chance extraordinaire : il vit chaque jour auprès du père Noël. Il ignore que beaucoup d'enfants de ce monde aimeraient avoir cette chance-là ! Chaque jour, quand il fait froid il s'ébroue dans la neige et court avec ses amis. Ce qu'il préfère le plus, c'est se mettre sous les grands sapins et de ses bois agiter leurs branches pour que la neige tombe sur lui en flocons mouillés. Sa mère lui a dit que les flocons de neige étaient des baisers donnés par toutes les mères du monde à leurs enfants, même quand elles sont éloignées. Rudolph en est persuadé. Aussi, après avoir joué dans la neige, il vient frotter son museau à celui de sa mère.

Le père Noël est très occupé, Noël approche et bientôt ce sera la grande tournée sur tous les toits du monde pour apporter la joie aux enfants. Le père Noël a de bonnes joues rondes et un bon petit ventre dodu car il aime bien le bon air du Nord et manger, surtout les gâteaux aux pommes. C'est sans doute pour ça que ses joues ressemblent à deux belles pommes mûres. Même s'il est déjà bien vieux, il se sent aussi joyeux que les enfants qui attendent Noël.

Tout près de là, Laïka la magicienne vit dans sa datcha au fond des bois. C'est toujours là qu'elle se réfugie l'hiver. Elle aime vivre avec la nature ; c'est pourquoi chaque hiver, à l'heure des grands froids, elle se réfugie dans sa maison du grand Nord. Elle aime voir la neige derrière sa fenêtre, mais elle aime aussi l'avoir dans sa maison. Sa boule magique lui a appris que les flocons de neige sont l'âme et le cœur de tous ceux que nous avons aimés et qui nous ont quittés. De nombreux amis du monde entier connaissent sa passion pour la neige et ce qu'elle représente pour elle, ils lui ont envoyé des boules de verre de tous les coins du monde – dans chaque boule transparente tombe la neige, toutes sont des boîtes à musique dont elle tourne la clef pour que retentisse, pendant les longues nuits d'hiver, une musique où un chant qui lui rappellent ces amis très chers. Même le père Noël lui a offert une boule spéciale dans lequel on le voit manger un morceau de tarte sous la neige sur l'air de « I wish you a merry Christmas ».

Au milieu de toutes ces boules de verre trône la plus grosse, posée sur une branche de sapin. Celle-là est sa boule magique qu'elle consulte chaque soir, lorsque la lune apparaît au-dessus de sa maison.

Très loin de là, au pays de France, de nombreux enfants ont préparé le sapin. Victor lui aussi a participé à la garniture de l'arbre de Noël. Ses parents sont surpris : Victor paraît très pensif, il est moins joyeux que d'habitude. Alors que Théo, Charles et Thibaut rient d'excitation à l'approche Noël, Victor parle peu – lui qui parle tout le temps pourtant.

Victor a pris sa décision depuis quelques jours, il a préparé sa lettre pour le père Noël ; il ignore si son vœu pourra se réaliser, car il est un peu particulier. Victor a regardé une émission à la télévision sur les enfants orphelins du bout du monde. Il a découvert Oot qui vit au Cambodge et est malade. Il a soigneusement noté l'adresse d'une association humanitaire qui a pris Oot en charge après sa maladie. Victor a compris, que là où il vit Oot n'a plus de parents et son Noël ne sera pas aussi joyeux que le sien, car dans le foyer où il vit peu d'enfants pourront avoir des cadeaux.

Aussi a-t-il écrit au père Noël :

- Père Noël, je ne veux pas de cadeau cette année, j'aimerais que tu fasses venir Oot près de moi pour qu'on fête Noël ensemble. Je ne sais pas si c'est possible, nous ne sommes que deux petits garçons et c'est loin sur le globe sa maison. J'espère très fort que tu pourras réaliser mon rêve.

Dans les pays du Nord, le père Noël est très fatigué car il vient de prendre une mauvaise grippe et - avec tout ce courrier à lire - il n'arrive plus à dormir. Il ignore même s'il arrivera à lire toutes les lettres des enfants avant le grand départ qui aura lieu bientôt.

Rudolph, le petit renne du père Noël, est l'ami de la magicienne et il lui rend visite chaque jour. C'est ainsi qu'un soir, alors qu'elle lui offre une tasse de chocolat aux fruits rouges, il assiste à la séance de la boule magique. Laïka a mis sa longue robe bleue qui scintille - comme les lumières du sapin de Noël. Elle a laissé son manteau de fourrure blanche dans l'entrée. Tous deux regardent au travers de la boule ; c'est ainsi qu'ils aperçoivent deux garçons dont un semble triste et malade ; tous deux vivent de chaque côté du globe terrestre. Laïka, par la magie, arrive à lire au travers de la boule les mots de Victor dans sa lettre au père Noël : il désire fêter Noël avec le petit garçon du bout du monde.

- C'est impossible dit-elle à Rudolf le petit renne, le pauvre père Noël est très malade, il ne pourra jamais réaliser le vœu de Victor ; et pourtant, c'est un très beau vœu venu du cœur.
C'est bientôt la nuit de Noël où chacun doit s'aimer et espérer. Que pouvons-nous faire ?

Rudolf louche vers le bout de son nez : lorsqu'il réfléchit, son petit nez devient tout rouge et brille comme celui d'un clown. Ses amis rennes se moquent de lui gentiment - il faut dire que Rudolf a un très grand cœur. Laïka et Rudolf restent pensifs à regarder le feu dans la cheminée, les flammes s'agitent – comme si elles avaient envie de parler.

Machinalement Laïka a pris une boule transparente des pays du nord dans laquelle vole un traîneau. Elle la retourne, la neige tombe dans la boule de verre et recouvre le traîneau, tandis que retentit la chanson de Rudolf le petit renne au nez rouge.

Soudain, son visage s'illumine, elle repousse ses longs cheveux et, prenant Rudolf par le cou, elle lui dit en riant :

- « je vais voler le renne du père Noël ».
- « Tu vas quoi ? » Rudolf est tellement étonné de ces paroles que son nez rougit plus fort encore.
- « Je vais voler le traîneau du père Noël et son renne, c'est-à-dire toi ! Ensemble, nous irons chercher Oot et nous le ramènerons au Père Noël et à Victor. »
- « Mais, que va dire le Père Noël, il va être très fâché. » Victor ne se sent pas très rassuré à l'idée de la colère du Père Noël, en découvrant la perte de son traîneau et de son renne.
- « Nous lui laisserons un message grâce à la boule magique. Dépêche-toi, il est temps de partir, nous avons beaucoup de chemin par la voie des airs pour atteindre le Cambodge, et le traîneau du Père Noël n'a rien d'un boeing ! »

Ainsi fut fait et dans la nuit hivernale des forêts du Grand Nord, les habitants virent un traîneau passer dans le ciel, tiré par un renne. Pendant ce temps-là, le bonhomme Noël lisait la lettre de cet étrange petit Victor qui lui écrivait du Mont des Princes, au pays de France qu'il ne voulait pas de cadeau, mais un ami du bout du monde.

- « Mais comment vais-je pouvoir réaliser ce vœu ? » Le pauvre et vieux bonhomme Noël était prêt à s'arracher les cheveux pour réaliser le plus beau Noël qui puisse exister pour deux enfants : un Noël d'amour et d'amitié.

Au matin le bonhomme Noël s'est réveillé, se demandant s'il n'avait pas rêvé la lettre de ce petit garçon. Non elle était bien là, posée sur la table près de la bougie éteinte. Le Père Noël mit son chapeau, sa grosse écharpe et sortit dans la neige pour donner à manger à ses rennes ; ils auraient beaucoup à faire pour distribuer les cadeaux aux enfants du monde entier.

En arrivant à l'enclos, quelle ne fut pas sa stupéfaction : on avait volé le traîneau et le renne Rudolf, son favori ! Le pauvre bonhomme Noël, tout affolé, courait partout avec beaucoup de peine - vu son poids et la neige très épaisse qui entrait dans ses bottes.

Il partit en direction de la datcha de son amie la magicienne, en espérant qu'elle pourrait l'aider à retrouver le coupable. Quelle catastrophe si le père Noël ne pouvait apporter les cadeaux aux enfants sages ! Et qu'allait-il pouvoir faire pour ces deux petits garçons du bout du monde ?

En arrivant à la cabane, il la trouva déserte. Le feu était éteint, les boules transparentes posées sur le rebord de la fenêtre brillaient dans la lumière du matin. Le pauvre père Noël se laissa choir dans le fauteuil de Laïka. Il savait qu'il aurait du mal à se relever, tellement il était profond ! Il était triste le bonhomme Noël, tout le monde semblait l'avoir abandonné.

C'est alors que retentit une étrange musique dans la datcha de Laïka : des milliers de petites cloches résonnaient. La boule magique, posée sur la table, se mit à briller. S'extirpant avec beaucoup de mal du fauteuil, le Père Noël s'approcha. Ce qu'il découvrit dans la boule le laissa sans voix : Rudolf le petit renne tirait le traîneau dans lequel Laïka se tenait debout, cheveux au vent. Il entendit la voix de la magicienne, doucement elle lui disait : « repose-toi Père Noël, nous ramenons Oot le petit garçon et le traîneau ».

Le matin de Noël, alors que tous les enfants ouvraient leurs cadeaux, Victor découvrit sous le sapin le petit garçon du bout du monde que le père Noël avait déposé, il dormait. Oot tenait dans sa main la photo d'un petit renne heureux et courageux qui se nommait Rudolf. Ce petit renne avait traversé le globe avec courage pour ramener à temps Oot à Victor.

On dit depuis ce jour là que ce fut le plus beau Noël de Victor et Oot. Depuis Oot a recouvré la santé et les deux garçons sont devenus de grands amis. Il leur arrive souvent d'évoquer l'étrange histoire que je viens de vous raconter avec les sœurs de Victor : Salomé, Isaur et Romane.  
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Décembre 2014 à 13:34:59
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L'ours de Maëlle

Dans l'atelier du Père Noël, trois lutins travaillent sans relâche :

Basile, le lutinours, s'occupe des animaux en peluche.
Boris, le lutibroum, fabrique les jouets qui roulent et qui volent.
Barnabé, le lutidée, invente les nouveaux jeux.

Dès que le Père Noël reçoit une lettre, il s'adresse à l'un de ses lutins pour trouver le cadeau souhaité.
Et justement, aujourd'hui, le Père Noël est un peu embarrassé.
Voyons ça, la petite Maëlle m'écrit :

Chère Père Noël,
Je voudrais un ours, s'il te plait, un ours tout doux qui connaît plein d'histoires et qui les raconte, quand on a peur dans le noir. Et puis surtout, un ours qui sait écouter et garder les secrets !
Maëlle

Le Père Noël se rend chez Basile, le lutinours. Le chapeau pointu du lutin dépasse à peine d'une montagne de peluches.
Voyons, Basile, un ours tout doux, est-ce que nous avons ça ?
Certainement, Père Noël, nos ours sont des spécialistes du câlin !
Très bien, mais Maëlle aimerait un ours qui parle et raconte des histoires ...
Basile approuve de la tête :
C'est une très bonne idée, j'y penserai pour l'année prochaine ! Mais je suis désolé, ceux-là ne parlent pas.

Le Père Noël va trouver Boris, le lutibroum. Cette année, il a fabriqué toutes sortes de robots bavards.
Il vous faut un ours qui raconte des histoires ?
Tout de suite, Père Noël !
Et il apporte un ours-robot en métal. Le Père Noël appuie sur la télécommande et une drôle de voix dit :IL ETAIT ... UNE ... FOIS ... FOIS... FOIS ... FOIS ... FOIS ... FOIS ...


Boris secoue le robot : Attendez, Père Noël, je crois que le mécanisme est bloqué !
Le Père Noël est bien embêté :
Maëlle m'a demandé un ours tout doux qui raconte des histoires quand on a peur dans le noir. Cette machine-là ne rassurera jamais personne !

Le Père Noël n'a plus le choix.
Il ne reste que Barnabé, le lutidée, pour l'aider.
Sais-tu, Barnabé, où je pourrais trouver un ours qui raconte des histoires et qui sait garder les secrets ?
Barnabé n'est jamais en panne d'idées.
Oui, certainement, Père Noël. Sur la banquise, non loin d'ici, vit un vieil ours blanc, Il doit connaître bien des histoires et il est si solitaire qu'il ne racontera rien à personne !
Le Père Noël hausse les épaules.
Tu n'y penses pas, Barnabé ! Un ours polaire n'est pas un jouet !

Finalement, le Père Noël commence sa tournée sans avoir trouvé le cadeau de Maëlle.
Sur son traîneau, il traverse le ciel où la Grande Ourse, la maman des étoiles, brille doucement.
Le Père Noël murmure dans sa barbe :

Grande Ourse du ciel, toi qui vois tout de là-haut, aide-moi à trouver un ours pour Maëlle.

Juste à ce moment-là, une étoile filante s'envole et va se poser quelque part sur la Terre.
Intrigué, le Père Noël la suit.

QUELLE SURPRISE !

Ça alors « Une poubelle ! Une poubelle qui déborde de jouets cassés !
Et tout au-dessus, un vieil ours tout doux regarde le Père Noël d'un air triste.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Décembre 2014 à 10:29:55
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Le Père Noël a perdu son costume

Il avait neigé sur Terre, toute la journée du 24 décembre. Aussi, quand arriva le soir, un manteau blanc recouvrait le sol.
En haut, le Père Noël qui était un peu frileux, regardait tout cela d'un air songeur. Il savait par expérience que la nuit allait être froide.
Il ne se trompait pas. Une bise glaciale se leva, gelant la neige et formant des cristaux étincelants sur le paysage blanc.
- Allons donc, se dit le bon vieux, c'est le moment de rajouter une doublure de laine à mon costume et de me préparer pour la tournée.

Il était 22 heures et les lutins chargeaient tous les jouets et les cadeaux dans l'immense traîneau. Dehors, les rennes se nourrissaient avant le départ de minuit. La maison du Père Noël était sens dessus-dessous. D'ailleurs plus la date de la grande nuit magique avait approché, plus le désordre avait augmenté. Il y avait des jouets partout. Il faut dire que Père Noël craignait tellement d'en manquer qu'il préférait prendre ses précautions et en avoir trop que pas assez.
On en trouvait jusque dans la penderie ! Pas facile dans ces conditions d'accéder aux vêtements. Père Noël écarta du pied quelques paquets, histoire d'y voir plus clair pour prendre son beau costume rouge, mais ce ne fut pas suffisant. Alors Père Noël retroussa ses manches et fit place nette en sortant tous les jouets qui encombrait l'armoire.

Peine perdue, pas de costume rouge en vue !
- Tiens donc ! Pourtant il me semblait l'avoir posé ici après ma tournée de l'an dernier... C'est ma mémoire qui doit me jouer des tours.
Il referma la penderie après avoir éloigné un paquet de friandises multicolores qui gênait encore, et partit chercher le costume rouge dans l'atelier de jouets.
Le bric à brac qui régnait dans cette pièce était impressionnant malgré le rangement qu'avaient commencé les lutins. On ne pouvait y marcher qu'en enjambant à droite et à gauche... Père Noël enjamba donc, déplaça, redressa et réussit à atteindre le placard qui servait de fourre-tout.
- Je serais étonné qu'il soit là-dedans, mais sait-on jamais...
Il n'y était pas.
Ca devenait gênant cette histoire, parce qu'à force, il était dix heures et quart !
Peut-être qu'en remplaçant le costume par un survêtement... Non ! Avait-on déjà vu un Père Noël en survêtement ? Si encore il avait été rouge, mais même pas, il était d'un bleu tout ce qu'il y avait de plus bleu !

Une demi-heure de plus passa ainsi en recherches qui ne donnèrent rien. Impossible de trouver le précieux costume rouge !Alors le vieux bonhomme s'énerva. Tout ce qu'il avait réussi à trouver c'était son écharpe, une écharpe bien jolie d'ailleurs, toute douce pour passer sous sa barbe blanche... mais enfin, une écharpe ne fait pas un habit !
Quand onze heures sonnèrent à la pendule, le Père Noël se décida à appeler ses rennes. Peut-être auraient-ils une bonne idée... ça leur arrivait parfois.
- Si je ne retrouve pas ce costume, c'est une catastrophe planétaire qui nous attend !

Tout d'abord les rennes crûrent à une plaisanterie, mais en voyant la tête du Père Noël, ils comprirent que l'affaire était grave. Ils étaient prêts pour le grand départ, harnachés de pied en cap, les sabots bien lustrés, les grelots au cou bien étincelants, une chaude couverture sur le dos.
- Et c'est maintenant que tu nous le dis !
- Je le dis... je le dis quand je peux ! Il fallait bien que je prenne le temps de chercher !
- Mais tu as vu l'heure ! Dans trois-quarts d'heure il faut partir !
- Comme si je ne le savais pas ! Donnez-moi plutôt une idée au lieu de dire des choses qui n'avancent à rien !
- Ben, comme ça, on n'en a pas !
- Comment ça vous n'avez pas d'idée ! Comment ça ! Depuis le temps qu'on travaille ensemble pour les Grandes Nuits de Noël, c'est la première fois que je vous demande de l'aide et tout ce que je m'entends dire c'est "débrouille-toi" !
- On n'a pas dit ça.
- Mais si ! Mais si !
Le Père Noël venait de se mettre en colère tout d'un coup. Le sang lui était monté au visage et il s'essoufflait à marcher vite dans tous les sens.
- Je vous félicite ! Vraiment je vous félicite ! criait-il. Il y a des centaines de rennes qui voudraient être à votre place pour avoir l'honneur de tirer mon traîneau, et vous , vous êtes là à vous gratter la tête sans qu'aucune idée n'en sorte ! Bravo !
- C'est quand même pas de notre faute, gémit un renne accablé par la tournure que prenait l'événement. Si tu rangeais mieux tes affaires...
- La question n'est pas là, elle est qu'il faut trouver une solution et non une raison au problème !

Pendant ce temps, les aiguilles de la pendule tournaient. Il était à présent onze heure et quart. Un renne s'avança.
- J'ai peut-être le temps de faire un aller et retour en bas pour louer un costume de Père Noël, comme ils en font pour ceux qui veulent se déguiser.
- Comment ça ! dit le vieux bonhomme choqué. Il y en a qui osent porter un habit comme le mien ?
- C'est-à-dire que...
- Quoi, c'est-à-dire ?
Les rennes baissèrent le nez. Apparemment, le Père Noël n'était pas au courant du sacrilège.
- Trouvez-moi une idée plus intelligente ! dit-il

Subitement un renne se rappela d'une lettre envoyée il y a deux ans par une petite fille. Elle disait :
" Je t'aime tellement fort Papa Noël, que j'ai pensé à te faire un joli costume pour le cas où tu abîmerais le tien pendant ta distribution de joujoux. Il est tout rouge avec des parements blancs comme celui que tu as. J'ai fait aussi un bonnet avec un gros pompon et je t'ai tricoté des gants en laine bien chaude pour que tes mains ne gèlent pas. Tu pourras le prendre quand tu passeras chez moi, il t'attendra tous les ans à côté de la cheminée avec deux grandes bottes fourrées que j'ai prises à mon grand-père et que j'ai repeintes en rouge pour être assorties.. Elles étaient noires tu comprends.. Je t'embrasse très très fort."
- Et où habite cette adorable petite fille ? demanda le Père Noël
Il avait l'habitude de garder dans une gigantesque armoire toutes les lettres qu'il recevait. Elles y étaient classées par commande. Il suffisait donc de savoir ce qu'avait commandé cette petite fille. Hélas, personne ne s'en souvenait.
- C'est forcément un truc de fille, dit un renne.
- Ah oui ? Ca c'est une remarque puissante ! dit le Père Noël agacé. Des trucs de filles, il y en a cent mille au moins !

Il jeta un coup d'œil à la pendule. Elle indiquait onze heures 25. Il ne restait plus que vingt minutes avant le départ.
C'est alors qu'une petite voix retentit.
- Je peux vous aider.
Toutes les têtes se tournèrent vers un lutin qui s'était avancé. C'était le plus petit de tous, le plus rapide, le plus silencieux aussi. C'est à peine si on faisait attention à lui tant il était discret.
- Comment t'appelles-tu ? demanda le Père Noël
- Gerdinn.
- Et bien Gerdinn, nous t'écoutons.
Le petit lutin se redressa.
- J'ai remarqué que dans les commandes, on demandait de plus en plus d'ordinateurs. Alors un jour, parmi ceux que tu préparais, j'en ai mis un de côté... Oh! pas pour moi... je n'aurais pas osé, mais pour t'aider dans ton travail. C'était il y a trois ans. Et j'y ai compilé toutes les commandes que tu classes dans l'armoire.
Etonnés, le Père Noël et les rennes se regardèrent sans comprendre.
- Ca fait que je peux retrouver l'adresse de la petite fille, conclut le lutin. En demandant une recherche sur les mots "costume rouge" et "parements blancs" on arrivera sur la commande de la petite fille, et donc sur son adresse.

Là, le Père Noël resta sans voix.
- Ne bougez pas, dit le lutin, j'en ai pour quelques secondes.
Oh ! Personne ne risquait de bouger, paralysés comme ils l'étaient par la stupeur.
Deux minutes après, le lutin revenait avec l'adresse. Et comme tout le monde était resté dans la position de stupeur, il frappa dans ses mains en criant :
- Allez ! Allez ! Il est déjà minuit moins vingt !

C'est quand même le Père Noël qui reprit le premier ses esprits. Il attela ses rennes à un ancien traîneau qui, bien que vieux, avait au moins l'avantage d'être vide et donc rapide. Ainsi réussit-il à revenir de chez la petite fille à minuit moins dix avec le précieux costume.
Pendant qu'il s'habillait, les rennes s'attelèrent vite au traîneau chargé de jouets. Les lutins redressèrent quelques paquets mal rangés, la hotte fut posée dessus.
Quand Père Noël revint au traîneau, tout le monde éclata de rire.
- Et qu'est-ce que j'ai de si drôle ?
Il avait que si le costume était bien rouge, le bonnet avait bien le pompon, les parements étaient bien blancs, en revanche la coupe était de travers et la taille deux fois trop petite! Si bien que le pauvre Père Noël avait son gros ventre comprimé et les bras qui dépassaient des manches du costume. Par contre, le bonnet était si grand qu'on ne lui voyait plus les yeux.
- Et alors ? Quelqu'un a mieux à me proposer ?
Après quelques instants de silence prudent, un renne demanda timidement :
- Et les bottes ? Tu les mets pas ?
- Je les ai oubliées, voilà !

Ce fut la consternation. Tout le monde savait que le Père Noël était particulièrement frileux des pieds, et qu'il n'endurerait pas de rester en chaussettes toute la nuit.
- Mais non je ne vais pas rester en chaussettes ! répondit-il. Simplement la tournée commencera par la petite fille chez qui j'ai oublié les bottes, voilà tout ! Alors, qu'est-ce que vous attendez !
Un claquement de langue, un vigoureux "hop-hop-hop !" et l'équipage démarra dans la nuit scintillante. En bas, minuit commençait de sonner.
Arrivé chez la petite fille, le Père Noël déposa d'abord les jouets qu'elle avait commandés, puis il prit les bottes rouges qui attendaient près de la cheminée, juste à côté des petits chaussons. Il les prit en souriant et déposa à la place un gros bisou que la fillette trouvera tout chaud en se réveillant le matin. Il y rajouta un petit cadeau supplémentaire.
Dehors les cloches finissaient de sonner les douze coups de minuit. Noël illuminait le monde.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: mathurine le 24 Décembre 2014 à 10:43:35
Simons est un poète - dessinateur - comédien du Nord (1901-1979). Ses poèmes et sketches en "ch'ti'' sont de petites merveilles d'humour et de chaleur humaine.



http://www.toudissimons.org/ (http://www.toudissimons.org/)

SI QU' J'AVOS ETE LA

Si qu'j'avos été là, à l'premièr'nuit d'Noël,
Au lieu d'fair' comme ches gins qui claquèr'tent leu'porte
A ch'ménach'd'ouverriers - Pasc'que cha ch'est réel
Ch'étot des ouverriers - Et pis mêm'peu importe,
On choul'pas eun' pauf' femm'sur l'point d'deve'nir maman.

Si qu'j'avos été là, j'aros dit à Marie :
"Faut pas rester déhors par un si mauvais temps.
Rintrez vit'dins m'mason. Ch'est pas eune hotell'rie;
Mais vous s'rez sûr'mint mieux qu'dins ches tapis d'malheur
Qui ne r'chottent cheull'nuit qu'des graineux et des rinses
Et n'veul'tent pas ouvrir à des pauf's voyageurs.

Rintrez donc, M'sieur Joseph : ichi, c'est une bonne ceinse.
N'ressuyez pas vos pieds, j'passe'rai loque après vous.
Approchez-vous du fu; j'vas y r'mettre eun'gaillette.
Mettez-vous dins ch'fauteuil, Maritche; ch'est l'pus doux.
Donnez-me vos capuch's.... Mettez-vous à l'coyette.
Vos sorlets sont tout fréqu's; v'là des cauchons bien cauds,
L'cat i'-étot couché d'ssus.
A ch't heur' qu' vous êt's bénaches,
J'vas rintrer vo baudet dins min cothc à pourcheaux,
Et li donner quéqu's eunes d'mes pus biell's bett'raches.
Après, du réveillon, j'vas m'occuper du m'nu.
Che s'ra, j'vous l'dis tout de suite, un r'pas à l'bonn'franquette;
Mais sochez rassurés, che s'ra qua-même du ch'nu
Avant tout, pou' c'mincher, eun' petit' chuch'-mourette.
Après cha, tout boulant, eun' jatte d'lait battu
Avé des ronds d'punn's-poir's et gramint d'castonate....
Cha vous r'mettrot d'aplomb l'bonhomme l'pus réhu.
Là d'ssus, j'peux vous servir un restant d'carbonate
Qu'j'ai fait dins de l'viell' bièr'... Mais, j'ai mieux qu'cha, mes gins :
Un ragoût d'par-ichi devant l'quel on bafille :
Ch'est un lapin avec des pronne'et des rojins!
Après cha, du fromach', j'ai un carré d'vieux Lille....
Pis, j'vous f'rai des couqu's-baqu's, tout guilantes d'bon miel,
Eun' goutte d'fraich' café, et eun' petit'rincette....
V'lo-t-y pas eun' vrai' tap' de réveillon d' Noël?"

Et j'les aurons laichés, benoit'mint, tiète à tiète,
Au coin du feu, contints, dijant comm'dins un réf :
"On est queue dins l'mason d'un garchon bin honnête.
T'es bien, m'petit' Marie? - Ouais, j'suis fin bien, Joseph.
L'souv'nance d'cheull' biell' nuit, che s'ra un jour de fiète".

Et p't êt' bien qu' de ch'jour-là, ch'arot été la mote
D'inviter un pus pauf' à s' tap' de réveillon;
Pasc'que mêm' pour les pauf's, i' n'a toudis un aute
Incor pus miséreux.

Ch'tot eun'bielle occasion
D'donner un peu d'plaisi, et d'un r'chevoir gramint.
C'est pas à ch'ti qui r'chot, mais bin à ch'ti qui donne
Que va toudis l'gross part du meilleur contint'mint.
Che s'rot dev'nu la mot' si c'soir-là eun' personne
Avot amiteus'mint r'chu Joseph et Marie,
Pour que l'petit Jésus nous arrife ichi-bas
Dins un biau lit tout blanc au lieu qu'dins un' pourchie.
Ch'est ch'que j'aros fait, mi, si qu'j'avos été là.

(Recueilli dans Lille aux Lillois, 1992 - association Toudis Simons)


(Bon, je sais, je vous le ressors presque tous les ans à Noël)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Décembre 2014 à 11:28:24
(http://img4.hostingpics.net/pics/225231mange4.jpg)
LE PETIT CHEVAL DE BOIS

Il faisait très froid cet hiver-là. Sur la place du village, le manège, déserté par les enfants à la tombée de la nuit était immobile. Recouvert par une bâche vert foncé, on ne distinguait de lui qu'une masse sombre.
Le maître du manège était parti se réchauffer dans sa roulotte. Il mangeait sa soupe en solitaire en regardant d'un œil morne une télévision grésillante. On n'entendait que l'aboiement rageur et éloigné des chiens dans les cours de fermes, et le roulement feutré de quelques voitures là-bas, sur la Nationale.
Pourtant, sur la place, tout n'était pas silencieux ; on aurait pu, en s'approchant du manège, entendre des chuchotements. La neige tombait maintenant depuis près d'une heure, silencieuse et douce et en avançant sans faire de bruit on aurait pu  comprendre le sens de ces chuchotis mystérieux, juste en soulevant un coin de la toile qui recouvrait le manège.
Par cette ouverture, on aurait vu, en les distinguant avec peine tant la nuit était sombre sous la bâche, des ombres bizarres et hétéroclites, immobiles, mais qui  ô surprise parlaient à voix très basse.
Il faut vous dire que ce manège était très vieux, et enchanté. On n'y trouvait pas de ces fusées inquiétantes, de ces  voitures de pompiers rutilantes. Pas de bicyclette, ni de voiture de sport. Non, c'était un très vieux manège pour les tout petits et il n'y avait là que trois chevaux de bois, un cochon, un éléphant, un dromadaire et deux canards.                                           
Tout ce petit monde était dans un état pitoyable. La peinture s'écaillait et laissait voir le bois terni et crevassé. Les ors et les courroies de cuir verdissaient et malgré leur fière attitude, ils avaient un air misérable.
Le cochon avait perdu son air malicieux et de rose était devenu grisâtre ; les canards, sûrement d'un beau jaune à l'origine avaient déteint. Le dromadaire perdait ses longs cils et sa belle selle, rouge passée, perdait sournoisement ses crins. Le pauvre éléphant était passé du gris souris au blanc crasseux et les chevaux pommelés, noir et bai, éraflés, affichaient un air désespéré.
Tous parlaient à voix basse car la roulotte n'était pas loin et le vieux avait l'oreille fine.
- Ce n'est plus une vie », disaient les canards.  Les enfants ne nous trouvent plus assez beaux, ils ne veulent plus monter sur notre dos.
- Et moi » rétorquait le dromadaire, j'ai un air tellement crétin qu'ils rient de moi.
-  Plaignez-vous geignait le cochon, je leur fais pitié tant j'ai l'air malade. Et c'est bien connu, les gens préfèrent les cochons en bonne santé.
L'éléphant, qui était en réalité un éléphanteau, et très timide, ne dit rien. Mais il poussa un soupir qui en disait long.
Les trois chevaux, eux parlaient tous à la fois d'une voix fiévreuse.
- Et nous, qui étions si beaux, l'orgueil de notre maître, avec notre selle à pompons, notre crinière fournie et nos éperons brillants comme des soleils ! Les enfants se disputaient pour nous chevaucher, nous ne faisions jamais un tour à vide. Maintenant les petits nous critiquent, nous trouvent minables.
-  J'en ai même entendu un hier, dit un des chevaux indigné, me traiter de vieux canasson ! .
Un silence consterné régna dans le manège  .
- Cela ne peut plus durer  dit le dromadaire.
- Oui, dirent les canards avec ensemble, il faut faire quelque chose.
Le cochon les regarda d'un air goguenard.  Agir, et comment ? Vous n'êtes que de pauvres cervelles de bois. Nous sommes vissés au plancher. Nous n'avons fait que tourner en rond toute notre existence, nous ne saurions rien faire d'autre. Il faut nous résigner.
- Notre maître est vieux, je sais qu'il est fatigué de vivre sur les routes par tous les temps. Il n'est pas assez riche pour nous réparer et nous repeindre. Il ne peut pas lutter avec les beaux manèges modernes, il veut vendre pour aller habiter chez sa fille. On ne peut rien contre le destin, notre temps est révolu !
Tous se turent, car le cochon était réputé pour son sérieux. Il avait raison, sans aucun doute et le silence ne fut plus troublé que par de gros soupirs.
Or parmi les chevaux, il s'en trouvait un, le noir, le moins abîmé peut être, qui ne voulut pas se résigner. Il ne dit rien à personne et mûrit un plan pendant la nuit.
Il avait remarqué à plusieurs reprises une jolie petite fille blonde. Elle le choisissait toujours et lui caressait doucement l'encolure ; dans ces moments-là, le petit cheval de bois, bercé  par la musique avait ressenti une joie et une émotion qui lui étaient chères et il aimait bien cette petite fille.
Il décida de s'en faire une alliée. Le lendemain après-midi, la petite fille toute emmitouflée de rouge arriva et le choisit comme à l'accoutumée. Dès qu'elle fut grimpée sur sa selle il murmura.
- Veux-tu m'aider ? »
Florence, c'était son nom, regarda autour d'elle. Le manège était vide, à l'exception de deux bambins cramponnés au cou des deux canards et qui, n'en menant pas large étaient muets. Elle regarda derrière elle, personne.
Et le cheval reprit –
-  C'est moi, le cheval de bois. Si tu m'aides, réponds simplement oui ou non, je t'expliquerai ».
Bien sûr, vous vous imaginez la stupéfaction de Florence. Elle ne savait pas qu'un cheval de bois pouvait parler. Il devait être magique. Ne voulant pas paraître stupide, elle se pencha et lui dit à l'oreille.
-T'aider, oui, mais comment ?
-  Viens ce soir à la nuit tombée, je t'expliquerai tout ». Il se tut car il ne voulait pas être repéré.
Florence rentra chez elle et resta pensive jusqu'au soir. Elle se demandait surtout comment aller sur la place la nuit. Elle était peureuse. Alors elle demanda à son grand frère de l'accompagner. Il avait douze ans et ne crut pas à son histoire, mais il l'aimait beaucoup et accepta de venir avec elle.
La nuit venue, ils se glissèrent hors de la maison, les parents occupés devant la télévision et arrivèrent un peu tremblant devant le manège. Ils se glissèrent sous la bâche alourdie par la neige et Florence repéra bien vite le petit cheval de bois qui chuchotait «  hep, hep » de son coin. Le frère de Florence ouvrit des yeux comme des soucoupes, et ils se blottirent à ses côtés.
Il raconta alors l'histoire du manège et sa fin probable et les enfants compatirent.
-  Vous comprenez, je ne veux pas finir au feu ou dans une décharge publique. Je suis jeune et je veux connaître le monde.
-  Mais comment feras-tu répliquèrent les enfants, Tu n'as jamais bougé d'ici, tu ne sauras pas te débrouiller.
Ils pensèrent aussi sans lui dire qu'étant en bois il ne pourrait pas marcher. Cependant, il parlait, donc c'était un cheval de bois magique, tout était possible.  Crânement il répondit.
Ne vous en faites pas, je suis très malin, je m'en sortirai.
-  Que faut –il faire, chuchota Florence ?
- Vous devez me dévisser du plancher. Vous trouverez une clé à molette dans la boîte grise au milieu du manège et ensuite, comme je suis un peu rouillé, il faudra m'aider à descendre, j'ai peur de me casser en morceaux si je tombe »
Ce ne fut pas une mince affaire de dévisser les boulons qui retenaient le petit cheval prisonnier au plancher. Le grand frère tira la langue, transpira beaucoup. Florence le regardait avec des yeux anxieux. Mais enfin il y arriva et le petit cheval fut délivré.
On proposa aux autres animaux de les dévisser mais tous refusèrent avec effroi.
Ils préféraient attendre et subir leur sort que se lancer dans l'inconnu. Néanmoins, ils souhaitèrent bonne chance au cheval de bois. Après bien des glissades, car il était très maladroit, il arriva sur le sol, et après quelques pas hésitants il réussit à marcher à peu près comme un vrai cheval.
Tournant vers les petits ses grands yeux mélancoliques il les remercia d'une voix émue. Ils l'embrassèrent et le regardèrent s'éloigner à pas prudents sur la place, en direction de la forêt toute proche.
Passant près de la roulotte de son vieux maître, il eut envie de s'arrêter, mais pensa que ce n'était pas une vie de tourner toute sa vie au son des mêmes rengaines. Non, décidément, il fallait partir.
Les enfants le suivirent des yeux tant qu'ils purent l'apercevoir, et rentrèrent chez eux, heureux de leur bonne action mais inquiets du sort qui attendait le petit cheval de bois.
Le lendemain, le vieux patron du manège, après avoir poussé les hauts cris et crié«  au voleur »  profita de l'événement pour vendre son manège à un antiquaire. Les animaux échouèrent dans une remise poussiéreuse où on les oublia.
Le petit cheval avait marché toute la nuit, se guidant comme il pouvait sur les étoiles. Il voulait aller vers le sud où il faisait moins froid et où la vie serait moins dure. Il avait un peu mal aux jointures et il craquait de partout. Le vieux bois de son corps protestait contre un exercice inaccoutumé !
Peu à peu ses pattes se dérouillèrent et il reprit confiance.
Bien sûr il ne souffrait pas vraiment du froid et de la faim mais il ressentait cruellement la solitude. Il avait passé toute sa vie avec ses compagnons du manège et n'avait jamais été tout seul ;  il pensa à eux avec un peu de regret mais en les imaginant vissés à leur plancher, il accéléra le pas.
La forêt était pleine de merveilles, les arbres bienveillants. La neige était douce à ses sabots, le silence apaisant. Au matin, il arriva  devant une rivière. Il ne savait pas nager et avait peur de sauter. Il ignorait qu'étant en bois il flotterait, alors tout désemparé il s'assit sur son derrière et essaya de réfléchir.
Mais il ne trouvait pas de solution, et il se sentit si seul et si abandonné qu'il eut envie de pleurer. Son petit cœur lui aussi était en bois et il ne put verser une seule larme. Son chagrin devint alors très lourd à porter.
C'est alors qu'il entendit une frêle voix cassée.
- Que fais- tu ici ? Tu es étranger dans la forêt, d'où viens-tu , je ne te connais pas.
Se retournant, il vit une vieille femme toute courbée sous un amas de branches mortes, vêtue de méchants habits troués. Son nez crochu, son menton pointu et un petit chignon rabougri au sommet du crâne lui donnait un air méchant. Mais les yeux perçants et clairs étaient bienveillants. Aussi le petit cheval mis en confiance lui raconta son histoire après s'être levé poliment.
Après avoir écouté attentivement, elle réfléchit quelques instants et lui dit.
-  Si tu veux travailler pour moi, je te logerai, tu auras de la compagnie et ainsi tu passeras l'hiver sans problème. Mais je suis dure à la peine et n'aime guère les paresseux. Il te faudra travailler dur .
Le petit cheval, craignant par-dessus tout de se retrouver seul promit tout ce qu'on voulut. Elle chargea sur son encolure les fagots de branchage et ils partirent, elle trottinant à ses côtés, toute bleue de froid. Dans sa pauvre cabane, elle lui trouva une place avec de l'herbe sèche pour dormir et lui recommanda de bien se reposer car la journée de lendemain serait rude.
Ainsi passa l'hiver. Le petit cheval de bois n'était pas malheureux. La vie n'était pas très amusante avec la vieille. Elle ne parlait que pour lui donner des ordres, mais ne le brusquait jamais.
l faisait de son mieux pour la contenter, portait le bois, tirait l'eau du puits, traînait la  charrette et soufflait même sur elle pour la réchauffer.
l s'était fait des amis parmi les animaux de la forêt. Il cassait la glace avec ses sabots pour que les oiseaux puissent boire, racontait son histoire pour distraire tous ceux qui s'ennuyaient pendant ce long hiver. Tous l'aimaient, mais le plaignaient en secret.
Un soir, la vieille femme le trouvant bien silencieux lui dit.
- Je sais ce qui te ronge. Tu voudrais devenir un vrai cheval.
- Oh oui soupira-t-il, mais c'est impossible.
Il y a peut-être un moyen dit la vieille. Mais c'est dangereux. Je vais t'expliquer.
La nuit prochaine va venir le prince Hiver. Nul ne peut l'approcher sans mourir, il est le froid extrême. Mais si tu résistes à son étreinte, et qu'il ne t'emporte pas, alors la vie jaillira en toi. Mais c'est la dernière nuit de l'année pour le voir. Je ne peux être avec toi car je n'y résisterai pas, nous sommes ennemis mais nous nous tolérons, mais il ne me fera pas grâce si je le provoque.
Le lendemain, à la nuit tombée, la femme referma la porte de la chaumière sur le cheval de bois. Et il attendit la créature de l'hiver, sans bouger.
Et elle vint, immense, aux mille feux de glace resplendissants à travers la lueur de la lune pleine. Des yeux vieux comme la terre le regardèrent et l'être se pencha sur lui et l'enveloppa de ses ailes de cristal. Autour d'eux l'écorce des arbres craquait, et nul souffle ne passait sur la forêt. Tout était pétrifié. Tout devint noir, la lune et les étoiles disparurent, et le petit cheval tomba dans un précipice de ténèbres profondes.
Au matin, la porte de la chaumière s'ouvrit, et une belle jeune femme habillée de vert et couronnée de fleurs multicolores s'avança sur le seuil. Elle posa doucement sa blanche main sur le poitrail du cheval noir, caressa le doux pelage, et sentit battre un cœur palpitant
Sous sa caresse, il ouvrit les yeux, ses jambes s'agitèrent, il s'ébroua et se leva brusquement. Il sentait un cœur battre follement dans sa poitrine, et cela l'enivrait. Il sauta, virevolta, galopa en rond et hennit joyeusement. Il s'approcha enfin de la jeune dame et sentit le parfum des fleurs sur sa robe.
Je suis la fée du printemps lui dit-elle. Tu as réussi. Tu es maintenant un cheval, jeune fringant, tu peux partir ou rester parmi nous. Et elle poursuivit.
- Maintenant j'ai à faire.
Ce fut une fête. Les bourgeons éclatèrent et les petites pousses germèrent en une journée. Les perce-neige, les jonquilles, les narcisses, les violettes soulevaient de toutes leurs forces la neige craquante qui fondait sous le doux soleil. Et il se répandit une explosion de couleurs et de parfums dans les sous-bois. Les oiseaux s'égosillèrent de bonheur.
- La dame du printemps est là, l'hiver est mort.
Les lapins, sortis des terriers et pris de folie firent mille cabrioles. Même les animaux plus grands, plus sérieux, les biches, les cerfs, se permirent des fantaisies. Et les sangliers bougonnant trottèrent pour ronger les jeunes pousses sur le tronc des arbres.
Le petit cheval courait à perdre haleine, et se roulait dans l'herbe, et la forêt toute entière frémissait d'allégresse avec lui.
Il vécut heureux très longtemps, entouré de ses amis les animaux et de la bonne fée du printemps. Il apprit à respecter l'hiver qui permet aux graines de se reposer sous la neige.
Il n'y a plus beaucoup de chevaux de bois dans les petits manèges. Peu à peu ils retournent tous dans les forêts profondes.
Car cette histoire s'est répandue à travers les villages, et il se trouve toujours, partout, des enfants qui aident aux miracles.

A.P.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Janvier 2015 à 10:39:45
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Un Conte ...

La neige était tombée dès le début décembre et recouvrait de son voile immaculé, les montagnes et les plaines. Dans les villes, le buvard gourmand avait absorbé pollutions et grisaille pour laisser flotter cette atmosphère purifiée que rehaussaient les enluminures des sapins ou des guirlandes éclairées. Audrey et sa soeur Clémentine s'éveillèrent ce matin de vacances et contemplèrent cette blancheur translucide éclairée par un timide rayon de soleil sur des cristaux glacés qui renvoyaient, de leurs facettes innombrables, les parcelles de lumière. Pourquoi ne pas construire un bonhomme de neige ? s'écrièrent-elles ensemble. Et les voilà, emmitouflées dans des épaisseurs chaudes, pousser, ramasser, accumuler des monceaux de ce miracle de la nature en sculptant tout d'abord, formes improbables, une grosse boule pour le corps et une plus petite pour la tête.
Le travail avançait vite, une vague forme humaine, se révélait peu à peu, façonnée par des petites mains besogneuses et imaginatives. Quelques vieux vêtements, une carotte pour le nez, un chapeau troué suffirent pour achever ce chef d'oeuvre enfantin. Le lendemain matin, alors que le vent avait soufflé fort sous la pleine lune, le bonhomme semblait avoir changé, les traits de son gros visage étaient plus marqués, presque expressifs. Il paraissait même les regarder avec ses boutons de manteau en guise d'yeux. Alors qu'elles se dirigeaient vers lui, elles entendirent un son étrange et répétitif, trois « oh, oh, oh » prononcés plusieurs fois par une voix caverneuse. Était-ce le vent ? Elles se retournèrent en tous sens sans comprendre d'où provenait cette mélopée envoûtante. Le lendemain matin et les jours suivants, elles l'entendirent à nouveau mais furent incapables de localiser son origine. Dans le même temps, chaque jour, le bonhomme semblait changer, façonné par les éléments.
Un matin, les deux enfants comprirent enfin d'où venait cette voix : c'était le bonhomme, il parlait !
« Comment t'appelles-tu ? » « Mon nom est Nature, je vis sur cette planète depuis son origine, j'ai connu toutes les espèces qui se sont succédées au fil des millénaires. La vôtre est vraiment étrange ! Elle pense que le monde lui appartient alors que c'est le contraire. Vous qui êtes des enfants, pouvez- vous faire passer ce message ? » Ce fut sa plus longue phrase.
L'hiver passa pendant lequel les fillettes venaient chaque jour parler au bonhomme qui leur apprenait simplement à observer. Un beau matin, alors qu'elles se préparaient à aller voir leur ami, la neige avait fondu, le bonhomme était devenu flaque. Une vague d'un froid glacé leur enserra le cœur. Pourtant, quelque part au-dessus d'elles, elles entendirent ce « oh, oh, oh » qu'elles connaissaient si bien. Habituées désormais à observer leur environnement, elles levèrent les yeux et aperçurent un nuage au milieu d'un ciel azur : il avait la forme exacte du bonhomme !
Quelques années ont passé, les enfants sont devenues adultes. Chaque hiver, la neige leur rappelle ce souvenir qui a façonné leur perception de la nature, leur approche vers les autres et leur message est toujours celui du bonhomme de neige : « le monde ne nous appartient pas, nous appartenons au monde ».
Cette phrase simple, si elle était comprise et appliquée par tous les humains, « puissants ou misérables », changerait l'humanité peut être, la face du monde sûrement.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Janvier 2015 à 10:46:40
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Conte zen (les deux pots)

Il y a longtemps, quelque part dans un petit village tranquille, vivait une vieille femme. Celle-ci habitait un endroit reculé, à l'écart des autres habitations, dans une modeste demeure sans grand confort. Elle vivait simplement, des légumes de son jardin au fond duquel chaque matin, elle se rendait pour puiser l'eau dont elle avait besoin pour la journée. Ainsi, dès l'aube, elle se munissait des deux pots de terre qu'elle utilisait comme récipients depuis toujours. Elle se servait d'un bâton et suspendait un pot à chaque extrémité, puis se harnachait de la perche qu'elle posait sur ses épaules comme cela se faisait alors afin de porter une lourde charge.
La vieille femme parcourait ensuite le sentier conduisant au puits où elle remplissait ses deux cruches avant de remonter jusqu'à la maison. Là, elle déposait les pots devant la cheminée et, à chaque fois, l'un était plein, l'autre à moitié vide. Et pour cause, il était fêlé depuis des lustres et perdait la moitié de son contenu durant le trajet.
Un jour, la cruche fêlée lui dit :

– Je ne comprends pas. Tous les jours tu te fatigues à me remplir et me rapporter jusqu'à la maison. Mais regarde-moi ! Je perds la moitié de ta précieuse eau en cours de route ! Enfin, ouvre les yeux ! Vois l'autre cruche, elle est pleine et moi je suis à moitié vide. Pourquoi me gardes-tu ? Je te cause de la peine inutilement. Tu ferais mieux de me jeter !

La vieille femme rit.
Puis elle répondit :

– C'est toi qui n'ouvres pas les yeux, mon ami. N'as-tu pas remarqué toutes les fleurs magnifiques qui bordent le chemin jusqu'au puits ? Elles me donnent beaucoup de joie et cela, c'est grâce à toi qui inconsciemment les arroses chaque matin lorsque je te porte jusqu'à la maison.

Conte zen

Ainsi, nos faiblesses, nos blessures que l'on occulte ou refoule ont une raison d'être. Nous cherchons à nous débarrasser de ce qui peut être une porte d'entrée vers des richesses intérieures insoupçonnées. Acceptons notre part d'ombre comme nous acceptons notre part de clarté, car elle fait partie de notre être tout entier. La nuit est indissociable du jour. Qui serait assez fou pour nier l'existence de la nuit ? N'hésitons pas à ouvrir notre cœur pour aller y puiser la paix. Nous possédons pour y parvenir un formidable moyen d'accès : ces failles qui nous dérangent.
Ne cherchons pas à les fermer.
Car c'est par nos failles que pénètre la lumière.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Janvier 2015 à 14:15:08
(http://img11.hostingpics.net/pics/717967bottineslutins.jpg)
LES  LUTINS ...

Out-tout-tou-hou ! Une bonne vieille chouette perchée sur une branche, à la douce
lumière de la lune, répétait tranquillement ce cri.
C'était une antique créature sympathique et douce, avec de grands yeux qui
pouvaient même percer la nuit. Malgré l'effroi qu'elle causait souvent elle était
vraiment inoffensive, pleine de bienveillance, avec une pointe de malice!
Elle savait comprendre la plaisanterie et son out-tout-tou-hou éveillait
souvent un écho lointain semblable à un rire égrené.
Dans une petite maison, près de la forêt, habitaient avec leurs parents, deux enfants: Tommy
et Betty. Quoique leur mère les aimât tendrement, elle avait continuellement à les réprimander pour
leur paresse, leur négligence ou leur saleté. Quand ils jouaient, ils ne cessaient de courir partout en
criant, ils renversaient les meubles, cassaient la vaisselle, salissaient leurs habits; bref, c'étaient des
enfants terribles. Ils ne songeaient jamais à la peine qu'ils donnaient aux autres.
Une fois leur mère leur raconta combien tout était différent dans la maison, au temps des
Lutins. « Qu'est-ce qu'un Lutin ?» demandèrent les deux enfants fort intrigués. « Un Lutin, répondit
leur maman, est un petit être menu, fille ou garçon, qui venait à la maison avant que personne fût
levé, balayait le foyer et allumait le feu, allait chercher l'eau et faisait le déjeuner. Il mettait les
chambres en ordre et sarclait le jardin; il cirait les souliers et rangeait les habits des enfants. Il faisait
toutes sortes de choses utiles, mais personne ne le voyait jamais. Toujours il se glissait hors de la
maison avant que personne fût sorti de sa chambre, mais il se montrait un bienfaiteur pour chacun.
Tout le monde était heureux et la maison était toujours claire et propre. »
Tommy et Betty désirèrent alors savoir comment ils pourraient obtenir qu'un Lutin vînt chez
eux aider au ménage pour leur éviter la besogne que leurs parents demandaient d'eux. Ils
questionnèrent leur mère pour savoir où ils en trouveraient un. Elle leur répondit que le mieux était
de recourir à la sagesse de la vieille chouette qui vivait dans la forêt. On pouvait lui demander
conseil, car elle devait être au courant de tout ce qui concerne les fées et les lutins.
Alors, un soir, après la tombée de la nuit, les deux enfants s'enfoncèrent dans
la forêt à la recherche de la chouette brune. D'abord, Tommy marcha crânement,
puis comme le sentier s'assombrissait de plus en plus dans la forêt silencieuse, il
commença à ralentir son allure et à regretter de s'être mis en route pour une telle
aventure. Mais Betty était impatiente de découvrir tout ce qui concernait les Lutins
et bien qu'elle eût peur, elle ne voulut point revenir sur ses pas; elle alla de l'avant
entraînant son frère. Ils entendirent bientôt le cri de la chouette. Celui-ci résonnait
d'une manière si étrange que, pendant un moment, ils restèrent cois et eurent l'idée de rebrousser chemin.

Mais Betty pensa à l'occasion qu'ils avaient là d'apprendre le mystère des
Lutins; aussi elle resta ferme. Elle entendit de nouveau le cri de la chouette qui lui semblait plus
familier maintenant qu'ils s'y habituaient; elle avança encore et arriva à l'arbre où perchait la
chouette.
« Madame Chouette! Madame Chouette, nous sommes venu vous voir, chuchota-t-elle. –
Ou-hou-hou, je suis très heureuse de l'apprendre, grimpez à l'arbre, mes amis, et venez vous asseoir
à côté de moi sur cette branche. »
Ils grimpèrent et se nichèrent tout contre les plumes douces et chaudes de l'oiseau. Ils lui
racontèrent leur chagrin, comme quoi il leur fallait toujours travailler quand ils voulaient jouer. Ils
avaient entendu parler des lutins et voulaient en faire venir un chez eux pour qu'il fasse toutes les
choses ennuyeuses à leur place.

« Out-tout-tou-hou ! Oot-hoo-hoo ! dit la vieille chouette. Vous voyez cet étang là bas.
Placez-vous au bord, du côté nord, une nuit de lune, puis tournez trois fois sur vous-même et dites:
Sors, gentil Lutin, de ce marécage,
Au fond de l'étang j'ai vu....
«Regardez dans l'eau, vous verrez le Lutin et vous trouverez la rime qu'il vous faut. »
Quand la lune fut levée, Betty alla vers l'étang, car la fillette était fort inquiète de connaître
la réponse que leur avait promise la chouette brune. Elle tourna trois fois sur elle-même et cria:
Sors, gentil Lutin, de ce marécage,
Au fond de l'étang, j'ai vu....
Mais quand elle regarda dans l'étang, elle ne vit rien du tout que le reflet de sa propre figure.
Elle retourna vers la chouette et lui dit qu'elle n'avait vu personne, mais seulement son reflet dans
l'eau, alors qu'elle avait espéré trouver un Lutin qui viendrait à la maison et qui y ferait toute la
besogne. La chouette lui dit:
— N'as tu vu personne dont le nom terminerait le vers que je t'ai appris ?
— Non.
— Qu'as tu vu dans l'eau ?
— Rien d'autre que mon visage.
— Eh bien, est-ce que « mon visage » ne ferait pas la rime? Et Betty répéta ses bouts rimés:
Sors, gentil Lutin de ce marécage,
Au fond de l'étang j'ai vu mon visage.
— Mais je ne suis pas un Lutin.
La chouette répondit:
— Non, mais tu peux en devenir un, si tu le veux. Tu es une fillette solide et active. Tu peux
balayer un plancher, tu es assez intelligente pour préparer un feu et pour l'allumer, tu saurais bien
remplir une bouilloire et la mettre sur le feu, tu saurais épousseter une chambre, mettre le couvert
du déjeuner, faire ton lit, cirer tes souliers et plier tes habits. Tu pourrais faire tout cela avant que
personne fût levé, de façon que ton père et ta mère en descendant le matin croient que des fées ont
été à l'œuvre.
Les Lutins sont de petits génies qui vivent dans la maison et y font du bien. Il y a des
maisons où, au lieu de Lutin, il y a des Boggarts. Ceux-là sont de petits démons. Quand on voudrait
être tranquille pour lire ou écrire, ou quand on se sent fatigué ou peu bien, les Boggarts se mettent à
crier, à hurler et à se démener.
Quand la maison est propre et que tout est en ordre, ils arrivent, bouleversent tout, cassent
les meubles et la vaisselle, et laissent tout en désordre; ce sont les autres qui ont la peine de ranger.
Ils sont sales et paresseux et ne font rien pour leurs parents.
Les Boggarts sont de vilaines petites créatures bien différentes des Lutins.
Mais les Lutins ne sont pas des fées, comme vous pourriez le croire. Ce sont simplement les
petits garçons et les fillettes de la maison qui se transforment en Lutins en se levant de bonne heure
pour rendre service, au lieu de rester tard au lit et de se conduire comme des Boggarts.
Lutins et Éclaireuses font leur travail tranquillement, sans attendre remerciements ni
récompenses. Elles le font parce que c'est leur devoir envers leur père, leur mère et leur famille.
Quelquefois il pourra leur en coûter un peu: quand elles se sentent fatiguées ou qu'elles ont envie
d'aller jouer en plein air; mais elles se rappelleront que c'est leur devoir et que le devoir passe avant
tout. Ainsi dans notre histoire, après avoir été réveillés de bonne heure par la vieille chouette le
lendemain matin, Tommy et Betty se glissèrent hors de leur lit.
Ils balayèrent, ils allumèrent le feu, préparèrent tout pour le déjeuner puis retournèrent
tranquillement à leur chambre. En descendant, leur père et leur mère s'attendaient à devoir tout faire
eux mêmes, ils furent bien étonnés de trouver la besogne faite, ils crurent que les fées avaient passé.
Cela continua ainsi jour après jour et les enfants trouvèrent plus de plaisir à faire leur devoir
qu'ils n'en avaient jamais eu à jouer à des jeux bruyants.
Ce ne fut que longtemps plus tard que leurs parents découvrirent qui étaient les vrais Lutins.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Janvier 2015 à 11:38:34
(http://img4.hostingpics.net/pics/300925lib.jpg)
LA LIBELLULE, LE COMEDIOLOGUE ET LA METAMORPHOSE

Lucille, une libellule  d'une élégance rare, vivait jadis, au bord d'un étang peuplé de nénuphars. Elle avait deux paires d'ailes merveilleusement transparentes et irisées d'un camaïeu violet à couper le souffle. Telle une danseuse étoile, elle glissait dans l'air sans effort ! Lucille faisait la fierté des habitants de l'étang. Mais elle, expérimentant son don de manière tellement naturelle, n'en tirait aucune présomption. Seul comptait pour elle, le plaisir de voler.

L'étang, alimenté autrefois par une source mystérieuse, se tarissait peu à peu et plus rien n'était comme avant. Ses ailes s'étaient alourdies, ses couleurs s'étaient ternies, elle sombrait, happée par la gravité. Elle savait à peine changer de direction en volant. Tout lui demandait effort, tout l'agaçait. Elle émettait maintenant des jugements sur tout et n'importe quoi. Inflexible, elle avait perdu toute souplesse. Pour la première fois de sa vie, elle se trouvait nulle ! Désorientée, elle errait comme une âme en peine.
Un jour il n'y eut plus une goutte d'eau dans l'étang. Au fond d'elle-même, Lucille savait qu'il lui fallait partir mais pour aller où ? Pourquoi faire ? Elle était terrorisée à l'idée de quitter son étang pour aller vers l'inconnu.

Et pourtant un matin, au lever du soleil, elle fut réveillée par des bruits sourds et saccadés provenant de la forêt voisine. Un rythme régulier et répétitif sonnait comme un cœur en mouvement. Lucille, dont le corps dépérissait depuis des jours, fut d'abord agacée par ces battements sonores. Puis petit à petit, elle se sentit envahie par cette rythmique percussive. Elle sentit son corps bouger. Oh pas beaucoup, juste un petit bout d'aile. Elle se fit attentive et vit sa tête bouger aussi. "Ca alors ! Que m'arrive-t-il ?". Sans chercher à comprendre, elle se laissa porter par la musique et se mit en mouvement.
La musique avait changé de rythme, plus rapide, plus saccadé encore. Lucille peinait à voler mais ne renonça pas pour autant. Elle arriva toute essoufflée dans une clairière. Il y régnait un joyeux capharnaüm : des dizaines d'animaux dansaient, jouaient et chantaient. Ils semblaient s'amuser follement. La musique cessa, Lucille, soudain très mal à l'aise, n'eut qu'une envie : fuir cet endroit. Elle fit demi-tour et tomba "yeux à yeux" avec le Hibou.

Un quart de tour et c'est l'imposante crinière du Lion qui lui fit face. Elle n'en menait pas large.
"Ne t'inquiète pas, lui dit le Chien, c'est une grande gueule mais au fond c'est un gros nounours".
Chacun y mit son grain de sel.
"Quel magnifique spectacle !" s'écriait le Perroquet tel un grand tragédien.
"Pourquoi me regarde-t-elle comme ça ?" s'interrogeait le Kangourou, sur ses gardes.
"Allons, cessez vos chamailleries." disait l'Eléphant qui peinait à se faire entendre.
Ce fut le Castor qui la destabilisa le plus. Il se pavanait, parlait fort, se faisait remarquer. La voyant démunie, il en profita et lui lança d'un rire gras : "Alors, on a perdu le Nord ? 
C'en était trop pour elle! La pauvre Lucille, tétanisée, aurait voulu rentrer sous terre.
Le Singe, qui ne s'était pas encore manifesté, arrêta le jeu tout net. Un silence se fit. Il s'approcha doucement de Lucille :
- Je m'appelle Guido.
Lucille reprit immédiatement ses esprits et répliqua sèchement:
- Arrêtez de vous moquer de moi et laissez-moi partir, je n'ai pas de temps à perdre avec vous tous !
- Ils ne sont pas méchants, ils s'amusent ! C'est juste un jeu !
- Pfff ! Un jeu ! Vous appelez ça un jeu ? Je suis sérieuse, moi ! Je fais des choses sérieuses !
- Ah ça, je n'en doute pas.
- Comment ça, vous n'en doutez pas ?
- Ca se voit !
- Ca se voit ?

La Fourmi, qui jusque là n'avait rien dit, renchérit sur un ton hautain :
- Mais oui ma chérie, tout ton corps le dit !
- Mon corps ? Qu'est-ce qu'il dit mon corps ?
- Toute raide, les sourcils froncés, la mâchoire serrée. Ca pour sûr, tu es sérieuse !
- Arrêtez ! Je n'en peux plus ! cria Lucille au bord des larmes.

Guido, fit signe aux animaux de s'écarter et se rapprocha d'elle tendrement. D'une voix posée, il s'adressa à nouveau à elle :
- Lucille, tu n'es pas arrivée ici par hasard. Si tu es là, c'est que tu as besoin de quelque chose. Qu'est-ce tu aimerais qu'il se passe ?
- J'aimerais retrouver le plaisir de voler.
- Le plaisir de voler.
- Oui, c'est ça, avant je n'y pensais même pas, je volais toute la journée, légère, je changeais de direction comme je voulais. C'était facile.
- Avant ?
- Oui, avant que l'étang ne se dessèche, avant qu'il n'y ait plus d'eau.
- Qu'est-ce que tu pourrais faire maintenant ?
- Je ne sais pas, je ne sais plus, je suis perdue.
- Alors, instantanément, tous les animaux se mirent à chanter à l'unisson : "Fais comme l'oiseau, ça vit d'air pur et d'eau fraîche
un oiseau !...Mais jamais rien ne l'empêche l'oiseau, d'aller plus haut !"

Après un temps de stupéfaction, Lucille comprit que les animaux ne lui voulaient aucun mal. Elle se rendit compte du comique de la situation et tout le monde éclata de rire.
- Veux-tu que je t'aide à retrouver le plaisir de voler ?
- Oui !
- Es-tu prête pour le grand voyage ?
- Je suis prête.

Les mois qui suivirent, Guido emmena Lucille sur différents chemins. Parfois, il mettait de la musique et ils dansaient, dansaient pendant des heures, en ne pensant à rien.  "Juste suivre les mouvements instinctifs de ton corps", disait-il. Lucille ne comprenait pas toujours où il voulait en venir mais ce n'était pas grave, elle s'amusait tellement ! D'autres fois, il lui ramenait des costumes, des masques, des foulards, des nez de clown... Il lui faisait jouer toutes sortes de personnages en lui faisant prendre des intonations différentes. Que c'était drôle ! Elle apprenait à respirer, à dire un texte. Elle improvisait. Au début, elle essayait, faisait de son mieux. Et plus elle essayait, plus elle s'amusait. Plus elle s'amusait, plus c'était facile. De temps en temps, ils se posaient pour parler, pour prendre du recul et observer le chemin parcouru.

Et puis, vint le jour où Guido lui dit avec malice :
- Le moment est arrivé, Lucille, que tu voles à nouveau de tes propres ailes.
- Je te remercie Guido du temps passé en ta compagnie. Je sais maintenant qu'en reprenant le chemin de mon corps, je vois les choses sous un autre angle. Je sais que j'ai la capacité de concrétiser mes désirs. Je sais que tout est possible.
- Et qu'est-ce que ça change, pour toi, de savoir tout ça ?
- Je peux, maintenant, partir à la recherche d'un nouvel étang.
Lucille, qui s'apprêtait à prendre son envol, se retourna :
- Merci Guido.
- Merci à toi Lucille. Bonne route.

Ranita, une petite grenouille verte, était cachée non loin de là. Depuis le début du voyage elle n'en perdait pas une miette. Elle avait suivi toutes les conversations entre la Libellule et le Singe. Elle avait entendu que Guido était comédiologue. Elle avait bien pensé au début qu'il était magicien. Mais c'est Lucille qui était une fée. Simplement elle l'avait oublié. C'est elle qui avait fait tout ce chemin de métamorphOse. Ca n'avait pas toujours été confortable mais Lucille avait fait preuve de ténacité. Elle avait franchi les obstacles avec courage, avait accepté d'être bousculée dans ses habitudes. Elle s'était surpassée parce qu'elle avait confiance en Guido. Lucille avait retrouvé le plaisir de voler. Ses ailes avaient repris leurs couleurs chatoyantes. Un vol sans effort l'amena à son nouvel étang. Lucille était redevenue Lucille et Ranita brûlait d'impatience de vivre l'expérience à son tour.

Allait-elle se transformer en princesse ? En reine ?  ...  

FD-D
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 31 Janvier 2015 à 10:38:36
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Les Lunes à croquer... pour la Chandeleur

"Pierre vivait pauvrement dans une vieille maison avec son père, sa mère, ses cinq frères et ses cinq sœurs. Dans cette maison, il y avait une petite cuisine avec un vieux fourneau qui fumait et des vieilles casseroles cabossées. C'est là que Pierre était le plus souvent, car il adorait cuisiner. Il savait préparer des plats délicieux avec des choses simples: il pouvait transformer des pommes de terre en gâteaux, des poires en sirop, des carottes en purée rose... Avec Pierre, chaque repas devenait une fête. Pourtant, une année, l'hiver fut très long. Pierre ne trouvait que des vieux croûtons de pain à mettre dans ses casseroles et toute sa famille avait faim. Un matin, Pierre dit а son père:

- Je vais aller en ville pour chercher du travail. Avec l'argent que je gagnerai, je pourrai acheter de quoi manger.
Justement, ce jour-lа, un messager du roi arrive dans le village de Pierre. Il tape sur un tambour et il déclare:
- Avis à la population! Le roi de ce pays, Sa Très Gourmande Majesté, a décidé de changer de cuisinier. Celui qui fera le plus délicieux des plats sera nommé Grand Chef des Cuisines du Roi.
En entendant cela le père de Pierre s'écrie:
- Pierre, voilà une chance pour toi! Enlève ton tablier, laisse tes vilaines casseroles et va faire goûter au roi une recette dont tu as le secret.
Pierre répond en souriant:
- Hélas, on ne devient pas cuisinier du roi en lui faisant manger du pain dur!
Mais la mère de Pierre insiste:
- Allons, va, mon petit cuisinier. Tu sais faire un dessert avec un courant d'air. Je suis sûre que tu peux gagner ce concours!
Alors, Pierre se met en route. Il se demande bien quelle recette il pourra préparer pour le roi, car il n'a rien dans les mains ni dans les poches. Mais comme il sent le printemps qui arrive, il se met à chanter:
- Je n'ai rien pour mon roi, pas de sucre ou de chocolat, même pas la moitié d'un petit pois!
Bientôt, Pierre arrive devant une ferme. Un vieil homme vient а sa rencontre en criant: - à l'aide! au secours! Ma vache est tombée dans l'étang!
La pauvre vache essaie bien de sortir de l'eau mais à chaque fois qu'elle approche du bord de l'étang, elle glisse dans la boue et plouf! Elle retombe lourdement. Pierre prend une corde solide. Il l'attache aux cornes de la vache et tire sur la corde de toutes ses forces. On hisse! On hisse! La vache sort les deux pattes avant. Encore un effort! On hisse! On hisse! Enfin la vache regagne la terre ferme. Elle est sauvée! Le vieil homme est tout heureux et, pour remercier Pierre, il lui donne un pot de lait tout frais. Pierre reprend le chemin du palais du roi en chantant: - voilà du lait pour le roi, c'est tout ce qu'il aura pour tremper son petit doigt! Tout à coup, il aperçoit des poules qui courent dans un pré en battant des ailes. Derrière les poules, il y a une fermière qui crie:
- Vilaines poules! Revenez, revenez, ou le renard va vous manger!
Mais les poules partent dans tous les sens et la fermière ne peut pas les rattraper. Pierre ramasse un bâton, il le fait tourner au-dessus de sa tête puis il file à toute vitesse derrière les poules. Il les rassemble et, en un clin d'œil, il les fait rentrer dans le poulailler. La fermière saute de joie. Elle dit à Pierre:
- Sans toi, mes poules allaient se perdre dans la forêt!
Pour le remercier, elle lui donne six œufs dans un panier. Pierre continue sa marche. Il chante:
- Avec du lait et des œufs que fait-on de délicieux? Avec des œufs et du lait que pourrait-on préparer?
Un peu plus loin, alors que la nuit commence а tomber, Pierre rejoint une charrette chargée de sacs de farine et traîné par un âne. C'est la charrette du meunier. Le meunier appelle Pierre:
- S'il te plaît, veux-tu me donner un coup de main? Ma roue a glissé dans le fossé. Je ne peux plus avancer.
Pierre pose son lait et ses œufs et il pousse avec le meunier. Un, deux, trois, hue! La charrette est dégagée, le meunier peut rentrer au moulin. Mais avant de partir, il offre à Pierre un petit sac de farine. Pierre s'en va en chantant:
- J'ai des œufs, de la farine et du lait, mon roi tu vas te régaler! J'ai du lait, des œufs et de la farine, roi, tu vas te lécher les babines!
Lorsque Pierre arrive au palais du roi, le concours de cuisine a déjà commencé. Des cuisiniers sont venus des quatre coins du pays. Ils ont apporté avec eux des épices et des fruits, des lapins, des dindes, des moutons, des légumes, des poissons, des champignons et des herbes parfumées; tout ce qu'il faut pour réussir des desserts rares, des salades exquises et des rôtis savoureux.
Dans la grande cuisine royale, le roi est assis sur le trône. Des serviteurs lui apportent ce que les cuisiniers lui ont préparé. Le roi respire l'odeur de chaque plat, puis il goûte des bouts des lèvres. Il mâchouille, il ferme les yeux, il renifle encore une fois. Mais, pour chaque recette, il grogne: -trop grillé. Trop cru. Trop salé. Trop sucré. Trop chaud. Trop froid. Trop sec. Trop gras. Rien ne lui plaît. Enfin, c'est le tour de Pierre.
Le roi lui demande:
- Alors, jeune homme, que vas-tu nous préparer?
Pierre se gratte la tête avant de répondre:
- Euh... Sire... Majesté... C'est-а-dire... voilà... c'est une surprise.
- Le roi sourit:
Ah, enfin une surprise!
- Euh...euh...
Pierre réfléchit, il se dit:
- Qu'est-ce que je pourrais bien faire avec de la farine, du lait et des œufs? Il regarde par la fenêtre et il aperçoit la lune qui brille dans le ciel. Cela lui donne une idée. Il s'écrie:
- Je vais faire des lunes, des lunes à croquer!
Le roi fronce les sourcils, il dit:
- Tiens, tiens, des lunes а croquer? Je suis curieux de voir ça. Alors , mon garçon, mets-toi au travail. Aussitôt, Pierre vide sa farine dans un grand saladier. Il ajoute ses œufs et il verse son lait en mélangeant avec une grande cuillère en bois. Puis il dépose un peu de la pâte qu'il a ainsi préparée dans une poêle bien graissée. Et il la met а cuire sur le fourneau. Au bout de deux minutes, Pierre saisit le manche de la poêle, il donne un coup de poignet et hop!...un gâteau plat et rond s'envole dans la cuisine royale. Pierre dit au roi: - regardez, voilà la lune! Le roi lève la tête, il n'en croit pas ses yeux: le gâteau rond monte jusqu'au plafond et il retombe juste dans la poêle.
Pierre le laisse cuire encore un peu, puis il dit:
- Voilà, Sire, vous pouvez croquez cette lune.
Le roi renifle, il goûte, il mâchouille et il déclare:
- Ce n'est pas mauvais... C'est même plutôt bon...
J'aimerais bien moi aussi faire une lune à croquer car cette recette m'amuse beaucoup. Il se lève de son trône, il verse un peu de pâte dans la poêle, la laisse cuire deux minutes, il donne un petit coup de poignet ... et hop! Il fait sauter la lune à croquer. Et plaf! Elle retombe sur la tête de la reine. Le roi éclate de rire: - ha! ha! ha! Décidément, cette recette me plaît! Le roi s'amuse comme un fou: - encore, encore, encore! Il fait des dizaines des lunes à croquer et il les mange avec du sucre, de la confiture, du chocolat.
А la fin, quand le roi a bien ri et bien mangé, il dit à Pierre: - c'est toi qui a inventé la recette la plus drôles, du jamais vu, du jamais goûté! Je te nomme Grand Cuisinier du Roi!
Depuis ce jour, Pierre vit avec toute la famille dans le palais du roi et, chaque année, à la fin de l'hiver, il fait des lunes à croquer."

Pomme d'Api
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Février 2015 à 10:31:22
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Le chat qui était tombé amoureux d'une boîte de thon

Il était une fois dans un village fleuri, tranquille, où s'ennuyait dans une grande maison mauve Nougat. Nougat était un chat roux qui passait son temps à dormir dans les draps feutrés de sa maîtresse, ou à chasser les balles en caoutchouc qui rebondissaient dans toute la maison.

Nougat n'aimait pas la compagnie de ses congénères, ni même celle d'inconnus humains, ce qui ne l'empêchait pas de gratter derrière la porte d'entrée afin de s'évader dans la jungle urbaine.
Mais Nougat avait un souci : c'était un peureux maladif. N'importe quel bruit le faisait fuir, la queue gonflée tel un écureuil. Les oiseaux, les voitures au loin, le vent dans les feuilles des arbres, les rires d'une enfant et même lui ! Il sursautait, le dos voûté, dès qu'il posait la patte sur une chose qui l'avait surpris. Ses oreilles dressées tel un hibou et ses yeux exorbités faisaient de lui l'attraction de la famille.
Par ces chaudes journées d'août, assis sur le rebord de la fenêtre et protégé par les volets baissés, Nougat regardait, tapant rapidement de la queue, les hirondelles frôler les vitres qui allaient dans leur nid, situé dans la gouttière.

Allongé sur sa fenêtre Nougat a chaud, il s'ennuie...

Il traînait sa carcasse le long de la grande maison, même s'il en connaissait les recoins par cœur. Nougat a toujours vécu enfermé entre quatre murs. La liberté du dehors, le plaisir de courir dans l'herbe verte, il ne connaissait ces sensations qu'avec une laisse et sous une certaine contrainte. L'esprit épicurien, il ne savait pas que ça existait. Alors Nougat passait son temps à dormir dans les endroits les plus frais de la maison : sous le lit de sa maîtresse ou dans l'armoire, renversant sur son passage le linge soigneusement plié. C'était une vraie canaille celui-là, quand il décidait de faire des bêtises ! Une manière comme une autre de tromper sa solitude et de se débarrasser de son trop plein d'énergie. Il aimait beaucoup ennuyer ses maîtres, à se poser dans des endroits pour le simple plaisir de gêner. C'est tout un art pour un matou de s'installer là où il dérange le plus ! La table à repasser, quand la maman s'apprête à défroisser les habits, à moitié sous les couvertures quand elle faisait les lits, sur la table de cuisine quand elle épluchait les pommes de terre.
Cette cuisine, Nougat la connaissait par cœur et pour cause ! Après dormir sa seconde occupation résidait là, sous l'évier : la gamelle d'eau et l'écuelle à nourriture. Nougat mangeait toujours la même chose, cela devenait donc plus fade à chaque jour qui s'écoulait. Il en perdait la saveur, la gourmandise, la joie de se restaurer. Pauvre Nougat, toujours en quête d'innovation !
Parfois sa maîtresse inventait quelques folies pour le distraire et satisfaire ses papilles délicates de chat. Les yaourts au chocolat blanc ou à la mousse de nougatine sur un coulis de framboise. Mais la mode étant éphémère, le plaisir ne fut que fugace, et la dure habitude reprenait ses droits.
Alors Nougat choisit de provoquer le changement : il miaulait tel un condamné pour réclamer cette précieuse nourriture, mais lui tournait le dos une fois servi. Un comble de gourmet !
Petit Nougat deviendra gros avec ses exigences gargantuesques ! Qu'il serait vexé si des invités d'un soir le prenaient pour une drôle de race de chien !
Mais l'appel de l'estomac est plus fort, l'envie d'herbe naturelle encore plus. Tenter de manger quelques fines feuilles des plantes familiales n'est pas donné à tous les félins, sans connaissance par ailleurs des dangers de certaines toxicités plus ou moins flagrantes.

Mais ce fut un beau matin qui lui offrit la providence tant désirée, ce que tout chat rêve de rencontrer et de posséder. Un sentiment de bonheur, d'extase et de volupté : l'amour !

La cuisinière avait omis un élément capital dans la réceptivité du chat. Elle avait innocemment laissé sur le bord de la table une boîte auprès de laquelle Nougat trouvera le summum. Une boîte de thon. Cette boîte, Nougat l'avait longuement observée : d'une parfaite harmonie de forme et de couleurs, elle n'avait jamais suscité autant de convoitise. D'un arrondi lisse, la boîte pouvait rouler qu'importe sa position, une gymnastique polyvalente en sorte. Sa couleur était d'un bleu azur, digne d'un horizon varois. Un dessin de navire à la voile blanche semblait ressortir ; comme si le galion voguait calmement sur les vagues outremers, insouciant, à la recherche d'un pays à conquérir. Mais le contenant ne sert évidemment qu'à cacher le contenu, plus intéressant, plus mystérieux, et souvent...Plus beau. Aux trois quarts ouverte, comment ne pas résister à l'instinct d'aller fourrer son fin museau à l'intérieur de la boîte ? Ce qu'il y vit ne porte pas de nom à ses yeux. Dans le langage humain on appellerait cela " extase ", " paradis ", " bonheur ". Une chair fraîche et rosée, entourée d'un liquide translucide faisait miroiter les yeux serpent du naïf rouquin. Bien que compacte, cette chair ne présentait pas moins quelques scissions, très délicatement tracées par les soins habiles d'un poissonnier. Tous les sens de Nougat le gourmand se mirent en éveil. La vue d'abord, de cette masse dodue et appétissante à souhait. Mais surtout l'odorat. Ah l'odorat ! Sens suprême parmi les suprêmes ! Sans lui, comment pourrions-nous suivre à la trace la délicieuse odeur du pain à peine sorti du four ? Les délicats parfums des femmes dans une cage d'escalier ? La différence entre le comestible ou pas, l'avenant ou le non avenant ? Car c'est l'odeur subtile que dégageait cette inconnue qui attira Nougat sur les pentes des péchés capitaux : envie, luxure, gourmandise.
Nougat approcha avec méfiance son museau du liquide, puis renifla avec moins de réticence les morceaux détachés. " Quel délicat fumet ! " se dit-il, car il ferma les yeux et ronronna de satisfaction. Quelle joie pour ma maîtresse d'avoir négligé de cacher cette providentielle boîte !
Il commença à laper, doucement dans un premier temps. Sa langue rugueuse ne manqua pas de saisir toutes les sensations que devait provoquer ce poisson. Puis, goulûment, il attrapa un morceau conséquent de la boîte pour le mâcher longuement afin que ses papilles apprécient cette saveur nouvelle. Pour Nougat c'est la première fois qu'une telle chose se produit. Il ne savait pas à quoi correspondait l'odeur, mais pour lui elle était alléchante. C'était le principal. Il n'avait jamais senti vraiment diverses odeurs, lui qui restait enfermé dans une chambre. Il se délecta si bien de ce sulfureux poisson que bientôt la boîte s'en trouva vidée. Veillant à ne point se couper avec les rebords cannelés de la conserve, il recula un peu puis descendit de la table et du banc, pour aller purifier ses canines d'eau de sa gamelle. Il repartit ensuite en direction du salon, l'estomac repu et une satisfaction visible par sa façon de se lécher les babines. Nougat était déjà un profiteur, mais le voici petit voleur !
Nougat repartit dans sa cachette secrète, avant que sa maîtresse ne raccroche le téléphone et découvre le méfait. Ce lieu si paisible à ses yeux se trouvait être tout simplement la partie droite de la grande armoire, installée dans la chambre de la fille de la maison. Entre le coffre de chaussettes, l'amas de chemises de nuit et les pans des robes, le félin se mit bien à l'aise puis ferma les yeux, ronronnant.

La maîtresse revint à ses fourneaux. Ciel, cria-t-elle, moi qui voulais régaler les miens d'œufs mimosas ! Mais elle était une adulte humaine, et donc incrédule. Seul un être doté d'un culot énorme, d'un talent sans bornes aurait pu réussir ce subterfuge. Et elle était seule à la maison, avec Nougat...
Cependant contrairement à ce qu'on pourrait imaginer cette aventure la fit sourire. Elle savait désormais comment dresser l'indomptable, comment égayer ses repas et cela à moindre frais. Nougat n'avait jamais connu cela...

Le lendemain, le surlendemain et tous les autres jours à l'infini, petit Nougat faisait de tendres roulades, ronronnait délicieusement et miaulait de son timbre aigu et rauque, mais non moins suave, afin d'attirer l'attention de ses maîtres. Et tout cela dans un but bien précis : les faire venir auprès du réfrigérateur, qui gardait jalousement l'objet tant convoité. Monsieur se posa la question : mais comment faisaient donc ces boules de poils pour dégager autant de séduction et de charme, à faire pâlir tous les bipèdes masculins ? Même le plus bellâtre des hommes ne pourrait rivaliser avec un chat. Et comme dit l'adage : le chat ne vit pas chez nous, mais c'est nous qui vivons chez le chat...
Et à chaque fois le vœu du maître chat était exaucé, qu'importe la fréquence ou le moment de la journée. Lorsqu'il se retrouvait enfin face à la délicate boîte de bleu, à sa chair sensuelle appelant à la volupté, il lui tint par télépathie ce discours.
-         Boîte, oh ma si chère boîte de thon, voudrais-tu aujourd'hui m'accorder tes charmes ? Je me languis de ton absence, je te désire en ta présence. Acceptes ma sollicitude ma chérie, tu ne seras pas malheureuse. Je comblerai le moindre de tes caprices, je couvrirai ta chair d'or. Je ferai de ma gamelle un palais où de l'artifice tu te régaleras, dans les dédales de mon corps tu te perdras, évanouie de jouissance tu te pâmeras. Ne me repousses pas mon adorée, je te jure que  tu ne le regretteras pas.
Et à chaque fois la boîte de thon ne se fit plus autant désirer qu'au premier jour : elle céda instantanément au maître chat, au gré de ses humeurs ou ses envies.

Parfois un couple peut se montrer jaloux l'un envers l'autre. Et si Nougat surprenait sa tendre dans une autre assiette que la sienne, il se tournait aussitôt vers les demoiselles croquettes, si colorées et affriolantes dans leur forme géométrique. Il les croquait à l'infini, il ne les comptait plus tant il se trouvait affecté par ce qu'il considérait comme étant une trahison. Œil de chat pour œil de chat en somme : tu me trompes, je te trompe à mon tour. Un couple peut aussi bouder. Ainsi Nougat faisait mine de ne pas regarder la boîte : c'était pour lui un supplice car il en était tellement fou...Malgré tout il se força à ce petit jeu malin afin de ne pas tomber dans la monotonie du couple. Le but était de se faire la tête pour mieux se retrouver. Rien que pour cette raison, il venait quand même lorsque ses maîtres le narguaient, sa compagne des beaux jours dans leur main ferme. La boîte semblait s'y plaire, pour sûr, elle ne tenait pas vraiment à descendre ! Aurait-elle percé le secret de son chéri et rentrait-elle donc dans son jeu ? Seuls les protagonistes possédaient cette réponse tant éclairante.

Toujours est-il que ce manège amoureux dure encore et encore...La lassitude n'avait pas donné raison aux sentiments liant le chat roux à la chair beige. C'était un amour indéfectible qui traverserait les temps. Un amour pourtant si singulier, un amour dont on nierait l'existence sans hésiter, qu'on ne voudrait croire à aucun prix, et pourtant...Ces deux-là étaient si mignons...Le couple formait à lui seul une photo de famille unie. Bien sûr, ils ne pourront pas avoir de progéniture mais l'amour n'est-il pas la base de la vie ? Tous les couples n'ont pas d'enfants, même si c'est une conséquence logique à l'amour, elle n'en est pas moins dispensable.

Ainsi va la vie, et ainsi se poursuit celle d'un chat unique, particulier : un chat qui était tombé amoureux d'une boîte de thon.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Février 2015 à 10:55:35
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Un conte pour la Saint-Valentin ...

La cime dissimulée dans les nuages, le Mont-Olympe, se dresse majestueusement.  Un étroit sentier sinueux serpente à flanc de montagne et grimpe au-delà des nuages.  Une jolie forêt de bouleaux blancs se dresse au bout du sentier.  Au milieu de cette forêt se blottit une charmante maison de cristal. Cupidon, confortablement assis dans cette demeure de cristal, contemple pensivement le paysage enneigé.   Les bouleaux blancs recouverts de givres scintillent au soleil.  Cupidon est triste.  Les nouvelles qui lui parviennent le chagrinent.  Disputes et chicanes sont-elles donc l'unique réalité? Et les bonnes nouvelles, font-elles partie de ce monde?  Amitié,bienveillance et générosité existent-elles encore? Cupidon doit savoir!  Il veut en avoir le coeur net.  Il prend avec lui son arc, sa flèche et son carquois magiques, puis s'envole au loin. Il voit deux fillettes en grande discussion. Il atterrit sans faire de bruit et,dissimulé derrière un buisson, tend l'oreille. -Ma meilleure amie m'a dit que je suis stupide, sanglote la fillette blonde. - Toi, stupide! s'exclame la fillette rousse.  Moi, je te trouve intelligente! -Vraiment? s'étonne la fillette blonde, tu trouves? -Je ne te l'ai peut-être jamais dit avant, mais oui!

Cupidon sourit.  Il est content. Ici fleurit l'amitié.  Il récolte les fleurs du mimosa et les met dans son carquois. Il s'envole plus loin, puis aperçoit un garçonnet en sanglots. Un autre garçonnet s'approche.  Cupidon atterrit doucement et écoute, dissimulé derrière la clôture. -Pourquoi tu pleures? -J'ai faim!  pleure le petit. -Tu sais quoi! s'écrie le premier,  j'ai justement une bonne collation! Viens! on va la partager! -Oh! merci!  Comme tu es gentil, dit le garçonnet en séchant ses larmes. Cupidon est tout heureux!  Vraiment, il se passe de belles choses!  Ici encore fleurit l'amitié.  Cupidon récolte les fleurs du mimosa, les met dansson carquois et continue son chemin. Par une fenêtre, il  entrevoit une soeur et son petit frère.  Le petit frère al'air terrorisé.  Cupidon atterrit et se cache sous la fenêtre. -Maman! crie le petit frère où es-tu?  Je t'ai perdue! -Mais non! dit la grande soeur, Maman arrive bientôt. Je suis là. Tu peux compter sur moi. -Ne t'en vas pas!  supplie le petit frère, ne me laisse pas tout seul! -Je reste avec toi, répond doucement la grande soeur.  Allons nous amuser avec nos jouets! Cupidon est content de voir qu'ici aussi fleurit l'amitié.  Il récolte les fleurs du mimosa et les met dans son carquois. Cupidon continue de récolter les bonnes nouvelles partout où il va. Cependant il doit aller les cueillir car elles sont discrètes et timides.  Il recueille tellement de mimosa que son carquois est maintenant plein à craquer. Il retourne donc à sa maison de cristal. Il vide son carquois et contemple sa récolte. Elle est très abondante. Cupidon est satisfait car il a pu constater que l'amitié occupe une place importante dans ce monde. Mais que faire avec toutes ces belles fleurs?  Cupidon ne va quand même pas garder toutes ces fleurs de mimosa pour lui tout seul, il n'est pas un égoïste!  Il désire partager sa récolte de bonne nouvelles.  Mais comment? Tiens!  C'est bientôt la Saint-Valentin, fête de l'amitié. S'il donnait ces fleurs aux enfants?  Non, impossible!  Car les fleurs fanent très rapidement.  Oui, mais avec un peu de magie il pourrait transformer ces fleurs en des cadeaux plus durables! Cupidon, tout heureux de son idée géniale, tend son arc magique et une flèche tout aussi magique fonce à toute allure dans les mimosa.  Une pluie d'étincelles multicolores surgit, un brouillard pastel enveloppe les fleurs, et lorsque le tout se dissipe, les mimosa ont fait place à de nombreux jouets! Cupidon met tous les jouets dans son carquois magique puis s'envole. À la demeure de chaque enfant, il se glisse par l'entretoit, et, se faufilant par le grenier, se dirige vers la trappe.  Cupidon ouvre la trappe, et très doucement, vole vers le salon.  Là, sous un joli bouleau blanc tout décoré de coeurs rouges et de rubans dorés, il dépose un cadeau.

Ainsi, recommence Cupidon, jusqu'à ce que tous les enfants aient reçu leur jouet. Finalement, sa mission accomplie, Cupidon, retourne au Mont-Olympe, le carquois vidé et le coeur léger.  Les enfants pourront toujours compter sur lui pour passer une belle Saint-Valentin.

Cupidon Mont-Olympe
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Février 2015 à 13:36:36
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Un conte de Carnaval ...Lo minjachepics

Quand vient le soir, l'hiver, j'ai un grand travail : faire cuire les bûches. Je les dispose chacune bien à sa place dans la cheminée, et j'allume... Alors, alors seulement commence la cuisson... Oh ! bien sûr, il faut qu'elles brûlent... mais pas trop vite tranquillement... il faut surveiller, souffler, mouiller... En fait il faut s'asseoir devant l'âtre et attendre, attendre qu'elles soient cuites.C'était l'un de ces soirs, l'un de ces soirs d'hiver que l'on passe à faire cuire les bûches. J'étais tranquillement installé devant la cheminée, quand un bruit soudain monta de la rue, un bruit d'abord lointain mais qui se rapprochait. Je reconnus des chants tous différents... des chants pour chanter, des chants pour danser, des chants pour faire la fête, des chants qui, finalement, se rapprochaient jusqu'à venir frapper à ma porte.
J'allais ouvrir... Il y avait là une foule de gens déguisés... de très beaux, très élégants, mais aussi des laids, vraiment très laids... C'était Carnaval et je l'avais oublié, occupé que j'étais à faire cuire les bûches.
Vite, je courus à l'armoire de Mémé pour y prendre sa vieille robe bleue, celle avec les petites fleurs blanches, des bas, une perruque, un foulard... Pour les pantoufles, j'allai à l'armoire de Pépé.
J'étais jolie comme tout...
Alors commença la fête... d'abord dans les rues puis chez Antoinette, le café du village. Là, on a bu, chanté et mangé, encore et encore... Vers deux heures du matin, Antoinette nous demanda de bien vouloir partir, elle avait sommeil. Alors nous sommes sortis, il faisait froid et nous étions un peu perdus. Dans la nuit, tout était calme.
C'est en passant devant l'église, que l'un de nous eut l'idée d'aller sonner la cloche. La chose nous amusa beaucoup car dès que la cloche sonnait, les lumières des maisons s'allumaient... C'est la soif qui nous arrêta.
On alla chez Bertrand, il avait toujours du bon vin. Sous ses fenêtres, on chanta d'abord doucement, puis de plus en plus fort sans parvenir à le réveiller. Alors nous avons chanté qu'autrefois, Bertrand allait derrière l'église et que... là il ouvrit... et nous en sortîmes à quatre heures du matin.
Un peu plus tard, on se retrouva sous les fenêtres de Gaston, il avait tué le cochon. On chanta d'abord doucement, puis de plus en plus fort sans parvenir à le réveiller. Alors nous avons chanté qu'autrefois, dans le champ de Gaston, la borne n'était pas à l'endroit où elle se trouve aujourd'hui et que... là il ouvrit... et nous en sortîmes à six heures après avoir goûté les miques, les chichons, les saucisses ...
Le froid mordait toujours, le soleil ne voulait pas se lever, c'était l'hiver. On décida d'aller chez Denise pour manger des crêpes... Sous ses fenêtres, on chanta d'abord doucement puis de plus en plus fort sans parvenir à la réveiller. Alors nous avons chanté qu'autrefois, Denise allait derrière l'église et que... là elle ouvrit... et nous en sortîmes fatigués à sept heures pour rentrer à la maison.
Sur le coup de midi, nous nous sommes réveillés les uns après les autres. En ouvrant les volets, je vis des gens qui faisaient la tête :  » le mus « , mais  » un mus  » terrible. Peut-être avaient-ils mal dormi ? Je téléphonai à mes amis, ils me dirent que tout le village faisait le  » mus « .
Mais c'est de la faute à Carnaval ! S'il n'y avait pas eu Carnaval nous serions restés chez nous à faire cuire les bûches et heureusement que nous y étions pour le fêter sans quoi : pas de Carnaval et donc pas de printemps !
Nous décidâmes, alors, de fabriquer un bonhomme de papier. Nous l'appellerions Sent Pançard et, le mardi gras, nous le promènerions dans les rues du village avant de l'amener sur la place pour l'accuser de nos bêtises et le brûler !
Nous le fabriquâmes et arriva le Mardi Gras.
Sent Pançard posé au beau milieu de la place, le jugement put commencer. Il fut d'abord accusé de toutes les folies des jours passés... puis de tous les petits soucis de la vie quotidienne : la vache malade, la télévision en panne, le tonnerre trop fort, la neige trop froide, le soleil trop chaud... avant que n'arrivent les soucis plus importants : les disputes, le chagrin quand les gens s'en vont...
C'est alors que s'approcha la petite Léa. Le petit chat que lui avait donné son pépé était parti. Elle était triste et voulait que la faute en incombe à quelqu'un. Elle accusa Sent Pançard.
Soudain, le silence... Maria de Hauria, celle qui est vieille depuis toujours, avec le bleu profond de ses yeux et la neige de ses cheveux traversa la foule, sérieuse et fière, un petit papier à la main. Arrivée à côté de Sent Pançard, elle se retourna et dit :
» – Ici dessus, j'ai écrit mon souci le plus secret et le plus pesant, le plus vieux aussi. Je ne veux pas le dire devant tout le monde mais je veux qu'il s'en aille avec le brasier de Carnaval !  » Et elle colla son souci sur le dos du pantin.
Puis, les uns après les autres, dans un grand silence, les gens du village allèrent coller leur souci de papier sur le dos de Sent Pançard. Il y en avait des rouges, des verts, des bleus, des violets, mais aussi des blancs et des noirs... Pauvre Sent Pançard, il était chargé de soucis de toutes les couleurs...
Le Sent Pançard fut condamné à être brûlé immédiatement sur la place du village... Les bûches furent empilées, Carnaval posé dessus... Et,  » haut « , le feu fut allumé... QUEL BRASIER !
Les flammes commencèrent à manger les souliers de Sent Pançard parce que Carnaval avait des souliers de papier, des souliers de papier pour danser  » léger « ...
Puis elles montèrent pour manger le pantalon parce que Carnaval avait un pantalon de papier, un pantalon de papier pour danser  » léger « .
Puis la chemise parce que Carnaval avait une chemise de papier, une chemise de papier pour danser  » léger « ...
Puis le tricot parce que Carnaval avait un tricot de papier, un tricot de papier pour danser  » léger « ...
Et pour finir les soucis parce que Carnaval avait des soucis de papier pour danser  » léger « ...
C'est alors que Jan s'écria :
» – Regardez, les soucis s'en vont ! «
Au-dessus du brasier, au beau milieu de la fumée, des petits bouts de papier rouges de feu s'éparpillaient, c'étaient les soucis qui montaient, montaient, montaient dans le ciel. Au bout d'un moment, le vent du sud se leva, sûrement grâce au printemps, délivré de la tanière de l'ours. Il amena les soucis.
Nous les suivîmes !... Nous les suivîmes en traversant les prés, les buissons, les bois et arrivâmes au gave.
Là, le vent du sud les déposa un à un, tout doucement, dans l'eau verte de neige.
» – Où vont-ils ? Où vont-ils ?  » cria Sylvain.
Au bord du gave, il y avait un vieil homme que personne ne connaissait et qui regardait l'eau s'en aller. Il portait un pantalon bleu, une veste bleue, une casquette bleue avec une ancre dessus. En fait, il me rappelait quelqu'un, mais je ne savais pas qui. Il avait les yeux étranges, les yeux de quelqu'un qui a longtemps cherché... au fond de ses yeux, il y avait le bleu de l'océan... Il se leva, le doigt tendu vers la plaine et répondit :
» – A l'embouchure, petit... Ils s'en vont à la bouche de l'océan qui mange le gave. Ils s'en vont au Boucau. Tu sais, petit, le gave dévale la montagne mais il finit par se calmer et se promène tranquillement entre les champs comme s'il devenait vieux... il finit par arriver dans la gueule de l'océan, cette gueule qui mange le gave. Là, il essaie de reculer mais ne peut pas... un gave ne recule jamais... et les soucis non plus. Alors, ils s'en vont loin, loin dans l'océan et là, vont descendre jusqu'au plus profond, l'un après l'autre, tout doucement.
– Alors, au fond de l'océan, se trouvent tous les soucis du monde ?  » lui demanda Sylvain.
» – Non, lui répondit le vieil homme, parce qu'il y a le Minjachepics !
– Qui est-ce ?  » lui demanda-t-il
» – Un poisson. Un poisson que personne n'a jamais vu. On ne sait pas s'il est grand ou petit, rouge, vert, bleu, violet, blanc ou noir mais il est au fond de l'océan et mange les soucis du monde. C'est pour cette raison que les gens oublient vite les leçons de la vie. «
Le vieil homme abaissa son doigt. Au fond des yeux, il avait tous les soucis du monde. Avant de partir, il dit encore :
» – Prenez garde à ne pas marcher sur les braises, peut-être s'y trouve-t-il encore des soucis. Si vous marchiez dessus, vous pourriez les coller à vos semelles et les ramener chez vous... De plus, ils pourraient être les soucis de quelqu'un d'autre... Le vent du sud ou le vent de l'océan viendront bientôt les chercher. «
Le vieil homme partit comme Carnaval... Au village, personne ne l'a jamais revu, mais tous savent maintenant où partent les soucis, le dernier jour de Carnaval.
E cric e crac, lo Carnaval qu'ei cremat
E crac e cric, lo Carnaval qu'ei partit.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 19 Février 2015 à 10:19:47
(http://img.imagesia.com/fichiers/um/ocean4_imagesia-com_ump1_large.jpg) (http://imagesia.com/ocean4_ump1)
Plume de nuage

Il y a bien longtemps, quand le monde n'était pas encore tout à fait le monde, vivait sur la plus haute montagne de notre terre, le premier flocon tombé du ciel.

Ce premier flocon du monde, s'appelait Plume de nuage.

Et du haut de son perchoir, entre ciel et terre, il passait son temps à contempler la vie en la remerciant de l'avoir fait flocon de neige. Il était flocon de neige et se sentait merveilleusement bien dans ce corps de flocon.

Aujourd'hui encore, Plume de nuage se considère comme quelqu'un d'heureux. Seulement, aujourd'hui c'est un peu différent, car en vérité il aimerait en savoir un peu plus ;

Par exemple, depuis quelque temps, il se demande : "D'où vient réellement le soleil quand le matin il se lève derrière le glacier ?

Et où va-t-il lorsqu'il disparaît là-bas, tout au loin, derrière la ligne d'horizon ? ".

Non content de cela, actuellement se pose-t-il aussi des questions quant à sa propre existence.

"D'où est-ce que je viens ? Dois-je aller quelque part ?" Mais, faute de ne point trouver de réponses satisfaisantes, il se met à douter et prend conscience de son ignorance. Alors, pour tant de questions sans réponse, Plume de nuage devient triste, si triste qu'il se met à pleurer.

La seule larme qu'il verse, doucement se change en un glaçon. Plume de nuage quitte ainsi sa vie de flocon de neige au travers une larme pour renaître en un petit morceau de glace.

"Quelle étrange sensation, se dit-il. Mon corps est devenu aussi transparent que du verre !

... Mais que se passe-t-il ? Je sens que je glisse. Mon être entier se laisse glisser et descendre le versant de la montagne.

"Et plus il descend, plus il sourit. C'est alors que la glissade qu'il fait le prend d'une ivresse si débordante que Plume de nuage en vient à se tordre littéralement de rire. Il se tord tant et si bien que du glaçon fraîchement conçu, devient-il une petite flaque.

Très étrange, se dit-il, je sens mon corps d'une fluidité prodigieuse, je peux, comme je le désire, épouser chaque forme que je rencontre, la contourner ou entrer dans ses moindres recoins.

Et mon corps, bien que transparent, n'est plus dur comme la glace, mais aussi liquide que... de l'eau ! ?".

Plume de nuage comprend ! Il est devenu une goutte d'eau.

Une goutte d'eau pure, limpide et si fraîche qu'il sent monter en lui une nouvelle vigueur pour continuer sa route. Plume de nuage quitte sa montagne, au profit d'un petit ruisseau.

Là, il se fait porter par le courant à la rencontre de nouveaux paysages.

Mais après plusieurs kilomètres de tranquille traversée, la petite rivière se met à rejoindre une autre rivière, puis une autre... encore une autre.

A chaque nouvelle rencontre le courant s'accélère rapidement.

Plume de nuage n'en croit pas ses yeux. Devant lui maintenant la rivière de part se vitesse et son débit, devient un véritable torrent.

"Ou là ! comme je regrette le petit courant de tout à l'heure... mais impossible de revenir en arrière ! J'ai choisi d'aller visiter le monde et rien ne doit m'arrêter.

Gardons confiance ! A quoi bon résister ou se crisper. C'est en prenant le contre sens du courant que je risque de me faire mal".

Réflexion faite, Plume de nuage plonge sous l'eau et se fond littéralement au reste de l'eau.

IL s'y fond tellement bien, qu'il acquiert toutes les qualités du torrent : rapidité, puissance et bonne santé. Plume de nuage n'a plus rien à craindre. Il a compris qu'au lieu de combattre les forces de la nature il est préférable de les épouser... et de faire confiance.

Faire confiance ! ? oui... mais jusqu'où ?

Car là-bas, un peu plus loin une cascade gigantesque dans un brouhaha effroyable chavire toute l'eau du torrent qui arrive à vive allure. Aucune goutte d'eau ne peut y échapper.

"Ai-je vraiment raison de faire confiance, se dit Plume de nuage ? Qu'est-ce qui m'attend?

"A peine a-t-il posé cette question, qu'un courant d'une force prodigieuse le catapulte en plein cœur de la cascade.

Plume de nuage n'a pas la force de regarder, et ferme les yeux. Seulement il répète. Faire confiance ! Faire confiance - comme pour mieux s'en persuader - suivre le courant de la vie... et faire confiance.

Il se sent ballotté à droite, à gauche, sous l'eau, puis encore sous l'eau, de nouveau à droite de nouveau à gauche, encore sous l'eau, puis encore à droite... et...

Contre toute attente, il éprouve alors une bien étrange sensation.

Son corps est devenu fluide et léger. Puis il se sent pris d'un curieux bercement. IL ouvre les yeux... la cascade, maintenant, se trouvent au-dessus de lui à plus de cinquante mètres.

Il ouvre mieux les yeux et comprend qu'il est, grâce au vent léger, tombé sur la feuille d'un arbre qui tendait quelques unes de ses branches à proximité de l'eau.

La feuille qui l'a reçu, maintenant le berce gentiment.

Plume de nuage s'y repose un instant et la remercie en lui donnant un peu de son eau.

Encore une fois, il comprend que la nature fait bien les choses.

"Dorénavant, je n'ai plus à avoir peur, faire confiance aux forces de la vie ! voilà qui me mènera loin !
Allez, en route vers de nouvelles aventures ! s'exclame-t-il !".

Plume de nuage se laisse alors glisser jusqu'à la bordure de la feuille, puis s'étire, et tombe dans une eau devenue plus calme.

Tranquillement, Plume de nuage se laisse porter au fil de l'eau.

Au détour d'un courant il ose même aller caresser les mollets d'un Monsieur en train de tremper ses pieds au bord de la rivière.

Un peu plus en aval, il se blottit dans le creux d'une main d'un enfant qui éclabousse au autre enfant.. puis dégouline sur son visage avant de rejoindre sa rivière.

Maintenant la rivière s'élargit et repose majestueusement dans son lit. Plume de nuage s'y endort quelque temps... et rêve. Son rêve l'emporte loin... très loin...

Mais brassé ici et là par quelques remous et courants sous-marins, le rêve qu'il fait lui laisse dans la bouche, une certaine amertume qui finit par le réveiller.

Tout en ouvrant les yeux, il oublie le songe qu'il vient de faire. Seul dans la bouche, lui reste ce petit goût d'Amertume. Durant son sommeil, la rivière a quitté son lit. Maintenant elle est devenue un fleuve qui s'écoule paisiblement. Sur son dos passent de temps à autres des bateaux. Des petits, des gros...

Plume de nuage regarde autour de lui. Le paysage a bien changé. Seul demeure ce goût amer qui persiste dans sa bouche.

Le relief est plat et les arbres rares. Une nouvelle végétation d'herbes fines et élancées se courbent docilement, caressées qu'elles sont par le vent. Ce vent à quelque chose de bien particulier. Un parfum de sel semble s'y dégager. Ce même parfum que Plume de nuage sent non plus seulement dans sa bouche, mais dans la totalité de son corps.

Plume de nuage porte en lui le goût de ce sel. IL est devenu une goutte d'eau salée.

IL comprend alors que le fleuve a terminé son cours. Maintenant c'est un estuaire qui dans le crépuscule s'offre à lui.

Bientôt le soleil aura disparu.

Déjà le ciel prend son costume de nuit. Un croissant de lune laisse passer devant sa lumière quelques nuages effilochés. Une première étoile s'allume.

Mais ce qui retient l'attention de Plume de nuage ne se trouve pas dans le ciel. Non ! ce qui retient son attention, c'est le bruit qu'il entend.

Ce bruit n'a rien de comparable avec le brouhaha de la chute d'eau de tout à l'heure. Non ! le bruit que Plume de nuage entend parait venir d'un tout autre monde... et en même temps ce bruit lui semble si familier.

Alors, Plume de nuage comprend que ce qu'il entend, ce qui l'appelle... c'est la mer. La mer dans toute sa splendeur.

Une petite vague vient le chercher et se retire d'elle-même dans l'immensité océane. Le soleil au bout de l'horizon a disparu.

Une lueur mauve persiste encore quelques instants. Puis c'est la nuit. Et seul dans la nuit, un petit flocon de neige devenu goutte d'eau se laisse porter au rythme des vagues.

Plume de nuage se sent bien. Un sentiment de liberté coule dans ses veines. Chaque seconde devient éternellement sereine.

Puis doucement, dans le clair-obscur des étoiles et la lune, plume de nuage descend à l'intérieur de l'océan.

Et là, se repose entre une coquille Saint-Jacques et une anémone.

Lorsque Plume de nuage rouvre les yeux, un rayon de soleil lui tend la main et l'invite à remonter à la surface.

La mer est belle, le soleil miroite chaque vague qui s'élance. Et l'écume resplendit comme mille diamants. Plume de nuage se laisse emporter par une vague. Au sommet de celle-ci une telle ivresse monte en lui qu'un sentiment de force s'empare de ses pensées, lui donnant la brève illusion que lui, Plume de nuage, infime petite goutte d'eau est devenu plus grand que la vague, plus grand même que l'océan.

Mais lorsque la vague redescend et disparaît au sein même de cette mer qui venait tout juste de la créer, Plume de nuage reçoit une véritable douche froide. Dès lors, il comprend une nouvelle chose. IL comprend que son existence n'est qu'une vague de la vie, et qu'un jour cette même vie qui l'avait fait naître, le rappellerait.

Les jours, les années s'écoulent paisiblement.

Puis, alors que Plume de nuage, sur le dos d'un dauphin se dore au soleil, il sent dans son corps une nouvelle sensation. Quelque chose de chaud monte en lui.

Son enveloppe de goutte d'eau disparaît. Un filet de vapeur l'étire vers le haut.

Maintenant il voit le dauphin à plusieurs mètres sous lui.

Tout doucement Plume de nuage sent qu'il monte dans le ciel. Il n'a plus de corps. Même la vapeur a disparu. Simplement, lui reste la conscience d'exister.

Sans peine ni remords, Plume de nuage laisse ce qu'il quitte.

De sa hauteur, il admire la mer dans son entier. Puis l'ascension s'accélère. Plume de Nuage contemple une dernière fois sa planète. Elle est devenue un tout petit point bleu qui tourne autour du soleil.

Enfin, regardant le ciel, il ouvre son cœur en toute confiance puis s'écrie "J 'ARRIVE !"'... Et du ciel d'où il était venu, Plume de nuage disparaît.

Mais qui sait ?

Peut-être un jour reviendra-t-il en un nouveau flocon de neige ou pourquoi pas en un arbre de la forêt amazonienne ou simplement en petit garçon.

Peut-être aussi, ne reviendra-t-il pas ? Mais chut ! cela est une autre histoire...

D.T.L
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Février 2015 à 11:44:43
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Le petit garçon à la rose

C'est l'histoire d'un petit garçon qui trouva un jour sur son chemin une rose.

Il en caressa les pétales, et la rose que l'on avait coupée se dit: " je n'ai jamais eu autant de vie, depuis que ce petit garçon m'a cueillie".

Mais, il ne l'avait pas cueillie, il l'avait trouvée sans vie sur le chemin de sa vie. Il en est ainsi des choses : où certains pensent qu'on les fit, le hasard fit qu'on les trouva.

Et depuis, il aimait sa rose et en rêvait souvent la nuit.

Elle était toute rose -sa rose; il l'avait mise dans un grand verre d'eau, parce que la tige n'était pas longue et qu'elle n'aurait pas aimé la terre où l'on cachait les êtres et les choses.

C'était une belle rose d'été.

Le petit garçon s'est dit : " ce sera bien pendant l'hiver : quand je regarderai ma rose, je ne verrai plus que l'été et je n'aurai plus de pluie, ni d'hiver".

Il ignorait que les petits garçons grandissent après l'été et oublient toutes choses -même les roses qui se fanent quand vient l'hiver.

Le petit garçon s'est endormi -rêvant d'une rose perdue dans un grand verre  de cristal transparent.

Au matin, le soleil brillait: il regardait sa rose dormir, dolente -comme le font toutes les roses quand le jour se lève.

Il avait tant de choses à lui dire qu'il gardait en lui. Il l'aimait, mais il voulait tout faire très vite : arroser sa rose, écrire des lettres sur une ardoise, calculer et dessiner tous ces panneaux qu'il avait appris dans le livre du code de la route. Il avait envie de lui dire aussi qu'il courait après le vent -parce que le vent courait très vite et qu'on avait le temps de rien faire si on ne le rattrapait pas.

C'est qu'il voulait aller très vite le petit garçon à la rose -parce qu'il savait en son coeur qu'il fallait voler l'ombre des choses, avant que le jour nous les vole.

Parfois il restait silencieux à contempler sa rose -à poser son regard sur l'herbe d'un jardin, sur un oiseau qui vole; le petit garçon à la rose était très curieux, mais il restait souvent silencieux -parce que quand on aime, on n'a pas toujours besoin de parler.

A le regarder -ce petit garçon à la rose -on se trompait souvent , on pensait qu'il ne voyait pas, qu'il ne rêvait pas. On s'étonnait de son rire et des ses mouvements de bras qu'il faisait parfois en ivresse, comme un moulin à vent -sans savoir que c'était pour mieux sentir les vents d'été.

On s'étonnait de cette rose qui restait à le contempler, comme lui l'admirait.

A poser le regard sur la tête aux boucles blondes, à se perdre dans les yeux aussi clairs qu'un des plus beaux ciels de l'été, le temps semblait s'être arrêté.

Quand vient la fin de l'automne et que la nature s'endormit, un grand rire raisonna. L'enfant, comme chaque jour de l'été -avait  couru du jardin de l'ouie où les oiseaux s'étaient tu  jusqu'au jardin des odeurs où vivait sa fleur : il ne semblait rester personne -ni des oiseaux, ni des fleurs.

Pourtant, au bout de l'allée du jardin où il avait couru, il s'arrêta émerveillé devant la rose qu'il avait plantée  : la rose vivait, éclatante sous les nuages amoncelés d'un automne frileux. Elle offrait à son regard la roseur  de ses pétales, la douceur des parfums d'étés : l'amour qu'il lui avait donné.

L'enfant émerveillé et muet posa son visage sur les pétales de sa belle amie de l'été.

Ce fut la première fois je crois qu'une rose pleura à l'automne des perles de rosée, parce qu'elle se sentait aimée d'un petit garçon à la rose.

R.C.D
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Mars 2015 à 13:00:18
(http://img11.hostingpics.net/pics/251625lionsss.jpg)
Les pattes palmées du lion

Dans la savane africaine vivait un lion qui n'était jamais content. Il se plaignait sans cesse, et les animaux l'entendaient râler durant toute la journée, sans jamais s'arrêter.
Le lion n'était pas méchant, mais c'était un éternel insatisfait. "Le soleil est trop chaud !" l'entendait-on dire. "L'herbe est trop haute !", "Les singes sont trop bruyants !", "L'eau de la marre a mauvais goût !". Et comme cela pendant des heures et des heures.
Il lui arrivait même de se réveiller la nuit pour se plaindre d'un rêve qu'il venait de faire, ou de n'importe quelle autre chose pour laquelle il trouvait immédiatement un prétexte pour râler.
Cependant, même s'il grognait beaucoup, il avait pour habitude de très vite oublier les choses qui ne lui plaisaient pas. C'est pourquoi les autres animaux ne s'inquiètaient pas plus que cela de la mauvaise humeur du lion.
Un beau jour, alors que la chaleur était difficilement supportable, le lion était allongé sur un rocher non loin de la marre, observant les animaux en train de boire et se plaignant comme à son habitude.
C'est alors qu'arriva un éléphant. Il s'approcha lentement de la marre et rentra dans l'eau, éclaboussant tout le monde autour de lui. "Tsss, ce gros lourdeau éclabousse tout le monde !" pesta le lion. Mais il continua à regarder la scène.
L'éléphant fut bientôt rejoint dans la marre par un hippopotame, puis un phacochère, puis un petit singe. Et tous était bien heureux de venir se rafraîchir un moment et beaucoup d'autres animaux entrèrent dans l'eau à leur tour. Les zèbres et les alligators jouaient même ensemble dans l'eau.
Le lion en aurait bien fait de même mais il avait un secret, il avait très peur de l'eau ! Alors il resta à regarder les animaux dans la marre pendant que lui suait à grosses gouttes sur son rocher.
"Je suis le roi des animaux, et je ne sais même pas nager, quelle honte !" se dit-il. Et il était très triste. Alors il eut une idée.

À la nuit tombée, le lion alla voir le pélican. Le pélican fut très surpris de recevoir le lion à une heure si tardive mais l'invita à entrer. C'était le roi après tout.
- Hum, les journées sont chaudes en ce moment, commença le lion, et peut-être pourrais-tu me rendre un petit service.
- Mais bien sûr, répondit le pélican, que faut-il que je fasse ?
- Voilà, expliqua le lion, j'ai un petit problème, il ne faudra pas que tu le répètes aux autres animaux. Je n'ai jamais appris à nager, j'ai bien essayé une ou deux fois, mais avec mes grosses pattes je coule comme une pierre.
J'ai un marché à te proposer, si tu me prêtes tes pattes le temps de la saison chaude je te prêterai les miennes. Comme ça, avec tes pattes palmées, je pourrai aller me baigner et nager sans problème et toi avec mes pattes munies de griffes, tu pourras te défendre contre les prédateurs.
Le pélican accepta le marché, et le lion rentra chez lui, impatient d'essayer ses nouvelles pattes une fois le soleil levé.
Le lendemain, le lion marcha lentement jusqu'à la marre. Ce n'est pas vraiment facile pour un lion de marcher avec des pattes de pélican ! Il arriva tout essouflé à la marre, il faisait encore plus chaud que le jour précédent.
Et pour la première fois, il put entrer dans l'eau et nager avec une facilité qui étonna tous les autres animaux. Il passa la journée à nager, et y resta aussi la nuit, puis le jour suivant.
Mais il commençait à avoir faim, il fallait qu'il parte chasser. Mais hélas, des pattes de pélican, ce n'est pas très pratique pour chasser le zèbre ou la gazelle ! Il trébuchait sans cesse, se prenait les pattes dans les branches mortes, et ses pieds palmés faisaient "Flotch ! Flotch !" sur le sol sec et dur de la savane. Ce n'était vraiment pas discret pour chasser.
Très vite, il eut des ampoules aux pattes, sans compter qu'il s'était tordu le petit orteil plusieurs fois. En plus, il avait pris des coups de soleil sur les mollets .

Alors, il recommença à se plaindre, tout en se disant quand même que ça irait mieux demain. Mais le lendemain, ce fut pareil. Et le jour d'après aussi. Et chaque soir, il revenait de la chasse épuisé et le ventre vide.

Au bout de 5 jours, il retourna chez le pélican.

Comme le premier soir, le pélican le fit entrer. Il avait toujours les pattes du lion mais ses plumes étaient terriblement sales, gluantes et toutes collées et il avait des griffures plein la tête.

- Mais que s'est-il passé ?? demanda le lion.

- Oh, répondit le pélican, je ne sais pas me servir de tes pattes, je ne peux même plus entrer dans l'eau pour me laver car je n'arrive pas du tout à nager avec ! En plus, à chaque fois que je veux me gratter, j'oublie que j'ai des griffes acérées au bout des doigts et je me blesse !

Le lion raconta alors à son tour au pélican qu'il n'arrivait pas non plus à se servir de ses pattes palmées, et qu'il n'avait pas mangé depuis des jours.

Alors, il décidèrent chacun de reprendre leurs pattes d'origine. Et le pélican put à nouveau aller dans l'eau, et le lion recommença à chasser comme avant.

Une chose avait changé cependant. On n'entendit plus jamais le lion se plaindre. Il avait compris qu'on ne peut pas être bon en tout. Lui ne savait pas nager, mais il était l'animal le plus silencieux et le plus respecté de la savane et il n'aurait changé cela pour rien au monde.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 08 Mars 2015 à 09:49:24
(http://img11.hostingpics.net/pics/874373chhh.jpg)
Le chat qui voulait aller au ciel

Il était une fois un peintre japonais très, très pauvre... Le plus pauvre parmi les démunis dont les ressources n'allaient qu'en s'amenuisant et qui perdait peu à peu courage malgré toute la sagesse que sa foi lui conférait.

Un jour, il dit à sa vieille tante qui logeait avec lui n'ayant guère les moyens de se subvenir plus que lui :
"Ma tante, prenez cette dernière pièce d'argent que nous avons, et allez nous acheter encore le peu de nourriture qu'elle nous vaudra, nous n'en avons presque plus... Et, après, cela eh bien... nous nous coucherons et le destin décidera de ce qu'il adviendra..."

Et la vieille s'incline et s'exécute. Elle s'en revient un peu plus tard, mais au lieu d'avoir rempli son cabas de riz et d'autres nourritures, elle porte dans son kimono un tout petit chat.

Le peintre s'étonne, consterné et la vieille gênée lui explique que sortie pour leur offrir un dernier repas, elle n'a pu faire quelques pas avant d'arriver à une petite échoppe qui exposait le chaton.
" O mon neveu, je sais que je n'ai pas suivi vos ordres, et je sais aussi que cela ne semble pas raisonnable, mais j'ai plutôt acheté ce petit chat car il y a, dans le premier regard que nous avons échangé la promesse d'un heureux avenir...".

Le peintre hoche la tête désespéré mais calme, il quitte la pièce, remplit une écuelle et la porte au chat. Ce dernier prend poliment possession des lieux mais, pendant une grosse semaine, il ne touche pas à la nourriture. Comme s'il avait compris qu'il n'en restait plus beaucoup dans cette maison et que chaque bouchée doit y être mesurée.
Le peintre, d'ailleurs, le remarque, s'étonne et se sent touché par l'attitude du chat. Mais il ne reste quand même presque plus rien à manger dans la pauvre demeure...

Le matin suivant, on frappe à la porte. C'est le prêtre du grand temple de la ville qui vient proposer au pauvre peintre de réaliser une fresque de la mort du Bouddha dans le plus grand temple de la ville... Le peintre croit rêver car le voilà lui et sa maisonnée sauvée de la misère et de la mort. Cette œuvre devait lui apporter plus que jamais, il n'avait rêvé avoir : la richesse bien sur mais de plus la gloire et le respect de tous.

Le peintre jette un œil au petit chat, puis à la vielle bonne, esquisse un sourire et... bien entendu, il accepte. Le petit chat, en faisant un petit miaou timide, commence enfin à lécher un peu de son écuelle...

Et le peintre se met au travail... or selon la légende, lorsque le Bouddha a été à l'article de la mort, toutes les créatures de la terre, humains et animaux, ont dépêché des représentants pour lui rendre un ultime hommage. Toutes, sauf les chats... trop paresseux, trop orgueilleux, trop indépendants, ceux-ci ne se mêlèrent pas à l'hommage et auraient été maudits par le dogme de la légende bouddhiste et exclus du paradis à tout jamais. Alors le peintre commence sa fresque ... Il dessine le Bouddha, allongé sur le flanc, couché sur un lit de pétales de roses ... Tous les animaux et toutes les créatures en hommage prêt de lui ... et les mois courent sur un titanesque travail de précision et de respect des textes. Le petit chat, toujours à ses côtés, sans faire de bruit ni bouger d'une vibrisse, le regarde, intensément ...

Puis, le peintre se met à peindre l'éléphant qui, toujours selon la légende, est le premier à être venu rendre au Bouddha son dernier hommage. Et le petit chat est toujours là, comme absorbé par le travail du peintre...

Puis, c'est le tigre, puis le rat musclé, puis le serpent à lunettes, la gélinotte huppée, l'ibis de Nubie, le harfang des neiges, la tortue des Galapagos, le chameau à deux bosses de Bactriane, l'agouti mundi, l'escargot géant du Centre-Sud, le marabout ... Et le petit chat est toujours là, intensément là, sans bouger, mais tout vibrant de ce qui doit arriver malgré tout ...

Et le peintre poursuit sa toile en dessinant le cheval, la girafe, le hérisson, le chat sauvage hottentot, le rat géant de Sumatra, l'ornithorynque nain, le toucan commun, la gazelle de Kruger, le lépidoptère de Nouvelle-Guinée...

La complicité entre l'artiste et le félin est à son comble et pourtant quelque chose y manque ... Le peintre se met à lui parler un peu, puis plus, puis enfin tout le temps.

Un jour, n'y tenant plus, ayant il s'adresse au petit chat :
"Écoute... tu sais que... je ne peux pas te peindre dans la fresque parce que..."
Et le petit chat baisse les oreilles, lance un " hwmrmw " un peu triste, et va se rouler en boule au fond de la pièce, brisant le cœur du peintre attaché plus qu'il ne l'aurait du à l'animal qui s'est confié à lui avec toute la candeur d'un enfant.

Le dilemme est terrible pour notre peintre, il hésite, doute, conscient de lutter contre une hérésie qui lui coûterait tant mais donnerait au compagnon de son âme le seul bonheur qu'il n'ait jamais réclamé. Mais finalement, priant que nul ne l'aperçoive, il dessine en toute fin de sa fresque, à l'ultime angle de toile, si petit qu'on oublierait aisément de le remarquer, un petit chat tout à fait conforme à celui que la folie d'un jour de désespoir lui a offert.

Le lendemain matin, en voyant ça, le petit chat est transporté d'un tel bonheur qu'il meurt de joie. Désemparé et éprouvant pourtant une énorme satisfaction, le peintre présente enfin la fresque qui est exposée dans le grand temple.

La première réaction voit l'ensemble de la communauté exprimé le plus pur ravissement et le respect le plus profond pour l'œuvre magnifique réalisée par le peintre mais un curé un peu plus attentif que les autres remarque la minuscule forme tout à l'extrémité du tableau et s'indigne de l'hérétique présence d'un chat :
"Profanation! Sacrilège! Péché mortel !"

Le peintre s'attrista d'être même trop pauvre pour avoir un sabre pour convenablement mettre fin à sa vie. La vieille tante se mis à douter d'avoir vraiment eu une si bonne idée et l'écuelle du petit chat restait inutilement posée à terre.

Puis la nuit vint et le lendemain, le petit prêtre qui allait ouvrir les stores du grand temple, se frotta les yeux quand il jeta un œil sur la fresque promise au bûcher et en resta bouche bée. Enfin il se précipita pour réveiller le grand-prêtre, lequel accourut pour voir l'œuvre qu'il avait violemment condamné la veille.

Et là, le grand-prêtre n'en cru pas ses yeux. Sur la toile, en effet, il y avait toujours le Bouddha étendu sur le flanc, prêt à partir en aller simple pour le nirvana, les traits rayonnant d'une béatitude profonde... à son chevet l'hommage ultime de toutes les créatures de la terre, sauf qu'à l'ultime extrémité, il n'y avait plus de petit chat.

Quelqu'un, se dit le grand-prêtre en lui-même, les dieux eux-mêmes peut-être, a du vouloir réparer le blasphème pendant la nuit, et a coupé la bordure de la fresque. Pourtant rien n'avait été enlevé, sinon cette silhouette qui avait disparue et le prêtre regardait la toile comme troublé par un détail qu'il ne pouvait plus voir. On aurait dit qu'il y avait quelque chose de changé dans la représentation même du Bouddha, dans son sourire... Oh, pas grand chose, en fait, presque rien... Excepté que ses mains n'étaient plus jointes, mais un peu entrouvertes, et, entre elles, ronronnait un tout petit chat.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Mars 2015 à 10:06:25
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La petite couturière

Près de la source d'une petite rivière habite dans une jolie maisonnette une petite couturière.  Sous la magie de ses dix doigts, coupons de tissus, rubans et fils de soie deviennent tutus, jupons et pantalons.  « Turlututu, voilà qui est cousu ! » a-t-elle coutume de dire dans un éclat de rire, avant de reprendre mesure.

Depuis la mort de sa maman, la petite couturière habite chez Babouchka, sa grand-mère.  Coussins cerise, tentures coquelicot et couvertures rouges groseille, tout chez elles, est cousu, brodé et tricoté.  Pas un carré de tissus qui échappe à l'aiguille frénétique de la petite ! Du sol au plafond, s'empilent pelotes, bobines, épingles et boîtes à boutons.

Derrière les rideaux qui chatoient, la campagne s'est revêtue de blanc.  L'hiver est rude cette année.  Sous la chaleur du feu de bois qui crépite dans la cheminée, babouchka et la petite couturière se pelotonnent sous les édredons, et babouchka raconte...  Elle conte des histoires horrifiques et magiques.  A moitié endormie, la petite couturière oublie un instant la dureté des temps : en pensée, elle affronte dragons, ogres et sorcières et rêve qu'elle aussi épousera un prince...

Hélas ! Trois fois hélas !  Lorsqu'on est couturière de mère en fille, on n'échappe pas à son destin !  Par ces temps de froidure, il y a bien peu de travail.  Pour occuper ses mains, la petite couturière brode un châle écarlate, qu'elle orne de roses rouges, fines et délicates.

Mais bientôt, l'argent vient à manquer.  « Je vais chercher du travail en ville, Babouchka », soupire la petite couturière.
« Va te présenter chez Mademoiselle Bagatelle. Ta mère y a travaillé autrefois ». Et Babouchka sort de sous son matelas une petite poupée. C'est une poupée de chiffons, cousue sans doute par une lointaine ancêtre. « Prends cette poupée, mon enfant ! C'est ma mère qui me l'a donnée.». Puis Babouchka, d'une voix enrouée, abrège les adieux. « File, à présent ! ».

Et la petite couturière, sa poupée en poche, emmitouflée de son châle finement brodé, arrive dans la grande ville. La ville est grise et cendreuse, les gens semblent si tristes. Mais en pénétrant dans l'atelier de Mlle Bagatelle, elle n'en croit pas ses yeux. Jamais elle n'a vu tant de splendeurs ! Les brocarts, les soieries, les velours s'étagent dans un chatoiement de couleurs mordorées.

L'œil de lynx de Mlle Bagatelle se fixe sur la petite couturière – « Qui a brodé ce châle ? », demande-t-elle. « C'est moi, Mademoiselle » « Vous êtes engagée, fillette ! Mais ne me décevez pas ! »

Hélas ! La vie dans l'atelier de Mlle Bagatelle est épuisante. Car cette virtuose de la couture a un caractère exécrable ! Plus méchante qu'une guêpe à la fin août !
Dans le cliquetis des machines à coudre, le regard de notre petite couturière par moment s'égare et caresse les nuages. Elle pense à Babouchka, rêve de feu de bois et d'édredon moelleux. « A l'ouvrage, fainéante ! » retentit la voix de crécelle de Mlle Bagatelle. Notre petite couturière pousse un léger soupir, enfile le chas de l'aiguille et reprend son ouvrage.

Quand vient la nuit, quand, enfin, son ouvrage est fini, elle s'effondre, épuisée, à bout de forces, dans sa chambrette. Sa seule amie est la petite poupée, à qui elle raconte ses petits secrets, ses chagrins et ses espoirs.
Dans son immense palais doré, le tsar se désespère. Il a un fils. Un fils unique. La prunelle de ses yeux. Mais nul, jamais, ne l'a vu sourire. Une idée lui vient, un soir de mélancolie : il donnera un bal ! Il invitera les plus jolies jeunes filles : à celle qui déridera le prince bougon, il promet le royaume. En ville, c'est l'effervescence ! Les créations de Mlle Bagatelle sont les plus prisées des élégantes et des coquettes, et toutes veulent une robe à froufrous et un nœud sur le pète ! Les petites mains de l'atelier se mettent à l'ouvrage.

La petite couturière s'épuise à la tâche, jusqu'à verser des pleurs d'épuisement. Bientôt, l'ardeur de la petite couturière est récompensée : nœuds sur le pète et culottes en dentelles n'ont plus de secrets pour elle ! Mlle Bagatelle, exceptionnellement satisfaite, lui offre une invitation au bal. Les autres apprenties, jalouses, se moquent d'elles : « Tu seras ridicule, petite souillon parmi les élégantes ! ». « Veux-tu séduire le prince avec ces haillons ? ».
« Que vais-je faire, petite poupée ? » murmure-t-elle, désespérée, à sa poupée de chiffons. Le regard de la petite poupée se dirige vers les coupons de soieries et de taffetas, les bouts de dentelles et de rubans, qui s'empilent dans un fouillis indescriptible au fond de l'atelier. « Oui, oui, c'est une bonne idée !» La petite couturière rassemble, puis elle trie ceux avec lesquels elle pourra se coudre une jupe. Mais elle est épuisée, ses doigts sont gourds et ses yeux brûlants. « Je n'en puis plus ! », et elle s'endort d'un sommeil bien mérité, le nez dans les épingles. En sursaut, elle se réveille, affolée, et, à sa grande surprise, le jupon est cousu. Les yeux de la poupée semblent briller de satisfaction !
Oh, bien sûr, c'est un jupon de bric et de broc, mais jamais la petite couturière n'a porté de si jolies étoffes !

Sa petite poupée en poche, elle pénètre émerveillée dans le palais doré du tsar.
La fête est somptueuse, un feu d'artifice illumine le ciel, un orchestre emplit la nuit de notes endiablées. La petite couturière vit un rêve éveillé devant toutes les dames élégamment parées, à qui elle voudrait tant ressembler. Le bal commence, la nuit est féérique. Le prince danse avec les plus belles. La petite couturière, délaissée, se sent devenir transparente.
Elle cherche un peu de fraîcheur dans le jardin. A l'ombre d'une charmille, un montreur d'ours côtoie un théâtre de marionnettes. Notre petite couturière s'y attarde un instant, se laisse prendre par la magie des histoires et ne voit plus le temps passer.
« Et, maintenant, Mesdames et Messieurs, vous n'allez pas en croire vos yeux ! ». C'est un petit magicien. Ses yeux sont malicieux, deux fossettes rieuses rident ses joues rondes. « Devinez ce qui se cache dans mon chapeau ? » « Mais c'est ma poupée ! » s'exclame la jeune fille, « Venez donc la chercher ! » et le petit magicien, malicieux, lui vole ... un baiser. Un baiser ... sur le nez ! Devant tant de facéties, le rire cristallin de la petite couturière résonne dans la nuit.

Le prince, en entendant ce rire qui tinte dans la nuit comme un petit grelot, lève son doigt et arrête les musiciens. Il cherche d'où vient ce son charmant qui a ravi ses oreilles, et son regard s'arrête sur la petite couturière, rouge de confusion. Il l'invite à danser et en tombe éperdument amoureux.
« Voulez-vous m'épouser ? »
La petite couturière, éblouie, s'empresse d'accepter.
Tapi dans l'ombre, le petit magicien ne la quitte pas des yeux.
Après le bal, une nuée de servantes entourent l'heureuse élue, l'emmènent au château, la coiffent, la parfument, la parent des plus beaux vêtements.
La tsarine arrive, chausse ses lorgnons, soupire devant le choix incompréhensible de son fils, s'empare d'un air dégoûté du jupon de bric et de broc.
« Qu'est-ce que cette horreur ? » s'exclame-t-elle, dégoûtée, en découvrant la poupée, qu'elle jette par la fenêtre. La petite couturière n'ose rien dire. Le lendemain matin, quand le palais dort encore, elle descend dans le jardin mais elle a beau chercher partout, la petite poupée a disparu.

Elle en est inconsolable...
Commence pour la petite couturière une vie d'un ennui mortel. La reine la déteste ! La petite couturière essaie de lui plaire. Mais tétanisée par son regard sévère, elle multiplie les maladresses. Elle renverse sa bisque de homards sur son corsage de satin. S'emberlificote et fait la révérence aux servantes. Chancelle dans ses souliers vernis et s'affale sur les parquets luisants. Elle appelle les ambassadeurs « Madame la duchesse », et les archiduchesses « Monsieur l'ambassadeur ». La tsarine, perfide, susurre à ses dames de compagnie : « quelle désastre ! Jamais nous n'en ferons une « princesse-à-marier » digne de ce nom ! ». Le prince est décidément un bien triste sire, toujours grognon. « C'est ainsi que sont tous les maris ! » affirme la tsarine.

Souvent, notre petite couturière pense avec nostalgie à sa petite poupée, à sa vie chez Babouchka, aux tissus, aux fils de soies et aux rubans qu'elle aimait tant tisser et broder.

Le grand jour est arrivé : c'est le matin des noces ! Les cloches volent à toute volée dans l'air froid du matin. La petite couturière caresse de la main les dentelles qui ornent sa robe de mariée. Sa décision est prise ! Elle enfile son jupon de bric et de broc, s'échappe du palais et court chez sa grand-mère.
- « Aide-moi, Babouchka, je ne veux plus l'épouser ! »
- « Malheureuse enfant ! Tu ne peux y échapper ! »
- « Fuyons, Babouchka ! »
Et la grand-mère s'adoucit devant la détresse de la petite. Camouflées sous leurs châles brodés, elles s'enfoncent dans la campagne blanche. La neige s'enfonce sous leurs pas.
Le soir, pour ne pas sentir le froid, Babouchka lui raconte une histoire. Ravie, la petite couturière s'endort dans ses bras...
« J'ai fait un rêve étrange », murmure-t-elle à son réveil. « Ma petite poupée réapparaissait comme par magie ... magie ... Le petit magicien ! Babouchka, je sais où est ma poupée ! »

Babouchka et la petite couturière ont marché longtemps, dans les étendues infinies de la steppe. Un jour, au détour du chemin, elles ont entendu ... « Et, maintenant, Mesdames et Messieurs, vous n'allez pas en croire vos yeux ! Devinez ce qui se cache dans mon chapeau ? »
« As-tu emporté ma petite poupée, magicien ? » « Oui, et je te l'échange contre un baiser ! ». La petite couturière a donné un baiser au petit magicien. Mais un baiser ... sur la bouche !

Si vous vous promenez un jour dans les étendues infinies de la steppe, vous reconnaîtrez sans peine la roulotte de Babouchka et de la petite couturière. Coussins cerise, tentures coquelicot et couvertures rouges groseille, tout y est cousu, brodé et tricoté. Du sol au plafond, s'empilent pelotes, bobines, épingles et boîtes à boutons. C'est que la petite couturière ne manque pas d'ouvrage : elle fabrique désormais les marionnettes du théâtre, dont Babouchka invente les histoires.
L'on raconte que le prince, dans son palais doré, ne se console pas d'avoir perdu celle qui l'avait charmé de sa si jolie voix. Mais cela, c'est une autre histoire et peut-être, un jour, vous la raconterai-je ...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Mars 2015 à 20:22:01
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Vassilisa La Belle


II était une fois un marchand qui avait une fille unique, Vassilisa la Belle. Sa femme mourut alors que la petite allait sur ses huit ans. Sentant approcher sa fin, la mère l'appela, prit une petite poupée cachée sous ses draps et dit à Vassilisa :
- Écoute mes dernières paroles, obéis à mes dernières volontés. Je te donne cette poupée avec ma bénédiction maternelle. Garde-la, ne la montre à personne. Si tu es dans la peine, si quelque mal t'advient, offre à manger à ta poupée et demande-lui conseil. Elle t'aidera dans le malheur.
La femme du marchand embrassa sa fille et mourut. Le veuf se désola comme il convient, puis songea à se remarier. Il choisit une femme plus très jeune, veuve comme lui, avec deux filles de l'âge de la sienne: une bonne ménagère, s'est-il dit, et mère de famille avisée. Il l'épousa donc. Mais la femme et ses filles étaient jalouses de Vassilisa. Elles la tourmentaient, de besogne l'accablaient, pour que le vent et le soleil la fassent noircir, que le travail la fasse dépérir. Mais Vassilisa supportait tout sans se plaindre et devenait chaque jour plus belle, chaque jour plus blanche et rosé, alors que la marâtre et ses filles qui ne bougeaient pas, ne faisaient rien de leurs dix doigts, maigrissaient de dépit, jaunissaient d'envie.
   Ce qu'elles ne savaient pas, c'est que sa poupée aidait Vassilisa. Le soir, quand tout le monde s'endormait, la jeune fille s'enfermait dans son appentis, servait à manger à sa poupée et lui racontait ses malheurs : - Petite poupée, mange à ta faim, écoute mes peines-chagrins! Triste est la maison de mon père, la méchante marâtre veut ma perte.

La poupée mangeait, puis elle consolait Vassilisa, la conseillait et, au matin, faisait tout le travail à sa place. Vassilisa se repose à la fraîcheur, cueille des fleurs et, pendant ce temps, l'eau est puisée, les choux arrosés, le potager sarclé, le feu allumé. Et la jeune fille choyait sa poupée, lui gardait les meilleurs morceaux. Plus Vassilisa grandissait, plus elle embellissait et plus sa marâtre la haïssait. Un jour le marchand dut partir en voyage pour longtemps. La marâtre s'en alla habiter une maison à l'orée de la forêt. Dans cette forêt vivait Baba-Yaga, la vieille sorcière. Elle ne laissait personne approcher de son domaine et croquait les gens comme des poulets. Pour se débarasser de Vassilisa, sa marâtre l'envoyait tout le temps dans la forêt - chercher ceci, apporter cela. Mais la jeune fille revenait saine et sauve, sa poupée la guidait, l'éloignait de la maison de Baba-Yaga.
   L'automne vint.. Dehors, il faisait sombre, il pleuvait, le vent hurlait, c'était déjà la fin de l'automne. Durant les longues soirées les filles travaillaient : l'une à faire de la dentelle, l'autre à tricoter des bas et Vassilisa à filer le lin. La marâtre leur donna la tâche pour la nuit et se coucha, ne laissant qu'une chandelle allumée pour les travailleuses. L'une de ses filles fit mine de moucher la chandelle et l'éteignit, comme sans faire exprès. Et de s'exclamer :
- Quel malheur ! L'ouvrage n'est pas terminé et il n'y a pas un tison dans la maison. Il faut aller demander du feu à Baba-Yaga ! Qui va y aller ?
- Pas moi, dit la dentellière. Avec mes épingles, j'y vois clair !
- Ni moi, dit la tricoteuse. Mes aiguilles brillent, j'y vois bien. Et toutes les deux s'en prirent à Vassilisa : - C'est à toi d'aller chercher du feu chez Baba-Yaga !
Et elles la poussèrent hors de la pièce. Vassilisa courut à son appentis, servit le souper à la poupée, lui dit en pleurant :
- Petite poupée, mange à ta faim, écoute ma peine-chagrin ! On me dit d'aller chez Baba-Yaga. Elle va me dévorer !
- Ne crains rien, lui répondit la poupée. Prends-moi avec toi et va tranquillement où l'on t'envoie. Tant que je suis là, nul mal ne peut t'arriver.
   Vassilisa mit sa poupée dans sa poche et s'en alla dans la forêt obscure, sur des sentes inconnues, sur des chemins perdus. La forêt était épaisse, aucune étoile ne brillait dans les cieux, la lune était cachée. Vassilisa cheminait depuis quelque temps quand un cavalier la dépassa: tout blanc, de blanc vêtu et monté sur un cheval blanc, harnaché de blanc. Aussitôt le ciel devint plus clair. Elle poursuivit son chemin et vit un autre cavalier : tout rouge, vêtu de rouge et monté sur un cheval rouge de rouge harnaché. Et le soleil se leva. Ce n'est qu'au soir tombant que Vassilisa atteignit la clairière où vivait Baba-Yaga. Sa maison d'ossements était faite, des crânes avec des yeux ornaient le faîte, pour montants de portail des tibias humains, pour loquets-ferrures des bras avec des mains, et en guise de cadenas verrouillant la porte, une bouche avec des dents prêtes à mordre.
   La pauvre jeune fille tremblait comme une feuille en voyant ça, quand un cavalier arriva : tout noir, de noir vêtu et monté sur un cheval noir au noir harnais. Aussitôt la nuit tomba et s'allumèrent les yeux des crânes, si bien qu'on y voyait comme en plein jour. Vassilisa aurait bien voulu se sauver, mais la peur la clouait sur place. Tout à coup il se fit grand bruit dans la forêt. Les branches craquaient, les feuilles crissaient. Et déboucha dans la clairière Baba-Yaga, vieille sorcière. Dans un mortier elle voyage, du pilon l'encourage, du balai efface sa trace. Le mortier s'arrêta devant le portail, Baba-Yaga huma l'air et s'écria :
- Ça sent la chair humaine par ici ! Montre-toi, qui que tu sois ! Toute tremblante, Vassilisa s'approcha en saluant bas :
- C'est moi, grand-mère. Les filles de ma marâtre m'ont envoyée chez toi, te demander du feu.
- Oh, je les connais, dit Baba-Yaga. C'est bon, tu vas rester ici et me servir. Si le travail est bien fait, je te donnerai du feu, autrement, je te mangerai !

Baba-Yaga se tourna vers le portail et cria :
- Déverrouillez-vous, cadenas résistants ! Large portail, ouvre-toi à deux battants ! Le portail s'ouvrit et Baba-Yaga roula dans la cour en sifflotant. Vassilisa la suivit. Et le portail se referma. Une fois dans la maison, Baba-Yaga s'affala sur un banc et ordonna à Vassilisa :
- Que tout ce qui est au four et dans le garde-manger devant moi vienne se ranger ! Et dépêche-toi, j'ai faim !
Vassilisa se mit à la servir. Pâtés et rôtis, salmis et confits, tartes et tourtes, jambons et soupes. Elle tira du cellier piquette et eau-de-vie, bières et vins à l'envies - de quoi boire-manger pour dix ! Baba-Yaga nettoya tous les plats, vida brocs et bouteilles jusqu'à la dernière goutte. Elle ne laissa pour Vassilisa qu'un quignon de pain, un peu de soupe et un bout de cochon rôti. Puis elle dit :
- Demain, après mon départ, tu balayeras la cour, nettoieras la maison, prépareras le dîner, rangeras le linge. Après ça, tu prendras dans la huche un boisseau de blé que tu vas trier grain par grain. Et tâche que tout soit bien fait, sinon je te mange ! Elle se coucha et se mit à ronfler. Vassilisa servit à sa poupée les restes du souper de Baba-Yaga et lui dit en pleurant :
- Petite poupée, mange à ta faim, écoute ma peine-chagrin ! Si je ne fais pas tout ce travail, Baba-Yaga va me manger !
- Ne crains rien, lui répondit la poupée. Va dormir tranquille, le soir voit tout en noir, mais le matin est plus malin !
   Vassilisa se leva avant l'aube, mais Baba-Yaga était déjà debout. Bientôt les yeux des crânes s'éteignirent. Passa le cavalier blanc et le jour se leva. Baba-Yaga sortit dans la cour et siffla, aussitôt le mortier vint se ranger devant elle, avec le pilon et le balai. Le cavalier rouge passa et le soleil apparut. Baba-Yaga monta dans son équipage et fila bon train. Dans un mortier voyage, du pilon l'encourage, du balai efface sa trace!... Restée seule, Vassilisa fit le tour de la maison en se demandant par quel bout commencer l'ouvrage, quand elle vit que tout était déjà fait, la poupée triait les derniers grains de blé. Vassilisa l'embrassa :
- Comment te remercier, ma poupée chérie ! Tu m'a sauvé la vie. La poupée grimpa dans sa poche en disant: - Tu n'as plus que le dîner à préparer. Puis repose-toi.
   Au soir tombant, Vassilisa mit la table. Bientôt le cavalier noir passa et la nuit tor Les yeux des crânes s'étaient allumés, on entendit les branches craquer, les feuilles cri: c'est Baba-Yaga qui arrivait. Vassilisa sortit à sa rencontre.
- Le travail est-il fait, l'ouvrage bien terminé ? demanda Baba-Yaga. Vois par toi-même, grand-mère, répondit la jeune fille. Baba-Yaga inspecta tout, regarda partout sans trouver rien à redire. Elle grogi « Bon, ça peut aller...» puis appela :
- Fidèles serviteurs, mes amis de cœur, venez moudre mon blé !
Alors trois paires de bras ont apparu, ont emporté le grain hors de la vue. Baba-Y dîna et se coucha en disant :
- Demain, en plus de tout ce que tu as fait aujourd'hui, tu vas trier un boisseau graines de pavot. De la terre s'y est mêlée, tâche qu'il n'en reste pas trace, sinon je mange ! Elle se mit vite à ronfler. Vassilisa servit sa poupée qui mangea et lui dit comme la veille : - Va dormir tranquillement, tout sera fait. Le matin est le plus malin !
   Le lendemain, l'ouvrage fait en un tournemain, Vassilisa se reposa tranquillement. A son retour, Baba-Yaga inspecta tout, regarda dans tous les recoins, ne trouva rien redire. Elle appela :
- Fidèles serviteurs, mes amis de cœur, venez presser l'huile de mes graines de pavot ! Trois paires de bras ont apparu, ont emporté les graines hors de la vue. Baba-Yaga s'attabla pour dîner. Vassilisa la servait en silence et la sorcière grommela :
- Pourquoi ne dis-tu rien ? Tu es là, comme une muette !
- C'est que je n'osais pas, grand-mère ! Mais si tu le permets, je voudrais bien demander quelque chose.
- Demande ! Mais toute question n'est pas bonne à poser. D'en savoir trop long, on vieillit trop vite !
Je voudrais que tu m'expliques ce que j'ai vu, grand-mère. En venant chez toi un cavalier blanc m'a croisée. Qui est-il ?
- C'est mon jour clair, répondit Baba-Yaga.
- Après ça j'ai vu un cavalier tout rouge, qui est-ce ?
- C'est mon soleil ardent.
- Et puis j'ai vu un cavalier tout noir, qui est-ce ?
- C'est ma sombre nuit, répondit Baba-Yaga. Tous trois sont mes serviteur fidèles ! Tu veux savoir autre chose ?
Vassilisa pensait aux trois paires de bras, mais n'en souffla mot. Baba-Yaga lui dit - Eh bien, tu ne me poses plus de questions ?
- J'en sais bien suffisamment pour moi, grand-mère ! Tu l'as dit toi-même - à trop savoir, on vieillit vite.
- C'est bien, - approuva Baba-Yaga. - Tu interroges sur ce que tu as vu dehors, pas sur ce qui se passe dedans. J'entends laver mon linge en famille, et les trop curieux, je les mange ! Et maintenant c'est mon tour de te poser une question: comment arrives-tu à faire tout le travail que je te donne ?
- La bénédiction maternelle me vient en aide, grand-mère.
- C'est donc ça ? Eh bien, fille bénie, tu vas prendre la porte, et tout de suite encore ! Je n'en veux pas, de bénis, chez moi !
Baba-Yaga poussa la jeune fille dehors, mais avant de refermer le portail, elle prit un crâne aux yeux ardents, le mit au bout d'un bâton qu'elle fourra dans la main de Vassilisa : Voilà du feu pour les filles de ta marâtre ! Après tout, c'est pour ça qu'elles t'avaient envoyée chez moi.
   Vassilisa partit en courant dans la forêt. Les yeux du crâne éclairaient son chemin et ne s'éteignirent qu'à l'aube. Elle chemina toute la journée et, vers le soir, comme elle approchait de sa maison, elle se dit : « Depuis le temps, elles ont sûrement trouvé du feu...» et voulut jeter le crâne. Mais une voix en sortit :
- Ne me jette pas, porte-moi chez ta marâtre !
Vassilisa obéit. En arrivant, elle fut bien étonnée de ne pas voir de lumière dans la maison, plus étonnée encore de voir la marâtre et ses filles l'accueillir avec grande joie. Depuis son départ, lui dit-on, pas moyen d'avoir du feu dans la maison. Celui qu'on allume ne prend pas, celui qu'on amène de chez les voisins s'éteint.
- Le tien se gardera mieux, peut-être, dit la marâtre.
Vassilisa apporta le crâne dans la chambre. Aussitôt les yeux brûlants se sont fixés sur la marâtre et ses filles, les suivant partout, les consumant. En vain tentaient-elles de fuir ou de se cacher, les yeux les poursuivaient et avant l'aube il n'en resta que cendres. Seule Vassilisa n'avait aucun mal.
   Au matin, Vassilisa enterra le crâne, ferma la maison et s'en alla en ville où une vieille femme la recueillit en attendant le retour de son père. Un jour, Vassilisa dit à la vieille : - Je m'ennuie à ne rien faire. Achète-moi du beau lin, je vais le filer, le temps me durera moins. La vieille lui apporta du lin et Vassilisa se mit au travail. Entre ses doigts le fuseau danse-vire, le fil s'étire, plus fin qu'un cheveu, plus solide qu'acier. Elle eut vite fini de filer, voulut se mettre à tisser, mais aucun métier n'était assez fin pour son fil. C'est encore sa poupée qui l'aida, qui lui fabriqua un métier tel qu'on aurait pu tisser des toiles d'araignée avec ! Vassilisa se remit à l'ouvrage et à la fin de l'hiver la toile était tissée, si mince, si fine qu'on aurait pu la faire passer par le chas d'une aiguille ! Au printemps on fit blanchir la toile sur le pré, au chaud soleil, au vent frais. Et Vassilisa dit à la vieille femme : Va au marché, grand-mère. Vends cette toile et garde l'argent. Mais la vieille se récria :
- Tu n'y songes pas ! Une telle marchandise à la foire ne traîne, au marché ne se promène. Je vais la porter chez le tsar.
   Devant le palais elle s'installait, sous les fenêtres allait-venait, tant que le tsar s'étor de la croisée l'appela :
- Que fais-tu là, bonne vieille ? Que veux-tu ?
- Je t'apporte une denrée rare, comme Votre Majesté n'est pas près d'en voir ! beau, du précieux à n'en pas croire les yeux !
Le tsar fit entrer la vieille et s'émerveilla de la toile : - Combien en demandes-tu, bonne vieille ?
- Une toile pareille n'a pas de prix ! Nul ne peut l'acheter, le tsar seul peut la porter. Alors, si Votre Majesté y consent, je te l'offre en joli présent !
Le tsar remercia la vieille qui partit, chargée de cadeaux. Le tsar donna la toile à ses tailleurs pour qu'ils lui en fassent des chemises. Ces chemises, ils les coupèrent, mais pour ce qui est de les coudre - rien à faire ! Ni taille ni lingères n'osaient ouvrer une toile aussi fine. Le tsar, impatienté, envoya chercha vieille femme :
- Puisque tu as su tisser la toile, tu sauras coudre mes chemises !
- Cette toile ne sort pas de mes mains. Ma fille adoptive l'a filée-tissée, tout y est passé. C'est son travail, son bel ouvrage!
- Eh bien, elle n'a qu'à coudre mes chemises ! Quand la vieille lui rapporta l'affaire, Vassilisa sourit :
Je me doutais bien que c'était travail pour mes mains !
Et elle se mit à coudre. Dans ses doigts l'aiguille vole, un point à l'autre se colle, la douzaine de chemises est prête en un rien de temps. La vieille les emporta chez le tsar et Vassilisa qui avait son idée, se baigna, se peigna, richement s'habilla, devant la fenêtre s'installa. Peu après elle vit arriver un envoyé du tsar qui dit à la vieille :
- Où est cette habile ouvrière-couturière ? Sa Majesté le tsar de ses yeux veut la voir, de ses mains veut la récompenser.
Vassilisa se rendit au palais. Et quand elle entra, quand le tsar la regarda il en tomba amoureux sur le champ :
- Je ne te laisserai pas partir, ma douce beauté ! Sois ma femme !
Le tsar prit par la main Vassilisa la ravissante beauté, la fit asseoir à ses côtés et on célébra leurs noces sans plus tarder.
Bientôt le père de Vassilisa revint de voyage, il fut tout heureux du bonheur de sa fille et resta vivre près d'elle. La vieille femme demeura aussi avec eux. Et toute sa vie la tsarine Vassilisa porta sa poupée sur elle, dans sa poche.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Mars 2015 à 14:26:59
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Une histoire de fleurs

L'histoire que je vous raconte s'est passé dans un parc fleuri, vous savez, un de ces endroits que bien des gens aiment visiter pour admirer la beauté des fleurs.

Dans ce genre de parc, les visiteurs marchent dans les sentiers et, d'un côté comme de l'autre, voient toutes sortes de variétés de fleurs : des bégonias, des pétunias, des marguerites, des roses et bien d'autres encore.

Ce que les visiteurs ne savaient pas, cependant, c'est que le soir venu, lorsque tout le monde était parti, lorsqu'il n'y avait vraiment plus personne dans le parc, les fleurs se mettaient à communiquer entre elles. Eh oui !

De même, une gentille et merveilleuse fée venait les rencontrer chaque nuit pour vérifier si tout allait bien pour elles.
Le lendemain matin, lorsque les jardiniers arrivaient en premier, tout était redevenu calme, silencieux.

Or, une nuit, pendant sa visite, la bonne fée trouvait les fleurs plus agitées que d'habitude. C'était la première fois qu'elle ressentait du mécontentement parmi elles.

Les fleurs avaient remarqué, depuis plusieurs jours, que les touristes, lorsqu'ils se promenaient dans le parc, avaient l'habitude de s'attarder plus longuement dans l'allée des rosiers ; ils prenaient le temps d'admirer les superbes roses rouges qui s'épanouissaient là, et qui, oui, étaient particulièrement belles.

Les fleurs ont alors fait une demande bien surprenante à la bonne fée ; toutes, elles la supplièrent de les transformer en ces merveilleuses roses rouges que les touristes aimaient tant admirer.

La fée était capable de répondre à cette demande, mais avant, elle voulait s'assurer que c'était vraiment le désir de toutes les fleurs de ce parc, et que ce désir était profond. Or, c'était bel et bien le cas.

Alors, elle leur dit : « Cette nuit, après votre sommeil, votre désir sera exaucé. »

Le lendemain matin, lorsque les jardiniers arrivèrent en premier, ils sursautèrent et n'en revenaient pas : partout, partout dans ce parc, dans chacune des allées, il n'y avait que des roses rouges... De magnifiques roses rouges, bien sûr, mais il n'y avait que ça.

Lorsque les touristes ont commencé à arriver, eux aussi étaient très surpris de voir ces innombrables roses rouges partout dans le parc. Elles étaient belles, très belles même, mais il n'y avait que ça. Pendant qu'ils marchaient dans les allées, plusieurs de ces gens étaient un peu déçus, car ils s'attendaient à observer ici des variétés de fleurs. C'était, en tout cas, ce à quoi ils s'attendaient et c'était ce qui leur avait donné le goût de venir.

Leur visite fut de courte durée. Que voulez-vous ! Ce parc était beau, c'est sûr, mais d'une allée à l'autre, ils voyaient sans cesse et sans cesse la même sorte de fleurs : des roses rouges !

Les jours suivants, de moins en moins de gens visitaient ce parc pour y admirer les fleurs. Puis, plus tard encore, au fil des jours, quelques personnes seulement — toujours les mêmes — venaient marcher dans le parc, conversaient entre elles et ne portaient pas vraiment attention à leur entourage ; c'en était devenu triste !

Une nuit, les fleurs ont supplié la bonne fée – qu'ils n'avaient pas vue depuis longtemps – de revenir les voir, car elles avaient une autre demande à lui faire.

Gentille comme toujours, la fée a pris le temps de les écouter, et elle n'était pas surprise du tout de ce que les fleurs lui ont demandé cette nuit-là : elles voulaient toutes redevenir comme avant ; redevenir les mêmes fleurs qu'elles étaient auparavant.

En souriant, la fée leur dit ceci :

« Vous savez, quand j'ai décidé d'exaucer votre désir et de vous transformer toutes en roses rouges, je savais que les gens se désintéresseraient de vous assez rapidement. Je voulais quand même vous donner une grande leçon. Je savais ce que ça ferait, mais je voulais que vous le constatiez vous-mêmes. Or, maintenant, vous en vivez les résultats : les gens ne viennent plus vous voir et, s'ils viennent, ils ne restent pas longtemps et ne vous remarquent même plus, même si vous êtes très belles. Là où les fleurs, tout comme les gens, essaient trop de se copier les unes les autres, il n'y a plus de vie. Il n'y a que tristesse et ennui ! »

« Cette nuit, vous allez dormir à nouveau d'un profond sommeil et, demain matin, à votre réveil, vous serez redevenues vous-mêmes, petites ou grandes fleurs, avec vos couleurs et vos parfums d'avant. Cette fois, j'espère que vous serez fières d'être ce que vous êtes, et cesserez enfin d'envier les autres. »

« Soyez vous-mêmes et soyez fières de l'être ! Chacune de vous est belle à sa façon et c'est important que vous rayonniez toute la beauté dont vous êtes capables, cette beauté qui est personnelle à chacune d'entre vous. C'est d'ailleurs cette grande variété de beautés différentes qui donne tout son charme à un parc tel que le vôtre ! »

Cette nuit-là, toutes les fleurs ont dormi d'un sommeil tellement reposant. Le lendemain, elles étaient ravies d'être redevenues comme avant. Leur joie était si grande que, partout dans le parc, on pouvait sentir de délicieux parfums. Les jardiniers étaient soulagés, et même ravis de ce qu'ils y ont découvert ce matin-là.

La nouvelle s'est vite répandue. Les touristes sont venus à nouveau. Maintenant, ils s'attardaient plus longuement que d'habitude, parce qu'on se sentait si bien en cet endroit !

De jour en jour, toutes les fleurs s'embellissaient, chacune à leur façon. Les jardiniers recevaient des compliments pour la beauté qui – disons-le – rayonnait dans ce parc. Mais chaque jardinier répondait quelque chose comme : « Je ne sais pas ce qui se passe ici ! Nous prenons soin des parterres comme d'habitude ; malgré notre travail habituel et inchangé, c'est bien plus beau qu'avant ! C'est à n'y rien comprendre ! »

G.P.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 21 Mars 2015 à 15:29:17
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Dame Nature


Pour certains elle était une divinité incorporelle. Pour d'autres elle était à la fois le soleil et la lune. Mais, même si Dame Nature possédait bien des formes, elle était sans équivoque une femme, une jeune femme d'une beauté exquise.
Elle était l'égale des néréides, nymphes et naïades mythiques, capables de prendre toute forme appartenant à la nature. Parfois son corps se formait d'eau, de feuilles vertes ou orangées rassemblée en un vent doux, de fleurs colorées ou encore du pollen de celles-ci. Elle marchait avec une légèreté duveteuse, courait en ne touchant jamais le sol, dansait avec la grâce de la brise ou volait à l'aide de celle-ci, allant jusqu'à toucher les nuages et décrocher la lune.
Elle allait de ci, de là au gré de ses envies. Mais elle restait essentiellement en un endroit, une forêt enchanteresse pareille à l'Éden des Hommes, plus belle même. Elle y vivait depuis toujours, dormant sur un lit de lilas, se baignant dans la rosée du matin et parant de coquelicots sa soyeuse chevelure. Et en cet endroit inondé d'une certaine magie ne vivaient qu'oiseaux, rongeurs, renards, cervidés et insectes en tout genre.
Jusqu'à ce qu'un jour un homme arrive. C'était la première fois qu'un être humain franchissait les portes de ce sanctuaire mystérieux. Dame Nature resta cachée derrière des bosquets, observant avec crainte l'inconnu qui venait de s'immiscer dans son antre. Le fusil qu'il portait dans son dos n'augurait rien de bon, aussi tous les animaux avaient fui les environs.
Une biche restée à l'écart, n'ayant pas vu le danger s'approcher, paissait tranquillement sans crainte. Le chasseur s'approcha d'elle à pas feutrés, prit son arme à deux mains et visa la fabuleuse créature de son canon sanguinaire. Son doigt sur la détente, l'homme s'apprêtait à tirer lorsqu'apparut devant lui Dame Nature, bras écartés afin de protéger la pauvre bête qu'il s'apprêtait à abattre.
L'homme releva la tête et la fixa, indécis. Puis il plongea ses yeux dans les siens et ce fut comme si c'était la première fois qu'il la voyait. Élégante dans son habit liquide, ondulant et miroitant, Dame Nature le toisait également, aussi surprise que lui. Elle laissa gracieusement retomber ses bras le long de son corps et lui sourit avec une tendresse infinie. Alors l'homme ne put qu'abaisser son arme et la poser au sol. Ses yeux ne la quittaient pas, captivés par tant de beauté et de pureté.
Elle s'approcha doucement de lui, ses pas flottant sur les brins d'herbe, puis lorsqu'elle fut à sa hauteur, elle leva le bras et tendit la main vers le visage de l'homme. Ses doigts effleurèrent sa joue et ne laissèrent sur leur passage pas le moindre sillon humide. Lui était ensorcelé, incapable de détacher son regard de la Sublime qui lui faisait face. Elle sourit davantage, fit le tour de l'homme avec une lenteur étudiée puis, sans prévenir, prit ses jambes à son cou.
Il la poursuivit avec hâte, l'appelant, lui demandant de l'attendre, de revenir, la suppliant de ne pas le laisser. Pas maintenant qu'il l'avait trouvée. Elle se cachait derrière les arbres, s'envolait dans les airs, tournoyait autour de lui. Et elle riait. Et son rire était une musique incroyable, mélodieuse, enchanteresse, un rire carillonnant qui résonnait dans les alentours. Il la suivait sans relâche, la pourchassait à travers bois.
Et elle continuait de rire, toujours plus souriante.
Il finit par sourire lui aussi et avec un éclat de rire, se prit au jeu de Dame Nature. Ainsi ils traversèrent la forêt dans toute sa longueur jusqu'à déboucher au bord d'une falaise se trouvant à la lisière de la sylve. Elle alla jusqu'à la pointe de la corniche et se dispersa en milles feuilles émeraudes qui s'envolèrent et englobèrent l'homme qui venait la rejoindre. Dans la tornade qui enveloppait l'humain, Dame Nature se matérialisa devant lui petit à petit, d'abord le torse, puis sa chevelure et enfin son visage.
Elle le regarda avec la même tendresse que lors de son premier sourire pour lui. Elle tendit ses bras vers lui et prit son visage entre ses mains, puis elle avança le visage vers lui. Il tendit le cou et se pencha vers elle également. Et alors que leurs lèvres se touchaient, il s'éparpilla en mille feuilles orangées qui vinrent se mêler à celles de Dame Nature.
Ainsi naquirent la tempête et l'orage, le tonnerre et la foudre, le claquement du vent dans la ramure des arbres. Et lorsque la tourmente venait à être trop violente, Elle était là pour la calmer. Car la nature se doit d'être toujours équilibrée. Et maintenant qu'Il était là, L'accompagnant dans chacun de ses pas, la nature était enfin complète.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 26 Mars 2015 à 12:33:45
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Le voyage de Sophie

Un jour comme tant d'autres...Sophie pourtant se réveille avec la sensation étrange qu'il se passe quelque chose, mais quoi ?
Et soudain, elle comprend : dehors tombe une pluie fine, légère, et tout semble se confondre dans une grisaille uniforme . Car la Terre est grise, gris clair, gris foncé ou gris souris, mais complètement grise ! Les couleurs ont disparu !
Où sont donc passés le vert de l'herbe et le bleu du ciel , le rouge des coquelicots et le jaune des boutons d'or ?
Tout est si triste ! Seul un immense arc en ciel traverse le ciel, éclatant de couleurs et de lumière ...
Quelque part, loin, très loin, naît cet arc en ciel, au pays où naissent les couleurs...
Alors Sophie décide d'aller chercher les couleurs, même s'il lui faut aller loin, très loin...
Elle prend son vélo et la voilà partie. Elle traverse des plaines et des champs, des villes et des forêts, avec pour seul guide le faisceau coloré de l'arc en ciel.
Elle ne sent ni la fatigue, ni la faim, même le temps semble suspendu. Car Sophie sait, quelque part au fond de son coeur une petite voie s'est révéillée : "va, va chercher ce que les hommes ont perdu. Ils ont fait de ce monde un univers de béton et de tristesse. Ils ont oublié le rose des joues des enfants, le bleu des rivières sauvages et le rouge du soleil couchant. Ils ont voulu éteindre les couleurs de la vie, alors elles s'en sont allées.
Les enfants savent ces choses là, ils n'ont oublié ni les couleurs, ni les parfums, ni les saveurs du monde.
Et de ville en ville, de village en village, de pays en pays, ils se relaient pour aider Sophie dans son long voyage.
Alors, pour la première fois les hommes se taisent et écoutent les enfants. Pour la première fois ils prennent le temps de regarder la Terre, leur Terre, et ils voient ce qu'ils en ont fait.Et les hommes ont peur, peur que tout reste désormais ainsi, peur que les couleurs ne reviennent jamais !
Et ils se souviennent, du fond de leur mémoire surgissent les couleurs de leur enfance : le marron puissant du chocolat du goûter, le orange délavé de leur vieux ballon préféré, ou le violet lumineux d'une robe de poupée ...
Et les hommes retrouvent l'espace d'un instant leur coeur d'enfant, pour partager leurs souvenirs et essayer de recréer ensemble les couleurs de la vie.
Pendant ce temps Sophie, elle, est arrivée au terme de son voyage, loin des hommes et de leur folie, devant une grotte multicolore, où naît l'arc en ciel de lumière.
Elle dépose son vélo et entre. Devant elle se trouvent des milliers de billes nacrées, toutes plus éclatantes de couleurs, emprisonnées dans un filet aux mailles serrées.Sophie défait les cordes qui retiennent les billes prisonnières et les couleurs s'échappent, elles roulent et se répandent sur le monde. Le gris s'efface peu à peu, comme si l'arc en ciel enveloppait la Terre de sa lumière.
Et le monde retrouve ses couleurs...et les hommes leur envie de vivre.
Mais jamais ils n'oublieront qu'un jour les couleurs s'en sont allées...et que ce sont les enfants qui les ont retrouvées...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: uncafenoir le 31 Mars 2015 à 11:36:21
La fée  qui  a  rassemblé  ces  contes 
fait   briller les yeux
Petite fée  discrete
tes  bonjours  étaient une étincelle
Je n'ai pas de baguette magique
tu  es unique
et  j'attends  qu'un soir
tu  me dises:coucou  un cafénoir
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 31 Mars 2015 à 12:26:37
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La joueuse de flûtiau

Autrefois, il y a très longtemps, on racontait que lorsque la lune prenait la forme d'un croissant parfait, une joueuse de flûte, un peu fée, venait s'asseoir sur sa pointe pour jouer de son instrument. Peu étaient ceux qui pouvaient la voir, car elle ne se montrait qu'aux âmes bonnes et innocentes, principalement aux petits enfants donc, mais aussi aux troubadours, aux conteurs, aux poètes. Les notes de sa musique descendaient dans la nuit et se répandaient sur la terre comme une pluie d'ondes bénéfiques. Lentement, elles se glissaient dans les rêves des humains et adoucissaient leurs peines. En ces temps-là, la nuit était un monde différent à ce qu'elle est aujourd'hui. Elle était si sombre parfois que l'on n'y voyait pas devant soi à plus de deux pas. Seule, la lune en était la lanterne aussi, on lui était reconnaissant de la clarté qu'elle disséminait tout comme les bienheureux remerciaient la joueuse de flûte d'apaiser la douleur des rêveurs. Malheureusement, cette fée musicienne prenait place sur sa corniche qu'une fois en lune montante et une fois en lune descendante, si bien que les autres nuits les dormeurs devaient se contenter de rêves tristes et plats, quand ils ne se transformaient en d'effrayants cauchemars. Les nuits sans lune étaient particulièrement redoutées, car profitant de l'épaisse obscurité, des êtres maléfiques sortaient de leurs profonds terriers où ils se blottissaient habituellement pour échapper à la brûlure des rayons de lumière, et envahissaient les plaines et les forêts semant la peur dans les cœurs des biches et des jeunes filles égarées.
C'est pour se protéger de ces démons de toutes sortes que les hommes commencèrent à construire les maisons, inventèrent les portes, les loquets, les serrures. Là, à l'abri de leurs murs, ils pouvaient se reposer sans craindre les hurlements des loups, leurs dents acérées, les griffes des fauves et la méchanceté des êtres mauvais. Là, ils pouvaient allumer un feu sans redouter la pluie, l'orage, la violence des vents, le froid de l'hiver. Cependant, cet abri, si précieux fût-il, avait pour désavantage de couper les humains des créatures bénéfiques de la nuit. Certes, celles-ci étaient en nombre inférieur, pourtant elles existaient bien. La joueuse de flûte était l'une d'elles. Lorsque celle-ci se rendit compte que les hommes n'avaient plus d'oreille pour elle, les murs de leurs maisons les ayant à jamais coupés du monde fantomatique, elle fut quelque peu triste pendant un temps, mais très vite elle se consola et se mit à jouer pour les plantes qui, contrairement à ce que l'on croit généralement, sont très sensibles aux vibrations de la musique, surtout celles de la musique céleste. Dès lors, les plantes qui n'avaient jamais su être autres que sauvages, sous l'influence des notes hautement harmoniques, devinrent d'une humeur si agréable qu'elles acceptèrent de se laisser apprivoiser. C'est d'ailleurs depuis ce temps qu'elles donnent sans compter leurs fruits, leurs graines, leur chair, aux hommes qui ne leur en sont pas toujours reconnaissants comme il le faudrait, ces cadeaux paraissant à ces derniers, bien à tort, tout naturels.
.
Aujourd'hui très peu nombreux sont les hommes qui peuvent encore apercevoir la joueuse de flûte, car même s'il vient à l'idée de certains de quitter leur maison durant la nuit, c'est généralement pour aller s'enfermer dans une autre boîte, si bien qu'ils n'ont pas l'idée de lever les yeux vers les cieux. Quand bien même cette idée se mettrait à germer dans leur esprit, si par le plus grand des hasards, ils venaient à entrapercevoir la lune, il faudrait encore que cela se fît au bon moment, la fée venant s'asseoir sur le rebord de l'astre nocturne si rarement. Il faudrait également que l'observateur en question ait su garder une âme de petit enfant ou qu'il en soit un lui-même, d'autant que les lumières artificielles des villes masquent à la vue la pâle vision qu'offre la fée de son corps éthéré. On le voit, les conditions à remplir pour espérer deviner la présence de la joueuse de flûte sont suspendues à tant de choses aléatoires qu'il est impossible que cela se produise. Pourtant, il existe un moyen. À vous, amis lecteurs, je peux vous en confier le secret. Lorsque l'heure de vous reposer sera venue, l'été prochain, oubliez votre destination habituelle, les pays étrangers, les boîtes de nuit, la mer et ses sirènes, et prenez la route des hautes montagnes. Quand vous serez arrivés, attendez la bonne nuit, celle qui offrira à vos yeux émerveillés le pouvoir de découvrir le plus beau des croissants de lune, et gagnez à pied les hauts alpages en prenant soin de vous vêtir chaudement. Là, au milieu d'un troupeau de vaches laitières paisiblement endormies, étendez-vous dans l'herbe et plongez du regard dans le puits de la voute céleste pour le laisser vagabonder entre les étoiles. Ne prenez pas peur si parfois une sorte de vertige prend possession de vous, c'est tout à fait naturel, l'œil n'est pas formé pour contempler l'infini. Enfin, lorsque votre esprit aura suffisamment dérivé, vous serez prêts.
.
Alors seulement, laissez-vous guider et suivez du regard la direction que pointera depuis longtemps le doigt de vos enfants, le fil ténu qui le relie à la lune. Là, attendez-vous à quelque chose d'extraordinaire, car si merveilleuse que soit l'image que vous aurez imaginée, jamais elle ne sera à la hauteur de celle que vous découvrirez. L'impalpable beauté de la joueuse de flûte vous enchantera, alors que la musique de son instrument, rendue visible par on ne sait quelle magie, descendra vers vous en une cascade de gouttelettes d'or et se glissera dans l'orifice de vos oreilles pour venir caresser vos tympans comme aucune musique terrestre, si belle soit-elle, ne sait le faire.
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Vous n'en reviendrez pas et je ne serais pas surpris d'apprendre que dans les mois qui auront suivi cette fabuleuse nuit, inoubliable entre toutes, vous ayez déménagé.

D.R.K
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Avril 2015 à 07:04:00
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L'herbe qui murmure...

Il y a très longtemps, au pays des grandes forêts, une colline toute verte faisait une tache claire au milieu des arbres noirs et drus. Elle était couverte d'une herbe qui savait parler et murmurer quand le vent l'agitait. Cette herbe douce avait tissé des liens d'amitié solides avec tous les animaux de la forêt voisine, en particulier avec les cerfs, les renards et les loups gris.

On était en été. Ce jour-là, l'herbe qui murmure était très soucieuse car le vent du sud venait d'apporter, le matin même, une rumeur inquiétante. Une rumeur qui parlait d'un danger qui approchait. L'herbe n'avait osé en parler à personne, mais voici qu'en plein soleil de midi, tous les brins d'herbe constatèrent avec effroi que la rumeur s'était transformée en réalité. Et dès le premier coup d'œil, ils comprirent que leurs amis les animaux étaient en danger de mort.

L'herbe décida donc d'envoyer des messagers les avertir du danger terrible qui les menaçait.

L'herbe appela les papillons et leur dit :

- Allez vite chez les cerfs, les loups et les renards. Dites-leur de venir sur-le-champ nous rejoindre sur la colline verte.

Les papillons s'envolèrent et livrèrent leur message. Les animaux se dirigèrent vers la colline et en peu de temps s'y trouvèrent réunis.

- Écoutez-moi, mes frères, dit l'herbe qui murmure. Un grand danger vous menace. Une bande de chasseurs traverse à cet instant la forêt et s'avance vers vous pour venir prendre vos vies.

- Des chasseurs ? Quel est ce mot ? Que signifie-t-il ? Demandèrent les animaux.

- Ce sont les hommes portant arcs et flèches. Ces flèches mortelles vont transpercer vos cœurs. Ces chasseurs sont tout proches d'ici ; sitôt qu'il vous verront, ils lanceront leurs flèches et vous mourrez !

- Que devons-nous faire ? Demandèrent les animaux désemparés. Herbe qui murmure, toi qui es sage et qui connais tant de secrets, dis-nous comment sauver notre vie.

- Courez chez vous, répondit l'herbe verte. Mettez-vous à l'abri dans votre tanière ou votre abri et restez-y cachés jusqu'au crépuscule du jour à venir. Quand tout danger sera écarté, j'enverrai mes messagers vous avertir.

Les animaux inquiets suivirent sans hésiter les conseils de l'herbe et s'enfuirent aussitôt vers leurs caches au milieu des grands arbres de la forêt.

Le lendemain, lorsque les chasseurs atteignirent le pied de la colline, ils ne virent rien de vivant aux alentours si ce n'est que quelques papillons qui voltigeaient en silence dans la plus parfaite désinvolture. Tout le reste du jour les chasseurs cherchèrent le gibier, mais ils ne virent pas un seul cerf, pas un loup gris, même pas un renard ni un lièvre ni même un écureuil. On n'entendait pas un bruit ; même l'air ne charriait aucune odeur de bête.

Enfin, quand le soir tomba, les chasseurs retournèrent à leur campement au pied de la colline. Ils étaient fatigués et ils avaient faim. Ils étaient partis sans emporter de provisions, car ils étaient sûrs de trouver du gibier en abondance.

- Rentrons chez nous, dit le premier chasseur. Cette région est mauvaise pour la chasse et je meurs de faim.

- Non, dit le second chasseur. Attendons demain, c'est certain que nous trouverons du gibier ici.

- Levons-nous tôt demain et nous trouverons certainement une cible pour tirer nos flèches. Ce soir, pour calmer notre appétit, nous mangerons de l'herbe. Regardez devant nous cette colline couverte d'herbe verte et tendre. Elle a l'air délicieuse. Puisque les animaux s'en délectent, pourquoi ne pas en manger aussi ?

- Et si c'était de l'herbe qui murmure ? Répliqua le premier chasseur. Vous savez tous que celui qui mange de l'herbe qui murmure perdra à jamais le pouvoir de tuer quoi que ce soit avec ses flèches.

- Voyons, frère chasseur, s'écria le troisième compagnon, tu vois bien que cette herbe ne murmure pas. Le vent d'Ouest est levé depuis longtemps ; regarde comme les brins d'herbe sont agités. Et pourtant, nous n'entendons rien, pas le moindre petit son, pas un seul petit grognement.

Tous tendirent l'oreille. En effet, on n'entendait que le doux bruissement des feuilles et le cliquetis des aiguilles du pin que le vent faisait s'entrechoquer. Le vent couchait les brins d'herbe devant eux et les faisait onduler, mais pas un son n'en émanait, c'était l'évidence même.

- Ce n'est pas de l'herbe qui murmure, j'en suis certain, dit avec autorité le chasseur qui avait faim. Allons, mangeons cette herbe verte.

Tous alors, affamés qu'ils étaient, se mirent à cueillir de l'herbe à grandes brassées. Ils la mirent dans un grand chaudron et puis ils la firent bouillir sur le feu. Ils en firent une soupe épaisse et parfumée. Ils se régalèrent de ce repas simple et se sentirent enfin repus. Puis, ils se roulèrent dans des peaux et s'endormirent.

Tandis qu'ils dormaient encore, l'heure du crépuscule arriva. L'herbe qui murmure ne dormait pas. De sa voix la plus douce, elle appela les papillons et leur dit :

- Allez chez vos frères les animaux et dites-leur que tout est bien. Dites-leur que, dès l'aube, ils pourront sortir de leur cachette et parcourir les chemins de la forêt comme d'habitude. Les chasseurs essaieront de les atteindre avec leurs flèches, mais dites-leur de ne pas s'effrayer car elles ne pourront pas les tuer.

Les papillons partirent et livrèrent le message de l'herbe aux cerfs, aux loups gris et aux renards. Chacun transmit les paroles de l'herbe aux siens et aux autres. Le lendemain, aux premières heures du jour, les animaux sortirent de leurs abris. Ils virent les chasseurs s'avancer vers eux. Ils eurent peur et voulurent se cacher, mais ils se rappelèrent le message des papillons. Ils restèrent donc sur place à examiner ces êtres curieux qui marchaient vers eux.

Les chasseurs pointèrent leurs flèches vers eux et tirèrent. Les flèches fendirent l'air et tombèrent sur le sol à quelques pas des bêtes. Tout le jour, les chasseurs tirèrent et leurs flèches ratèrent leur cible. Finalement, frustrés et découragés, ils retournèrent à leur campement au pied de la colline.

- Mes frères, dit tristement le premier des chasseurs, c'était de l'herbe qui murmure que nous avons mangé hier. On le voit bien : toutes nos flèches ratent leur cible malgré l'abondance du gibier.

- Nous n'avions pourtant rien entendu, dit le deuxième chasseur, qui avait rassuré les autres avec une trop grande certitude.

- C'est cette herbe qui nous a trompés, dit le troisième.

- Oui, elle nous a trompés. Elle est restée silencieuse quand nous l'écoutions pour nous donner envie de la manger, et voici maintenant que nous avons perdu le pouvoir de chasser.

Tous les chasseurs de notre tribu vont rire de nous.

- Alors détruisons cette herbe maléfique, dit le deuxième chasseur, encore plus honteux que ses compagnons. Allons l'arracher pour que jamais plus elle ne puisse réduire à l'impuissance d'autres chasseurs.

- Oui ! Mais attendons la nuit, dit le premier chasseur. À ce moment personne ne pourra nous voir. Nous arracherons toute cette herbe sans en laisser un seul brin sur toute la colline.

Les papillons qui se tenaient dans les parages entendirent les paroles des chasseurs. Ils s'envolèrent aussitôt chez les animaux.

- Ohé ! Mes frères, dirent-ils, vos ennemis les chasseurs ont décidé de détruire l'herbe qui murmure pendant la nuit. Comment pouvez-vous empêcher ce malheur ?

- Il faut venir au secours de l'herbe qui murmure, dit le cerf. C'est grâce à elle si nous sommes en vie aujourd'hui ; c'est à notre tour de la sauver.

- S'adressant au renard, le cerf dit :

- Toi, mon frère renard, n'as-tu pas dans la tête une façon, un plan pour sauver notre amie l'herbe qui murmure ?

- Je ne suis pas assez vieux ni assez sage pour ça, répondit le renard. Mais je sais à qui m'adresser pour trouver une solution. Ne bougez pas, mes frères, restez sur place ; je vais courir jusqu'aux montagnes noires où habite le manitou du feu. Il est sage et puissant. Je suis sûr qu'il saura nous aider.

Le renard partit à toute vitesse à travers la forêt vers une longue chaîne de montagnes qui se dessinait au loin. Arrivé à la première montagne il se faufila sous les buissons dans une étroite caverne et suivit un long couloir sombre qui débouchait sur une grotte profonde. Au centre de la grotte on voyait rougeoyer un feu étincelant. Et tout à côté, on distinguait une forme humaine assise sur le sol.

La silhouette bougea et le renard, qui s'approchait timidement, découvrit un visage empreint de bonté.

- Tu viens demander de l'aide ? Fit une voix grave et douce.

- Qu'y a-t-il donc ?

- Des chasseurs projettent d'arracher de terre notre amie l'herbe qui murmure, dit le renard. Peux-tu nous dire, puissant manitou du feu, comment la sauver ? Car nous l'estimons et nous lui devons la vie.

- Mon fils, approche-toi. Vois-tu ces formes qui ressemblent à des pierres noires ? Dit le manitou en indiquant des objets sombres qui jonchaient le sol de la grotte. Ces choses proviennent du centre de la terre. C'est Kije Manitou, l'Esprit souverain, qui les y a mises. Avec des pans du ciel de minuit et un millier de rayons de soleil, il a façonné ces pierres noires et les a cachées au plus profond de la terre. Il savait, dans sa sagesse, que l'homme saurait les trouver le jour où il aurait besoin de chaleur et de lumière.

Il poursuivit :

- Je vais mettre ces pierres dans mon feu pendant que tu retournes vers tes frères les loups et les cerfs. Pars vite, va leur dire qu'ils doivent revenir avec toi, ici même. Tout sera prêt quand vous serez de retour. Je vous donnerai alors ce qu'il vous faut pour sauver la vie de l'herbe qui murmure. Ne perds pas de temps. Il faut que tout soit terminé avant le réveil des chasseurs.

Le renard ne se fit pas prier pour repartir, Il fila comme le vent vers la forêt toute proche de la colline d'herbe verte. Quand il retrouva les loups et les cerfs assemblés, il fut chaudement accueilli. Il leur répéta le discours du manitou.

Et tous ensemble ils se mirent en route vers les montagnes noires et la grotte du manitou du feu. Quand ils furent rendus auprès de lui, ils constatèrent que les pierres que le manitou avait placées dans son feu n'étaient plus noires mais rouges et brillantes comme le feu lui-même.

- Mes enfants, dit le manitou, ces pierres sont des charbons ardents. Prenez-les et placez-les en cercle sur la colline tout autour de l'endroit où croît l'herbe qui murmure, votre amie. Ces charbons ne vous brûleront pas pendant votre voyage car je nous accorde ma protection pour la durée de votre marche. Ils ne brûleront pas non plus l'herbe qu'ils toucheront.

Les animaux remercièrent le manitou. Ils saisirent autant de pièces de charbon qu'ils pouvaient en transporter et reprirent le chemin vers la colline. La nuit était sombre et la lune tardait à se montrer. Les chasseurs dormaient toujours.

Les animaux arrivèrent près d'eux et, sans bruit, ils firent ce que leur avait recommandé le manitou : ils placèrent les morceaux de charbon en cercle et se cachèrent derrière les arbres.

Puis la lune se montra. Peu de temps après les chasseurs s'éveillèrent. À peine levés, ils remarquèrent l'étrange cercle brillant qui entourait l'herbe. Ils crurent rêvés. Ils se frottèrent les yeux et regardèrent encore. On voyait un cercle de feu qui brillait sans montrer de flamme. Les chasseurs furent terrifiés par cette vision ; Ils n'osaient pas gravir la colline tant ils avaient peur.

Enfin, le premier chasseur dit :

- Mes frères, retournons chez nous. Cette herbe qui murmure doit être protégée par Kije Manitou lui-même. Nous n'aurions pas dû en manger et nous ne devrions surtout pas la détruire. Retournons prévenir nos frères.

- Tu as raison, dit le second chasseur. Allons avertir nos gens au plus vite.

Aussitôt, les chasseurs ramassèrent leurs effets et s'en allèrent dans la nuit tandis que le cercle de feu continuait de rougeoyer. Quand le jour parut enfin, il n'y avait plus trace des morceaux de charbon, mais sur la colline, là où ils avaient été placés, un grand cercle brun se voyait distinctement même de la vallée voisine. Et on le voit encore aujourd'hui. Pourtant, même un promeneur attentif ne peut trouver un seul brin d'herbe brûlé sur toute la colline.

Les bêtes de la forêt, dans les moments d'inquiétude, viennent encore demander conseil et réconfort au bon manitou. Souvent, elles empruntent le couloir étroit creusé dans le roc jusqu'à la grotte où brûle le feu étincelant.

En automne, le manitou du feu enseigne aux cerfs comment se cacher dans les collines pour échapper aux chasseurs.


En hiver, quand le froid règne sur le pays, c'est lui qui indique au loup affamé où trouver à manger.

Au printemps et en été, il apprend au renard roux comment brouiller ses pistes et à chacun comment échapper à ses ennemis. Il leur apprend aussi les mille secrets qui permettent à tous de vivre en harmonie avec les arbres de la forêt, l'herbe des collines, l'eau des ruisseaux et toutes les autres merveilles de la nature sauvage. Et jamais les bêtes n'oublieront cette nuit où le manitou du feu les aida à sauver de la mort l'herbe qui murmure et les initia au secret du feu incandescent, le feu sans flammes.

Puis, le soir, quand tout est calme, l'herbe verte s'agite encore dans le vent et parle doucement à ceux qui savent l'écouter !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Avril 2015 à 11:20:48
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Le paradis des chats un conte Japonais

Il était une fois, il y a de cela très longtemps, dans un village, une noble dame orgueilleuse et méchante. Elle était très riche, mais son coeur était dévoré par l'envie. Elle enviait les autres non seulement pour leur argent et leur bien, mais aussi pour leur beauté et leur jeunesse. Même la bonne humeur ou l'amitié qui régnaient entre ses compatriotes la désespéraient. Il lui suffisait de voir sur le visage d'un pauvre un sourire pour frapper, avec colère, du pied et crier :
« Voyez ce pauvre diable, il est pauvre et malgré cela le monde lui plaît ! Et moi ? Je suis bien plus noble que lui et, pourtant, je n'ai que des soucis. Comment est-ce possible ? » Et, tout en donnant ainsi libre cours à sa mauvaise humeur, elle réfléchissait comment elle pourrait bien ternir la joie du pauvre.
Parmi les serviteurs de la noble dame se trouvait la petite Youkiko. Ses parents étaient morts depuis longtemps, et elle grandissait donc, sous les cris et les coups, dans la maison de sa noble maîtresse. Malgré les souffrances qu'elle devait endurer, elle avait gardé un coeur pur et des manières calmes et aimables. Le seul être, qui, dans la maison, lui était attaché, était une petite chatte noire qui était l'objet de tout l'amour de la jeune fille.Chaque soir, la chatte venait sur son lit et, pendant la journée, elle rôdait souvent autour de la jeune fille se frottant le dos contre ses jambes. Dans ce cas, la jeune fille prenait la petite chatte dans ses bras, caressait son pelage soyeux et en oubliait tout le chagrin qu'elle pouvait avoir. Elle se sentait ainsi moins seule, car elle avait au moins une âme soeur dans le monde.
La maîtresse eut évidemment connaissance de cette amitié et lorsqu'elle rencontrait quelque part la jeune fille avec la chatte, elle avait aussitôt beaucoup de travail à donner à Youkiko.
« Puisque tu as suffisamment de temps pour t'occuper de la chatte, tu pourras certainement faire encore ceci ou cela pour ta maîtresse qui te nourrit ! » avait-elle coutume de dire, et la pauvre Youkiko ne savait où donner de la tête.
Le sort de la pauvre chatte n'était guère meilleur. La maîtresse la battait, lui tirait les moustaches ou la caressait à rebrousse-poil et lui disait en riant : « Voyons, qu'y a-t-il qui ne te plaise pas ? Mes caresses sont-elles moins tendres que celles de Youkiko ? »
La petite servante n'osait plus caresser sa chatte qu'en cachette, mais elle continuait à partager son repas avec elle et, lorsqu'il restait quelques poissons frais d'un festin, elle les apportait toujours à la petite chatte. Les rares instants qu'elle pouvait passer avec sa petite amie étaient sa seule joie. Elle se sentait soulagée lorsqu'elle pouvait – bien qu'en cachette et dans la peur permanente d'être découverte – confier à la chatte son chagrin et raconter les mauvais traitements que sa maîtresse lui infligeait.
Mais, un jour, Youkiko chercha sa petite chatte en vain. Bien qu'elle courût souvent dans la cour ne serait-ce que pour saisir au vol un regard de son amie, elle ne put l'apercevoir.
« Elle est certainement partie en promenade et ne reviendra que ce soir, » se consola Youkiko. Mais, pas plus que la journée elle ne vit le soir la chatte, qui ne vint pas, comme de coutume, lui rendre visite dans son lit. Jusqu'au matin, Youkiko resta éveillée. Au moindre bruit, elle se levait car, chaque fois, elle espérait que c'était sa chatte qui grattait à la porte.
Le matin, elle se leva, pâle, les yeux rouges d'avoir pleuré, et vaqua, fatiguée, à son travail. La chatte avait disparu et ne revint plus jamais. Bien souvent, la petite Youkiko pleurait d'avoir perdu sa seule et unique amie sans savoir ce qu'il lui était arrivé.
La seule qui se réjouît de la disparition de la chatte était l'orgueilleuse maîtresse. Le chagrin de la servante était doux à son coeur et, de ce fait, elle n'en voulait pas à la chatte de l'avoir, au fond, quitté elle, la maîtresse. Chaque fois qu'elle voyait le visage triste de la jeune fille, elle disait cyniquement : «Tu vois, tu vois, voici ta récompense. Si tu penses à tout ce que tu as enduré en raison de la chatte et que, au lieu de t'en être reconnaissante, elle est partie sans avertir. Je suis certaine que, pendant qu'elle te faisait des avances, elle ne pensait qu'à la façon de se sauver. Dans ce monde tous les êtres sont mauvais, les hommes comme les animaux. »
Ainsi, elle essayait, dans sa perfidie, d'aggraver encore le chagrin de la jeune fille. Mais Youkiko ne laissait pas salir la mémoire de sa petite chatte. Bien sûr, elle n'osait pas contredire sa maîtresse, mais elle ne croyait pas un seul mot de ce que celle-ci disait et pensait à part elle :
« Ma petite chatte a certainement eu un malheur, et je ne peux même pas lui venir en aide car je ne sais pas où elle se trouve. » Et, jour et nuit, elle se préoccupait du sort de sa petite amie.
Quelque temps avait passé lorsque, un jour, un prophète passa dans le village. Il était sage au point de non seulement dévoiler les secrets de l'avenir, mais aussi de donner des réponses à plus d'une question épineuse concernant le présent. Il fut invité dans bien des maisons et, cela va de soi, également dans celle de la noble dame orgueilleuse qui le questionna jusqu'à fort tard dans la nuit – car, enfin, même un prédicateur doit gagner l'argent qu'on lui donne.
La petite Youkiko aurait bien aimé demander à l'homme sage ce qu'était devenue la petite chatte; mais la méchante maîtresse ne l'aurait jamais permis. Aussi, la jeune fille se cacha-t-elle près de la porte pour essayer de parler au prédicateur lorsque celui-ci sortirait de chez sa maîtresse. Elle avait grand-peur que celle-ci ne la trouve à cet endroit et ne la gronde de négliger son travail, mais le désir d'apprendre quelque chose sur son amie était plus fort que sa peur de la maîtresse. Youkiko dut attendre longtemps avant de voir le sage quitter la maison. Lorsque celui-ci arriva à la porte, Youkiko se leva, s'inclina profondément et lui raconta son chagrin. Puis, elle le supplia : « Noble sage, vous qui connaissez tant de choses étranges au monde, peut-être savez-vous aussi ce qu'il est advenu de ma seule amie, ma chatte noire ? »
Le sage réfléchit un instant, puis il répondit : « Ta chatte se trouve certainement sur la montagne des chats dans les monts Inaba, dans l'île Kyushu. Si, vraiment, tu as tellement envie de la voir, vas-y. Mais réfléchis bien, c'est dangereux et tu ne sais pas ce qui t'y attend. »
Sachant qu'il y avait un endroit au monde où elle pourrait revoir sa chatte aimée, Youkiko n'hésita pas un seul instant. Aucun danger, aucun obstacle ne pourraient l'empêcher de s'y rendre. Elle supplia sa maîtresse jusqu'à ce que celle-ci lui accordât quelques jours de congé.
« Mais, à ton retour, il faudra que tu travailles deux jours gratuitement pour chaque jour de ton absence, » dit la maîtresse et son âme noire se réjouissait à l'idée des dangers et des sacrifices que la jeune fille aurait à endurer. Et tout cela pour une simple chatte !
Youkiko fit son baluchon; il ne contenait pas grand-chose, seulement quelques galettes sèches qu'elle avait obtenues dans la cuisine. Puis, elle entama un voyage long et difficile. Pendant les nuits froides, elle dormait dans un buisson le long du chemin, car elle avait peur de s'égarer et, pour coucher dans une maison, elle n'avait pas assez d'argent. Le matin, dès qu'il faisait assez clair pour reconnaître la route, elle se hâtait d'avancer. Ses sandales en raphia furent bientôt usées et les pierres acérées lui blessaient les pieds.
Enfin, elle arriva dans l'île Kyushu. Il était tard lorsqu'elle atteignit le premier village où elle se renseigna sur les monts Inaba.
« Les monts Inaba se trouvent, là-bas, au-delà du fleuve, » dirent les paysans. « Mais ne t'avise pas d'y aller; c'est très dangereux. Seuls les chasseurs les plus courageux osent traverser le fleuve et, s'ils le font, ils ne s'éloignent jamais beaucoup de la rive et n'y restent jamais la nuit. Là-bas c'est le royaume des chats dans lequel jamais un homme n'a pénétré. »
Youkiko remercia poliment les paysans du conseil et refusa, encore plus poliment, la couche pour la nuit que les paysans lui offraient gentiment.
« Je saurai me défendre ,» répondit-elle à tous les avertissements instants. « N'ai-je pas fait le voyage à travers la moitié du monde dans le seul but d'atteindre le royaume des chats ! »
Voyant qu'elle insistait, les paysans la laissèrent aller. « Nous t'aurons avertie des dangers, » dirent-ils. « Si tu ne veux pas nous écouter, c'est ton affaire. »
À la sortie du village, Youkiko bifurqua vers le fleuve et chercha un gué. De l'autre côté du fleuve s'étendait un bois touffu qui montait le long de la pente. Youkiko rassembla tout son courage et pénétra dans la sombre forêt. Elle avançait avec précaution, tout en regardant constamment derrière elle, mais tout était calme, aucune branche ne bougeait. Le chemin montait abruptement et Youkiko, qui avait déjà fait tant de route, commença bientôt à être fatiguée. Elle pensait déjà devoir passer la nuit dans la forêt lorsque, soudain, les arbres s'écartèrent, laissant voir une grande clairière sur laquelle brillaient des toits rouges.
« Ce sont certainement des gens riches qui habitent ici; tout est si propre et si bien construit ! »
Elle s'approcha d'une clôture et appela. Après un moment, une svelte jeune fille sortit de la maison, s'inclina devant Youkiko et demanda ce qu'elle désirait.
« Je suis la servante Youkiko, » répondit la jeune fille. « J'avais une seule amie, une chatte noire, qui a disparu un beau jour. Je l'ai pleurée longtemps : un jour, un prédicateur m'a conseillé de la chercher sur les monts Inaba dans l'île Kyushu. J'ai dû marcher pendant longtemps avant d'atteindre, aujourd'hui, l'île. Mais je suis si faible que je peux à peine avancer. Auriez-vous l'amabilité de m'héberger pendant la nuit avant que je n'entame la montée de la montagne des chats ? Je ne vous causerai aucun dérangement. »
La jeune fille l'écouta attentivement puis, souriant gentiment et s'inclinant, elle dit : « Tu es donc venue te faire manger ? »
À ces paroles, Youkiko eut peur et voulut s'enfuir; mais, d'un bâtiment voisin sortit une petite vieille bossue qui s'avança, gronda la jeune fille et la renvoya.
« Excusez-la, je vous en prie, certainement s'est-elle encore comportée de manière irrespectueuse, » dit la vieille à Youkiko en s'inclinant profondément. « Elle ne sait pas se tenir convenablement. Toutes mes remontrances ne servent à rien. Elle vous a sans doute dit quelque chose de désagréable, car vous êtes toute pâle. Mais, ne lui en veuillez pas; elle ne sait pas accueillir les invités. Dites-moi, belle enfant, ce qui vous a conduit jusqu'ici. »
Les paroles aimables de la vieille calmèrent Youkiko qui, en répétant son histoire, retrouva sa sérénité.
La vieille écouta attentivement, puis elle sourit à Youkiko et lui dit : « Rentre donc, jeune fille. Tu pourras te reposer chez nous des fatigues du voyage. Ne crains rien; si déjà tu as entrepris un aussi long voyage pour te... » le reste ne fut plus audible pour Youkiko. La vieille continuait à murmurer pour elle-même; mais sans cesser de sourire. En multipliant les courbettes, elle conduisit la jeune fille dans la maison et lui fit préparer un bain. Après le bain, elle fit entrer Youkiko dans une pièce propre et agréable, lui adressa encore un sourire encourageant, puis la quitta lui disant qu'elle irait chercher à manger.
Youkiko s'assit sur une natte et contempla avec curiosité la pièce. Le bain l'avait rafraîchie et elle se sentait bien.
« C'est une maison étrange, » se dit-elle au bout d'un moment. « Elle comporte tant de pièces, de coins et de recoins, tout est si propre et si ordonné. Les maîtres doivent avoir de nombreux serviteurs. Et, tout ce monde qui doit habiter ici ! Mais, où sont-ils tous ? Je n'ai vu personne. Et puis, tout est si calme ! »
Ce calme était vraiment inquiétant. Soudain, Youkiko eut l'impression d'entendre des voix dans la pièce à côté. Sa curiosité la piquant, sans faire de bruit, elle se leva et entrouvrit un peu la porte. Dans la pièce, deux jeunes filles d'une extraordinaire beauté étaient couchées sur des nattes. Leurs cheveux étaient montés dans une haute coiffure compliquée, piquée d'aiguilles en ivoire finement sculptées. Dans leurs visages blancs et lisses, de fins sourcils surmontaient des yeux noirs, et de merveilleux kimonos en lourde soie soulignaient encore la grâce des jeunes filles. Celles-ci se parlaient si bas et si tendrement qu'on avait l'impression d'entendre ronronner des chats.
Youkiko referma la porte et en ouvrit une deuxième. Là, également, elle vit deux très belles jeunes filles. Elles étaient agenouillées devant une glace et se maquillaient. Youkiko referma aussi cette porte et retourna s'asseoir. De nouveau, elle fut entourée de ce silence pesant; que n'aurait-elle pas donné pour pouvoir parler avec quelqu'un. Au bout d'un moment, elle se leva de nouveau et colla l'oreille à la première porte dans l'espoir de comprendre ce que se murmuraient les belles jeunes filles.
Elle dut faire un grand effort pour distinguer les paroles, mais ce qu'elle entendit la fit frissonner de peur. L'une des deux jeunes filles disait à l'autre : « Tu sais, la nouvelle qui vient d'arriver veut rendre visite à son amie, une chatte qu'elle aime par-dessus tout. Il vaudrait mieux ne pas la manger. »
Youkiko trembla de tous ses membres, d'effroi. Elle reprit place sur la natte et réfléchit fiévreusement à ce qu'elle devait faire. Alors, la porte s'ouvrit, livrant passage à une jeune fille gracieuse, vêtue d'un kimono brun en lourde soie brodé de chrysanthèmes blancs et décoré d'une épaisse ceinture de brocart. Elle posait ses pieds sans bruit et lorsque Youkiko, dominant sa terreur, leva la tête pour regarder la jeune fille dans les yeux, elle reconnut son amie, la chatte noire, qui avait l'aspect d'une jeune fille à l'exception de la tête qui était restée celle d'un chat.
« Je te souhaite la bienvenue, chère Youkiko. Tu ne peux pas savoir combien je te suis reconnaissante de ton amour qui fut ma seule consolation dans la maison de l'orgueilleuse maîtresse. Et aussi de la peine que tu as prise pour me rendre visite. » La chatte sourit gentiment et continua : « J'étais déjà vieille, à moitié morte de faim et malade; donc, je ne pouvais rester plus longtemps au service. Tu as certainement déjà remarqué, chère Youkiko, que tu te trouves ici dans le palais des chats. Il héberge tous les chats qui ont été chassés par les hommes ou qui sont vieux et malades. Chacun ou chacune d'entre nous aspire toute sa vie à séjourner dans le palais des chats – c'est un véritable paradis des chats, où nous sommes largement dédommagés de toutes les misères que les hommes nous ont infligées. Mais, pour les hommes, il n'y a pas de place ici. Les chats de tout le Japon se rencontrent ici et s'ils te trouvent, tu seras en danger. Repose-toi et retourne auprès des hommes. Pour le moment, il n'y a que mes amies dans la maison; elles ne te feront rien de mal. Mais, bientôt, les autres chats vont revenir de la chasse et je ne pourrais te protéger devant cette multitude. Je t'apporterai de quoi te restaurer, puis il faudra que tu partes rapidement. »
La chatte sourit à Youkiko et s'en fut. Au bout d'un moment, elle était de retour portant sur un plateau un bol de riz blanc chaud, un bol de légumes et de poisson frais et une tasse de thé délicieux. La chatte posa une petite table devant Youkiko, s'agenouilla et servit son ancienne amie. Youkiko en fut ravie; jamais encore elle n'avait aussi bien mangé. Elle raconta à la chatte les nouveautés du village et comment le prédicateur lui avait dévoilé le chemin pour arriver au paradis des chats. Ainsi, elles rirent et bavardèrent comme de bonnes amies. Youkiko avait les joues roses de joie et de la bonne table, et toute sa fatigue semblait comme envolée. Mais tout a une fin. La chatte remporta le plateau et revint avec un sachet.
« Prends ce sachet et garde-le comme souvenir de moi, » dit-elle à Youkiko. « Il te protégera aussi en route. Si tu rencontres des chats sauvages, tiens seulement le sachet devant toi et secoue-le fortement, ils ne te feront rien. N'aie pas peur ! »
« Je te remercie de tout ce que tu as fait, chère chatte. Puisque je sais maintenant que tu vas bien et que tu ne manques de rien, je vivrai plus gaiement et plus tranquillement. Adieu, » dit Youkiko. La chatte l'accompagna jusqu'à la clôture et la suivit du regard jusqu'à ce que Youkiko ait disparu dans la forêt.
À peine Youkiko avait-elle fait quelques pas dans les bois que les chats sauvages se précipitèrent sur elle. De tous côtés, on voyait luire leurs yeux verts, et leurs cris menaçants ne promettaient rien de bon. À la dernière minute, Youkiko se souvint du sachet. Elle le sortit vite de son baluchon, le tint devant elle et le secoua fortement. Alors, les yeux verts se retirèrent, et les chats libérèrent la voie en miaulant méchamment. Ainsi, Youkiko continua à descendre la montagne en tenant le sachet devant elle et, partout, les chats se retirèrent. Enfin, elle arriva au fleuve et traversa le gué. Les chats ne pouvant la poursuivre sur l'autre rive, elle remit le sachet dans son baluchon et prit la direction de la maison. Elle se dépêchait, car pour chaque jour d'absence elle devait travailler deux jours gratuitement pour sa maîtresse orgueilleuse.
Celle-ci fut très surprise de voir sa servante revenir.
« Alors, personne ne t'a mangée en route ? Et ta chatte reconnaissante, qu'a-t-elle dit de ta visite ? »
Youkiko raconta à sa maîtresse orgueilleuse ce qui lui était advenu, elle parla du palais propre et bien ordonné des chats, des belles jeunes filles et, surtout, de son amie. Finalement, elle sortit le sachet que la chatte lui avait donné et l'ouvrit devant les yeux de la maîtresse vaniteuse. Leur étonnement à toutes deux fut grand lorsque Youkiko sortit du sachet l'image d'un grand chien aux crocs redoutables qui tenait dans ses pattes dix véritables pièces d'or.
Youkiko fut au comble de la joie. Tant d'argent ! Elle n'était donc plus une pauvre orpheline livrée aux humeurs d'une maîtresse orgueilleuse. Aussitôt, elle racheta sa liberté et ouvrit, dans la ville, une boutique où elle vendait des gâteaux de riz et d'autres douceurs. Puis, elle vécut heureuse et contente, ses pensées reconnaissantes allant souvent à son amie, la petite chatte noire.
Pendant que Youkiko se réjouissait de sa vie modeste, l'envie empêchait l'orgueilleuse noble dame de dormir. « Si une simple servante a eu tellement d'argent pour une simple visite à la chatte, combien n'en recevrais-je pas moi, sa maîtresse; certainement énormément plus ! » pensait-elle et cette idée la tenailla tant et si bien qu'un jour elle se dit : « Je ne peux me permettre de laisser échapper tout cet argent ! »
Elle loua des porteurs, fit emballer une grande quantité de bons mets dans des bahuts, et, sans révéler à quiconque de la maison ou du village l'objectif de son voyage, elle se mit en route vers les monts Inaba dans l'île Kyushu. Elle avança très vite – puisqu'elle n'avait pas, comme la pauvre Youkiko, à aller à pied, mais que, au contraire, elle était assise dans une chaise, incitant les porteurs à aller toujours plus vite. Finalement, elle arriva à son tour dans le premier village de l'île Kyushu et s'enquit aussitôt du chemin qui menait à la montagne des chats.
« La montagne des chats se trouve de l'autre côté de la rivière, là-bas, » répondirent volontiers les paysans. « Mais c'est une contrée très dangereuse, même nos plus courageux chasseurs n'osent pas trop s'éloigner de la rive. Vous feriez mieux de ne pas y aller. »
La maîtresse orgueilleuse rit seulement à ces paroles et ordonna de faire venir un batelier pour lui faire traverser la rivière. « Et, dépêchez-vous, » lança-t-elle encore à l'adresse des paysans. « Je n'ai pas le temps de rester longtemps dans votre misérable village ! »
« À chacun sa façon d'être heureux, » se dirent les paysans. « Nous l'avons avertie. En fin de compte ce n'est pas notre peau qui en jeu, mais la sienne. » Et ils laissèrent partir la maîtresse orgueilleuse.
À peine arrivée sur l'autre rive, celle-ci renvoya les porteurs au village.
« Je continuerai seule mon chemin; attendez-moi au village ! » ordonna-t-elle.
Et, à part elle, elle ajouta : « Vous n'avez nul besoin de savoir quelle richesse m'attend. »
Elle monta rapidement, connaissant le chemin d'après la description que lui en avait faite Youkiko. Mais, bientôt, elle se mit à haleter, épuisée par l'effort inhabituel de la marche à pied.
Elle essuya la sueur qui perlait à son front et fut très contente de voir enfin briller les toits rouges dans la clairière.
« C'est certainement le palais des chats, », se dit-elle. « Il n'a rien de particulier; il faut être servante pour y trouver quelque chose d'extraordinaire. »
Elle s'approcha de la clôture et appela : « Y a-t-il quelqu'un ? Faites-moi entrer ! »
Une belle jeune fille sortit alors du plus grand des bâtiments et s'inclina jusqu'à terre.
« Que désirez-vous, noble dame ? » demanda-t-elle avec une voix douce comme du velours.
« Je veux rendre visite à la chatte qui a servi chez moi et qui, un jour, s'est enfuie sans plus. Vous comprenez certainement l'insigne honneur que je fais à cette chatte de n'avoir pas hésité, moi, son ancienne maîtresse, à faire tout ce long chemin pour lui rendre visite. Je suis fatiguée et aimerais me reposer chez vous, » dit la femme du haut de son orgueil.
La belle jeune fille sourit et était sur le point de dire une de ses impolitesses habituelles, lorsque, d'un bâtiment secondaire, sortit une vieille grand-mère toute courbée qui s'approcha à petits pas rapides et chassa la jeune fille.
« Entrez donc, noble dame. Vous êtes certainement fatiguée de ce long voyage et aimeriez vous reposer un peu. » En multipliant les courbettes, elle ouvrit la porte et invita la maîtresse orgueilleuse à entrer.
« Celle-là sait au moins se comporter et recevoir un hôte aussi noble, » se dit la maîtresse orgueilleuse en suivant la vieille dans le bâtiment.
La vieille lui fit aussitôt préparer un bain et, ensuite, elle la conduisit dans une belle pièce où des nattes épaisses avaient été disposées pour faire un lit confortable.
« J'ai faim, » dit alors la maîtresse orgueilleuse d'un ton de commandement.
« Tout de suite, tout de suite, veuillez seulement attendre un instant, » répondit la vieille; et, en effet, peu après une servante fit son apparition portant un plateau avec les mets les plus délicieux. La maîtresse orgueilleuse mangea à sa faim et, comme l'effort inhabituel qu'elle avait fourni l'avait fatiguée – puisqu'elle n'avait jamais de sa vie autant marché à pied que ce jour – elle se coucha et s'endormit.
Mais, au milieu de la nuit, elle fut réveillée par un étrange grattement. Elle s'assit et regarda autour d'elle pour savoir d'où venait ce bruit. À travers les fentes de la porte, elle vit passer un rai de lumière. Elle se leva et entrouvrit la porte. Dans la pièce voisine, deux grands chats striés étaient couchés sur des nattes épaisses, leurs yeux verts luisant méchamment.
Vite, la maîtresse orgueilleuse referma la porte et, sur la pointe des pieds, elle alla vers la porte donnant dans la deuxième pièce voisine. Elle entrouvrit aussi cette porte, mais n'aperçut encore que deux chats, qui, eux, étaient mouchetés.
Alors, la maîtresse orgueilleuse fut prise de panique. « Youkiko ne m'a-t-elle pas dit que c'étaient de belles jeunes filles qui se trouvaient couchées dans les pièces ? – Mais, ici, je ne vois que d'horribles grands chats ! »
À cet instant, la porte s'ouvrit et son ancienne chatte entra.
Furieuse, la maîtresse orgueilleuse l'apostropha : « Il est vraiment temps que tu daignes faire ton apparition ! Je ne me plais pas du tout ici. Donne-moi vite un sachet avec des pièces d'or et laisse-moi sortir ! »
En entendant ces paroles, la petites chatte noire se rendit compte que son ancienne maîtresse n'avait en rien changé. Elle lança des regards méchants à la maîtresse, miaula fortement – et, à l'instant même, de grands chats accoururent de tous côtés et déchiquetèrent la maîtresse orgueilleuse.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Avril 2015 à 05:28:58
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La Jouvencelle au roseau


Il était une fois un roi juste et bon, mais âgé, qui ne souhaitait qu'une chose : transmettre la
couronne à son fils unique. Il sentait le temps venu pour lui de jouer au grand-père en faisant sauter ses
petits-enfants sur ses genoux.
Il fit proclamer, dans les limites du monde connu, qu'il consentirait à donner son fils en
mariage à toute jeune personne de qualité, pourvu qu'elle agréât à son fils.
Des quatre coins de l'univers, des messagers apportèrent des tableaux de jeunes filles ; belles,
et moins belles ; jeunes et moins jeunes ; riches et moins riches. Toutes aspiraient à devenir reine.
Le prince jetait un œil distrait sur les portraits de ces dames. Il refusait son agrément. Chaque fois que
le vieux roi s'étonnait de pareille obstination, le prince prétendait qu'il connaissait celle qui lui était
destinée : elle lui apparaissait chaque nuit en rêve. Il ne pouvait se tromper.
Un jour, le prince s'en alla porter ses pas jusqu’au bord de la rivière qui traversait de part en
part la Capitale du royaume. L'envie lui prit de se tailler une flûte dans l'un des roseaux. Voilà qu'à
peine le roseau taillé, il se mit à jouer seul ! Une voix s'éleva :
– Je suis la jouvencelle au roseau, celle qui depuis toujours t'est destinée. Une méchante sorcière
m'a transformée en roseau d'or, dans l'île qui se trouve à l'endroit où le fleuve se jette dans un lac.
Pour m'épouser, tu devras me retrouver et tailler le roseau d'or !
Le prince courut informer le roi qu'il savait où se trouvait celle qui depuis toujours lui était destinée.
Le roi se désola que son fils pût croire à pareille fable ! Contre la promesse d'épouser la fille qu'il lui
aurait choisie, pour le cas où sa quête serait vaine, il donna consentement à le laisser s'éloigner à la
recherche de sa belle, en aval de la rivière.
Le prince fit seller un cheval. Il suivit le cours de l'eau. Il parvint, au soir du premier jour, à
l'endroit où le fleuve se jetait dans le lac. L'île se profilait à quelques centaines de brasses. Sans plus
attendre, il se jeta dans les flots tumultueux. Il entreprit de fouiller l'île. Il dut interrompre ses
recherches à nuit faite.
Il se résolut à dormir sur place. Le lendemain, il reprit ses recherches, toute une journée
durant. Il désespérait de réussir quand, alors que le soir tombait de nouveau, dans un épais bosquet de
roseaux, il trouva le roseau d'or. À peine l'eut-il taillé avec son couteau, que le roseau lui échappa.
Dès qu'il eut touché le sol, le roseau se métamorphosa en une jeune fille, vêtue de sa seule
longue chevelure noire qui lui battait les talons. La jouvencelle au roseau était encore plus belle que
dans ses rêves ! Ses yeux étaient verts, couleur d'eau mouvante. Sa peau délicate avait la couleur du
lait. Ses lèvres étaient aussi rouges que des grenades. Il émanait de sa personne un parfum si délicat
qu'aucune rose ne lui était comparable.
Le prince voulut la mener sur-le-champ jusqu'au palais de son père. La jeune fille l'en
dissuada :
– Je ne peux être présentée à ton père dans le plus simple appareil. Tu dois, mon bien aimé, toi
que j'ai appelé en rêve durant toutes ces nuits, aller me quérir une robe afin que j'apparaisse à tous
digne d'être ta femme. Va vite, je t'attendrai !
Le prince se rendit aux raisons de la jouvencelle. Il reprit aussi vite que cela se peut le chemin de la
Capitale.
Ce que tous deux ignoraient, c'est que la sorcière n'avait perdu miette de la rencontre de
l'homme et du roseau, de la métamorphose de la jouvencelle, de la discussion entre les deux jeunes
gens ! Comme elle voulait être reine, elle donna au dépourvu un coup de baguette à la jeune fille, qui
devint un petit poisson d'or ! Drapée dans sa longue chevelure noire, identique à celle de la
jouvencelle, la sorcière attendit le retour du prince.
Les choses ne se déroulèrent pas comme ce dernier l'avait prévu : le roi le dissuada de
retourner sur-le-champ chercher sa promise.
– Tu seras plus utile ici, pour recevoir nos invités ! Envoie plutôt ton serviteur, et la femme de
chambre, qui sera dorénavant à l'entière disposition de ta femme, jusqu'à l'île, avec un carrosse.
Puisque tu veux en faire une reine, elle doit entrer en reine dans la Capitale !
Le jeune homme se rendit aux raisons de son père.
Pendant que le carrosse traçait chemin vers l'île au roseau, le jeune homme s'empressa auprès
des invités à la noce, veillant à ce qu'ils ne manquassent de rien !
En arrivant sur place, la femme de chambre, portant une robe de soie agrémentée de perles et de
diamants destinée à la jouvencelle, ne put s'empêcher de s'étonner à haute voix que le prince eut
choisi femme si laide, ridée comme un pachyderme, à la peau si noire !
– C'est à cause du prince ! Il m'a fait attendre toute une journée en plein soleil, prétendit la
sorcière. Dans quelques jours, il n'y paraîtra plus. Je redeviendrai la jouvencelle de ses rêves. Tu dois
me couvrir la tête d'une étoffe afin de me protéger des agressions du soleil !
C'est donc voilée que la sorcière pénétra dans la Capitale de son futur royaume. Le prince
s'étonna d'un tel travestissement :
– Pourquoi, ma bien aimée, dissimuler ton visage à la beauté incomparable à nos invités ?
Elle lui fit d'amers reproches sur le peu d'empressement qu'il avait mis à venir la chercher. Cette
désinvolture expliquant la raison pour laquelle elle avait le teint gâté ! Le prince fut surpris par la voix
croassante qui émanait du voile. Il mit cela sur le compte des fatigues du voyage. La sorcière obtint du
roi qu'il fît couper la tête de la femme de chambre qui l'avait trouvé femme si laide, ridée comme un
pachyderme, à la peau si noire !
Le mariage eut lieu. Le soir même, le prince découvrait enfin la supercherie. Trop tard ! Ils
étaient mariés devant Dieu. De ce jour, le prince erra désespéré dans le palais. Il évitait autant qu'il le
pouvait tout face à face avec sa femme. Il passait de longues journées à se promener au bord de la
rivière ; cette rivière qui lui rappelait le souvenir de la jouvencelle au roseau...
Le petit poisson d'or avait remonté la rivière en amont. Il parvint ainsi aux abords du palais. Il
pouvait ainsi voir le prince déambuler, la mine sombre, en regardant mélancoliquement couler l'eau.
Des serviteurs venaient chaque jour pêcher afin d'assurer en poisson frais les repas du roi, du prince et
de sa femme. Le petit poisson d'or se laissa volontairement prendre dans les mailles de leurs filets.
Les pêcheurs furent surpris en voyant un petit poisson si beau, aux grands yeux verts, couleur
d'eau mouvante. Ils le délivrèrent avec précaution.
Ils coururent le montrer au prince. Celui-ci, en découvrant le petit poisson d'or et les grands
yeux verts, couleur d'eau mouvante, commanda immédiatement qu'on bâtit un bassin de marbre rose.
C'est au bord de ce bassin qu'il passait dorénavant ses journées, observant avec tendresse les grands yeux verts, couleur d'eau mouvante, qui lui rappelaient ceux de la jouvencelle au roseau.
La sorcière savait de quoi il retournait ! Elle alla trouver le roi, son beau-père. Elle lui dit que si
elle était si laide, si le prince perdait la raison en s'amourachant d'un poisson, il y avait là quelque
maléfice qu'elle se faisait fort de conjurer :
– Envoyez votre fils sous un prétexte quelconque loin du palais. Faites cuire le petit poisson.
Partageons-nous en la chair. Je retrouverai ma beauté et l'amour de mon mari. Vous, vous recouvrerez
jeunesse et vigueur !
Le roi crut à la fable de la sorcière ! Il éloigna son fils. Durant son absence, il fit pêcher et cuire
le petit poisson, qu'il partagea avec sa belle-fille. La chair du poisson ne procura ni beauté, ni amour à
la sorcière ; le roi n'en obtint ni jeunesse ni vigueur !
Le cuisinier jeta les arrêtes. Le serviteur du prince les enterra dans un coin du jardin. En
l'espace d'une nuit, un rosier poussa où gisaient les restes du petit poisson d'or. Au matin, les rameaux
bourgeonnaient. À midi, les roses étaient fraîches écloses ! Le prince se désola de la disparition du
petit poisson d'or. Quand il vit le rosier, quand il sentit les senteurs enivrantes qu'il dégageait, il entra
en extase devant une telle splendeur, une telle délicatesse !
La sorcière enrageait ! Elle alla de nouveau trouver le roi, son beau-père. Elle lui dit que si elle
était si laide, si le prince perdait la raison, s'amourachant d'un rosier, il y avait là quelque maléfice
qu'elle se faisait fort de conjurer :
– Envoyez votre fils sous un prétexte quelconque loin du palais. Faites arracher le rosier. Faites le
brûler. Je ferai de la cendre un philtre que nous nous partagerons. Je retrouverai ma beauté et l'amour
de mon mari ; vous, vous recouvrerez jeunesse et vigueur !
Le roi crut de nouveau à la fable de la sorcière ! Il éloigna son fils. Durant son absence, il
commanda qu'on arrachât le rosier. Le jardinier refusa. Telle une furie, la sorcière le fit congédier sur
l'heure. Ses serviteurs arrachèrent l'arbuste, qu'ils brûlèrent. Le philtre que confectionna la sorcière
de la cendre ne lui procura ni beauté, ni amour ; le roi n'en obtint ni jeunesse ni vigueur !
Ce que la sorcière ignorait, c'est que le jardinier avait regagné sa masure, aux abords de la
Capitale, en emportant l'une des roses ! Comme il lui fallait bien manger, le jour suivant il gagna le
marché pour trouver quelque emploi de portefaix ! Durant son absence, la rose se métamorphosa en
jouvencelle au roseau. Quelle ne fut pas la surprise du jardiner en constatant que la maison était rangée
avec soin et qu'un repas chaud l'attendait !
Le lendemain, les choses se déroulèrent à l'identique : la rose se métamorphosa en jouvencelle
au roseau, le jardinier trouva maison rangée et un repas chaud ! Le surlendemain, il revint à
l'improviste. Il découvrit l'existence de la jouvencelle au roseau !
– Je te supplie de ne point révéler pour l'heure ma présence en ces lieux. Va, je te prie, au
marché acheter la soie la plus recherchée, de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel !
Le jardinier agréa à la demande de la jouvencelle : il revint avec la soie. Elle en tissa un tapis
extraordinaire : il représentait un roseau d'or, un poisson d'or, un rosier, sur fond d'arc-en-ciel !
– Va, je te prie, exposer ce tapis au marché. Quoi qu'on t'en offre, refuse de le vendre. Quand le
prince viendra, refuse encore. Dis-lui que ce tapis est à lui, à condition qu'il se rende le soir dans ta
maison, accompagné de son père et de sa femme !
Le lendemain, tout le marché était en émoi ! Le bruit courait qu'on y trouvait le plus beau tapis qui soit ! Le jardinier déclinait les offres, toutes plus mirobolantes les unes que les autres.
Le serviteur du prince, qui avait accompagné le carrosse, savait tout de l'aventure de son maître. Il courut
l'informer de l'existence de ce tapis extraordinaire. Le prince était dans le plus complet ravissement
en examinant l'œuvre :
– Dis ton prix, jardinier ! Quel qu'il soit, je t'en donnerai dix fois plus !
– Ce tapis n'est pas à vendre, prince. Vous l'aurez pour rien, à condition de venir ce soir chez
moi avec votre père et votre femme !
Le prince accepta avec empressement la proposition. Le soir même, il se rendit aux abords de la ville,
dans la masure du jardinier. La nuit était noire. Ni lune ni étoile pour l'attendrir. La masure était
éclairée, sans qu'il s'y trouvât ni lampe, ni bougie, ni flambeau : la lumière qui baignait la pièce
émanait du tapis. Une voix s'éleva :
– Prince, roi et reine, je vais vous raconter une histoire. Il était une fois une fée transformée en
roseau d'or par une sorcière désireuse d'épouser un prince et de devenir reine !
Le tapis s'anima. Un bouquet de roseaux dodelinait au gré du courant !
– La fée redevint ce qu'elle était, poursuivit la voix, par la grâce de l'amour qu'elle portait à un
prince, et à celui que ce dernier éprouvait en retour pour elle. La sorcière la transforma de nouveau.
Elle devint petit poisson d'or frétillant dans un bassin de marbre rose !
Le tapis s'anima de nouveau. Le poisson d'or voguait dans les eaux bleues qui baignaient la pièce !
– La sorcière avait épousé par traîtrise le prince. Par traîtrise, elle fit manger de la chair du petit
poisson à son beau-père, le roi. Des arrêtes du petit poisson naquit un rosier !
Le tapis s'anima à nouveau. Un rosier envahit la pièce. Son parfum enivrant envoûta les assistants !
– Ce rosier, la sorcière le fit brûler. Un brave jardinier en recueillit pourtant une rose. Voici,
prince, roi, reine, l'histoire de la fée, qu'on nommait la jouvencelle au roseau, amoureuse d'un
prince !
La jouvencelle au roseau se matérialisa ! Le prince la serra dans ses bras. Le roi, furieux d'avoir
été dupé par une sorcière, fit enfermer celle-ci dans le cachot le plus noir, de la plus redoutable prison
du royaume.
Le prince épousa la jouvencelle. C'est ainsi que le vieux roi, juste et bon, réalisa le rêve qu'il
caressait depuis si longtemps : il transmit la couronne à son fils unique, et connut les joies de jouer au
grand-père en faisant sauter ses petits-enfants sur ses genoux !
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: alouette2 le 27 Avril 2015 à 09:24:29
Un petit conte d'Olivier Clerc, écrivain et philosophe, d'une grande richesse d'enseignement. Il s'agit du principe de la grenouille chauffée : "La grenouille qui ne savait pas qu'elle était cuite."

Imaginez une marmite remplie d'eau froide dans laquelle nage tranquillement une grenouille.

Le feu est allumé sous la marmite, l'eau chauffe doucement.
Elle est bientôt tiède.
La grenouille trouve cela plutôt agréable et continue à nager.

La température continue à grimper.
L'eau est maintenant chaude.
C'est  un peu plus que n'apprécie la grenouille, ça la fatigue un peu, mais elle ne s'affole pas pour autant.

L'eau est cette fois vraiment chaude.
La grenouille commence à trouver cela désagréable, mais elle s'est affaiblie, alors elle supporte et ne fait rien.

La température continue à monter jusqu'au moment où la grenouille va tout simplement finir par cuire et mourir.

Si la même grenouille avait été plongée directement dans l'eau à 50°, elle aurait immédiatement donné le coup de patte adéquat qui l'aurait éjectée aussitôt de la marmite.

Cette expérience montre que, lorsqu'un changement s'effectue d'une manière suffisamment lente, il échappe à la conscience et ne suscite la plupart du temps aucune réaction, aucune opposition, aucune révolte.

Si nous regardons ce qui se passe dans notre société depuis quelques décennies, nous subissons une lente dérive à laquelle nous nous habituons.

Des tas de choses qui nous auraient horrifiés il y a 20, 30 ou 40 ans, ont été peu à peu banalisées et nous dérangent mollement à ce jour, ou laissent carrément indifférents la plupart des gens.
Au nom du progrès et de la science, les pires atteintes aux libertés individuelles, à la dignité , à l'intégrité de la nature, à la beauté et au bonheur de vivre, s'effectuent lentement et inexorablement avec la complicité constante des victimes, ignorantes ou démunies.

Les noirs tableaux annoncés pour l'avenir, au lieu de susciter des réactions et des mesures préventives, ne font que préparer psychologiquement le peuple à accepter des conditions de vie décadentes, voire dramatiques.

Le gavage permanent d'informations «politiquement correct» de la part des médias sature les cerveaux qui n'arrivent plus à faire la part des  choses...
Alors si vous n'êtes pas, comme la grenouille, déjà à moitié cuite,  donnez le coup de patte salutaire avant qu'il ne soit trop tard.

C'est ce que dénonçait déjà Saint Augustin (Algérie : 430 ap JC) :
« A force de tout voir, on finit par tout supporter...
A force de tout supporter, on finit par tout tolérer...
A force de tout tolérer, on finit par tout accepter...
A force de tout accepter, on finit par tout approuver »
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 02 Mai 2015 à 17:07:02
l était une fois, dans une région lointaine du Viêt Nam, un jeune paysan, brave et généreux, prénommé Ngoc Tâm. Il avait une femme très belle et très élégante. Contrairement à son mari, qui était économe et laborieux, elle était paresseuse et adorait le luxe. Malgré cela, Ngoc Tâm aimait son épouse et lui pardonnait tout.

Malheureusement, cette union ne fut que de courte durée, car la jeune femme mourut brutalement un beau matin. Désespéré, Ngoc Tâm ne voulut pas se séparer du corps de son épouse et s'opposa à son ensevelissement.
Après avoir vendu ses biens, il s'embarqua avec le cercueil dans un petit bateau à voile, un sampan, et erra au gré du courant, n'ayant en tête aucune destination précise.
Un jour, son sampan l'amena au pied d'une colline verdoyante et parfumée. Descendu à terre, il découvrit un paysage d'une grande beauté avec des fleurs rares et des arbres chargés de fruits variés. Il rencontra soudain un vieillard à la barbiche et aux longs cheveux blancs. Il se dégageait du vieil homme une grande sérénité et une miséricorde étonnante. Ngoc Tâm comprit qu'il avait devant lui un génie des lieux. Il se jeta à ses pieds, l'implorant de rendre la vie à sa femme.
Pris de pitié, le génie lui dit : « Je vais exaucer tes vœux, car ton amour et ta douleur sont sincères. Mais puisses-tu ne pas le regretter plus tard ! » Puis il demanda au paysan d'ouvrir le cercueil, de se couper le bout du doigt et de laisser tomber trois gouttes de sang sur le corps de la défunte. Aussitôt, celle-ci ouvrit les yeux comme si elle sortait d'un long sommeil. Avant de partir, le génie s'adressa à la femme : « N'oublie pas tes devoirs d'épouse. Pense à l'amour que ton époux te porte et à son dévouement. Soyez heureux tous deux. »

Pressé de regagner son foyer, Ngoc Tâm rama jour et nuit. Un soir, il dut accoster pour aller acheter des provisions. Pendant son absence, la grande barque d'un riche marchand vint s'amarrer à côté de la sienne.
Frappé par la beauté de la jeune femme, le marchand entra en conversation avec elle, finit par la séduire et par l'emmener avec lui vers une nouvelle destination. À son retour, Ngoc Tâm, furieux, décida de se lancer à la poursuite du riche marchand.
Il parvint à retrouver ce dernier après de longs mois de recherche. Il retrouva également sa femme et lui proposa de le rejoindre. Habituée à la vie luxueuse que lui offrait le marchand, celle-ci refusa. D'un coup, le paysan fut guéri de son amour et dit à sa femme : « Tu es libre de me quitter. Mais tu dois me rendre les trois gouttes de sang que j'ai versées sur ton corps pour te ranimer. »
Heureuse de se débarrasser à si bon compte de son stupide mari, elle s'empressa de se piquer le doigt. Mais au moment où le sang commença à couler, elle s'écroula morte.
Toutefois, elle ne pouvait pas se résigner à quitter définitivement ce monde. Elle y revint transformée en un minuscule insecte poursuivant sans relâche Ngoc Tâm, pour lui voler les trois gouttes de sang qui la ramèneraient à la vie humaine. C'est cet insecte que l'on appelle « moustique ».
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 10 Mai 2015 à 06:14:28
(http://img11.hostingpics.net/pics/951675duong.jpg)
La soeur Alionouchka


Il y avait deux orphelins qui s'en allaient par les champs et les prés, par la longue route, par la vaste terre. Leurs parents étaient morts, les laissant tout seuls. La grande sœur Alionouchka et son petit frère Ivanouchka sont partis courir le monde au hasard, à l'aventure.
Le soleil est haut, le puits est loin, la chaleur est cruelle, la sueur ruisselle. Ivanouchka a bien soif.
- Patiente, petit frère, dit Alionouchka. On va arriver au puits.
Mais avant d'y arriver, ils voient un étang. Au bord, les vaches sont en train de paître. Ivanouchka dit :
- Alionouchka, ma sœur, je vais boire de l'eau de cet étang.
- Ne bois pas, petit frère. Tu deviendrais un petit veau.
Ivanouchka a obéi et ils ont poursuivi leur chemin. Mais le soleil est haut, le jour est loin, la chaleur cruelle, la sueur ruisselle. Au bord de la rivière des chevaux pais; Ivanouchka dit :
- Alionouchka, ma sœur, j'ai soif! Je vais boire dans la rivière.
- Ne bois pas, petit frère, tu deviendrais petit poulain.
Ivanouchka a soupiré, s'est laissé emmener. Mais le soleil est haut, le puits est loin la chaleur cruelle, la sueur ruisselle. Au bord d'un lac des chèvres broutent. Ivanouchka dit :
- Alionouchka, ma sœur, je n'y tiens plus ! Je vais boire là.
- Ne bois pas, petit frère, tu deviendrais petit chevreau.
Mais cette fois Ivanouchka n'a pas écouté sa sœur. Il a bu de l'eau du lac et aussi il est devenu un petit chevreau.
Alionouchka s'est assise dans l'herbe à pleurer des larmes amères ; le chevreau autour d'elle gambade, bêle. Mais pleurer n'est pas remède au malheur. Alionouchka a noué au cou du chevreau sa ceinture de soie et l'a emmené comme ça avec elle.
Un jour le chevreau gambadait en liberté, il est entré dans les jardins du tsar.
Alionouchka voulait le rattraper et l'a suivi. Les serviteurs du tsar l'ont vue, ils ont couru dire à leur maître qu'il y avait un chevreau dans ses jardins et avec le chevreau une jeune fille si belle que ça ne peut se raconter. Le tsar a voulu voir cette beauté, il a dit aux serviteurs de lui amener la jeune fille et son chevreau. Et il se mit à demander : qui ils sont, où il vont, d'où ils viennent ? Alionouchka ne lui a rien caché :
- Quand nos père et mère sont morts, mon frère Ivanouchka et moi, nous somme partis à l'aventure. Ivanouchka avait soif, il a bu de l'eau du lac où des chèvres broutaient Et il est devenu chevreau
   Plus le tsar l'écoute, plus il la regarde. Plus il la regarde et plus il la trouve belle. bien qu'à la fin il lui dit :
- Accepte-moi pour mari ! Tu seras vêtue d'or, coiffée d'argent. Et la chèvre vivra avec nous dans le contentement et la joie.
Alionouchka n'a pas dit non. Un tsar, ça n'attend pas après les bières-vins pour donner un festin ! On a vite célébré la noce et les voilà vivant tous trois ensemble, chevreau dans les jardins trottine, mange et boit avec le tsar et la tsarine. Et ils sont tellement heureux, qu'à les voir les braves gens se réjouissent, les méchants sont malades d'envie.
Mais un jour que le tsar était à la chasse, une méchante sorcière est venue trouver Alionouchka. Par des paroles trompeuses elle l'a attirée au bord de la mer, par traîtrise elle l'a jetée à l'eau avec une pierre au cou.
Puis la sorcière en Alionouchka s'est changée comme elle s'est vêtue-parée, dans le palais s'est installée. Tout le monde s'y est mépris même le tsar n'a rien remarqué. Seulement dans les jardins les fleurs se sont fanées, les arbres ont séché, l'herbe s'est flétrie. Et le chevreau qui savait la vérité ne mangeait plus ne buvait plus, restait au bord de la mer bleue à pleurer, à se désoler. De le voir comme ça, la sorcière écumait de rage. Et elle s'est mise à harceler le tsar :
- Fais tuer ce chevreau ! Il m'agace, il m'insupporte, je ne veux plus le voir !
Le tsar n'en revenait pas - sa femme qui aimait tant le chevreau, voilà qu'elle veut sa mort?... Mais à force d'insister, la sorcière a fini par lui arracher la permission de tuer chevreau.
Celui-ci, le pauvre ! avait tout compris. Il a demandé au tsar :
- Laisse-moi aller au bord de la mer bleue, barboter dans l'eau, laver mes petits bots.
Le tsar a permis. Et le chevreau a couru sur le rivage, il a appelé en pleurant :
Alionouchka, ma chère sœur !

Viens du fond de l'eau à mon secours !
Les grands feux ardents sont allumés,
Les grandes marmites sont préparées,
Les grands coutelas sont affûtés,
On s'apprête à me couper le cou !

Mais du fond de l'eau sa sœur lui répond :

Ah, Ivanouchka, frère chéri
La pierre pesante me retient au fond,
Les herbes marines entravent mes pieds,
Le serpent cruel a mangé mon cœur !
Le chevreau s'en est allé en sanglotant.

Vers la mi-journée il a encore demandé au tsar :

- Laisse-moi aller au bord de la mer bleue, barboter dans l'eau, laver mes petits sabots.
Le tsar a permis. Et le chevreau est retourné sur le rivage, il a appelé sa sœur en pleurant :

Alionouchka, ma chère sœur !
Viens du fond de l'eau à mon secours !
Les grands feux ardents sont allumés,
Les grandes marmites sont préparées,
Les grands coutelas sont affûtés,
On s'apprête à me couper le cou !

Et du fond de l'eau Alionouchka répond :

Ah, Ivanouchka, frère chéri !
La pierre pesante me retient au fond,
Les herbes marines entravent mes pieds,
Le serpent cruel a mangé mon cœur !

Le chevreau est revenu à la maison en pleurant. Et le soir venu, il a de nouveau demandé au tsar :

- Laisse-moi aller au bord de la mer, barboter dans l'eau, laver mes sabots.
Le tsar a permis. Mais il s'est dit en lui-même : «Pourquoi ce chevreau court-il tout le temps au bord de la mer ?» et il l'a suivi sans se faire voir. Le chevreau s'est approché des vagues, a crié en pleurant :

Alionouchka, ma chère sœur !
Viens du fond de l'eau à mon secours !
Les grands feux ardents sont allumés,
Les grandes marmites sont préparées,
Les grands coutelas sont affûtés,
On s'apprête à me couper le cou !

Et le tsar a entendu une voix qui répondait du fond des eaux :

Ah, Ivanouchka, frère chéri !
La pierre pesante me retient au fond,
Les herbes marines entravent mes pieds,
Le serpent cruel a mangé mon cœur !

Mais le chevreau appelait encore et encore d'une voix déchirante. Et tout à coup, Alionouchka est apparue dans les vagues.
Le tsar s'est précipité. Il a saisi Alionouchka, il l'a tirée des eaux profondes, il a irradié la pierre qu'elle avait au cou. Et alors, elle lui a raconté tout ce qui s'était passé. Vous imaginez leur joie à tous les trois ! A force de gambader, le chevreau a fait trois culbutes - et à la troisième culbute il est redevenu le petit garçon Ivanouchka. Et quand le tsar, la tsarine et le petit frère sont rentrés à la maison, ils ont vu les jardins refleuris, l'herbe reverdie, les fleurs épanouies.
La sorcière, le tsar l'a fait brûler sur les mêmes feux qu'elle préparait pour le chevreau cendres ont été jetées au vent, pour que le souvenir en soit à jamais perdu. Et le tsar avec Alionouchka et le petit frère Ivanouchka ont vécu tout le reste de vie sans souci ni peine, dans la bonne entente et la joie.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Mai 2015 à 13:02:35
(http://img11.hostingpics.net/pics/716253poisson1.png)
Ourashima Taro et la déesse de l'Océan

Il y avait autrefois, au pays de Tango, une bourgade du nom de Mizunoé. Dans cette bourgade vivait un pêcheur, qui s'appelait Ourashima Taro. C'était un homme vertueux, au cœur sensible et bon qui, de sa vie, n'avait jamais fait ni souhaité de mal à personne.
Taro revenait un soir de la pêche. La prise ayant été abondante, il rentrait satisfait et joyeux. Sur le rivage, il aperçoit une bande de petits garçons, qui semblaient prendre un malin plaisir à tourmenter une petite tortue, trouvée sur le sable.
Taro n'aimait pas qu'on fît souffrir les bêtes. Il eut pitié de la tortue. S'approchant des enfants, et s'efforçant de donner à sa voix un ton impérieux :
- Quel mal vous a donc fait, dit-il, cette innocente créature, pour la tourmenter de la sorte ? Ignorez-vous que les dieux punissent les enfants qui maltraitent les animaux ?
- Mêlez-vous donc de ce qui vous regarde, répond insolemment le plus âgé de la troupe. Cette tortue n'appartient à personne. Nous sommes libres de la tuer si cela nous fait plaisir. Vous n'avez rien à y voir.
Le pêcheur comprend qu'aucun raisonnement n'aura de prise sur ces cœurs sans pitié. Il change de tactique et, d'un ton plus radouci :
- Allons, ne vous fâchez pas ainsi, mes enfants ! je n'avais pas l'intention de vous gronder. Je voulais vous proposer un marché. Voulez-vous me vendre cette tortue ? Je vous en donne vingt sous. Cela vous va-t-il ?
Vingt sous ! C'était une fortune pour ces marmots. Ils acceptent sans hésiter ; Taro leur donne donc deux petites pièces blanches ; aussitôt ils courent au village acheter des gâteaux. Resté seul avec la tortue, qu'il a
conscience d'avoir arrachée à une mort certaine, le brave pêcheur la soulève dans les mains, et lui dit, en la caressant :
- Pauvre petit animal ! Le proverbe te donne dix mille ans d'existence, tandis qu'il n'en accorde que mille à la cigogne. Que serais-tu devenu sans moi ? Je crois bien que tes dix mille ans auraient été considérablement écourtés ! Car ils allaient te tuer, ces vauriens !... Allons, je vais te rendre la liberté. Mais à l'avenir, sois prudente, et surtout ne retombe jamais plus dans les mains des enfants.
Cela dit, il dépose la tortue sur le sable, et la laisse aller. Puis, jouissant de la pleine satisfaction que procure toujours un bon acte accompli, il retourne en sifflant à sa demeure. Ce soir-là, la soupe lui parut meilleure, et son sommeil fut plus léger...
Le lendemain matin, Taro, s'étant levé de bonne heure, part pour la pêche, selon son habitude. Le voilà qui gagne le large, monté sur sa petite barque. Il va jeter son filet. Tout à coup, il perçoit dans l'eau un clapotement étrange.
- Monsieur Ourashima ! fait une voix derrière lui.
Le pêcheur se demande qui peut bien, à cette heure matinale, l'appeler par son nom. Il regarde autour de lui, mais il ne voit personne. Croyant s'être trompé, il se dispose de nouveau à commencer sa pêche.
- Monsieur Ourashima ! répète la même voix.
Taro se retourne une seconde fois. Quelle n'est pas sa surprise, d'apercevoir, tout auprès de la barque, la petite tortue, la tortue dont, la veille, il a sauvé la vie !
- Oh ! C'est donc toi qui m'as appelé ?
- Oui, c'est moi, Monsieur Ourashima. Je suis venue vous dire bonjour, et vous remercier du service que vous m'avez rendu hier soir.
- Voilà qui est bien aimable de ta part. Voyons ! que pourrais-je t'offrir ? Si tu fumais, je te passerais volontiers ma pipe. Mais tu ne dois pas fumer, toi !
- Non, je ne fume pas, Monsieur Ourashima. Mais, si ce n'est pas trop d'indiscrétion, j'accepterais avec plaisir une tasse de saké.
- Du saké ? Tu bois donc du saké ! C'est bien heureux ! J'en ai justement ici une petite bouteille. Il n'est pas de première qualité, mais il n'est pas mauvais tout de même. Voici !
Et le pêcheur, emplissant une tasse, la passe à la tortue, qui l'avale d'un trait. Puis, la conversation, un instant interrompue, continue de la sorte :
- En veux-tu une seconde tasse ?
- Non, merci, Monsieur Ourashima. Une seule me suffit... À propos, avez-vous déjà visité le palais d'Otohimé, la déesse de l'Océan ?
- Non, pas encore.
- J'ai justement l'intention de vous y conduire aujourd'hui.
- Comment ? Tu veux m'y conduire ? Mais il doit être bien loin, ce palais ! D'abord, je ne sais pas nager comme toi.
Comment veux-tu que je te suive ?
- Oh ! il n'est pas nécessaire de savoir bien nager, Monsieur Ourashima. Vous n'aurez même pas à nager du tout. Vous allez monter sur mon dos ; je vous porterai moi-même.
- Monter sur ton dos !... Mais, tu n'y penses pas, ma petite tortue. Quand bien même tu serais dix fois plus grosse, il serait impossible à un homme comme moi de monter sur ton dos, et de s'y tenir sans danger !
- Ah ! Monsieur Ourashima, vous trouvez que je suis trop petite ? C'est bien... Attendez une seconde. Vous allez voir.
Et voilà que la petite tortue se met à grossir... à grossir... Elle devient aussi grosse que la barque du pêcheur. Celui-ci, frappé de ce prodige, n'hésite plus. Il monte sur le dos de l'animal, s'y installe à son aise. Et la tortue l'emporte vers le palais d'Otohimé, la déesse de l'Océan.
Au bout de quelques heures, Taro aperçoit dans le lointain un immense monument :
- Quel est ce monument ? demande-t-il à la tortue.
- C'est le portail du palais, répond-elle.
Et, à mesure qu'ils approchent, le portail semble grandir, et se teinter de couleurs brillantes.
Ils arrivent enfin. La tortue dépose son cavalier sur du sable, dont chaque grain est une perle. Le pêcheur peut voir alors que le portail est en or massif, incrusté de pierreries.
Deux énormes dragons en gardent l'entrée. Ils ont un corps de cheval, une tête et des griffes de lion, des ailes d'aigle et une queue de serpent. Leur aspect est terrible ; néanmoins, c'est d'un regard plein de douceur qu'ils fixent le nouvel arrivé.
La tortue seule avait pénétré sous le porche. Elle en sortit bientôt, accompagnée d'une multitude de poissons. Il y en avait de toutes les grandeurs et de toutes les formes. Chacune des espèces que renferme l'Océan était représentée. Ils portaient tous la livrée de la déesse, couleur d'azur et galons d'argent. Ils s'avancèrent au-devant du pêcheur et le saluèrent jusqu'à terre, avec toutes les marques de la sympathie et du respect.
Le brave Taro ne comprenait rien à toutes ces choses ; mais, sachant très bien qu'on ne lui voulait aucun mal, il se laissa faire. On le dépouilla de son costume de pêche, et on le revêtit d'une magnifique robe de soie. On lui attacha aux pieds des pantoufles de velours ; puis un page charmant, le prenant par la main, l'introduisit dans le palais.
S'appuyant sur une rampe d'ivoire, il monte les sept degrés d'un escalier de marbre, et arrive devant la porte en bois d'acajou, sur laquelle scintillent des émeraudes. Elle s'ouvre d'elle-même et Taro pénètre dans l'appartement de la déesse. C'est une salle immense, dont le plafond en corail est soutenu par vingt colonnes de cristal. De nombreuses lampes en vermeil y donnent une douce et brillante lumière. Les parois sont en marbre parsemé de rubis et de pierreries diverses.
Au milieu de toutes ces merveilles, assise sur un trône de diamant, ornée de ses plus riches parures, et environnée de toute sa cour, se tient Otohimé, la déesse de l'Océan. Elle est extraordinairement belle, plus belle que l'aurore à son lever. Lorsque Taro la vit, elle le contemplait avec son plus gracieux sourire. Il voulut se prosterner. La déesse ne lui en laissa pas le temps. Se levant de son trône, elle s'avança vers lui, majestueuse et aimable, et lui prenant affectueusement les mains :
- Soyez le bienvenu ! lui dit-elle. J'ai appris que, hier soir, vous aviez sauvé la vie à l'un des sujets les plus vénérés de mon empire. J'ai voulu vous en exprimer de vive voix ma sincère reconnaissance, et voilà la raison pour laquelle je vous ai fait venir ici.
Taro ne savait que répondre. Il se tut. Alors, sur un signe de la déesse, on le fit asseoir sur un coussin en soie, cousue de fil d'or. On lui apporta une petite table en ivoire, sur laquelle étaient posés, dans des plateaux de vermeil, toutes sortes de mets appétissants. Taro fit un repas, comme il n'en avait jamais fait depuis qu'il était au monde. Quand il eut fini de manger, la déesse le conduisit voir les diverses parties de son palais.
Le pêcheur marchait de surprise en surprise, d'éblouissement en éblouissement. Mais ce qui le frappa le plus, et mit le comble à son admiration, ce fut le jardin. Il y avait là quatre parterres immenses ; chacun représentait l'une des quatre saisons de l'année.
À l'est, c'était le parterre du printemps : d'innombrables pruniers et cerisiers en fleurs s'élevaient au-dessus d'un verdoyant gazon ; de nombreux rossignols y modulaient leurs délicieuses romances ; des alouettes y faisaient leur nid.
Au sud s'étendait le parterre de l'été : là, des pommiers et des poiriers, dont les branches pliaient sous le poids de leurs fruits. Des cigales y remplissaient l'air de leurs cris assourdissants et monotones. Il y régnait une grande chaleur, tempérée par un doux zéphyr.
L'automne était représenté par le parterre de l'ouest. Le sol y était couvert de feuilles jaunissantes et de bouquets de chrysanthèmes. Enfin, le parterre de l'hiver était au nord : c'était un immense tapis de neige, entourant un étang de glace...
Taro passa sept jours dans ce palais enchanteur. Fasciné par toutes les merveilles qui s'offraient à ses regards, charmé de la bonté que lui témoignait la déesse, et du bien-être qu'il éprouvait auprès d'elle, il avait oublié son village ; il ne songeait plus à son vieux père, à sa femme, à ses enfants, à sa barque, à ses filets.
Un jour pourtant il s'en souvint, et la tristesse le prit.
- Que doit penser mon père, se dit-il, d'une si longue absence ? Combien ma femme et mes enfants doivent être inquiets, et attendre mon retour ! Ils me croient peut-être mort, englouti au fond de l'Océan ! Et ma barque, qu'est-elle devenue ? Et mes filets ?...
Alors, Taro résolut de partir. Il en parla à la déesse. Celle-ci essaya bien de le retenir encore, mais toutes ses instances demeurèrent infructueuses. Ce voyant, la belle Otohimé le prit à part dans sa chambre secrète et, tirant du fond d'un coffre une petite boîte en laque, elle la lui donna, en disant :
- Puisqu'à tout prix vous voulez partir, Monsieur Ourashima, je ne vous retiens plus.
Tenez ! Emportez cette boîte, comme souvenir de moi et de votre séjour ici. Mais promettez-moi que, quoiqu'il arrive, vous ne l'ouvrirez jamais. Monsieur, retenez bien mes paroles : le jour où, cédant à une curiosité coupable, vous ouvrirez cette boîte, vous êtes un homme mort.
Taro accepta le présent avec beaucoup de reconnaissance. Il promit que jamais il n'ouvrirait la boîte, quoiqu'il puisse arriver. Puis la déesse l'embrassa sur le front, elle l'accompagna jusqu'au seuil de sa porte, et ils se séparèrent. Le pêcheur remonta sur le dos de la tortue, et celle-ci le ramena au rivage...
Taro est de retour. Mais, comme tout a changé pendant son absence ! Les arbres qui se trouvent à l'entrée du bourg ne sont plus ceux qu'il était habitué à y voir. Le village s'est agrandi ; il y a des maisons nouvelles, des maisons comme il n'en a jamais vu de sa vie. Quel n'est pas son étonnement de ne plus retrouver aucune de ses connaissances ! Tous les visages qu'il rencontre lui sont entièrement inconnus !
Ne comprenant plus rien à cette soudaine métamorphose des hommes et des choses, Taro ne sait que penser ni que croire. Il lui tarde de retrouver son père, sa femme et ses enfants, pour apprendre de leur bouche le pourquoi de ce qui l'étonne. Il se dirige vers sa demeure. Là, sa surprise redouble. C'est bien cette maison qu'il a quittée, il y a sept jours. Mais elle tombe en ruines. Il s'approche et jette un coup d'œil à l'intérieur. Il n'y voit aucun des objets qui lui étaient familiers. Il n'y retrouve ni son père, ni sa femme, ni ses enfants.
Sur la natte, un vieillard est assis, les bras appuyés sur le bord du brasero, mais ce vieillard n'est pas son père ! Taro va défaillir sous le poids d'une émotion trop forte. Il se contient pourtant encore.
- Bon vieillard, demande-t-il d'une voix étouffée, il y a sept jours que j'ai quitté ce village. Tout y a changé depuis. Cette maison est à moi, et je vous y trouve, vous, un inconnu. Où sont donc mon vieux père, ma femme et mes enfants, que j'ai laissés ici ?
- Jeune homme, répond le vieillard, qui croit avoir à faire à un fou, je ne sais ce que vous voulez dire. Qui êtes-vous donc ? Quel est votre nom ?
- Je suis Ourashima Taro, le pêcheur.
- Ourashima Taro ! s'écrie le vieillard au comble de la surprise, mais alors, vous êtes... un fantôme... un revenant... une ombre !... J'ai souvent, en effet, entendu parler d'un certain Ourashima Taro. Mais, voilà bien longtemps qu'il n'est plus de ce monde. Il y a sept cents ans qu'Ourashima Taro est mort !
- Sept cents ans ! s'écrie le pêcheur.
Aussitôt il pâlit et chancelle. Ces dernières paroles du vieillard sont pour lui comme un trait de lumière. Il a compris ! Il a compris qu'il a passé sept cents ans dans le palais de la déesse Otohimé, et que ces sept cents ans lui ont semblé sept jours...
Une profonde tristesse envahit son âme. Il quitte ce village inhospitalier, qui n'est plus le sien, et où il n'a personne. Tout pensif, il se rend à la grève. Instinctivement, ses regards cherchent à apercevoir la tortue : car il voudrait bien maintenant retourner au palais... Mais la tortue a disparu, probablement pour toujours...
Taro s'assied sur le sable, et verse des larmes brûlantes. Tout à coup, ses yeux se portent sur la boîte, la boîte mystérieuse qu'Otohimé lui a donnée au départ, et à laquelle, dans son trouble, il n'avait plus songé.
- Que contient cette boîte ?... La déesse m'a dit, en me la remettant : le jour où, par une curiosité coupable, vous ouvrirez cette boîte, vous êtes un homme mort... Une déesse ne ment point... et pourtant, qui sait ?... Peut-être est-ce pour m'éprouver qu'elle m'a dit cela !... Peut-être cette boîte contient-elle mon bonheur !... Et puis, après tout, que m'importe la mort, à cette heure ?... Ne suis-je pas seul au monde, sans parents, sans amis, sans connaissances, sans fortune ?... Oui, mieux vaut cent fois la mort, qu'une existence aussi malheureuse !...
Ainsi pense Taro. Alors, d'un mouvement nerveux, il entrouvre la boîte. Il en sort un nuage épais, qui l'enveloppe des pieds à la tête. Soudain, ses cheveux deviennent blancs comme la neige, son front se ride, ses membres se dessèchent et il tombe mort sur la plage.
Le lendemain, des pêcheurs découvrirent sur la grève le corps d'un homme qui avait vécu sept cents ans...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: Fougère le 22 Mai 2015 à 04:15:51
Le vieux moine marche en direction du village, en passant prés d'un champs il apperçoit une jeune fille assise à l'ombre d'un arbre...

- Bon jour, dit il ...

- bonjour répondit la jeune fille...

- qu'y a-t-il? pour afficher une telle tristesse?...

- Je m'en veux, mes parents sont vieux et je ne les ai pas vu vieillir,j'ai mené ma vie sans m'en occuper alors que je vis près d'eux. Aujourd'hui je suis allée les voir, ma mère est malade et mon père s'est blessé et je me suis aperçue qu'ils ne pouvaient pas rester seuls, je m'en veux...

- Tu t'en veux pourquoi?...

- parce que je n'ai rien vu, parce que je suis la plus proche d'eux mes frères et soeurs sont trop loin et je n'ai rien fait...

- Crois-tu que si tu avais été plus loin comme tes frères et soeurs tu ne t'en serais pas voulu? tu aurais peut -être culpabilisé parce que tu étais trop loin et que tu ne pouvais rien faire?non?...

- Peut-être...

- regarde ce qui est,le jugement ne t'aide pas au contraire, si tu le peux agis, si tu ne le peux pas cela ne servira à rien de te juger sans cesse...

- Oui mais ce sont mes parents...

- Oui et ils sont libres, libre d'être, la frontière entre l'aide et l'ingérence est étroite, ils seront contents si tu leur apportes un peu d'aide mais ils aiment leur liberté, malgré leurs soucis ils "sont" à part entière.Nous sommes comme ces graines qu'emporte le vent, tout est en nous, le germe, la force,la vie, la future plante, la fleur, le parfum tout est dans la graine il suffit d'un peu de chaleur, d'eau, et la graine s'épanouit ...

- Je dois leur apporter de la chaleur et de l'amour et les laisser libre de vivre leur vie?...

- Oui,je le pense,décider de tout est un peu de l'ingérence à mon avis et est ce que ce serait leur vie?...

- Je vais faire ce que je peux en respectant la vie qui est en eux...


Le vieux moine sourit et continua sa marche en silence, son chemin...
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Mai 2015 à 10:26:28
(http://img11.hostingpics.net/pics/635805ayreAcro.png)
Le conte du vieux cheval de bois...

Un vieux cheval de bois, dans un sombre grenier,
Se morfondait du froid d'une amitié passée ;
Il avait été mis au repos dans un coin
Mais il n'avait rien dit tant il était chagrin.
Il y avait longtemps qu'il était oublié,
Des hivers, des printemps, à ne plus les compter ;
Il voyait, sans passion, les lunes d'or passer
Et comptait les rayons pour se désennuyer.
Il revivait l'histoire de sa propre existence
Questionnant sa mémoire sur sa plus tendre enfance
Et il se souvenait des longues promenades
Dans le jardin secret d'un enfant qui gambade.
Mais il était fourbu et ses vieux os usés
Ne lui permettaient plus les efforts prolongés ;
C'est pour cela qu'un jour, le ciel virant au gris,
On l'avait, sans amour, condamné à l'ennui.
Il avait en mémoire, solidement ancrée,
L'attente, un certain soir près de la cheminée ;
Il se voyait encore au pied du beau sapin,
Un ruban rouge et or suspendu à ses crins.
Il avait attendu, ses grands yeux bleus ouverts,
Que sorte enfin des nues le gamin « Petit Pierre » ;
Il avait aussitôt attendri le bambin
Par ses roues aux sabots et son regard câlin.
Les jeux duraient souvent ce que durent les jeux :
Le bonheur d'un instant que l'on partage à deux ;
Joueur, le petit Pierre du lundi au lundi
Agrippait la crinière pour des sauts de cabri.
Puis, tout à coup, plus rien...! Le trou noir et l'oubli...!
- Les rires enfantins cessent souvent ainsi -
Tout redevient normal, il nous faut oublier
Comment le vieux cheval eut la patte brisée... !
Dans un coin du salon, près de l'ancien bonheur,
L'équidé sans aplomb perdit de ses couleurs.
Il était resté là, rêves inachevés,
N'osant plus un seul pas par crainte de gêner.
C'est ainsi que prit fin l'épopée cavalière
- Même les beaux chemins sont parsemés d'ornières -
L'équidé, en détresse arriva au grenier
Offert à la tristesse des toiles d'araignées.
Les années s'écoulèrent en tendresse ou soupirs,
Le temps pour Petit Pierre de finir de grandir ;
Puis, au soleil de juin, piqué par Cupidon,
Il croisa, en chemin, un cœur de Cendrillon.
De cet Amour géant naquit le Petit Louis ;
Il fit ses quelques dents, ses premiers pas aussi ;
Puis, grandissant encore, il monta l'escalier
Pour chasser les trésors dans le vaste grenier.
Le jeu ne fut pas vain, l'enfant émerveillé
Délivra de son coin le cheval anémié.
Des colles en pommade et caresses en peintures
Naquirent des ruades pour d'autres aventures.
Il ne faudrait jamais, par respect du passé,
Remiser au secret ses jolies chevauchées ;
La vie est un manège, un recommencement,
Tombe, tombe la neige... revoici le printemps...
Si demain, comme moi, vous croisez le chemin
D'un destrier de bois le cœur plein de câlins,
Dites-moi simplement qu'avant de l'adopter
Vous ferez le serment d'oublier le grenier.

J.R
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 20 Juin 2015 à 05:22:25
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L'incroyable paire de lunettes

Il était une fois chez un opticien, un monocle doré qui se trouvait seul dans une vitrine. Il s'ennuyait terriblement. Il n'avait ni famille, ni amis. Le vendeur l'avait choisi pour être le représentant de son magasin dans sa vitrine. Au début le monocle doré fut heureux et fier d'avoir été choisi mais il se sentit bien vite seul et triste. Personne ne pouvait l'acheter, le monocle étant en or l'opticien l'avais mis à un prix excessivement élevé. Personne n'en avait les moyens. Et chaque jour qui passa, le monocle doré espéra de tout son cœur qu'un autre monocle prenne sa place ou que l'opticien lui apporterait de la compagnie. Les mois passèrent et toujours rien, c'était comme si le vendeur l'avait oublié. Ça faisait tellement longtemps qu'il attendait, qu'il n'espérait même plus avoir de la compagnie un jour. Mais voilà le destin en a décidé autrement. C'était un jour de livraison comme un autre. L'opticien reçut de nouveaux cartons remplis de montures. Il s'agissait des derniers monocles à la mode. Le vendeur sortit des cartons de somptueux spécimens en cristal et en diamant. Ils étaient tous d'une beauté magnifique. Le vendeur les installa sur des étagères, dans son magasin puis installa dans sa vitrine un petit monocle d'un cristal blanc éclatant qui faisait se refléter la lumière du jour. Elle était un modèle d'une perfection divine. Le monocle doré était subjugué par la beauté de ce monocle. Il essaya de l'aborder à plusieurs reprises, mais jamais elle ne daigna lui répondre, le rejetant chaque jour. Il se demanda pourquoi, avait-il fait quelque chose de mal ?
Non, mais ce qu'il ne savait pas c'est qu'il flattait énormément cette dame, il l'amusait beaucoup avec ses tentatives. Il finit par arrêter ses tentatives, quand soudain il entendit un gloussement. Il se retourna et trouva le monocle en cristal se retenant de rigoler. Le monocle doré se retrouva en pleine confusion.
Qu'avait-il fait de si drôle ? Il se posa tant de fois la question que cela le rongeait, quand soudain le monocle de cristal lui adressa enfin la parole :
« Alors comme ça vous laissez tomber ?  »
En bégayant le monocle doré lui répondit :
» Je, je, je ne comprends pas, pas, pas de quoi vous parlez, Ma, Madame.
– Vous avez cessé vos tentatives pour me faire la conversation lui explique-t-elle en rigolant. Je dois avouer que je trouvais cela très plaisant.
– C'est, c'est vrai ? Et en quoi ?
– Oui c'est vrai vous ne me connaissiez même pas, et vous essayiez de me faire la conversation.
– Je trouve ça tout à fait normal. Je me nomme Dorur.
– Enchantée moi c'est Cristal.
– Vous avez un très joli nom ma chère.
– Le votre n'est pas mal non plus.
– Merci beaucoup.  »
Ils commencèrent à discuter ensemble. Des affinités se créèrent petit à petit. Ils finirent par devenir inséparables. Mais, un jour l'opticien mit le monocle doré en solde. Il le mit à moitié prix. Le lendemain, un vieux monsieur arriva au magasin, il s'agissait de l'homme le plus riche du conté. Il possédait un nombre incalculable de monocles différents. L'opticien vient l'accueillir très chaleureusement :
»  Bonjour monsieur, que puis-je faire pour vous ?
– Bien le bonjour monsieur, je cherche un monocle adapté à ma vue s'il vous plaît.
– Quelle est votre correction monsieur ?
– Ma correction est de 1,5.
– Alors, voyons ce qu'on peut vous proposer parmi mes montures. Nous pouvons vous proposer ce monocle noir.
– Non, beaucoup trop simple !
– Peut-être que cette monture bleu-gris vous conviendrait-elle mieux ?
– Non j'aimerais quelque chose de plus majestueux, quelque chose qui montre ma richesse.
– Dans ce cas, là je peux vous proposer ce modèle. Sa couleur représente parfaitement votre richesse. En plus il est à moitié prix.
– Parfait à combien est-il ?
– À 30 000 € monsieur.
– C'est raisonnable, je vous l'achète.  »
L'opticien fit le paquet de monsieur et le remercia tout en lui remettant :
»  Un grand merci à vous monsieur. Bonne journée, au revoir.
– Bonne journée à vous aussi, au revoir.  »
L'opticien venait de vendre Dorur. En lui enlevant par la même occasion le bonheur qu'il venait de trouver auprès de Cristal. Le voilà parti avec le vieil homme laissant Cristal, seule, derrière lui. Cristal, fut très triste du départ de Dorur. Mais un événement allait tout arranger. Car en effet quelques mois plus tard le vieil homme revint. Sa vue avait encore diminué.
» Bonjour monsieur en quoi puis-je vous aider ?
– Bonjour je suis venu il y a quelques mois mais malheureusement ma vue a encore baissé.
– Très bien de combien a t-elle baissé ?
– En tout elle a baissé de 2,5.
– Je n'ai qu'une seule monture à vous proposer.  »
Il lui montra Cristal.
»  La voici, c'est la seule monture adaptée à votre vue que je possède.
– Elle est parfaite ! Elle montre bien ma richesse. Combien fait-elle ?
– Elle coûte 900 000 €.
– C'est d'accord, voici pour vous. Il lui tendit un chèque de 1 000 000 €
– Mais monsieur il y a 100 000 € de trop.
– Je vous en fais cadeau !
– Je vous remercie du fond du cœur, un grand merci !  »
Et le vieil homme repartit avec Cristal. En rentrant chez lui le vieil homme montra sa monture à son petit fils puis la rangea dans son armoire. Il était temps pour lui d'aller dormir.
Dans l'armoire Cristal chercha désespérément autour d'elle pour trouver la silhouette familière de Dorur. Mais elle ne la trouva point. Quand soudain elle entendit :
» Cristal !  » c'était la voix de Dorur.
Elle se fraya un chemin parmi les autres montures jusqu'à la voix de Dorur. Et là, elle vit ce monocle qu'elle aimait tant.
» Dorur ! Comme je suis heureuse de te revoir !
– Moi aussi je suis heureux vous m'aviez tellement manqué !  »

Ils continuèrent à discuter longtemps après leurs retrouvailles. Ils s'étaient tellement rapprochés l'un de l'autre, qu'un beau jour quand le vieil homme voulut prendre Cristal il se retrouva avec quelque chose de merveilleux. Cristal et Dorur avaient comme fusionné. Le vieil homme avait maintenant une paire de lunettes faite en cristal de couleur dorée. Il n'en croyait pas ses yeux ! Etant un grand admirateur de monocle, le vieil homme retourna furieux chez l'opticien pour lui demander des explications. Ce dernier se trouva pris au dépourvu. Jamais il n'avait été témoin d'un tel événement au cours de sa vie. Il proposa au vieil homme d'échanger la paire de lunettes contre son magasin. Le vieil homme accepta ne sachant pas ce qu'il venait de perdre. L'opticien, lui, avait compris cette union. Il prit sa retraite, donna le magasin au vieil homme et fut heureux jusqu'à la fin de sa vie. Il exposa la paire de lunettes dans une vitrine jusqu'à sa mort. Il légua les lunettes à son fils, lui demandant d'en prendre soin.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: alouette2 le 24 Juin 2015 à 10:52:02


                                                   

Dans un petit bourg  à la campagne


Achille Zavatta a 100ans

Le cirque a planté son chapeau pointu sur la place publique.
Merveilles  découvertes aux yeux des gamins curieux qui galopent entre les roulottes. Ce soir,  représentation exceptionnelle pour le  centenaire du Patron.
Entrée gratuite pour les moins de 12 ans et les plus de 80.
Entre les platanes du mail, on a accroché des guirlandes de lumières clignotantes. Le crépuscule approche. L'orchestre est en répétition :  tout à l'heure il exécutera l'hymne spécialement composé  à la gloire du centenaire.
Les descendants du patriarche  formeront une haie d'honneur autour du fauteuil  sur  lequel trônera Achille.
On ne sait pas encore comment Il sera habillé, mais les quatre enfants :Maria, Giuseppe, Zinda, Ettore, ont chacun revêtu le costume évoquant le rôle qu'ils ont tenu  naguère, sur la piste. Ecuyère pour l'une, acrobate  à l'échelle pour l'autre, dompteur de chameaux , trapèziste, tous quatre sont désormais retraités et ce sont leurs quatorze descendants qui ,ce soir, assureront le spectacle. Monsieur Loyal sera assisté d'un joueur de saxophone. Zoé, la partenaire du lanceur de couteaux restera  la grande vedette : c'est elle qui a mis en scène le déroulement de la cérémonie.
Bon anniversaire Achille, et  fasse le ciel que nous puissions  encore longtemps rire de tes célebres fausses colères.


composé  à l'atelier d'écriture d'Orléans
** ** **
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 28 Juin 2015 à 09:56:33
(http://img11.hostingpics.net/pics/376654Lavieestcommelepiano.jpg)

Le Croque-Lune

Au coeur d'une ville fort lointaine, un petit garçon vivait auprès de sa famille, dans une modeste maison. Ils n'étaient pas bien riches mais ils étaient heureux et pour eux, rien ne comptait plus au monde.
Comme il se couchait un soir, son papa ferma les volets tandis que sa maman le bordait. Lorsqu'ils furent clos, le petit garçon demanda :
« Dis, papa, pourquoi la lune change de forme toutes les nuits ? D'abord elle est toute ronde et après elle devient de plus en plus petite jusqu'à disparaître ! »
« Ca, mon garçon » répondit le papa « c'est à cause du Croque-Lune. Il en dévore un bout chaque nuit. Puis, il attend qu'elle repousse pour recommencer. »
« Mais pourquoi fait-il ça ? » interrogea l'enfant, curieux.
« Parce que, quand il mange la lune, des miettes de lumière se dispersent un peu partout dans le monde et permettent aux gens de rêver. »
Content et satisfait de cette explication, le petit garçon s'endormit paisiblement.

Durant la nuit, son sommeil le conduisit au pays des rêves où se mélangeaient des champs fleuris et des oursons en peluche, câlins et doux. Un corbeau se posa près de lui et lui dit :
« Ne regarde pas dans le ciel, petit garçon, ou il t'arrivera des ennuis »
Toujours aussi curieux, le jeune enfant n'écouta pas l'oiseau de malheur et leva la tête pour vérifier si son papa avait dit vrai. Dans le ciel, il vit une immense lune qui remplissait la nuit de moitié, éclairant son rêve comme en plein jour. Près d'elle, se trouvait un joli renard à la toison aussi blanche que la neige et qui portait au cou un collier d'argent rutilant.
« Bonjour, petit garçon » dit l'animal au pelage lumineux.
« Tu es le Croque-Lune ? » demanda l'enfant.
« Oui, c'est moi » affirma le renard blanc.
« Dis, pourquoi manges-tu la lune ? »
« Si tu m'apportes des gâteaux et du lait de ton monde, je répondrai à ta question » proposa l'animal de sa douce voix.
Le petit garçon accepta et partit continuer son rêve jusqu'au petit matin.

Le lendemain, avant d'aller se coucher, l'enfant demanda à sa maman s'il pouvait laisser quelques gâteaux et une coupelle de lait sur le bord de la fenêtre pour le Croque-Lune. Amusée, celle-ci déposa ce que l'enfant avait sollicité à l'endroit indiqué. De nouveau heureux, le petit garçon s'endormit.

Dès qu'il fut au pays des rêves, il leva la tête vers le joli renard blanc.
« Je t'ai laissé des gâteaux et du lait » expliqua-t-il.
« Tu as accompli ta part du marché. A moi d'en faire autant. Je mange la lune parce que je suis prisonnier du collier. Il m'oblige à le faire parce que sinon, le soleil finirait par la brûler et les rêves n'existeraient plus. »
« Alors tu n'en as pas envie ? »
« Non, mais grâce à toi, je ne suis plus obligé de le faire. Il est dit que si quelqu'un offre un repas au Croque-Lune, celui-ci prend sa place. »
Comme il disait ces mots, le collier d'argent disparut de son cou pour réapparaître à celui de l'enfant, le liant à la lune à tout jamais. Satisfait de son mauvais tour, le renard s'enfuit dans la forêt voisine en riant. Tout triste, l'enfant s'assit et regarda la lune.
« Je te l'avais bien dit » croassa le corbeau. « Tu as préféré écouter le joli renard plutôt que le vilain oiseau. Tu ne devrais pas juger des gens d'après leur apparence. »
« Je sais. Mes parents me le disent souvent. Je suis désolé. »
« Ce n'est pas grave » affirma le corbeau. « Tu ne devrais pas être là. Ton ventre ne pourra pas engloutir autant de lune. Chaque chose a sa place. Je vais t'aider. »
« Merci mais comment faire ? Le renard est parti et il ne m'offrira jamais à manger. »
« Ne t'inquiète pas pour ça. J'ai un plan. »
Laissant le petit garçon derrière lui, il s'envola vers la forêt.

Le corbeau était un être respecté et apprécié dans les bois. Tous les animaux reconnaissaient sa sagesse et sa bonté. Aussi, lorsqu'il leur demanda de l'aide, aucun ne la lui refusa. Il ne lui fallut pas longtemps pour retrouver le renard blanc qui gambadait gaiement dans une clairière. Tous se regroupèrent autour de lui et lui souhaitèrent une joyeuse liberté. Ils proposèrent même d'organiser une fête en son honneur dès le lendemain. Heureux, le renard se dandinait avec fierté.
Au fur et à mesure de leurs discussions, les petits animaux commencèrent à lui demander pourquoi il devenait transparent. Le renard n'y prêta tout d'abord pas attention mais il finit par s'inquiéter. Il questionna le hibou en premier.
« Grand hibou, duc des forêts, comment me vois-tu ? »
« Tu es d'un blanc pur et ton pelage semble aussi doux que la neige » répondit celui-ci.
Rassuré, le renard allait s'éloigner quand le volatile ajouta :
« Et tu es presque aussi transparent que l'eau. »
Paniqué, le joli animal courut en demander autant au corbeau dont tous admiraient la sagesse.
« Noir corbeau, détenteur du savoir, comment me vois-tu ? »
« Tu disparais » mentit le deuxième volatile.
« Mais comment est-ce possible ? »
« Tu es né pour accomplir une importante tâche. Sans elle, tu n'as plus de raison d'être. Quand le nouveau Croque-Lune aura fini son premier quartier, tu disparaîtras à jamais »
Affolé, le renard blanc s'enfuit. Il arracha une branche pleine de baies et, la tenant dans sa gueule, il l'amena à l'enfant, espérant que celui-ci n'avait pas trop entamé la lune.

Bien entendu, le petit garçon avait à peine essayé et n'avait plus eu d'appétit après seulement trois bouchées. Le joli animal vint déposer la branche à ses pieds en signe d'offrande. Ainsi, le collier retourna à son propriétaire véritable.
Le corbeau arriva peu après.
« Comment as-tu fait ? » lui demanda l'enfant.
« Il vient simplement d'apprendre » dit le corbeau en s'adressant au renard et au petit garçon « qu'il y a toujours plus malin que soi. »
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 10 Juillet 2015 à 16:02:52
Celui qui n'en faisait qu'à sa tête


rêve-d'un-Songe eut un jour l'envie de voyager. Et à ceux qui lui en demandèrent la raison, il répondit : « Je veux découvrir des choses qu'il ne m'est pas donné de voir chaque jour ». Rêve-d'un-Songe quitta donc les siens et partit. Il marchait depuis plus d'une lune, lorsqu'il vit un vieil homme qui pêchait au bord d'un fleuve. « Hey ! lui cria le vieux. Tu es Rêve-d'un-Songe, je te reconnais. J'ai bien connu ton père. Que puis-je faire pour toi ?
—Me dire où mène ce chemin.
—À ta place, je n'irais pas plus loin. Mais si tu veux continuer, je te conseille de prendre garde. Dans cette forêt, tu verras un nouveau-né suspendu à une branche. Surtout, ne fais pas attention à lui, car, en réalité, ce n'est pas un enfant mais l'odieux Serpent-qui-n'est-Jamais-Rassasié. » Avant de le laisser partir, le vieux lui donna un couteau. « Prends ça, tu pourrais en avoir besoin. »
Rêve-d'un-Songe poursuivit sa route. Bientôt, il entendit des gémissements. Un bébé était suspendu à un arbre. Il passa devant sans s'arrêter, mais après quelques pas, il s'apitoya : « Qu'as-tu donc à pleurer ainsi ?
—Cela fait plus de dix neiges que je n'ai pas tété ma mère. »
Rêve-d'un-Songe lui donna son doigt à sucer. « Tiens, prends toujours cela, je n'ai rien d'autre à t'offrir. » Le nouveau-né s'arrêta de pleurer et entreprit de sucer le doigt. Puis il aspira la main. Et bientôt tout le bras disparut dans sa bouche. Effrayé, Rêve-d'un-Songe se souvint du couteau que lui avait donné le pêcheur. Il le planta dans le corps de l'enfant et celui-ci lâcha prise aussitôt. Mais quand Rêve-d'un-Songe regarda son bras, il vit que le Serpent-qui-n'est-Jamais-Rassasié avait avalé toute sa chair. « Heureusement, se dit-il, que je ne lui ai offert qu'un seul de mes bras. » Et il se remit en chemin.
Celui qui n'en faisait qu'à sa tête - illustration 1
Plus loin, le jeune homme rencontra une vieille en train de s'épouiller devant sa hutte. « Hey ! N'est-ce pas Rêve-d'un-Songe que je vois là ? J'ai bien connu ton père. Que puis-je faire pour toi ?
—Dis-moi, vieille, où conduit ce chemin ?

—Il traverse la Vallée-des-Squelettes. Si tu t'y aventures, ne t'y arrête pas. Un oiseau y chante constamment, mais ne l'écoute pas car il s'agit de l'Oiseau-qui-Jamais-ne-Dort, un des plus mauvais génies de la contrée. Tiens, voici un tomahawk au cas où tu en aurais besoin. »
Rêve-d'un-Songe prit l'arme et continua sa route. Après une courbe, le chemin devint si encombré de squelettes que le jeune homme eut du mal à avancer. C'est alors qu'il entendit un chant étrange. Il se dit : « Siffle tant que tu le voudras, je sais qui tu es. » Puis il s'arrêta pour contempler un crâne. À ce moment, il se sentit soulevé de terre et il monta vers les nuages. Au sommet d'une montagne, un oiseau le déposa dans son nid. « J'ai vu que tu étais fatigué, lui dit le volatile. J'ai été te chercher afin que tu te reposes ici. » Douillettement installé sur un lit de plumes, Rêve-d'un-Songe s'endormit. L'oiseau saisit sa jambe et en aspira la moelle. Rêve-d'un-Songe se réveilla en sursaut et asséna un coup de tomahawk sur la tête de l'oiseau.
Et le garçon continua son voyage... jusqu'au moment où il vit un vieil homme qui mettait son canoë à l'eau. « Hey ! N'es-tu pas Rêve-d'un-Songe ? Ton père était mon ami et c'était un homme de bon sens. Que puis-je faire pour son fils ?
—Je voudrais savoir où mène cette rivière.
—Elle conduit au grand lac. Mais en réalité ce n'est pas un lac, il s'agit du Monstre-qui-Jamais-ne-Bouge. Il digère ceux qui entrent dans son vaste estomac.
—Je veux y aller voir.
—Alors, prends ce canoë. Cependant, fais très attention, dès que tu sentiras une odeur nauséabonde, tu devras revenir très vite. Sinon, tu pourrais le regretter car le monstre te dévorerait. »
Rêve-d'un-Songe embarqua dans le canoë et descendit la rivière. Il arriva devant une large étendue d'eau et une odeur fétide le prit à la gorge. « Faut-il que je revienne maintenant ? » se demanda-t-il. Mais bien installé au fond de son canoë, il décida de continuer. Rêve-d'un-Songe ne se rendait pas compte qu'il était déjà avalé par le monstre. L'obscurité se fit autour de lui et elle devint de plus en plus épaisse à mesure qu'il progressait. Le jeune homme fut alors pris de peur. Il pagaya de plus en plus vite. Enfin, il vit devant lui une faible lueur qui grandit à mesure qu'il avançait. Puis ce fut une vive clarté. Rêve-d'un-Songe venait de sortir du monstre.

Fou de joie, il agita le bras, et son embarcation chavira. Il nagea jusqu'à la rive et poussa un soupir de soulagement. Mais pendant cet affreux voyage, le monstre avait avalé toute sa chair. Le jeune homme revit alors le vieil homme qui lui avait donné son canoë. « Aide-moi. Porte-moi sur ton dos, je suis exténué. » L'homme répondit : « Ah tiens, voilà qui est bizarre, un squelette me parle.
—Je ne suis pas un squelette, je suis Rêve-d'un-Songe. »

Le vieillard fut secoué par un grand rire. « Ainsi, tu es ce jeune fou dont je connaissais le père. Tu n'as nul besoin d'aide puisque tu n'en fais toujours qu'à ta tête. » Et l'homme entreprit de couper un arbre sans plus s'occuper du jeune homme. Alors, Rêve-d'un-Songe retourna à pied dans son village. Ses amis rirent bien en le voyant. Une grue leur avait raconté toute l'histoire. Non seulement Rêve-d'un-Songe avait perdu son couteau, son tomahawk et son canoë dans l'aventure, mais le dernier mauvais génie l'avait sucé jusqu'à l'os. Et c'est ainsi qu'il vécut, à l'état de squelette, au milieu des siens.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 17 Juillet 2015 à 04:21:11
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Les contes d'autrefois

Emmène-moi, faire un tour au bois
Et raconte-moi les histoires d'autrefois.

Oui petit frère, j'en connais tous les airs
Ces vieilles légendes là, appartiennent aux grands-pères.

Petit Poucet, Belle au Bois Dormant et l'ogre méchant qui mange les enfants
Le vieux Barbe Bleue, toujours malchanceux, Rouge Chaperon, Cendrillon
Et le Chat Botté, viendrons nous chercher
Pour tous deux nous emportés dans un monde enchanté.

Emmène-moi, faire un tour au bois
Et raconte-moi les filles d'autrefois.

Oui petit frère, j'en connais tous les airs
Les demoiselles à marier ont perdu leurs souliers.

Au Bois Dormant, Belle au cœur changeant et l'ogre charmant, qui l'enlève en chantant
Les princes amoureux, les rois très heureux et dans les carrosses, Carabosse
Blanche Neige, les sept mains, Alice, un matin
Nous serons tous au réveil au pays des merveilles.

Emmène-moi, faire un tour au bois
Et raconte-moi les chansons d'autrefois.

Non, non mon frère, je n'en connais plus l'air
Il n'y a plus de troubadours, pas plus que de trouvères.

L'ami Pierrot, dans le clair de lune a jeté sa plume, il n'écrit plus de mots
Le roi Dagobert à un pantalon, qui n'a plus d'envers, allons bon
Et le Saint Éloi a perdu sa foi
Cadet Roussel, ses maisons, il n'y a plus d' chansons.

Et le Saint Éloi a perdu sa foi
Cadet Roussel, ses maisons, il n'y a plus d' chansons.

Et le Saint Éloi a perdu sa foi
Cadet Roussel, ses maisons, il n'y a plus d' chansons.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: myoumyou le 27 Juillet 2015 à 14:09:08
  
Un conte des frères Grimm bien connu...
En musique... toute une ambiance, un décor créé au moyen de mélodies
.

Merci à Aurélien Le Gonidec



Cliquez sur le titre !
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Le Loup et les sept Chevreaux (https://youtu.be/ddR10Sa4rH8)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Août 2015 à 08:50:36
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Le peintre Touo-lan-ka

Bien loin dans le Sud de la Chine, là où vivent des gens que l'on appelle des Tai, se trouve un village entouré de palmeraies. Un peu en dehors du village, au bord d'une rivière à l'eau transparente, se dresse un vieux pavillon délabré, fait de bambous entrelacés. C'est là qu'il y a bien longtemps vivait le peintre Touo-lan-ka. Ce n'était pas un peintre ordinaire, et l'on aurait eu du mal à trouver son pareil. Il était vraiment «possédé» par la peinture, et peignait sur tout ce qui lui tombait sous la main : que ce soit du papier, de la soie ou du bois. Il sortait rarement, ne faisant qu'une fois de temps à autre un saut jusqu'au temple, au village, mais n'allez pas croire que c'était pour prier ou offrir des sacrifices aux dieux. Allons donc ! Ce n'était pas dans sa nature. Il y restait bien tranquille dans un coin, observant tous ceux qui venaient là, et se gravant leurs traits dans sa mémoire. Puis il rentrait chez lui, s'enfermait dans son pavillon, prenait son pinceau et se mettait à peindre, peindre et peindre. Si dehors le soleil dardait ou si la froide lune brillait, il n'en savait rien. Chaque jour il peignait sept visages, et au bout de la semaine, c'étaient sept fois sept visages qui le regardaient, accrochés sur les murs de son pavillon. Or il arriva que juste lorsqu'il achevait de peindre le quarante-neuvième visage de cette semaine-là - et c'était par une nuit de tempête où le vent violent ployait les arbres jusqu'au sol et qu'il tonnait -, quelqu'un frappa à la porte.
« Qui cela peut-il bien être ? » grommela le peintre. « Qui donc le diable amène-t-il avec cette bourrasque, quand même le hibou reste tranquille ? »
- Je suis la Mort, déclara une voix derrière la porte. Je me charge des âmes des défunts d'ici, et aujourd'hui le Roi des Cieux m'a envoyée te chercher.
« Le tonnerre aurait bien pu la frapper, cette maudite ! » pensa Touo-lan-ka, qui avait le coeur bien serré. Il reprit cependant courage et alla ouvrir. Sur le seuil, se dressait une ombre tout de noir vêtue, aussi sombre que la nuit.
- Entre donc, dit Touo-lan-ka, mais tu dois attendre un instant, il me faut encore achever de peindre quelque chose. Et comme si de rien n'était, il tourna le dos à la Mort, reprit son pinceau et se remit à peindre.
En constatant que Touo-lan-ka ne se souciait pas d'elle et peignait tranquillement, la Mort s'impatienta :
- Allons allons, dépêchons-nous un peu, tu ne peux pas faire attendre ainsi le Roi des Cieux !
- Ne te fâche pas, répondit doucement le peintre, mais moi, il faut que j'achève de peindre au moins cette fillette. Va plutôt en avant, et dis à ton maître qu'il ait un peu de patience.
Le Grand Faucheur était fort curieux de savoir ce que Touo-lan-ka peignait et il se rapprocha pour regarder. Son coeur glacé eut un tressaillement. Sur le tableau, une belle jeune fille semblait lui sourire ! Jamais il n'en avait vu de si belle. Tout doucement, sur la pointe des pieds, il sortit du pavillon de bambou et s'en retourna au ciel.
- Et alors, tu reviens seule ? demanda sur un ton sévère le Roi des Cieux.
- Que Votre Majesté me pardonne, s'excusa la Mort, mais cela ne se pouvait pas, j'ai dû le laisser achever de peindre un visage.
- De ma vie je n'ai vu chose pareille ! s'exclama le Roi des Cieux, se départissant complètement de son calme. Allons, vite amène-le-moi ! C'est la Loi du Ciel, et je ne la laisserai pas enfreindre par un peintre grincheux !
Le Grand Faucheur dut donc redescendre sur Terre. En traversant la palmeraie, déjà il voyait au loin la faible petite lumière clignotante à la fenêtre du pavillon de bambou, seule tache claire dans la profonde obscurité. Il ouvrit brusquement la porte, mais resta figé sur le seuil. Du tableau, un visage de jeune fille si tendre, si lumineux lui souriait ! Un tel visage, même au ciel il eût été difficile d'en voir un pareil.
« En voilà une hâte », grommela le peintre, tout absorbé par sa peinture. Mais, comme cette fois-ci la Mort ne se laissa plus repousser, Touo-lan-ka, obéissant, rassembla ses affaires de peintre, quelques esquisses, un cierge de sacrifice et suivit enfin la Mort.
Quand ils furent devant le Roi des Cieux, le peintre s'agenouilla et s'inclina comme il convenait à un simple mortel. Dans la main gauche, il tenait le cierge allumé, et dans la droite son matériel de peinture.
- Bon, bon, dit le Roi des Cieux en hochant la tête d'un air magnanime, je sais que sur la Terre tu étais un peintre célèbre, et que tu ne peux vivre sans ta peinture. Eh bien, tu pourras continuer à peindre au Ciel !
Touo-lan-ka s'inclina profondément, en remerciant le Ciel lui-même de cet honneur. Pourtant, il ne put retenir quelques larmes. Cela se comprend ! Il lui fallait se séparer de son pays, de la Terre elle-même, à laquelle aucun ciel ne peut être comparé. Un peu triste, il souffla son cierge, et la Mort le conduisant jusqu'à l'Esprit de la Vie, lui dit :
- Dorénavant, ta place est ici : fais maintenant ce que tu dois y faire !
C'est ainsi que le peintre s'installa auprès de l'Esprit de la Vie. Il disposa sur le sol, près de lui, ses pinceaux, sa pierre à délayer l'encre, son petit pot à eau, son encre de Chine, et il se remit à peindre. Et chaque fois que l'Esprit de la Vie devait décerner une âme à un nouveau-né, Touo-lan-ka cherchait dans ses portraits celui qui allait convenir le mieux à ce futur être humain.
Il faut pourtant l'avouer, Touo-lan-ka trichait assez souvent ! Il ne voulait pas se séparer de ses plus beaux portraits : il les gardait pour lui tout seul. Les mamans Tai ont beau lui faire les plus belles offrandes pour qu'il attribue à leur bébé le plus beau visage du monde, c'est peine perdue : les plus beaux, il les garde pour lui, là-haut dans les cieux.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 01 Septembre 2015 à 04:16:08
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Il était une fois...

Au Royaume des Espoirs, un roi et une reine s'aimaient éperdument. Ils habitaient dans un somptueux palais, voyageaient dans tous les royaumes du monde et leurs sujets les adoraient.

Pourtant, ils ne se sentaient pas comblés. Le roi et la reine rêvaient d'entendre des voix enfantines dans leur château. Plus que tout, ils désiraient tenir leurs bébés dans leurs bras et les regarder grandir chaque jour un peu plus.
-                    Comme ce serait agréable de se faire réveiller par des chansons d'enfants plutôt que par l'horloge grand-père ! disait le roi.
-                    Et j'aimerais tellement jouer à la cachette et à la marelle au lieu de calculer le budget du royaume..., répondait la reine.

Cela semblait pourtant impossible. Depuis leurs noces royales, ils essayaient  de donner naissance à une charmante princesse ou à un petit prince. Rien n'y faisait : aucune trace de mouvement dans le ventre de la reine. Aucun bébé dans le berceau doré. Aucun gazouillis dans les tours du palais.
-                    Continuons de diriger le royaume de notre mieux. Soyons justes et généreux. Après tout, nos sujets sont un peu comme nos enfants.

Mais la nuit, lorsque la porte de leur suite privée se refermait derrière eux et que personne ne les entendait, le roi prenait la reine dans ses bras, la reine caressait les cheveux du roi, et ils pleuraient. Si au moins ils comprenaient pourquoi le mauvais sort s'acharnait sur eux...

Un jour, ils annoncèrent que la personne qui conjurerait le sort deviendrait chevalier officiel du palais. C'était leur dernier espoir. Les premiers temps, il y eut bousculade au château !

Un sorcier apporta une potion bleuâtre d'où s'échappait une fumée étrange.
-                    Majestés, cette recette de mon cru vous permettra d'enfanter des dizaines et des dizaines de princes et de princesses à votre image. Ils seront aussi magnifiques que vous et aimés de tous.
La reine goûta à la mixture. Le goût était épouvantable, mais elle cacha son dégoût pour ne pas insulter le sorcier. Sa peau tourna au bleu. Son visage se crispa. Mais son ventre resta vide et plat.

Une fée se présenta au château. Elle s'approcha de la reine avec un air énigmatique. Arrivée près d'elle, elle agita sa baguette magique dans tous les sens, comme si elle chassait les mouches. « Babiole et bobinette, bébé bambino dans la bedaine ! » : en prononçant ces paroles, elle donna trois coups minuscules sur le ventre de la reine. Rien ne se produisit.

Une lutine savante tenta l'impossible à son tour.
-                    Monsieur le Roi, croyez-moi ! Ma technique fonctionne à tout coup. Prenez cette poudre dans votre main gauche, et soufflez dessus en formant un baiser avec vos lèvres. Avec votre pouce droit, répandez la poudre magique sur la tête de la reine en imaginant votre bébé. L'amour et la tendresse feront le travail...
La poudre diamantée se répandit sur tout le corps de la reine grâce au souffle du roi. La robe de la dame se mit à scintiller. Il y avait certes énormément d'amour et de tendresse entre eux. Mais aucun bébé n'apparut, ni à ce moment ni plus tard.
-                    Nous devrions tout arrêter, confia la reine. Cela ne donne rien du tout. Je suis épuisée. Des dizaines de prétendants au poste de chevalier royal sont venus à notre rescousse et aucun n'a réussi. C'est peine perdue. Contentons-nous d'être roi et reine. Nous ne serons jamais père et mère. Essayons d'être heureux ainsi.
Le roi se résolut à accepter le destin bien que son rêve de fonder une famille avec la reine fût brisé.

Quelque temps plus tard, un paysan entendit parler du désir du couple royal. Comme il aimait beaucoup le roi et la reine, il eut une idée. Il prit dans son tablier trois graines :
           une graine de citrouille,
           une graine de tournesol,
           et une graine de marronnier.
Plusieurs années auparavant, un mystérieux jardinier les lui avait remises en affirmant qu'il saurait comment les utiliser le moment venu. Le paysan confia les graines au roi en lui conseillant de les placer sur le nombril de son épouse chaque fois qu'une éclipse lunaire aurait lieu. L'homme encouragea le couple royal à être patient puisque les miracles prennent parfois du temps avant de devenir réalité.

Même s'ils avaient peur d'être déçus, la reine et le roi firent exactement ce que le paysan avait dit.  La première fois qu'il vit la Lune disparaître dans l'ombre de la Terre, le roi déposa la graine de citrouille sur le nombril de la reine. Malgré leurs doutes, ils se laissèrent bercer par un rayon orangé jusqu'au matin, en espérant que la magie opère.

Le lendemain, rien ne se produisit. La semaine suivante, rien. Le roi et la reine pleuraient encore plus qu'ils ne l'avaient fait jusqu'alors.

Et puis, un jour, la reine sentit un petit quelque chose en elle qu'elle ne reconnaissait pas. Un soubresaut, un murmure de papillon dans le creux de son ventre. Très doux, rempli de mystère. Lorsqu'elle en parla au médecin du palais, elle eut la surprise de sa vie : un minuscule bébé s'était installé en elle ! Elle l'annonça au roi en pleurant, de joie cette fois.

Plusieurs mois plus tard, un bébé bien joufflu naquit. Ses cheveux ressemblaient à une cascade de safran. Son sourire était aussi grand qu'une pleine Lune, et ses yeux étincelaient comme une flamme dansante. Le roi et la reine découvrirent le bonheur d'être parents. Ils prirent soin de leur garçon comme du plus précieux des trésors. Ils organisèrent une fête grandiose pour le présenter au royaume. Le peuple couvrit le prince de présents et souhaita aux nouveaux parents de donner naissance à d'autres enfants.

Quelque temps plus tard, le paysan consulta la Nature, sa fidèle amie, pour connaître ses plans. La Nature lui annonça qu'une éclipse lunaire se préparait, ce dont le paysan s'empressa d'informer le roi et la reine. Ils attendirent cet événement avec impatience : cette fois-ci, ils savaient que la magie était possible. Lorsque le ciel s'assombrit, le roi déposa la graine de tournesol sur le nombril de son épouse qui n'osait plus respirer, de peur de la faire tomber. La graine zébrée de noir et de blanc resta bien en place, et la magie opéra. Peu de temps après, la reine ressentit de nouveaux mouvements en elle et elle comprit qu'elle portait un enfant. Le bébé qui arriva dans leur vie était blond et lumineux, tel un soleil. Ses cheveux valsaient dans les airs comme une chanson douce. Ses mains se tournaient sans cesse vers ses parents, l'air de dire « Je vous ai attendus si longtemps ! ». En plus de voir leur fils grandir et jouer, ils avaient maintenant une mignonne princesse à dorloter. Le roi et la reine ne pensaient pas pouvoir être plus heureux.

Mais oui, ils pouvaient se sentir encore plus comblés. Le paysan leur avait donné une troisième graine, une graine de marronnier. Le couple attendit l'éclipse de Lune suivante, et ils refirent le même processus magique : le roi déposa la graine de l'arbre  sur le nombril de la reine avec toute la douceur du monde, et l'attente reprit. Lorsque la reine sentit une aile de colibri bouger à l'intérieur de son ventre, elle sut tout de suite que le miracle annoncé par le paysan était complet. Au bout de plusieurs mois, le roi et la reine accueillirent un charmant prince dont la chevelure de bronze rappelait la richesse des marrons et les yeux, la profondeur d'une forêt enchantée. Avec une si belle famille, le couple royal se sentait choyé.

Ils voulaient absolument tenir leur promesse. Ils visitèrent donc le paysan qui leur avait remis les graines de citrouille, de tournesol et de marronnier. Ils lui proposèrent de devenir chevalier officiel du palais.
-                    Majestés, leur répondit-il, votre offre me touche. Cependant, je préférerais vous servir en vous apportant les légumes de mon potager, les fruits de mon jardin et les fleurs de mon champ. Cultiver la beauté, c'est ce que j'aime faire et c'est ce que je fais le mieux. S'il vous plaît, pourrais-je rester paysan ?

La reine fut attendrie par sa généreuse simplicité. Elle lui répondit :
—                Monsieur, je vous admire. D'abord pour le miracle que vous avez accompli, mais encore plus pour votre fidélité à vous-même. Que pourrais-je vous offrir pour vous remercier ?

Le paysan réfléchit quelques secondes :
—                Ce qui me rendrait le plus heureux serait de rencontrer vos enfants. Les miens sont devenus adultes et ils ont quitté le royaume ; ils me manquent. Ma cour est terne sans cris d'enfants ni jeux.

À partir de ce moment, la reine, le roi et leurs trois enfants visitèrent le paysan chaque dimanche.

Le petit garçon roux grandit et apprit à sculpter les citrouilles pour l'Halloween. Tout ce qu'il touchait se transformait en œuvre d'art et en fête. La fillette aux cheveux dorés apprit à faire pousser toutes les espèces de fleurs jusqu'au soleil. Elle pouvait même réveiller les plantes endormies et faire refleurir les buissons rabougris. Et le petit dernier, celui qui avait les cheveux marron, choisit de récolter les fruits et les noix qui croissaient dans les arbres. Il était le meilleur ami des animaux de la forêt et les oiseaux dormaient à son chevet.

Non seulement le roi et la reine avaient accompli leur mission de donner naissance à des enfants, ils avaient aussi agrandi leur famille puisque le paysan en faisait maintenant partie. Tout le peuple jubilait de voir le couple royal si heureux. Le roi et la reine traitaient désormais les sujets du Royaume des Espoirs avec encore plus de bonté et de bonheur et cela pour une raison : grâce à leur persévérance et à l'aide du paysan, ils avaient réappris à croire aux miracles et à la vie.

N.C.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: mathurine le 07 Septembre 2015 à 19:48:51
La légende du colibri (légende amérindienne)

Face à un feu de forêt, tous les animaux paniquent et ne savent pas quoi faire.
Pourtant, le colibri, le plus petit des oiseaux, agit. Il tente d'éteindre le feu.
Il va à la rivière, remplit son petit bec, et arrose le brasier.
Les autres animaux se moquent de lui et disent que ces gouttes d'eau ne servent à rien.
L'oiseau leur répond : "Je le sais, mais je fais ma part".



Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 03 Octobre 2015 à 04:24:23
(http://img11.hostingpics.net/pics/113159aez.jpg)
L'arbre qui ne voulait pas perdre ses feuilles

Un arbre poussait près d'une rivière. Droit, grand, fort, beau. Arrive l'automne... Tous les autres
arbres commencent à perdre leurs feuilles. Notre arbre, lui, aime tellement les siennes qu'il n'a pas
envie de les laisser partir. Il les retient, les retient, les retient... Peu à peu, malgré ses efforts, ses
feuilles perdent leurs belles couleurs. Forcément. C'est l'automne... Autour de lui, les autres arbres
ont déjà tous perdu leurs feuilles. Notre arbre, lui, a toujours les siennes, bien serrées contre lui.
Elles sont brunes maintenant. Toutes racornies. Et toutes craquelées. Malgré cela, notre arbre ne
veut toujours pas les laisser s'en aller. Dans le vent froid, il frissonne...
Ce n'est pas le vent. C'est un sylphe, un lutin des airs. Il saute à la pointe d'une branche et la secoue
comme un jouet. Les feuilles mortes, en tremblant, font un bruit de hochet.
« Grand et bel arbre ! dit le sylphe. Laisse tomber tes feuilles ! Au printemps prochain, il t'en
repoussera de nouvelles, toutes fraîches et belles.
-Non, dit l'arbre. Je veux garder celles que j'ai.
-Je connais une formule magique pour t'aider à changer de manteau, insiste le sylphe. Répète-la trois
fois et tes vieilles feuilles mortes se transformeront en un magnifique feuillage, vert, vif, éclatant :

Sohû, Sohû, Sohû, (« sohou sohou sohou »)
Irhney, Irhney, Irhney, (« irneï irneï irneï »)
Shenjû, Shenjû, Shenjû ! ( « chênjou chênjou chênjou » )

-Non, répond l'arbre. Je ne veux pas de ta formule. Je veux rester comme je suis. »
Le sylphe s'en va. Arrive une ondine, une petite fée des eaux. Elle pousse les gouttes de branche en
branche et les fait tinter, en tombant, comme un carillon de cristal.
« Grand et bel arbre ! dit l'ondine. Laisse tomber tes feuilles ! Au printemps prochain, il t'en
repoussera de nouvelles, toutes fraîches et belles.
-Non, non, dit l'arbre. Je veux garder celles que j'ai.
-Je connais une formule magique pour t'aider à changer de manteau, insiste l'ondine. Répète-la trois
fois et tes vieilles feuilles mortes se transformeront en un magnifique feuillage, vert, vif, éclatant :

Wûny, Wûny, Wûny ( « vouni vouni vouni » )
Throïyû, Throïyû, Throïyû (« troïou troïou troïou »)
Bhotsû, Bhotsû, Bhotsû, (« botsou botsou botsou »)
Irhney, Irhney,Irhney ! (« irnêï irnêï irnêï »)


-Non, non, répète l'arbre. Je ne veux pas de ta formule. Je veux rester comme je suis. »

L'ondine s'en va. Arrive un gnome, un esprit de la terre. Il saute sur les racines de l'arbre dans une
danse rythmée : ses pieds frappent la terre en cadence et jouent du tam tam, bong, bong ... ! Les
sons roulent et rebondissent tout le long de l'écorce.
« Grand et bel arbre ! dit le gnome. Laisse tomber tes feuilles ! Au printemps prochain, il t'en
repoussera de nouvelles, toutes fraîches et belles.
-Non, non, dit l'arbre. Je veux garder celles que j'ai.
-Je connais une formule magique pour t'aider à changer de manteau, insiste le gnome. Répète-la
trois fois et tes vieilles feuilles mortes se transformeront en un magnifique feuillage, vert, vif,
éclatant :

Kûiva, Kûiva, Kûiva, (« kouyva kouyva kouyva »)
Nao Ûzi, Nao Ûzi, Nao Ûzi, (« nao ouzi nao ouzi nao ouzi »)
Sivo Reho, Sivo Reho , Sivo Reho ! (« sivo rého sivo rého sivo rého »)


-Non, non et non !, s'énerve l'arbre. Je ne veux pas de ta formule, ni de celle de l'ondine, ni de celle
du sylphe. Je vous dis que je veux rester comme je suis !! »
Le gnome s'en va. Arrive la neige. Elle enveloppe tous les arbres de son grand manteau blanc, si
épais, si doux. Sur notre arbre, les feuilles mortes chargées de neige commencent à peser lourd, très
lourd...
Si lourd qu'une de ses branches craque et finit par se briser... puis une autre...
Autour de lui, les autres arbres resplendissent dans leur pur manteau étincelant. Lui seul est lourd,
cassé, blessé...
Arrive le soleil. Il illumine toute la forêt, les beaux arbres et les arbres abîmés ensemble. Il dit à
l'arbre qui n'avait pas voulu perdre ses feuilles :
« Tes branches sont cassées, elles ne repousseront plus, mais tu peux guérir. Si tu lâches tes feuilles
maintenant, il est encore temps, d'autres te viendront au prochain printemps. Je ne te donnerai pas
de formule magique. Tu en connais déjà assez. Choisis maintenant celui que tu veux être. »
Ce printemps-là, au milieu de la forêt, un arbre aux branches cassées se couvrit de feuilles vert
tendre parmi tous les autres. Ainsi le refit-il chaque année. Aujourd'hui, ses blessures ont disparu.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Novembre 2015 à 05:44:12
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Un mot si simple

Un sage menait une vie tranquille dans son humble maison.
      Une nuit, alors qu'il lisait en toute quiétude, un voleur s'introduisit chez lui, armé d'un grand sabre tranchant. L'air menaçant, l'homme ordonna au sage de ne pas bouger, puis se mit à soulever les tapis, vider les tiroirs, retourner les coussins à la recherche d'argent.
      Au bout d'un moment, le vieux sage lui dit tout en continuant à lire :
      — Je vous prie de mettre un peu moins de désordre. L'argent que vous cherchez est dans le tiroir de cette table. Prenez ce dont vous avez besoin.
      L'inconnu prit l'argent dans le tiroir et s'empara ensuite d'un grand vase incrusté de jade.
      — Je vois que vous aimez beaucoup ce vase, lui dit le sage. Puisque vous y tenez tellement, je vous le donne pour vous faire plaisir.
      Le voleur, ne voyant rien d'autre à prendre, s'apprêtait à sortir lorsque le sage l'appela :
      — Vous oubliez quelque chose, lui dit-il en souriant, vous n'avez pas dit merci.
      L'homme, surpris, remercia le sage et s'enfuit dans la nuit profonde.


      Quelques jours plus tard, les gardes de l'empereur frappèrent à la porte du sage. Ils tenaient, derrière eux, le voleur fermement ligoté.
      — Nous avons appréhendé cet homme, dirent-ils. Il a avoué avoir dérobé ce vase chez vous. Si cela est vrai, nous le mettrons à mort comme la loi l'exige.
      — Oui, dit le sage, je reconnais bien ce vase, mais cet homme ne l'a pas volé. Il est venu chez moi il y a quelques jours, je lui ai donné un peu d'argent et lui ai offert le vase. Je m'en souviens très bien, il m'a dit merci.
      Les gardes de l'empereur, étonnés, relâchèrent le voleur. Celui-ci, rempli de gratitude envers le sage, le remercia du fond du cœur. Et il prit la résolution de ne jamais oublier le petit mot si simple qui lui avait sauvé la vie :
      « Merci »


J.C & L.R
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Novembre 2015 à 05:45:05
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Le fa de Monsieur Lutin

Il était une fois dans une petite mélodie, un Fa qui s'entendait très bien avec toutes ses voisines, les Do, les Ré, les Sol et même avec le Do dièse qui a pourtant mauvais caractère. Ce Fa était gâté. Le compositeur lui avait donné le premier rôle. C'était lui la vedette. Hé bien malgré tout il s'ennuyait. il rêvait à J.S.Bach. Il rêvait de Jazz, de Java. Il rêvait d'Amérique et de tour du monde. En somme c'était un Fa aventurier.
- Mais tu as tout ce qu'il te faut ici ! La mélodie, le rythme, tu as des amis, lui répétait le compositeur.
- Je veux voir du pays, je veux changer d'air, lui répondait le Fa.
- Ma musique ne te plaît plus alors ! ?
- Je veux voir du pays.
- Mais sais-tu ce que tu risques, pauvre innocent ? Mais de te faire avaler par un micro, entortiller dans une bande magnétique, numériser dans un studio et tu finiras comme le La, mon beau La 442 pour lequel j'avais composé de si jolies fugues et qui a fini sur l' étagère... des CD, lui disait le compositeur.
- Je veux voir du pays, lui répondait inlassablement le Fa.
Alors comme le Fa ne voulait rien entendre, le compositeur changea de ton. Il alla chercher sa grosse clef de Sol et ferma la portée...
Mais bon le Si qui avait longtemps joué Johnny Be Good dans un groupe de rock lui expliqua qu'avec un bon bémol on peut ouvrir n'importe quelle portée. Avec l'aide d'un trombone le Si fabriqua l'objet, ouvrit la portée et c'est ainsi que le Fa s'en fut.

Sa première idée fut d'aller au conservatoire où paraît-il étaient conservées les œuvres des grands compositeurs et effectivement c'est là pour la première fois qu'il joua J.S.Bach son idole. Il joua aussi Schubert, Beethoven et bien d'autres. il fut même employé par l'orchestre Poitou-Charentes pour interpréter le Boléro de Ravel. C'était merveilleux. Le soir il aimait se rendre au concert écouter ses collègues ou bien il rentrait dans une de ces boîtes enfumées où l'on joue un jazz endiablé.
C'est justement un de ces soirs-là, alors qu'il était en compagnie d'une belle guitare manouche que pour la première fois il l'aperçut dans un coin sombre...posé sur une patte avec ses yeux de mouche...immobile tel un crocodile à l'affût d'un zèbre assoiffé...il était là... le micro. Il en fut si troublé qu'il fit une fausse note. Tout le monde le regarda mais lui ne pensait qu'au La, le beau La 442 figé sur l'étagère, décédé. Alors il décida qu'il ne se laisserait pas dévitaliser, ni numériser, ni entortiller et il se battit toute la nuit. Il fut dans tous les chorus, toutes les improvisations et ce n'est qu'au petit matin quand il vit le jour se lever qu'il s'abandonna. il eut une dernière pensée pour le compositeur, la petite mélodie et ses copines et puis le micro le croqua.
Coda.
Enfin le micro l'aurait croqué et il aurait certainement disparu dans un fichier informatique si le Si n'était pas arrivé. A toute vitesse, 320 à la noire. Le Si, armé d'un bémol, s'était fait une magnifique double croche et il attrapa le fa au vol avant qu'il ne soit pris au piège. Ils filèrent tous les deux se mettre à l'abri d'un point d'orgue et là ils se regardèrent longuement puis s'embrassèrent amoureusement. Ensuite naturellement ils s'installèrent dans un confortable Domisiladoré avec un très joli Solsiré et ils eurent beaucoup de petites cadences parfaites.

Jean-Jacques Luteau
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Novembre 2015 à 06:13:53
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Le jour où j'ai perdu mon temps

Ce matin j'ai perdu mon temps.
    Je l'avais enroulé dans mon mouchoir et enfoncé dans la poche de mon pantalon.
    Il a dû tomber quand j'achetais mon café et quelqu'un l'aura ramassé.
    Je retourne à l'épicerie pour mettre une petite annonce :


J'AI PERDU MON TEMPS ICI,
CE MATIN À HUIT HEURES MOINS LE QUART.
SI VOUS L'AVEZ TROUVÉ
APPELEZ-MOI AU 3699.
FORTE RÉCOMPENSE.



    Assis devant le téléphone, j'attends.
    Le temps file, les aiguilles de l'horloge s'emballent et je me sens de plus en plus mal.
    Je n'ai plus de temps à perdre.


    À 11h45, le téléphone sonne. Je réponds.
    — Je reviens de lire votre annonce. J'ai trouvé votre temps ce matin. Il était par terre devant les choux de Bruxelles. Quelle est la récompense ?
    Je réfléchis.
    — Que diriez-vous de partager mon temps ?
    — Votre temps ? Vous rigolez, je l'ai déjà !
    Je regarde autour de moi.
    Je vois le frigo, mon lit et une lampe.
    Puis mon regard se pose sur mon bras.
    — Je vous donne ma montre. Elle est de grande marque.
    — Rendez-vous devant l'épicerie dans un quart d'heure. Vous me reconnaîtrez à mon chapeau melon.


    À midi cinq, l'homme arrive en courant.
    — Dépêchons-nous, je n'ai pas beaucoup de temps !
    Je m'affole :
    — Pas beaucoup de temps ?? Mais... vous avez le mien ?
    — Bien sûr ! Le voici.
    L'homme au chapeau melon me tend mon temps.
    J'ôte ma montre et je la lui remets.
    — Magnifique ! dit-il en l'attachant à son poignet.
    Et il repart en courant.


    Je suis soulagé. Mon temps est intact, il n'en manque presque pas.
    Je le glisse soigneusement dans ma poche.
    Puis, je fixe une dernière fois l'homme qui court toujours.


    C'est étrange, il semble plus vieux.
    Son dos s'est brutalement courbé et ses cheveux sont devenus blancs.
    Il ne court plus, il marche avec une canne.
    Tout à coup, il regarde l'heure sur ma montre de grande marque.
    Ses jambes, ses bras, son visage s'effacent.
    En quelques secondes, il devient aussi transparent que l'air.
    Et il disparaît.


    Seule ma montre reste sur le trottoir.
    Je la ramasse et je rentre chez moi.
    En prenant mon temps.


A.D.L
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 11 Décembre 2015 à 05:33:35
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Rikiki

Les êtres surnaturels ont toujours occupé une grande place dans la vie des gens de la campagne. Les feux follets, les loups-garous semaient l'effroi sur les routes désertes. Mais les lutins, petits êtres facétieux, jouaient des tours plutôt que de faire peur. Ils se glissaient dans les écuries, s'emparaient des meilleurs chevaux et leur faisaient faire pendant la nuit des courses furibondes. Cette histoire d'un lutin fanfaron et rigolard nous vient de la vallée du Richelieu et se passe la veille de Noël.

Le terme « habitant » qui définit le héros, Jean-Mathurin Sansfaçon, est particulier au Québec. Dès 1617, on désignait ainsi celui qui se fixait à demeure en Nouvelle-France. Par contraste, les Français qui occupaient un poste d'administrateur, d 'officier ou de missionnaire, étaient appelés des
« hivernants » car ils retournaient en France après un certain séjour dans la colonie naissante.


Ce soir-là, la veille de Noël, Jean-Mathurin Sansfaçon n'avait pas le cœur à la fête. Terré près de son âtre dans lequel pétillait une maigre bourrée* de hêtre, ce pauvre habitant parlait à son chien, Finaud. Il avait envoyé sa femme, Julie, et les quatre petiots se reposer là -haut en attendant la messe de minuit. Lui qui cultivait honorablement son petit lopin de terre sur les bords du Richelieu avait eu une bien mauvaise année.

Une petite récolte de pas grand-chose à cause de la grêle et des pois à moitié pourris dont un quêteux ne voudrait point. Et la boucherie d'il y a trois semaines :

- Deux pauvres gorets maigrichons qui m'ont donné du lard maigre et jaune que c'en est une vraie pitié, racontait-il à son chien.

Tandis qu'une méchante pluie froide fouettait les carreaux, Jean-Mathurin Sansfaçon, rallumant sa pipe, lança à Finaud d'un air découragé :

- Et pas une goutte de Jamaïque pour recevoir les amis ! Juste des cretons pour le réveillon ! Et puis, as-tu regardé le temps qu'il fait dehors, Finaud ? Il mouille à siaux et nous sommes dans la boue, la veille de Noël, au lieu d'être dans la belle et bonne neige du bon Dieu ! C'est pas tout, continua-t-il. Y a encore ce lutin de malheur, qu'est toujours à me faire endêver. Encore ce matin j'ai trouvé mon cheval Fend l'Air tout blanc d'écume, tremblant sur ses jambes avec la queue et la crinière tout emmêlées. Il a dû galoper toute la nuit jusqu'à Chambly, aller et retour. Ces lutins-là, vois-tu Finaud, c'est pire que tous les fifollets et les loups-garous mis ensemble. On n'arrive même pas à s'en débarrasser. Ah ! si je pouvais en tenir un, une bonne fois dans le creux de ma main, je lui tordrais le cou avec plaisir, surtout celui qui ne me lâche pas et qui est toujours à se promener sur Fend l'Air !

Jean-Mathurin s'aperçut tout à coup qu'un courant d'air froid lui coulait sur le dos. La porte arrière venait de s'ouvrir et quelque chose hors du commun s'y glissait, car Finaud était allé se blottir piteusement dans un coin, la queue entre les jambes. Jean-Mathurin n'était pas un couard et pourtant il ne pouvait pas se décider à tourner la tête. Et voici qu'il entendit une petite voix, légère comme un son de flûte, qui paraissait venir de dessous la terre et qui disait à peu près ceci :

- Bien le bonsoir et joyeux Noël à mon ami Mathurin !

Jean-Mathurin finit par se retourner et voici ce qu'il vit : un petit homme pas plus haut qu'une botte qui, juché sur un tabouret, fixait sur lui des petits yeux de furet aiguisés comme une flamme et animés d'une lueur narquoise et moqueuse. En somme, la plus drôle de petite frimousse qu'on pût imaginer. Et il faut voir comment cette personne était vêtue. Manteau de velours vert semé de fleurs de lis, justaucorps de soie rose lamé argent, veste de satin orange, culotte et bas de soie blancs avec des amours de petits escarpins vernis, rien que ça !

Jean-Mathurin en resta tout ébahi et il n'avait d'yeux que pour la coquine de petite moustache, dont les deux pointes pouvaient faire deux fois le tour de la tête du petit bonhomme.

- Eh bien ! fit l'apparition, tu as fini de me reluquer ? Tu as voulu me voir, me voici ! Et alors, tu vas me mettre dans le creux de ta main, et couic ! Comme tu disais tout à l'heure, plus de lutin et Fend l'Air pourra désormais passer ses nuits tranquille à
l'écurie !

Mon Dieu ! c'était le lutin ! En oui ! cette petite merveille vêtue de velours et de satin était là devant lui. Et dire que Jean-Mathurin s'était tout le temps imaginé que ce devait être plutôt une sorte de petit griffon noir avec les pieds fourchus et une barbe de bouc ! Mais il savait bien que c'était quand même le mauvais esprit qui se dissimulait sous cet attirail plaisant.

Alors il s'élança et étendit la main avec le geste de faire « couic » au diablotin, comme il se l'était promis.

Sa main s'abattit dans le vide. Du lutin, plus la moindre trace. Pftt ! la vision avait disparu et Jean-Mathurin, promenant son regard autour de lui, ne vit plus rien que Finaud qui poussait de petits hurlements plaintifs dans le coin.

- Eh bien, voyons. C'est donc comme ça qu'on reçoit ses amis ! fit la même petite voix de flûte. Et moi qui, cette veille de Noël, pour te faire honneur, ai sorti mon costume de gala au grand complet.

C'était le lutin, de nouveau en chair et en os, plus fringant et plus moqueur que jamais. Sans attendre, il se mit à parler tandis que Jean-Mathurin restait cloué sur place par la terreur et la stupéfaction.

- Tu ne sais donc pas que je suis le prince Rikiki, fit le lutin, investi de l'autorité suprême sur tous les lutins du Richelieu et qu'alors je peux rendre visite à des personnages bien plus importants que toi. Quand je veux, je me fais invisible et plus rien ne peut m'atteindre. Les lutins, vois-tu, se glissent partout, sur terre, dans l'air et dans les eaux. Et avec le petit bâton que je tiens dans la main, je possède le don de te rendre invisible toi aussi, Mathurin, en dépit de ta grosse carapace. Tu dois être raisonnable et rentrer ta colère. Tout ça pour quelques promenades qu'il m'a pris fantaisie de faire sur le dos de ton Fend l'Air qui, entre nous, est une vieille rosse et ne fend plus rien du tout depuis longtemps. L'autre nuit, c'était moi qui étais le plus mal monté, à tel point qu'au retour je fus laissé en route. Tous les autres, chevauchant de beaux poulains pleins de feu, sont rentrés bien avant moi, le prince Rikiki auquel tout doit obéir en ces parages.

Puis il s'attendrit et continua :

- Mais c'est égal, Jean-Mathurin, je t'aime tout de même parce que tu es la meilleure pâte d'habitant que je connaisse à dix lieues à la ronde. Et sache que je te protège, sans que rien n'y paraisse. Te souviens-tu du jour où ton petit dernier, le Jules à la tignasse frisée, avait failli se faire encorner par un taureau ? En bien ! c'est moi qui ai sauté sur le cou de la bête et grâce à mes pouvoirs lui ai fait passer l'envie de se jeter sur le petit. Et ce soir même, je viens encore te prouver mon bon vouloir en t'apportant un beau présent de Noël. Regarde. Le lutin sortit de sous son manteau un sac de toile et en tira sous le regard émerveillé de Jean-Mathurin du beau boudin bien gras.

- Du boudin ! s'écria Jean-Mathurin, non sans une nuance de dépit qui n'échappa pas au lutin.

- Eh bien, oui, du boudin, et du beau, je m'en flatte ! Mais tu n'es pas content ? Je t'apporte un réveillon de roi et tu ne me sautes pas au cou ?

- Du boudin, dit le pauvre homme ! Ce n'est pas un présent de Noël.

- T'imagines-tu, reprit le lutin, que j'allais t'apporter un sac de pièces d'or ?

- La richesse ne fait pas mal, répondit Jean-Mathurin, quand on sait s'en servir. Prends en exemple le seigneur de Saint-Charles qui me donne envie d'être à sa place quand je le vois passer avec ses deux beaux chevaux noirs.

- Sais-tu que j'ai le goût de te prendre au mot, Jean-Mathurin, et de t'y mettre, à la place du seigneur de Saint-Charles...

Il hésita un moment puis, rejetant brusquement son manteau il continua son discours :

- Je vais faire encore mieux que ça pour te prouver que les lutins aiment à rendre service, à plus forte raison la veille de Noël. Tu peux formuler trois souhaits et tu les auras. Le premier est déjà tout trouvé puisque tu veux être à la place du seigneur de Saint-Charles, poursuivit-il en lançant un petit rire aigu.

- Ça ne fait pas de mal de le souhaiter, dit Jean-Mathurin.

- Bon, c'est accordé. Et le deuxième souhait ?

- Eh bien, si ça ne te fait pas de différence, je voudrais de l'élixir de longue vie dont on parle dans les livres et qui fait vivre aussi longtemps que Mathusalem.

- Holà ! s'écria le lutin. Pourquoi pas me demander de t'apporter la lune, tant que tu y es. Mais j'ai promis, je tiendrai parole. Va pour l'élixir. Et le troisième ?

- C'est simple : je voudrais être heureux. Mais là, tu sais, heureux pour de vrai, comme qui dirait sans penser à rien, sans soucis, comme Finaud quand il a mangé tout son plein et qu'il dort auprès du feu.

- Pas mal imaginé, riposta le lutin. Qui aurait jamais cru que tu voulais tout ça dans ta grosse caboche ? Me voilà bien pris, moi, qui t'ai promis mer et monde. Mais, foi de lutin, je n'en démordrai pas. Allons d'abord chez le seigneur de Saint-Charles.

Jean-Mathurin sortit avec le lutin. Le temps se mettait rapidement à la gelée et dans le ciel piqué d'étoiles, les derniers nuages noirs s'enfuyaient, chassés par un vent de tempête.

- Joli temps pour voyager, observa Rikiki. D'autant plus que le vent porte du côté de Saint-Charles et que nous y serons dans un instant. Mais je ne pense pas qu'il soit souhaitable de te transporter dans les airs, ça te tournerait les sangs. Grimpe donc sur Fend l'Air avec moi derrière et allons à Saint-Charles !

Fend l'Air pour une fois mérita son nom et détala comme une ripousse. Sur la grande route durcie par le gel, les sabots du cheval résonnaient d'un martèlement sonore et cadencé. En une petite demi-heure on était rendu et l'instant d'après on était sous les fenêtres brillamment illuminées du seigneur de Saint-Charles. Et comme Jean-Mathurin, après avoir attaché son cheval sous une remise, faisait mine de vouloir entrer, le lutin dit :

- Un instant, espère un peu, tu ne t'imagines pas qu'on entre comme ça chez le seigneur ! Et avant d'entrer, je veux d'abord te montrer si la chose en vaut la peine. Et pour cela nous allons nous rendre invisibles et entrer sans être vus.

Le lutin toucha Jean-Mathurin du bout de son bâton et subitement le brave homme se sentit évanouir en fumée. Puis, le lutin à son tour disparu, ils se trouvèrent tous les deux subitement transportés à l'étage supérieur du manoir, dans la chambre même du seigneur.

Sa Seigneurie sommeillait dans un fauteuil, l'un de ses pieds posé sur une chaise et tout enveloppé de bandages qui en faisaient une chose informe. Un domestique en livrée mettait la dernière main aux préparatifs du souper de son maître et d'en bas venaient les échos d'une jolie musique mêlée à des éclats de voix et de verres. Suivant les traditions d'antan, on célébrait là la veillée de Noël en bonne compagnie.

Les deux nouveaux arrivés se tenaient immobiles dans leur coin, invisibles à tous, et Jean-Mathurin se demandait bien quel tour lui réservait encore une fois son compagnon quand un énergique juron de Sa Seigneurie lui fit soudain dresser les oreilles.

- Enfer et damnation ! clamait le seigneur, a-t-on juré de me laisser crever de faim !

- Que Votre Seigneurie prenne patience, répondit le domestique.

Aussitôt arriva un autre domestique portant sur un plateau d'argent plusieurs petits plats couverts.

- Que m'apportes-tu ? demanda le seigneur en guignant d'un œil soupçonneux les plats fumants.

- Ce soir de veille de Noël, le médecin vous permet, en plus du biscuit et du verre de lait habituel, une assiette de gruau.

Le domestique n'acheva pas ses paroles car le seigneur, oubliant son attaque de goutte, se leva d'un bond de son fauteuil et asséna un formidable coup de canne au plateau en envoyant voler les plats à tous les coins de la chambre. Le pauvre serviteur se courba pour les ramasser mais le seigneur fit pleuvoir sur son dos une grêle de coups en hurlant :

- Cornes du diable ! Corbleu ! On me donne du gruau. La peste t'étouffe avec ta
tisane ! Ventre-saint-gris, c'est un salmis de canard qu'il me faut ce soir et avec du bourgogne ! Tu entends, suppôt d'enfer ? Ah ! tu m'apportes du gruau pour mon souper de Noël !

Et les coups de canne de pleuvoir avec un redoublement de fureur sur le pauvre serviteur qui tentait de se protéger du mieux qu'il pouvait avec le plateau d'argent.

Attirés par le bruit, les gens d'en bas accoururent avec, à leur tête, madame la seigneuresse elle-même et ses deux filles. Elles eurent toutes les peines du monde à coucher Sa Seigneurie dans son lit, elle dont les traits convulsés et la bouche couverte d'écume témoignaient de la violence de la crise par laquelle elle venait de passer.

- En bien, demanda Rikiki à Jean-Mathurin, t'y mets-tu, oui ou non, à sa place ?

- Allons-nous-en, fit ce dernier. Je te tiens quitte.

- Et d'un, observa Rikiki.

Jean-mathurin et Rikiki redevinrent visibles et enfourchèrent Fend l'Air pour retourner à Saint-Denis. Au bout d'un certain temps, Jean-Mathurin dit :

- Ah ! On peut dire qu'il jure en grand celui-là ! Quel discours !

- Un homme dans sa position ne peut se contenter d'un pauvre « batêche »* comme toi. Il a des mots à sa hauteur, le seigneur de Saint-Charles.

- Et moi qui voulais me mettre à sa place ! s'écria Jean-Mathurin. J'aime mieux m'occuper de l'élixir.

Fend l'Air reprit son train d'enfer et Rikiki le mena dans une sorte de chemin perdu qui avait l'air d'aller nulle part. Au bout, une pâle lumière clignotait dans une petite maison basse. Rikiki arrêta son cheval devant la maison et Jean-Mathurin s'écria :

- Mais, c'est la maison du père Corriveau ! Et mon élixir ?

- Tu vas l'avoir, fit Rikiki, et tu vivras tant et tant que le ménage Corriveau te semblera de la première jeunesse. Tiens, approche de la fenêtre et regarde ces vieux-là ! Hein ? C'est beau la vie !

Jean-Mathurin mit son nez à la fenêtre. Il vit devant la cheminée un homme et une femme tous deux si courbés, si maigres et si ratatinés qu'on aurait pu croire que leurs os allaient bientôt se rejoindre et dégringoler par terre. La peau sur leurs os étaient jaune comme un vieux parchemin et sur leur crâne se dressaient quelques touffes de cheveux blancs. Les yeux avaient un regard d'une fixité effrayante. La femme était assise et l'homme debout parlait tout haut. Rikiki et son compagnon tendirent l'oreille.

- Encore un Noël, ma femme , disait le vieux, où le bon Dieu n'a pas voulu de nous. Quand donc viendra-t-il nous chercher, depuis le temps qu'on l'attend ? Nos enfants sont tous partis et maintenant, personne ne s'occupe de nous. Ah ! quel malheur. Même la mort nous oublie...

Rikiki se sentit tiré par un pan de son manteau.

- Allons-nous-en ! souffla Jean-Mathurin.

Ils quittèrent donc la maison. Rikiki ne cachait pas son enthousiasme :

- Ah ! c 'est beau de vivre vieux. Te vois-tu débriscaillé* comme ce vieil homme, toi qui fauches encore tes deux arpents entre les deux soleils ? Tu vas battre, avec l'élixir, les cent ans bien sonnés du père Corriveau.

- Assez de l'élixir. Je te tiens quitte aussi de ce souhait-là, cria Jean-Mathurin. Je préfère aller retrouver tous mes gens au cimetière quand mon tour sera venu. Si le troisième souhait qu'il me reste n'est pas plus drôle, j'aime autant m'en retourner chez nous.

- Pas du tout ! lança le lutin. Le dernier souhait, j'y tiens. Tu en seras si heureux que tu en crieras d'aise.

Et comme le lutin faisait mine de détaler sur Fend l'Air sans l'emmener, Jean-Mathurin cria :

- Bougre de sort ! Tu ne vas pas me laisser sur le chemin sans monture ?

- La marche au grand air te fera du bien, répondit Rikiki. Tu trouveras ton cheval à l'écurie. Bonne nuit !

Jean-Mathurin eut beau pester et tempêter, le lutin disparut avec son cheval dans la nuit.

Notre homme mit près d'une heure avant d'atteindre le dernier bout de la route qui menait chez lui. Il se doutait bien que l'heure était tardive et il se dépêcha car il lui fallait aller chercher Julie et ses trois petits pour les mener à la messe de minuit.

Un froid sec et piquant le talonnait et il ressentait une jolie rage contre le lutin qui lui avait fait rater deux souhaits sur trois et qui maintenant le laissait en plan sur la grande route en plein cœur de minuit.

Tout à coup il ressentit un élancement à la joue comme si on lui avait enfoncé une aiguille dans la chair. Surpris, il s'arrêta net et se tint le visage dans la paume.

« Le froid, sans doute, pensa-t-il, ou quelque rhumatisme. » Il accéléra la marche car il lui tardait d'arriver à la maison. Il n'avait pas fait trente pas qu'un second élancement le cloua sur place. Cette fois, c'était un coup d'épée qui lui transperçait la joue. Il se tint la tête à deux mains en gémissant. La douleur lui serrait la mâchoire et il ne put s'empêcher de crier :

- Aïe ! Aïe ! qu'est-ce que j'ai là !

Puis, soudain, il se souvint de sa femme qui s'était ainsi lamentée à tous les saints un soir d'hiver, aux prises avec un méchant mal de dents. Mais ce n'était pas possible : ses trente-deux dents étaient bien saines ... et pourtant l'horrible douleur le tenaillait. Tout en continuant de souffrir il se mit à imaginer que c'était peut-être encore un tour de Rikiki. À cette pensée, il redoubla de rage.

- Ah ! le galapiat ! Si je le tiens, je vais lui tordre le cou ! Il courut d'une seule traite jusqu'à sa maison dont il ouvrit la porte d'une violente poussée.

- Qu'est-ce que t'as, mon vieux ? demanda Julie qui finissait d'habiller les petits près de l'âtre.

- Ce que j'ai...

Et il ne termina pas car il venait d'apercevoir, juché sur l'escabeau, cet infernal Rikiki qui riait et riait jusqu'aux pointes de ses petites moustaches et se tapait les cuisses de bonheur, rien qu'à voir la face ahurie de Jean-Mathurin.

- Ah ! mon crapoussin s'écria celui-ci, c'est ce que tu appelles me mettre à l'aise : j'en ai la bouche emportée !

- Attends pour voir...

Rikiki esquiva le coup que lui destinait Jean-Mathurin et demanda :

- Tu te sentirais donc bien heureux si tu étais débarrassé de ton mal ?

- Batêche ! Finiras-tu, un jour, de faire endêver* le pauvre monde ?

- Mais, bougre de bêta, fit le lutin, tu oublies ton troisième souhait. Tu voulais être heureux ? En bien ! c'est fait.

Le mal de Jean-Mathurin disparut subitement et il resta là, au milieu du plancher, les yeux agrandis d'un bonheur indicible.

- N'ai-je pas tenu parole ? Pour bien apprécier ton bonheur, il te fallait d'abord passer par l'épreuve ; et cette épreuve je te l'ai donnée en te gratifiant d'un mal de dents... de cheval ! Et maintenant que te voilà redevenu gai luron comme avant, j'espère que tu feras honneur à mon réveillon ?

Le boudin ! Jean-Mathurin l'avait oublié. Il en avait maintenant l'eau à la bouche. Mais il fallait partir :

- Vite, les enfants, faut y aller !

- À l'année prochaine, fit le lutin qui s'apprêtait à prendre congé.

- Si tu veux, dit Jean-Mathurin. Mais les souhaits c'est fini : Je n'en formulerai plus.
Ah ! ça non, je te le promets.

- À la bonne heure, dit le lutin. Vois-tu, mon cher Mathurin, pour être heureux en somme, rien ne vaut la bonne vieille recette qui consiste à être tout bonnement content de son bonhomme de sort.

Ces paroles dites, Rikiki sauta de l'escabeau et enfilant la cheminée, il disparut dans un peu de fumée.

Le Noël de Jean-Mathurin et de sa petite famille fut, bien que modeste, la plus heureuse des fêtes.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Décembre 2015 à 05:42:37
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Bernie et Étincelle

Le soir, lorsque les enfants sont couchés et que la nuit a volé les couleurs dans toute la maison, vient pour les jouets l'heure d'un repos bien mérité.
Finies les guéguerres sur la moquette du salon, les rase-mottes d'avion au-dessus des plantes vertes... Les poupées ferment leurs petits yeux de porcelaine, les dînettes cessent de tintinnabuler, et les petites autos rentrent au garage, sous les franges du canapé. Puis tout le monde sombre dans un profond sommeil.

Mais ce soir, dans la chambre de Kelly et Valentine, bien sagement assis sur une étagère, deux petits jouets ne trouvent pas le sommeil. Deux petits pantins de tissu et de peluche, qui ont le cœur gros ; de ne pas avoir été regardés de la journée, de ne plus plaire et d'être abandonnes, là, depuis des jours et des jours.

Les jouets sont comme ça : ils sont nés pour jouer, ils aiment rire, ils aiment que les enfants les aiment. Quelle tristesse pour eux de se sentir abandonnés !

Eh oui ! Bernie et Étincelle ont le cœur gros ce soir. Il y a trop longtemps qu'ils s'ennuient sur cette étagère, figés dans l'oubli et la poussière.

Bernie ? C'est l'ours en peluche, un bel ours brun, comme ceux de la forêt, avec de beaux yeux ronds et noirs comme du charbon, un gros nœud rouge autour du cou. Avant c'était le roi des jouets, aujourd'hui c'est tout juste s'il ne sert pas de ballon de foot ou de chiffon pour essuyer le tableau.

Étincelle est un petit pantin de tissu, joyeux et turbulent. Dans son bel habit bleu électrique, il brille comme une étincelle. Il a, bien dessiné au coin des lèvres, son éternel sourire de charme, mais le cœur n'y est plus, son habit est passé, et il a le regard triste des jouets abandonnés. Tous deux sont là, blottis l'un contre l'autre, et pensent la même chose : "Il y a tellement de jouets, et il y a tellement de jouets maltraités, ce n'est pas juste qu'il y ait tant de malheureux !"

Alors, un beau soir de pleine lune, Bernie et Étincelle ont décidé de changer leur destin.
Ils sont descendus de leur étagère ; à pas de velours, ils ont traversé la chambre endormie, puis, sans un bruit, se sont glissés par la fenêtre dans le jardin enneigé, pour s'enfoncer dans la nuit froide, ne laissant derrière eux que les traces menues de deux petites peluches fuyant une maison qui ne les aime plus.
Au contact de cet air de liberté, Bernie retrouva les instincts sauvages de ses ancêtres. Et nos petits amis pénétrèrent les bois noirs qui bordaient le village.

La liberté se paya cher ; les premiers jours furent terribles. Transis et fatigués, les deux compères traversèrent des forêts immenses au péril de leur vie.

La nuit, Bernie, avec son épaisse fourrure, protégeait Étincelle du froid, et lorsqu'ils trouvaient du bois sec, Étincelle, qui portait bien son nom, allumait un petit feu.

Il en fut ainsi longtemps. Jusqu'au soir où, alors qu'ils n'en pouvaient plus de fatigue, ils se trouvèrent nez-à-nez avec une pauvre maisonnette, croulant sous un épais chapeau de neige.

Curieux, ils s'approchèrent. Par la fenêtre où filtrait une chaude lueur, ils virent un vieil homme. Qu'il avait l'air vieux avec sa grande barbe blanche, ses longs cheveux bouclés, son habit rouge et ses grandes bottes ! Il était assis devant sa cheminée, l'air bien triste, et de grosses larmes coulaient sur ses vieilles joues.

Comme il avait l'air gentil et bien malheureux, Bernie et son copain s'approchèrent.
- Pourquoi pleures-tu, grand-père ? Pourquoi es-tu si malheureux ?
- Vois-tu petit, répondit le vieux d'une voix chaude, je suis le père Noël des enfants pauvres. Noël n'est plus très loin, et tous attendent que je remplisse leurs souliers. Mais je suis moi-même si pauvre, que je n'ai plus de jouets à leur donner ; je suis un père Noël sans jouets pour ses petits, voilà pourquoi je suis triste.

Bernie devint songeur. "Pauvres gosses", pensa-t-il. Mais il eut soudain une idée géniale qu'il soumit illico au père Noël.
- Formidables, vous êtes formidables !

Le père Noël sautait de joie, dansait, chantait...
- Vite, au traîneau, Noël est dans deux jours, il n'y a pas une minute à perdre, je veux être à l'heure pour ce qui sera le plus beau Noël de mes petits chéris.

Comme une comète, dans un nuage d'étoiles, le beau traîneau rouge et or du père Noël fendit la nuit en direction du village.
Ce qui se passa ensuite n'arrive que dans les contes...

Maison après maison, Bernie et Étincelle invitèrent tous les jouets abandonnés à les suivre. Et l'on vit bientôt, venant de toutes parts, des tas et des tas de jouets escalader le traîneau. Peluches, soldats de plomb, poupées et camions de bois...

Le père Noël fut submergé, et c'est à peine si les rennes purent s'envoler à nouveau avec leur précieuse cargaison.

De retour chez le père Noël, sans perdre une seconde, tout le monde se mit au travail. On sortit colle, peinture, ciseaux, marteaux... Tous se mirent au boulot. L'atelier du père Noël bourdonnait comme une ruche ; on peignait un soldat par-ci, on réparait un avion par-là, ici on habillait une poupée... Les valides aidaient les estropiés et tous ces petits jouets étaient ravis de s'entraider pour retrouver un air de neuf.

Quand Noël arriva, le père Noël avait une hotte pleine jusqu'au ciel de jouets, tous plus beaux les uns que les autres, de quoi faire pâlir d'envie le plus riche des pères Noël.

La fête fut merveilleuse pour tous les enfants pauvres. Debout sur les toits, notre vieux père Noël entendait monter par les cheminées les cris de joie des enfants, ivres de bonheur. Ils étaient heureux et riaient, et les jouets étaient heureux et riaient aussi.

Fatigué mais ravi, le père Noël, à la fin de la nuit rentra chez lui. Mission accomplie ! Mais de nouveau seul, il eut soudain un gros coup de cafard.
- Personne ne fait jamais de cadeau au père Noël, se dit-il, et c'est bien triste, me voilà de nouveau seul jusqu'à l'année prochaine.

À peine avait-il fini sa phrase que nos deux héros apparurent dans la pièce. Et Étincelle annonça :
- Ne sois pas triste père Noël, Bernie et moi sommes décidés à rester avec toi. Et chaque année, nous irons dire aux jouets que l'on abandonne de venir nous rejoindre pour faire le bonheur des petits enfants pauvres.

JP.R
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 24 Décembre 2015 à 05:43:46
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La surprise des Lutins


Le père Noël s'éveilla en sursaut. Il était tout énervé.
« Oh! Mon Dieu » s'écria t'il.

« Est-ce que j'ai passé tout droit? »

« Ai-je trop dormi? »

« Quelle heure est-il? »

« Noël est-il déjà passé? »

Il gratta sa tête recouverte de ses magnifiques cheveux blancs puis il bondit hors de son lit. Tout excité, le père Noël se dépêcha à enfiler son manteau, ses pantalons et ses bottes.

« Ma tuque. Où est ma tuque? » cria t'il.

 Juste à ce moment, la porte s'ouvrit et la Mère Noël entra. Quand elle vit le Père Noël s'agiter comme il le faisait, cherchant dans tous les coins de sa chambre, elle mit les mains sur ses hanches et éclata de rire très fort.

 « Père Noël, pour l'amour du ciel, qu'es-tu en train de faire? » s'écria t'elle entre ses gros rires. « Je ne t'ai jamais vu t'énerver comme ça depuis la fois où tu es descendu dans une cheminée où le feu n'était pas encore éteint. »

 « C'est pas drôle !» répliqua le Père Noël, s'arrêtant brusquement. « J'ai trop dormi. Là, je suis en retard pour ma tournée de Noël et je ne trouve
pas ma tuque. »

 « Calme-toi, mon cher mari » dit la Mère Noël gentiment. « Tu n'es pas en retard. Il te reste beaucoup de temps avant que tu ne doives partir pour la distribution des cadeaux . Je venais justement te réveiller.  C'est le temps de ton repas
de la veille de Noël. »

 Le Père Noël eut un soupir de soulagement et il tapota doucement l'épaule de sa femme. « Merci beaucoup, ma chère » dit-il chaleureusement tout en se dirigeant vers la salle à manger. Après quelques pas, il s'arrêta.

 « Je serais peut-être mieux d'aller superviser le chargement  du traîneau avant de manger » dit le Père Noël, semblant  inquiet. « Je ne voudrais vraiment pas être en retard. Combien de temps me reste t'il? Ai-je vraiment le temps de profiter de mon repas? Est-ce que je peux prendre mon  temps ou dois-je manger très vite? Quelle heure est-il? »

 Mère Noël plaça une main sur l'épaule du Père Noël et gentiment le poussa vers sa chaise. Lui souriant gentiment, elle lui dit : « C'est le temps de manger maintenant. Détends-toi et déguste ton repas. Il te reste beaucoup de temps avant de devoir partir. »

 Le Père Noël prit une grande respiration , s'assit et commença à manger. Juste comme il finissait d'avaler la dernière cuillérée de la délicieuse soupe au poulet que la Mère Noël lui avait faite, Atchoum et Coquin entrèrent dans la maison. Atchoum était le chef des lutins du Père Noël. Coquin était l'assistant d'Atchoum et le plus petit des lutins.

 « Votre traîneau est prêt, Père Noël » dit Atchoum fièrement.

 « Oui, monsieur, Monsieur le Père Noël, monsieur,» ajouta Coquin.
« Tout est prêt pour partir. »

 « Est-ce maintenant le temps de partir?» demanda le Père Noël bondissant de sa chaise. « Je savais bien que je prendrais trop de temps pour manger. Je suis probablement en retard. Il est probablement minuit passé. J'arriverai jamais à finir ma tournée avant l'aurore. »

 « Père Noël, Père Noël, tu t'énerves encore pour rien» gronda Mère Noël par la porte ouverte de la cuisine.  « Tu as encore vingt minutes avant qu'il ne soit l'heure de partir. Il est seulement 11 :40. Tu as le temps de manger
ton gâteau de Noël. »

 « Ouf!» soupira le Père Noël tout en essuyant ses sourcils ruisselants avec son mouchoir. Puis en se rassoyant calmement, il se tourna vers Atchoum et Coquin. « Merci beaucoup d'avoir rempli le traîneau, » leur dit-il.  « Pourquoi n'allez-vous pas tous les deux dans la cuisine. La Mère Noël va vous préparer un petit casse-croûte et quelque chose
de chaud à boire .»

 « Merci Père Noël , » dit Atchoum.

 « Merci, Père Noël, monsieur, » ajouta Coquin et les deux lutins se dirigèrent
vers la cuisine.
 
 « Wow, Atchoum, Le Père Noël est sûrement très nerveux »  dit Coquin quand ils eurent fermé la porte de la salle à manger.

 « Il l'est toujours à ce temps-ci de l'année» répondit Atchoum.

« Il s'inquiète beaucoup de ne pas arriver à temps pour  Noël. Le Père Noël désire que chaque bon garçon et chaque  bonne fille reçoivent tous les cadeaux qu'ils méritent, Il ne  veut absolument pas qu'aucun d'eux ne soit privé de son  cadeau parce qu'il a pris du retard et qu'il ne peut finir sa tournée à temps. »    

 « Je comprends,» répondit Coquin.

 Quand la Mère Noël vit les deux lutins entrer dans la cuisine, elle leur sourit et leur dit «  Il y a du chocolat chaud et des biscuits sur la table pour vous et les autres lutins. »  

 « Merci, » dirent Atchoum et Coquin tout en s'avançant vers la table.  

 Emportant le pichet de chocolat chaud et le cabaret de biscuits, Atchoum et Coquin sortirent de la maison et se dirigèrent vers la salle de repos, où les autres lutins les attendaient tout en surveillant le traîneau.
 
 « Le Père Noël est vraiment fantastique,» dit Atchoum.  « Il travaille fort durant toute l'année juste pour être capable de donner des cadeaux
aux enfants à Noël. »  

 « C'est l'homme le plus merveilleux de la terre entière, »  ajouta Coquin.

 Juste à ce moment, Coquin s'arrêta brusquement dans le sentier.

 « Qu'est-ce qu'il y a? » demanda Atchoum, s'arrêtant à son tour.

 « Je viens juste de penser à quelque chose qui ne m'avait  
jamais préoccupé avant. »

 « Quoi? » demanda Atchoum intrigué.

 « C'est à-propos du Père Noël» dit Coquin. « As-tu réalisé  qu'il donne des cadeaux à tout le monde mais que jamais  personne ne lui en a fait? »
 
 Atchoum réfléchit une minute.  «Tu as raison, Coquin!» s'exclama t'il.  « Aussi allons-nous lui préparer une surprise, un cadeau de Noël pour lui cette année.  Après son départ pour sa grande tournée, nous réunirons les lutins et  nous déciderons ce que nous allons lui donner. »

 Les deux lutins avaient bien hâte que le Père Noël parte pour sa grande tournée afin de faire part aux autres lutins de leur idée.  Les vingt minutes leur semblèrent une éternité, mais finalement, le Père Noël grimpa dans son traîneau
rempli de surprises.

 « Est-ce maintenant le temps de partir?» demanda le Père  Noël nerveusement tout en prenant la bride pour guider son  attelage de rennes. «Est-ce le temps maintenant? Quelle heure est-il? »

 « Il est exactement minuit » répondit la Mère Noël. « C'est
Noël et c'est le temps de partir, mon cher. »

 « HO! HO! HO! Joyeux Noël» cria le Père Noël à sa  femme. « Joyeux Noël à tous,» dit-il aux lutins rassemblés  autour de son traîneau.  Puis saisissant la bride fermement,  il cria « Allez, Fougueux! Allez, Danseur! Allez, Comète et Fouineur. »

 Les rennes magiques sortirent le traîneau de l'atelier. Quand ils eurent atteint la porte, ils bondirent dans les airs d'un saut puissant. Plus haut, toujours plus haut dans le  ciel montaient les rennes. Plus haut, toujours plus haut  dans le ciel montaient le traîneau et le Père Noël.  En un clin d'oeil l'équipage et son conducteur avaient disparu dans l'immensité du ciel.

 Durant ce temps, la Mère Noël ferma les portes de l'atelier,  souhaita un Joyeux Noël aux lutins et retourna dans sa cuisine.  

 Aussitôt qu'elle fut partie, Atchoum et Coquin appelèrent les autres lutins et tous se réunirent dans un coin.

 « Pourquoi nous réunissez-vous en secret si rapidement? » demanda un lutin appelé Farceur.

 « Tiens bien ta tuque, Farceur »  dit Coquin.  « Atchoum va tout vous expliquer maintenant. »
 
 Atchoum sourit à ses compagnons lutins, puis il leur expliqua à-propos de l'idée d'un cadeau pour le Père Noël. Tous les autres lutins approuvèrent l'idée et se mirent à applaudir.

 « Y a juste un problème, » dit Farceur après que le brouhaha se fut calmé.

 « Oh, Farceur, tu trouves toujours un problème à tout, » dit Coquin.

 « Un moment,» dit Atchoum. « Écoutons-le. Quel est le problème Farceur? »

 « Oui, quel est le problème, Farceur? » répétèrent les autres lutins.

 « Le problème est» dit Farceur, « que pouvons-nous bien offrir au Père Noël.  On ne peut lui donner n'importe quoi. Ça doit être quelque chose qu'il n'a jamais eu et quelque chose qui lui rendra vraiment service. »

 « Hé, on n'avait jamais pensé à ça » dit Atchoum en soupirant.

 « Peut-être que si on se met tous à réfléchir très fort,» dit Coquin, «qu'on trouvera une idée géniale. »

 Et tous les lutins se mirent à réfléchir. Atchoum réfléchissait. Farceur réfléchissait. Coquin réfléchissait. Tous les lutins pensaient, pensaient et pensaient.

 «Nous pourrions lui donner un chapeau melon»  suggéra Farceur.

 « Chou! » répliquèrent tous les lutins en choeur en réponse à l'idée de Farceur.

 « Que diriez-vous d'un long sous-vêtement rouge pour le garder au chaud durant sa longue randonnée? » s'exclama Atchoum.

 « Chou! » répondirent à nouveau les lutins.

 « J'ai trouvé!» s'écria Coquin tout excité. » Je sais exactement ce qu'il faut offrir au Père Noël. Et c'est quelque chose dont il a réellement besoin! »

 « Quoi? » demanda Atchoum.

« Quoi? » s'écria Farceur.

« Quoi? » répétèrent tous les autres lutins.

 Coquin s'approcha d'Atchoum et lui murmura quelque chose à l'oreille. Atchoum sourit puis s'approcha de Farceur et lui répéta dans l'oreille ce que Coquin lui avait dit. Farceur sourit et murmura à son tour dans l'oreille du lutin près de lui et le secret continua à circuler d'une oreille à l'autre entre tous les lutins. Dès que tous furent au courant, les lutins sourirent et donnèrent leur consentement.

 « Bien sûr, tout ça dépend de Curieux,» dit Coquin. Puis se tournant vers l'inventeur qui imaginait tous les jouets à ressorts du Père Noël, Coquin lui demanda, « Crois-tu que tu peux faire ce travail, Curieux? »

 Les yeux de Curieux étincelaient. « Je suis capable » s'exclama t'il tout excité. « Allons à l'atelier et commençons à travailler tout de suite ».

 Avec des cris de joie, tous les lutins suivirent Atchoum, Coquin, Curieux et Farceur à l'atelier. Puis, durant toute la nuit, ils travaillèrent en secret pour préparer la surprise du Père Noël. Finalement, juste comme l'aube se pointait, le travail fut fini.

 « Enveloppons-le vite!» s'écria Atchoum en regardant par la fenêtre. « L'équipage du Père Noël s'en vient pour atterrir! »

 Aussi vite qu'un éclair, Coquin et Curieux enveloppèrent le cadeau du Père Noël et le donnèrent à Atchoum, qui le cacha  derrière son dos. Alors tous les lutins se regroupèrent joyeusement autour du Père Noël qui venait d'atterrir et trouvèrent celui-ci en train d'embrasser la Mère Noël.

 « Joyeux Noël, Père Noël! » lancèrent les lutins pendant qu'Atchoum s'avançait vers lui pour lui remettre son cadeau.

 « Mon Dieu! Qu'est-ce que c'est? » demanda le Père Noël tout surpris.

 « C'est un cadeau de Noël, » dit Farceur.

« C'est de la part de tous les lutins, » ajouta Coquin.

« Nous espérons qu'il vous plaira, » dit Atchoum, grimaçant
d'une oreille à l'autre.  

« C'est quelque chose dont vous avez besoin, » dit
joyeusement Curieux.

« Merci à vous tous, merci beaucoup» dit le Père Noël. » Je me demande bien ce que c'est. » Tout souriant, il retournait le petit cadeau enveloppé dans ses mains.

« Hum! La boîte est aussi longue qu'un crayon et aussi large qu'un dollar en argent. Que peut-il bien y avoir dans ce paquet? Qu'est-ce que ça peut être? De quel cadeau ai-je réellement besoin? »

 « Ouvrez-le» crièrent les lutins. »

 Le Père Noël enleva le ruban puis il retira le papier d'emballage. Quand il souleva le couvercle de la boîte, il trouva à l'intérieur une magnifique montre de poche de Noël  avec une chaîne.

 « Vous la remontez en janvier, » dit Curieux, « et elle va fonctionner jusqu'au mois de décembre».

 « Elle ne fait pas tic-tac, » cria Farceur. « Elle fait ding-dong, ding-dong, comme les cloches de Noël. »

 « Maintenant vous saurez toujours quelle heure il est, »
ajouta Atchoum

 « Et le meilleur de tout ça, » dit Coquin «elle a une alarme  spéciale comme ça vous ne serez jamais en retard pour  Noël. Mais ce n'est pas une sonnerie ordinaire. Cette alarme joue un chant de Noël. »

 Le Père Noël regarda la montre, puis les lutins. Un grand sourire remonta les coins de sa bouche et deux petites  larmes coulèrent sur ses belles joues  quand il murmura, « C'est le plus beau cadeau qu'on m'ait donné! »  
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 31 Décembre 2015 à 05:21:10
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Le loup sentimental

Lucas vivait heureux, entouré de tous les siens.
     « Je suis grand, déclare-t-il un jour à ses parents. Il est temps que je mène ma vie. »
     « Je savais que ce jour viendrait », soupire son père.
     « Comme tu vas me manquer », s'attriste sa mère.
     « Tu es le soleil de ma vie, dit sa grand-mère en le serrant contre elle. Reviens vite nous voir. »
     « Prends cette montre, bougonne son grand-père. Je sais qu'elle t'a toujours fait envie. »
     « Oh ! non Grand-père, c'est vraiment trop ! »
     « Pas d'histoire, on ne désobéit JAMAIS à son grand-père », rétorque le vieux loup.
     « Nous allons chanter pour fêter ton départ », s'écrient ses jeunes frères qui s'exécutent aussitôt.
Au revoir, grand frère, au revoir !
Cachons notre désespoir !
Chantons, chantons pour oublier
Que tu vas bientôt nous quitter !

     « Allons, fiston, il est temps de partir, dit son père. Tiens, voici la liste de tout ce que tu peux manger. »
     « Et ne te laisse pas trop attendrir », ajoute sa mère.

Lucas quitte la forêt. Bientôt il commence à avoir faim.
     Au détour d'un bosquet, il rencontre une chèvre accompagnée de ses cabris.
     « Qui êtes-vous ? » s'enquiert-il poliment.
     « Je suis la chèvre et voici mes sept petits chevreaux. »
     « Hum, vous figurez en bonne place sur ma liste, constate Lucas. Je vais donc vous manger ! »
     « Dans ce cas, s'écrie la chèvre, tu dois tous nous manger. Sinon, ceux qui resteraient seraient inconsolables. »
     « Je vois, dit Lucas, ému. Mais à la réflexion, je n'ai pas assez faim. Au revoir, madame. »
     Lucas poursuit son chemin.
     « Je n'aurais peut-être pas dû laisser partir un si bon déjeuner », songe-t-il.
     Soudain, il tombe nez à nez avec une petite fille toute de rouge vêtue.
     « Qui es-tu ? »
     « Je suis le Petit Chaperon rouge », répond la petite fille en tremblant.
     « Hum, tu es sur ma liste. Je vais donc te manger. »
     « Par pitié, monsieur le Loup, ne me mangez pas, supplie le Petit Chaperon rouge. Mèr'Grand serait trop triste ! Elle dit que je suis le soleil de sa vie ! »
     Lucas est troublé.
     « Ma grand-mère dit exactement la même chose. Disparais vite avant que je ne change d'avis ! »

Lucas reprend sa route, l'estomac dans les talons.
     « Je suis vraiment trop sentimental », se dit-il.
     Mais il aperçoit bientôt trois porcelets rosés, potelés et grassouillets.
     « Pourvu qu'ils soient sur ma liste ! »
     « Qui êtes-vous, Messieurs ? »
     « Nous sommes les trois petits cochons. »
     « Parfait. Vous êtes sur ma liste, je vais donc vous manger ! »
     « Permets-nous au moins de chanter une dernière fois », implorent les trois petits cochons.
     Lucas acquiesce. Mais en les écoutant, il ne peut s'empêcher de songer à ses frères.
Au revoir, mes frères, au revoir !
Cachons notre désespoir !
Chantons, chantons pour oublier
Que nous allons nous quitter !

     « Filez avant que je ne me ravise », grogne-t-il tout bouleversé.
     « Je suis beaucoup trop sentimental », ronchonne-t-il. Son ventre gargouille de plus en plus.

« AH ! AH ! te voilà ! » fait une voix derrière lui.
     Lucas sursaute. Un petit garçon le dévisage avec aplomb.
     « Qui es-tu ? »
     « Mon nom est Pierre. »
     « Hum, tu es sur ma liste », se réjouit Lucas.
     « Toi aussi, tu es sur ma liste, dit Pierre. J'ai désobéi à Grand-père pour venir te chasser et... »
     « ON NE DÉSOBÉIT JAMAIS À SON GRAND-PÈRE, TU M'ENTENDS ? » hurle Lucas de sa plus grosse voix.
     Pierre, épouvanté, prend ses jambes à son cou.
     « A-t-on déjà vu un loup aussi sentimental ! se désole Lucas. Je n'ai rien mangé depuis des heures. Maintenant, je ne ferais qu'une bouchée de la famille Chèvre, du Petit Chaperon rouge, des trois cochons – sans parler de cet effronté de Pierre ! »
     Tout à ses pensées, Lucas arrive devant une vieille maison délabrée.
     « Avec un peu de chance, je trouverai bien quelque chose à me mettre sous la dent. »
     Il frappe à la porte... qui s'ouvre sur un géant à l'air menaçant.
     « FICHE LE CAMP, SALE BÊTE ! » crie le colosse... et il lui claque la porte au nez.
     Le sang de Lucas ne fait qu'un tour.
     Fou de rage, tenaillé par la faim, il se rue dans la maison... et dévore l'ignoble individu.
     « Ah ! Je n'ai jamais si bien mangé ! » se dit Lucas en se pourléchant les babines.

Soudain, il entend de drôles de gémissements.
     Il lève les yeux et voit, au fond de la pièce, une cage dans laquelle sont enfermés... des petits enfants !
     Il déverrouille la porte.
     « Qui êtes-vous ? »
     « Moi, je suis le petit Poucet, et voici mes frères. Et nous tenons à vous remercier de tout notre cœur ! Grâce à vous, l'ogre ne nous mangera pas ! »
     « Ah ! s'exclame Lucas en riant. C'est votre jour de chance. Sauvez-vous vite ! »
     Puis, sur la liste que lui a donnée son père, de sa plus belle écriture, il écrit le mot : "OGRE".

G.d.P
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: alouette2 le 03 Janvier 2016 à 16:22:17
Bravo Bunni pour le choix de ce conte!
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 06 Janvier 2016 à 05:38:25
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Les mots roses et les mots gris


      Un jour, on ne sut trop pourquoi cela arriva brutalement, les mots roses disparurent de la planète.
     Les mots roses ? Ce sont les mots gentils, « Merci », « Après toi », « Je t'en prie », « Tu comptes tellement pour moi ». Des mots si sucrés qu'ils sont comme des fils de barbe à papa dans le cœur. Était-ce l'œuvre du Magicien Gris qui n'aimait que le salé, le piquant, l'amer ? Non... C'étaient les hommes qui préféraient, va savoir pourquoi, les mots piquants, amers, salés !
     À cette époque, sur la Terre, il y avait des boutiques de mots roses et de mots gris. Les marchands de mots roses vendaient des « Je t'aime », « Je pense à toi », « Merci beaucoup », « S'il te plaît », « Après toi, je t'en prie »... Pour les marchands de mots gris c'était plutôt « Crotte de bique », « Face de rat crevé », « Pue-du-bec »...

     Au début, on acheta beaucoup plus de mots roses que de mots gris. Les marchands de mots roses faisaient des affaires, et la Terre embaumait d'une délicieuse odeur de barbe à papa. Les marchands de mots gris se morfondaient, car on ne venait chez eux qu'une ou deux fois par an, pour les grandes brouilles.
     Pourtant, un jour, curieusement, les hommes se mirent à acheter des mots gris. Il y avait la crise de l'emploi, la grève des cœurs. Les patrons achetaient beaucoup de « Allez vous faire voir ailleurs, vous êtes viré, mon vieux », « Merci pour ce que vous avez fait, mais prenez la porte ». Il y avait les guerres entre les familles, les divorces, les couples qui ne s'entendaient plus. La jalousie entre frères, les bouderies... On achetait des « Je ne t'aime plus », des « C'est fini ». Dans les magasins de mots roses, il y avait des invendus de « Merci », de « S'il te plaît », « Je t'en prie », « Je t'aime »...
     – Au diable les mots doux, disaient les hommes. Ils coûtent cher et ne t'apportent rien.
     Les marchands de mots roses, désolés, ne savaient plus où les entreposer.
     Les boutiques roses fermèrent les unes après les autres : « Tout doit disparaître », « Fermé pour cause de deuil », « Soldes en gros », « Quinze mots roses pour le prix d'un ». Mais, même à prix modiques, ils n'intéressaient plus personne.
     Les boutiques de mots gris, elles, prospéraient. Car, c'est bien connu, les vilains mots sont contagieux. Lances-en un dans une cour de récréation, tu en recevras dix ! On créa même des boutiques spécialisées en gros mots, rires gras, insultes noires. Et les marchands gris travaillaient jour et nuit pour dénicher les perles rares, les mots les plus horribles et les plus méchants ! « Hippopotame aux dents noires », « Tu pues la morue », etc.

     Craignant d'être à sec, ce qui arrive en temps de guerre, les gens se mirent à faire des conserves de mots gris. On les congela par douzaines, on les empila dans les placards de la cuisine, dans les armoires, sous les lits.
     Et, hop, à la moindre brouille, au plus petit ricanement, à la moindre querelle, on allait puiser dans son stock : « La ferme ! », « Ta tête en accordéon », « Caille déplumée », « Relent de maquereau », « Haleine d'oignon », « Sinistre crétin », et « J'en passe ».
     Les anniversaires se déroulaient dans les pires insultes. On chantonnait : « Mauvais an-ni-ver-saire, mauvais an-ni-ver-saire » en lançant une bombe de gros mots au milieu de la fête. Chez les grands, pour fêter la nouvelle année, on trinquait avec du jus de chaussettes noires en ricanant :
     – Mon vieux, je te souhaite une année pourrie... Et surtout, une très mauvaise santé !
     Et, quand on ouvrait les cadeaux, c'était un concert de gémissements :
     – Mais comme c'est moche ! Comment as-tu trouvé une idée aussi nulle ? C'est vraiment le cadeau que je redoutais le plus.
     Avant l'école, les enfants se ruaient dans les magasins gris pour remplir leurs poches de gros mots, en prévision de la cour de récréation. Avant les vacances, on venait aussi, chez les grands, remplir ses bagages de mots gris, ricanements imbéciles, que l'on jetait par la portière sur l'autoroute, entre les sandwiches et le café, pendant les embouteillages : « Hé ! face de rat ! T'as eu ton permis dans une pochette-surprise ? »
     Sur Terre, l'atmosphère était glaciale. Le Soleil qui craint l'impolitesse et les volées de bois vert, refusait désormais de sortir. Il se souvenait d'autres temps, où on l'accueillait à bras ouverts :
     – Oh ! Il fait beau ! Comme ça fait du bien ! Merci mon bon Soleil... Oh, mon Dieu, j'adore le Soleil.
     Au lieu de quoi il entendait, aujourd'hui :
     – Fait chaud... Fait trop chaud... Ah là là, keskifait cho.

     Alors, les nuages envahirent le ciel et la Terre sombra dans une période glaciaire. Tout le monde eut froid : on refusa désormais de se déshabiller, on ne faisait plus de câlins, on ne faisait plus de bébés. Comme la Terre était triste, sans fleurs ni mots roses !

     Pourtant, quelque part, un petit garçon ne voulait pas se résoudre aux mots gris. Peut-être parce que, dans sa poche, subsistait un petit mot rose à moitié gelé.
     « Moi, disait Pierre, je ne veux pas de ce monde où plus personne ne chante ; où on ne dit ni bonjour, ni merci, où il fait froid, toujours froid. Je vais revoir le Soleil. »
     Le petit garçon marcha longtemps, escalada des collines gelées, des petites et des hautes montagnes, des volcans éteints. Enfin, après des mois et des mois, fourbu, gelé, épuisé, il arriva tout près des nuages.
     – Toc, toc, fit-il, je cherche le Soleil.
     – Oh oh, dit le nuage en chef, qui avait pris possession du ciel gris. Voyez-vous ça... un petit bonhomme ridicule qui cherche môssier le Soleil ? Mais le Soleil n'y est plus pour personne ! Depuis que les mots gris ont pris le pouvoir, c'est nous, les nimbus et cumulus, qui sommes les chefs.
     Il bomba le torse et lui ferma la porte au nez.
     Le petit garçon s'assit, tout étourdi. Comment se défendre ?
     Il n'avait pas emporté l'ombre d'un mot gris dans sa poche. Alors, il se mit à pleurer.
     Le nuage le regarda, surpris : il n'avait vu personne pleurer depuis longtemps ! Dans cet univers glacial tous les yeux étaient gelés, les cœurs étaient froids.
     – Arrête immédiatement ! gémit le nuage. Sinon je vais faire tomber une averse ! (Car les nuages ont très facilement la larme à l'œil).
     Finalement, chamboulé de l'intérieur, il décida de l'aider.
     – Tiens, lui dit-il. La petite tache jaune, là-bas, c'est le Soleil.

     Pierre ouvrit les yeux et vit, en effet, une boule de billard perdue dans l'étendue bleue : c'était le Soleil qui était en train de disparaître, à force de mauvais traitements.
     À bout de forces, le petit garçon se rendit encore vers la petite boule jaune.
     – Bonjour, dit-il au Soleil. Je suis venu te chercher. Tout est devenu gris sur la Terre. Nous avons froid, nous avons mal. Nous ne rions plus jamais, nous ne disons plus jamais de mots gentils. Il faut que tu reviennes.
     Le Soleil leva un minuscule œil.
     – Il n'est pas question que je revienne. Les impolitesses et les incivilités, ça me tue. Bonsoir, je retourne me coucher.
     – Non ! supplia le petit garçon. On gèle, sur Terre, sans toi ! Nos maisons sont froides et nos cœurs gelés. Reviens, je t'en prie.
     Et le petit garçon sortit de sa poche son petit mot rose tout gelé : « On t'aime. »
     – Mmm, mmm, fit le Soleil qui en eut un peu de rose aux joues. Tu dis cela pour me flatter, n'est-ce pas ?
     – Non, soupira le petit garçon.
     – Évidemment, dit le Soleil en haussant une épaule. Évidemment ! Comment vivre dans un monde tout noir, où chacun hurle, vocifère ? Où personne ne dit « merci », « s'il te plaît », « c'est très bon », etc. ? Ça fait froid partout dans le cœur. Je me souviens d'une époque... où il y avait des mots roses partout, de la lumière partout dans les cœurs. En tenant la porte, on se disait « merci », et pas « crotte de bique ». Ah, c'était le bon temps.
     Et le Soleil et le petit garçon se mirent à soupirer ensemble, en pensant à la « période rose ».
     – Il faut que tu reviennes, insista Pierre.
     – Je suis d'accord pour un essai, bougonna le Soleil. Mais jette d'abord ces mots roses sur la terre. Ainsi, mon retour sera plus agréable.

     Le Soleil donna au petit garçon tout un stock de mots roses : « Je t'en prie », « C'est vraiment gentil », « S'il te plaît », « Je t'aime très fort », « Mon amour adoré », « Amour de ma vie », « Après toi », etc. Le petit garçon les glissa dans ses poches, dans sa bouche, dans son chapeau, dans son écharpe, dans ses chaussettes, partout ! Autant qu'il pouvait en tenir. Il revint sur Terre et les distribua au petit bonheur la chance.
     Soudain, dans les embouteillages, on se remit à déplier les petits papiers roses : des « Après vous, je vous en prie », « Comme il fait beau, n'est-ce pas ? », « Allez-y, je ne suis pas pressé ! »...
     Dans les cours de récré, on entendit à nouveau des rires gentils, des « Toi, t'es mon meilleur copain », des « Bien sûr, tu peux jouer avec nous, avec plaisir ! »... À la maison, les enfants recommencèrent à dire des mots roses : « Merci, maman », « S'il te plaît », « Excuse-moi, je n'y pensais pas »... Pendant les goûters d'anniversaire, on chantait gaiement, et on se remettait à formuler des vœux de bonheur et de santé pendant les réveillons de fin d'année.

     Le Soleil recommença à briller et à se coucher dans son nuage rose tous les soirs.
     Et, je te le jure, les marchands de mots roses se remirent à faire fortune ! On créa même d'autres magasins spécialisés : en sourires, en soupirs de bien-être, en politesse, en courtoisie, en civilité... Ça fit un peu comme de la barbe à papa dans le cœur.
     Quant aux mots gris, devant tant de bonheur, ils détalèrent de toutes leurs pattes grises et velues. Et quand l'un d'eux venait pointer le bout de son nez, je te le garantis, il ne restait jamais très longtemps...

S.C 
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 14 Janvier 2016 à 05:35:31
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Au bord de l'étang

Dans les yeux de l'amour, il ne fait jamais nuit. Si, dans les miens, danse un soleil de minuit et que mille étoiles scintillent de gaieté, souviens-toi de l'éclat d'une perle confiée :

La lune, ce soir-là, goutte sa lassitude sur le miroir d'un lac aux pleurs de solitude ; ses rayons d'acier traversent le silence de la nuit immobile et des eaux en dormance. Sur le bord de l'étang, sans malice ni ruse, heureux et complices, un poète et sa muse partagent leurs rimes en rêvant d'infini, en repoussant l'Enfer pour vivre au Paradis.

Sous la buée des jours, sous les vapeurs de pluie, des émaux de lune effacent l'ennui, au-delà de la glace un regard et un coeur, le visage de L'autre et l'envie de bonheur. Ils connaissent le mot qui les associe, ce mot les rapproche mais les éloigne aussi. Tués par les dieux, ils renaissent toujours au pays de l'émoi : deux âmes et l'Amour.

Allongés sur l'herbe, ils sourient à la vie. Le poète amoureux, sortit de sa poche une perle de nacre, la lune en minuscule, qu'il offrit à sa muse au coeur du crépuscule. Comme une vestale, elle veilla sur la perle jour et nuit sans faillir. Poursuivie par les rats, sangsues et charognards, jaloux de son butin, elle s'enfuit pour pleurer.

Et les mois passèrent, entre exils et retours. La perle confiée rayonnait alentours jusqu'au funeste jour où un vent violent l'emporta tout au fond du lac aux sentiments.

Les abords de l'étang avaient perdu leurs charmes. Le poète et sa muse, à leurs mots qui désarment ajoutèrent l'insolence, les adieux dans les yeux et, l'amour engloutit mettait le feu au lac.

C'est l'espoir dans le coeur, l'avenir dans les mains, que le poète retourne, la nuit, respirer son parfum. Il supplie les dieux de lui montrer la route que sa Muse a suivie pendant ses mois de doute. Il leur fait le serment de conquérir son coeur usé et fatigué, noyé sous trop de pleurs, de détruire Narcisse et cesser de se croire le nombril du monde.

Ses voeux, à peine émis, le ciel s'assombrit. Eole éructa sa force et sa furie, les ramures tremblèrent, les flots se déchirèrent sous un doigt de foudre montrant une plaie dans l'eau.

De cette blessure naît un oiseau blanc. Il fixe le poète et lui dit doucement : « Je suis ton égérie, celle que tu réclames ; les dieux m'ont faite oiseau à l'âme d'une femme. Quand tu sauras m'aimer, femme je reviendrai, dans tes bras je mourrai, dans tes yeux je vivrai. »

Ne me demandez pas la fin de cette histoire mais, aux abords de l'étang, il paraît que le soir....

M.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: alouette2 le 14 Janvier 2016 à 08:55:11
Lu et approuvé.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 02 Février 2016 à 05:19:48
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LA PETITE HISTOIRE...

...DES CRÊPES


Sortons nos binocles de savant pour vous narrer l'histoire de la crêpe de l'Antiquité à nos jours. Eh oui, la crêpe n'est pas née de la dernière pluie ! Même s'il faut bien avouer que son ancêtre romain n'avait pas grand-chose à voir avec la fine crêpe à la farine de froment qu'on déguste volontiers à la Chandeleur ou en d'autres occasions. C'était alors une bonne grosse galette mitonnée à l'aide des céréales du coin qu'on mélangeait à de l'eau.

L'ancien français parle ainsi de «crespe» pour se référer à une pâtisserie dont le genre n'est pas franchement bien défini...  Au XIIIe siècle on trouve par exemple la mention d'une préparation qui mélange des œufs, du beurre ou de la graisse, de la farine et sans doute du sel, parfois du vin... Ragoûtant, non ? Et pourtant, cela peut à l'époque servir de bout de pain quotidien !

Pendant ce temps-là, en Europe, le sarrasin est ramené d'Orient : même si on l'appelle aujourd'hui blé noir, il y a tromperie sur la marchandise puisqu'il ne s'agit pas d'une céréale mais d'une plante ! Arrivée sur notre continent à la fin du Moyen-âge, cette «plante des cent jours» qui fleurit en trois mois apprécie les sols acides et humides. Au risque de déplaire aux Normands et Bretons, c'est donc par chez eux qu'on la cultive le plus !

Mais la Bretagne n'a pas le monopole du sarrasin puisqu'on le produira aussi en Auvergne, dans le Limousin ou même dans les Pyrénées.

Autant de régions ayant chacune leur galette ou crêpe de sarrasin : en Auvergne on trouve ainsi le bourriol, aliment de base du travailleur de la région, tout comme la galette bretonne qui est le plat du pauvre ou du paysan... avant que la galette-saucisse n'envahisse les stades de foot aujourd'hui!

En tous cas, à l'époque, pas de fioritures ni de garniture, galettes et crêpes se mangent telles quelles, jusqu'au XIXe et XXe siècles où l'on y sème toutes sortes de gourmandises.

La légende voudrait par exemple que la crêpe Suzette soit née à la fin du XIXe siècle d'un accident de cuisine dans un palace de Monaco, en présence du Prince de Galles et de son amie Suzette, qui aurait donné son nom au délice sucré !

Glace, chocolat, amande, la complète,... Aujourd'hui la crêpe, salée ou sucrée, blé noir ou froment, se déguste à toutes les sauces ! Et l'on ne va pas se crêper le chignon pour savoir qui de la galette au sarrasin ou de la crêpe au froment était là en premier : origines communes et terroirs variés font évoluer les recettes au fil du temps. Alors pensez juste à tenir une pièce de monnaie dans la main pendant que vous les faites sauter dans la poêle, il paraîtrait que ça porte bonheur...

CP.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 09 Février 2016 à 05:15:29
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Le carnaval de Météo-citrouille

Aujourd'hui, c'est Carnaval. Tous les enfants se sont déguisés et défilent dans les rues en jetant des confettis dans tous les sens. La fanfare accompagne le cortège d'une musique tonitruante. Batman et Blanche-Neige se donnent la main, tandis qu'un peu plus loin, Robin-des-bois poursuit en courant un petit fantôme tout blanc qui se prend les pieds dans son grand drap. Quant au marchand de barbe-à-papa, il regarde le ciel d'un air inquiet car, juste au dessus du défilé, un énorme nuage noir rempli de pluie menace la fête.

C'est Météo-citrouille, la sorcière des nuages. Confortablement accoudée sur le rebord de son étrange vaisseau flottant, elle est venue assister à l'évènement. Du haut de son nuage, elle reste bien cachée mais ne perd pas une miette du spectacle. La sorcière a bien vu que le marchand de barbe-à-papa la regardait d'un air effrayé et elle en est très heureuse. Elle se demande précisément si elle ne va pas s'amuser à pleuvoir quelques grosses gouttes, juste sur lui...

Mais elle n'a pas le loisir d'y réfléchir davantage car, tout à coup, un étrange et puissant grondement résonne dans le ciel, tout près d'elle. A peine Météo-citrouille a-t'elle le temps de se retourner, que le nez d'un énorme avion heurte son nuage et le renverse. La sorcière bascule dans les airs, suivie de son fidèle balai qui tournoie dangereusement au-dessus de sa tête. Elle vole longuement dans le ciel, avant d'atterrir avec un grand "plouf !" dans la cuve de barbe-à-papa au dessus de laquelle elle s'était garée. La voilà toute rose, des pieds à la pointe crochue de son chapeau !
- " Saperlipopette !!! vocifère la sorcière en colère. On n'a jamais vu un pilote d'avion aussi stupide !!! De quoi est-ce que j'ai l'air maintenant ? " Et, relevant à pleines mains sa jupe couverte de fraise, elle enjambe le bord de la cuve sous les regards admiratifs des enfants.
- " Ouah ! Il est chouette ton déguisement !, dit une petite indienne avec des yeux émerveillés, comment as-tu pu faire ça ? "
- " Je suis sûr que c'est sa maman qui a tout fait ! " rétorque un Mickey décoloré, visiblement jaloux.
Météo-citrouille n'en croit pas ses oreilles. Ces petits vauriens croient donc qu'elle fait partie du défilé ! Comme si elle était déguisée ! Furieuse, à grandes enjambées, elle se glisse dans le cortège en laissant derrière elle de grosses empreintes de barbe-à-papa. Les enfants sont ravis.

La sorcière est très embêtée. Dans sa chute, elle a perdu son balai, et sans lui, il lui est impossible de remonter sur son nuage. Il lui faut à tout prix le retrouver. En avant, en arrière, à gauche, à droite, elle tourne dans tous les sens à la recherche de son précieux compagnon quand, soudain, un grand monsieur se dresse devant elle, les deux poings plantés sur les hanches.
-" Ecoute, ma petite demoiselle, ce n'est pas parce que tu portes ce joli déguisement que tu dois faire n'importe quoi ! Si tu veux continuer à défiler, tu dois suivre les autres et marcher dans le même sens... Sinon, je vais être obligé de demander à tes parents de te ramener à la maison... "
Cette fois, Météo-citrouille commence vraiment à bouillir. Elle a bien envie de montrer à tous ces imbéciles qu'elle est une vraie sorcière, et de les transformer pour de bon en gros crapauds bien baveux...

Heureusement pour eux, au beau milieu du défilé, elle aperçoit soudain son cher balai, dans les mains d'une petite fille qui lui ressemble un peu, avec un grand chapeau pointu et une robe noire pleine de toiles d'araignée. Aussitôt, elle bondit dessus et arrache le balai des mains de la fillette qui se met à hurler et à la traiter de voleuse.
"Est-ce que ce ne serait pas cela que tu cherches ma petite ? - "Vite, pense Météo-citrouille, quittons ce détestable endroit !" Cependant, elle a beau faire et murmurer mille formules magiques, le balai refuse net de décoller. Ce n'est pas le sien. La sorcière se sent très bête et tout le monde commence à la regarder d'un drôle d'air. Les ennuis ne vont pas tarder, il serait vraiment temps pour elle de regagner son nuage. D'ailleurs, le grand monsieur qui l'embêtait tout à l'heure vient à nouveau vers elle. Il est très rouge et ses grandes moustaches tremblent à chacun de ses pas.
-"Est-ce que ce ne serait pas cela que tu cherches ma petite ? lui demande-t'il très gentiment en lui tendant un balai tout à fait semblable à celui qu'elle vient de lâcher. Je l'ai trouvé planté dans le parasol du marchand de barbe-à-papa... Décidément, je trouve que tu fais bien des bêtises aujourd'hui..."

Puis le grand monsieur tapote avec bienveillance la joue sucrée de Météo-citrouille qui n'en revient pas. Elle qui croyait faire peur ! Elle n'ose pas imaginer ce que pourraient penser ses copines en la voyant dans une telle situation...

La sorcière dépose un gros baiser collant sur la bonne joue rouge du grand monsieur, puis enfourche dignement son balai et, à la stupeur de tous, s'envole dans le ciel... Une bonne odeur de fraise traverse un instant les airs tandis que la petite bonne femme toute rose disparaît derrière son énorme nuage rempli de pluie.

Depuis ce jour, tous les ans, les enfants attendent le retour de celle qu'ils ont appelée la sorcière Carnaval. Le marchand de barbe-à-papa est devenu très riche et le grand monsieur moustachu parle tout seul dans les rues en regardant les nuages. Quant à Météo-citrouille, elle n'aime plus du tout assister aux défilés du Mardi-Gras et prend désormais bien garde de ne pas croiser la route des avions...

V.C
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: alouette2 le 20 Février 2016 à 14:21:18
                               
                     Mots passants, mots perdus

Perdu dans tes pensées, cherchant partout tes mots
Passant, n'oublie pas que notre vie est brève.
Passant, la route est longue . Il n'est jamais trop tôt
Pour retrouver les mots naguère prononcés
Et aujourd'hui perdus

Passant ton pied soulève du chemin la poussière
Le ciel est embrumé de souvenirs perdus
Les mots que ton amie a prononcés en rêve
Tu croiras, pour de vrai, les avoir entendus. 

                                 ** ** **

                             (exercice de style)
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 01 Mars 2016 à 05:32:30
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La brocanteuse des mots

Depuis toujours, Eloïse avait la passion des mots.

Son premier contact avec des mots dignes d'intérêt eut lieu grâce aux contes du soir. Ce furent d'abord la princesse dans sa robe de satin, le prince et son fier destrier, les châteaux envahis de ronciers. Puis avec la lecture, elle découvrit que les personnages qui attisaient son imagination ne portaient pas le même nom que tout le monde. Le loup avait un « p », signe de sa pyrophobie, la charmante fée ne se défaisait jamais de sa gracieuse féminité grâce à ce « e » surnuméraire, quand à la clé du donjon, elle la préférait largement dotée d'un « f », qui allait vraiment mieux à la barbe terrifiante de Barbe Bleue. Elle aimait déjà beaucoup les petits points insolents de son prénom mais pris la ferme décision de rajouter un beau H en tête. Héloïse, voilà un prénom qui avait de l'allure.

Ainsi commença sa quête des mots extraordinaires. Par exemple, elle aimait que le bruit du vent dans le carillon tintinnabule. Non qu'elle ait à ce point l'oreille musicale, c'était plutôt l'idée qu'il soit possible, à la fois de tinter et de buller qui la faisait rêver. L'étymologie la concernait peu, mis à part l'attrait évident d'un tel mot, garant de tant de mystères révélés... Rien ne l'attirait plus que les mots inconnus dont elle pouvait à loisir inventer le sens... Sa grand-mère couturière l'approvisionnait en termes fabuleux : qu'était-ce que le plumetis ? Elle rêvait déjà d'un envol de plumes mordorées pour sublimer les plus beaux chapeaux. Sans parler du passepoil qu'elle n'osait prononcer, un mot à la fois obscène et désopilant, qui la faisait rougir et rire intérieurement. Une fois le sens du mot découvert, c'était une grande joie, comme pour fantasmagorie, tout à fait à la hauteur de son imagination, ou bien alors une cruelle désillusion... Elle se souvient encore de son amère déception après la découverte de ce qu'était vraiment l'arithmétique... Un mot scandé, merveilleux, douze lettres, presque un alexandrin de signes, pour nommer l'univers des fonctions arides, des intégrales froides, des théorèmes absurdes. Finalement seule la tangente de la géométrie la tentait pour l'évasion instantanée qu'elle suggérait... Elle voyagea pourtant peu : elle préférait rêver à des contrées étrangères plutôt que de les connaître en vrai... L'Equateur allait peut-être se révéler aussi décevant que le plumetis, alors mieux valait imaginer Quito qu'être aussi triste que le jour où elle avait découvert qu'il s'agissait juste d'un motif de broderie.

Quand elle croisait un mot exceptionnel, elle le répétait à l'envie dans la conversation; ses parents s'en amusaient, ses amis l'écoutaient d'une oreille indulgente sans toujours la comprendre ; bientôt elle réalisa que cette passion devait rester privée. Elle commença alors à écrire ses mots préférés sur de jolis petits papiers, puis à les entreposer dans de grands bocaux transparents. Ainsi se constitua une collection de mots, faite de vraies strates géologiques : tout au fond ses découvertes d'enfants, carambolage, ornithorynque, scintiller, puis ses obsessions orthographiques, appât, forêt, hôte, et puis sur le dessus les mots désuets et ravissants qu'elle ne pourrait plus jamais utiliser, babillement, philatélisme, niguedouille. Ceci devint son loisir secret.

Et puis un jour elle décida de devenir brocanteuse (métier qu'elle avait en tête depuis l'enfance, pensant qu'il y avait forcément un lien avec la brodeuse, la carafe à décanter et ce merveilleux accessoire oublié, le broc à eau). Quand elle su qu'il s'agissait de vendre des meubles qui avaient déjà vécu, et si possible de raconter leur histoire, elle se dit qu'elle pourrait sans doute être heureuse. Elle commença donc par des meubles, puis des objets : des coiffeuses volantées de dentelles, de la porcelaine ornée d'arabesques arachnéennes, des tableaux bucoliques et champêtres. Chaque nouveau client était une occasion de se perdre dans la beauté du vocabulaire. En réalité, elle s'aperçut qu'elle ne faisait pas commerce de meubles mais de mots. Et il y avait urgence. Ses amis qui la regardaient d'un air amusé il y a dix ans ne communiquaient plus avec elle que par textos syllabiques, les livres et leurs pages granitées avaient été remplacés par des liseuses aseptisées, ses parents eux-mêmes avaient renoncé aux belles cartes postales, témoignages d'un monde oublié.

Elle libéra donc des étagères et y entreposa ses précieux bocaux. Ainsi vinrent de nouveaux clients : un amoureux transi à qui elle donna le papier « dulcinée », un enfant à la recherche d'un bel animal à qui elle lui proposa le « paon », un hypochondriaque à qui elle conseilla une « balnéothérapie » et qui sortit guéri, rien qu'en prononçant le mot. Autant de clients qui repartirent avec un petit papier dans la main, tel un sésame pour affronter la vie et son effroyable modernité.

Héloïse ne rencontra pas de prince avec qui partager sa passion des mots, peut-être l'attendait-il à Quito. Elle continua cependant depuis sa boutique à saupoudrer ses phrases de mots merveilleux et pendant un siècle on vint de loin pour goûter au pouvoir des mots, enfermés dans de si jolis bocaux.

L. M. G.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 27 Mars 2016 à 04:39:04
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Le secret des oeufs de Pâques

Il était une fois un petit pays tranquille où, lorsque le printemps s'annonçait, les gens, dans chaque village, organisaient un grand marché. Ils enfilaient leur costume de fête et s'installaient sur la place principale pour vendre ce qu'ils avaient produit de meilleur ou de plus beau :
des couronnes de brioche ou de pain doré,
des oeufs,
des outils de bois sculpté,
des ceintures de cuir ...
La nature elle-même participait à l'événement. Les pommiers s'habillaient de blanc, les papillons défroissaient leurs ailes et les fleurs leurs pétales.
Un jour, au centre d'un de ces villages, comme d'habitude à cette époque, des fermières comparaient les oeufs de leur poulailler. C'était à qui aurait les plus gros, les plus ronds ou les plus blancs.
Seule une vieille femme se taisait. Elle ne possédait pour toute fortune qu'une petite poule maigrichonne qui ne lui avait donné que trois petits oeufs pas plus gros que des billes.

La vieille femme soupirait :
Je suis pauvre, ma poulette, que je t'ai mal nourrie et que tes oeufs sont tout juste bons à offrir aux enfants pour jouer aux billes.
Comme il faut cependant que je vende quelque chose afin de gagner quelques sous, c'est toi que je vais être obligée de mettre à l'étalage...

A ces mots, la petite poule se mit à crier :
Pitié, ma bonne dame ! Je ne veux pas finir rôtie. Si vous me gardez, je vous promets de pondre l'année prochaine les oeufs les plus extraordinaires !

La vieille femme n'en crut rien, mais elle se laissa attendrir et rentra chez elle avec sa poulette. Une année passa. Et la vieille femme, de plus en plus pauvre, n'avait que quelques poignées de riz à donner à sa petite poule en guise de nourriture.
Le jour du marché approchait et la petite bête dépérissait. Elle comprit qu'elle ne pouvait pondre des oeufs plus gros que ceux de l'an passé et , désespérée, elle alla se cacher dans un champ pour se lamenter :
Que vais-je devenir si je ne suis pas capable de donner à ma maîtresse que trois petits oeufs tout juste bons à offrir aux enfants pour jouer aux billes ? Cette fois, elle sera forcée de me vendre, et je finirai dans l'assiette d'un gros fermier !
Tout à sa peine, elle ne se rendit pas compte que les fleurs et les papillons l'écoutaient
Nous ne laisseront pas faire cela ! chuchotèrent-ils.
A la nuit tombée, les fleurs se couchèrent sur le sol, formant une sorte de litière multicolore au creux de laquelle se blottit la petite poule. Puis les papillons étendirent leurs ailes sur elle comme une couverture bruissante et bariolée.
Au matin, lorsqu'elle se réveilla, la poulette se sentit fraîche, dispose, et même si ragaillardie qu'elle se mit à chanter et pondit une demi-douzaine d'oeufs.
Et ces oeufs-là n'étaient pas ordinaires ! Ils n'étaient toujours pas bien gros, mais ils possédaient toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Et même, à y regarder de près, on pouvait voir sur leur coquille de très jolis dessins comme on peut en admirer sur les ailes des papillons.
Toute heureuse, la petite poule courut chercher sa maîtresse. Celle-ci examina les oeufs un par un avant de les ranger dans son tablier :
Tu as tenu ta promesse. Ce sont bien les oeufs les plus extraordinaires que l'on puisse voir ! J'ai eu raison de ne pas te vendre !

Le jour du marché, les oeufs de la vieille femme attirèrent les curieux. On se bouscula pour les acheter et la pauvre fermière récolta plus de pièces d'argent qu'elle n'en avait jamais eues dans sa vie.
Depuis ce jour, chaque année, dans ce petit village, puis dans tout le pays, et même dans les contrées voisines, les gens essayèrent de copier les oeufs de la vieille dame en peignant et décorant les leurs. Mais ils ne réussirent jamais à les égaler en couleurs et en délicatesse, car la petite poule, les fleurs des champs et les papillons gardèrent bien leur secret.
C'est ainsi que, chaque année, lorsque s'annonce le printemps, on prit dans ce petit pays et ensuite dans le monde entier l'habitude de décorer les oeufs ....
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 10 Avril 2016 à 14:00:18
La Princesse au petit pois


Il était une fois un prince qui voulait épouser une princesse, mais une vraie princesse. Il fit le tour de la Terre pour en trouver une mais il y avait toujours quelque chose qui clochait ; des princesses, il n'en manquait pas, mais étaient-elles de vraies princesses ? C'était difficile à apprécier ; toujours une chose ou l'autre ne lui semblait pas parfaite. Il rentra chez lui tout triste, il aurait tant voulu rencontrer une véritable princesse.
Un soir, par un temps affreux, éclairs et tonnerre, cascades de pluie que c'en était effrayant, on frappa à la porte de la ville et le vieux roi lui-même alla ouvrir. C'était une princesse qui était là, dehors. Mais grands dieux ! de quoi avait-elle l'air dans cette pluie, par ce temps ! L'eau coulait de ses cheveux et de ses vêtements, entrait par la pointe de ses chaussures et ressortait par le talon... et elle prétendait être une véritable princesse !

« Nous allons bien voir ça », pensait la vieille reine, mais elle ne dit rien. Elle alla dans la chambre à coucher, retira toute la literie et mit un petit pois au fond du lit ; elle prit ensuite vingt matelas qu'elle empila sur le petit pois et, par-dessus, elle mit encore vingt édredons en plumes d'eider. C'est là-dessus que la princesse devait coucher cette nuit-là. Au matin, on lui demanda comment elle avait dormi.
« Affreusement mal, répondit-elle, je n'ai presque pas fermé l'œil de la nuit. Dieu sait ce qu'il y avait dans ce lit. J'étais couchée sur quelque chose de si dur que j'en ai des bleus et des noirs sur tout le corps ! C'est terrible ! »

Alors ils reconnurent que c'était une vraie princesse puisque, à travers les vingt matelas et les vingt édredons en plumes d'eider, elle avait senti le petit pois. Une peau aussi sensible ne pouvait être que celle d'une authentique princesse.
Le prince la prit donc pour femme, sûr maintenant d'avoir trouvé une vraie princesse, et le petit pois fut exposé dans le cabinet des trésors d'art, où l'on peut encore le voir si personne ne l'a emporté. Et ceci est une vraie histoire.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Avril 2016 à 04:48:53
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Sur les pas de la nature

Il existe en Bretagne, au plus profond de la forêt de Carnoët, un tout petit village dont les maisons sont faites de bois, de feuilles et de fleurs. Leur toiture, elle, est en paille, pour accueillir les oiseaux et offrir un berceau aux oisillons. Le village se fond dans la forêt ; lui et la forêt ne font qu'un. Découvrons maintenant qui habite ces charmantes maisonnettes...

Au milieu de la nature, protégé par les arbres, ce petit village est peuplé d'enfants venus du monde entier, des quatre coins du globe comme on dit bizarrement. Des visages blancs, noirs, jaunes, rouges, se mélangent à la faune et se confondent avec la flore. Ici, tout le monde est différent et tout le monde se ressemble, car si les dents ont la même couleur chaque sourire est unique. Parmi ces sourires, il y a autant de petites filles que de petits garçons...

Les petites filles portent de jolies robes d'un jour, faites de mille pétales multicolores. Ces robes ont été confectionnées par leurs amies les araignées, qui sont, comme chacun le sait, de talentueuses couturières. Qu'elles sont belles et rayonnantes ces petites filles dans leurs robes aux couleurs de l'arc en ciel ! Quand elles se tiennent la main, on dirait un champ de fleurs au milieu de la forêt...

Les petits garçons, eux, arborent fièrement des costumes de feuilles mortes, amidonnées à la bave d'escargots. Qu'ils sont beaux ! Qu'ils ont l'air fort ces petits garçons dans leur costume ! Ils ont la majesté des grands arbres. Merci les arbres, les fleurs, les araignées et les gastéropodes de permettre aux enfants de s'amuser dans de si beaux apparats ! Tous les yeux de la forêt peuvent ainsi en profiter.

En effet, chaque après-midi, les fillettes et les garçonnets, main dans la main, forment une ronde, rient, chantent, jouent sous le regard amusé de leurs amis et voisins, les animaux, les insectes, les plantes, bref tous les habitants de la forêt. On commente la tenue des enfants, on rigole en les regardant jouer. C'est la distraction de la journée. Mais à quoi jouent-ils précisément ces fillettes et garçonnets ?

Les enfants, pour amuser la galerie, imitent la façon de marcher des animaux vivant dans la forêt. C'est leur jeu préféré ! Tous, ensemble, à l'unisson, prennent le même pas. Par exemple, pour imiter le cerf, les enfants courent en se penchant sur le côté. Ce qui provoque un éclat de rire général chez les biches et les faons. N'est-ce pas ainsi que court le cerf dans la forêt ?! Trouvez le temps, un jour, de l'observer gambader ; vous verrez, les enfants le connaissent à merveille.
Et ainsi les enfants deviennent cerf...

Pour imiter la vipère, les enfants ondulent en marchant. Leurs têtes restent droites, seuls leurs épaules et leurs torses sont en mouvement. Ce spectacle met en appétit les pics noirs et les rouges gorges perchés sur une branche d'un vieux chêne. Les mulots, eux, frissonnent, quelque peu effrayés par l'imitation d'un serpent.
Et ainsi les enfants deviennent vipère...

Pour imiter les crapauds, les enfants sautent les pieds joints en gonflant les joues. « Cowa cowa » prononcent-ils en étouffant un fou rire. Sous le regard compatissant des grenouilles, les crapauds, vexés, s'empourprent de honte.
Et ainsi les enfants deviennent crapauds...

Certains enfants imitent des animaux qui ne vivent pas dans la forêt de Carnoët mais ailleurs, dans d'autres pays lointains. Il y a le lion, par exemple, que les enfants imitent en marchant sur la pointe des pieds puis en sautant furtivement en avant. Ils grimacent et rugissent en cœur. La démarche est nonchalante, à l'instar de tous les félins.
Et ainsi les enfants deviennent lion...

Pour imiter l'éléphant, les enfants marchent d'un pas lent et lourd. Ils simulent la trompe avec leur bras. Sous le poids de leurs pieds, on entend BOUM BOUM comme un vrai pachyderme déambulant dans sa savane.
Et ainsi les enfants deviennent éléphant...

Les imitations se succèdent ; les enfants deviennent des animaux. Le jeu dure toute l'après-midi, à la grande joie de la forêt et de tous ses habitants. Puis vient le soir et le silence de la nuit. Une journée de joie s'achève ; les rayons du soleil laissent la place à la lumière blanche de la Lune et aux scintillements des myriades d'étoiles. Les enfants s'allongent au sol et regardent le ciel.

Vous l'avez constaté, tout le monde s'amuse dans ce petit village perdu au fin fond de la forêt de Carnoët. La vie, là-bas, est douce et chacun est heureux. Mais dites-moi : aimeriez-vous savoir où se trouve ce village ? Je suis sûr que oui. Eh bien sachez qu'il existe un village semblable dans toutes forêts du monde ! Pour découvrir celui qui vous attend, si cela vous tente, marchez dans la forêt près de chez vous en imitant les animaux qui l'habitent et, peut-être, un jour, vous découvrirez son emplacement. Car voyez-vous, pour connaître les secrets de la nature, il faut savoir marcher sur ses pas...

Cyrano
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 25 Avril 2016 à 04:49:11
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Ainsi font font font

Hier matin, dans mon jardin, j'ai voulu planter des choux.

Mais pour le coup, je ne savais pas comment faire ! Heureusement, une poule sur un mur, qui picorait du pain dur m'a dit : « On les plante à la mode à la mode, à la mode de chez nous ». Vous saviez, vous ? Alors je les ai plantés avec le coude et j'ai remercié la poule : je lui ai donné une pomme de reinette... ou une pomme d'api. D'api rouge ou d'api gris ?... Ah oui, gris. Gris souris. Comme la souris verte... qui était grise au départ mais qui a tellement eu peur d'être attrapée qu'elle en est devenue toute verte !

D'ailleurs, j'ai essayé de l'attraper mais elle courait dans l'herbe... et vite hein ! Elle est passée par ici. Alors je me suis dit : elle va faire comme le furet, elle repassera par là ! Et j'ai attendu. J'ai écouté le Coucou dans la forêt lointaine. Il répondait au Hibou. Mais je n'entendais pas bien. Il y avait du vent. Un vent frais, vent du matin, vent qui souffle au sommet des grands pins.

Il faisait même bouger mon beau sapin, roi des forêts. Ceux qui sont déjà venus chez moi le connaissent bien. Il est immense, très haut, avec un tronc énorme et de grandes grandes branches. On y est bien à l'abri quand il fait mauvais. Il peut abriter le grand cerf et le lapin qui se serraient la main, le p'tit cheval dans le mauvais temps, le petit homme Pirouette cacahuète, et les crocodiles qui s'en allaient à la guerre.

Ils auraient mieux fait de rester chez eux ceux-là. Ben oui, ils voulaient attraper l'Alouette ! Ils chantaient dans leurs crocs : « Alouette, gentille alouette. Alouette je te plumerai ! » ! Ils voulaient lui plumer la tête, le cou, le dos, les ailes... ils voulaient la manger oui ?!!!
Alors vite, j'ai appelé le Roi. Le bon roi Dagobert. Mais il avait mis sa culotte à l'envers, et c'est pas très pratique ça ! Et puis il a trainé en route. Il voulait se promener dans les bois pendant que le loup n'y était pas. Et pendant ce temps, les crocos avaient coupé les lauriers !

J'ai préféré partir, avec l'alouette, et le petit homme qui avait une drôle de maison en carton que la pluie avait abîmé. Et nous nous sommes dit : « Nous n'irons plus au bois les lauriers sont coupés, la belle que voilà ira les ramasser ». Mais la Belle ne voulait pas. C'était la Mère Michel qui a perdu son chat. En fait il n'était pas perdu du tout. C'est la Mère Michel qui avait un peu perdu la boule. Alors le petit homme est resté avec elle.

J'ai donc continué mon chemin avec l'Alouette parce que je voulais passer par la Lorraine avec mes sabots. Des sabots tout neufs, tout propres. Pas comme les sabots tout crottés de la pauvre Hélène. En plus les trois capitaines l'ont appelée vilaine. Elle aurait dû les nettoyer à la claire fontaine, là où je me suis promenée. J'ai trouvé l'eau si claire que je m'y suis baignée. C'était très agréable parce qu'en plus, sur la plus haute branche un rossignol chantait... et l'Alouette est partie avec lui !

Il était temps pour moi de rentrer à la maison. J'ai cherché du regard mon point de repère : le moulin. Le fameux moulin qui va trop vite. On a beau le dire au meunier mais il n'entend rien : il dort !

D'ailleurs, il était temps que je dorme moi aussi, parce qu'il faisait nuit. Je n'y voyais plus rien. Juste le clair de la lune et mon ami Pierrot... qui m'a prêté sa plume et sa chandelle pour écrire en quelques mots... cette histoire !

K.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: alouette2 le 25 Avril 2016 à 07:22:43
Bravo bunni,
Sul' pont des Arts ,prends garde  à ton chapeau!
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: Fougère le 02 Juin 2016 à 04:47:05
Fable du petit homme qui voulait être plus grand


Il était une fois un tout petit homme qui en avait assez d'être le plus petit des hommes de son village. Un matin, il décida d'aller voir le sage de son village et lui expliqua qu'il voulait grandir et devenir plus fort. Le sage lui montra la plus haute des montagnes et lui dit :
— Tu vois cette très haute montagne là-bas ? Jamais aucun homme n'est parvenu à atteindre son sommet. Si tu parviens à la gravir, tu seras le plus grand et le plus fort des hommes.
Alors, le petit homme se rendit au pied de la montagne et, une fois arrivé, perdit aussitôt tout espoir : elle était si haute et il était si petit, et si faible ! Il repensa néanmoins aux paroles du sage et décida d'essayer tout de même.
Il y avait deux sentiers : l'un était droit et beaucoup plus rapide, l'autre montait en zigzaguant autour de la montagne et semblait beaucoup plus long que le premier. Le petit homme était pressé de devenir le plus grand des hommes, aussi par logique choisit-il le premier chemin, le plus court et le plus rapide. Pourquoi se compliquer la vie ?

Il commença alors à grimper la montagne escarpée, mais au bout d'une heure, il n'eut plus la force de continuer et s'assit sous le soleil. Là, il se lamenta en disant que jamais il ne serait le plus fort et le plus grand des hommes.
Soudain, il entendit une petite voix qui semblât sortir de nulle part :
— Moi, j'ai la réponse que tu cherches.
Surpris, le petit homme chercha autour de lui et aperçut une toute petite coccinelle posée sur un caillou.
— De quoi parles-tu ? lui demanda le petit homme, pris de curiosité.
— J'ai la réponse à ta question... lui répéta évasivement la petite coccinelle.
Et la maligne petite bestiole s'envola quelques mètres plus loin. Le petit homme s'élança aussitôt à sa poursuite, s'éloignant peu à peu de son chemin car il voulait absolument comprendre ce qu'avait voulu dire la coccinelle.
Il la suivit ainsi quelques minutes, jusqu'à ce qu'il se rende compte qu'il trottait sur un nouveau chemin, beaucoup moins escarpé que le premier. Curieux, il voulut de nouveau interroger la petite bête, mais celle-ci avait déjà disparu. Il poursuivit le chemin en inspectant chaque caillou à la recherche de la coccinelle. Il marcha ainsi pendant des heures et des heures, jusqu'à arriver dans un terrible brouillard.
Il s'assit là et se mit à pleurer.
— Je suis perdu ! J'ai perdu la trace de la petite coccinelle et en plus de ça, je n'arriverai jamais à gravir cette montagne : elle est bien trop grande et je suis bien trop petit !
Il ne voyait même plus le sommet avec ce brouillard qui était si épais ! Épuisé, il s'endormit.

Quelques heures plus tard, le petit homme se réveilla et découvrit avec stupeur que le sommet ne se trouvait en réalité qu'à quelques mètres au-dessus de lui !
N'en revenant pas, il grimpa jusqu'au sommet de la montagne et comprit qu'il se trouvait au-dessus des nuages.
— Ce n'était pas si compliqué ! déclara une petitex qui lui était devenue familière.
La petite coccinelle était là, posée sur son épaule.
— Tu as voulu prendre la solution qui te paraissait la plus simple alors tu as choisis le chemin le plus court. En agissant ainsi, tu n'as pas réfléchi : le chemin le plus long était moins escarpé et tu ne t'es même pas rendu compte que tu grimpais. Puis tu as baissé les bras alors que tu étais tout près du but, parce que tu étais persuadé de ne pas y parvenir. En étant trop pressé, on ne prend pas le temps de réfléchir et on fait souvent les mauvais choix. Il ne faut jamais se décourager : rien n'est impossible et il n'y a qu'avec de la volonté qu'on parvient aux sommets. Regarde, tu as relevé le défi et tu l'as remporté : tu es plus fort que ce que tu croyais.
Parfois il faut juste de la persévérance et une bonne dose de courage. Même si le chemin est long et difficile et que cela te paraît insurmontable, il mène toujours au but si tu décides de ne jamais abandonner.
Maintenant te voilà le petit homme le plus haut de tous les hommes
!
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 12 Juin 2016 à 04:22:05

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Des mots plein les poches

Motus a cessé de parler le jour où son père est parti. Plus un son n'est sorti de sa bouche. Il est resté longtemps à regarder sur le chemin pour voir si son père revenait. Mais seuls les cailloux étaient visibles et parfois un papillon voletant dans les airs à l'affût de fleurs, sa gourmandise. Les jours passèrent, les semaines, les mois, les saisons. Sur le chemin se déversa la pluie, des feuilles mortes, la neige. Motus continua à se murer dans son silence et personne n'arriva à lui faire prononcer ne serait-ce qu'un seul mot. Alors, au village, on se contenta de ses sourires timides, de ses pleurs, de ses gestes qui devinrent familiers.
Motus était un solitaire et il errait dans les rues. Un jour vint une conteuse dans le village. Sur les affiches de spectacle trônait en lettre rouge et or son nom de scène... « l'Aventurière ». Le jeune Motus sourit. Cette aventurière semblait posséder tous les mots et les histoires du monde, avoir rencontré beaucoup de gens. Il se dit que peut-être, elle saurait où était son père.
Le premier spectacle était un après-midi pluvieux. Motus se moqua de la pluie, des gouttes qui ruisselaient sur son visage et ses habits, le trempant jusqu'aux os. Il se risqua au dehors pour y assister. Sa mère heureuse de le voir enfin désirer quelque chose s'empressa malgré le mauvais temps de lui donner la pièce pour payer son entrée de spectacle. Elle le vit partir pour la première fois depuis bien longtemps un large sourire aux lèvres presque en courant de ses petites jambes menues.
Motus était tout en joie. L'aventurière était comme un puits inépuisable d'histoires. Elle avait parcouru bien des contrées et fait mille et une rencontres magnifiques, parfois magiques. De sa bouche sortaient un tas de mots exquis que Motus buvait de son esprit vif et qu'il garda au fond de lui comme des trésors inestimables. Il apprit que dans certains pays les gens parlaient une autre langue bien différente de la sienne, que des maisons touchaient le ciel et qu'on les appelaient des gratte-ciel, qu'ils existaient des animaux féroces et sauvages bien pires que les renards qui chopaient les poules de sa mère à la tombée de la nuit, que d'autres étaient immenses et lourds et que leur simple arrivée faisait trembler le sol comme pour un tremblement de terre : les éléphants ! Motus resta tout le long du spectacle attentif et émerveillé devant la scène à écouter L'Aventurière. Parfois elle encourageait le public à participer avec elle mais quand ses yeux se posaient sur Motus elle fut surprise de son silence.
À un moment donné, l'Aventurière se mit à chuchoter en regardant Motus. D'abord surpris, il se mit à tendre l'oreille pour l'entendre. Elle avait les mains dans ses poches et soudain les en retira. De vrais mots avec de vraies lettres en sortirent comme une rivière enchantée, formant l'histoire d'un homme qui avait promis la lune à son fils pour lui prouver tout son amour. Les mots défilaient joyeusement comme la partition d'une douce mélodie et sortirent alors, la lune, les étoiles, une échelle, le ciel, la nuit...
L'homme avait grimpé à l'échelle pour décrocher un morceau de lune tout au bout du chemin de pierres, une nuit où les étoiles semblaient plus discrètes qu'à l'accoutumée mais durant laquelle le clair de lune offrait une belle clarté aux alentours. La lune, au fur et à mesure des échelons, avait paru de plus en plus grande et grosse mais l'homme arriva au bout de l'échelle et, tendant les bras, cru pouvoir la toucher mais il n'en fut rien. Elle était lointaine, si lointaine et lui avait eu l'illusion qu'il serait capable d'en prendre rien qu'un morceau pour l'amour de son fils. La tristesse l'envahit. Il redescendit les échelons un à un puis arrivé tout en bas, il n'eut pas le courage de se confronter au regard déçu de son fils. Il prit la décision de partir de par le monde pour trouver la solution à son problème et de ne revenir que le jour où il aurait enfin décroché un beau morceau de lune.
Motus, rêveur, prit cette histoire pour sienne et conclut que cet homme était son père. Il se mit à sourire puis à rire aux éclats. Il était soulagé. Son père était parti parce qu'il l'aimait très fort. La nuit était tombée durant le spectacle et les étoiles scintillaient telles des diamants dans le ciel. La lune était présente également, perchée dans l'immensité, offrant une clarté douce dans les rues du village. Motus la regarda avec intensité et soudain...
— Papa ! Je t'aime aussi ! se mit-il à crier, le cou tendu.
Les enfants du village sursautèrent, mais l'Aventurière eut un sourire malicieux. Les mots retrouvèrent le chemin de ses poches qui se gonflèrent comme des ballons de baudruche. Elle fit sa révérence au public, regarda Motus et cligna d'un œil, satisfaite. Elle s'approcha de Motus, lui demanda d'ouvrir sa main et déposa un drôle de cailloux dans sa paume ouverte.
— De la part de ton père...

L.E.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 13 Juin 2016 à 04:44:50

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Amelia Brise

« En ce bas monde, on en a jamais fini », dit Madame Amelia Brise.
Son chemin avait croisé celui d'Auguste Glandier par un matin brumeux de novembre.
Auguste Glandier habitait le bois depuis une centaine d'années. Son feuillage s'était épaissi au fil du temps, son tronc avait grandi, son écorce avait durci.
Auguste occupait désormais le poste de gardien de la faune et de la flore. Les humains l'avaient classé Patrimoine Mondial de l'Humanité. Personne ne pourrait abattre l'auguste chêne.
Il soutenait donc à Amélia Brise, hache de bûcheron de son état depuis maintenant vingt ans, que l'homme respectait la nature.
Amélia, qui avait vu suffisamment de bois tendre passer sous sa lame acérée, savait qu'il n'en était rien.
- Croyez-vous que mon bûcheron m'aurait posé sur votre tronc par hasard, cher Auguste ?
- Pas par hasard, chère Amélia. Son geste est un signe de paix, une offrande. Il vous offre à moi, il vous lègue à la forêt toute entière !
- Grand utopiste que voilà ! s'exclama, Amélia. J'ai coupé, élagué, écimé assez d'arbres dans ma triste vie d'outil, pour savoir qu'on ne m'a jamais oubliée quelque part. Encore moins offerte à la nature ! Je coûte cher, sage chêne centenaire, ajouta-t-elle d'un ton tranchant. Je ne suis peut-être pas immortelle comme vous, s'indigna-t-elle de surcroît, mais tant qu'il y aura des arbres, il y aura des haches. Des haches et des coupeurs de tronc.
- Vous vous émoussez, très chère, avait répondu Auguste, de toute sa hauteur, en agitant les branches d'un air dédaigneux. L'Homme a accepté la trêve et votre inaction vous tourmente.
- Que nenni, avait répliqué Amélia avec tout le respect qu'elle savait devoir à Auguste, consciente que leurs contacts physiques se limiteraient à cet interlude poli. Vos utopies sont fort mignonnes mais avez-vous assisté à un quelconque recul de la déforestation, depuis que vos racines grandissent dans cette forêt ? Que sont devenus vos frères, plantés en même temps que vous. Des tables basses ? Des commodes ? Des vaisseliers ?
Amelia Brise fit craquer son immense manche. Cette position, lame en bas, était par trop inconfortable. Quand son bûcheron allait-il revenir ?
Auguste s'était tu. Sa dernière remarque coupante lui avait fait de la peine. Amélia sentait un léger écoulement de sève atteindre l'extrémité de son manche. Elle pouvait sentir l'odeur du bois meurtri.
Elle en connaissait un bout.
Elle, qui avait voulu passer sa vie au rayon outillage d'une quincaillerie, entourée de ses copines, toujours impeccable, jamais achetée pour accomplir sa besogne criminelle... Elle, qui avait rêvé de devenir la première hache pacifiste...
Elle était devenu la fidèle compagne d'un bûcheron cogneur et avait accompli à maintes et maintes reprises, ce pourquoi elle avait été assemblée...
A son âge, après avoir changé de lames trois fois, avoir été dépolie puis repolie, émoussée puis aiguisée, elle savait qu'elle n'aurait jamais fini. Elle avait perdu ses illusions et accepté sa dure destinée.
Etre seule contre un chêne centenaire protégé, à l'optimisme forcené ne la ferait guère changer d'avis.
Auguste Glandier s'agitait de nouveau.
Soudain Amélia chuta et s'étala dans l'herbe. L'herbe, qui lui chatouillait la lame, lui donnait envie de fendre et pourfendre, de sectionner et sanctionner, de battre et abattre...
- Ainsi allongée dans l'herbe, Dame Amélia, votre bûcheron aura du mal à vous retrouver, dit Auguste en secouant son feuillage de plus belle.
- Aïe ! Auguste, vos glands sont en train de me tomber sur le manche. Cessez donc ce petit jeu douloureux, je vous prie, débita-t-elle.
- Pas question que vous coupiez ma forêt, mes frères, mes cousins... Tous croient en moi.
- Est-ce une raison pour me faire mal ?
- Ne soyez pas si affûtée, Madame. Installez-vous sur la mousse qui pousse à mes pieds, laissez-vous chaudement envahir de mes fruits. Voyez comme la vie est douce auprès des miens. Laissez donc votre lame rouiller et votre bois pourrir. Communiez avec la nature.
Le voilà devenu fou, pensa Amélia, à moitié enfouie sous les glands d'Auguste. La sève lui ai montée à la cime.
Elle commençait tout de même à envisager la fin de sa vie de choc, à croire qu'Auguste avait raison à propos de la trêve...
Non ! Elle n'était pas une vulgaire paire de ciseaux à bouts ronds ! Elle était Amélia Brise, la briseuse de troncs, celle à qui l'on faisait appel pour faire son stock de bois pour l'hiver, une fidèle cognée, une hache de compétition.
- Auguste, vos stratagèmes sont inefficaces, je le crains.
- Qui poussera verra, répondait majestueusement Glandier.
- C'est tout vu, triompha Amélia, sentant soudain la main ferme et rugueuse de son bûcheron se poser sur son manche. Il l'avait retrouvée et l'emmenait sur son épaule en sifflotant.
- Adieu Auguste Glandier, chêne centenaire protégé. Je retourne à mes découpes et vous souhaite longue vie. Mais vous le voyez bien, foi de hache et foi d'Amelia Brise, qu'on en a jamais fini ?

H.B.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 23 Juin 2016 à 04:53:27

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Cosmogonie (tiré des contes et légendes de la Nation Dragon)

Il était une fois un point.

C'était un point sans prétention, et sans autre but ni raison que d'être.

Toutefois, à l'intérieur de ce point, il était deux forces.

L'une, qui s'appelait Entropie, se satisfaisait de ne rien faire, et employait son énergie à faire que tout ce qui existait, c'est-à-dire le point, continue à n'être qu'un point.

L'autre, dont le nom était Expansion, ne voyait pas les choses du même œil. Elle savait au fond d'elle-même que d'autres possibilités existaient, et que le point n'était pas une fin en soi, mais un départ.

Aussi, alla-t-elle voir sa sœur Entropie et l'entretint de son envie.

Mais Entropie était têtue, et ne voulut rien savoir.

Elle argua du fait que tout ce qui n'était pas le point n'était pas, et qu'il était par conséquent insensé d'aller voir ailleurs ce qu'il y avait, puisqu'il n'y avait rien.

Frustrée, Expansion tenta de la contrer en lui tenant un raisonnement savamment mûri depuis fort longtemps.

Puisque le point était tout, il n'appartenait qu'aux deux sœurs, Entropie et Expansion de s'unir dans un unique effort pour que le point devienne Energie. Ainsi, elles seraient non plus deux mais trois sœurs, et ensemble elles seraient ainsi capables de créer des choses magnifiques dans le néant qui attendait patiemment qu'on vienne s'occuper de lui.

Elles pourraient abolir les frontières du point, et donner à Infini, leur géniteur, toute la place dont il avait besoin pour exister, et par là-même retrouver leur mère Eternité.

Toujours aussi bornée, Entropie resta catégorique, et fit la sourde oreille, continuant à contempler béatement la désolante monotonie de l'immobilisme.

Devant l'obstination de sa sœur, Expansion se retira, et médita encore sur la meilleure manière de convaincre Entropie.

Mais, Expansion était d'une nature vive, et les énergies qui coulaient en elle, ne trouvant aucun exutoire, commençaient à mettre sa patience à rude épreuve.

Vibrante d'émotions difficilement contenues elle revint une nouvelle fois à la charge.

Cette fois la conversation dégénéra en dispute, et les deux sœurs en vinrent à se confronter. Expansion, dont la puissance n'avait pas de raison d'être, laissa libre court à sa colère, et pour la première fois de son existence laissa les énergies qui étaient en elle se répandre hors de son corps.

Entropie, dont la majeur partie de la puissance était occupée à contrôler l'intégrité du point et à réguler ses courants de force afin de les réduire le plus possible, encaissa la rage et la frustration de sa sœur de plein fouet.

Surprise, elle recula et perdit le contrôle.

Toutes les énergies du point, se retrouvant sans joug, s'unirent à celles d'Expansion, et soudain le point ne fut plus assez grand pour les contenir toutes.

Il explosa.

Le néant découvrit la lumière, et cela lui plut.

Tant et si bien qu'il décida de la laisser le parcourir sur son intégralité et se répandre partout. C'était une lumière blanche, pure, et qui apportait chaleur et réconfort.

Ce fut ainsi que le néant s'aperçut qu'en réalité il se sentait bien seul.

Cela ne lui convenait pas. Il se saisit donc de tous les débris du point et les sema partout, dans chaque recoin de vide qui composait son corps sans matière.

Et pour être certain que la lumière ne le quitterait jamais plus, il souffla sur chaque braise de l'explosion originelle pour les entretenir et les maintenir allumées.

Ces brasiers devinrent des soleils, et chacun d'eux s'employa à réchauffer toutes les particules qui n'eurent pas la chance de s'allumer.

Quant aux deux sœurs, Expansion et Entropie, elles ne sont plus revues depuis. La première parcourt le néant, qui se fait désormais appeler l'univers, répandant sa joie et son exubérance partout où elle passe.

Entropie, elle, passe son temps à essayer de retrouver les conditions du début, quand le point n'était qu'un point, et que rien de nouveau ne pouvait exister.

Eternité et Infini se sont retrouvés, et ils partagent ensemble le même chagrin pour Entropie, car ils savent que le bonheur lui est à jamais interdit.

Mais, pour rétablir l'équilibre, ils ont engendrés le Tisseur, et l'ont doté d'un magnifique Métier.

Il entremêle les fils des existences et des évènements, pour qu'un jour, quand la Tapisserie sera finie, la Famille qui vivait dans le point puisse à nouveau être réunie.

D.V.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 02 Juillet 2016 à 12:14:17
La déesse chang


Sur la demande de l'Empereur Céleste, Yi abattit les neuf soleils, châtia le démon des eaux Hebo et tua nombre de monstres et d'animaux féroces. Le peuple l'aimait et le vénérait. Yi voyageait beaucoup, se liait d'amitié avec la population et menait une vie paisible.

Un jour, alors qu'il chassait dans les bois, Yi traversa un ruisseau et aperçut sur l'autre rive une jeune fille puiser de l'eau avec un tube de bambou.

Un jour, alors qu'il chassait dans les bois, Yi traversa un ruisseau et aperçut sur l'autre rive une jeune fille puiser de l'eau avec un tube de bambou. Sa longue course l'avait assoiffé. Il s'approcha de la jeune fille et lui demanda à boire. Devinant qu'il était le héros Yi, elle l'accueillit aimablement, lui offrit à boire et lui cueillit une belle fleur en témoignage de son respect. Yi choisit alors dans ses trophées une magnifique peau de renard et lui en fit cadeau.

En bavardant avec elle, il apprit qu'elle s'appelait Chang E. Ses parents avaient été tués par des animaux sauvages. Depuis, elle vivait seule.

Yi se prit de pitié pour elle et Chang E le respectait beaucoup. les deux jeunes gens tombèrent amoureux l'un de l'autre. Peu de temps après, Yi et Chang E se marièrent et devinrent inséparables.

Très attachés l'un à l'autre, ils menaient une vie heureuse, et Yi oublia complètement de retourner au ciel.

Trois années plus tard, l'Empereur Céleste ordonna à Yi de retourner au ciel.

Lorsque l'Empereur Céleste apprit que Yi s'était marié sur Terre et ne voulait pas revenir au ciel, il se mit dans une grande colère. Dès lors, il fut interdit à Yi de remonter au ciel, mais il se consola en trouvant qu'il était plus heureux sur terre. Ainsi continua-t-il à vivre sur la Terre.

Mais Yi savait que la vie des êtres humains a ses limites. Un jour, il dit à sa femme :

- Quand j'étais au ciel, j'ai entendu dire que dans les monts Kunlun, à l'Ouest, habite la Reine-mère d'Occident. Elle possède une pilule d'immortalité. Je vais aller la chercher.

Ils étaient très tristes de cette première séparation mais, pour vivre éternellement tous les deux, ils étaient prêts à affronter le danger et la mort. Yi prit son arc et ses flèches, enfourcha un bon cheval et se dirigea vers l'Ouest.

Après avoir surmonté d'innombrables difficultés, Yi arriva enfin au pied des monts Kunlun. Yi arriva enfin au pied des monts Kunlun.

La Reine savait que Yi était un héros céleste qui avait délivré le peuple de nombreux fléaux. Aussi l'accueillit-elle avec beaucoup de respect.

Ayant appris le but de sa visite, la Reine ordonna à l'Oiseau à trois pattes, gardien des pêches d'immortalité, d'apporter une calebasse contenant une pilule d'immortalité fabriquée à partir d'un des fruits de l'arbre d'immortalité. Cet arbre ne donnait des fruits qu'une fois tous les trois mille ans ; c'est pourquoi ces pilules étaient très rares et extrêmement précieuses.

- Emporte cette pilule, dit la Reine, c'est la seule qui me reste. Néanmoins, c'est largement suffisant pour ton épouse et toi : Prenez-en chacun la moitié, et vous deviendrez immortels. Mais attention, si l'un de vous deux l'avale entière, il s'envolera au ciel et ne pourra jamais plus redescendre sur Terre.

- Je ne suis venu chercher la pilule d'immortalité que pour vivre éternellement avec Chang E, répondit l'Archer céleste. Puis il prit la calebasse, remercia la Reine et partit.

Lorsque Yi retrouva Chang E, il lui raconta tout ce qui s'était passé et lui confia la pilule d'immortalité.

Je suis passé par mille épreuves pour aller la chercher. Si nous la partageons, nous deviendrons immortels tous les deux. Mais si l'un de nous l'avale entière, il ira au ciel sans espoir de retour. Garde-la précieusement, nous la partagerons un jour faste prochain et nous vivrons ensemble éternellement heureux.

Chang E mit la calebasse dans sa poche avec précaution

Yi habitait sur la Terre depuis longtemps déjà et un grand nombre de jeunes gens venaient le voir pour apprendre le tir à l'arc. Yi leur enseignait consciencieusement son art. Lorsque le maître est compétent, ses disciples sont brillants, dit le proverbe. De fait, la plupart de ses élèves devinrent de célèbres archers.

L'un d'entre eux s'appelait Feng Meng. C'était un bon archer, mais un homme ambitieux et jaloux. Il caressait l'espoir que son maître mourût avant lui, afin de devenir le meilleur archer du monde.

Un jour que Yi était allé chasser, Feng Meng en profita pour pénétrer chez lui et menaça Chang E de son arc.

- Donne-moi vite la pilule d'immortalité, lui ordonna-t-il, sinon je te tuerai.

Surprise, Chang E lui demanda :

- Feng Meng, tu es le disciple de Yi ; pourquoi... ?

Je ne considère plus Yi comme mon maître. Devrais-je toujours rester un archer de second ordre toute ma vie ? Non, car il mourra avant moi ! rétorqua Feng Meng en riant sarcastiquement.

Chang E était rouge d'émotion et de colère.

- Allons, dépêche-toi de me donner cette pilule ! Cria Feng Meng en brandissant son arc d'un air menaçant.

Chang E pensa à toutes les épreuves que son mari avait dû traverser pour aller chercher la pilule d'immortalité. Elle ne devait pas laisser Feng Meng s'en emparer. Alors Chang E sortit de sa poche la pilule et, au moment où Feng Meng tendait la main, la porta rapidement à la bouche. Elle l'avala et s'élança vers la porte.

Chang E avait déjà franchi le seuil lorsqu'elle se sentit toute légère et s'envola vers le ciel. En pensant à son mari resté sur terre, elle décida de se réfugier sur l'astre le plus proche, la Lune. Dès lors, le Palais lunaire, dans lequel vivait désormais Chang E, brilla d'un éclat nouveau.

Lorsqu'à son retour de la chasse, Yi apprit ce qui s'était passé, une immense tristesse l'envahit. Il regarda la Lune et pensa à sa femme Chang E ; des larmes inondaient ses joues.

Devant l'ingratitude que Feng Meng lui avait témoigné, Yi fut rempli de colère. Il prit son arc et ses flèches et sortit à la recherche de son disciple.

Feng Meng s'était caché dans un bois derrière la maison de Yi. Lorsque celui-ci passa à la hâte devant lui sans le voir, il lui assena un violent coup de bâton sur la tête. Yi s'affaissa, mortellement blessé.

Lorsque les disciples de Yi découvrirent le crime de Feng Meng, ils arrêtèrent ce dernier immédiatement, l'attachèrent à un grand arbre et le transpercèrent chacun d'une flèche. Son ambition démesurée l'avait mené à sa perte.




Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bunni le 18 Juillet 2016 à 04:37:55
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Le cèdre, les étourneaux et le vent

Il était une fois un très vieux cèdre qui avait pris racine dans une contrée si lointaine que nul n'en avait jamais entendu parler.
Il vivait heureux et en paix, entouré de ses amis : le vent, la pluie, la neige, le soleil, la lune ; de jour comme de nuit, au rythme des saisons, dans le doux silence de la nature. Notre cèdre savourait ainsi tranquillement les siècles qui s'écoulaient sans heurts.

Or, voilà qu'un matin de printemps, le cèdre entendit un drôle de remue-ménage dans le ciel. Une famille nombreuse de joyeux étourneaux vint s'installer sur ses plus hautes branches.
Le vieux cèdre, très étonné de cette visite inattendue, se réjouit d'accueillir de nouveaux amis. Ils offriraient un peu de distraction dans sa vie si paisible, si calme. Ce n'était pas pour lui déplaire. Le cèdre s'ennuyait-il un peu sans l'avouer ? L'histoire ne le dit pas mais on peut le penser.
Le vent qui traînait dans la région ce jour-là, susurra quelques mots de bienvenue aux oiseaux et l'arbre frémit aussitôt de toutes ses feuilles pour l'approuver. Les étourneaux, ravis de l'accueil, tout excités par le long voyage qu'ils venaient d'accomplir et la découverte de cette contrée dont nul, nous le rappelons, n'avait jamais entendu parler, commencèrent à raconter leur vie. D'où ils venaient, la distance qu'ils avaient parcourue, leur souhait de s'arrêter pour un repos bien mérité, les branches si attrayantes de ce cèdre planté tout seul au milieu de nulle part etc etc etc...
Le cèdre écoutait, écoutait, écoutait encore. Il aurait aimé à son tour raconter sa propre histoire mais les étourneaux pisotaient à qui mieux mieux, ne lui laissant pas le temps de placer un seul mot. Un peu étourdi par tant de bla-bla, le cèdre s'endormit malgré lui, pendant que les oiseaux continuaient de raconter, raconter, raconter...Le sommeil du vieil arbre fut agité de rêves turbulents où ses petits amis parlaient tous en même temps sans jamais s'arrêter. Le lendemain, et le jour d'après, et tous les autres jours qui suivirent, les étourneaux s'activaient, chantaient, s'apostrophaient, riaient, se posaient des questions, se donnaient des réponses, sifflaient à pleins poumons. Et cui-cui-cui et pia-pia-pia et ti-ti-tit et bla-bla-bla...
Le pauvre vieux cèdre, qui après réflexion, n'aimait rien tant que sa tranquillité, avait mal à la cime et regrettait un peu le temps où nul ne connaissait cette contrée.

Un soir d'été, le soleil se coucha plus tôt que d'habitude dans l'espoir vain de museler la famille à plumes. Le vent vint s'enrouler autour du tronc de son vieil ami.
— Que se passe-t-il, fils de la terre ? Tu as l'air épuisé, chuchota Eole (ainsi se nommait le vent).
— Nos petits amis sont charmants, je n'en disconviens pas, mais beaucoup trop bruyants. Depuis qu'ils ont élu domicile dans mes bras, le repos ne m'est plus accordé, soupira Yggdrasil (ainsi se nommait le cèdre).
Et pendant que le vent jouait entre les feuilles de l'arbre pour le réconforter un peu, celui-ci ne pensait plus qu'à une seule chose, un seul mot, un seul état, qui lui manquait tant pour être parfaitement heureux comme avant.
Il y pensait si fort que l'une de ses plus basses branches toucha le sol sans qu'il ne s'en rende compte. Sous la pression du vent, l'extrémité de cette branche se mit à tracer des signes sur la terre blonde et grasse. Le vent, intrigué par ces gracieux petits dessins alignés les uns à côté des autres, voulut les voir de plus près. Il se ramassa sur lui-même et descendit donc à la base du tronc. Il effleura les traces que l'arbre avait dessinées sans le vouloir.

Il passa une première fois sur les signes et devina que cela avait quelque chose à voir avec les pensées de son ami. Il passa une deuxième fois et comprit que ces signes formaient un mot, celui auquel l'arbre pensait si fort. Il passa une troisième fois et murmura des sons étranges.
Le cèdre, tout à coup attentif aux mouvements du vent, lui demanda ce qu'il pouvait bien baragouiner. Les étourneaux, toujours curieux de tout, aile contre aile, bec entrouvert, se taisaient enfin (ce qui paraît assez incroyable pour le mentionner).
Sans répondre immédiatement, le vent, à chacun de ses passages, s'imprégnait de ces traces et en percevait peu à peu la signification. Au septième passage, le vent, un peu magicien à ses heures, déchiffra les signes et de son souffle chuintant prononça :
— S - I - L - E - N - C - E... Silence, silence, silence...
La miraculeuse invention se répandit dans l'azur, cloua le bec des petits oiseaux et délivra le cèdre de sa punition.

— Mais comment as-tu fait pour savoir ce que je pensais ? s'extasia le vieux cèdre.
— Parce que tu l'as écrit, mon ami ! répondit le vent.
— Pardon ?... Qu'ai-je fait ?
— Tu viens de créer quelque chose qui n'existait pas, dont le monde entier se servira quand la parole fera défaut, quand on voudra se faire entendre sans crier, quand la voix ne suffira plus, quand le désir de garder une trace de ce que l'on pense sera nécessaire, commenta le vent.
Et il partit aussitôt propager la révélation à travers d'autres contrées inexplorées.

C'est ainsi que naquit l'écriture.


K.B.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 28 Juillet 2016 à 12:06:27
Le chat et le petit lézard


Il était une fois un chat qui avait faim. Il avait vraiment, vraiment, très très faim. Un jour qu'il sortait pour avoir de quoi se mettre sous la dent, il découvre somnolant sur un rocher un petit lézard couleur de sable. Sans réfléchir, il saute sur lui. Le petit lézard lui dit :
- Chat, toi tu es sot. Tu veux manger un lézard sans chair ni os, alors que si tu m'écoutes, je te dirai comment tu peux faire pour avoir un gros poisson.
- Je n'ai pas le temps d'attendre, répond le chat et j'ai trop faim. Je vais te manger.
- Attends, insiste le petit lézard, attends et écoute-moi.

Alors le chat finit par l'écouter. Le petit lézard lui dit :

- Vois l'arbre qui est sur la rivière là devant. Mets-toi sur l'une de ses branches et attends. Une mouche volera à côté de toi, tombera dans l'eau et aussitôt une grenouille sortira de l'eau pour la manger.

- Mais tu te fous de moi ou quoi, tu m'avais parlé d'un gros poisson et maintenant...

- Attends, coupe le petit lézard, ton gros poisson arrive. Après la grenouille un petit poisson sortira à son tour pour dévorer cette grenouille et c'est à ce moment précis que ton gros poisson sortira pour manger le petit poisson. Comme tu es juste au-dessus sur la branche de l'arbre tu n'auras qu'à tremper les pattes pour l'attraper !

Alors là le chat accepte la proposition du petit lézard mais avant de partir il prend soin de boucher tous les trous qui étaient à côté du lézard, puis se tournant vers lui il lui dit : « Je vais faire ce que tu as dit, mais si tu mens c'est toi que je dévorerai ». Puis il grimpe sur la branche de l'arbre.

Aussitôt les choses se déroulent comme l'avait prévu le petit lézard. Lorsqu'arrive le tour du gros poisson, le chat trempe ses pattes pour l'attraper mais le poisson est beaucoup plus fort que lui et l'entraîne dans l'eau !!! Tout le monde sait que le chat aime le poisson mais déteste la nage. Il se met à crier au secours en se noyant.

Le petit lézard était là observant toute la scène. Au moment où le chat se noie, il lui lance : « Ô chat, toi aussi, tu finiras dans le ventre du gros poisson ».

Mon conte est fini celui qui respire le premier ira au Paradis.
Titre: Re : Contes d'ici et d'ailleurs
Posté par: bbchaton le 04 Octobre 2016 à 12:02:42
Le bateau rouge 

Dans une grande ville portuaire où accostaient des navires venus du monde entier, une petite fille vivait dans un grenier. En dehors de l'école, elle ne sortait jamais, ne connaissait ni le vent de la mer, ni les effluves d'écume ni le sel des vagues ni la douceur du sable. Personne ne s'occupait d'elle. Ses compagnons, c'étaient des ombres et des grains de poussière neigeant dans la lumière. Parfois les voix atténuées des passants dans la rue. C'était comme ça, c'était sa vie.
Elle était sage et ne pleurait jamais. Elle s'inventait des mondes de liberté, de fleurs, d'herbe et d'espaces sans limite où des amis joueraient avec elle. À l'école, tout le monde l'ignorait. Comme elle ne sortait pas au soleil, sa peau était devenue transparente. Elle avait des jambes de laine et ressemblait de plus en plus, avec sa figure pâle, à une poupée de chiffon. Elle devenait jouet mécanique, qui n'ouvrait la bouche que pour réciter les leçons apprises en classe. Comme elle ramenait de bonnes notes, ses parents, qui travaillaient toute la journée, ignoraient qu'elle souffrait. Son cœur était tout gonflé de solitude mais ses larmes y étaient enfermées à double tour.

Un soir, penchée sur ses cahiers dans un coin du grenier, elle entend quelqu'un frapper à la lucarne. Un bruit de petites pattes qui tapent pour rentrer. Elle ouvre, et que voit-elle ? Un chat. Un énorme chat noir. Son poil luit dans la nuit. Il entre comme chez lui, vient se frotter contre elle. Elle a trouvé un ami. Il ne s'embarrasse pas de politesses. Ni s'il te plaît, ni merci. Ils sont amis et c'est tout. Ses yeux sont de couleur changeante, comme les mers qu'il a traversées.
Tout le monde a peur de cet énorme chat. Il ne se laisse toucher par personne excepté par son amie. Si d'autres veulent l'approcher, il devient un vrai fauve aux griffes acérées comme des poignards et aux dents de prédateur. Mais pour la petite fille, il n'est que velours et douceur. Ils se parlent en silence, se confient des secrets. C'est ainsi qu'elle apprend qu'il vient du bateau rouge, un imposant cargo arrivé la veille dans le port. L'équipage parle une langue que personne ne comprend. Ce sont des marins violents et frustes, prompts aux insultes et aux coups de couteau.
Le bateau est d'une beauté étrange. Sa cargaison se compose d'alcools rares et de tissus précieux. Mais sa présence inquiète et agite les esprits. Dans la ville, on murmure que cet alcool rend fou et que ceux qui portent les luxueuses étoffes meurent dans l'année. D'ailleurs, depuis l'arrivée du navire, une vague de violence a envahi la ville. Des enfants sont violés et retrouvés égorgés dans les ruelles du port.

Ces événements tragiques n'influençaient en rien la petite fille. Son désir de partir était très fort. Un jour, elle dit au chat :
— Le bateau rouge part ce soir. Allons vite au port, nous pourrons nous embarquer sans être vus.
— Ne prends pas ce bateau, il est maudit, répondit le chat.
Alors, par la lucarne du grenier, ils virent se dérouler une scène étrange. Des enfants tristes et silencieux traversaient la passerelle en file indienne. La petite fille reconnut des camarades de classe, ceux qui avaient été assassinés récemment. Étaient-ils vivants ou morts ? C'étaient des ombres d'enfants. Puis, toujours en silence, le bateau quitta la rive, s'éloigna et devint aussi petit qu'un fruit lisse au point de rencontre de la mer et du ciel.

Le lendemain en classe, la petite fille osa parler du bateau rouge. Elle dit que les enfants que l'on croyait assassinés y avaient embarqué la veille au soir. La maîtresse la traita de folle et tous ses camarades se moquèrent d'elle. Ils prétendirent qu'il n'y avait jamais eu de bateau rouge dans le port et que tous étaient blancs. Quant à leurs malheureux camarades, ils reposaient au cimetière.
— Tu vois, j'avais raison, dit le chat. Tu ne devais pas prendre ce bateau. Il transporte les âmes des enfants victimes d'une mort violente. Ce n'est pas ton destin.
Les jours et les saisons passèrent. La fillette parlait toujours de s'en aller.
— Reste encore avec moi, répondait son ami. Le temps de ton départ viendra bientôt. Je te dirai quel bateau prendre.

Un matin, en regardant par la lucarne, ils virent un paquebot blanc qui venait d'accoster au port.
— Voilà, c'est celui-ci, dit le chat. Viens avec moi, je t'accompagne sur le quai. Parmi les voyageurs qui descendaient du navire, un jeune anglais remarqua la beauté de la jeune fille et en tomba aussitôt amoureux. Ils firent connaissance, s'aimèrent et décidèrent de s'embarquer pour l'Angleterre, où ils avaient choisi de vivre.

Dès cet instant, le chat disparut. La jeune fille le chercha partout. Elle interrogea les marins, les passants et les commandants des bateaux. Personne n'avait remarqué de chat noir aux yeux couleur de mer. Enfin, un petit garçon vint à sa rencontre et s'adressa à elle :
— Moi, déclara-t-il, le grand chat qui parle, je l'ai vu. Il est parti hier soir sur un grand bateau rouge.
— Ce n'est pas vrai, interrompit son père. Le bateau était blanc, pas rouge ! Et bien entendu, le chat ne parlait pas ! Mon fils raconte n'importe quoi !
— Si, dit l'enfant avec assurance. Il est monté sur un bateau rouge. Et avant de partir, il a dit que ton enfance était finie et qu'il était venu t'aider à la traverser.

S.